Catéchèses Benoît XVI 31030

Mercredi 31 mars 2010 - Le Triduum pascal

31030
Chers frères et soeurs,

Nous vivons les jours saints qui nous invitent à méditer les événements centraux de notre Rédemption, le noyau essentiel de notre foi. Demain commence le Triduum pascal, coeur de toute l'année liturgique, dans lequel nous sommes appelés au silence et à la prière pour contempler le mystère de la Passion, de la Mort et de la Résurrection du Seigneur.

Dans les homélies, les Pères font souvent référence à ces jours qui, comme l'observe saint Athanase dans l'une de ses Lettres pascales, nous introduisent « dans ce temps qui nous fait connaître un nouveau début, le jour de la sainte Pâque, dans lequel le Seigneur s'est immolé » (Lettr. 5, 1-2: PG 26,1379).

Je vous invite donc à vivre intensément ces jours afin qu'ils orientent de façon décisive la vie de chacun dans l'adhésion généreuse et convaincue au Christ, mort et ressuscité pour nous.

La Messe chrismale, prélude matinal du Jeudi Saint, réunira demain matin les prêtres avec leur évêque. Au cours d'une célébration eucharistique significative, qui a lieu d'ordinaire dans les cathédrales diocésaines, seront bénis l'huile des malades, des catéchumènes et le Chrême. En outre, l'évêque et les prêtres renouvelleront leurs promesses sacerdotales prononcées le jour de l'ordination. Ce geste revêt cette année une importance très particulière, car il se situe dans le cadre de l'Année sacerdotale, que j'ai proclamée pour commémorer le 150e anniversaire de la mort du saint curé d'Ars. A tous les prêtres, je voudrais répéter le voeu que je formulais en conclusion de la Lettre de proclamation: « A l'exemple du saint curé d'Ars, laissez-vous conquérir par le Christ et vous serez vous aussi, dans le monde d'aujourd'hui, des messagers d'espérance, de réconciliation et de paix! » (cf. ORLF n. 25 du 23 juin 2009).

Demain après-midi, nous célébrerons le moment de l'institution de l'Eucharistie. L'apôtre Paul, en écrivant aux Corinthiens, confirmait les premiers chrétiens dans la vérité du mystère eucharistique, en leur communiquant ce qu'il avait lui-même appris: « Le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain, et après avoir rendu grâce, le rompit et dit: "Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi". De même, après le repas, il prit la coupe, en disant: "Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang; chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi" » (
1Co 11,23-25). Ces paroles expriment clairement l'intention du Christ: sous les espèces du pain et du vin, Il se rend présent de façon réelle à travers son corps donné et son sang versé comme sacrifice de la Nouvelle Alliance. Dans le même temps, Il constitue les Apôtres et leurs successeurs comme ministres de ce sacrement, qu'il confie à son Eglise comme preuve suprême de son amour.

A travers un rite suggestif, nous rappellerons, en outre, le geste de Jésus qui lave les pieds des Apôtres (cf. Jn 13,1-25). Cet acte devient pour l'évangéliste la représentation de toute la vie de Jésus et révèle son amour jusqu'à la fin, un amour infini, capable de conduire l'homme à la communion avec Dieu et de le rendre libre. Au terme de la liturgie du Jeudi Saint, l'Eglise replace le Très Saint Sacrement dans un lieu préparé à cet effet, qui représente la solitude de Gethsémani et l'angoisse mortelle de Jésus. Devant l'Eucharistie, les fidèles contemplent Jésus à l'heure de sa solitude et prient afin que cessent toutes les solitudes du monde. Ce chemin liturgique est également une invitation à rechercher la rencontre intime avec le Seigneur dans la prière, à reconnaître Jésus parmi ceux qui sont seuls, à veiller avec lui et à savoir le proclamer lumière de notre vie.

Le Vendredi Saint, nous ferons mémoire de la passion et de la mort du Seigneur. Jésus a voulu offrir sa vie en sacrifice pour la rémission des péchés de l'humanité, en choisissant à cette fin la mort la plus cruelle et humiliante: la crucifixion. Il existe un lien indissoluble entre la Dernière Cène et la mort de Jésus. Dans la première, Jésus donne son Corps et son Sang, c'est-à-dire son existence terrestre, lui-même, anticipant ainsi sa mort et la transformant en un acte d'amour. Ainsi, la mort qui, de par sa nature, est la fin, la destruction de toute relation, est transformée par lui en acte de communication de soi, en instrument de salut et en proclamation de la victoire de l'amour. De cette façon, Jésus devient la clé pour comprendre la Dernière Cène qui est une anticipation de la transformation de la mort violente en sacrifice volontaire, en acte d'amour qui rachète et sauve le monde.

Le Samedi Saint est caractérisé par un grand silence. Les Eglises sont dépouillées et aucune liturgie particulière n'est prévue. Au cours de ce temps d'attente et d'espérance, les croyants sont invités à la prière, à la réflexion, à la conversion, également à travers le sacrement de la réconciliation, pour pouvoir participer, intimement renouvelés, à la célébration de Pâques.

Dans la nuit du Samedi Saint, au cours de la Veillée pascale solennelle, « mère de toutes les veillées », ce silence sera interrompu par le chant de l'Alléluia, qui annonce la résurrection du Christ et proclame la victoire de la lumière sur les ténèbres, de la vie sur la mort. L'Eglise se réjouira dans la rencontre avec son Seigneur, en entrant dans le jour de la Pâque que le Seigneur inaugure en ressuscitant d'entre les morts.

Chers frères et soeurs, préparons-nous à vivre intensément ce Saint Triduum désormais imminent, pour être toujours plus profondément insérés dans le Mystère du Christ, mort et ressuscité pour nous. Que nous accompagne sur cet itinéraire spirituel la Très Sainte Vierge. Qu'Elle nous introduise dans le mystère pascal, Elle qui suivit Jésus dans sa passion et fut présente sous la Croix, afin que nous puissions faire l'expérience de la joie et de la paix du Ressuscité.

Avec ces sentiments, j'adresse dès à présent mes voeux les plus cordiaux de sainte Pâques à vous tous, en les étendant à vos communautés et à toutes les personnes qui vous sont chères.
* * *


Chers pèlerins francophones je suis heureux de vous accueillir ce matin. En ces jours saints, je vous souhaite de demeurer profondément ancrés dans le mystère du Christ mort et ressuscité. Et déjà, je vous adresse mes voeux cordiaux de sainte fête de Pâques, ainsi qu'à vos familles et à vos communautés. Que Dieu vous bénisse!



                                                                                             
Place Saint-Pierre

Mercredi 7 avril 2010 - Octave de Pâques

Chers frères et soeurs!

La traditionnelle Audience générale du mercredi est aujourd'hui inondée par la joie lumineuse de la Pâque. En ces jours, en effet, l'Eglise célèbre le mystère de la Résurrection et fait l'expérience de la grande joie qui lui vient de la bonne nouvelle du triomphe du Christ sur le mal et sur la mort. Une joie qui se prolonge non seulement dans l'Octave de Pâques, mais s'étend pendant cinquante jours jusqu'à la Pentecôte. Après les pleurs et le désarroi du Vendredi Saint, après le silence lourd d'attente du Samedi Saint, voici l'annonce extraordinaire: « C'est bien vrai! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon! » (Lc 24,34). Celle-ci, dans toute l'histoire du monde, est la « bonne nouvelle » par excellence, c'est l'« Evangile » annoncé et transmis au fil des siècles, de génération en génération.

La Pâque du Christ est l'acte suprême et sans égal de la puissance de Dieu. C'est un événement absolument extraordinaire, le fruit le plus beau et le plus mûr du « mystère de Dieu ». Il est à ce point extraordinaire, qu'il en résulte inénarrable dans ces dimensions qui échappent à notre capacité humaine de connaissance et d'enquête. Et, toutefois, il est aussi un fait « historique », réel, témoigné et documenté. C'est l'événement qui fonde toute notre foi. C'est le contenu central dans lequel nous croyons et le motif principal pour lequel nous croyons.

Le Nouveau Testament ne décrit pas la Résurrection de Jésus au moment où elle a lieu. Il ne rapporte que les témoignages de ceux que Jésus en personne a rencontrés après être ressuscité. Les trois Evangiles synoptiques nous racontent que cette annonce - « Il est ressuscité! » - est tout d'abord proclamée par des anges. C'est donc une annonce qui trouve son origine en Dieu; mais Dieu la confie immédiatement à ses « messagers », pour qu'ils le transmettent à tous. Et ce sont ainsi ces mêmes anges qui invitent les femmes, qui s'étaient rendues de bon matin au sépulcre, à aller dire au plus vite aux disciples: « Il est ressuscité d'entre les morts, et voilà qu'il vous précède en Galilée; c'est là que vous le verrez » (Mt 28,7). De cette manière, à travers les femmes de l'Evangile, ce mandat divin atteint tous et chacun parce qu'à leur tour, ils transmettent à d'autres, avec fidélité et courage, cette même nouvelle: une nouvelle belle, heureuse et porteuse de joie.

Oui, chers amis, toute notre foi se fonde sur la transmission permanente et fidèle de cette « bonne nouvelle ». Et nous, aujourd'hui, nous voulons dire à Dieu notre profonde gratitude pour les innombrables foules de croyants dans le Christ qui nous ont précédés au fil des siècles, parce qu'ils n'ont jamais manqué à leur mandat fondamental d'annoncer l'Evangile qu'ils avaient reçu. La bonne nouvelle de la Pâque, requiert donc l'oeuvre de témoins enthousiastes et courageux. Chaque disciple du Christ, de même que chacun de nous, est appelé à être témoin. Tel est le mandat précis, exigeant et exaltant du Seigneur ressuscité. La « nouvelle » de la vie nouvelle dans le Christ doit resplendir dans la vie du chrétien, doit être vivante et active, chez celui qui la porte, réellement capable de changer le coeur, l'existence tout entière. Celle-ci est vivante avant tout parce que le Christ lui-même en est l'âme vivante et vivifiante. Saint Marc nous le rappelle à la fin de son Evangile, où il écrit que les Apôtres « s'en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui l'accompagnaient » (Mc 16,20).

La vie des apôtres est également la nôtre et celle de tout croyant, de tout disciple qui se fait « annonciateur ». Nous aussi, en effet, sommes certains que le Seigneur, aujourd'hui comme hier, agit avec ses témoins. C'est un fait que nous pouvons reconnaître chaque fois que nous voyons apparaître les semences d'une paix véritable et durable, là où l'engagement et l'exemple de chrétiens et d'hommes de bonne volonté est animé par le respect pour la justice, par le dialogue patient, par une estime convaincue à l'égard des autres, par le désintérêt, par le sacrifice personnel et communautaire. Nous voyons malheureusement dans le monde également tant de souffrance, tant de violence, tant d'incompréhensions. La célébration du Mystère pascal, la contemplation joyeuse de la Résurrection du Christ, qui vainc le péché et la mort à travers la force de l'Amour de Dieu est une occasion propice pour redécouvrir et professer avec davantage de conviction notre confiance dans le Seigneur ressuscité, qui accompagne les témoins de sa parole en opérant des prodiges avec eux. Nous serons véritablement et jusqu'au bout les témoins de Jésus ressuscité lorsque nous laisserons transparaître en nous le prodige de son amour; lorsque dans nos paroles, et plus encore dans nos gestes, en pleine cohérence avec l'Evangile, on pourra reconnaître la voix et la main de Jésus lui-même.

Partout, donc, le Seigneur nous envoie comme ses témoins. Mais nous pouvons être tels uniquement à partir et en référence constante à l'expérience pascale, que Marie de Magdala exprime en annonçant aux autres disciples: « J'ai vu le Seigneur » (Jn 20,18). Dans cette rencontre personnelle avec le Ressuscité se trouvent le fondement indestructible et le contenu central de notre foi, la source fraîche et intarissable de notre espérance, le dynamisme ardent de notre charité. Ainsi, notre vie chrétienne elle-même coïncidera pleinement avec l'annonce: « Le Christ Seigneur est véritablement ressuscité ». Laissons-nous donc conquérir par l'attrait de la Résurrection du Christ. Que la Vierge Marie nous soutienne par sa protection et nous aide à goûter pleinement la joie pascale, afin que nous sachions l'apporter à notre tour à tous nos frères.

Une fois de plus, Bonne Pâque à tous!
* * *


Je suis heureux de saluer les pèlerins venus de Belgique, de France et de Suisse, en particulier des diocèses d’Evreux, Fréjus-Toulon, de Paris et d’Orléans. Je salue également particulièrement les jeunes du collège de l’Abbaye Saint-Maurice, en Suisse. Saintes Fêtes de Pâques et bon pèlerinage à tous!




Place Saint-Pierre

Mercredi 14 avril 2010 - Munus docendi

14040
Chers amis,

En cette période pascale, qui nous conduit à la Pentecôte et qui nous amène également aux célébrations de clôture de l'Année sacerdotale, en programme les 9, 10 et 11 juin prochains, j'ai à coeur de consacrer encore certaines réflexions au thème du ministère ordonné, en m'arrêtant sur la réalité féconde de la configuration du prêtre au Christ Tête, dans l'exercice des tria munera qu'il reçoit, c'est-à-dire des trois charges d'enseigner, de sanctifier et de gouverner.

Pour comprendre ce que signifie agir in persona Christi Capitis - dans la personne du Christ Tête - de la part du prêtre, et pour comprendre également quelles conséquences dérivent du devoir de représenter le Seigneur, en particulier dans l'exercice de ces trois fonctions, il faut expliciter avant tout ce que l'on entend par "représentation". Le prêtre représente le Christ. Qu'est-ce que cela veut dire, que signifie "représenter" quelqu'un? Dans le langage commun, cela veut dire - généralement - recevoir une délégation de la part d'une personne pour être présente à sa place, parler et agir à sa place, car celui qui est représenté est absent de l'action concrète. Nous nous demandons: le prêtre représente-t-il le Seigneur de la même façon? La réponse est non, car dans l'Eglise, le Christ n'est jamais absent, l'Eglise est son corps vivant et le Chef de l'Eglise c'est lui, présent et oeuvrant en elle. Le Christ n'est jamais absent, il est même présent d'une façon totalement libérée des limites de l'espace et du temps, grâce à l'événement de la Résurrection, que nous contemplons de façon spéciale en ce temps de Pâques.

C'est pourquoi, le prêtre qui agit in persona Christi Capitis et en représentation du Seigneur, n'agit jamais au nom d'un absent, mais dans la Personne même du Christ ressuscité, qui se rend présent à travers son action réellement concrète. Il agit réellement et réalise ce que le prêtre ne pourrait pas faire: la consécration du vin et du pain, afin qu'ils soient réellement présence du Seigneur, absolution des péchés. Le Seigneur rend présente son action dans la personne qui accomplit ces gestes. Ces trois devoirs du prêtre - que la Tradition a identifiés dans les diverses paroles de mission du Seigneur: enseigner, sanctifier, et gouverner - dans leur distinction et dans leur profonde unité, sont une spécification de cette représentation concrète. Ils représentent en réalité les trois actions du Christ ressuscité, le même qui aujourd'hui, dans l'Eglise et dans le monde, enseigne et ainsi fait naître la foi, rassemble son peuple, crée une présence de la vérité et construit réellement la communion de l'Eglise universelle; et sanctifie et guide.

Le premier devoir dont je voudrais parler aujourd'hui est le munus docendi, c'est-à-dire celui d'enseigner. Aujourd'hui, en pleine urgence éducative, le munus docendi de l'Eglise, exercé de façon concrète à travers le ministère de chaque prêtre, apparaît particulièrement important. Nous vivons dans une grande confusion en ce qui concerne les choix fondamentaux de notre vie et les interrogations sur ce qu'est le monde, d'où il vient, où nous allons, ce que nous devons faire pour accomplir le bien, la façon dont nous devons vivre, quelles sont les valeurs réellement pertinentes. En relation à tout cela, il existe de nombreuses philosophies opposées, qui naissent et qui disparaissent, créant une confusion en ce qui concerne les décisions fondamentales, comme vivre, car nous ne savons plus, communément, par quoi et pour quoi nous avons été faits et où nous allons.
Dans cette situation se réalise la parole du Seigneur, qui eut compassion de la foule parce qu'elle était comme des brebis sans pasteur (cf.
Mc 6,34). Le Seigneur avait fait cette constatation lorsqu'il avait vu les milliers de personnes qui le suivaient dans le désert car, face à la diversité des courants de cette époque, elles ne savaient plus quel était le véritable sens de l'Ecriture, ce que disait Dieu. Le Seigneur, animé par la compassion, a interprété la parole de Dieu, il est lui-même la parole de Dieu, et il a ainsi donné une orientation. Telle est la fonction in persona Christi du prêtre: rendre présente, dans la confusion et la désorientation de notre époque, la lumière de la parole de Dieu, la lumière qui est le Christ lui-même dans notre monde. Le prêtre n'enseigne donc pas ses propres idées, une philosophie qu'il a lui-même inventée, qu'il a trouvée ou qui lui plaît; le prêtre ne parle pas de lui, il ne parle pas pour lui, pour se créer éventuellement des admirateurs ou son propre parti; il ne dit pas des choses qui viennent de lui, ses inventions, mais, dans la confusion de toutes les philosophies, le prêtre enseigne au nom du Christ présent, il propose la vérité qui est le Christ lui-même, sa parole, sa façon de vivre et d'aller de l'avant. Pour le prêtre vaut ce que le Christ a dit de lui-même: "Mon enseignement n'est pas le mien" (Jn 7,16); c'est-à-dire que le Christ ne se propose pas lui-même, mais, en tant que Fils, il est la voix, la parole du Père. Le prêtre doit lui aussi toujours parler et agir ainsi: "Ma doctrine n'est pas la mienne, je ne diffuse pas mes idées ou ce qui me plaît, mais je suis la bouche et le coeur du Christ et je rends présente cette doctrine unique et commune, qui a créé l'Eglise universelle et qui crée la vie éternelle".

Ce fait, c'est-à-dire que le prêtre ne crée pas et ne proclame pas ses propres idées dans la mesure où la doctrine qu'il annonce n'est pas la sienne, mais du Christ, ne signifie pas, d'autre part, qu'il soit neutre, une sorte de porte-parole qui lit un texte dont il ne prend peut-être pas possession. Dans ce cas aussi, vaut le modèle du Christ, qui a dit: Je ne m'appartiens pas et je ne vis pas pour moi, mais je viens du Père et je vis pour le Père. C'est pourquoi, dans cette profonde identification, la doctrine du Christ est celle du Père et il est lui-même un avec le Père. Le prêtre qui annonce la parole du Christ, la foi de l'Eglise et non ses propres idées, doit aussi dire: Je ne m'appartiens pas et je ne vis pas pour moi, mais je vis avec le Christ et du Christ et ce qu'a dit le Christ devient donc ma parole, même si elle n'est pas la mienne. La vie du prêtre doit s'identifier au Christ et, de cette manière, la parole qui n'est pas sienne, devient toutefois une parole profondément personnelle. Saint Augustin, sur ce thème, a dit en parlant des prêtres: "Et nous, que sommes nous? Des ministres (du Christ), ses serviteurs; car ce que nous vous distribuons n'est pas à nous, mais nous le tirons de Lui. Et nous aussi nous vivons de cela, car nous sommes des serviteurs, comme vous" (Discours 229/E, 4).

L'enseignement que le prêtre est appelé à offrir, les vérités de la foi, doivent être intériorisées et vécues dans un intense chemin spirituel personnel, de manière à ce que le prêtre entre réellement en profonde communion intérieure avec le Christ lui-même. Le prêtre croit, accueille et cherche à vivre, avant tout comme sien, ce que le Seigneur a enseigné et que l'Eglise a transmis, dans ce parcours d'identification avec le propre ministère dont saint Jean-Marie Vianney est le témoin exemplaire (cf. Lettre pour l'indiction de l'Année sacerdotale). "Unis dans la même charité - affirme encore saint Augustin - nous sommes tous des auditeurs de celui qui est pour nous dans le ciel l'unique Maître" (Enarr. in Ps 131,1 Ps 131,7).

La voix du prêtre, par conséquent, pourrait souvent sembler la "voix de celui qui crie dans le désert" (Mc 1,3); mais c'est précisément en cela que consiste sa force prophétique: dans le fait de ne jamais être homologué, ni homologable, à aucune culture ou mentalité dominante, mais de montrer l'unique nouveauté capable d'opérer un profond et authentique renouveau de l'homme, c'est-à-dire que le Christ est le Vivant, il est le Dieu proche, le Dieu qui oeuvre dans la vie et pour la vie du monde et nous donne la vérité, la manière de vivre.

Dans la préparation attentive de la prédication des jours de fête, sans exclure celle des autres jours, dans l'effort de formation catéchétique, dans les écoles, dans les institutions académiques et, de manière particulière, à travers ce livre non écrit qu'est sa vie même, le prêtre est toujours "professeur", il enseigne. Mais pas avec la présomption de qui impose ses propres vérités, avec l'humble et joyeuse certitude de celui qui a rencontré la Vérité, en a été saisi et transformé, et ne peut donc pas manquer de l'annoncer. En effet, personne ne peut choisir le sacerdoce seul, ce n'est pas une manière de parvenir à une sécurité dans la vie, de conquérir une position sociale: personne ne peut se le donner, ni le rechercher seul. Le sacerdoce est la réponse à l'appel du Seigneur, à sa volonté, pour devenir des annonciateurs non d'une vérité personnelle, mais de sa vérité.

Chers confrères prêtres, le peuple chrétien nous demande d'entendre dans nos enseignements la doctrine ecclésiale authentique, à travers laquelle pouvoir renouveler la rencontre avec le Christ qui donne la joie, la paix, le salut. Les Saintes Ecritures, les écrits des Pères et des Docteurs de l'Eglise, le catéchisme de l'Eglise catholique constituent à cet égard, des points de référence indispensables dans l'exercice du munus docendi, si essentiel pour la conversion, le chemin de foi et le salut des hommes. "Ordination sacerdotale, veut dire: être immergés [...] dans la Vérité" (Homélie lors de la Messe chrismale, 9 avril 2009), cette Vérité qui n'est pas simplement un concept ou un ensemble d'idées à transmettre et à assimiler, mais qui est la Personne du Christ, avec laquelle, pour laquelle et dans laquelle vivre et c'est ainsi, nécessairement, que naît aussi l'actualité et l'aspect compréhensible de l'annonce. Seule cette conscience d'une Vérité faite Personne dans l'Incarnation du Fils justifie le mandat missionnaire: "Allez dans le monde entier, proclamez l'Evangile à toute la création" (Mc 16,15). C'est uniquement s'il est la Vérité qu'il est destiné à toute créature, et il n'est pas l'imposition de quelque chose, mais l'ouverture du coeur à ce pour quoi il est créé.

Chers frères et soeurs, le Seigneur a confié aux prêtres une grande tâche: être des annonciateurs de Sa Parole, de la Vérité qui sauve; être sa voix dans le monde pour porter ce qui sert au vrai bien des âmes et à l'authentique chemin de foi (cf. 1Co 6,12). Que saint Jean-Marie Vianney soit un exemple pour tous les prêtres. Il était un homme d'une grande sagesse et d'une force héroïque pour résister aux pressions culturelles et sociales de son époque afin de pouvoir conduire les hommes à Dieu: simplicité, fidélité et immédiateté étaient les caractéristiques essentielles de sa prédication, ainsi que la transparence de sa foi et de sa sainteté. Le peuple chrétien en était édifié et, comme c'est le cas pour les maîtres authentiques de notre temps, il y reconnaissait la lumière de la Vérité. Il y reconnaissait, en définitive, ce que l'on devrait toujours reconnaître chez un prêtre: la voix du Bon Pasteur.
* * *


C’est avec joie que j’accueille ce matin les pèlerins francophones, en particulier les groupes de jeunes et les paroisses. En ce temps pascal, je vous invite à prier pour vos prêtres et à collaborer avec eux à l’annonce de l’Évangile. Avec ma Bénédiction apostolique!

Le Saint-Père exprime sa proximité pour les populations frappées par un violent tremblement de terre en Chine:

Ma pensée va vers la Chine et aux populations frappées par un violent tremblement de terre, qui a provoqué de nombreuses pertes en vie humaines, des blessés et d'immenses dégâts. Je prie pour les victimes et j'exprime ma proximité spirituelle aux personnes frappées par une catastrophe si grave: j'implore de Dieu pour elles le réconfort dans la souffrance et le courage dans ces adversités. Je souhaite que ne manque pas la solidarité commune.






Place Saint-Pierre

Mercredi 21 avril 2010 - Voyage Apostolique à Malte

21040
Chers frères et soeurs!


Comme vous le savez, samedi et dimanche derniers, j'ai accompli un voyage apostolique à Malte, sur lequel je voudrais m'arrêter brièvement aujourd'hui. L'occasion de ma visite pastorale a été le 1950 anniversaire du naufrage de l'apôtre Paul sur les côtes de l'archipel maltais et de son séjour sur ces îles pendant environ trois mois. Il s'agit d'un événement pouvant être situé autour de l'an 60 et raconté avec une abondance de détails dans le livre des Actes des Apôtres (chapitres 27-28). Comme ce fut le cas de saint Paul, j'ai moi aussi fait l'expérience de l'accueil chaleureux des Maltais - véritablement extraordinaire - et pour cela, j'exprime à nouveau ma plus vive et cordiale reconnaissance au président de la République, au gouvernement et aux autres autorités de l'Etat, et je remercie de façon fraternelle les évêques du pays, avec tous ceux qui ont collaboré en vue de préparer cette rencontre de fête entre le Successeur de Pierre et la population maltaise. L'histoire de ce peuple, depuis presque deux mille ans, est inséparable de la foi catholique, qui caractérise sa culture et ses traditions: on dit qu'à Malte, il y a au moins 365 églises, "une pour chaque jour de l'année", un signe visible de cette foi profonde!

Tout a commencé par ce naufrage: après être allé à la dérive pendant 14 jours, poussé par les vents, le bateau qui transportait à Rome l'apôtre Paul et de nombreuses autres personnes échoua sur un bas-fond de l'île de Malte. C'est pour cela, qu'après la rencontre très cordiale avec le président de la République, dans la capitale, La Valette - qui a eu comme beau cadre le salut joyeux de nombreux jeunes garçons et filles - je me suis rendu immédiatement en pèlerinage dans celle que l'on appelle la "grotte de saint Paul", près de Rabat, pour un moment intense de prière. Là, j'ai pu saluer également un groupe nombreux de missionnaires maltais. Penser à ce petit archipel au centre de la Méditerranée, et à la façon dont la semence de l'Evangile y arriva, suscite un sentiment de grand émerveillement face aux desseins mystérieux de la Providence divine: il devient spontané de rendre grâce au Seigneur et également à saint Paul qui, au milieu de cette violente tempête, conserva la confiance et l'espérance et les transmit également à ses compagnons de voyage. De ce naufrage, ou mieux, du séjour de Paul à Malte qui suivit, est née une communauté chrétienne fervente et solide, qui après deux mille ans, est encore fidèle à l'Evangile et s'efforce de le conjuguer avec les questions complexes de l'époque contemporaine. Cela, naturellement, n'est pas toujours facile, ni évident, mais le peuple maltais sait trouver dans la vision chrétienne de la vie les réponses aux nouveaux défis. Par exemple, le fait d'avoir maintenu ferme le profond respect pour la vie à naître et pour le caractère sacré du mariage, en choisissant de ne pas introduire l'avortement et le divorce dans la constitution juridique du pays, en est un signe.

C'est pourquoi, mon voyage avait pour but de confirmer dans la foi l'Eglise qui est à Malte, une institution très vivante, bien structurée et présente sur le territoire de Malte et de Gozo. Toute cette communauté s'était donné rendez-vous à Floriana, sur la place des Greniers, devant l'église Saint-Publius, où j'ai célébré la Messe à laquelle tous ont participé avec une grande ferveur. Cela a été pour moi un motif de joie, et également de réconfort de sentir la chaleur particulière de ce peuple qui donne le sentiment d'une grande famille, rassemblée par la foi et par la vision chrétienne de la vie. Après la célébration, j'ai voulu rencontrer plusieurs personnes victimes d'abus de la part de membres du clergé. J'ai partagé avec elles la souffrance et, avec émotion, j'ai prié avec elles, les assurant de l'action de l'Eglise.

Si Malte donne le sentiment d'une grande famille, il ne faut pas penser que, à cause de sa conformation géographique, elle serait une société "isolée" du monde. Il n'en est pas ainsi, et on le voit, par exemple, dans les contacts que Malte entretient avec divers pays et du fait que, dans de nombreuses nations, on trouve des prêtres maltais. En effet, les familles et les paroisses de Malte ont su éduquer de nombreux jeunes au sens de Dieu et de l'Eglise, si bien que beaucoup d'entre eux ont répondu avec générosité à l'appel de Jésus et sont devenus prêtres. Parmi eux, beaucoup ont embrassé l'engagement missionnaire ad gentes, dans des terres lointaines, héritant de l'esprit apostolique qui poussait saint Paul à apporter l'Evangile là où il n'était pas encore arrivé. Il s'agit d'un aspect que j'ai répété avec plaisir, à savoir que "la foi s'affermit lorsqu'on la donne" (Enc. Redemptoris missio
RMi 2). Sur la racine de cette foi, Malte s'est développée et à présent elle s'ouvre aux différentes situations économiques, sociales et culturelles, auxquelles elle offre une précieuse contribution.

Il est clair que Malte a souvent dû se défendre au cours des siècles - et on le voit dans ses fortifications. La position stratégique du petit archipel attirait bien évidemment l'attention des diverses puissances politiques et militaires. Toutefois, la vocation la plus profonde de Malte est la vocation chrétienne, c'est-à-dire la vocation universelle de la paix! La célèbre croix de Malte, que tous associent à cette nation, a tant de fois flotté dans les conflits et les affrontements; mais, grâce à Dieu, elle n'a jamais perdu sa signification authentique et éternelle: elle est le signe de l'amour et de la réconciliation, et telle est la véritable vocation des peuples qui accueillent et embrassent le message chrétien!

Carrefour naturel, Malte est au centre de routes de migration: des hommes et des femmes, comme autrefois saint Paul, accostent sur les côtes maltaises, parfois poussés par des conditions de vie très dures, par des violences et des persécutions, et cela comporte, naturellement, des problèmes complexes sur le plan humanitaire, politique et juridique, des problèmes qui ne sont pas faciles à résoudre, mais dont il faut rechercher la solution avec persévérance et ténacité, dans une concertation des interventions au niveau international. Il est bon que l'on agisse ainsi dans toutes les nations qui ont les valeurs chrétiennes à la base de leurs Chartes constitutionnelles et de leurs cultures.

Le défi de conjuguer dans la complexité de notre temps la validité éternelle de l'Evangile est fascinant pour tous les hommes, mais en particulier pour les jeunes. Les nouvelles générations, en effet, le ressentent de manière plus forte, et c'est pour cette raison que j'ai voulu qu'à Malte également, malgré la brièveté de ma visite, ne manque pas une rencontre avec les jeunes. Ce fut un moment de dialogue intense et profond, rendu plus beau encore par l'atmosphère dans laquelle elle s'est déroulée - le port de La Valette - et par l'enthousiasme des jeunes. Je ne pouvais manquer de leur rappeler l'expérience de jeunesse de saint Paul: une expérience extraordinaire, unique, et pourtant capable de parler aux nouvelles générations de chaque époque, en raison de cette transformation radicale qui a suivi la rencontre avec le Christ Ressuscité. J'ai donc vu les jeunes de Malte comme des héritiers potentiels de l'aventure spirituelle de saint Paul, appelés comme lui à découvrir la beauté de l'amour de Dieu qui nous a été donné en Jésus Christ; à embrasser le mystère de sa Croix; à être vainqueurs précisément dans les épreuves et les tribulations; à ne pas avoir peur des "tempêtes" de la vie, tout comme des naufrages, parce que le dessein d'amour de Dieu est plus grand encore que les tempêtes et les naufrages.

Chers amis, voilà, en synthèse, quel a été le message que j'ai apporté à Malte. Mais comme je l'évoquais, j'ai pour ma part tant reçu de cette Eglise, de ce peuple béni de Dieu, qui a su collaborer de manière fructueuse avec sa grâce. Par l'intercession de l'apôtre Paul, de saint Georges Preca, prêtre, premier saint maltais, et de la Vierge Marie, que les fidèles de Malte et de Gozo vénèrent avec tant de dévotion, puisse celle-ci toujours progresser dans la paix et la prospérité.
* * *


Je suis heureux de saluer les pèlerins venus de Belgique, de France et de Suisse, en particulier les Evêques de Moulins et de Nice. Que l’exemple et l’enseignement de ce saint Apôtre nous instruise et nous aide à discerner, dans nos tempêtes et naufrages humains, le dessein d’amour de Dieu.




Place Saint-Pierre

Mercredi 28 avril 2010 - Saint Léonard Murialdo et Saint Joseph Benoît Cottolengo


Catéchèses Benoît XVI 31030