Catéchèses Benoît XVI 13127

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Mercredi 13 juin 2007 - Eusèbe de Césarée

Chers frères et soeurs,

Dans l'histoire du christianisme antique, la distinction entre les trois premiers siècles et ceux qui suivirent le Concile de Nicée de 325, le premier Concile oecuménique, est fondamentale. Presque comme une "charnière" entre les deux périodes se trouvent ce qu'on appelle le "tournant constantinien" et la paix de l'Eglise, ainsi que la figure d'Eusèbe, Evêque de Césarée en Palestine. Il fut le représentant le plus qualifié de la culture chrétienne de son époque dans des contextes très variés, de la théologie à l'exégèse, de l'histoire à l'érudition. Eusèbe est en particulier célèbre comme le premier historien du christianisme, mais il fut également le plus grand philologue de l'Eglise antique.

A Césarée, où il faut probablement situer autour de 260 la naissance d'Eusèbe, Origène s'était réfugié en arrivant d'Alexandrie, et c'est là qu'il avait fondé une école et une importante bibliothèque. C'est précisément sur ces livres que devait se former, quelques décennies plus tard, le jeune Eusèbe. En 325, en tant qu'Evêque de Césarée, il joua un rôle important dans le Concile de Nicée. Il en approuva le Credo et l'affirmation de la pleine divinité du Fils de Dieu, défini pour cela "de la même substance" que le Père (homooúsios tõ Patrí). C'est pratiquement le même Credo que nous récitons chaque dimanche dans la sainte Liturgie. Admirateur sincère de Constantin, qui avait donné la paix à l'Eglise, Eusèbe en reçut à son tour l'estime et la considération. Il célébra l'empereur, non seulement dans ses oeuvres, mais également dans des discours officiels, prononcés lors du vingtième et du trentième anniversaire de son accession au trône, et après sa mort, qui eut lieu en 337. Deux ou trois ans plus tard, Eusèbe mourut lui aussi.

Chercheur inlassable, dans ses nombreux écrits, Eusèbe se propose de réfléchir et de faire le point sur trois siècles de christianisme, trois siècles vécus sous la persécution, en puisant largement aux sources chrétiennes et païennes conservées en particulier dans la grande bibliothèque de Césarée. Ainsi, malgré l'importance objective de ses oeuvres apologétiques, exégétiques et doctrinales, la réputation éternelle d'Eusèbe reste surtout liée aux dix livres de son Histoire ecclésiastique. C'est le premier qui a écrit une Histoire de l'Eglise, qui reste fondamentale grâce aux sources qu'Eusèbe a mises à notre disposition pour toujours. Avec cette Histoire, il réussit à sauver d'un oubli certain de nombreux événements, personnages et oeuvres littéraires de l'Eglise antique. Il s'agit donc d'une source primordiale pour la connaissance des premiers siècles du christianisme.

Nous pouvons nous demander de quelle façon il a structuré et avec quelles intentions il a rédigé cette oeuvre nouvelle. Au début de son premier livre, l'historien dresse avec précision la liste des thèmes qu'il entend traiter dans son oeuvre: "Je me suis proposé de mettre par écrit les successions des saints apôtres et les temps écoulés, à partir de ceux de notre Sauveur jusqu'à nous; toutes les grandes choses que l'on dit avoir été accomplies au cours de l'histoire de l'Eglise; tous ceux qui ont dirigé et guidé de manière éminente les plus illustres diocèses; et ceux qui, au cours de chaque génération, ont été des messagers de la Parole divine à travers la parole et les écrits; quelles et combien ont été les personnes, et à quelle époque, qui, poussées par un désir de nouveauté, après avoir persévéré le plus possible dans l'erreur, sont devenues des interprètes et des promoteurs d'une fausse doctrine, et comme des loups cruels, ont dévasté sans pitié le troupeau du Christ; ...et le nombre et les moyens avec lesquels, et à quelle époque, la Parole divine fut combattue par les païens; et les grands hommes qui, pour la défendre, sont passés à travers de dures épreuves de sang et de tortures; et, enfin, les témoignages de notre temps, et la miséricorde et la bienveillance de notre Sauveur envers nous tous" (1, 1, 1-2). Eusèbe traite de divers secteurs: la succession des Apôtres comme ossature de l'Eglise, la diffusion du message, les erreurs, puis les persécutions de la part des païens et les grands témoignage qui sont la lumière de cette Histoire. Dans tout cela transparaissent pour lui la miséricorde et la bienveillance du Sauveur. Eusèbe inaugure ainsi l'historiographie ecclésiastique, poussant son récit jusqu'en 324, année où Constantin, après la défaite de Licinius, fut acclamé unique empereur de Rome.

C'est l'année précédant le grand Concile de Nicée qu'il offre ensuite la "Summa" de ce que l'Eglise - d'un point de vue doctrinal, moral et aussi juridique - avait appris au cours de ses 300 ans.

La citation que nous venons de mentionner, tirée du premier livre de l'Histoire ecclésiastique, contient une répétition certainement intentionnelle. A trois reprises en quelques lignes seulement, revient le titre christologique de Sauveur, et il est explicitement fait référence à sa "miséricorde" et à sa "bienveillance". Nous pouvons ainsi saisir la perspective fondamentale de l'historiographie eusébienne: son histoire est une histoire "christocentrique" dans laquelle se révèle progressivement le mystère de l'amour de Dieu pour les hommes. Avec un étonnement authentique, Eusèbe reconnaît "qu'auprès de tous les hommes du monde entier seul Jésus est dit, confessé, reconnu Christ [c'est-à-dire Messie et Sauveur du monde], qu'il est rappelé avec ce nom également par les grecs et par les barbares, qu'aujourd'hui encore, il est honoré comme un roi par ses disciples présents dans le monde, admiré plus qu'un prophète, glorifié comme le vrai et unique prêtre de Dieu; et, plus encore, en tant que Logos de Dieu préexistant et tiré de l'être avant tous les temps, il a reçu du Père un honneur digne de vénération, et il est adoré comme Dieu. Mais la chose la plus extraordinaire de toutes est que, lorsque nous lui sommes consacrés, nous le célébrons non seulement avec les voix et le son des paroles, mais avec toutes les dispositions de l'âme, de sorte que nous plaçons avant nos vies elles-mêmes le témoignage que nous lui rendons" (1, 3, 19-20). C'est ainsi qu'apparaît au premier plan une autre caractéristique, qui restera constante dans l'antique historiographie ecclésiastique: c'est "l'intention morale" qui préside au récit. L'analyse historique n'est jamais une fin en elle-même; elle n'est pas seulement faite pour connaître le passé; elle vise plutôt de manière décidée à la conversion, et à un authentique témoignage de vie chrétienne de la part des fidèles. Elle est un guide pour nous-même.

De cette manière, Eusèbe interpelle vivement les croyants de chaque époque à propos de leur façon d'aborder les événements de l'histoire, et de l'Eglise en particulier. Il nous interpelle nous aussi: quelle est notre attitude à l'égard des événements de l'Eglise? Est-ce l'attitude de celui qui s'y intéresse par simple curiosité, peut-être en recherchant à tout prix ce qui est sensationnel ou scandaleux? Ou bien l'attitude pleine d'amour, et ouverte au mystère, de celui qui sait - par foi - pouvoir retrouver dans l'histoire de l'Eglise les signes de l'amour de Dieu et les grandes oeuvres du salut qu'il a accomplies? Si telle est notre attitude, nous ne pouvons que nous sentir encouragés à une réponse plus cohérente et généreuse, à un témoignage de vie plus chrétien pour laisser les signes de l'amour de Dieu également aux générations futures.

"Il y a un mystère", ne se lassait pas de répéter cet éminent expert des Pères de l'Eglise que fut le Cardinal Jean Daniélou: "Il y a un contenu caché dans l'histoire... Le mystère est celui des oeuvres de Dieu, qui constituent dans le temps la réalité authentique, cachée derrière les apparences... Mais cette histoire que Dieu réalise pour l'homme, il ne la réalise pas sans lui. S'arrêter pour contempler les "grandes choses" de Dieu signifierait ne voir qu'un aspect des choses. Face à celles-ci se trouve la réponse des hommes" (Essai sur le mystère de l'histoire - "Saggio sul mistero della storia", éd. it., Brescia 1963, p. 182). Après tant de siècles, aujourd'hui aussi Eusèbe de Césarée invite les croyants, il nous invite, à nous étonner, à contempler dans l'histoire les grandes oeuvres de Dieu pour le salut des hommes. Et avec tout autant d'énergie, il nous invite à la conversion de notre vie. En effet, face à un Dieu qui nous a aimés de cette manière, nous ne pouvons pas rester inertes. L'instance propre à l'amour est que la vie tout entière doit être orientée vers l'imitation de l'Aimée. Faisons donc tout notre possible pour laisser dans notre vie une trace transparente de l'amour de Dieu.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, les invitant à porter un regard plein d’espérance sur le monde, que Dieu aime et dans lequel il les appelle à témoigner du Christ Sauveur.


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Mercredi 20 juin 2007 - Saint Athanase

Chers frères et soeurs,

En poursuivant notre évocation des grands Maîtres de l'Eglise antique, nous voulons aujourd'hui tourner notre attention vers saint Athanase d'Alexandrie. Cet authentique protagoniste de la tradition chrétienne, déjà quelques années avant sa mort, fut célébré comme "la colonne de l'Eglise" par le grand théologien et Evêque de Constantinople Grégroire de Nazianze (Discours 21, 26), et il a toujours été considéré comme un modèle d'orthodoxie, aussi bien en Orient qu'en Occident. Ce n'est donc pas par hasard que Gian Lorenzo Bernini en plaça la statue parmi celles des quatre saints Docteurs de l'Eglise orientale et occidentale - avec Ambroise, Jean Chrysostome et Augustin -, qui dans la merveilleuse abside la Basilique vaticane entourent la Chaire de saint Pierre.

Athanase a été sans aucun doute l'un des Pères de l'Eglise antique les plus importants et les plus vénérés. Mais ce grand saint est surtout le théologien passionné de l'incarnation, du Logos, le Verbe de Dieu, qui - comme le dit le prologue du quatrième Evangile - "se fit chair et vint habiter parmi nous" (Jn 1,14). C'est précisément pour cette raison qu'Athanase fut également l'adversaire le plus important et le plus tenace de l'hérésie arienne, qui menaçait alors la foi dans le Christ, réduit à une créature "intermédiaire" entre Dieu et l'homme, selon une tendance récurrente dans l'histoire et que nous voyons en oeuvre de différentes façons aujourd'hui aussi. Probablement né à Alexandrie vers l'an 300, Athanase reçut une bonne éducation avant de devenir diacre et secrétaire de l'Evêque de la métropole égyptienne, Alexandre. Proche collaborateur de son Evêque, le jeune ecclésiastique prit part avec lui au Concile de Nicée, le premier à caractère oecuménique, convoqué par l'empereur Constantin en mai 325 pour assurer l'unité de l'Eglise. Les Pères nicéens purent ainsi affronter diverses questions et principalement le grave problème né quelques années auparavant à la suite de la prédication du prêtre alexandrin Arius.

Celui-ci, avec sa théorie, menaçait l'authentique foi dans le Christ, en déclarant que le Logos n'était pas le vrai Dieu, mais un Dieu créé, un être "intermédiaire" entre Dieu et l'homme, ce qui rendait ainsi le vrai Dieu toujours inaccessible pour nous. Les Evêques réunis à Nicée répondirent en mettant au point et en fixant le "Symbole de la foi" qui, complété plus tard par le premier Concile de Constantinople, est resté dans la tradition des différentes confessions chrétiennes et dans la liturgie comme le Credo de Nicée-Constantinople. Dans ce texte fondamental - qui exprime la foi de l'Eglise indivise, et que nous répétons aujourd'hui encore, chaque dimanche, dans la célébration eucharistique - figure le terme grec homooúsios, en latin consubstantialis: celui-ci veut indiquer que le Fils, le Logos est "de la même substance" que le Père, il est Dieu de Dieu, il est sa substance, et ainsi est mise en lumière la pleine divinité du Fils, qui était en revanche niée par le ariens.

A la mort de l'Evêque Alexandre, Athanase devint, en 328, son successeur comme Evêque d'Alexandrie, et il se révéla immédiatement décidé à refuser tout compromis à l'égard des théories ariennes condamnées par le Concile de Nicée. Son intransigeance, tenace et parfois également très dure, bien que nécessaire, contre ceux qui s'étaient opposés à son élection épiscopale et surtout contre les adversaires du Symbole de Nicée, lui valut l'hostilité implacable des ariens et des philo-ariens. Malgré l'issue sans équivoque du Concile, qui avait clairement affirmé que le Fils est de la même substance que le Père, peu après, ces idées fausses prévalurent à nouveau - dans ce contexte, Arius lui-même fut réhabilité -, et elles furent soutenues pour des raisons politiques par l'empereur Constantin lui-même et ensuite par son fils Constance II. Celui-ci, par ailleurs, qui ne se souciait pas tant de la vérité théologique que de l'unité de l'empire et de ses problèmes politiques, voulait politiser la foi, la rendant plus accessible - à son avis - à tous ses sujets dans l'empire.

La crise arienne, que l'on croyait résolue à Nicée, continua ainsi pendant des décennies, avec des événements difficiles et des divisions douloureuses dans l'Eglise. Et à cinq reprises au moins - pendant une période de trente ans, entre 336 et 366 - Athanase fut obligé d'abandonner sa ville, passant dix années en exil et souffrant pour la foi. Mais au cours de ses absences forcées d'Alexandrie, l'Evêque eut l'occasion de soutenir et de diffuser en Occident, d'abord à Trèves puis à Rome, la foi nicéenne et également les idéaux du monachisme, embrassés en Egypte par le grand ermite Antoine, à travers un choix de vie dont Athanase fut toujours proche. Saint Antoine, avec sa force spirituelle, était la personne qui soutenait le plus la foi de saint Athanase. Réinstallé définitivement dans son Siège, l'Evêque d'Alexandrie put se consacrer à la pacification religieuse et à la réorganisation des communautés chrétiennes. Il mourut le 2 mai 373, jour où nous célébrons sa mémoire liturgique.

L'oeuvre doctrinale la plus célèbre du saint Evêque alexandrin est le traité Sur l'incarnation du Verbe, le Logos divin qui s'est fait chair en devenant comme nous pour notre salut. Dans cette oeuvre, Athanase dit, avec une affirmation devenue célèbre à juste titre, que le Verbe de Dieu "s'est fait homme pour que nous devenions Dieu; il s'est rendu visible dans le corps pour que nous ayons une idée du Père invisible, et il a lui-même supporté la violence des hommes pour que nous héritions de l'incorruptibilité" (54, 3). En effet, avec sa résurrection le Seigneur a fait disparaître la mort comme "la paille dans le feu" (8, 4). L'idée fondamentale de tout le combat théologique de saint Athanase était précisément celle que Dieu est accessible. Il n'est pas un Dieu secondaire, il est le vrai Dieu, et, à travers notre communion avec le Christ, nous pouvons nous unir réellement à Dieu. Il est devenu réellement "Dieu avec nous".

Parmi les autres oeuvres de ce grand Père de l'Eglise - qui demeurent en grande partie liées aux événements de la crise arienne - rappelons ensuite les autres lettres qu'il adressa à son ami Sérapion, Evêque de Thmuis, sur la divinité de l'Esprit Saint, qui est affirmée avec netteté, et une trentaine de lettres festales, adressées en chaque début d'année aux Eglises et aux monastères d'Egypte pour indiquer la date de la fête de Pâques, mais surtout pour assurer les liens entre les fidèles, en renforçant leur foi et en les préparant à cette grande solennité.

Enfin, Athanase est également l'auteur de textes de méditation sur les Psaumes, ensuite largement diffusés, et d'une oeuvre qui constitue le best seller de la littérature chrétienne antique: la Vie d'Antoine, c'est-à-dire la biographie de saint Antoine abbé, écrite peu après la mort de ce saint, précisément alors que l'Evêque d'Alexandrie, exilé, vivait avec les moines dans le désert égyptien. Athanase fut l'ami du grand ermite, au point de recevoir l'une des deux peaux de moutons laissées par Antoine en héritage, avec le manteau que l'Evêque d'Alexandrie lui avait lui-même donné. Devenue rapidement très populaire, traduite presque immédiatement en latin à deux reprises et ensuite en diverses langues orientales, la biographie exemplaire de cette figure chère à la tradition chrétienne contribua beaucoup à la diffusion du monachisme en Orient et en Occident. Ce n'est pas un hasard si la lecture de ce texte, à Trèves, se trouve au centre d'un récit émouvant de la conversion de deux fonctionnaires impériaux, qu'Augustin place dans les Confessions (VIII, 6, 15) comme prémisses de sa conversion elle-même.

Du reste, Athanase lui-même montre avoir clairement conscience de l'influence que pouvait avoir sur le peuple chrétien la figure exemplaire d'Antoine. Il écrit en effet dans la conclusion de cette oeuvre: "Qu'il fut partout connu, admiré par tous et désiré, également par ceux qui ne l'avaient jamais vu, est un signe de sa vertu et de son âme amie de Dieu. En effet, ce n'est pas par ses écrits ni par une sagesse profane, ni en raison de quelque capacité qu'Antoine est connu, mais seulement pour sa piété envers Dieu. Et personne ne pourrait nier que cela soit un don de Dieu. Comment, en effet, aurait-on entendu parler en Espagne et en Gaule, à Rome et en Afrique de cet homme, qui vivait retiré parmi les montagnes, si ce n'était Dieu lui-même qui l'avait partout fait connaître, comme il le fait avec ceux qui lui appartiennent, et comme il l'avait annoncé à Antoine dès le début? Et même si ceux-ci agissent dans le secret et veulent rester cachés, le Seigneur les montre à tous comme un phare, pour que ceux qui entendent parler d'eux sachent qu'il est possible de suivre les commandements et prennent courage pour parcourir le chemin de la vertu" (Vie d'Antoine 93, 5-6).
Oui, frères et soeurs! Nous avons de nombreux motifs de gratitude envers Athanase. Sa vie, comme celle d'Antoine et d'innombrables autres saints, nous montre que "celui qui va vers Dieu ne s'éloigne pas des hommes, mais qu'il se rend au contraire proche d'eux" (Deus caritas Est 42).

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Rencontre avec des groupes dans la Basilique Saint-Pierre


Chers pèlerins de langue française,

je vous accueille avec joie auprès de la tombe de Pierre. Que la démarche spirituelle que vous accomplissez ici affermisse votre foi au Christ et votre lien avec l’Église.

En vous confiant à l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, je vous assure de ma prière pour vous, pour vos familles et à toutes vos intentions.

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Aula Paolo VI


Je salue cordialement les pèlerins de langue française. À la lumière de l’enseignement et de la vie des saints, puissiez-vous découvrir que ceux qui vont vers Dieu ne s’éloignent pas des hommes, mais qu’ils se rendent au contraire vraiment proches d’eux.
Appel du Pape Benoît XVI pour la Journée mondiale des Réfugiés

On célèbre aujourd'hui la Journée mondiale des Réfugiés, promue par les Nations unies pour que l'attention de l'opinion publique ne manque pas à ceux qui ont été obligés de fuir de leurs pays à la suite de réels dangers pour leur vie. Accueillir les réfugiés et leur accorder l'hospitalité représente pour tous un geste juste de solidarité humaine, afin que ces derniers ne se sentent pas isolés à cause de l'intolérance et du manque d'intérêt. En outre, il s'agit pour les chrétiens de manifester l'amour évangélique d'une manière concrète. Je souhaite de tout coeur que soient garantis l'asile et la reconnaissance de leurs droits à nos frères et soeurs durement éprouvés par la souffrance, et j'invite les responsables des nations à offrir leur protection à ceux qui se trouvent dans une situation de besoin aussi délicate.



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Mercredi 27 juin 2007 - Saint Cyrille de Jérusalem

Chers frères et soeurs!

Notre attention se concentre aujourd'hui sur saint Cyrille de Jérusalem. Sa vie représente le mélange de deux dimensions: d'une part, le soin pastoral et, de l'autre, la participation - malgré lui - aux controverses enflammées qui troublaient alors l'Eglise d'Orient. Né autour de 315 à Jérusalem, ou dans ses environs, Cyrille reçut une excellente formation littéraire; ce fut la base de sa culture ecclésiastique, centrée sur l'étude de la Bible. Ordonné prêtre par l'Evêque Maxime, lorsque celui-ci mourut ou fut déposé, en 348, il fut ordonné Evêque par Acacius, Archevêque métropolitain influent de Césarée de Palestine, philo-arien, qui était convaincu d'avoir trouvé en lui un allié. Il fut donc soupçonné d'avoir obtenu la nomination épiscopale grâce à des concessions à l'arianisme.

En réalité, Cyrille se heurta très vite à Acacius non seulement sur le terrain doctrinal, mais également sur le terrain juridictionnel, car Cyrille revendiquait l'autonomie de son siège par rapport à l'Eglise métropolitaine de Césarée. En vingt ans, Cyrille connut trois exils: le premier en 357, à la suite d'une déposition de la part d'un Synode de Jérusalem, suivi en 360 par un deuxième exil voulu par Acacius et, enfin, par un troisième, le plus long - il dura onze ans - en 367, à l'initiative de l'empereur philo-arien Valente. Ce n'est qu'en 378, après la mort de l'empereur, que Cyrille put reprendre définitivement possession de son siège, en rétablissant l'unité et la paix entre les fidèles.

D'autres sources, également anciennes, appuient la thèse de son orthodoxie, mise en doute par plusieurs sources de l'époque. Parmi celles-ci, la lettre synodale de 382, après le deuxième Concile oecuménique de Constantinople (381), auquel Cyrille avait participé en jouant un rôle important, est celle qui fait le plus autorité. Dans cette lettre, envoyée au Pontife romain, les Evêques orientaux reconnaissent officiellement l'orthodoxie la plus absolue de Cyrille, la légitimité de son ordination épiscopale et les mérites de son service pastoral, que la mort conclura en 387.

Nous conservons de lui vingt-quatre catéchèses célèbres, qu'il présenta en tant qu'Evêque vers 350. Introduites par une Procatéchèse d'accueil, les dix-huit premières sont adressées aux catéchumènes ou illuminands (photizomenoi); elles furent tenues dans la Basilique du Saint-Sépulcre. Les premières (1-5) traitent chacune, respectivement, des dispositions préalables au Baptême, de la conversion des coutumes païennes, du sacrement du Baptême, des dix vérités dogmatiques contenues dans le Credo ou Symbole de la foi. Les suivantes (6-18) constituent une "catéchèse continue" sur le Symbole de Jérusalem, dans une optique anti-arienne. Dans les cinq dernières (19-23), appelées "mystagogiques", les deux premières développent un commentaire aux rites du Baptême, les trois dernières portent sur le chrême, sur le Corps et le Sang du Christ et sur la liturgie eucharistique. On y trouve une explication du Notre Père (Oratio dominica): celle-ci établit un chemin d'initiation à la prière, qui se développe parallèlement à l'initiation aux trois sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l'Eucharistie.

La base de l'instruction sur la foi chrétienne se déroulait également dans un but polémique contre les païens, les judéo-chrétiens et les manichéens. L'argumentation était fondée sur la réalisation des promesses de l'Ancien Testament, dans un langage riche d'images. La catéchèse était un moment important, inséré dans le vaste contexte de toute la vie, en particulier liturgique, de la communauté chrétienne, dans le sein maternel de laquelle avait lieu la gestation du futur fidèle, accompagnée par la prière et le témoignage des frères. Dans leur ensemble, les homélies de Cyrille constituent une catéchèse systématique sur la renaissance du chrétien à travers le Baptême. Il dit au catéchumène: "Tu es tombé dans les filets de l'Eglise (cf. Mt 13,47). Laisse-toi donc prendre vivant; ne t'enfuis pas, car c'est Jésus qui te prend à son hameçon, non pour te donner la mort mais la résurrection après la mort. Tu dois en effet mourir et ressusciter (cf. Rm 6,11 Rm 6,14). Meurs au péché, et vis pour la justice dès aujourd'hui" (Procatéchèse 5).

Du point de vue doctrinal, Cyrille commente le Symbole de Jérusalem en ayant recours à la typologie des Ecritures, dans un rapport "symphonique" entre les deux "Testaments", pour arriver au Christ, centre de l'univers. La typologie sera décrite de manière incisive par Augustin d'Hippone: "L'Ancien Testament est le voile du Nouveau Testament, et dans le Nouveau Testament se manifeste l'Ancien" (De catechizandis rudibus, 4, 8). Quant à la catéchèse morale, elle est ancrée de manière profondément unie à la catéchèse doctrinale: l'on fait progressivement descendre le dogme dans les âmes, qui sont ainsi sollicitées à transformer les comportements païens sur la base de la nouvelle vie en Christ, don du Baptême. Enfin, la catéchèse "mystagogique" marquait le sommet de l'instruction que Cyrille dispensait non plus aux catéchumènes, mais aux nouveaux baptisés ou néophytes au cours de la semaine pascale. Celle-ci les introduisait à découvrir, sous les rites baptismaux de la Veillée pascale, les mystères qui y étaient contenus et qui n'étaient pas encore révélés. Illuminés par la lumière d'une foi plus profonde en vertu du Baptême, les néophytes étaient finalement en mesure de mieux les comprendre, ayant désormais célébré leurs rites.

Avec les néophytes d'origine grecque, Cyrille s'appuyait en particulier sur la faculté visuelle qui leur était particulièrement adaptée. C'était le passage du rite au mystère, qui valorisait l'effet psychologique de la surprise et l'expérience vécue au cours de la nuit pascale. Voici un texte qui explique le mystère du Baptême: "A trois reprises vous avez été immergés dans l'eau et à chaque fois vous en êtes ressortis, pour symboliser les trois jours de la sépulture du Christ, c'est-à-dire imitant à travers ce rite notre Sauveur, qui passa trois jours et trois nuits dans le sein de la terre (cf. Mt 12,40). Lors de la première émersion de l'eau, vous avez célébré le souvenir du premier jour passé par le Christ dans le sépulcre, de même qu'avec la première immersion vous en avez confessé la première nuit passée dans le sépulcre: vous avez été vous aussi comme celui qui est dans la nuit et qui ne voit pas, et celui qui, en revanche, est au jour et jouit de la lumière. Alors qu'auparavant vous étiez plongés dans la nuit et ne pouviez rien voir, en émergeant, en revanche, vous vous êtes trouvés en plein jour. Mystère de la mort et de la naissance, cette eau du salut a été pour vous une tombe et une mère... Pour vous... le moment pour mourir coïncida avec le moment pour naître: un seul et même moment a réalisé les deux événements" (Deuxième catéchèse mystagogique, 4).

Le mystère qu'il faut saisir est le dessein du Christ, qui se réalise à travers les actions salvifiques du Christ dans l'Eglise. A son tour, la dimension mystagogique s'accompagne de celle des symboles, qui expriment le vécu spirituel qu'ils font "exploser". Ainsi, la catéchèse de Cyrille, sur la base des trois composantes décrites - doctrinale, morale et, enfin mystagogique -, apparaît comme une catéchèse globale dans l'Esprit. La dimension mystagogique réalise la synthèse des deux premières, en les orientant vers la célébration sacramentelle, dans laquelle se réalise le salut de tout l'homme.

Il s'agit, en définitive, d'une catéchèse intégrale, qui - concernant le corps, l'âme et l'esprit - reste emblématique également pour la formation catéchétique des chrétiens d'aujourd'hui.
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J'accueille avec plaisir tous les pèlerins de langue française présents ce matin. A l'exemple de saint Cyrille, mettez le Christ au centre de votre vie, de votre prière, de votre action. Bon séjour à Rome!
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Salut du Pape aux fidèles réunis dans la Basilique Saint-Pierre


Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents dans cette Basilique et venus en pèlerinage sur les tombes des Apôtres et présents ce matin. Je vous invite à vivre ce temps fort comme un ressourcement dans la foi et un engagement renouvelé à suivre le Christ. Vous assurant de ma prière, je vous confie tous à l’intercession de la Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère.


Salle Paul VI

Mercredi 4 juillet 2007 - Saint-Basile

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Chers frères et soeurs!

Aujourd'hui, nous voulons rappeler l'un des grands Pères de l'Eglise, saint Basile, défini par les textes liturgiques byzantins comme une "lumière de l'Eglise". Il fut un grand Evêque du IV siècle, que l'Eglise d'Orient tout comme celle d'Occident considère avec admiration, en raison de sa sainteté de vie, de l'excellence de sa doctrine et de la synthèse harmonieuse entre ses qualités spéculatives et pratiques. Il naquit autour de 330 dans une famille de saints, "authentique Eglise domestique", qui vivait dans un climat de foi profonde. Il accomplit ses études auprès des meilleurs maîtres d'Athènes et de Constantinople. Insatisfait de ses succès dans le monde, et s'étant rendu compte qu'il avait perdu beaucoup de temps en vanités, il confesse lui-même: "Un jour, comme me réveillant d'un sommeil profond, je me tournai vers l'admirable lumière de la vérité de l'Evangile..., et je pleurai sur ma vie misérable" (cf. Ep. 223, PG 32, 824a). Attiré par le Christ, il commença à regarder vers Lui et à n'écouter que Lui (cf. Moralia 80, 1: PG 31, 860bc.). Il se consacra avec détermination à la vie monastique dans la prière, dans la méditation des Saintes Ecritures et des écrits des Pères de l'Eglise, et dans l'exercice de la charité (cf. Epp. 2 et 22), suivant également l'exemple de sa soeur, sainte Macrine, qui vivait déjà dans l'ascétisme monacal. Il fut ensuite ordonné prêtre et, enfin, en 370, Evêque de Césarée de Cappadoce, dans l'actuelle Turquie.

A travers sa prédication et ses écrits, il accomplit une intense activité pastorale, théologique et littéraire. Avec un sage équilibre, il sut concilier le service des âmes et le dévouement à la prière et à la méditation dans la solitude. Fort de son expérience personnelle, il encouragea la fondation de nombreuses "fraternités" ou communautés de chrétiens consacrés à Dieu, auxquelles il rendait fréquemment visite (cf. Grégoire de Nazianze, Oratio 43, 29 in laudem Basilii: PG 36, 536b). A travers la parole et les écrits, dont un grand nombre sont parvenus jusqu'à nous (cf. Regulae brevius tractatae, Préambule: PG 31, 1080ab), il les exhortait à vivre et à progresser dans la perfection. Divers législateurs du monachisme antique ont puisé à ses oeuvres, dont saint Benoît, qui considérait Basile comme son maître (cf. Regula 73, 5). En réalité, il a créé un monachisme très particulier: non pas fermé à l'Eglise locale, mais ouvert à elle. Ses moines faisaient partie de l'Eglise particulière, ils en étaient le centre vivant qui, précédant les autres fidèles à la suite du Christ, et non seulement dans la foi, montrait la ferme adhésion au Christ - l'amour pour Lui - surtout dans les oeuvres de charité. Ces moines, qui avaient des écoles et des hôpitaux, étaient au service des pauvres et ont ainsi montré l'intégrité de la vie chrétienne. Ainsi, écrivait le Serviteur de Dieu Jean-Paul II: "Beaucoup pensent que cette institution importante qu'est la vie monastique dans la structure de toute l'Eglise, a été établie au cours des siècles surtout par saint Basile ou au moins qu'elle n'a pas été définie selon sa nature propre sans sa participation décisive" (Lettre apostolique Patres Ecclesiae, n. 2).

En tant qu'Evêque et pasteur de son vaste diocèse, Basile se soucia constamment des conditions matérielles difficiles dans lesquelles vivaient les fidèles; il dénonça avec fermeté les maux; il s'engagea en faveur des plus pauvres et des laissés-pour-compte; il intervint également auprès des gouvernants pour soulager les souffrances de la population, en particulier dans les périodes de catastrophes; il se préoccupa de la liberté de l'Eglise, s'opposant également aux puissants pour défendre le droit de professer la vraie foi (cf. Grégoire de Nazianze, Oratio 43, 48-51 in Laudem Basilii: PG 36, 557c-561c). A Dieu, qui est amour et charité, Basile rendit un précieux témoignage, en construisant plusieurs hospices pour les plus démunis (cf. Basile, Ep. 94, PG 32, 488bc), une sorte de ville de la miséricorde, qui prit de lui son nom de Basiliade (cf. Sozomène, Historia
Qo 6,34, PG 67, 1397a). Celle-ci se trouve à l'origine des institutions hospitalières modernes d'accueil et de soin des malades.

Conscient que "la liturgie est le sommet vers lequel tend l'action de l'Eglise, et en même temps la source dont émane toute sa vertu" (Sacrosanctum Concilium SC 10), Basile, bien que toujours soucieux de réaliser la charité qui est la caractéristique de la foi, fut également un sage "réformateur liturgique" (cf. Grégoire de Nazianze, Oratio 43, 34 in laudem Basilii: PG 36, 541c). En effet, il nous a laissé une grande prière eucharistique [ou anaphore] qui tire son nom de lui, et il a donné une organisation fondamentale à la prière et à la psalmodie: sur son impulsion, le peuple aima et connut les Psaumes, et il se rendait en prière également la nuit (cf. Basile, In Psalmum 1, 1-2: PG 29, 212a-213c). Et ainsi, nous voyons que liturgie, adoration, prière avec l'Eglise et charité vont de pair et se conditionnent réciproquement.

Basile sut s'opposer avec zèle et courage aux hérétiques, qui niaient que Jésus Christ soit Dieu comme le Père (cf. Basile, Ep. 9,3, PG 32, 272a; Ep. 52,1-3, PG 32, 392b-396a; Adv. Eunomium 1, 20: PG 29, 556c). De même, contre ceux qui n'acceptaient pas la divinité de l'Esprit Saint, il soutint que l'Esprit est Dieu lui aussi, et "doit être compté et glorifié avec le Père et le Fils" (cf. De Spiritu Sancto: SC 17bis, 348). C'est pourquoi Basile est l'un des grands Pères qui ont formulé la doctrine sur la Trinité: l'unique Dieu, précisément parce qu'il est amour, est un Dieu en trois Personnes, qui forment l'unité la plus profonde qui existe: l'unité divine.

Dans son amour pour le Christ et pour son Evangile, le grand Cappadocien s'engagea également à recomposer les divisions au sein de l'Eglise (cf. Epp. 70 et 243), se prodiguant afin que tous se convertissent au Christ et à sa Parole (cf. De iudicio 4: PG 31, 660b-661a), force unificatrice, à laquelle tous les croyants doivent obéir (cf. ibid. 1-3: PG 31, 653a-656c).

En conclusion, Basile se dévoua totalement au service fidèle de l'Eglise et à l'exercice du ministère épiscopal aux multiples aspects. Selon le programme qu'il traça lui-même, il devint "apôtre et ministre du Christ, dispensateur des mystères de Dieu, héraut du royaume, modèle et règle de piété, oeil du corps de l'Eglise, pasteur des brebis du Christ, pieux médecin, père et nourricier, coopérateur de Dieu, vigneron de Dieu, bâtisseur du temple de Dieu" (cf. Moralia 80, 11-20: PG 31, 864b-868b).

C'est ce programme que le saint Evêque remet aux annonciateurs de la Parole - hier comme aujourd'hui -, un programme qu'il s'engagea lui-même généreusement à mettre en pratique. En 379, Basile, qui n'avait pas encore cinquante ans, consumé par les peines et par l'ascèse, retourna à Dieu, "dans l'espérance de la vie éternelle, à travers Jésus Christ notre Seigneur" (De Baptismo 1, 2, 9). C'était un homme qui a véritablement vécu avec le regard fixé sur le Christ. C'était un homme d'amour envers son prochain. Empli de l'espérance et de la joie de la foi, Basile nous montre comment être réellement chrétiens.
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Basilique Vaticane


Chers pèlerins de langue française, je vous accueille avec joie auprès de la tombe de Pierre. Que la démarche spirituelle que vous accomplissez ici affermisse votre foi au Christ et votre lien à l’Église. En vous confiant à l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, je vous assure de ma prière pour vous et pour vos familles, et à toutes vos intentions.
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Salle Paul VI


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, particulièrement les Soeurs de St Joseph de l’Apparition réunies à Rome pour leur Chapitre général et les jeunes de France et de Belgique. Évoquant la figure de saint Basile, je vous invite à prier pour les Évêques du monde entier, afin que chacun d’eux soit une fidèle image du Christ bon Pasteur.




Catéchèses Benoît XVI 13127