Catéchèses Benoît XVI 20010

20010
Chers frères et soeurs!

Nous sommes au coeur de la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens, une initiative oecuménique, qui s'est progressivement structurée depuis désormais plus d'un siècle, et qui attire chaque année l'attention sur un thème, celui de l'unité visible entre les chrétiens, qui implique la conscience et stimule l'engagement de ceux qui croient dans le Christ. Et elle le fait avant tout à travers l'invitation à la prière, à l'imitation de Jésus lui-même, qui demande au Père pour ses disciples « que tous soient un, afin que le monde croie » (
Jn 17,21). Le rappel persévérant à la prière pour la pleine communion entre les disciples du Seigneur manifeste l'orientation la plus authentique et la plus profonde de toute la recherche oecuménique, parce que l'unité, avant tout, est un don de Dieu. En effet, comme l'affirme le Concile Vatican II : « Ce projet sacré, la réconciliation de tous les chrétiens dans l'unité d'une seule et unique Eglise du Christ, dépasse les forces et les capacités humaines » (Unitatis redintegratio UR 24). Par conséquent, outre notre effort de développer des relations fraternelles et de promouvoir le dialogue pour éclaircir et résoudre les divergences qui séparent les Eglises et les communautés ecclésiales, est nécessaire l'invocation confiante et concorde au Seigneur.

Le thème de cette année est tiré de l'Evangile de saint Luc, des dernières paroles du Ressuscité à ses disciples « De cela vous êtes témoins » (Lc 24,48). La proposition du thème a été demandé par le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, en accord avec la Commission Foi et Constitution du Conseil oecuménique des Eglises, à un groupe oecuménique d'Ecosse. Il y a un siècle, la Conférence mondiale pour la considération des problèmes en référence au monde non chrétien se tint précisément à Edimbourg, en Ecosse, du 13 au 24 juin 1910. Parmi les problèmes qui furent alors débattus, il y eut celui de la difficulté objective de proposer avec crédibilité l'annonce évangélique au monde non chrétien de la part des chrétiens divisés entre eux. Si à un monde qui ne connaît pas le Christ, qui s'est éloigné de Lui ou qui se montre indifférent à l'Evangile, les chrétiens ne se présentent pas unis, et même souvent opposés, l'annonce du Christ comme unique Sauveur du monde et notre paix sera-t-elle crédible? Le rapport entre unité et mission a dès lors représenté une dimension essentielle de toute l'action oecuménique et son point de départ. Et c'est pour cette contribution spécifique que la Conférence d'Edimbourg demeure comme l'un des points fermes de l'oecuménisme moderne. L'Eglise catholique, lors du Concile Vatican II, reprit et réaffirma avec vigueur cette perspective, en affirmant que la division entre les disciples de Jésus « s'oppose ouvertement à la volonté du Christ, elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes: la prédication de l'Evangile à toute créature » (Unitatis redintegratio UR 1).

C'est dans ce contexte théologique et spirituel que s'inscrit le thème proposé pour cette Semaine à la méditation et à la prière: l'exigence d'un témoignage commun au Christ. Le bref texte proposé comme thème « De cela vous serez témoins » doit être lu dans le contexte de tout le chapitre 24 de l'Evangile selon Luc. Rappelons brièvement le contenu de ce chapitre. Auparavant les femmes se rendent au sépulcre, voient les signes de la Résurrection de Jésus et annoncent ce qu'elles ont vu aux Apôtres et aux autres disciples (v. 8); puis le Ressuscité lui-même apparaît aux disciples d'Emmaüs le long du chemin, il apparaît à Simon Pierre puis aux « Onze et leurs compagnons » (v. 33). Il ouvre l'esprit à la compréhension des Ecritures sur sa Mort rédemptrice et sa Résurrection, en affirmant que « en son nom, le repentir au nom de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations » (n. 47). Aux disciples qui se trouvent « réunis » ensemble et qui ont été témoins de sa mission, le Seigneur Ressuscité promet le don de l'Esprit Saint (cf. v. 49), afin qu'ensemble ils témoignent de lui à tous les peuples. De cet impératif – « de cela », de cette chose vous êtes témoins (cf. Lc 24,48) –, qui est le thème de cette Semaine pour l'unité des chrétiens, naissent pour nous, deux questions. La première: qu'est-ce que « cela »? La seconde: comment pouvons-nous être témoins de « cela »?

Si nous envisageons le contexte du chapitre, « cela » veut dire avant tout la Croix et la Résurrection: les disciples ont vu la crucifixion du Seigneur, ils voient le Ressuscité et commencent ainsi à comprendre toutes les Ecritures qui parlent du mystère de la Passion et du don de la Résurrection. « Cela » est donc le mystère du Christ, du Fils de Dieu qui s'est fait homme, mort pour nous et ressuscité, vivant pour toujours et ainsi garant de notre vie éternelle.

Mais connaissant le Christ – c'est le point essentiel – nous connaissons le visage de Dieu. A toutes les époques, les hommes perçoivent l'existence de Dieu, un Dieu unique, mais qui est loin et ne se montre pas. Dans le Christ, ce Dieu se montre, le Dieu lointain devient proche. « Cela » est donc, surtout avec le mystère du Christ, Dieu qui s'est fait proche de nous. Cela implique une autre dimension: le Christ n'est jamais seul; il est venu au milieu de nous, il est mort seul, mais il est ressuscité pour attirer chacun à soi. Le Christ, comme le disent les Ecritures, s'est créé un corps, a réuni toute l'humanité dans sa réalité de vie immortelle. Et ainsi, dans le Christ qui réunit l'humanité, nous connaissons l'avenir de l'humanité: la vie éternelle. Cela, par conséquent, est très simple, en dernier ressort: nous connaissons Dieu en connaissant le Christ, son corps, le mystère de l'Eglise et la promesse de la vie éternelle.

Venons-en à présent à la seconde question. Comment pouvons-nous être témoins de « cela »? Nous ne pouvons être témoins qu'en connaissant le Christ et, en connaissant le Christ, en connaissant aussi Dieu. Mais connaître le Christ implique assurément une dimension intellectuelle – apprendre ce que nous connaissons du Christ – mais c'est toujours bien plus qu'un processus intellectuel: c'est un processus existentiel, c'est un processus de l'ouverture de mon moi, de ma transformation par la présence et par la force du Christ, et ainsi c'est aussi un processus d'ouverture à tous les autres qui doivent être le corps du Christ. De cette manière, il est évident que connaître le Christ, comme processus intellectuel et surtout existentiel, est un processus qui fait de nous des témoins. En d'autres mots, nous ne pouvons être témoins que si nous connaissons le Christ personnellement et non seulement à travers les autres, par notre propre vie, par notre rencontre personnelle avec le Christ. En le rencontrant réellement dans notre vie de foi nous devenons des témoins et nous pouvons ainsi contribuer à la nouveauté du monde, à la vie éternelle. Le Catéchisme de l'Eglise catholique nous donne une indication également quant au contenu de ce « cela ». L'Eglise a rassemblé et résumé l'essentiel de ce que le Seigneur nous a donné dans la Révélation, dans le « Symbole dit de Nicée-Constantinople, qui tient sa grande autorité du fait de ce qu'il est issu des deux premiers Conciles oecuméniques (325 et 381) » (CEC 195). Le Catéchisme précise que ce Symbole « demeure commun, aujourd'hui encore, à toutes les grandes Eglises d'Orient et d'Occident » (ibid.). Dans ce Symbole se trouvent donc les vérités de foi que les chrétiens peuvent professer et témoigner ensemble, afin que le monde croie, manifestant, avec le désir et l'engagement de surmonter les divergences existantes, la volonté de marcher vers la pleine communion, l'unité du Corps du Christ.

La célébration de la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens nous amène à considérer d'autres aspects importants pour l'oecuménisme. Tout d'abord, le grand progrès réalisé dans les relations entre les Eglises et les Communautés ecclésiales après la Conférence d'Edimbourg, il y a un siècle. Le mouvement oecuménique moderne s'est développé de manière si significative qu'il est devenu, au cours du siècle dernier, un élément important dans la vie de l'Eglise, rappelant le problème de l'unité entre tous les chrétiens et soutenant également la croissance de la communion entre eux. Celui-ci favorise non seulement les rapports fraternels entre les Eglises et les Communautés ecclésiales en réponse au commandement de l'amour, mais il stimule également la recherche théologique. En outre, il interpelle la vie concrète des Eglises et des Communautés ecclésiales avec des thématiques qui touchent la pastorale et la vie sacramentelle, comme, par exemple, la reconnaissance mutuelle du Baptême, les questions relatives aux mariages mixtes, les cas partiaux de comunicatio in sacris dans des situations particulières bien définies. Dans le sillage de cet esprit oecuménique, les contacts se sont élargis également aux mouvements pentecôtistes, évangéliques et charismatiques, en vue d'une plus grande connaissance réciproque, bien que les problèmes graves ne manquent pas dans ce domaine.

L'Eglise catholique, depuis le Concile Vatican II, est entrée en relation fraternelle avec toutes les Eglises d'Orient et les Communautés ecclésiales d'Occident, organisant, en particulier, avec la plupart de celles-ci, des dialogues théologiques bilatéraux, qui ont conduit à trouver des convergences ou également des consensus sur divers points, approfondissant ainsi les liens de communion. Au cours de l'année qui vient de s'écouler, les différents dialogues ont enregistré des pas positifs. Avec les Eglises orthodoxes, la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique a entamé, lors de la XIe session plénière qui s'est déroulée à Paphos de Chypre en octobre 2009, l'étude d'un thème crucial dans le dialogue entre les catholiques et les orthodoxes: Le rôle de l'évêque de Rome dans la communion de l'Eglise au cours du premier millénaire, c'est-à-dire à l'époque où les chrétiens d'Orient et d'Occident vivaient dans la pleine communion. Cette étude s'étendra ensuite au deuxième millénaire. J'ai déjà plusieurs fois demandé la prière des catholiques pour ce dialogue délicat et essentiel pour tout le mouvement oecuménique. Cette même Commission mixte a également rencontré les antiques Eglises orthodoxes d'Orient (copte, éthiopienne, syrienne, arménienne) du 26 au 30 janvier de l'année dernière. Ces initiatives importantes attestent qu'un dialogue profond et riche d'espérance est en cours avec toutes les Eglises d'Orient qui ne sont pas en pleine communion avec Rome, dans leur propre spécificité.

Au cours de l'année dernière, on a examiné avec les Communautés ecclésiales d'Occident les résultats obtenus dans les différents dialogues au cours de ces quarante ans, en s'arrêtant en particulier sur ceux avec la Communion anglicane, avec la Fédération luthérienne mondiale, avec l'Alliance réformée mondiale et avec le Conseil mondial méthodiste. A cet égard, le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens a réalisé une étude pour souligner les points de convergence auxquels on est parvenu dans les dialogues bilatéraux correspondants, et signaler, dans le même temps, les problèmes ouverts sur lesquels il faudra commencer une nouvelle phase de confrontation.

Parmi les récents événements, je voudrais mentionner la commémoration du dixième anniversaire de la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification, célébré ensemble par les catholiques et les luthériens le 31 octobre 2009, pour stimuler la poursuite du dialogue, ainsi que la visite à Rome de l'archevêque de Canterbury, le docteur Rowan Williams, qui a également eu des entretiens sur la situation particulière dans laquelle se trouve la Communion anglicane. L'engagement commun de poursuivre les relations et le dialogue est un signe positif, qui manifeste à quel point le désir de l'unité est intense, malgré tous les problèmes qui s'y opposent. Nous voyons ainsi qu'il existe une dimension qui est de notre responsabilité, lorsque nous accomplissons tout ce qui est possible pour arriver réellement à l'unité, mais il existe une autre dimension, celle de l'action divine, car seul Dieu peut donner l'unité à l'Eglise. Une unité « autofabriquée » serait humaine, mais nous désirons l'Eglise de Dieu, faite par Dieu, qui lorsqu'il le voudra et lorsque nous serons prêts, créera l'unité. Nous devons également avoir à l'esprit les progrès réels qui ont été atteints dans la collaboration et dans la fraternité au cours de toutes ces années, durant les derniers cinquante ans. Dans le même temps, nous devons savoir que le travail oecuménique n'est pas un processus linéaire. En effet, les vieux problèmes, nés dans le contexte d'une autre époque, perdent leur poids, alors que dans le contexte moderne naissent de nouveaux problèmes et de nouvelles difficultés. Nous devons donc être toujours disponibles pour un processus de purification, dans lequel le Seigneur nous rende capables d'être unis.

Chers frères et soeurs, je demande la prière de tous pour la réalité oecuménique complexe, pour la promotion du dialogue, et afin que les chrétiens de notre époque puissent donner un nouveau témoignage commun de fidélité au Christ face à notre monde. Que le Seigneur écoute notre invocation et celle de tous les chrétiens, qui au cours de cette semaine s'élève vers Lui avec une intensité particulière.
* * *


Je suis heureux d’accueillir les pèlerins de langue française, en particulier les prêtres de l’archidiocèse de Poitiers et le groupe de la basilique Notre-Dame, de Genève, avec le Cardinal Georges Cottier. Par toute votre existence témoignez de l’unité des disciples du Christ, afin que le monde croie en Celui que le Père a envoyé! Que Dieu vous bénisse!



Mercredi 27 janvier 2010 - Saint François d’Assise

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Chers frères et soeurs,

Dans une récente catéchèse, j'ai déjà illustré le rôle providentiel que l'Ordre des frères mineurs et l'Ordre des frères prêcheurs, fondés respectivement par saint François d'Assise et par saint Dominique Guzman, eurent dans le renouveau de l'Eglise de leur temps. Je voudrais aujourd'hui vous présenter la figure de François, un authentique « géant » de sainteté, qui continue à fasciner de très nombreuses personnes de tous âges et de toutes religions.

« Surgit au monde un soleil ». A travers ces paroles, dans la Divine Comédie (Paradis, chant XI), le plus grand poète italien Dante Alighieri évoque la naissance de François, survenue à la fin de 1181 ou au début de 1182, à Assise. Appartenant à une riche famille – son père était marchand drapier –, François passa son adolescence et sa jeunesse dans l'insouciance, cultivant les idéaux chevaleresques de l'époque. A l'âge de vingt ans, il participa à une campagne militaire, et fut fait prisonnier. Il tomba malade et fut libéré. De retour à Assise, commença en lui un lent processus de conversion spirituelle, qui le conduisit à abandonner progressivement le style de vie mondain qu'il avait mené jusqu'alors. C'est à cette époque que remontent les célèbres épisodes de la rencontre avec le lépreux, auquel François, descendu de cheval, donna le baiser de la paix, et du message du Crucifié dans la petite église de saint Damien. Par trois fois, le Christ en croix s'anima, et lui dit: « Va, François, et répare mon église en ruine ». Ce simple événement de la parole du Seigneur entendue dans l'église de Saint-Damien renferme un symbolisme profond. Immédiatement, saint François est appelé à réparer cette petite église, mais l'état de délabrement de cet édifice est le symbole de la situation dramatique et préoccupante de l'Eglise elle-même à cette époque, avec une foi superficielle qui ne forme ni ne transforme la vie, avec un clergé peu zélé, avec un refroidissement de l'amour; une destruction intérieure de l'Eglise qui comporte également une décomposition de l'unité, avec la naissance de mouvements hérétiques. Toutefois, au centre de cette église en ruines se trouve le crucifié, et il parle: il appelle au renouveau, appelle François à un travail manuel pour réparer de façon concrète la petite église de Saint-Damien, symbole de l'appel plus profond à renouveler l'Eglise même du Christ, avec la radicalité de sa foi et l'enthousiasme de son amour pour le Christ. Cet événement qui a probablement eu lieu en 1205, fait penser à un autre événement semblable qui a eu lieu en 1207: le rêve du Pape Innocent III. Celui-ci voit en rêve que la Basilique Saint-Jean-de-Latran, l'église mère de toutes les églises, s'écroule et un religieux petit et insignifiant la soutient de ses épaules afin qu'elle ne tombe pas. Il est intéressant de noter, d'une part, que ce n'est pas le Pape qui apporte son aide afin que l'église ne s'écroule pas, mais un religieux petit et insignifiant, dans lequel le Pape reconnaît François qui lui rend visite. Innocent III était un Pape puissant, d'une grande culture théologique, et d'un grand pouvoir politique, toutefois, ce n'est pas lui qui renouvelle l'église, mais le religieux petit et insignifiant: c'est saint François, appelé par Dieu. Mais d'autre part, il est intéressant de noter que saint François ne renouvelle pas l'Eglise sans ou contre le Pape, mais seulement en communion avec lui. Les deux réalités vont de pair: le Successeur de Pierre, les évêques, l'Eglise fondée sur la succession des apôtres et le charisme nouveau que l'Esprit Saint crée en ce moment pour renouveler l'Eglise. C'est ensemble que se développe le véritable renouveau.

Retournons à la vie de saint François. Etant donné que son père Bernardone lui reprochait sa générosité exagérée envers les pauvres, François, devant l'évêque d'Assise, à travers un geste symbolique, se dépouille de ses vêtements, montrant ainsi son intention de renoncer à l'héritage paternel: comme au moment de la création, François n'a rien, mais uniquement la vie que lui a donnée Dieu, entre les mains duquel il se remet. Puis il vécut comme un ermite, jusqu'à ce que, en 1208, eut lieu un autre événement fondamental dans l'itinéraire de sa conversion. En écoutant un passage de l'Evangile de Matthieu – le discours de Jésus aux apôtres envoyés en mission –, François se sentit appelé à vivre dans la pauvreté et à se consacrer à la prédication. D'autres compagnons s'associèrent à lui, et en 1209, il se rendit à Rome, pour soumettre au Pape Innocent III le projet d'une nouvelle forme de vie chrétienne. Il reçut un accueil paternel de la part de ce grand Souverain Pontife, qui, illuminé par le Seigneur, perçut l'origine divine du mouvement suscité par François. Le Poverello d'Assise avait compris que tout charisme donné par l'Esprit Saint doit être placé au service du Corps du Christ, qui est l'Eglise; c'est pourquoi, il agit toujours en pleine communion avec l'autorité ecclésiastique. Dans la vie des saints, il n'y a pas d'opposition entre charisme prophétique et charisme de gouvernement, et si apparaissent des tensions, ils savent attendre avec patience les temps de l'Esprit Saint.

En réalité, certains historiens du XIXe siècle et même du siècle dernier ont essayé de créer derrière le François de la tradition, un soi-disant François historique, de même que l'on essaie de créer derrière le Jésus des Evangiles, un soi-disant Jésus historique. Ce François historique n'aurait pas été un homme d'Eglise, mais un homme lié immédiatement uniquement au Christ, un homme qui voulait créer un renouveau du peuple de Dieu, sans formes canoniques et sans hiérarchie. La vérité est que saint François a eu réellement une relation très directe avec Jésus et avec la Parole de Dieu, qu'il voulait suivre sine glossa, telle quelle, dans toute sa radicalité et sa vérité. Et il est aussi vrai qu'initialement, il n'avait pas l'intention de créer un Ordre avec les formes canoniques nécessaires, mais simplement, avec la parole de Dieu et la présence du Seigneur, il voulait renouveler le peuple de Dieu, le convoquer de nouveau à l'écoute de la parole et de l'obéissance verbale avec le Christ. En outre, il savait que le Christ n'est jamais « mien », mais qu'il est toujours « nôtre », que le Christ, je ne peux pas l'avoir « moi » et reconstruire « moi » contre l'Eglise, sa volonté et son enseignement, mais uniquement dans la communion de l'Eglise construite sur la succession des Apôtres qui se renouvelle également dans l'obéissance à la parole de Dieu.

Et il est également vrai qu'il n'avait pas l'intention de créer un nouvel ordre, mais uniquement de renouveler le peuple de Dieu pour le Seigneur qui vient. Mais il comprit avec souffrance et avec douleur que tout doit avoir son ordre, que le droit de l'Eglise lui aussi est nécessaire pour donner forme au renouveau et ainsi réellement il s'inscrivit de manière totale, avec le coeur, dans la communion de l'Eglise, avec le Pape et avec les évêques. Il savait toujours que le centre de l'Eglise est l'Eucharistie, où le Corps du Christ et son Sang deviennent présents. A travers le Sacerdoce, l'Eucharistie est l'Eglise. Là où le Sacerdoce, le Christ et la communion de l'Eglise vont de pair, là seul habite aussi la parole de Dieu. Le vrai François historique est le François de l'Eglise et précisément de cette manière, il parle aussi aux non-croyants, aux croyants d'autres confessions et religions.

François et ses frères, toujours plus nombreux, s'établirent à la Portioncule, ou église Sainte-Marie des Anges, lieu sacré par excellence de la spiritualité franciscaine. Claire aussi, une jeune femme d'Assise, de famille noble, se mit à l'école de François. Ainsi vit le jour le deuxième ordre franciscain, celui des Clarisses, une autre expérience destinée à produire d'insignes fruits de sainteté dans l'Eglise.

Le successeur d'Innocent III lui aussi, le Pape Honorius III, avec sa bulle Cum dilecti de 1218 soutint le développement singulier des premiers Frères mineurs, qui partaient ouvrir leurs missions dans différents pays d'Europe, et jusqu'au Maroc. En 1219, François obtint le permis d'aller s'entretenir, en Egypte, avec le sultan musulman, Melek-el-Kâmel, pour prêcher là aussi l'Evangile de Jésus. Je souhaite souligner cet épisode de la vie de saint François, qui est d'une grande actualité. A une époque où était en cours un conflit entre le christianisme et l'islam, François, qui n'était volontairement armé que de sa foi et de sa douceur personnelle, parcourut concrètement la voie du dialogue. Les chroniques nous parlent d'un accueil bienveillant et cordial reçu de la part du sultan musulman. C'est un modèle dont devraient s'inspirer aujourd'hui encore les relations entre chrétiens et musulmans: promouvoir un dialogue dans la vérité, dans le respect réciproque et dans la compréhension mutuelle (cf. Nostra Aetate
NAE 3). Il semble ensuite que François ait visité la Terre Sainte, jetant ainsi une semence qui porterait beaucoup de fruits: ses fils spirituels en effet firent des Lieux où vécut Jésus un contexte privilégié de leur mission. Je pense aujourd'hui avec gratitude aux grands mérites de la Custodie franciscaine de Terre Sainte.

De retour en Italie, François remit le gouvernement de l'ordre à son vicaire, le frère Pietro Cattani, tandis que le Pape confia à la protection du cardinal Ugolino, le futur Souverain Pontife Grégoire IX, l'Ordre, qui recueillait de plus en plus d'adhésions. Pour sa part, son Fondateur, se consacrant tout entier à la prédication qu'il menait avec un grand succès, rédigea la Règle, ensuite approuvée par le Pape.

En 1224, dans l'ermitage de la Verna, François vit le Crucifié sous la forme d'un séraphin et de cette rencontre avec le séraphin crucifié, il reçut les stigmates; il devint ainsi un avec le Christ crucifié: un don qui exprime donc son intime identification avec le Seigneur.

La mort de François – son transitus – advint le soir du 3 octobre 1226, à la Portioncule. Après avoir béni ses fils spirituels, il mourut, étendu sur la terre nue. Deux années plus tard, le Pape Grégoire IX l'inscrivit dans l'album des saints. Peu de temps après, une grande basilique fut élevée en son honneur, à Assise, destination encore aujourd'hui de nombreux pèlerins, qui peuvent vénérer la tombe du saint et jouir de la vision des fresques de Giotto, le peintre qui a illustré de manière magnifique la vie de François.

Il a été dit que François représente un alter Christus, qu'il était vraiment une icône vivante du Christ. Il fut également appelé « le frère de Jésus ». En effet, tel était son idéal: être comme Jésus; contempler le Christ de l'Evangile, l'aimer intensément, en imiter les vertus. Il a en particulier voulu accorder une valeur fondamentale à la pauvreté intérieure et extérieure, en l'enseignant également à ses fils spirituels. La première béatitude du Discours de la Montagne – Bienheureux les pauvres d'esprit car le royaume des cieux leur appartient (Mt 5,3) a trouvé une réalisation lumineuse dans la vie et dans les paroles de saint François. Chers amis, les saints sont vraiment les meilleurs interprètes de la Bible; ils incarnent dans leur vie la Parole de Dieu, ils la rendent plus que jamais attirante, si bien qu'elle nous parle concrètement. Le témoignage de François, qui a aimé la pauvreté pour suivre le Christ avec un dévouement et une liberté totale, continue à être également pour nous une invitation à cultiver la pauvreté intérieure afin de croître dans la confiance en Dieu, en unissant également un style de vie sobre et un détachement des biens matériels.

Chez François, l'amour pour le Christ s'exprima de manière particulière dans l'adoration du Très Saint Sacrement de l'Eucharistie. Dans les Sources franciscaines, on lit des expressions émouvantes, comme celle-ci: « Toute l'humanité a peur, l'univers tout entier a peur et le ciel exulte, lorsque sur l'autel, dans la main du prêtre, il y a le Christ, le Fils du Dieu vivant. O grâce merveilleuse! O fait humblement sublime, que le Seigneur de l'univers, Dieu et Fils de Dieu, s'humilie ainsi au point de se cacher pour notre salut, sous une modeste forme de pain » (François d'Assise, Ecrits, Editrice Francescane, Padoue 2002, 401).

En cette année sacerdotale, j'ai également plaisir à rappeler une recommandation adressée par François aux prêtres: « Lorsqu'ils voudront célébrer la Messe, purs de manière pure, qu'ils présentent avec respect le véritable sacrifice du Très Saint Corps et Sang de notre Seigneur Jésus Christ » (François d'Assise, Ecrits, 399). François faisait toujours preuve d'un grand respect envers les prêtres et il recommandait de toujours les respecter, même dans le cas où ils en étaient personnellement peu dignes. Il donnait comme motivation de ce profond respect le fait qu'ils avaient reçu le don de consacrer l'Eucharistie. Chers frères dans le sacerdoce, n'oublions jamais cet enseignement: la sainteté de l'Eucharistie nous demande d'être purs, de vivre de manière cohérente avec le Mystère que nous célébrons.

De l'amour pour le Christ naît l'amour envers les personnes et également envers toutes les créatures de Dieu. Voilà un autre trait caractéristique de la spiritualité de François: le sens de la fraternité universelle et l'amour pour la création, qui lui inspira le célèbre Cantique des créatures. C'est un message très actuel. Comme je l'ai rappelé dans ma récente encyclique Caritas in veritate, seul un développement qui respecte la création et qui n'endommage pas l'environnement pourra être durable (cf. nn. 48-52), et dans le Message pour la Journée mondiale de la paix de cette année, j'ai souligné que l'édification d'une paix solide est également liée au respect de la création. François nous rappelle que dans la création se déploient la sagesse et la bienveillance du Créateur. Il comprend la nature précisément comme un langage dans lequel Dieu parle avec nous, dans lequel la réalité devient transparente et où nous pouvons parler de Dieu et avec Dieu.

Chers amis, François a été un grand saint et un homme joyeux. Sa simplicité, son humilité, sa foi, son amour pour le Christ, sa bonté envers chaque homme et chaque femme l'ont rendu heureux en toute situation. En effet, entre la sainteté et la joie existe un rapport intime et indissoluble. Un écrivain français a dit qu'il n'existe qu'une tristesse au monde: celle de ne pas être saints, c'est-à-dire de ne pas être proches de Dieu. En considérant le témoignage de saint François, nous comprenons que tel est le secret du vrai bonheur: devenir saints, proches de Dieu!

Que la Vierge, tendrement aimée de François, nous obtienne ce don. Nous nous confions à Elle avec les paroles mêmes du Poverello d'Assise: « Sainte Vierge Marie, il n'existe aucune femme semblable à toi née dans le monde, fille et servante du très haut Roi et Père céleste, Mère de notre très Saint Seigneur Jésus Christ, épouse de l'Esprit Saint: prie pour nous... auprès de ton bien-aimé Fils, Seigneur et Maître » (François d'Assise, Ecrits, 163).
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Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones présents, en particulier Mgr Perrier, évêque de Tarbes et Lourdes qui accompagne un groupe de l'Hospitalité Notre-Dame de Lourdes. Prions Dieu afin qu'il donne à son Eglise des saints, qui soient eux-aussi des « autres Christ ». Bon pèlerinage à tous!

APPEL


Il y a soixante-cinq ans, le 27 janvier 1945, étaient ouvertes les grilles du camp de concentration nazi de la ville polonaise d'Oswiecim, connue sous le nom allemand d'Auschwitz, et les quelques survivants furent libérés. Cet événement, ainsi que les témoignages des survivants révélèrent au monde l'horreur de crimes d'une cruauté inouïe, commis dans les camps d'extermination créés par l'Allemagne nazie.

Aujourd'hui, est célébré « la Journée de la Mémoire de l'Holocauste », en souvenir de toutes les victimes de ces crimes, en particulier de l'extermination programmée des juifs, et en l'honneur de tous ceux qui, au risque de leur vie, ont protégé les personnes persécutées, s'opposant à cette folie meurtrière. Avec une âme émue, nous pensons aux innombrables victimes d'une haine raciale et religieuse aveugle, qui ont subi la déportation, l'emprisonnement, la mort dans ces lieux terribles et inhumains. Que la mémoire de ces faits, en particulier du drame de la Shoah, qui a frappé le peuple juif, suscite un respect toujours plus convaincu de la dignité de chaque personne, afin que tous les hommes se sentent une unique et grande famille. Que Dieu tout-puissant illumine les coeurs et les esprits, afin que de telles tragédies ne se répètent plus!



Mercredi 3 février 2010 - Saint Dominique Guzman

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Chers frères et soeurs,

La semaine dernière, j'ai présenté la figure lumineuse de François d'Assise et aujourd'hui, je voudrais vous parler d'un autre saint qui, à la même époque, a apporté une contribution fondamentale au renouveau de l'Eglise de son temps. Il s'agit de saint Dominique, le fondateur de l'Ordre des prêcheurs, connus également sous le nom de Frères dominicains.

Son successeur à la tête de l'Ordre, le bienheureux Jourdain de Saxe, offre un portrait complet de saint Dominique dans le texte d'une célèbre prière: « Enflammé par le zèle de Dieu et par l'ardeur surnaturelle, par ta charité sans fin et la ferveur de ton esprit véhément, tu t'es consacré tout entier par le voeu de la pauvreté perpétuelle à l'observance apostolique et à la prédication évangélique ». C'est précisément ce trait fondamental du témoignage de Dominique qui est souligné: il parlait toujours avec Dieu et de Dieu. Dans la vie des saints, l'amour pour le Seigneur et pour le prochain, la recherche de la gloire de Dieu et du salut des âmes vont toujours de pair.

Dominique est né en Espagne, à Caleruega, aux alentours de 1170. Il appartenait à une noble famille de la Vieille Castille et, soutenu par un oncle prêtre, il fut formé dans une célèbre école de Palencia. Il se distingua immédiatement par son intérêt pour l'étude de l'Ecriture Sainte et par son amour envers les pauvres, au point de vendre ses livres, qui à l'époque représentaient un bien d'une grande valeur, pour venir en aide, grâce à l'argent qu'il en tira, aux victimes d'une famine.

Ordonné prêtre, il fut élu chanoine du chapitre de la cathédrale de son diocèse d'origine, Osma. Même si cette nomination pouvait représenter pour lui un motif de prestige dans l'Eglise et dans la société, il ne l'interpréta pas comme un privilège personnel, ni comme le début d'une brillante carrière ecclésiastique, mais comme un service à rendre avec dévouement et humilité. La tentation de la carrière n'est-elle pas une tentation dont ne sont pas même exempts ceux qui ont un rôle d'animation et de gouvernement dans l'Eglise? C'est ce que je rappelais, il y a quelques mois, à l'occasion de la consécration de plusieurs évêques: « Ne recherchons pas le pouvoir, le prestige, l'estime pour nous-mêmes... Nous savons que dans la société civile, et souvent, même dans l'Eglise, les affaires souffrent du fait que beaucoup de personnes, auxquelles a été confiée une responsabilité, oeuvrent pour elles-mêmes et non pas pour la communauté » (Homélie lors de la chapelle papale pour l'ordination épiscopale de cinq prélats, 12 septembre 2009, cf. ORLF n. 37 du 15 septembre 2009).

L'évêque d'Osma, qui se nommait Diego, un véritable pasteur zélé, remarqua très tôt les qualités spirituelles de Dominique, et voulut bénéficier de sa collaboration. Ils allèrent ensemble en Europe du nord, pour accomplir des missions diplomatiques qui leur avaient été confiées par le roi de Castille. En voyageant, Dominique se rendit compte de deux immenses défis pour l'Eglise de son temps: l'existence de peuples pas encore évangélisés, aux frontières nord du continent européen et le déchirement religieux qui affaiblissait la vie chrétienne dans le sud de la France, où l'action de certains groupes hérétiques créait des troubles et éloignait de la vérité de la foi. L'action missionnaire envers ceux qui ne connaissaient pas la lumière de l'Evangile et l'oeuvre de réévangélisation des communautés chrétiennes devinrent ainsi les objectifs apostoliques que Dominique se proposa de poursuivre. Ce fut le Pape, auprès duquel l'évêque Diego et Dominique se rendirent pour lui demander conseil, qui demanda à ce dernier de se consacrer à prêcher aux Albigeois, un groupe hérétique qui soutenait une conception dualiste de la réalité, c'est-à-dire à travers deux principes créateurs également puissants, le Bien et le Mal. Ce groupe, par conséquent méprisait la matière comme provenant du principe du mal, refusant également le mariage, allant jusqu'à nier l'incarnation du Christ, les sacrements dans lesquels le Seigneur nous « touche » à travers la matière et la résurrection des corps. Les Albigeois privilégiaient la vie pauvre et austère, – dans ce sens, il étaient également exemplaires – et ils critiquaient la richesse du clergé de l'époque. Dominique accepta avec enthousiasme cette mission, qu'il réalisa précisément à travers l'exemple de son existence pauvre et austère, à travers la prédication de l'Evangile et les débats publics. Il consacra le reste de sa vie à cette mission de prêcher la Bonne Nouvelle. Ses fils devaient réaliser également les autres rêves de saint Dominique: la mission ad gentes, c'est-à-dire à ceux qui ne connaissaient pas encore Jésus, et la mission à ceux qui vivaient dans les villes, surtout les villes universitaires, où les nouvelles tendances intellectuelles étaient un défi pour la foi des personnes cultivées.

Ce grand saint nous rappelle que dans le coeur de l'Eglise doit toujours brûler un feu missionnaire, qui incite sans cesse à apporter la première annonce de l'Evangile et, là où cela est nécessaire, une nouvelle évangélisation: en effet, le Christ est le bien le plus précieux que les hommes et les femmes de chaque époque et de chaque lieu ont le droit de connaître et d'aimer! Il est réconfortant de voir que dans l'Eglise d'aujourd'hui également il existe tant de personnes – pasteurs et fidèles laïcs, membres d'antiques ordres religieux et de nouveaux mouvements ecclésiaux – qui donnent leur vie avec joie pour cet idéal suprême: annoncer et témoigner de l'Evangile!

A Dominique Guzman s'associèrent ensuite d'autres hommes, attirés par sa même aspiration. De cette manière, progressivement, à partir de la première fondation de Toulouse, fut créé l'ordre des prêcheurs. Dominique, en effet, en pleine obéissance aux directives des Papes de son temps, Innocent III et Honorius III, adopta l'antique Règle de saint Augustin, l'adaptant aux exigences de vie apostolique, qui le conduisaient, ainsi que ses compagnons, à prêcher en se déplaçant d'un lieu à l'autre, mais en revenant ensuite dans leurs propres couvents, lieux d'étude, de prière et de vie communautaire. Dominique voulut souligner de manière particulière deux valeurs considérées indispensables pour le succès de la mission évangélisatrice: la vie communautaire dans la pauvreté et l'étude.

Dominique et les frères prêcheurs se présentaient tout d'abord comme mendiants, c'est-à-dire sans de grandes propriétés foncières à administrer. Cet élément les rendait plus disponibles à l'étude et à la prédication itinérante et constituait un témoignage concret pour les personnes. Le gouvernement interne des couvents et des provinces dominicaines s'organisa sur le système des chapitres, qui élisaient leurs propres supérieurs, ensuite confirmés par les supérieurs majeurs; une organisation qui stimulait donc la vie fraternelle et la responsabilité de tous les membres de la communauté, en exigeant de fortes convictions personnelles. Le choix de ce système naissait précisément du fait que les dominicains, en tant que prêcheurs de la vérité de Dieu, devaient être cohérents avec ce qu'ils annonçaient. La vérité étudiée et partagée dans la charité avec les frères est le fondement le plus profond de la joie. Le bienheureux Jourdain de Saxe dit à propos de saint Dominique: « Il accueillait chaque homme dans le grand sein de la charité et, étant donné qu'il aimait chacun, tous l'aimaient. Il s'était fait pour règle personnelle de se réjouir avec les personnes heureuses et de pleurer avec ceux qui pleuraient » (Libellus de principiis Ordinis Praedicatorum autore Iordano de Saxonia, ed. H.C. Scheeben, [Monumenta Historica Sancti Patris Nostri Domiici, Romae, 1935]).

En second lieu, Dominique, par un geste courageux, voulut que ses disciples reçoivent une solide formation théologique, il n'hésita pas à les envoyer dans les universités de son temps, même si un grand nombre d'ecclésiastiques regardaient avec défiance ces institutions culturelles. Les Constitutions de l'Ordre des prêcheurs accordent une grande importance à l'étude comme préparation à l'apostolat. Dominique voulut que ses frères s'y consacrent sans compter, avec diligence et piété; une étude fondée sur l'âme de tout savoir théologique, c'est-à-dire sur l'Ecriture Sainte, et respectueuse des questions posées à la raison. Le développement de la culture impose à ceux qui accomplissent le ministère de la Parole, aux différents niveaux, d'être bien préparés. Il exhorte donc tous, pasteurs et laïcs, à cultiver cette « dimension culturelle » de la foi, afin que la beauté de la vérité chrétienne puisse être mieux comprise et que la foi puisse être vraiment nourrie, renforcée et aussi défendue. En cette Année sacerdotale, j'invite les séminaristes et les prêtres à estimer la valeur spirituelle de l'étude. La qualité du ministère sacerdotal dépend aussi de la générosité avec laquelle on s'applique à l'étude des vérités révélées.

Dominique, qui voulut fonder un Ordre religieux de prêcheurs-théologiens, nous rappelle que la théologie a une dimension spirituelle et pastorale, qui enrichit l'âme et la vie. Les prêtres, les personnes consacrées, ainsi que tous les fidèles, peuvent trouver une profonde « joie intérieure » dans la contemplation de la beauté de la vérité qui vient de Dieu, une vérité toujours actuelle et toujours vivante. La devise des frères prêcheurs – contemplata aliis tradere – nous aide à découvrir, ensuite, un élan pastoral dans l'étude contemplative de cette vérité, du fait de l'exigence de transmettre aux autres le fruit de notre propre contemplation.

Lorsque Dominique mourut en 1221, à Bologne, la ville qui l'a choisi comme patron, son oeuvre avait déjà rencontré un grand succès. L'Ordre des prêcheurs, avec l'appui du Saint-Siège, s'était répandu dans de nombreux pays d'Europe, au bénéfice de l'Eglise tout entière. Dominique fut canonisé en 1234, et c'est lui-même qui, par sa sainteté, nous indique deux moyens indispensables afin que l'action apostolique soit incisive. Tout d'abord la dévotion mariale, qu'il cultiva avec tendresse et qu'il laissa comme héritage précieux à ses fils spirituels, qui dans l'histoire de l'Eglise ont eu le grand mérite de diffuser la prière du saint Rosaire, si chère au peuple chrétien et si riche de valeurs évangéliques, une véritable école de foi et de piété. En second lieu, Dominique, qui s'occupa de plusieurs monastères féminins en France et à Rome, crut jusqu'au bout à la valeur de la prière d'intercession pour le succès du travail apostolique. Ce n'est qu'au Paradis que nous comprendrons combien la prière des religieuses contemplatives accompagne efficacement l'action apostolique! A chacune d'elles, j'adresse ma pensée reconnaissante et affectueuse.

Chers frères et soeurs, la vie de Dominique Guzman nous engage tous à être fervents dans la prière, courageux à vivre la foi, profondément amoureux de Jésus Christ. Par son intercession, nous demandons à Dieu d'enrichir toujours l'Eglise d'authentiques prédicateurs de l'Evangile.
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J’accueille avec joie les pèlerins francophones particulièrement les élèves et les professeurs des collèges Fénelon et du Sacré-Coeur, et ceux de l’Institut Saint Dominique, de Rome. Que Notre Dame du Rosaire, patronne le l’Ordre Dominicain, vous aide à découvrir la présence du Christ dans votre vie et à le suivre généreusement chaque jour. Que Dieu vous bénisse!




Catéchèses Benoît XVI 20010