Catéchèses Benoît XVI 10409

Mercredi 1 avril 2009 - Voyage en Afrique

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Chers frères et soeurs!


Comme je l'ai déjà annoncé dimanche dernier à l'Angelus, je m'arrête aujourd'hui pour parler de mon récent voyage apostolique en Afrique, le premier de mon pontificat sur ce continent. Celui-ci s'est limité au Cameroun et à l'Angola, mais avec ma visite, j'ai voulu embrasser en esprit tous les peuples africains et les bénir au nom du Seigneur. J'ai fait l'expérience du traditionnel et chaleureux accueil africain qui m'a été réservé partout, et je saisis avec plaisir cette occasion pour exprimer à nouveau ma vive gratitude aux épiscopats des deux pays, aux chefs d'Etat, à toutes les autorités et à ceux qui, de différentes façons, se sont prodigués pour le succès de ma visite pastorale.

Mon séjour en terre africaine a commencé le 17 mars à Yaoundé, capitale du Cameroun, où je me suis immédiatement trouvé au coeur de l'Afrique, et pas seulement géographiquement. En effet, ce pays regroupe de nombreuses caractéristiques de ce grand continent, la première d'entre elles étant son âme profondément religieuse, qui rassemble tous les très nombreux groupes ethniques qui la peuplent. En outre, au Cameroun un quart des habitants sont catholiques, et cohabitent pacifiquement avec les autres communautés religieuses. C'est pourquoi mon bien-aimé prédécesseur Jean-Paul II, en 1995, choisit précisément la capitale de cette nation pour promulguer l'Exhortation apostolique Ecclesia in Africa, après la première assemblée synodale consacrée précisément au continent africain. A présent, le Pape y est revenu pour remettre l'Instrumentum laboris de la seconde Assemblée synodale pour l’Afrique, prévue à Rome au mois d'octobre prochain et qui aura pour thème: "L'Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix: "Vous êtes le sel de la terre... Vous êtes la lumière du monde" (
Mt 5,13 Mt 5,14)".

Lors des rencontres que, à deux jours d'intervalle, j'ai eues avec les épiscopats, respectivement du Cameroun et de l'Angola et São Tomé et Príncipé, j'ai voulu - plus encore en cette Année paulinienne - rappeler l'urgence de l'évangélisation, qui revient en premier lieu précisément aux évêques, en soulignant la dimension collégiale, fondée sur la communion sacramentelle. Je les ai exhortés à être toujours un exemple pour leurs prêtres et pour tous les fidèles, et à suivre attentivement la formation des séminaristes, qui grâce à Dieu sont nombreux, et des catéchistes, qui deviennent toujours plus nécessaires pour la vie de l'Eglise en Afrique. J'ai encouragé les évêques à promouvoir la pastorale du mariage et de la famille, de la liturgie et de la culture, également pour aider les laïcs à résister à l'attaque des sectes et des groupes ésotériques. J'ai voulu les confirmer avec affection dans l'exercice de la charité et dans la défense des droits des pauvres.

Je repense ensuite à la solennelle célébration des vêpres qui s'est tenue à Yaoundé, dans l'église Marie Reine des Apôtres, patronne du Cameroun, un temple grand et moderne, qui naît sur le lieu où oeuvrèrent les premiers évangélisateurs du Cameroun, les missionnaires spiritains. A la veille de la solennité de saint Joseph, à la garde attentive duquel Dieu a confié ses trésors les plus précieux, Marie et Jésus, nous avons rendu gloire à l'unique Père qui est dans les cieux, avec les représentants des autres Eglises et communautés ecclésiales. En contemplant la figure spirituelle de saint Joseph, qui a consacré son existence au Christ et à la Vierge Marie, j'ai invité les prêtres, les personnes consacrées et les membres des mouvements ecclésiaux à rester toujours fidèles à leur vocation, en vivant en présence de Dieu et dans une joyeuse obéissance à sa Parole.

A la nonciature apostolique de Yaoundé, j'ai eu l'opportunité de rencontrer également les représentants de la communauté musulmane au Cameroun, rappelant l'importance du dialogue interreligieux et de la collaboration entre chrétiens et musulmans pour aider le monde à s'ouvrir à Dieu. Il s'est agi d'une rencontre véritablement très cordiale.

L'un des moments culminants du voyage a certainement été la remise de l'Instrumentum laboris de la II assemblée synodale pour l'Afrique, qui a eu lieu le 19 mars - jour de la saint Joseph et ma fête patronale - au stade de Yaoundé, au terme de la solennelle célébration eucharistique en l'honneur de saint Joseph. Cela a eu lieu avec la participation du peuple de Dieu, "parmi les cris de joie et les actions de grâce d'une multitude en fête - comme le dit le psaume (cf. Ps 42,5), dont nous avons fait une expérience concrète. L'assemblée synodale se déroulera à Rome, mais dans un certain sens, elle a déjà commencé au coeur du continent africain, au coeur de la famille chrétienne qui vit, souffre et espère en ce lieu. C'est pourquoi j'ai vu une heureuse coïncidence entre la publication de l'"Instrument de travail" et la fête de saint Joseph, modèle de foi et d'espérance comme le premier patriarche Abraham. La foi dans le "Dieu proche", qui en Jésus nous a montré son visage d'amour, est la garantie d'une espérance fiable, pour l'Afrique et pour le monde entier, la garantie d'un avenir de réconciliation, de justice et de paix.

Après l'assemblée liturgique solennelle et la présentation festive du Document de travail, j'ai pu m'entretenir, dans la nonciature apostolique de Yaoundé, avec les membres du Conseil spécial pour l'Afrique du synode des évêques et vivre avec eux un moment d'intense communion: nous avons réfléchi ensemble sur l'histoire de l'Afrique dans une perspective théologique et pastorale. C'était presque comme une première réunion du synode lui-même, dans un débat fraternel entre les divers épiscopats et le Pape sur les perspectives du synode de la réconciliation et de la paix en Afrique. En effet, le christianisme - et cela pouvait se voir - puise ses racines profondes depuis ses débuts dans le sol africain, comme l'attestent les nombreux martyrs et saints, pasteurs, docteurs et catéchistes apparus d'abord dans le nord, puis, à des époques successives, dans le reste du continent: pensons à Cyprien, à Augustin, à sa mère Monique, à Athanase, et aux martyrs de l'Ouganda, à Joséphine Bakhita, et à tant d'autres. A l'époque actuelle, qui voit l'Afrique engagée à renforcer l'indépendance politique et la construction des identités nationales dans un cadre désormais mondialisé, l'Eglise accompagne les Africains en rappelant le grand message du Concile Vatican II, appliqué à travers la première et, à présent, la deuxième assemblée spéciale du synode. Parmi les conflits malheureusement nombreux et dramatiques qui affligent diverses régions de ce continent, l'Eglise sait qu'elle doit être un signe et un instrument d'unité et de réconciliation, afin que toute l'Afrique puisse construire ensemble un avenir de justice, de solidarité et de paix, en appliquant les enseignements de l'Evangile.

Un signe fort de l'action humanisante du message du Christ est sans aucun doute le Centre Cardinal Léger de Yaoundé, destiné à la réhabilitation des personnes porteuses de handicap. Il fut fondé par le cardinal canadien Paul Emile Léger, qui voulut s'y retirer après le Concile, en 1968, pour travailler parmi les pauvres. Dans ce Centre, cédé ensuite à l'Etat, j'ai rencontré de nombreux frères et soeurs qui traversent des situations de souffrance, partageant avec eux - mais également puisant en eux - l'espérance qui provient de la foi, même dans les situations de souffrance.

La deuxième étape - et la deuxième partie de mon voyage - a été l'Angola, pays lui aussi sous certains aspects emblématique: en effet, sorti d'une longue guerre interne, il est à présent engagé dans l'oeuvre de réconciliation et de reconstruction nationale. Mais comment cette réconciliation et cette reconstruction pourraient être authentiques si elles avaient lieu au détriment des plus pauvres, qui ont le droit comme tous de participer aux ressources de leur terre? Voilà pourquoi, par ma visite, dont le premier objectif a été bien évidemment de confirmer l'Eglise dans la foi, j'ai voulu également encourager le processus social en cours. En Angola, on touche véritablement du doigt ce que mes vénérés prédécesseurs ont répété à plusieurs reprises: tout est perdu avec la guerre, tout peut renaître avec la paix. Mais pour reconstruire une nation, de grandes énergies morales sont nécessaires. Et ici, une fois de plus, le rôle de l'Eglise, appelée à accomplir une action éducative, en travaillant en profondeur pour renouveler et former les consciences, apparaît important.

Le patron de la ville de Luanda, capitale de l'Angola, est saint Paul: c'est pourquoi j'ai choisi de célébrer l'Eucharistie avec les prêtres, les séminaristes, les religieux, les catéchistes et les autres agents de la pastorale samedi 21 mars, dans l'église dédiée à l'apôtre. Une fois de plus, l'expérience personnelle de saint Paul nous a parlé de la rencontre avec le Christ ressuscité, capable de transformer les personnes et la société. Les cadres historiques changent - et il faut en tenir compte - mais le Christ demeure la véritable force de renouveau radical de l'homme et de la communauté humaine. C'est pourquoi, revenir à Dieu, se convertir au Christ signifie aller de l'avant, vers la plénitude de la vie.

Pour exprimer la proximité de l'Eglise à l'égard des efforts de reconstruction de l'Angola et de tant de régions africaines, j'ai voulu, à Luanda, consacrer deux rencontres spéciales respectivement aux jeunes et aux femmes. Avec les jeunes, dans le stade, a eu lieu une fête de joie et d'espérance, assombrie malheureusement par la mort de deux jeunes filles, écrasées par des mouvements de foule à l'entrée. L'Afrique est un continent très jeune, mais trop de ses fils, enfants et adolescents, ont déjà subi de graves blessures, que seul Jésus Christ, le Crucifié-Ressuscité, peut guérir en diffusant en eux, avec son Esprit, la force d'aimer et de s'engager pour la justice et la paix. Puis, m'adressant aux femmes, j'ai rendu hommage au service que tant d'elles offrent à la foi, à la dignité humaine, à la vie, à la famille. J'ai répété leur plein droit à s'engager dans la vie publique, sans toutefois que soit sacrifié leur rôle dans la famille, mission fondamentale à accomplir toujours dans le partage responsable avec tous les autres éléments de la société et surtout avec les maris et les pères. Voilà donc le message que j'ai laissé aux nouvelles générations et au monde féminin, en l'étendant ensuite à tous dans la grande assemblée eucharistique du dimanche 22 mars, concélébrée avec les évêques des pays d'Afrique australe, à laquelle ont participé un million de fidèles. Si les peuples africains - leur ai-je dit - comme l'antique Israël, fondent leur espérance sur la Parole de Dieu, riches de leur patrimoine religieux et culturel, ils peuvent réellement construire un avenir de réconciliation et de pacification stable pour tous.

Chers frères et soeurs, combien de réflexions ai-je encore dans le coeur! Je vous demande de rendre grâces au Seigneur pour les merveilles qu'il a accomplies et qu'il continue d'accomplir en Afrique grâce à l'action généreuse des missionnaires, des religieux et des religieuses, des volontaires, des prêtres, des catéchistes, dans des communautés jeunes, pleines d'enthousiasme et de foi. Je vous demande également de prier pour les populations africaines, qui me sont très chères, afin qu'elles puissent affronter avec courage les grands défis sociaux, économiques et spirituels du moment présent. Nous confions tout et tous à l'intercession maternelle de la Très Sainte Vierge Marie Reine de l'Afrique, et des saints et bienheureux africains.
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Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones. Je salue particulièrement les jeunes des lycées et collèges, ainsi que les diocésains d’Annecy et la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Montréal. Que la semaine sainte qui approche soit pour vous tous l’occasion de faire grandir votre foi dans le Christ mort et ressuscité. Que Dieu vous bénisse


Mercredi 8 avril 2009 - Triduum Paschal

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Chers frères et soeurs,


La Semaine Sainte, qui pour nous chrétiens est la semaine la plus importante de l'année, nous offre l'opportunité de nous plonger dans les événements centraux de la Rédemption, de revivre le Mystère pascal, le grand Mystère de la foi. A partir de demain après-midi, avec la Messe in Coena Domini, les rites liturgiques solennels nous aideront à méditer de manière plus vive la passion, la mort et la résurrection du Seigneur pendant les jours du saint Triduum pascal, foyer de toute l'année liturgique. Puisse la grâce divine ouvrir nos coeurs à la compréhension du don inestimable qu'est le salut que nous a obtenu le sacrifice du Christ. Ce don immense, nous le trouvons merveilleusement raconté dans un célèbre hymne contenu dans la Lettre aux Philippiens (cf. 2, 6-11), que nous avons plusieurs fois médité au cours du Carême. L'Apôtre reparcourt de manière à la fois essentielle et efficace, tout le mystère de l'histoire du salut, évoquant l'orgueil d'Adam qui, bien que n'étant pas Dieu, voulait être comme Dieu. Et il oppose cet orgueil du premier homme, que nous ressentons tous un peu au fond de nous, à l'humilité du vrai Fils de Dieu qui, en devenant homme, n'hésita pas à prendre sur lui toutes les faiblesses de l'être humain, à l'exception du péché, et alla jusqu'aux profondeurs de la mort. A cette descente dans l'ultime profondeur de la passion et de la mort suit son exaltation, la vraie gloire, la gloire de l'amour qui est allé jusqu'au bout. Et c'est pourquoi il est juste - comme le dit Paul - que "tout, au nom de Jésus, s'agenouille au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame de Jésus Christ qu'il est le Seigneur" (2, 10-11). Saint Paul fait allusion par ces mots à une prophétie d'Isaïe où Dieu dit: Je suis le Seigneur, que tout s'agenouille devant moi au plus haut des cieux et sur la terre (cf. Is
Is 45,23). Cela - dit Paul - vaut pour Jésus Christ. Lui réellement, dans son humilité, dans la vraie grandeur de son amour, est le Seigneur du monde et devant lui réellement tout s'agenouille.

Combien ce mystère est à la fois merveilleux et surprenant! Nous ne méditons jamais suffisamment cette réalité. Jésus, tout en étant Dieu, ne voulut pas faire de ses prérogatives divines une possession exclusive; il ne voulut pas faire usage du fait d'être Dieu, de sa dignité glorieuse et de sa puissance, comme instrument de triomphe et signe de distance par rapport à nous. Au contraire, "il se vida lui-même" en assumant la misérable et faible condition humaine - Paul utilise à cet égard un verbe grec très fort pour indiquer la kénosis, cette descente de Jésus. La forme (morphé)divine se cacha en Christ sous la forme humaine, c'est-à-dire sous notre réalité marquée par la souffrance, par la pauvreté, par nos limites humaines et par la mort. Le partage radical et vrai de notre nature, partage en toute chose à l'exception du péché, le conduisit jusqu'à cette frontière qui est le signe de notre finitude, la mort. Mais tout cela n'a pas été le fruit d'un mécanisme obscur ou d'une aveugle fatalité: ce fut plutôt son libre choix, par adhésion généreuse au dessein salvifique du Père. Et la mort au devant de laquelle il alla - ajoute l'apôtre - fut celle de la croix, la plus humiliante et dégradante que l'on puisse imaginer. Tout cela le Seigneur de l'univers l'a accompli par amour pour nous: par amour il a voulu "se vider lui-même" et se faire notre frère; par amour il a partagé notre condition, celle de tout homme et de toute femme. Un grand témoin de la tradition orientale, Théodoret de Cyr, écrit à ce propos: "Etant Dieu et Dieu par nature et ayant l'égalité avec Dieu, il n'a pas estimé que ce fût quelque chose de grand, comme le font ceux qui ont reçu quelque honneur supérieur à leurs mérites, mais cachant ses mérites, il a choisi l'humilité la plus profonde et il a pris la forme d'un être humain" (Commentaire à l'épître aux Ph 2,6-7).

Prélude au Triduum pascal, qui commencera demain - comme je le disais - avec les rites suggestifs de l'après-midi du Jeudi saint, la Messe chrismale solennelle est célébrée dans la matinée par l'évêque avec son presbyterium, et au cours de celle-ci sont renouvelées ensemble les promesses sacerdotales prononcées le jour de l'Ordination. C'est un geste d'une grande valeur, une occasion plus que jamais propice où les prêtres réaffirment leur fidélité au Christ qui les a choisis comme ses ministres. Cette rencontre sacerdotale prend en outre une signification particulière, parce qu'elle est en quelque sorte une préparation à l'Année sacerdotale, que j'ai souhaitée à l'occasion du 150 anniversaire de la mort du saint Curé d'Ars et qui débutera le 19 juin prochain. Toujours au cours de la Messe chrismale seront bénites l'huile des malades et l'huile des catéchumènes, et sera consacré le Chrême. Ce sont des rites à travers lesquels sont symbolisées la plénitude du sacerdoce du Christ et celle de la communion ecclésiale qui doit animer le peuple chrétien, réuni pour le sacrifice eucharistique et vivifié dans l'unité par le don de l'Esprit Saint.

Dans la Messe de l'après-midi, appelée in Coeni Domini, l'Eglise commémore l'institution de l'Eucharistie, le sacerdoce ministériel et le commandement nouveau de la charité, laissé par Jésus à ses disciples. Saint Paul offre l'un des témoignages les plus antiques de ce qui est survenu dans le Cénacle, la veille de la passion du Seigneur: "La nuit même où il était livré, le Seigneur Jésus - écrit-il, au début de l'an cinquante, se fondant sur un texte qu'il avait reçu du cercle du Seigneur lui-même - prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit: "Ceci est mon corps qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi". Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant: "Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi"" (1Co 11,23-25). Des paroles chargées de mystère, qui manifestent avec clarté la volonté du Christ: sous les espèces du pain et du vin, Il se rend présent avec son Corps donné et avec son sang versé. C'est le sacrifice de l'alliance nouvelle et définitive offerte à tous, sans distinction de race et de culture. Et de ce rite sacramentel, qu'il remet à l'Eglise comme preuve suprême de son amour, Jésus constitue ministres ses disciples et tous ceux qui poursuivront son ministère au cours des siècles. Le Jeudi saint constitue donc une invitation renouvelée à rendre grâce à Dieu pour le don suprême de l'Eucharistie, qu'il faut accueillir avec dévotion et adorer avec une foi vivante. Pour cela, l'Eglise encourage, après la célébration de la Messe, à veiller en présence du Très Saint Sacrement, en rappelant l'heure triste que Jésus passa dans la solitude et la prière au Gethsémani, avant d'être arrêté et d'être ensuite condamné à mort.

Nous arrivons ainsi au Vendredi saint, jour de la Passion et de la crucifixion du Seigneur. Chaque année, en nous tenant en silence devant Jésus cloué au bois de la croix, nous ressentons combien les paroles qu'Il a prononcées la veille, au cours de la Dernière Cène, sont pleines d'amour. "Ceci est mon sang de l'Alliance, répandu pour la multitude" (cf. Mc 14,24). Jésus a voulu offrir sa vie en sacrifice pour la rémission des péchés et de l'humanité. Comme devant l'Eucharistie, ainsi, devant la passion et la mort de Jésus sur la Croix, le mystère devient insondable pour la raison. Nous nous trouvons face à quelque chose qui humainement, pourrait paraître absurde: un Dieu qui non seulement se fait homme, avec tous les besoins de l'homme, non seulement souffre pour sauver l'homme en se chargeant de toute la tragédie de l'humanité, mais qui meurt pour l'homme.

La mort du Christ rappelle l'accumulation de douleurs et de maux qui pèsent sur l'humanité de tout temps: le poids écrasant de notre mort, la haine et la violence qui aujourd'hui encore, ensanglantent la terre. La passion du Seigneur se poursuit dans la souffrance des hommes. Comme l'écrit à juste titre Blaise Pascal: "Jésus sera à l'agonie jusqu'à la fin du monde, il ne faut pas dormir pendant ce temps" (Pensées, 553). Si le Vendredi saint est un jour plein de tristesse, il est donc dans le même temps un jour plus que jamais propice pour restaurer notre foi, renforcer notre espérance et le courage de porter chacun notre croix avec humilité, confiance et abandon en Dieu, assurés de son soutien et de sa victoire. La liturgie de ce jour chante: O Crux, ave, spes unica - "Salut, ô croix, unique espérance!".

Cette espérance s'alimente dans le grand silence du Samedi saint, dans l'attente de la Résurrection de Jésus. En ce jour, les Eglises sont dépouillées et aucun rite liturgique particulier n'est prévu. L'Eglise veille en prière comme Marie et avec Marie, en partageant les mêmes sentiments de douleur et de confiance en Dieu. On recommande à juste titre de demeurer au cours de toute la journée dans un climat de prière, favorable à la méditation et à la réconciliation; on encourage les fidèles à avoir recours au sacrement de la Pénitence, pour pouvoir participer réellement renouvelés aux fêtes de Pâques.

Le recueillement et le silence du Samedi saint nous conduiront dans la nuit à la Veillée pascale solennelle, "mère de toutes les veillées", lorsque s'élèvera dans toutes les églises et communautés le chant de la joie pour la résurrection du Christ. Une fois de plus, la victoire de la lumière sur les ténèbres, de la vie sur la mort, sera proclamée, et l'Eglise se réjouira dans la rencontre avec son Seigneur. Nous entrerons ainsi dans le climat de la Pâque de Résurrection.

Chers frères et soeurs, préparons-nous à vivre intensément le Saint Triduum, pour participer toujours plus profondément au Mystère du Christ. La Sainte Vierge nous accompagne sur cet itinéraire, elle qui a suivi en silence le Fils Jésus jusqu'au Calvaire, en prenant part avec une grande peine à son sacrifice, coopérant ainsi au mystère de la Rédemption et devenant Mère de tous les croyants (cf. Jn 19,25-27). Avec elle, nous entrerons dans le Cénacle, nous demeurerons au pied de la Croix, nous veillerons idéalement auprès du Christ mort en attendant avec espérance l'aube du jour radieux de la résurrection. Dans cette perspective, je forme dès à présent à votre égard les voeux les plus cordiaux pour une heureuse et sainte Pâque, avec vos familles, vos paroisses et vos communautés.
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Je salue avec joie les pèlerins francophones, particulièrement les jeunes du Foyer vocationnel Jean-Paul II de Vannes ainsi que ceux du Collège Saint-Joseph de Lectoure. Pour que les fêtes pascales portent un fruit abondant, laissez-vous accompagner par Marie dans l'attente de l'aube de la résurrection. A vous tous, à vos familles, à vos communautés, bonnes et saintes fêtes de Pâques!

A l'issue de l'Audience générale

Je souhaite une cordiale bienvenue aux pèlerins de langue italienne. En premier lieu, je renouvelle ma proximité spirituelle à la bien-aimée communauté de L'Aquila et des autres villages, durement frappés par le violent phénomène sismique de ces derniers jours, qui a provoqué de nombreuses victimes, de très nombreux blessés et d'immenses dégâts matériels. La sollicitude avec laquelle les autorités, les forces de l'ordre, les volontaires et les autres intervenants sont en train de porter secours à nos frères démontre combien est importante la solidarité pour surmonter ensemble des épreuves aussi douloureuses. Encore une fois, je souhaite dire à ces bien-aimées populations que le Pape partage leur peine et leurs préoccupations. Très chers amis, j'espère venir vous rendre visite aussi rapidement que possible. Sachez que le Pape prie pour tous, implorant la miséricorde du Seigneur pour les défunts, et pour leurs proches et les survivants le réconfort maternel de Marie et le soutien de l'espérance chrétienne.

Je salue également les participants au Congrès international univ, organisé par la Prélature de l'Opus Dei. Chers amis je vous exhorte à répondre avec joie à l'appel du Seigneur pour donner un sens plein à votre vie: dans l'étude, dans les relations avec vos collègues, en famille et dans la société. "Beaucoup de grandes choses dépendent de ce que toi et moi - disait Josémaria Escrivà - nous nous comportions selon la volonté de Dieu. Ne l'oublie pas" (Chemin, 755).



Mercredi 15 avril 2009

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Chers frères et soeurs,


L'Audience générale traditionnelle du mercredi est empreinte aujourd'hui d'une joie spirituelle, qu'aucune souffrance ni peine ne peuvent effacer, car c'est une joie qui jaillit de la certitude que le Christ, par sa mort et sa résurrection, a définitivement triomphé sur le mal et sur la mort. "Le Christ est ressuscité! Alléluia!" chante l'Eglise en fête. Et ce climat de fête, ces sentiments typiques de Pâques, se prolongent non seulement au cours de cette semaine - l'Octave de Pâques - mais s'étendent au cours des cinquante jours qui vont jusqu'à la Pentecôte. Le mystère de Pâques embrasse même toute la durée de notre existence.

En ce temps liturgique, les références bibliques et les invitations à la méditation, qui nous sont offertes pour approfondir la signification et la valeur de Pâques, sont véritablement nombreuses. La "via crucis" que, au cours du Saint Triduum, nous avons reparcourue avec Jésus jusqu'au Calvaire, en en revivant la douloureuse Passion est devenue, au cours de la solennelle Veillée de Pâques, une "via lucis" réconfortante, un chemin de lumière et de renaissance spirituelle, de paix intérieure et de solide espérance. Après les pleurs, après le désarroi du Vendredi saint, suivi par le silence chargé d'attente du Samedi saint, à l'aube du "premier jour après le sabbat" a retenti avec vigueur l'annonce de la Vie qui a vaincu la mort: "Dux vitae mortuus / regnat vivus - le Seigneur de la vie était mort; mais à présent, vivant, il triomphe!" La nouveauté bouleversante de la résurrection est si importante que l'Eglise ne cesse de la proclamer, en prolongeant son souvenir en particulier chaque dimanche, jour du Seigneur et Pâque hebdomadaire du peuple de Dieu. Nos frères orientaux, comme pour souligner ce mystère de salut qui enveloppe notre vie quotidienne, appellent le dimanche en russe "jour de la résurrection" (voskrescénje).

Il est donc fondamental pour notre foi et pour notre témoignage chrétien de proclamer la résurrection de Jésus de Nazareth comme un événement réel, historique, attesté par de nombreux témoins faisant autorité. Nous l'affirmons avec force car, à notre époque également, il ne manque pas de personnes qui cherchent à en nier l'historicité, en réduisant le récit évangélique à un mythe, en reprenant et en présentant des théories anciennes et déjà utilisées comme nouvelles et scientifiques. Certes, la résurrection n'a pas été pour Jésus un simple retour à la vie terrestre précédente, mais elle a été le passage à une dimension profondément nouvelle de vie, qui nous concerne nous aussi, qui touche toute la famille humaine, l'histoire et tout l'univers. Cet événement a changé l'existence des témoins oculaires, comme le démontrent les récits évangéliques et les autres écrits néotestamentaires; il s'agit d'une annonce que des générations entières d'hommes et de femmes au cours des siècles ont écoutée avec foi et ont témoignée, souvent au prix de leur sang, à travers le martyre. Cette année également, cette bonne nouvelle retentit à Pâques, de façon immuable et toujours nouvelle, dans tous les lieux de la terre: Jésus mort en croix est ressuscité, il vit glorieux car il a vaincu le pouvoir de la mort. Telle est la victoire de la Pâque! Tel est notre salut! Et avec saint Augustin, nous pouvons chanter: "La résurrection du Christ est notre espérance!".

C'est vrai: la résurrection de Jésus fonde notre solide espérance et illumine tout notre pèlerinage terrestre, y compris l'énigme humaine de la douleur et de la mort. La foi dans le Christ crucifié et ressuscité est le coeur de tout le message évangélique, le noyau central de notre "Credo". Nous pouvons trouver une expression faisant autorité de ce "Credo" essentiel dans un passage célèbre des écrits de saint Paul, contenu dans la Première Lettre aux Corinthiens (15, 3-8), où l'Apôtre, pour répondre à certaines personnes de la communauté de Corinthe qui, paradoxalement, proclamaient la résurrection de Jésus, mais niaient celle des morts, transmet fidèlement ce que lui-même avait reçu de la première communauté apostolique concernant la mort et la résurrection du Seigneur.

Il commence par une affirmation presque péremptoire: "Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée; cet Evangile, vous l'avez reçu, et vous y restez attaché, vous serez sauvés par lui si vous le gardez tel que je vous l'ai annoncé; autrement, c'est pour rien que vous êtes devenus croyants" (vv. 1-2). Il ajoute aussitôt qu'il leur a transmis ce que lui-même a reçu. Suit alors l'épisode que nous avons écouté au début de notre rencontre. Saint Paul présente tout d'abord la mort de Jésus et apporte à un texte aussi dépouillé, deux ajouts à la nouvelle que "le Christ est mort". Le premier ajout est: il est mort "pour nos péchés"; le deuxième est: "conformément aux Ecritures" (v. 3). L'expression "conformément aux Ecritures" place l'événement de la résurrection du Seigneur en relation avec l'histoire de l'Alliance vétérotestamentaire de Dieu avec son peuple, et nous fait comprendre que la mort du fils de Dieu appartient au tissu de l'histoire du salut, et que c'est même d'elle que cette histoire tire sa logique et sa véritable signification. Dans le mystère pascal s'accomplissent les paroles de l'Ecriture, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un événement qui porte en soi un logos, une logique: la mort du Christ témoigne que la Parole de Dieu s'est faite jusqu'au fond "chair", "histoire" humaine. Comment et pourquoi ceci a eu lieu, se comprend à partir du deuxième ajout que saint Paul apporte: le Christ est mort "pour nos péchés". Avec ces paroles, le texte de saint Paul semble reprendre la prophétie d'Isaïe contenue dans le Quatrième chant du Serviteur de Dieu (cf. Is
Is 53,12). Le Serviteur de Dieu "s'est livré lui-même jusqu'à la mort", a porté "le péché des multitudes", et intercédant pour les "criminels", il a pu apporter le don de la réconciliation des hommes entre eux et des hommes avec Dieu: sa mort met donc fin à la mort; le chemin de la Croix conduit à la Résurrection.

Dans les versets qui suivent, l'Apôtre s'arrête ensuite sur la résurrection du Seigneur. Il dit que le Christ "est ressuscité le troisième jour conformément aux Ecritures". De nombreux exégètes entrevoient dans l'expression: "Il est ressuscité le troisième jour conformément aux Ecritures" un rappel significatif de ce que nous lisons dans le Psaume 16, où le Psalmiste proclame: "Tu ne peux m'abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption" (v. 10). Il s'agit de l'un des textes de l'Ancien Testament, cités aux débuts du christianisme, pour démontrer le caractère messianique de Jésus. Etant donné que selon l'interprétation juive, la corruption commençait après le troisième jour, la parole de l'Ecriture s'accomplit en Jésus qui ressuscite le troisième jour, c'est-à-dire avant que ne commence la corruption. Saint Paul, transmettant fidèlement l'enseignement des Apôtres, souligne que la victoire du Christ sur la mort a lieu à travers la puissance créatrice de la Parole de Dieu. Cette puissance divine apporte espérance et joie: c'est en définitive le contenu libérateur de la révélation pascale. Dans la Pâque, Dieu se révèle lui-même et révèle la puissance de l'amour trinitaire qui anéantit les forces destructrices du mal et de la mort.
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Je suis heureux d’accueillir les pèlerins de langue française, particulièrement le groupe de l’archidiocèse de Rennes, avec Mgr D’Ornellas et Mgr Souchu, les prêtres de Bayonne avec Mgr Aillet, les séminaristes de Lyon et les jeunes d’Auch et de Suisse. Que le temps de Pâques soit pour vous tous une occasion privilégiée d’approfondir votre foi dans la résurrection du Christ pour en être des témoins authentiques dans votre vie quotidienne. Que le Ressuscité soit votre paix et votre joie!



Catéchèses Benoît XVI 10409