Catéchèses Benoît XVI 28040

Mercredi 28 avril 2010 - Saint Léonard Murialdo et Saint Joseph Benoît Cottolengo

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Chers frères et soeurs,

Nous nous approchons de la conclusion de l'Année sacerdotale et, en ce dernier mercredi d'avril, je voudrais parler de deux saints prêtres exemplaires dans leur don à Dieu et dans le témoignage de charité, vécu dans l'Eglise et pour l'Eglise, à l'égard de leurs frères les plus nécessiteux; saint Léonard Murialdo et saint Joseph Benoît Cottolengo. Du premier, nous commémorons le 110 anniversaire de la mort et le 40 anniversaire de sa canonisation; les célébrations pour le deuxième centenaire de l'ordination sacerdotale du second viennent de débuter.

Léonard Murialdo naquit à Turin, le 26 octobre 1828: c'est la Turin de saint Jean Bosco, de saint Joseph Cottolengo lui-même, une terre fécondée par de si nombreux exemples de sainteté de fidèles laïcs et de prêtres. Léonard est le huitième enfant d'une famille modeste. Enfant, avec son frère, il entra au collège des Pères scolopes de Savone, et suivit le cours élémentaire, le collège et le lycée: il trouva des éducateurs formés, dans une atmosphère de religiosité fondée sur une catéchèse sérieuse, avec des pratiques de piété régulières. Pendant son adolescence, il vécut toutefois une profonde crise existentielle et spirituelle qui le conduisit à anticiper le retour en famille et à conclure ses études à Turin, en s'inscrivant au cours biennal de philosophie. Le "retour à la lumière" eut lieu - comme il le raconte - quelques mois plus tard, avec la grâce d'une confession générale, dans laquelle il redécouvrit l'immense miséricorde de Dieu; il mûrit alors à 17 ans la décision de devenir prêtre, en réponse d'amour à Dieu dont l'amour l'avait saisi. Il fut ordonné le 20 septembre 1851. C'est à cette époque que, comme catéchiste de l'Oratoire de l'Ange gardien, Don Bosco fit sa connaissance, l'apprécia et le convainquit d'accepter la direction du nouvel Oratoire de Saint-Louis à Porta Nuova, qu'il dirigea jusqu'en 1865. Là, il fut au contact des graves problèmes des classes sociales les plus pauvres, il visita leurs maisons, mûrissant une profonde sensibilité sociale, éducative et apostolique qui le conduisit à se consacrer de manière autonome à de multiples initiatives en faveur de la jeunesse. Catéchèse, école, activités récréatives furent les fondements de sa méthode éducative à l'Oratoire. Don Bosco le voulut à nouveau à ses côtés lors de l'audience accordée par le bienheureux Pie ix en 1858.

En 1873, il fonda la Congrégation de Saint-Joseph, dont l'objectif apostolique fut, dès le départ, la formation de la jeunesse, en particulier la plus pauvre et abandonnée. Le contexte turinois de l'époque fut marqué par l'intense floraison d'oeuvres et d'activités caritatives promues par Léonard Murialdo jusqu'à sa mort, le 30 mars 1900.

Je suis heureux de souligner que le noyau central de la spiritualité de Léonard Murialdo est la conviction de l'amour miséricordieux de Dieu: un Père toujours bon, patient et généreux, qui révèle la grandeur et l'immensité de sa miséricorde avec le pardon. Cette réalité, saint Léonard en fit l'expérience au niveau non pas intellectuel, mais existentiel, à travers la rencontre vivante avec le Seigneur. Il se considéra toujours comme un homme touché par la grâce du Seigneur: c'est pourquoi il vécut le sentiment joyeux de la gratitude au Seigneur, la conscience sereine de sa propre limite, le désir ardent de pénitence, l'engagement constant et généreux de conversion. Il voyait toute son existence non seulement illuminée, guidée, soutenue par cet amour, mais continuellement plongée dans la miséricorde infinie de Dieu. Il écrivit dans son Testament spirituel: "Ta miséricorde m'enveloppe, ô Seigneur... Comme Dieu est toujours et partout, de même il est toujours et partout amour, il est toujours et partout miséricorde". Se souvenant du moment de crise qu'il avait eu dans sa jeunesse, il notait: "Voici que le bon Dieu voulait faire resplendir encore sa bonté et sa générosité de manière tout à fait singulière. Non seulement il m'admit à nouveau dans son amitié, mais il m'appela à un choix de prédilection: il m'appela au sacerdoce, et ce à peine quelques mois après mon retour à lui". Saint Léonard vécut donc sa vocation sacerdotale comme un don gratuit de la miséricorde de Dieu avec le sens de la reconnaissance, la joie et l'amour. Il écrivit encore: "Dieu m'a choisi! Il m'a appelé, il m'a même forcé à l'honneur, à la gloire, au bonheur ineffable d'être son ministre, d'être "un autre Christ"... Où étais-je lorsque tu m'as cherché, mon Dieu? Au fond de l'abîme! J'étais là, et c'est là que Dieu vint me chercher; c'est là qu'il me fit entendre sa voix...".

Soulignant la grandeur de la mission du prêtre qui doit "continuer l'oeuvre de la rédemption, la grande oeuvre de Jésus Christ, l'OEuvre du Sauveur du monde", c'est-à-dire celle de "sauver les âmes", saint Léonard se rappelait toujours à lui-même, ainsi qu'à ses confrères, la responsabilité d'une vie cohérente avec le sacrement reçu. Amour de Dieu et amour pour Dieu: telle fut la force de son chemin de sainteté, la loi de son sacerdoce, la signification la plus profonde de son apostolat parmi les jeunes pauvres et la source de sa prière. Saint Léonard Murialdo s'est abandonné avec confiance à la Providence, en accomplissant généreusement la volonté divine, dans le contact avec Dieu et en se consacrant aux jeunes pauvres. De cette manière, il a uni le silence contemplatif à l'ardeur inlassable de l'action, la fidélité aux devoirs de chaque jour avec le caractère génial de ses initiatives, la force dans les difficultés avec la sérénité de l'esprit. Tel est son chemin de sainteté pour vivre le commandement de l'amour, envers Dieu et envers son prochain.

C'est avec le même esprit de charité qu'a vécu, quarante ans avant Léonard Murialdo, saint Joseph Benoît Cottolengo, fondateur de l'oeuvre qu'il intitula lui-même "Petite maison de la divine Providence" et également appelée aujourd'hui "Cottolengo". Dimanche prochain, lors de ma visite pastorale à Turin, j'aurai l'occasion de vénérer la dépouille mortelle de ce saint et de rencontrer les hôtes de la "Petite maison".

Joseph Benoît Cottolengo naquit à Bra, une petite ville de la province de Cuneo, le 3 mai 1786. Aîné d'une famille de douze enfants, dont six moururent en bas âge, il fit preuve dès l'enfance d'une grande sensibilité envers les pauvres. Il suivit la voie du sacerdoce, imité également par deux de ses frères. Les années de sa jeunesse furent celles de l'aventure napoléonienne et des difficultés qui s'ensuivirent dans les domaines religieux et social. Cottolengo devint un bon prêtre, recherché par de nombreux pénitents et, dans la ville de Turin de l'époque, le prédicateur d'exercices spirituels et de conférences pour les étudiants universitaires, auprès desquels il remportait toujours un grand succès. A l'âge de 32 ans, il fut nommé chanoine de la Très Sainte Trinité, une congrégation de prêtres qui avait pour tâche d'officier dans l'Eglise du Corpus Domini et de conférer leur dignité aux cérémonies religieuses de la ville, mais cette situation ne le satisfaisait pas. Dieu le préparait à une mission particulière, et, précisément à la suite d'une rencontre inattendue et décisive, il lui fit comprendre quel aurait été son destin futur dans l'exercice de son ministère.

Le Seigneur place toujours des signes sur notre chemin pour nous guider selon sa volonté vers notre bien véritable. Pour Cottolengo, cela se produisit, de manière dramatique, le dimanche matin du 2 septembre 1827. Provenant de Milan, une diligence plus pleine que jamais arriva à Turin, dans laquelle s'entassait une famille française tout entière, dont la femme, avec ses cinq enfants, se trouvait dans un état de grossesse avancée et avec une forte fièvre. Après s'être rendue dans plusieurs hôpitaux, cette famille trouva un logement dans un dortoir public, mais la situation de la femme s'aggrava et plusieurs personnes se mirent à la recherche d'un prêtre. Par un mystérieux dessein, il croisèrent Cottolengo, et ce fut précisément lui qui, le coeur lourd et opprimé, accompagna cette jeune mère vers la mort, entourée du désespoir de toute sa famille. Après avoir accompli ce douloureux devoir, la mort dans l'âme, il se rendit devant le Très Saint Sacrement et éleva cette prière: "Mon Dieu, pourquoi? Pourquoi as-tu voulu que je sois témoin? Que veux-tu de moi? Il faut faire quelque chose!". Se relevant, il fit sonner toutes les cloches, fit allumer les bougies et, accueillant les curieux dans l'église, dit: "La grâce est faite! La grâce est faite!". A partir de ce moment, Joseph Benoît Cottolengo fut transformé: toutes ses capacités, en particulier ses talents de gestion et d'organisation furent utilisés pour donner naissance à des initiatives de soutien aux plus nécessiteux.

Il sut enrôler dans son entreprise des dizaines et des dizaines de collaborateurs et de volontaires. Se déplaçant à la périphérie de Turin pour étendre son oeuvre, il créa une sorte de village, dans lequel à chaque bâtiment qu'il réussit à construire, il donna un nom significatif: "maison de la foi"; "maison de l'espérance", "maison de la charité". Il mit en acte le style des "familles", en constituant de véritables communautés de personnes, des volontaires, hommes et femmes, des religieux et laïcs, unis pour affronter et surmonter ensemble les difficultés qui se présentaient. Chacun dans la Petite maison de la divine Providence avait un devoir précis: qui travaillait, qui priait, qui servait, qui instruisait, qui administrait. Les bien-portants et les malades partageaient le même poids du quotidien. La vie religieuse elle aussi devint plus spécifique avec le temps, selon les besoins et les exigences particulières. Il pensa également à un séminaire propre, en vue d'une formation spécifique des prêtres de l'Ordre. Il fut toujours prêt à suivre et à servir la divine Providence, jamais à l'interroger. Il disait: "Je suis un bon à rien et je ne sais même pas ce que je me fais. Mais la divine Providence sait certainement ce qu'elle veut. Il ne me reste qu'à la suivre. En avant in Domino". Pour ses pauvres et les plus nécessiteux, il se définira toujours comme le "manoeuvre de la divine Providence".

A côté des petites citadelles, il voulut fonder également cinq monastères de soeurs contemplatives et un d'ermites, et les considéra parmi ses réalisations les plus importantes: une sorte de "coeur" qui devait battre pour toute l'OEuvre. Il mourut le 30 avril 1842, en prononçant ces paroles: "Misericordia, Domine; Misericordia, Domine. Bonne et sainte Providence... Sainte Vierge, c'est à vous à présent". Sa vie, comme l'écrivit un journal de l'époque, avait été "une intense journée d'amour".

Chers amis, ces deux saints prêtres, dont j'ai présenté quelques traits, ont vécu leur ministère dans le don total de la vie aux plus pauvres, aux plus nécessiteux, aux derniers, trouvant toujours la racine profonde, la source inépuisable de leur action dans le rapport avec Dieu, en puisant à son amour, dans la conviction profonde qu'il n'est pas possible d'exercer la charité sans vivre dans le Christ et dans l'Eglise. Que leur intercession et leur exemple continuent d'illuminer le ministère de nombreux prêtres qui se dépensent avec générosité pour Dieu et pour le troupeau qui leur est confié, et qu'ils aident chacun à se donner avec joie et générosité à Dieu et au prochain.
* * *


Je salue les pèlerins francophones, en particulier, les jeunes, les étudiants et les servants d’autel présents, ainsi que l’Evêque de Pontoise qui accompagne un groupe paroissial. Je salue cordialement les séminaristes venus du Liban! Je n’oublie pas les Assomptionistes qui fêtent le 200ème anniversaire de la naissance de leur fondateur! Que Dieu vous bénisse et bon pèlerinage à tous!





Place Saint-Pierre

Mercredi 5 mai 2010 - Munus sanctificandi

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Chers frères et soeurs,

Dimanche dernier, au cours de ma visite pastorale à Turin, j'ai eu la joie de m'arrêter pour prier devant le Saint-Suaire, en m'unissant aux plus de deux millions de pèlerins qui ont pu le contempler au cours de l'Ostension solennelle de ces jours-ci. Ce Linceul saint peut nourrir et alimenter la foi et renforcer la piété chrétienne, car il pousse à aller vers le Visage du Christ, vers le Corps du Christ crucifié et ressuscité, à contempler le Mystère pascal, centre du Message chrétien. Chers frères et soeurs, nous sommes des membres vivants du Corps du Christ ressuscité, vivant et agissant dans l'histoire (cf. Rm 12, 5), chacun selon notre propre fonction, c'est-à-dire avec le devoir que le Seigneur a voulu nous confier. Aujourd'hui, dans cette catéchèse, je voudrais revenir aux devoirs spécifiques des prêtres qui, selon la tradition, sont essentiellement au nombre de trois: enseigner, sanctifier et gouverner. Dans l'une des catéchèses précédentes, j'ai parlé de la première de ces trois missions: l'enseignement, l'annonce de la vérité, l'annonce du Dieu révélé dans le Christ, ou - en d'autres paroles - le devoir prophétique de mettre l'homme en contact avec la vérité, de l'aider à connaître l'essentiel de sa vie, de la réalité elle-même.

Aujourd'hui, je voudrais m'arrêter brièvement avec vous sur le deuxième devoir du prêtre, celui de sanctifier les hommes, en particulier à travers les sacrements et le culte de l'Eglise. Ici, nous devons nous demander avant tout: que signifie le mot "saint"? La réponse est: "saint" est la qualité spécifique de l'être de Dieu, c'est-à-dire la vérité, la bonté, l'amour, la beauté absolus - la lumière pure. Sanctifier une personne signifie donc la mettre en contact avec Dieu, avec son être de lumière, de vérité, d'amour pur. Il est évident que ce contact transforme la personne. Dans l'Antiquité, il existait cette ferme conviction: personne ne peut voir Dieu sans mourir aussitôt. La force de vérité et de lumière est trop grande! Si l'homme touche ce courant absolu, il ne survit pas. D'autre part, il existait également la conviction suivante: sans aucun contact avec Dieu, l'homme ne peut vivre. Vérité, bonté, amour sont les conditions fondamentales de son être. La question est: comment l'homme peut-il trouver ce contact avec Dieu, qui est fondamental, sans mourir écrasé par la grandeur de l'être divin? La foi de l'Eglise nous dit que Dieu lui-même crée ce contact, qui nous transforme au fur et à mesure en images véritables de Dieu.

Ainsi, nous sommes de nouveau parvenus au devoir du prêtre de "sanctifier". Aucun homme seul, à partir de sa propre force, ne peut mettre l'autre en contact avec Dieu. Une partie essentielle de la grâce du sacerdoce est le don, le devoir de créer ce contact. Cela se réalise dans l'annonce de la parole de Dieu, dans laquelle sa lumière vient à notre rencontre. Cela se réalise de façon particulièrement dense dans les sacrements. L'immersion dans le mystère pascal de mort et de résurrection du Christ a lieu dans le Baptême, et est renforcée dans la Confirmation et dans la réconciliation, est nourrie par l'Eucharistie, sacrement qui édifie l'Eglise comme Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple de l'Esprit Saint (cf. Jean-Paul II, Exhort. past. Pastores gregis ). C'est donc le Christ lui-même qui rend saints, c'est-à-dire qui nous attire dans la sphère de Dieu Mais comme acte de son infinie miséricorde, il appelle certaines personnes à "demeurer" avec Lui (cf.
Mc 3,14) et à participer, à travers le sacrement de l'Ordre, en dépit de la pauvreté humaine, à son Sacerdoce même, à devenir ministres de cette sanctification, dispensateurs de ses mystères, "ponts" de la rencontre avec Lui, de sa médiation entre Dieu et les hommes et entre les hommes et Dieu (cf. PO PO 5).

Au cours des dernières décennies, certaines tendances ont conduit à faire prévaloir, dans l'identité et la mission du prêtre, la dimension de l'annonce, en la détachant de celle de la sanctification; il a souvent été affirmé qu'il serait nécessaire de dépasser une pastorale purement sacramentelle. Mais est-il possible d'exercer authentiquement le ministère sacerdotal "en dépassant" la pastorale sacramentelle? Que cela signifie-t-il précisément pour les prêtres d'évangéliser, en quoi consiste ce que l'on appelle le primat de l'annonce? Comme le rapportent les Evangiles, Jésus affirme que l'annonce du Royaume de Dieu est le but de sa mission; cette annonce, toutefois, n'est pas seulement un "discours", mais elle inclut, dans le même temps, sa propre action; les signes, les miracles que Jésus accomplit indiquent que le Royaume vient comme une réalité présente et qu'elle coïncide en fin de compte avec sa propre personne, avec le don de soi, comme nous l'avons entendu aujourd'hui dans la lecture de l'Evangile. Et il en est de même pour le ministre ordonné: celui-ci, le prêtre, représente le Christ, l'Envoyé du Père, il en continue sa mission, à travers la "parole" et le "sacrement", dans cette totalité de corps et d'âme, de signe et de parole. Saint Augustin, dans une lettre à l'évêque Honorat de Thiabe, en se référant aux prêtres, affirme: "Que les serviteurs du Christ, les ministres de Sa parole et de Son sacrement fassent donc ce qu'il commanda ou permit" (Epist. 228, 2). Il est nécessaire de réfléchir si, dans certains cas, avoir sous-évalué l'exercice fidèle du munus sanctificandi, n'a pas représenté un affaiblissement de la foi elle-même dans l'efficacité salvifique des sacrements et, en définitive, dans l'oeuvre actuelle du Christ et de son Esprit, à travers l'Eglise, dans le monde.

Qui donc sauve le monde et l'homme? La seule réponse que nous pouvons donner est: Jésus de Nazareth, Seigneur et Christ, crucifié et ressuscité. Et où s'actualise le Mystère de la mort et de la résurrection du Christ, qui porte le salut? Dans l'action du Christ par l'intermédiaire de l'Eglise, en particulier dans le sacrement de l'Eucharistie, qui rend présente l'offrande sacrificielle rédemptrice du Fils de Dieu, dans le sacrement de la réconciliation, où de la mort du péché on retourne à la vie nouvelle, et dans chaque acte sacramentel de sanctification (cf. PO, PO 5). Il est important, par conséquent, de promouvoir une catéchèse adaptée pour aider les fidèles à comprendre la valeur des sacrements, mais il est tout aussi nécessaire, à l'exemple du saint curé d'Ars, d'être disponibles, généreux et attentifs pour donner à nos frères les trésors de grâce que Dieu a placés entre nos mains, et dont nous ne sommes pas les "maîtres", mais des gardiens et des administrateurs. Surtout à notre époque, dans laquelle, d'un côté, il semble que la foi s'affaiblit et que, de l'autre, émergent un profond besoin et une recherche diffuse de spiritualité, il est nécessaire que chaque prêtre se rappelle que, dans sa mission, l'annonce missionnaire et le culte des sacrements ne sont jamais séparés, et promeuve une saine pastorale sacramentelle, pour former le Peuple de Dieu et l'aider à vivre en plénitude la Liturgie, le culte de l'Eglise, les sacrements comme dons gratuits de Dieu, actes libres et efficaces de son action de salut.

Comme je l'ai rappelé lors de la sainte Messe chrismale de cette année: "Le sacrement est le centre du culte de l'Eglise. Sacrement signifie que, en premier lieu, ce ne sont pas nous les hommes qui faisons quelque chose, mais c'est d'abord Dieu, qui, par son agir, vient à notre rencontre; nous regarde et nous conduit vers Lui. (...) Dieu nous touche par le moyen des réalités matérielles (...) qu'Il met à son service, en en faisant des instruments de la rencontre entre nous et lui-même" (Messe chrismale, 1 avril 2010). La vérité selon laquelle, dans le sacrement, "ce ne sont pas nous les hommes qui faisons quelque chose" concerne également, et doit concerner, la conscience sacerdotale: chaque prêtre sait bien qu'il est l'instrument nécessaire à l'action salvifique de Dieu, mais cependant toujours un instrument. Cette conscience doit rendre humble et généreux dans l'administration des sacrements, dans le respect des normes canoniques, mais également dans la profonde conviction que sa propre mission est de faire en sorte que tous les hommes, unis au Christ, peuvent s'offrir à Dieu comme hostie vivante et sainte, agréable à Lui (cf. Rm 12,1). Saint Jean-Marie Vianney est encore exemplaire à propos du munus sanctificandi et de la juste interprétation de la pastorale sacramentelle, lui qui, un jour, face à un homme qui prétendait ne pas avoir la foi et qui désirait discuter avec lui, répondit: "Oh! mon ami, ce n'est pas à moi qu'il faut vous adresser, je ne sais pas raisonner... mais si vous avez besoin de réconfort, mettez-vous là... (il indiquait du doigt l'inexorable tabouret [du confessionnal]) et croyez-moi, beaucoup d'autres s'y sont assis avant vous et n'ont pas eu à s'en repentir" (cf. Monnin A., Il curato d'Ars. Vita di Gian-Battista-Maria Vianney, vol. I, Turin 1870, PP 163-164).

Chers prêtres, vivez avec joie et avec amour la liturgie et le culte: c'est une action que le Ressuscité accomplit dans la puissance de l'Esprit Saint en nous, avec nous et pour nous. Je voudrai renouveler l'invitation faite récemment à "revenir au confessionnal, comme lieu dans lequel célébrer le sacrement de la réconciliation, mais aussi comme lieu où "habiter" plus souvent, pour que le fidèle puisse trouver miséricorde, conseil et réconfort, se sentir aimé et compris de Dieu et ressentir la présence de la Miséricorde divine, à côté de la présence réelle de l'Eucharistie" (Discours à la Pénitencerie apostolique, 11 mars 2010). Et je voudrais également inviter chaque prêtre à célébrer et à vivre avec intensité l'Eucharistie, qui est au coeur de la tâche de sanctifier; c'est Jésus qui veut être avec nous, vivre en nous, se donner lui-même à nous, nous montrer la miséricorde et la tendresse infinies de Dieu; c'est l'unique Sacrifice d'amour du Christ qui se rend présent, se réalise parmi nous et parvient jusqu'au trône de la grâce, en présence de Dieu, embrasse l'humanité et nous unit à Lui (cf. Discours au clergé de Rome, 18 février 2010). Et le prêtre est appelé à être ministre de ce grand Mystère, dans le sacrement et dans la vie. Si "la grande tradition ecclésiale a, à juste titre, séparé l'efficacité sacramentelle de la situation existentielle concrète du prêtre, et [qu']ainsi, les attentes légitimes des fidèles ont été sauvegardées de façon adéquate", cela n'ôte rien "à la tension nécessaire et même indispensable, vers la perfection morale, qui doit habiter tout coeur authentiquement sacerdotal": le Peuple de Dieu attend également de ses pasteurs un exemple de foi et de témoignage de sainteté (cf. Benoît XVI, Discours à l'assemblée plénière de la Congrégation pour le clergé, 16 mars 2009). Et c'est dans la célébration des saints mystères que le prêtre trouve la racine de sa sanctification (cf. PO PO 12-13).

Chers amis, soyez conscients du grand don que les prêtres représentent pour l'Eglise et pour le monde; à travers leur ministère, le Seigneur continue à sauver les hommes, à être présent, à sanctifier. Sachez remercier Dieu, et surtout soyez proches de vos prêtres à travers la prière et votre soutien, en particulier dans les difficultés, afin qu'ils soient toujours plus des pasteurs selon le coeur de Dieu. Merci.
* * *


Je suis heureux de vous accueillir chers pèlerins francophones particulièrement les étudiants et les paroissiens présents. Je salue aussi chaleureusement les Camerounais qui sont parmi nous. Que Dieu vous bénisse!

APPEL DU PAPE


Le 3 mai dernier, se sont ouverts à New York les travaux de la VIII Conférence d'examen du traité de non-prolifération des armes nucléaires. Le processus vers un désarmement nucléaire concerté et sûr est étroitement lié à la pleine et rapide mise en oeuvre des engagements internationaux qui s'y rattachent. En effet, la paix repose sur la confiance et sur le respect des obligations prises, et pas seulement sur l'équilibre des forces. Dans cet esprit, j'encourage les initiatives qui visent à un désarmement progressif et à la création de zones libérées des armes nucléaires, dans la perspective de leur élimination complète de la planète. J'exhorte enfin tous les participants à la réunion de New York à surmonter les conditionnements de l'histoire et à tisser patiemment les liens politiques et économiques de la paix, pour promouvoir le développement humain intégral et les aspirations authentiques des peuples.




Place Saint-Pierre

Mercredi 19 mai 2010 - Voyage apostolique au Portugal

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Chers frères et soeurs,

Je souhaite aujourd'hui reparcourir avec vous les différentes étapes du voyage apostolique que j'ai accompli ces derniers jours au Portugal, mû tout particulièrement par un sentiment de reconnaissance envers la Vierge Marie qui, à Fatima, a transmis à ses voyants et aux pèlerins un intense amour pour le Successeur de Pierre. Je rends grâce à Dieu qui m'a donné la possibilité de rendre hommage à ce peuple, à sa longue et glorieuse histoire de foi et de témoignage chrétien. Ainsi, tout comme je vous avais demandé d'accompagner ma visite pastorale par la prière, je vous demande à présent de vous unir à moi pour rendre grâce au Seigneur de son heureux déroulement et de sa conclusion. Je Lui confie les fruits qu'elle a apportés et qu'elle apportera à la communauté ecclésiale portugaise et à toute la population. Je renouvelle l'expression de ma vive reconnaissance au président de la république, Monsieur Anibal Cavaco Silva et aux autres autorités de l'Etat, qui m'ont accueilli avec tant de courtoisie et ont préparé toute chose afin que tout se déroule de la meilleure des manières. Avec une intense affection, je repense à mes confrères évêques des diocèses portugais, que j'ai eu la joie d'embrasser sur leur terre et je les remercie fraternellement de ce qu'ils ont accompli pour la préparation spirituelle et l'organisation de ma visite, et pour le remarquable engagement investi dans sa réalisation. J'adresse une pensée particulière au patriarche de Lisbonne, le cardinal José da Cruz Policarpo, aux évêques de Leiria-Fatima, Mgr Antonio Augusto dos Santos Marto et de Porto, Mgr Manuel Macario do Nascimento Clemente et à leurs collaborateurs, ainsi qu'aux divers organismes de la Conférence épiscopale guidée par Mgr Jorge Ortiga.

Tout au long du voyage, qui a eu lieu à l'occasion du dixième anniversaire de la béatification des pastoureaux Jacinthe et François, je me suis senti spirituellement soutenu par mon bien-aimé prédécesseur, le vénérable Jean-Paul II, qui s'est rendu trois fois à Fatima, en remerciant cette "main invisible" qui l'a libéré de la mort lors de l'attentat du 13 mai, ici sur la place Saint-Pierre. Le soir de mon arrivée j'ai célébré la Messe à Lisbonne dans le cadre enchanteur du Terreiro do Paço, qui donne sur le fleuve Tage. Ce fut une assemblée liturgique de fête et d'espérance, animée par la participation joyeuse de très nombreux fidèles. Dans la capitale, d'où sont partis au cours des siècles tant de missionnaires pour apporter l'Evangile sur de nombreux continents, j'ai encouragé les différentes composantes de l'Eglise locale à une action évangélisatrice vigoureuse dans les divers domaines de la société, afin d'être des semeurs d'espérance dans un monde souvent marqué par la méfiance. J'ai notamment exhorté les croyants à devenir les annonciateurs de la mort et de la résurrection du Christ, coeur du christianisme, centre et soutien de notre foi et motif de notre joie. J'ai pu exprimer ces sentiments également lors de la rencontre avec les représentants du monde de la culture, qui s'est tenue à Belém. Dans cette circonstance, j'ai insisté sur le patrimoine de valeurs par lequel le christianisme a enrichi la culture, l'art et la tradition du peuple portugais. Sur cette noble terre, comme dans tout autre pays marqué profondément par le christianisme, il est possible de construire un avenir d'entente fraternelle et de collaboration avec les autres instances culturelles, en s'ouvrant réciproquement à un dialogue sincère et respectueux.

Je me suis ensuite rendu à Fatima, petite ville caractérisée par une atmosphère de réel mysticisme, dans laquelle on ressent de façon presque tangible la présence de la Vierge. Je me suis fait pèlerin avec les pèlerins dans cet admirable sanctuaire, coeur spirituel du Portugal, et destination d'une multitude de personnes provenant des lieux les plus divers de la terre. Après m'être arrêté pour prier dans un recueillement marqué par l'émotion dans la petite chapelle des Apparitions dans la Cova da Iria, en présentant au Coeur de la Sainte Vierge les joies et les attentes, ainsi que les problèmes et les souffrances du monde entier, dans l'église de la Très Sainte Trinité j'ai eu la joie de présider la célébration des Vêpres de la Bienheureuse Vierge Marie. A l'intérieur de ce grand temple moderne, j'ai exprimé ma profonde reconnaissance aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux diacres et aux séminaristes venus de toutes les parties du Portugal, les remerciant pour leur témoignage souvent silencieux et pas toujours facile et pour leur fidélité à l'Evangile et à l'Eglise. En cette Année sacerdotale, qui touche à sa fin, j'ai encouragé les prêtres à donner la priorité à l'écoute religieuse de la Parole de Dieu, à la connaissance intime du Christ, à la célébration intense de l'Eucharistie, en tournant notre regard vers l'exemple lumineux du saint curé d'Ars. Je n'ai pas manqué de confier et de consacrer au Coeur Immaculé de Marie, véritable modèle de disciple du Seigneur, les prêtres du monde entier.

Dans la soirée, entouré de milliers de personnes qui se sont donné rendez-vous sur la grande esplanade devant le sanctuaire, j'ai participé à la suggestive procession aux flambeaux. Cela fut une merveilleuse manifestation de foi en Dieu et de dévotion à sa Mère et à notre Mère, exprimées à travers la récitation du rosaire. Cette prière, si chère au peuple chrétien, a trouvé à Fatima un centre moteur pour toute l'Eglise et le monde. La "Dame blanche", dans l'apparition du 13 juin, dit aux trois pastoureaux: "Je veux que vous récitiez le Rosaire tous les jours". Nous pourrions dire que Fatima et le Rosaire sont presque synonymes.

Le point culminant de ma visite dans ce lieu si particulier fut la célébration eucharistique du 13 mai, anniversaire de la première apparition de la Vierge à François, Jacinthe et Lucie. En faisant écho aux paroles du prophète Isaïe, j'ai invité cette immense assemblée recueillie, avec un grand amour et dévotion, aux pieds de la Vierge, à tressaillir de joie dans le Seigneur (cf. Is
Is 61,10), car son amour miséricordieux, qui accompagne notre pèlerinage sur cette terre, est la source de notre grande espérance. Et c'est précisément d'espérance qu'est chargé le message exigeant, mais dans le même temps réconfortant, que la Vierge a laissé à Fatima. Il s'agit d'un message centré sur la prière, sur la pénitence et sur la conversion, qui se projette au-delà des menaces, des dangers et des horreurs de l'histoire, pour inviter l'homme à avoir confiance dans l'action de Dieu, à cultiver la grande Espérance, à faire l'expérience de la grâce du Seigneur pour tomber amoureux de Lui, qui est source de l'amour et de la paix.

Dans cette perspective, le rendez-vous intense avec les institutions de la pastorale sociale, auxquelles j'ai présenté le style du bon samaritain pour aller à la rencontre de nos frères les plus pauvres et pour servir le Christ, tout en promouvant le bien commun, a été significatif. De nombreux jeunes apprennent l'importance de la gratuité précisément à Fatima, qui est une école de foi et d'espérance, car elle est également une école de charité et de service à nos frères. Dans ce contexte de foi et de prière, s'est déroulée la rencontre importante et fraternelle avec l'épiscopat portugais, en conclusion de ma visite à Fatima: il y a eu un moment d'intense communion spirituelle, où nous avons ensemble rendu grâce au Seigneur pour la fidélité de l'Eglise qui est au Portugal et confié à la Vierge les attentes communes et les préoccupations pastorales. J'ai également mentionné ces espérances et ces perspectives pastorales au cours de la Messe célébrée dans la ville historique et symbolique de Porto, la "Ville de la Vierge", dernière étape de mon pèlerinage en terre lusitanienne. A la grande foule de fidèles rassemblés sur l'Avenida dos Aliados, j'ai rappelé l'engagement de témoigner l'Evangile dans tous les milieux, en offrant au monde le Christ ressuscité afin que chaque situation de difficulté, de souffrance, de peur soit transformée, à travers l'Esprit Saint, en occasion de croissance et de vie.

Chers frères et soeurs, le pèlerinage au Portugal a été pour moi une expérience touchante et riche de nombreux dons spirituels. Alors que je garde gravées dans mon esprit et dans mon coeur les images de ce voyage inoubliable, l'accueil chaleureux et spontané, l'enthousiasme des personnes, je rends grâce au Seigneur car Marie, en apparaissant aux trois pastoureaux, a ouvert dans le monde un espace privilégié pour rencontrer la miséricorde divine qui guérit et qui sauve. A Fatima, la Sainte Vierge invite chacun à considérer la terre comme le lieu de notre pèlerinage vers la patrie définitive, qui est le Ciel. En réalité, nous sommes tous des pèlerins, nous avons besoin de la Mère qui nous guide. "Avec toi nous marchons dans l'espérance. Sagesse et mission" est la devise de mon Voyage apostolique au Portugal, et à Fatima la bienheureuse Vierge Marie nous invite à marcher avec une grande espérance, en nous laissant guider par la "Sagesse d'en-haut", qui s'est manifestée en Jésus, la sagesse de l'amour, pour apporter dans le monde la lumière et la joie du Christ. Je vous invite donc à vous unir à ma prière, en demandant au Seigneur de bénir les efforts de ceux qui, dans cette bien-aimée nation, se consacrent au service de l'Evangile et à la recherche du bien véritable de l'homme, de chaque homme. Nous prions en outre pour que, par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, l'Esprit Saint rende ce voyage apostolique fécond, et qu'il anime dans le monde entier la mission de l'Eglise, instituée par le Christ pour annoncer à tous les peuples l'Evangile de la vérité, de la paix et de l'amour.
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Je suis heureux de vous accueillir chers pèlerins de langue française! En cette année sacerdotale, je vous invite à recommander à Marie, Mère de l’Espérance, les prêtres et les séminaristes. Bon pèlerinage à tous!






Place Saint-Pierre

Mercredi 26 mai 2010 - Munus regendi


Catéchèses Benoît XVI 28040