Catéchèses Benoît XVI 48

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Mercredi 19 mars 2008 - Le Triduum pascal

Chers frères et soeurs,

Nous sommes à la veille du Triduum pascal. Les trois prochains jours sont couramment appelés "saints" car ils nous font revivre l'événement central de notre Rédemption; ils nous renvoient en effet au noyau essentiel de la foi chrétienne: la passion, la mort et la résurrection de Jésus Christ. Ce sont des jours que nous pourrions considérer comme un jour unique: ils constituent le coeur et le point fondamental de toute l'année liturgique comme de la vie de l'Eglise. Au terme de l'itinéraire quadragésimal, nous nous apprêtons nous aussi à entrer dans le climat même dans lequel Jésus a vécu à Jérusalem. Nous voulons réveiller en nous la mémoire vivante des souffrances que le Seigneur a endurées pour nous et nous préparer à célébrer avec joie, dimanche prochain "la vraie Pâque, que le Sang du Christ a couverte de gloire, la Pâque lors de laquelle l'Eglise célèbre la Fête qui est à l'origine de toutes les fêtes", comme dit la préface pour le jour de Pâques dans le rite de saint Ambroise.

Demain, Jeudi Saint, l'Eglise fait mémoire de la Dernière Cène au cours de laquelle le Seigneur, la veille de sa passion et de sa mort, a institué le sacrement de l'Eucharistie et celui du sacerdoce ministériel. Lors de cette même nuit, Jésus nous a laissé le commandement nouveau, "mandatum novum", le commandement de l'amour fraternel. Avant d'entrer dans le Saint Triduum, mais déjà en lien étroit avec lui, dans chaque communauté diocésaine aura lieu, demain matin, la messe chrismale, au cours de laquelle l'évêque et les prêtres du presbyterium diocésain renouvellent les promesses de l'ordination. Sont également bénies les huiles pour la célébration des sacrements: l'huile des catéchumènes, l'huile des malades et le saint chrême. C'est un moment particulièrement important pour la vie de chaque communauté diocésaine qui, rassemblée autour de son pasteur, ressoude son unité et sa fidélité au Christ, unique Grand Prêtre Eternel. Le soir, au cours de la messe in Cena Domini, on fait mémoire de la Dernière Cène, quand le Christ s'est donné à nous tous comme nourriture de salut, comme remède d'immortalité: c'est le mystère de l'Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. Dans ce sacrement de salut, le Seigneur a offert et réalisé pour tous ceux qui croient en Lui, l'union la plus profonde possible entre notre vie et la sienne. Avec le geste humble et combien expressif du lavement des pieds, nous sommes invités à rappeler ce que le Seigneur fit à ses apôtres: en leur lavant les pieds il proclama concrètement la primauté de l'amour, l'amour qui se fait service jusqu'au don de soi, anticipant ainsi également le sacrifice suprême de sa vie qui se consumera le lendemain sur le Calvaire. Selon une belle tradition, les fidèles terminent le Jeudi Saint par une veillée de prière et d'adoration eucharistique pour vivre plus profondément l'agonie de Jésus à Gethsémani.

Le Vendredi Saint est la journée qui fait mémoire de la passion, de la crucifixion et de la mort de Jésus. Ce jour-là la liturgie de l'Eglise ne prévoit pas la célébration de la messe, mais l'assemblée chrétienne se recueille pour méditer sur le grand mystère du mal et du péché qui oppriment l'humanité, pour parcourir à nouveau, à la lumière de la Parole de Dieu et avec l'aide de gestes liturgiques émouvants, les souffrances du Seigneur qui expient ce mal. Après avoir écouté le récit de la passion du Christ, la communauté prie pour tous les besoins de l'Eglise et du monde, adore la Croix et communie, en consommant les hosties conservées lors de la messe in Cena Domini du jour précédent. Comme invitation supplémentaire pour méditer sur la passion et la mort du Rédempteur et pour exprimer l'amour et la participation des fidèles aux souffrances du Christ, la tradition chrétienne a institué diverses manifestations de piété populaire, processions et représentations sacrées, qui visent à imprimer toujours plus profondément dans l'âme des fidèles des sentiments de participation véritable au sacrifice rédempteur du Christ. Parmi elles figure la Via Crucis, exercice de piété qui, au fil des années, s'est enrichi de multiples expressions spirituelles et artistiques liées à la sensibilité des diverses cultures. Dans de nombreux pays, des sanctuaires portant le nom de "Calvaire" ont ainsi été fondés, vers lesquels on monte par un chemin escarpé qui rappelle le chemin douloureux de la Passion, pour permettre aux fidèles de participer à l'ascension du Seigneur vers le Mont de la Croix, le Mont de l'Amour poussé jusqu'à l'extrême.

Le Samedi Saint est marqué par un profond silence. Les Eglises sont dépouillées et aucune liturgie particulière n'est prévue. Attendant le grand événement de la Résurrection, les croyants persévèrent avec Marie dans l'attente, en priant et en méditant. Nous avons en effet besoin d'un jour de silence pour méditer sur la réalité de la vie humaine, sur les forces du mal et sur la grande force du bien issue de la Passion et de la Résurrection du Seigneur. Une grande importance est accordée, en ce jour, à la participation au sacrement de la réconciliation, chemin indispensable pour purifier le coeur et se préparer à célébrer la Pâque, profondément renouvelés. Nous avons besoin, au moins une fois par an, de cette purification intérieure, de ce renouvellement de nous-mêmes. Ce samedi de silence, de méditation, de pardon, de réconciliation, débouche sur la Veillée pascale, qui introduit dans le dimanche le plus important de l'histoire, le dimanche de la Pâque du Christ. L'Eglise veille près du feu nouveau, béni, et médite la grande promesse, contenue dans l'Ancien et le Nouveau Testament, de la libération définitive de l'ancien esclavage du péché et de la mort. Au coeur de la nuit, le cierge pascal, symbole du Christ qui ressuscite glorieux, est allumé à partir du feu nouveau. Le Christ, lumière de l'humanité, dissipe les ténèbres du coeur et de l'esprit et illumine tout homme qui vient dans le monde. Près du cierge pascal résonne dans l'Eglise la grande annonce pascale: le Christ est vraiment ressuscité, la mort n'a plus aucun pouvoir sur Lui. Par sa mort il a vaincu le mal pour toujours et a donné à tous les hommes la vie même de Dieu. Selon une ancienne tradition, au cours de la Veillée pascale, les catéchumènes reçoivent le baptême, pour souligner la participation des chrétiens au mystère de la mort et de la résurrection du Christ. A partir de la merveilleuse nuit de Pâques, la joie, la lumière et la paix du Christ se répandent dans la vie des fidèles de chaque communauté chrétienne atteignant tous les points de l'espace et du temps.

Chers frères et soeurs, en ces jours uniques, orientons résolument notre vie vers une adhésion généreuse et convaincue aux desseins du Père céleste; renouvelons notre "oui" à la volonté divine comme l'a fait Jésus avec le sacrifice de la croix. Les rites suggestifs du Jeudi Saint, du Vendredi Saint, le silence riche de prière du Samedi Saint et la Veillée pascale solennelle nous offrent l'opportunité d'approfondir le sens et la valeur de notre vocation chrétienne qui naît du Mystère pascal et de la concrétiser en nous mettant fidèlement à la suite du Christ en toute circonstance, comme Il l'a fait, jusqu'au don généreux de notre vie.

Faire mémoire des mystères du Christ signifie aussi vivre dans une adhésion profonde et solidaire au moment présent de l'histoire, convaincus que ce que nous célébrons est une réalité vivante et actuelle. Portons donc dans notre prière les faits et les situations dramatiques qui, ces jours-ci, affectent un grand nombre de nos frères dans toutes les régions du monde. Nous savons que la haine, les divisions, la violence, n'ont jamais le dernier mot dans les événements de l'histoire. Ces jours réaniment en nous la grande espérance: le Christ crucifié est ressuscité et a vaincu le monde. L'amour est plus fort que la haine, il a vaincu et nous devons nous associer à cette victoire de l'amour. Nous devons donc repartir du Christ et travailler en communion avec Lui pour un monde fondé sur la paix, sur la justice et sur l'amour. Dans cet engagement, qui nous concerne tous, laissons-nous guider par Marie qui a accompagné son divin Fils sur le chemin de la passion et de la croix et a participé, avec la force de la foi, à l'accomplissement de son dessein salvifique. Avec ces sentiments, je vous présente d'ores et déjà mes voeux les plus cordiaux de joyeuse et sainte Pâque à vous tous, à ceux qui vous sont chers et à vos communautés.
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Je salue les fidèles francophones présents à cette audience, en particulier les jeunes de l’école technique de Porrentruy en Suisse et les élèves de l’ensemble scolaire Saint-Antoine de Phalsbourg. Au cours des jours saints, comme Jésus, renouvelons notre adhésion généreuse à la volonté du Père. Je vous souhaite déjà une joyeuse et sainte Pâque.


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Mercredi 26 mars 2008 - La clé de voûte du christianisme

Chers frères et soeurs!

"Et resurrexit tertia die secundum Scripturas - il ressuscita le troisième jour conformément aux Ecritures". Chaque dimanche, avec le Credo, nous renouvelons notre profession de foi dans la résurrection du Christ, événement surprenant qui constitue la clé de voûte du christianisme. Dans l'Eglise tout peut être compris à partir de ce grand mystère, qui a changé le cours de l'histoire et qui est mis en acte dans toute célébration eucharistique. Il existe toutefois un temps liturgique où cette réalité centrale de la foi chrétienne, dans sa richesse doctrinale et son inépuisable vitalité, est proposée aux fidèles de manière plus intense, parce que plus ils la redécouvrent, plus fidèlement ils la vivent: le temps de Pâques. Chaque année, lors du "Très Saint Triduum du Christ crucifié, mort et ressuscité", comme l'appelle saint Augustin, l'Eglise parcourt à nouveau, dans un climat de prière et de pénitence, les étapes conclusives de la vie terrestre de Jésus: sa condamnation à mort, la montée du Calvaire en portant la croix, son sacrifice pour notre salut, sa déposition au sépulcre. Le "troisième jour", ensuite, l'Eglise revit sa résurrection: c'est la Pâque, le passage de Jésus de la mort à la vie, où s'accomplissent en plénitude les antiques prophéties. Toute la liturgie du temps de Pâques chante la certitude et la joie de la résurrection du Christ.

Chers frères et soeurs, nous devons constamment renouveler notre adhésion au Christ mort et ressuscité pour nous: sa Pâque est aussi notre Pâque, parce que dans le Christ ressuscité nous est donnée la certitude de notre résurrection. La nouvelle de sa résurrection des morts ne vieillit pas et Jésus est toujours vivant et son Evangile est vivant. "La foi des chrétiens - observe saint Augustin - est la résurrection du Christ". Les Actes des Apôtres l'expliquent clairement: "Dieu a donné à tous les hommes une garantie sur Jésus en le ressuscitant des morts" (cf. 17, 31). En effet, sa mort n'était pas suffisante pour démontrer que Jésus est vraiment le Fils de Dieu, le Messie attendu. Au cours de l'histoire combien ont consacré leur vie à une cause qu'ils estimaient juste et sont morts! Et morts ils sont restés! La mort du Seigneur démontre l'immense amour avec lequel Il nous a aimés jusqu'à se sacrifier pour nous; mais seule sa résurrection est la "garantie", est la certitude que ce qu'Il affirme est la vérité qui vaut aussi pour nous, pour tous les temps. En le ressuscitant, le Père l'a glorifié. Saint Paul écrit ainsi dans la Lettre aux Romains: "Si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton coeur croit que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé" (10, 9).

Il est important de répéter cette vérité fondamentale de notre foi, dont la vérité historique est amplement documentée, même si aujourd'hui, comme par le passé, nombreux sont ceux qui, de diverses manières, la remettent en doute voire la nie. L'affaiblissement de la foi dans la résurrection du Christ fragilise par conséquent le témoignage des croyants. En effet, si, dans l'Eglise, la foi dans la résurrection vient à manquer, tout s'arrête, tout se défait. Au contraire, l'adhésion du coeur et de l'esprit au Christ mort et ressuscité change la vie et illumine toute l'existence des personnes et des peuples. N'est-ce donc pas la certitude que le Christ est ressuscité qui donne le courage, l'audace prophétique et la persévérance aux martyrs de tous les temps? N'est-ce pas la rencontre avec Jésus vivant qui convertit et qui fascine tant d'hommes et de femmes, qui depuis les origines du christianisme continuent à tout abandonner pour le suivre et mettre leur vie au service de l'Evangile? "Si le Christ n'est pas ressuscité, disait l'Apôtre Paul, vide alors est notre message, vide aussi votre foi" (1Co 15,14). Mais il est ressuscité!

L'annonce que nous réécoutons sans cesse ces derniers jours est précisément celle-ci: Jésus est ressuscité, il est le Vivant et nous pouvons le rencontrer. Comme le rencontrèrent les femmes qui, au matin du troisième jour, après le jour du sabbat, s'étaient rendues au sépulcre; comme le rencontrèrent les disciples, surpris et bouleversés par ce que leur avait rapporté les femmes; comme le rencontrèrent beaucoup d'autres témoins dans les jours qui suivirent sa résurrection. Et, même après son Ascension, Jésus a continué à demeurer présent parmi ses amis comme du reste il l'avait promis: "Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20). Le Seigneur est avec nous, avec son Eglise, jusqu'à la fin des temps. Eclairés par l'Esprit Saint, les membres de l'Eglise primitive ont commencé à proclamer l'annonce pascale ouvertement et sans peur. Et cette annonce, transmise de génération en génération, est arrivé jusqu'à nous et résonne chaque année à Pâques avec une puissance toujours nouvelle.

Tout particulièrement en cette octave de Pâques, la liturgie nous invite à rencontrer personnellement le Ressuscité et à reconnaître son action vivifiante dans les événements de l'histoire et de notre vie quotidienne. Aujourd'hui mercredi, par exemple, nous est reproposé l'épisode émouvant des deux disciples d'Emmaüs (cf. Lc 24,13-35). Après la crucifixion de Jésus, plongés dans la tristesse et la déception, ils retournaient chez eux inconsolables. En chemin, ils parlaient entre eux de ce qui était advenu ces derniers jours à Jérusalem: ce fut alors que Jésus s'approcha, se mit à parler avec eux et leur dispensa son enseignement: "O coeurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les prophètes! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire?" (Lc 24,25-26). En partant de Moïse et de tous les prophètes, il leur expliqua à travers toutes les Ecritures ce qui faisait référence à lui. L'enseignement du Christ - l'explication des prophéties - fut pour les disciples d'Emmaüs comme une révélation inattendue, lumineuse et réconfortante. Jésus donnait une nouvelle clé de lecture de la Bible et tout apparaissait désormais avec clarté, orienté vers ce moment. Conquis par les paroles de ce voyageur inconnu, ils lui demandèrent de rester dîner. Celui-ci accepta et se mit à table avec eux. L'évangéliste Luc raconte: "Et il advint, comme il était à table avec eux, qu'il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna" (Lc 24,29-30). Et ce fut précisément à ce moment-là que s'ouvrirent les yeux des deux disciples et qu'ils le reconnurent, "mais il avait disparu de devant eux" (Lc 24,31). Et ceux-ci emplis d'émerveillement et de joie, commentèrent: "Notre coeur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures?" (Lc 24,32).

Au cours de toute l'année liturgique, en particulier lors de la Semaine Sainte et de la Semaine de Pâques, le Seigneur est en chemin avec nous et nous explique les Ecritures, il nous fait comprendre ce mystère: tout parle de Lui. Et cela devrait également réchauffer nos coeurs, afin que nos yeux aussi puissent s'ouvrir. Le Seigneur est avec nous, il nous montre la vraie voie. Comme les deux disciples reconnurent Jésus lorsqu'il rompit le pain, de même aujourd'hui, dans le partage du pain, nous reconnaissons sa présence. Les disciples d'Emmaüs le reconnurent et se rappelèrent les moments où Jésus avait rompu le pain. Et ce partage du pain nous fait penser précisément à la première Eucharistie célébrée dans le contexte de la Dernière Cène, où Jésus rompit le pain et annonça ainsi sa mort et sa résurrection, faisant don de lui-même aux disciples. Jésus rompt le pain avec nous également et pour nous, il est présent avec nous dans l'Eucharistie, il nous fait don de lui-même et ouvre nos coeurs. Dans l'Eucharistie, dans la rencontre avec sa Parole, nous pouvons nous aussi rencontrer et connaître Jésus, dans ce double banquet de la Parole et du Pain et du Vin consacrés. Chaque dimanche, la communauté revit ainsi la Pâque du Seigneur et reçoit du Sauveur son testament d'amour et de service fraternel. Chers frères et soeurs, la joie de ces derniers jours rend plus forte encore notre fidèle adhésion au Christ crucifié et ressuscité. Avant tout, laissons-nous conquérir par la fascination de sa résurrection. Que Marie nous aide à être des messagers de la lumière et de la joie de la Pâque pour tant de nos frères. Je vous souhaite encore à tous mes meilleurs voeux de Bonne Pâque.
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Je suis heureux d’accueillir les pèlerins de langue française. Je salue en particulier le groupe du diocèse de Bruges, en Belgique. Que votre pèlerinage à Rome soit l’occasion de renouveler votre foi dans le Christ mort et ressuscité. Soyez des messagers de la lumière et de la joie de Pâques pour tous vos frères ! Que Dieu vous bénisse !


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Mercredi 9 avril 2008 - Saint Benoît de Nursie

Chers frères et soeurs,

Je voudrais parler aujourd'hui de saint Benoît, fondateur du monachisme occidental, et aussi Patron de mon pontificat. Je commence par une parole de saint Grégoire le Grand, qui écrit à propos de saint Benoît: "L'homme de Dieu qui brilla sur cette terre par de si nombreux miracles, ne brilla pas moins par l'éloquence avec laquelle il sut exposer sa doctrine" (Dial. II, 36). Telles sont les paroles que ce grand Pape écrivit en l'an 592; le saint moine était mort à peine 50 ans auparavant et il était encore vivant dans la mémoire des personnes et en particulier dans le florissant Ordre religieux qu'il avait fondé. Saint Benoît de Nursie, par sa vie et par son oeuvre, a exercé une influence fondamentale sur le développement de la civilisation et de la culture européenne. La source la plus importante à propos de la vie de ce saint est le deuxième livre des Dialogues de saint Grégoire le Grand. Il ne s'agit pas d'une biographie au sens classique. Selon les idées de son temps, il voulut illustrer à travers l'exemple d'un homme concret - précisément saint Benoît - l'ascension au sommet de la contemplation, qui peut être réalisée par celui qui s'abandonne à Dieu. Il nous donne donc un modèle de la vie humaine comme ascension vers le sommet de la perfection. Saint Grégoire le Grand raconte également dans ce livre des Dialogues de nombreux miracles accomplis par le saint, et ici aussi il ne veut pas raconter simplement quelque chose d'étrange, mais démontrer comment Dieu, en admonestant, en aidant et aussi en punissant, intervient dans les situations concrètes de la vie de l'homme. Il veut démontrer que Dieu n'est pas une hypothèse lointaine placée à l'origine du monde, mais qu'il est présent dans la vie de l'homme, de tout homme.

Cette perspective du "biographe" s'explique également à la lumière du contexte général de son époque: entre le V et le VI siècle, le monde était bouleversé par une terrible crise des valeurs et des institutions, causée par la chute de l'Empire romain, par l'invasion des nouveaux peuples et par la décadence des moeurs. En présentant saint Benoît comme un "astre lumineux", Grégoire voulait indiquer dans cette situation terrible, précisément ici dans cette ville de Rome, l'issue de la "nuit obscure de l'histoire" (Jean-Paul II, Insegnamenti, II/1, 1979, p. 1158). De fait, l'oeuvre du saint et, en particulier, sa Règle se révélèrent détentrices d'un authentique ferment spirituel qui transforma le visage de l'Europe au cours des siècles, bien au-delà des frontières de sa patrie et de son temps, suscitant après la chute de l'unité politique créée par l'empire romain une nouvelle unité spirituelle et culturelle, celle de la foi chrétienne partagée par les peuples du continent. C'est précisément ainsi qu'est née la réalité que nous appelons "Europe".

La naissance de saint Benoît se situe autour de l'an 480. Il provenait, comme le dit saint Grégoire, "ex provincia Nursiae" - de la région de la Nursie. Ses parents, qui étaient aisés, l'envoyèrent suivre des études à Rome pour sa formation. Il ne s'arrêta cependant pas longtemps dans la Ville éternelle. Comme explication, pleinement crédible, Grégoire mentionne le fait que le jeune Benoît était écoeuré par le style de vie d'un grand nombre de ses compagnons d'étude, qui vivaient de manière dissolue, et qu'il ne voulait pas tomber dans les mêmes erreurs. Il voulait ne plaire qu'à Dieu seul; "soli Deo placere desiderans" (II Dial. Prol. 1). Ainsi, avant même la conclusion de ses études, Benoît quitta Rome et se retira dans la solitude des montagnes à l'est de Rome. Après un premier séjour dans le village d'Effide (aujourd'hui Affile), où il s'associa pendant un certain temps à une "communauté religieuse" de moines, il devint ermite dans la proche Subiaco. Il vécut là pendant trois ans complètement seul dans une grotte qui, depuis le Haut Moyen-âge, constitue le "coeur" d'un monastère bénédictin appelé "Sacro Speco". La période à Subiaco, une période de solitude avec Dieu, fut un temps de maturation pour Benoît. Il dut supporter et surmonter en ce lieu les trois tentations fondamentales de chaque être humain: la tentation de l'affirmation personnelle et du désir de se placer lui-même au centre, la tentation de la sensualité et, enfin, la tentation de la colère et de la vengeance. Benoît était en effet convaincu que ce n'était qu'après avoir vaincu ces tentations qu'il aurait pu adresser aux autres une parole pouvant être utile à leur situation de besoin. Et ainsi, son âme désormais pacifiée était en mesure de contrôler pleinement les pulsions du "moi" pour être un créateur de paix autour de lui. Ce n'est qu'alors qu'il décida de fonder ses premiers monastères dans la vallée de l'Anio, près de Subiaco.

En l'an 529, Benoît quitta Subiaco pour s'installer à Montecassino. Certains ont expliqué ce déplacement comme une fuite face aux intrigues d'un ecclésiastique local envieux. Mais cette tentative d'explication s'est révélée peu convaincante, car la mort soudaine de ce dernier n'incita pas Benoît à revenir (II Dial. 8). En réalité, cette décision s'imposa à lui car il était entré dans une nouvelle phase de sa maturation intérieure et de son expérience monastique. Selon Grégoire le Grand, l'exode de la lointaine vallée de l'Anio vers le Mont Cassio - une hauteur qui, dominant la vaste plaine environnante, est visible de loin - revêt un caractère symbolique: la vie monastique cachée a sa raison d'être, mais un monastère possède également une finalité publique dans la vie de l'Eglise et de la société, il doit donner de la visibilité à la foi comme force de vie. De fait, lorsque Benoît conclut sa vie terrestre le 21 mars 547, il laissa avec sa Règle et avec la famille bénédictine qu'il avait fondée un patrimoine qui a porté des fruits dans le monde entier jusqu'à aujourd'hui.

Dans tout le deuxième livre des Dialogues, Grégoire nous montre la façon dont la vie de saint Benoît était plongée dans une atmosphère de prière, fondement central de son existence. Sans prière l'expérience de Dieu n'existe pas. Mais la spiritualité de Benoît n'était pas une intériorité en dehors de la réalité. Dans la tourmente et la confusion de son temps, il vivait sous le regard de Dieu et ne perdit ainsi jamais de vue les devoirs de la vie quotidienne et l'homme avec ses besoins concrets. En voyant Dieu, il comprit la réalité de l'homme et sa mission. Dans sa Règle, il qualifie la vie monastique d'"école du service du Seigneur" (Prol. RB 1,45) et il demande à ses moines de "ne rien placer avant l'OEuvre de Dieu [c'est-à-dire l'Office divin ou la Liturgie des Heures]" (RB 43,3). Il souligne cependant que la prière est en premier lieu un acte d'écoute (Prol. RB 1,9-11), qui doit ensuite se traduire par l'action concrète. "Le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par les faits à ses saints enseignements", affirme-t-il (Prol. RB 1,35). Ainsi, la vie du moine devient une symbiose féconde entre action et contemplation "afin que Dieu soit glorifié en tout" (RB 57,9). En opposition avec une réalisation personnelle facile et égocentrique, aujourd'hui souvent exaltée, l'engagement premier et incontournable du disciple de saint Benoît est la recherche sincère de Dieu (RB 58,7) sur la voie tracée par le Christ humble et obéissant (RB 5,13), ne devant rien placer avant l'amour pour celui-ci (RB 4,21 RB 72,11) et c'est précisément ainsi, au service de l'autre, qu'il devient un homme du service et de la paix. Dans l'exercice de l'obéissance mise en acte avec une foi animée par l'amour (RB 5,2), le moine conquiert l'humilité (RB 5,1), à laquelle la Règle consacre un chapitre entier (RB 7). De cette manière, l'homme devient toujours plus conforme au Christ et atteint la véritable réalisation personnelle comme créature à l'image et à la ressemblance de Dieu.

A l'obéissance du disciple doit correspondre la sagesse de l'Abbé, qui dans le monastère remplit "les fonctions du Christ" (RB 2,2 RB 63,13). Sa figure, définie en particulier dans le deuxième chapitre de la Règle, avec ses qualités de beauté spirituelle et d'engagement exigeant, peut-être considérée comme un autoportrait de Benoît, car - comme l'écrit Grégoire le Grand - "le saint ne put en aucune manière enseigner différemment de la façon dont il vécut" (Dial. II, 36). L'Abbé doit être à la fois un père tendre et également un maître sévère (RB 2,24), un véritable éducateur. Inflexible contre les vices, il est cependant appelé à imiter en particulier la tendresse du Bon Pasteur (RB 27,8), à "aider plutôt qu'à dominer" (RB 64,8), à "accentuer davantage à travers les faits qu'à travers les paroles tout ce qui est bon et saint" et à "illustrer les commandements divins par son exemple" (RB 2,12). Pour être en mesure de décider de manière responsable, l'Abbé doit aussi être un personne qui écoute "le conseil de ses frères" (RB 3,2), car "souvent Dieu révèle au plus jeune la solution la meilleure" (RB 3,3). Cette disposition rend étonnamment moderne une Règle écrite il y a presque quinze siècles! Un homme de responsabilité publique, même à une petite échelle, doit toujours être également un homme qui sait écouter et qui sait apprendre de ce qu'il écoute.

Benoît qualifie la Règle de "Règle minimale tracée uniquement pour le début" (RB 73,8); en réalité, celle-ci offre cependant des indications utiles non seulement aux moines, mais également à tous ceux qui cherchent un guide sur leur chemin vers Dieu. En raison de sa mesure, de son humanité et de son sobre discernement entre ce qui est essentiel et secondaire dans la vie spirituelle, elle a pu conserver sa force illuminatrice jusqu'à aujourd'hui. Paul VI, en proclamant saint Benoît Patron de l'Europe le 24 octobre 1964, voulut reconnaître l'oeuvre merveilleuse accomplie par le saint à travers la Règle pour la formation de la civilisation et de la culture européenne. Aujourd'hui, l'Europe - à peine sortie d'un siècle profondément blessé par deux guerres mondiales et après l'effondrement des grandes idéologies qui se sont révélées de tragiques utopies - est à la recherche de sa propre identité. Pour créer une unité nouvelle et durable, les instruments politiques, économiques et juridiques sont assurément importants, mais il faut également susciter un renouveau éthique et spirituel qui puise aux racines chrétiennes du continent, autrement on ne peut pas reconstruire l'Europe. Sans cette sève vitale, l'homme reste exposé au danger de succomber à l'antique tentation de vouloir se racheter tout seul - une utopie qui, de différentes manières, a causé dans l'Europe du XX siècle, comme l'a remarqué le Pape Jean-Paul II, "un recul sans précédent dans l'histoire tourmentée de l'humanité" (Insegnamenti, XIII/1, 1990, p. 58). En recherchant le vrai progrès, nous écoutons encore aujourd'hui la Règle de saint Benoît comme une lumière pour notre chemin. Le grand moine demeure un véritable maître à l'école de qui nous pouvons apprendre l'art de vivre le véritable humanisme.
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Je suis heureux de vous accueillir chers pèlerins francophones. Je salue en particulier le groupe de la Vallée de l’Andelle dans le diocèse d’Évreux ainsi que les jeunes venus notamment de Neuilly, de Rueil-Malmaison et de Pontivy. A l’exemple de saint Benoît, donnez une place importante à la prière et à la contemplation du visage du Christ ressuscité présent et agissant dans votre vie! Bon temps pascal!


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Mercredi 30 avril 2008 - Voyage apostolique aux Etats-Unis d'Amérique

Chers frères et soeurs,

Bien que plusieurs jours se soient déjà écoulés depuis mon retour, je désire toutefois consacrer la catéchèse d'aujourd'hui, comme à l'habitude, au voyage apostolique que j'ai accompli à l'Organisation des Nations unies et aux Etats-Unis d'Amérique du 15 au 21 avril dernier. Je renouvelle tout d'abord l'expression de ma plus cordiale reconnaissance à la Conférence épiscopale des Etats-Unis, ainsi qu'au Président Bush, pour m'avoir invité et pour l'accueil chaleureux qu'ils m'ont réservé. Mais mon "merci" voudrait s'étendre à tous ceux qui, à Washington et à New York, sont venus me saluer et manifester leur amour pour le Pape, ou qui m'ont accompagné et soutenu par la prière et par l'offrande de leurs sacrifices. Comme on le sait, l'occasion de ma visite a été le bicentenaire de l'élévation au rang d'archidiocèse métropolitain du premier diocèse du pays, Baltimore, et de la fondation des sièges de New York, Boston, Philadelphie et Louisville. En cet anniversaire proprement ecclésial, j'ai donc eu la joie de me rendre en personne, pour la première fois en tant que Successeur de Pierre, en visite auprès du bien-aimé peuple des Etats-Unis d'Amérique, pour confirmer dans la foi les catholiques, pour renouveler et accroître la fraternité de tous les chrétiens et pour annoncer à tous le message du "Christ notre espérance", comme le disait la devise du voyage.

Lors de la rencontre avec le Président dans sa résidence, j'ai eu l'occasion de rendre hommage à ce grand pays, qui dès les origines a été édifié sur la base d'une heureuse conjugaison entre principes religieux, éthiques et politiques, et qui constitue encore à présent un exemple valable de saine laïcité, où la dimension religieuse, dans la diversité de ses expressions, est non seulement tolérée, mais valorisée comme "âme" de la nation et garantie fondamentale des droits et des devoirs de l'homme. Dans ce contexte, l'Eglise peut accomplir de manière libre et engagée sa mission d'évangélisation et de promotion humaine, et également de "conscience critique", en contribuant à la construction d'une société digne de la personne humaine et, dans le même temps, en encourageant un pays comme les Etats-Unis - vers lesquels tous se tournent comme l'un des principaux acteurs de la scène internationale - à la solidarité mondiale, toujours plus nécessaire et urgente, et à l'exercice patient du dialogue dans les relations internationales.

Naturellement la mission et le rôle de la Communauté ecclésiale ont été au centre de la rencontre avec les évêques, qui a eu lieu au Sanctuaire national de l'Immaculée Conception, à Washington. Dans le contexte liturgique des Vêpres, nous avons loué le Seigneur pour le chemin accompli par le peuple de Dieu aux Etats-Unis, pour le zèle de ses pasteurs et la ferveur et la générosité de ses fidèles, qui se manifeste dans une considération de la foi élevée et ouverte et à travers d'innombrables initiatives caritatives et humanitaires à l'intérieur et à l'extérieur. Dans le même temps, j'ai soutenu mes confrères dans l'épiscopat dans leur tâche difficile de semer l'Evangile dans une société marquée par de nombreuses contradictions, qui menacent également la cohérence des catholiques et du clergé lui-même. Je les ai encouragés à faire entendre leur voix sur les questions morales et sociales actuelles et à former les fidèles laïcs, afin qu'ils soient un bon "levain" dans la communauté civile, à partir de la cellule fondamentale qui est la famille. En ce sens, je les ai exhortés à reproposer le sacrement du mariage comme don et engagement indissoluble entre un homme et une femme, milieu naturel d'accueil et d'éducation des enfants. L'Eglise et la famille, avec l'école - en particulier celle d'inspiration chrétienne - doivent collaborer pour offrir aux jeunes une éducation morale solide, mais dans cette tâche les professionnels de la communication et du divertissement ont également une grande responsabilité. En pensant à la douloureuse affaire des abus sexuels sur des mineurs commis par des ministres ordonnés, j'ai voulu exprimer aux évêques ma proximité, en les encourageant dans leur engagement à panser les blessures et à renforcer les relations avec leurs prêtres. En répondant à plusieurs questions posées par les évêques, j'ai eu l'occasion de souligner divers aspects importants: le rapport intrinsèque entre l'Evangile et la "loi naturelle"; la saine conception de la liberté, qui se comprend et se réalise dans l'amour; la dimension ecclésiale de l'expérience chrétienne; l'exigence d'annoncer de manière nouvelle, en particulier aux jeunes, le "salut" comme plénitude de vie, et d'éduquer à la prière, de laquelle germent les réponses généreuses à l'appel du Seigneur.

Au cours de la grande et joyeuse célébration eucharistique au Nationals Park Stadium de Washington, nous avons invoqué l'Esprit Saint sur toute l'Eglise qui est aux Etats-Unis d'Amérique, pour que, solidement enracinée dans la foi transmise par les pères, profondément unie et renouvelée, elle affronte les défis actuels et futurs avec courage et espérance, cette espérance "qui ne trompe pas, puisque l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit Saint" (Rm 5,5). L'un de ces défis est certainement celui de l'éducation, c'est pourquoi à la Catholic University of America j'ai rencontré les Recteurs des universités et des collèges catholiques, les responsables diocésains pour l'enseignement et les représentants des enseignants et des étudiants. La tâche éducative fait partie intégrante de la mission de l'Eglise, et la communauté ecclésiale des Etats-Unis s'est toujours profondément engagée dans celle-ci, en rendant dans le même temps un grand service social et culturel au pays tout entier. Il est important que cela puisse continuer. Et il est tout aussi important de soigner la qualité des instituts catholiques, afin qu'en leur sein l'on puisse vraiment se former selon "la plénitude de la stature" du Christ (cf. Ep 4,13), en conjuguant la foi et la raison, la liberté et la vérité. C'est donc avec joie que j'ai confirmé les formateurs dans leur précieux engagement de charité intellectuelle.

Dans un pays à vocation multiculturelle tel que les Etats-Unis d'Amérique, les rencontres avec les représentants des autres religions ont pris une importance particulière: à Washington, au Centre culturel Jean-Paul II, avec les juifs, les musulmans, les hindous, les bouddhistes et les jaïnistes; à New York, lors de la visite à la Synagogue. Des moments très cordiaux, en particulier ce dernier, qui ont confirmé l'engagement commun au dialogue et à la promotion de la paix et des valeurs spirituelles et morales. Dans celle que l'on peut considérer comme la patrie de la liberté religieuse, j'ai voulu rappeler que cette dernière doit toujours être défendue par un effort commun, pour éviter toute forme de discrimination et de préjugé. Et j'ai souligné la grande responsabilité des chefs religieux, aussi bien en enseignant le respect et la non-violence, qu'en conservant vivantes les questions les plus profondes de la conscience humaine. La célébration oecuménique dans l'église paroissiale Saint-Joseph a également été caractérisée par une grande cordialité. Nous avons prié ensemble le Seigneur afin qu'il accroisse chez les chrétiens la capacité de rendre raison, également à travers une unité toujours plus grande, de l'unique grande espérance qui est en eux (cf. 1P 3,15) pour la foi commune en Jésus Christ.

L'autre objectif principal de mon voyage était la visite au siège central de l'ONU: la quatrième visite d'un Pape, après celle de Paul VI en 1965 et les deux de Jean-Paul II, en 1979 et en 1995. A l'occasion du 60 anniversaire de la "Déclaration universelle des Droits de l'Homme", la Providence m'a donné l'opportunité de confirmer, face à l'assemblée supranationale la plus vaste et la plus autorisée, la valeur de cette Charte, en rappelant son fondement universel, c'est-à-dire la dignité de la personne humaine, créée par Dieu à son image et ressemblance pour coopérer dans le monde à son grand dessein de vie et de paix. Comme la paix, le respect des droits de l'homme est lui aussi enraciné dans la "justice", c'est-à-dire dans un ordre éthique valable pour tous les temps et pour tous les peuples, qui peut être résumé dans la célèbre maxime: "Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse", ou, exprimée sous une forme positive en reprenant les paroles de Jésus: "Donc, tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi" (Mt 7,12). Sur cette base, qui constitue la contribution du Saint-Siège à l'Organisation des Nations unies, j'ai renouvelé, et je renouvelle également aujourd'hui, l'engagement effectif de l'Eglise catholique pour contribuer au renforcement des relations internationales marquées par les principes de responsabilité et de solidarité.

Dans mon âme sont également restées profondément imprimés les autres moments de mon séjour à New York. Dans la Cathédrale Saint-Patrick, au coeur de Manhattan - véritable "maison de prière pour tous les peuples" - j'ai célébré la Messe pour les prêtres et les personnes consacrées, venus de toutes les parties du pays. Je n'oublierai jamais avec quelle chaleur ils m'ont présenté leurs voeux pour le troisième anniversaire de mon élection au siège de Pierre. Cela a été un moment émouvant, où j'ai ressenti de manière sensible tout le soutien de l'Eglise pour mon ministère. Je peux dire la même chose de la rencontre avec les jeunes et les séminaristes qui s'est déroulée précisément au séminaire diocésain, et qui a été précédée par une halte très significative au milieu des enfants et des jeunes porteurs de handicap avec leurs familles. Aux jeunes, qui par nature sont assoiffés de vérité et d'amour, j'ai proposé plusieurs figures d'hommes et de femmes qui ont témoigné de manière exemplaire de l'Evangile sur la terre américaine, l'Evangile de la vérité qui rend libre dans l'amour, dans le service, dans la vie donnée pour les autres. En affrontant les ténèbres d'aujourd'hui, qui menacent la vie des jeunes, ces derniers peuvent trouver chez les saints la lumière qui dissipent ces ténèbres: la lumière du Christ, espérance pour chaque homme! Cette espérance, plus forte que le péché et que la mort, a animé le moment plein d'émotion que j'ai passé en silence sur le site de Ground Zero, où j'ai allumé un cierge en priant pour toutes les victimes de cette terrible tragédie. Enfin, ma visite a atteint son sommet au cours de la célébration eucharistique au Yankee Stadium de New York: je porte encore dans mon coeur cette fête de foi et de fraternité, lors de laquelle nous avons célébré les bicentenaires des plus antiques diocèses de l'Amérique du Nord. Le petit troupeau des origines s'est énormément développé, s'enrichissant de la foi et des traditions de vagues d'immigration successives. A cette Eglise, qui affronte maintenant les défis du présent, j'ai eu la joie d'annoncer à nouveau le "Christ notre espérance" hier, aujourd'hui et à jamais.

Chers frères et soeurs, je vous invite à vous unir à moi dans l'action de grâce pour la réussite réconfortante de ce voyage apostolique et en demandant à Dieu, par l'intercession de la Vierge Marie, qu'il puisse produire une abondance de fruits pour l'Eglise en Amérique et dans toutes les parties du monde.
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J'accueille avec plaisir les pèlerins francophones. Je salue particulièrement les jeunes présents ce matin! Que la lumière du Christ soit votre espérance et que son Esprit qui va nous être donné à la Pentecôte vous guide dans toute votre vie. Que Dieu vous bénisse!



Catéchèses Benoît XVI 48