Catéchèses Benoît XVI 10069

Mercredi 10 juin 2009 - Jean Scot Érigène

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Chers frères et soeurs,

Je voudrais parler aujourd'hui d'un penseur important de l'Occident chrétien: Jean Scot Erigène, dont les origines restent toutefois obscures. Il venait certainement d'Irlande, où il était né au début du ix siècle, mais nous ne savons pas quand il a quitté son île pour traverser la Manche et prendre ainsi pleinement part au monde culturel qui renaissait autour des carolingiens, et en particulier autour de Charles le Chauve, dans la France du ix siècle. De même que l'on ignore la date exacte de sa naissance, l'on ignore également l'année de sa mort qui, selon les experts, devrait toutefois se situer aux alentours de l'an 870.

Jean Scot Erigène possédait une culture patristique, tant grecque que latine, remarquable: il connaissait en effet directement les écrits des Pères latins et grecs. Il connaissait bien, entre autres, les oeuvres d'Augustin, d'Ambroise, de Grégoire le grand, grands Pères de l'Occident chrétien, mais il connaissait tout aussi bien la pensée d'Origène, de Grégoire de Nysse, de Jean Chrysostome, et d'autres Pères chrétiens d'Orient non moins importants. C'était un homme exceptionnel, qui maîtrisait à cette époque également la langue grecque. Il révéla une attention toute particulière pour saint Maxime le Confesseur et surtout pour Denys l'Aréopagite. Sous ce pseudonyme se cache un écrivain ecclésiastique du v siècle, de Syrie, mais tout le Moyen Age, et avec lui Jean Scot Erigène, était convaincu que cet auteur était le même qu'un disciple direct de saint Paul, dont on parlait dans les Actes des Apôtres (17, 34). Scot Erigène, convaincu de cette apostolicité des écrits de Denys, le qualifiait d'"Auteur divin" par excellence; ses écrits furent donc une source éminente de sa pensée. Jean Scot traduisit ses oeuvres en latin. Les grands théologiens médiévaux, comme saint Bonaventure, ont connu les oeuvres de Denys à travers cette traduction. Il se consacra toute sa vie à approfondir et développer sa pensée, en puisant à ces écrits, au point qu'aujourd'hui encore, il peut parfois être difficile de distinguer lorsque nous sommes en présence de la pensée de Scot Erigène ou lorsqu'au contraire, il ne fait que reproposer la pensée du Pseudo-Denys.

En vérité, le travail théologique de Jean Scot ne connut pas beaucoup de succès. Non seulement la fin de l'ère carolingienne relégua ses oeuvres dans l'oubli; mais une censure de la part des autorités ecclésiastiques jeta également une ombre sur sa figure. En réalité, Jean Scot représente un platonisme radical, qui semble parfois s'approcher d'une vision panthéiste, même si ses intentions personnelles et subjectives furent toujours orthodoxes. Certaines oeuvres de Jean Scot Erigène sont parvenues jusqu'à nous, parmi lesquelles méritent en particulier d'être rappelés le traité "sur la division de la nature" et les "Expositions sur la hiérarchie céleste de saint Denys". Il y développe des réflexions théologiques et spirituelles stimulantes, qui pourraient suggérer d'intéressants approfondissements également aux théologiens contemporains. Je me réfère, par exemple, à ce qu'il écrit sur le devoir d'exercer un discernement approprié sur ce qui est présenté comme auctoritas vera, ou sur l'engagement à continuer de rechercher la vérité jusqu'à ce que l'on parvienne à en faire une quelque expérience dans l'adoration silencieuse de Dieu.

Notre auteur dit: "Salus nostra ex fide inchoat: notre salut commence avec la foi". Nous ne pouvons donc pas parler de Dieu en partant de nos inventions, mais de ce que Dieu dit de lui-même dans les Saintes Ecritures. Mais, étant donné que Dieu ne dit que la vérité, Scot Erigène est convaincu que l'autorité et la raison ne peuvent jamais être en opposition l'une avec l'autre; il est convaincu que la véritable religion et la véritable philosophie coïncident. Dans cette perspective, il écrit: "Tout type d'autorité qui n'est pas confirmée par une véritable raison devrait être considérée comme faible... Il n'est, en effet, de véritable autorité que celle qui coïncide avec la vérité découverte en vertu de la raison, même s'il devait s'agir d'une autorité recommandée et transmise par les saints Pères pour la postérité" (1, PL122, col 513BC). Par conséquent, il avertit: "Qu'aucune autorité ne t'intimide ni ne te distraie de ce que te fait comprendre la persuasion obtenue grâce à un comportement droit et rationnel. En effet, l'autorité authentique ne contredit jamais la juste raison, pas plus que cette dernière ne peut jamais contredire une véritable autorité. L'une et l'autre proviennent sans aucun doute de la même source, qui est la sagesse divine" (I, PL 122, col 511B). Nous voyons ici une courageuse affirmation des valeurs de la raison, fondée sur la certitude selon laquelle l'autorité véritable est raisonnable, car Dieu est la raison créatrice.

L'Ecriture elle-même n'échappe pas, selon Erigène, à la nécessité d'être étudiée en utilisant le même principe de discernement. En effet, l'Ecriture - soutient le théologien irlandais en reproposant une réflexion déjà présente chez saint Jean Chrysostome - bien que provenant de Dieu, ne serait pas nécessaire si l'homme n'avait pas péché. Il faut donc en déduire que l'Ecriture fut donnée par Dieu dans une intention pédagogique et par miséricorde afin que l'homme puisse se rappeler de tout ce qui avait été gravé dans son coeur dès le moment de sa création "à l'image et ressemblance de Dieu" (cf.
Gn 1,26) et que le péché originel lui avait fait oublier. Erigène écrit dans les Expositiones: "Ce n'est pas l'homme qui a été créé pour l'Ecriture, dont il n'aurait pas eu besoin s'il n'avait pas péché, mais c'est plutôt l'Ecriture - tissée de doctrine et de symboles - qui a été donnée pour l'homme. En effet, grâce à elle, notre nature rationnelle peut être introduite dans les secrets de l'authentique et pure contemplation de Dieu" (II, PL 122, col 146C). La parole de l'Ecriture Sainte purifie notre raison quelque peu aveugle et nous aide à revenir au souvenir de ce que nous portons, en tant qu'image de Dieu, dans notre coeur, rendu hélas vulnérable par le péché.

De là découlent certaines conséquences herméneutiques, en ce qui concerne la façon d'interpréter l'Ecriture qui peuvent indiquer aujourd'hui encore la juste voie pour une lecture correcte de l'Ecriture Sainte. Il s'agit en effet de découvrir le sens caché dans le texte sacré et cela présuppose un exercice intérieur particulier, grâce auquel la raison s'ouvre au chemin certain vers la vérité. Cet exercice consiste à cultiver une disponibilité constante à la conversion. Pour parvenir, en effet, à la vision profonde du texte, il est nécessaire de progresser simultanément dans la conversion du coeur et dans l'analyse conceptuelle de la page biblique, qu'elle soit à caractère universel, historique ou doctrinal. C'est en effet uniquement grâce à la purification constante tant de l'oeil du coeur que de l'oeil de l'esprit, que l'on peut en acquérir une compréhension exacte.

Ce chemin d'un accès difficile, exigeant et enthousiasmant, fait de conquêtes constantes et de relativisations du savoir humain, conduit la créature intelligente jusqu'au seuil du Mystère divin, là où toutes les notions révèlent leur faiblesse et leur incapacité et imposent donc, avec la simple force libre et douce de la vérité, d'aller toujours au-delà de tout ce qui est continuellement acquis. La reconnaissance adorante et silencieuse du Mystère, qui débouche sur la communion unificatrice, se révèle donc comme l'unique voie d'une relation avec la vérité qui est à la fois la plus intime possible et la plus scrupuleusement respectueuse de l'autre. Jean Scot - utilisant également dans ce contexte un vocabulaire cher à la tradition chrétienne de langue grecque - a appelé cette expérience à laquelle nous tendons "theosis" ou divinisation, à travers des affirmations hardies au point qu'il fut possible de le soupçonner de panthéisme hétérodoxe. Quoi qu'il en soit, l'émotion demeure profonde face à des textes comme celui-ci, où, ayant recours à l'antique métaphore de la fusion du fer, il écrit: "Ainsi, de même que tout le fer devenu brûlant se liquéfie au point qu'il ne semble plus y avoir que le feu, et toutefois les substances de l'un et de l'autre demeurent distinctes, ainsi, il faut accepter qu'après la fin de ce monde, toute la nature, tant corporelle qu'incorporelle, manifeste uniquement Dieu et demeure toutefois intègre de façon telle que Dieu puisse être d'une certaine façon compris tout en reste incompréhensible et la créature elle-même soit transformée, avec une merveille ineffable, en Dieu" (V, PL 12, col 451B).

En réalité, la pensée théologique de Jean Scot est la démonstration la plus évidente de la tentative d'exprimer le dicible de l'indicible Dieu, en se fondant uniquement sur le mystère du Verbe incarné en Jésus de Nazareth. Les nombreuses métaphores qu'il utilise pour indiquer cette réalité ineffable démontrent combien il est conscient de l'insuffisance absolue des termes avec lesquels nous parlons de ces choses. Il demeure toutefois l'enchantement et cette atmosphère d'authentique expérience mystique que l'on peut de temps à autre toucher du doigt dans ses textes. Il suffit de citer, pour le démontrer, une page du De divisione naturae qui touche en profondeur également notre âme de croyants du xxi siècle: "Il ne faut rien désirer d'autre - écrit-il - que la joie de la vérité qui est le Christ, ni rien éviter que Son absence. Celle-ci, en effet, devrait être considérée comme l'unique cause de tristesse totale et éternelle. Ote-moi le Christ, et il ne me restera aucun bien, et rien ne m'affligera plus que son absence. Le plus grand tourment d'une créature rationnelle est la privation et l'absence de Lui" (V, PL 122, COL 989a). Ce sont des paroles que nous pouvons faire nôtres, en les traduisant en prière à Celui qui constitue également le désir ardent de notre coeur.
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Je suis heureux de souhaiter la bienvenue aux pèlerins francophones. J’adresse un cordial salut aux nombreux membres du Variété Club de France et aux évêques qui les accompagnent, ainsi qu’aux pèlerins canadiens, suisses et français. Que l’Esprit Saint donne à chacun le désir de toujours chercher le Christ et la grâce de le découvrir présent dans la création et dans vos frères! Bon pèlerinage à tous!



Mercredi 17 juin 2009 - Saints Cyrille et Méthode

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Chers frères et soeurs,

Je voudrais parler aujourd'hui des saints Cyrille et Méthode, frères de sang et dans la foi, appelés apôtres des slaves. Cyrille naquit à Thessalonique, du magistrat de l'empire Léon en 826/827: il était le plus jeune de sept enfants. Dans son enfance, il apprit la langue slave. A l'âge de quatorze ans, il fut envoyé à Constantinople pour y être éduqué et fut le compagnon du jeune empereur Michel iii. Au cours de ces années, il fut initié aux diverses matières universitaires, parmi lesquelles la dialectique, ayant comme maître Photios. Après avoir refusé un brillant mariage, il décida de recevoir les ordres sacrés et devint "bibliothécaire" auprès du Patriarcat. Peu après, désirant se retirer dans la solitude, il alla se cacher dans un monastère, mais il fut bientôt découvert et on lui confia l'enseignement des sciences sacrées et profanes, une fonction qu'il accomplit si bien qu'elle lui valut le surnom de "philosophe". Entre-temps, son frère Michel (né aux alentours de 815), après une carrière administrative en Macédoine, abandonna le monde vers 850 pour se retirer dans la vie monastique sur le mont Olympe en Bithynie, où il reçut le nom de Méthode (le nom monastique devait commencer par la même lettre que le nom de baptême) et devint higoumène du monastère de Polychron.

Attiré par l'exemple de son frère, Cyrille aussi décida de quitter l'enseignement et de se rendre sur le mont Olympe pour méditer et prier. Quelques années plus tard, cependant (vers 861), le gouvernement impérial le chargea d'une mission auprès des khazars de la Mer d'Azov, qui demandèrent que leur soit envoyé un homme de lettres qui sache dialoguer avec les juifs et les sarrasins. Cyrille, accompagné de son frère Méthode, s'arrêta longuement en Crimée, où il apprit l'hébreu. Là, il rechercha également le corps du Pape Clément i, qui y avait été exilé. Il trouva sa tombe, et lorsque son frère reprit le chemin du retour, il porta avec lui les précieuses reliques. Arrivés à Constantinople, les deux frères furent envoyés en Moravie par l'empereur Michel iii, auquel le prince moldave Ratislav avait adressé une requête précise: "Notre peuple - lui avait-il dit - depuis qu'il a rejeté le paganisme, observe la loi chrétienne; mais nous n'avons pas de maître qui soit en mesure de nous expliquer la véritable foi dans notre langue". La mission connut très vite un succès insolite. En traduisant la liturgie dans la langue slave, les deux frères gagnèrent une grande sympathie auprès du peuple.

Toutefois, cela suscita à leur égard l'hostilité du clergé franc, qui était arrivé précédemment en Moravie et qui considérait le territoire comme appartenant à sa juridiction ecclésiale. Pour se justifier, en 867, les deux frères se rendirent à Rome. Au cours du voyage, ils s'arrêtèrent à Venise, où eut lieu une discussion animée avec les défenseurs de ce que l'on appelait l'"hérésie trilingue": ceux-ci considéraient qu'il n'y avait que trois langues dans lesquelles on pouvait licitement louer Dieu: l'hébreu, le grec et le latin. Bien sûr, les deux frères s'opposèrent à cela avec force. A Rome, Cyrille et Méthode furent reçus par le Pape Adrien ii, qui alla à leur rencontre en procession, pour accueillir dignement les reliques de saint Clément. Le Pape avait également compris la grande importance de leur mission exceptionnelle. A partir du milieu du premier millénaire, en effet, les slaves s'étaient installés en très grand nombre sur ces territoires placés entre les deux parties de l'Empire romain, orientale et occidentale, qui étaient déjà en tension entre elles. Le Pape comprit que les peuples slaves auraient pu jouer le rôle de pont, contribuant ainsi à maintenir l'union entre les chrétiens de l'une et l'autre partie de l'Empire. Il n'hésita donc pas à approuver la mission des deux Frères dans la Grande Moravie, en acceptant l'usage de la langue slave dans la liturgie. Les livres slaves furent déposés sur l'autel de Sainte-Marie de Phatmé (Sainte-Marie-Majeure) et la liturgie en langue slave fut célébrée dans les Basiliques Saint-Pierre, Saint-André, Saint-Paul.

Malheureusement, à Rome, Cyrille tomba gravement malade. Sentant la mort s'approcher, il voulut se consacrer entièrement à Dieu comme moine dans l'un des monastères grecs de la Ville (probablement près de Sainte-Praxède) et prit le nom monastique de Cyrille (son nom de baptême était Constantin). Il pria ensuite avec insistance son frère Méthode, qui entre-temps avait été consacré évêque, de ne pas abandonner la mission en Moravie et de retourner parmi ces populations. Il s'adressa à Dieu à travers cette invocation: "Seigneur, mon Dieu..., exauce ma prière et conserve dans la fidélité le troupeau auquel tu m'avais envoyé... Libère-les de l'hérésie des trois langues, rassemble-les tous dans l'unité, et rends le peuple que tu as choisi concorde dans la véritable foi et dans la droite confession". Il mourut le 14 février 869.

Fidèle à l'engagement pris avec son frère, Méthode revint en 870 en Moravie et en Pannonie (aujourd'hui la Hongrie), où il retrouva à nouveau la violente aversion des missionnaires francs qui l'emprisonnèrent. Il ne perdit pas courage et lorsqu'il fut libéré en 873, il se prodigua activement dans l'organisation de l'Eglise, en suivant la formation d'un groupe de disciples. Ce fut grâce à eux si la crise qui se déchaîna à la mort de Méthode, qui eut lieu le 6 avril 885, put être surmontée: persécutés et mis en prison, certains de ces disciples furent vendus comme esclaves et conduits à Venise, où ils furent rachetés par un fonctionnaire constantinopolitain, qui leur permit de repartir dans les pays des slaves balkaniques. Accueillis en Bulgarie, ils purent poursuivre la mission commencée par Méthode, en diffusant l'Evangile dans la "terre de la Rus'". Dieu, dans sa mystérieuse providence, utilisait ainsi la persécution pour sauver l'oeuvre des saints frères. De cette dernière, il reste également la documentation littéraire. Il suffit de penser à des oeuvres telles que l'Evangéliaire (épisodes liturgiques du Nouveau Testament), le Psautier, différents textes liturgiques en langue slave, auxquels travaillèrent les deux frères. Après la mort de Cyrille, on doit à Méthode et à ses disciples, entre autres, la traduction de toute l'Ecriture Sainte, le Nomocanon et le Livre des Pères.

Voulant à présent résumer brièvement le profil spirituel des deux frères, on doit tout d'abord remarquer la passion avec laquelle Cyrille aborda les écrits de saint Grégoire de Nazianze, apprenant à son école la valeur de la langue dans la transmission de la Révélation. Saint Grégoire avait exprimé le désir que le Christ parle à travers lui: "Je suis le serviteur du Verbe, c'est pourquoi je me mets au service de la Parole". Voulant imiter Grégoire dans ce service, Cyrille demanda au Christ de vouloir parler en slave à travers lui. Il introduit son oeuvre de traduction par l'invocation solennelle: "Ecoutez, ô vous tous les peuples slaves, écoutez la Parole qui vint de Dieu, la Parole qui nourrit les âmes, la Parole qui conduit à la connaissance de Dieu". En réalité, déjà quelques années avant que le prince de Moravie ne demande à l'empereur Michel iii l'envoi de missionnaires dans sa terre, il semble que Cyrille et son frère Méthode, entourés d'un groupe de disciples, travaillaient au projet de recueillir les dogmes chrétiens dans des livres écrits en langue slave. Apparut alors clairement l'exigence de nouveaux signes graphiques, plus proches de la langue parlée: c'est ainsi que naquit l'alphabet glagolithique qui, modifié par la suite, fut ensuite désigné sous le nom de "cyrillique" en l'honneur de son inspirateur. Ce fut un événement décisif pour le développement de la civilisation slave en général. Cyrille et Méthode étaient convaincus que chaque peuple ne pouvait pas considérer avoir pleinement reçu la Révélation tant qu'il ne l'avait pas entendue dans sa propre langue et lue dans les caractères propres à son alphabet.

C'est à Méthode que revient le mérite d'avoir fait en sorte que l'oeuvre entreprise avec son frère ne soit pas brusquement interrompue. Alors que Cyrille, le "Philosophe", avait tendance à la contemplation, il était plutôt porté vers la vie active. C'est grâce à cela qu'il put établir les présupposés de l'affirmation successive de ce que nous pourrions appeler l'"idée cyrillo-méthodienne": celle-ci accompagna les peuples slaves pendant les diverses périodes historiques, favorisant le développement culturel, national et religieux. C'est ce que reconnaissait déjà le Pape Pie xi dans la Lettre apostolique Quod Sanctum Cyrillum, dans laquelle il qualifiait les deux frères: "fils de l'Orient, byzantins de patrie, grecs d'origine, romains par leur mission, slaves par leurs fruits apostoliques" (AAS 19 [1927] 93-96). Le rôle historique qu'ils jouèrent a ensuite été officiellement proclamé par le Pape Jean-Paul ii qui, dans la Lettre apostolique Egregiae virtutis viri, les a déclarés copatrons de l'Europe avec saint Benoît (AAS 73 [1981] 258-262). En effet, Cyrille et Méthode constituent un exemple classique de ce que l'on indique aujourd'hui par le terme d'"inculturation": chaque peuple doit introduire dans sa propre culture le message révélé et en exprimer la vérité salvifique avec le langage qui lui est propre. Cela suppose un travail de "traduction" très exigeant, car il demande l'identification de termes adaptés pour reproposer, sans la trahir, la richesse de la Parole révélée. Les deux saints Frères ont laissé de cela un témoignage significatif au plus haut point, vers lequel l'Eglise se tourne aujourd'hui aussi, pour en tirer son inspiration et son orientation.
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Je suis heureux d’accueillir les pèlerins de langue française. Je salue particulièrement les paroisses et les jeunes ainsi que les étudiants de Nice. Que le témoignage des saints Cyrille et Méthode soit pour vous une source de lumière et d’espérance afin que vous demeuriez fidèles à la foi que vous avez reçue. Avec ma Bénédiction apostolique




Mercredi 24 juin 2009 - Année du sacerdoce

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Chers frères et soeurs,

Vendredi dernier, en la solennité du Sacré-Coeur de Jésus et journée traditionnellement consacrée à la prière et à la sanctification des prêtres, j'ai eu la joie d'inaugurer l'Année sacerdotale, décidée à l'occasion du cent-cinquantième anniversaire de la "naissance au ciel" du curé d'Ars, saint Jean-Baptiste Marie Vianney. Et en entrant dans la basilique vaticane pour la célébration des vêpres, presque comme premier geste symbolique, je me suis arrêté dans la chapelle du Choeur pour vénérer la relique de ce saint Pasteur d'âmes: son coeur. Pourquoi une Année sacerdotale? Pourquoi précisément en souvenir du saint curé d'Ars, qui n'a apparemment rien accompli d'extraordinaire?

La Providence divine a fait en sorte que sa figure soit rapprochée de celle de saint Paul. En effet, alors que se conclut l'Année paulinienne, consacrée à l'apôtre des nations, modèle extraordinaire d'évangélisateur qui a accompli plusieurs voyages missionnaires pour diffuser l'Evangile, cette nouvelle année jubilaire nous invite à nous tourner vers un pauvre agriculteur devenu un humble curé, qui a accompli son service pastoral dans un petit village. Si les deux saints diffèrent beaucoup dans les itinéraires de vie qui les ont caractérisés - l'un est allé de région en région pour annoncer l'Evangile, l'autre a accueilli des milliers et des milliers de fidèles en restant toujours dans sa petite paroisse -, il y a cependant quelque chose de fondamental qui les rassemble: il s'agit de leur identification totale avec leur ministère, leur communion avec le Christ qui faisait dire à saint Paul: "Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi" (
Ga 2,20). Et saint Jean-Marie Vianney aimait répéter: "Si nous avions la foi, nous verrions Dieu caché dans le prêtre comme une lumière derrière la vitre, comme le vin mélangé à l'eau". Le but de cette Année sacerdotale - comme je l'ai écrit dans la lettre envoyée aux prêtres en à cette occasion - est donc de favoriser la tension de chaque prêtre "vers la perfection spirituelle de laquelle dépend en particulier l'efficacité de son ministère", et d'aider avant tout les prêtres, et avec eux tout le peuple de Dieu, à redécouvrir et à raviver la conscience de l'extraordinaire et indispensable don de Grâce que le ministère ordonné représente pour celui qui l'a reçu, pour l'Eglise entière et pour le monde, qui sans la présence réelle du Christ serait perdu.

Les conditions historiques et sociales dans lesquelles se trouva le curé d'Ars ont indéniablement changé et il est juste de se demander comment les prêtres peuvent l'imiter dans l'identification avec leur propre ministère dans les sociétés actuelles mondialisées. Dans un monde où la vision commune de la vie comprend toujours moins le sacré, à la place duquel l'"aspect fonctionnel" devient l'unique catégorie décisive, la conception catholique du sacerdoce pourrait risquer de perdre sa considération naturelle, parfois même à l'intérieur de la conscience ecclésiale. Souvent, que ce soit dans les milieux théologiques, ou bien dans la pratique pastorale et de formation concrète du clergé, s'affrontent, et parfois s'opposent, deux conceptions différentes du sacerdoce. Je remarquais à ce propos il y a quelques années qu'il existe "d'une part, une conception socio-fonctionnelle qui définit l'essence du sacerdoce avec le concept de "service": le service à la communauté, dans l'exercice d'une fonction... D'autre part, il y a la conception sacramentelle-ontologique, qui naturellement ne nie pas le caractère de service du sacerdoce, mais le voit cependant ancré à l'être du ministre et qui considère que cet être est déterminé par un don accordé par le Seigneur à travers la médiation de l'Eglise, dont le nom est sacrement" (J. Ratzinger, Ministero e vita del Sacerdote, in Elementi di Teologia fondamentale. Saggio su fede e ministero, Brescia 2005, p. 165). Le glissement terminologique du terme "sacerdoce" à ceux de "service, ministère, charge", est également le signe de cette conception différente. Ensuite, à la première, la conception ontologique-sacramentelle, est lié le primat de l'Eucharistie, dans le binôme "sacerdoce-sacrifice", alors qu'à la deuxième correspondrait le primat de la parole et du service de l'annonce.

A tout bien considérer, il ne s'agit pas de deux conceptions opposées, et la tension qui existe cependant entre elles doit être résolue de l'intérieur. Ainsi, le décret Presbyterorum ordinis du Concile Vatican II affirme: "En effet, l'annonce apostolique de l'Evangile convoque et rassemble le peuple de Dieu, afin que tous les membres de ce peuple... s'offrent eux-mêmes en "victime vivante, sainte, agréable à Dieu" (Rm 12,1) et c'est précisément à travers le ministère des prêtres que le sacrifice spirituel des fidèles atteint à sa perfection dans l'union au sacrifice du Christ, unique Médiateur. En effet ce sacrifice est offert par les mains des prêtres au nom de toute l'Eglise dans l'Eucharistie "de manière non sanglante et sacramentelle, jusqu'à ce que vienne le Seigneur lui-même" (n. PO 2).

Nous nous demandons alors: "Que signifie précisément pour les prêtres évangéliser? En quoi consiste ce que l'on appelle le primat de l'annonce?". Jésus parle de l'annonce du Royaume de Dieu comme du véritable but de sa venue dans le monde et son annonce n'est pas seulement un "discours". Elle inclut dans le même temps son action elle-même: les signes et les miracles qu'il accomplit indiquent que le Royaume vient dans le monde comme réalité présente, qui coïncide en fin de compte avec sa propre personne. En ce sens, il faut rappeler que, dans le primat de l'annonce également, la parole et le signe sont inséparables. La prédication chrétienne ne proclame pas des "paroles", mais la Parole, et l'annonce coïncide avec la personne même du Christ, ontologiquement ouverte à la relation avec le Père et obéissant à sa volonté. Un service authentique à la Parole exige de la part du prêtre une profonde abnégation de soi, jusqu'à dire avec l'Apôtre: "ce n'est plus moi qui vit, mais le Christ qui vit en moi". Le prêtre ne peut pas se considérer comme "maître" de la parole, mais comme serviteur. Il n'est pas la parole mais, comme le proclamait Jean le Baptiste, dont nous célébrons précisément aujourd'hui la nativité, il est la "voix" de la Parole: "Voix de celui qui crie dans le désert: préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers" (Mc 1,3).

Or, être "voix" de la Parole, ne constitue pas pour le prêtre un simple aspect fonctionnel. Au contraire, cela présuppose une substantielle "perte de soi" dans le Christ, en participant à son mystère de mort et de résurrection avec tout son moi: intelligence, liberté, volonté et offrande de son propre corps, comme sacrifice vivant (cf. Rm 12,1-2). Seule la participation au sacrifice du Christ, à sa khènosi, rend l'annonce authentique! Tel est le chemin qu'il doit parcourir avec le Christ pour parvenir à dire au Père avec Lui: que s'accomplisse "non ce que je veux, mais ce que tu veux" (Mc 14,36). L'annonce, alors, comporte toujours également le sacrifice de soi, condition pour que l'annonce soit authentique et efficace.

Alter Christus, le prêtre est profondément uni au Verbe du Père, qui en s'incarnant a pris la forme d'un serviteur, est devenu serviteur (Cf. Ph 2,5-11). Le prêtre est le serviteur du Christ, au sens que son existence, configurée à Lui de manière ontologique, assume un caractère essentiellement relationnel: il est en Christ, pour le Christ et avec le Christ au service des hommes. Précisément parce qu'il appartient au Christ, le prêtre est radicalement au service des hommes: il est ministre de leur salut, de leur bonheur, de leur libération authentique, mûrissant, dans cette assomption progressive de la volonté du Christ, dans la prière, dans le "coeur à coeur" avec Lui. Telle est alors la condition inaliénable de toute annonce, qui comporte la participation à l'offrande sacramentelle de l'Eucharistie et la docile obéissance à l'Eglise.

Le saint curé d'Ars répétait souvent avec les larmes aux yeux: "Comme il est effrayant d'être prêtre!". Et il ajoutait: "Combien est triste un prêtre qui célèbre la Messe comme un fait ordinaire! Combien s'égare un prêtre qui n'a pas de vie intérieure!". Puisse l'Année sacerdotale conduire tous les prêtres à s'identifier totalement avec Jésus crucifié et ressuscité, pour que, à l'imitation de saint Jean Baptiste, ils soient prêts à "diminuer" pour qu'Il grandisse; pour qu'en suivant l'exemple du curé d'Ars, ils ressentent de manière constante et profonde la responsabilité de leur mission, qui est le signe et la présence de la miséricorde infinie de Dieu. Confions à la Vierge, Mère de l'Eglise, l'Année sacerdotale qui vient de commencer et tous les prêtres du monde.
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J'accueille avec joie les pèlerins francophones. Je salue particulièrement le groupe de la Mission catholique vietnamienne de Paris et les jeunes de l'école de la Croix de Paris. Que le témoignage du curé d'Ars vous aide à mieux comprendre l'importance du ministère du prêtre dans la vie de l'Eglise et du monde, et à répondre généreusement aux appels du Seigneur. Avec ma Bénédiction apostolique!
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J'adresse un salut cordial à la délégation conduite par la sous-secrétaire de l'ONU et représentante spéciale pour les enfants en situation de conflit armé. En vous disant, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent, combien j'apprécie l'engagement en faveur de l'enfance victime de la violence et des armes, je pense à tous les enfants du monde, en particulier à ceux qui sont exposés à la peur, l'abandon, la faim, les abus, la maladie, la mort. Le Pape est proche de toutes ces petites victimes et il les rappelle toujours dans sa prière.

Le 24 juin d'il y a 150 ans naissait l'idée d'une grande mobilisation pour l'assistance aux victimes des guerres, qui prendra par la suite le nom de Croix rouge. Au fil des ans, les valeurs d'universalité, de neutralité, d'indépendance du service, ont suscité l'adhésion de millions de volontaires de tous les endroits du monde, en formant un important bastion d'humanité et de solidarité dans beaucoup de contextes de guerre et de conflit, ainsi que lors de nombreuses situations d'urgence. En souhaitant que la personne humaine, dans sa dignité et dans son intégralité soit toujours au centre de l'engagement humanitaire de la Croix Rouge, j'encourage tout particulièrement les jeunes à s'engager de manière concrète dans cette institution de grand mérite. Je profite de cette circonstance pour demander la libération de toutes les personnes enlevées dans des zones de conflit et à nouveau la libération d'Eugenio Vagni, opérateur de la Croix Rouge aux Philippines.


Mercredi 1er juillet 2009

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Chers frères et soeurs,

Avec la célébration des premières Vêpres de la solennité des saints apôtres Pierre et Paul dans la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, s'est conclue, comme vous le savez, le 28 juin, l'Année paulinienne, en souvenir du deuxième millénaire de l'apôtre des nations. Nous rendons grâce au Seigneur pour les fruits spirituels que cette importante initiative a apportés dans de nombreuses communautés chrétiennes. En tant que précieux héritage de l'Année paulinienne, nous pouvons accueillir l'invitation de l'apôtre à approfondir la connaissance du mystère du Christ, afin qu'il soit le coeur et le centre de notre existence personnelle et communautaire. En effet, telle est la condition indispensable pour un véritable renouveau spirituel et ecclésial. Comme je l'ai déjà souligné lors de la première célébration eucharistique dans la chapelle Sixtine après mon élection comme successeur de l'apôtre Pierre, c'est précisément dans la pleine communion avec le Christ que "naît tout autre élément de la vie de l'Eglise, en premier lieu la communion entre tous les fidèles, l'engagement d'annoncer et de témoigner l'Evangile, l'ardeur de la charité envers tous, et en particulier envers les pauvres et les petits" (cf. Insegnamenti, i, 2005, PP. 8-13; cf. orlf n. 17 du 26 avril 2005). Cela vaut en premier lieu pour les prêtres. C'est pourquoi nous remercions la Divine Providence de Dieu qui nous offre à présent la possibilité de célébrer l'Année sacerdotale. Je souhaite de tout coeur que celle-ci constitue pour chaque prêtre une occasion de renouveau intérieur et, par conséquent, de renforcement solide dans l'engagement pour sa propre mission.

De même que pendant l'Année paulienne, notre référence constante a été saint Paul, ainsi, au cours des prochains mois, nous nous tournerons en premier lieu vers saint Jean-Marie Vianney, le saint curé d'Ars, en rappelant le 150e anniversaire de sa mort. Dans la lettre que j'ai écrite aux prêtres pour cette occasion, j'ai voulu souligner ce qui resplendit le plus dans l'existence de cet humble ministre de l'autel: "sa totale identification à son ministère". Il aimait dire qu'"un bon pasteur, un pasteur selon le coeur de Dieu, c'est là le plus grand trésor que le bon Dieu puisse accorder à une paroisse et un des plus précieux dons de la miséricorde divine". Et, comme s'il n'arrivait pas à croire à la grandeur du don et du devoir qui avaient été confiés à une pauvre créature humaine, il soupirait: "Oh! que le prêtre est quelque chose de grand!... S'il se comprenait, il mourrait... Dieu lui obéit: il dit deux mots et Notre Seigneur descend du ciel à sa voix et se renferme dans une petite hostie" (cf. orlf n. 25 du 23 juin 2009).

En vérité, en considérant précisément le binôme "identité-mission", chaque prêtre peut mieux ressentir la nécessité de cette identification avec le Christ qui lui garantit la fidélité et la fécondité du témoignage évangélique. L'intitulé même de l'Année sacerdotale - Fidélité du Christ, fidélité du prêtre - souligne que le don de la grâce divine précède toute possible réponse humaine et réalisation pastorale, et ainsi dans la vie du prêtre, annonce missionnaire et culte sont inséparables, de même que ne peuvent jamais être séparées identité ontologique-sacramentelle et mission évangélisatrice. D'ailleurs, l'objectif de la mission de chaque prêtre, pourrions-nous dire, est "cultuelle": afin que tous les hommes puissent s'offrir à Dieu comme hostie vivante, sainte et agréable à Dieu (cf.
Rm 12,1), qui dans la création même, dans les hommes, devient culte, louange du Créateur, en recevant la charité qu'ils sont appelés à dispenser en abondance les uns aux autres. On le percevait clairement aux débuts du christianisme. Saint Jean Chrysostome disait, par exemple, que le sacrement de l'autel et le "sacrement du frère" ou, comme il dit, le "sacrement du pauvre", constituent deux aspects du même mystère. L'amour pour le prochain, l'attention à la justice et aux pauvres ne sont pas seulement des thèmes d'une morale sociale, mais plutôt l'expression d'une conception sacramentelle de la moralité chrétienne car, à travers le ministère des prêtres, s'accomplit le sacrifice spirituel de tous les fidèles, en union avec celui du Christ, unique Médiateur: sacrifice que les prêtres offrent de façon non sanglante et sacramentelle dans l'attente de la nouvelle venue du Seigneur. Telle est la dimension principale, essentiellement missionnaire et dynamique, de l'identité et du ministère sacerdotal: à travers l'annonce de l'Evangile, ils suscitent la foi chez ceux qui ne croient pas encore, afin qu'ils puissent unir leur sacrifice au sacrifice du Christ, qui se traduit en amour pour Dieu et pour le prochain.

Chers frères et soeurs, face à tant d'incertitudes et de difficultés, notamment dans l'exercice du ministère sacerdotal, il est urgent de retrouver un jugement clair et sans équivoque sur le primat absolu de la grâce divine, en rappelant ce qu'écrit saint Thomas d'Aquin: "Le plus petit don de la grâce dépasse le bien naturel de tout l'univers" (Summa Theologiae, I-II 113,9, ad 2). La mission de chaque prêtre dépendra donc également et surtout de la conscience de la réalité sacramentelle de son "nouvel être". De la certitude de son identité, non pas construite de manière artificielle, mais donnée et écoutée gratuitement et divinement, dépend l'enthousiasme toujours renouvelé du prêtre pour la mission. Ce que j'ai écrit dans l'Encyclique Deus caritas est vaut également pour les prêtres: "A l'origine du fait d'être chrétien il n'y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive" (n. ).

Ayant reçu un don de grâce aussi extraordinaire par leur "consécration", les prêtres deviennent les témoins permanents de leur rencontre avec le Christ. En partant précisément de cette conscience intérieure, ils peuvent accomplir pleinement leur "mission", à travers l'annonce de la Parole et l'administration des sacrements. Après le Concile Vatican II, on a eu parfois l'impression que, dans la mission des prêtres à notre époque, il y avait quelque chose de plus urgent; certains pensaient que l'on devait en premier lieu édifier une société différente. La page évangélique que nous avons écoutée au début, rappelle en revanche les deux éléments essentiels du ministère sacerdotal. Jésus envoie, à cette époque et aujourd'hui, les apôtres pour annoncer l'Evangile et leur donne le pouvoir de chasser les mauvais esprits. "Annonce" et "pouvoir", c'est-à-dire "parole" et "sacrement" sont donc les deux piliers fondamentaux du service sacerdotal, au-delà de leurs multiples configurations possibles.

Lorsqu'on ne tient pas compte du "diptyque" consécration-mission, il devient véritablement difficile de comprendre l'identité du prêtre et de son ministère dans l'Eglise. En effet, qui est le prêtre, sinon un homme converti et renouvelé par l'Esprit, qui vit de la relation personnelle avec le Christ, faisant constamment siens les critères évangéliques? Qui est le prêtre, sinon un homme d'unité et de vérité, conscient de ses limites et, dans le même temps, de la grandeur extraordinaire de la vocation reçue, c'est-à-dire celle de contribuer à étendre le Royaume de Dieu jusqu'aux extrémités de la terre? Oui! Le prêtre est un homme qui appartient entièrement au Seigneur, car c'est Dieu lui-même qui l'a appelé, et l'a constitué dans son service apostolique. Et précisément en appartenant totalement au Seigneur, il appartient totalement aux hommes, il est totalement pour les hommes. Au cours de cette Année sacerdotale, qui se prolongera jusqu'à la prochaine solennité du Très Saint-Coeur de Jésus, prions pour tous les prêtres. Que se multiplient dans les diocèses, dans les communautés religieuses, en particulier monastiques, dans les associations et dans les mouvements, dans les divers groupes pastoraux présents dans le monde entier, des initiatives de prière et, en particulier, d'adoration eucharistique, pour la sanctification du clergé et les vocations sacerdotales, répondant à l'invitation de Jésus à prier "le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson" (Mt 9,38). La prière est le premier engagement, le véritable chemin de sanctification des prêtres, et l'âme de l'authentique "pastorale des vocations". Le faible nombre d'ordinations sacerdotales dans certains pays non seulement ne doit pas décourager, mais doit inciter à multiplier les espaces de silence et d'écoute de la Parole, à mieux soigner la direction spirituelle et le sacrement de la confession, afin que la voix de Dieu, qui continue toujours à appeler et à confirmer, puisse être écoutée et promptement suivie par de nombreux jeunes. Celui qui prie n'a pas peur; celui qui prie n'est jamais seul; celui qui prie se sauve! Le modèle d'une existence faite prière est sans aucun doute saint Jean-Marie Vianney. Que Marie, la Mère de l'Eglise, aide tous les prêtres à suivre son exemple pour être, comme lui, des témoins du Christ et des apôtres de l'Evangile.
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Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones, notamment les pèlerins d'Alep venus de Syrie et les jeunes du collège Saint-François-de-Sales de Dijon. Que l'Esprit-Saint vous comble de ses dons et soit toujours le guide de vos pas! Bon pèlerinage à tous!





Catéchèses Benoît XVI 10069