Catéchèses Benoît XVI 24102

Mercredi 24 octobre 2012: L'Année de la foi. Qu'est-ce que la foi ?

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Chers frères et soeurs,

Mercredi dernier, avec le début de l’Année de la foi, j’ai commencé une nouvelle série de catéchèses sur la foi. Et aujourd’hui je voudrais réfléchir avec vous sur une question fondamentale : qu’est-ce que la foi ? La foi a-t-elle encore un sens dans un monde où science et technique ont ouvert des horizons encore impensables il y a peu ? Que signifie croire aujourd’hui ? En effet, à notre époque est nécessaire une éducation renouvelée à la foi, qui comprenne certes une connaissance de ses vérités et des événements du salut, mais qui naisse surtout d’une véritable rencontre avec Dieu en Jésus Christ, du fait de l’aimer, de lui faire confiance, afin que toute notre vie s’en trouve impliquée.

Aujourd'hui, à côté de nombreux signes de bien, croît aussi autour de nous un certain désert spirituel. Parfois, on a comme la sensation, en apprenant chaque jour certains événements, que le monde ne va pas vers la construction d’une communauté plus fraternelle et plus pacifique ; les idées mêmes de progrès et de bien-être montrent elles aussi leurs ombres. Malgré la grandeur des découvertes de la science et des succès de la technique, aujourd’hui l’homme ne semble pas devenu vraiment plus libre, plus humain ; tant de formes d’exploitation demeurent, de manipulation, de violence, de vexation, d’injustice... Un certain type de culture, par ailleurs, a éduqué à agir uniquement dans l’horizon des choses, du faisable, à croire uniquement à ce que l’on voit et ce que l’on touche de ses propres mains. D’autre part, toutefois, grandit également le nombre de ceux qui se sentent désorientés et, dans la recherche d’aller au-delà d’une vision uniquement horizontale de la réalité, sont disposés à croire à tout et à son contraire. Dans ce contexte refont surface certaines questions fondamentales, qui sont bien plus concrètes qu’elles n’apparaissent à première vue : quel sens cela a-t-il de vivre ? Y a-t-il un avenir pour l’homme, pour nous et pour les nouvelles générations ? Dans quelle direction orienter les choix de notre liberté pour un résultat bon et heureux de la vie ? Qu’est-ce qui nous attend au-delà du seuil de la mort ?

De ces questions, qu’on ne peut ignorer, il apparaît combien le monde de la planification, du calcul exact et de l’expérimentation, en un mot le savoir de la science, bien qu’important pour la vie de l’homme, à lui seul ne suffit pas. Nous avons besoin non seulement du pain matériel, nous avons besoin d’amour, de sens et d’espérance, d’un fondement certain, d’un terrain solide qui nous aide à vivre avec un sens authentique même dans la crise, dans les ombres, dans les difficultés et dans les problèmes quotidiens. La foi nous donne précisément cela : c’est une manière confiante de s’en remettre à un « Toi », qui est Dieu, qui me donne une certitude différente, mais non moins solide de celle qui me vient du calcul exact ou de la science. La foi n’est pas un simple accord intellectuel de l’homme avec des vérités particulières sur Dieu ; c’est un acte à travers lequel on s’en remet librement à un Dieu qui est Père et qui m’aime ; c’est l’adhésion à un « Toi » qui me donne espérance et confiance. Bien sûr, cette adhésion à Dieu n’est pas privée de contenus: avec elle, nous sommes conscients que Dieu lui-même s’est montré à nous dans le Christ, a fait voir son visage et s’est fait réellement proche de chacun de nous. Plus encore, Dieu a révélé que son amour pour l’homme, pour chacun de nous, est sans mesure: sur la Croix, Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu fait homme, nous montre de la manière la plus lumineuse à quel point arrive cet amour, jusqu’au don de soi-même, jusqu’au sacrifice total. Avec le mystère de la Mort et de la Résurrection du Christ, Dieu descend jusqu’au fond de notre humanité pour la ramener à Lui, pour l’élever à sa hauteur. La foi c’est croire à cet amour de Dieu qui ne fait pas défaut face à la méchanceté de l’homme, face au mal et à la mort, mais qui est capable de transformer toute forme d’esclavage, en donnant la possibilité du salut. Avoir foi, alors, c’est rencontrer ce « Toi », Dieu, qui me soutient et m’accorde la promesse d’un amour indestructible qui non seulement aspire à l’éternité, mais la donne ; c’est m’en remettre à Dieu avec l’attitude d’un enfant, qui sait bien que toutes ses difficultés, tous ses problèmes sont à l’abri dans le «toi» de la mère. Et cette possibilité de salut à travers la foi est un don que Dieu offre à tous les hommes. Je pense que nous devrions méditer plus souvent — dans notre vie quotidienne, caractérisée par des problèmes et des situations parfois dramatiques — sur le fait que croire chrétiennement signifie m’abandonner ainsi avec confiance au sens profond qui me soutient et soutient le monde, ce sens que nous ne sommes pas en mesure de nous donner, mais uniquement de recevoir en don, et qui est le fondement sur lequel nous pouvons vivre sans peur. Et cette certitude libératrice et rassurante de la foi, nous devons être capables de l’annoncer avec la parole et de la montrer avec notre vie de chrétiens.

Mais autour de nous, nous voyons chaque jour que beaucoup restent indifférents ou refusent d’accueillir cette annonce. A la fin de l’Evangile de Marc, aujourd’hui, nous avons des paroles dures du Ressuscité qui dit : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé; celui qui refusera de croire sera condamné » (
Mc 16,16), il se perd lui-même. Je voudrais vous inviter à réfléchir à cela. La confiance dans l’action de l’Esprit Saint, doit nous pousser toujours à aller et à prêcher l’Évangile, au courageux témoignage de la foi ; mais, outre la possibilité d’une réponse positive au don de la foi, il y a aussi le risque d’un refus de l’Évangile, du non- accueil de la rencontre vitale avec le Christ. Déjà saint Augustin posait ce problème dans son commentaire à la parabole du semeur : « Nous parlons — disait-il —, nous jetons la semence, nous répandons la semence. Certains nous méprisent, certains nous blâment, certains nous moquent. Si nous les craignons, nous n’avons plus rien à semer et le jour de la moisson nous nous retrouverons sans récolte. Aussi vienne la semence de la bonne terre » (Discours sur la discipline chrétienne, 13, 14 : PL 40, 677-678). Le refus ne peut donc pas nous décourager. Comme chrétiens nous sommes le témoignage de ce terrain fertile : notre foi, malgré nos limites, montre qu’il existe la terre bonne, où la semence de la Parole de Dieu produit des fruits abondants de justice, de paix et d’amour, de nouvelle humanité, de salut. Et toute l’histoire de l’Église, avec tous les problèmes, démontre aussi que la terre bonne, que la bonne semence existe, et qu’elle porte du fruit.

Mais demandons-nous : d’où l’homme puise-t-il cette ouverture du coeur et de l’esprit pour croire dans le Dieu qui s’est rendu visible en Jésus Christ mort et ressuscité, pour accueillir son salut, de sorte que Lui et son Évangile soient le guide et la lumière de l’existence ? Réponse : nous pouvons croire en Dieu parce qu’il s’approche de nous et nous touche, parce que l’Esprit Saint, don du Ressuscité, nous rend capables d’accueillir le Dieu vivant. La foi est donc avant tout un don surnaturel, un don de Dieu. Le Concile Vatican II affirme : « Pour exister, cette foi requiert la grâce prévenante et adjuvante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit qui touche le coeur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne “à tous la douce joie de consentir et de croire à la vérité” » (Const. dogm. Dei Verbum DV 5). À la base de notre chemin de foi se trouve le baptême, le sacrement que nous donne l’Esprit Saint, en nous faisant devenir des fils de Dieu en Christ, et qui marque l’entrée dans la communauté de la foi, dans l’Église : on ne croit pas par soi-même, sans la venue préalable de la grâce de l’Esprit; et l’on ne croit pas tout seul, mais avec ses frères. À partir du baptême, chaque croyant est appelé à revivre et à faire sienne cette confession de foi, avec ses frères.

La foi est un don de Dieu, mais également un acte profondément libre et humain. Le Catéchisme de l’Eglise catholique le dit avec clarté : « Croire n’est possible que par la grâce et les secours intérieurs du Saint-Esprit. Il n’en est pas moins vrai que croire est un acte authentiquement humain. Il n’est contraire ni à la liberté ni à l’intelligence de l’homme » (n. 154). Au contraire, il les implique et les exalte, dans un enjeu de vie qui est comme un exode, à savoir sortir de soi-même, de ses propres certitudes, de ses propres schémas mentaux, pour se confier à l’action de Dieu qui nous indique sa voie pour obtenir la véritable liberté, notre identité humaine, la véritable joie du coeur, la paix avec tous. Croire signifie se remettre en toute liberté et avec joie au dessein providentiel de Dieu dans l’histoire, comme le fit le patriarche Abraham, comme le fit Marie de Nazareth. La foi est alors un assentiment avec lequel notre esprit et notre coeur prononcent leur « oui » à Dieu, en confessant que Jésus est le Seigneur. Et ce « oui » transforme la vie, il lui ouvre la voie vers une plénitude de signification, il la rend nouvelle, riche de joie et d’espérance fiable.

Chers amis, notre époque demande des chrétiens qui aient été saisis par le Christ, qui grandissent dans la foi grâce à la familiarité avec les Saintes Ecritures et les sacrements. Des personnes qui soient comme un livre ouvert qui raconte l’expérience de la vie nouvelle dans l’Esprit, la présence de ce Dieu qui nous soutient sur le chemin et qui nous ouvre à la vie qui n’aura jamais de fin.
* * *


À présent, j’annonce avec une grande joie que le 24 novembre prochain, je tiendrai un consistoire au cours duquel je nommerai six nouveaux membres du Collège cardinalice.

Les cardinaux ont le devoir d’aider le Successeur de Pierre dans l’accomplissement de son ministère de confirmer les frères dans la foi et d’être le principe et le fondement de l’unité et de la communion de l’Église.

Voici les noms des nouveaux cardinaux :

1. Mgr James Michael Harvey, préfet de la Maison pontificale, que j’ai l’intention de nommer archiprêtre de la Basilique papale Saint-Paul-hors-les-Murs ;

2. Sa Béatitude Béchara Boutros Raï, patriarche d’Antioche des Maronites (Liban) ;

3. Sa Béatitude Baselios Cleemis Thottunkal, archevêque majeur de Trivandrum des Syro-malankars (Inde) ;

4. Mgr John Olorunfemi Onaiyekan, archevêque d’Abuja (Nigeria) ;

5. Mgr Rubén Salazar Gómez, archevêque de Bogotà (Colombie) ;

6. Mgr Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille (Philippines).

Les nouveaux cardinaux — comme vous l’avez entendu — accomplissent leur ministère au service du Saint-Siège ou en tant que pères et pasteurs d’Eglises particulières dans diverses parties du monde.

J’invite chacun à prier pour les nouveaux élus, en demandant l’intercession maternelle de la Bienheureuse Vierge Marie, afin qu’ils sachent toujours aimer avec courage et dévouement le Christ et son Eglise.
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Je salue avec joie les pèlerins francophones, en particulier ceux de la Province ecclésiastique de Toulouse accompagnés de leurs évêques, du diocèse de Metz accompagnés par Mgr Raffin, et ceux du Canada avec Mgr Veillette ! Confiants dans l’action de l’Esprit Saint, puissiez-vous annoncer l’Évangile autour de vous et rendre toujours témoignage de votre foi. Vous porterez alors des fruits abondants de justice, de paix et d’amour. Bon pèlerinage !





Place Saint-Pierre

Mercredi 31 octobre 2012: L'Année de la foi. La foi de l'Église

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Chers frères et soeurs,

Nous poursuivons notre chemin de méditation sur la foi catholique. La semaine dernière, j’ai montré que la foi est un don, parce que c’est Dieu qui prend l’initiative et qui vient à notre rencontre ; et ainsi, la foi est une réponse par laquelle nous l’accueillons comme le fondement stable de notre vie. C’est un don qui transforme l’existence, parce qu’il nous fait entrer dans la même vision que Jésus, qui agit en nous et nous ouvre à l’amour envers Dieu et envers les autres.

Aujourd’hui, je voudrais faire un pas supplémentaire dans notre réflexion, en partant encore une fois de certaines questions : la foi a-t-elle un caractère seulement personnel, individuel ? Concerne-t-elle uniquement ma personne ? Est-ce que je vis ma foi tout seul ? Certes, l’acte de foi est un acte éminemment personnel qui advient au plus profond du coeur et qui marque un changement de direction, une conversion personnelle : c’est mon existence qui prend un tournant, une orientation nouvelle. Dans la liturgie du baptême, au moment des promesses, le célébrant demande de manifester la foi catholique et formule trois questions : Croyez-vous en Dieu le Père tout–puissant ? Croyez-vous en Jésus Christ son Fils unique ? Croyez-vous en l’Esprit Saint ? Autrefois, ces questions étaient adressées personnellement à celui qui devait recevoir le baptême, avant qu’il ne se plonge par trois fois dans l’eau. Et aujourd’hui aussi, la réponse est au singulier : « Je crois ». Mais ma foi n’est pas le résultat de ma réflexion solitaire, ce n’est pas le produit de ma pensée, mais c’est le fruit d’une relation, d’un dialogue, dans lequel il y a une écoute, une réception et une réponse ; c’est la communication avec Jésus qui me fait sortir de mon « moi » enfermé sur lui-même pour m’ouvrir à l’amour de Dieu le Père. C’est comme une renaissance dans laquelle je me découvre uni non seulement à Jésus, mais aussi à tous ceux qui ont marché et qui marchent sur la même route ; et cette nouvelle naissance, qui commence avec le baptême, continue tout au long de l’existence. Je ne peux pas construire ma foi personnelle dans un dialogue privé avec Jésus, parce que la foi m’est donnée par Dieu à travers une communauté croyante qui est l’Église et qui m’insère ainsi dans la multitude des croyants dans une communion qui n’est pas seulement sociologique, mais enracinée dans l’amour éternel de Dieu, qui en Lui-même est communion du Père, du Fils et du Saint Esprit, qui est Amour trinitaire. Notre foi n’est vraiment personnelle que si elle est aussi communautaire : elle ne peut être ma foi que si elle vit et agit dans le « nous » de l’Église, seulement si c’est notre foi, la foi commune de l’unique Église.

Le dimanche, à la Messe, en récitant le « Credo», nous nous exprimons à la première personne, mais nous confessons de façon commune l’unique foi de l’Église. Ce « credo » prononcé de façon individuelle s’unit à celui d’un choeur immense dans le temps et dans l’espace, dans lequel chacun contribue, pour ainsi dire, à une polyphonie harmonieuse de la foi. Le Catéchisme de l’Église catholique le résume de façon claire en ces termes : « “Croire” est un acte ecclésial. La foi de l’Église précède, engendre, porte et nourrit notre foi. L’Église est la mère de tous les croyants. “Nul ne peut avoir Dieu pour Père qui n’a pas l’Église pour mère” [saint Cyprien] » (n. 181). La foi naît donc dans l’Église, conduit à elle, et vit en elle. Il est important de le rappeler.

Au commencement de l’aventure chrétienne, lorsque l’Esprit Saint descend avec puissance sur les disciples, le jour de la Pentecôte — comme le rapportent les Actes des Apôtres (cf. 2, 1-13) — l'Église naissante reçoit la force d’accomplir la mission qui lui a été confiée par le Seigneur ressuscité : diffuser l’Évangile aux quatre coins du monde, la bonne nouvelle du Règne de Dieu, et ainsi conduire l’homme à la rencontre avec Lui, à la foi qui sauve. Les Apôtres surmontent toute peur en proclamant ce qu’ils avaient entendu, vu, ce dont ils avaient fait l’expérience en personne avec Jésus. Par la puissance de l’Esprit Saint, ils commencent à parler des langues nouvelles, en annonçant ouvertement le mystère dont ils avaient été témoins. Dans les Actes des Apôtres, on rapporte ensuite le grand discours que Pierre prononce justement le jour de la Pentecôte. Il part d’un passage du prophète Joël (3, 1-5), en le rattachant à Jésus, et en proclamant le noyau central de la foi chrétienne : Celui qui avait fait du bien à tous, qui avait été accrédité auprès de Dieu, par des prodiges et de grands signes, a été cloué sur la croix et tué, mais Dieu l’a ressuscité des morts, le faisant Christ et Seigneur. Avec lui, nous sommes entrés dans le salut définitif annoncé par les prophètes et celui qui invoquera son nom sera sauvé (cf.
Ac 2,17-24). En écoutant ces paroles de Pierre, de nombreuses personnes se sentent interpellées personnellement, se repentent de leurs péchés et se font baptiser en recevant le don de l’Esprit Saint (cf. Ac 2,37-41). C’est ainsi que commence le chemin de l’Église, communauté qui porte cette annonce dans le temps et dans l’espace, communauté qui est le Peuple de Dieu fondé sur la nouvelle alliance grâce au sang du Christ et dont les membres n’appartiennent pas à un groupe social ou ethnique particulier, mais qui sont des hommes et des femmes provenant de toute nation et culture. C’est un peuple « catholique » qui parle des langues nouvelles, universellement ouvert pour accueillir chacun, au-delà de toute frontière, en abattant toutes les barrières. Saint Paul dit : « Il n’y a plus de grec ni de juif, ni circoncision ni incirconcision, ni barbare ni Scythe, ni esclave ni homme libre, mais le Christ qui est tout en tous » (Col 3,11).

Dès le début, l’Église est donc le lieu de la foi, le lieu de la transmission de la foi, et lieu où, par le baptême, on est plongé dans le Mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ, qui nous libère de la prison du péché, nous donne la liberté des fils et nous introduit dans la communion du Dieu trinitaire. Dans le même temps, nous sommes plongés dans la communion avec les autres frères et soeurs dans la foi, avec tout le Corps du Christ, tirés hors de notre isolement. Le Concile oecuménique Vatican ii le rappelle : « Cependant le bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté » (Const. dogm. Lumen gentium LG 9). En rappelant encore la liturgie du baptême, nous notons qu’en conclusion des promesses où nous exprimons le renoncement au mal et où nous répétons « je crois », aux vérités de la foi, le célébrant déclare : « Voilà notre foi, voilà la foi de l’Église et nous nous glorifions de la professer dans le Christ Jésus notre Seigneur ». La foi est une vertu théologale, donnée par Dieu, mais transmise par l’Église au long de l’histoire. Saint Paul lui-même, en écrivant aux Corinthiens, affirme leur avoir communiqué l’Évangile qu’il avait à son tour reçu lui aussi (cf. 1Co 15,3).

Il y a une chaîne ininterrompue de la vie de l’Église, de l’annonce de la Parole de Dieu, de la célébration des sacrements, qui arrive jusqu’à nous et que nous appelons la Tradition. Elle nous donne la garantie que ce en quoi nous croyons est le message original du Christ, prêché par les Apôtres. Le noyau de l’annonce primordiale est l’événement de la mort et de la résurrection du Seigneur, d’où jaillit tout le patrimoine de la foi. Le Concile dit : « La prédication apostolique, qui se trouve spécialement exprimée dans les livres inspirés, devait être conservée par une succession ininterrompue jusqu’à la consommation des temps » (Const. dogm. Dei Verbum DV 8). De cette façon, si l’Écriture Sainte contient la Parole de Dieu, la Tradition de l’Église la conserve et la transmet fidèlement, afin que les hommes de chaque époque puissent accéder à ses immenses ressources et s’enrichir de ses trésors de grâce. Ainsi, l’Église « perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte et elle transmet à chaque génération, tout ce qu’elle est elle-même, tout ce qu’elle croit » (ibid.).

Enfin, je voudrais souligner que c’est dans la communauté ecclésiale que la foi personnelle croît et mûrit. Il est intéressant d’observer que dans le Nouveau Testament, la parole « saints » désigne les chrétiens dans leur ensemble et tous n’avaient certainement pas les qualités pour être déclarés saints par l’Église. Que voulait-on indiquer alors par ce terme ? Le fait que ceux qui avaient et vivaient la foi dans le Christ ressuscité étaient appelés à devenir un point de référence pour tous les autres, en les mettant ainsi en contact avec la personne et avec le Message de Jésus, qui révèle le visage du Dieu vivant. Et cela vaut aussi pour nous : un chrétien qui se laisse guider et modeler peu à peu par la foi de l’Église, en dépit de ses faiblesses, de ses limites, et de ses difficultés, devient comme une fenêtre ouverte à la lumière du Dieu vivant, qui reçoit cette lumière et la transmet au monde. Le bienheureux Jean-Paul II affirmait dans l’encyclique Redemptoris missio que « la mission renouvelle l’Église, fortifie la foi et l’identité chrétienne, donne un nouvel enthousiasme et des motivations nouvelles. La foi se fortifie si on la donne ! » (n. 2).

La tendance, aujourd’hui répandue, à reléguer la foi dans le domaine du privé contredit donc sa nature même. Nous avons besoin de l’Église pour avoir la confirmation de notre foi et pour faire l’expérience des dons de Dieu : sa Parole, les sacrements, le soutien de la grâce, et le témoignage de l’amour. Ainsi, dans le « nous » de l’Église, notre « je » pourra se percevoir à la fois comme le destinataire et le protagoniste d’un événement qui le dépasse : l’expérience de la communion avec Dieu, qui fonde la communion entre les hommes. Dans un monde où l’individualisme semble régir les rapports entre les personnes, en les rendant toujours plus fragiles, la foi nous appelle à être Peuple de Dieu, à être Église, porteurs de l’amour et de la communion de Dieu pour tout le genre humain (cf. Const. past. Gaudium et spes GS 1). Merci de votre attention.
* * *


Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier ceux du diocèse de Créteil, accompagnés de leur évêque Mgr Michel Santier, ainsi que les diacres permanents de Gent et tous les jeunes ! Par sa nature, notre foi nous invite à être des membres actifs et joyeux de l’Église. Puissiez-vous être des porteurs de l’amour et de la communion de Dieu pour tous sans distinction de nation et de culture ! Bon pèlerinage à tous !

Conscient des destructions provoquées par l’ouragan qui s’est récemment abattu sur la côte est des États-Unis d’Amérique, j’offre mes prières pour les victimes et j’exprime ma solidarité à tous ceux qui sont engagés dans le travail de reconstruction.





Place Saint-Pierre

Mercredi 7 novembre 2012: L'Année de la foi. Le désir de Dieu

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Chers frères et soeurs,

Le chemin de réflexion que nous accomplissons en cette Année de la foi nous conduit à méditer aujourd’hui sur un aspect fascinant de l’expérience humaine et chrétienne : l’homme porte en soi un désir mystérieux de Dieu. De façon très significative, le Catéchisme de l’Église catholique s’ouvre précisément par cette considération : « Le désir de Dieu est inscrit dans le coeur de l’homme, car l’homme est créé par Dieu et pour Dieu ; Dieu ne cesse d’attirer l’homme vers Lui, et ce n’est qu’en Dieu que l’homme trouvera la vérité et le bonheur qu’il ne cesse de chercher » (n. 27).

Une telle affirmation, qui aujourd’hui aussi, dans de nombreux contextes culturels apparaît tout à fait facile à partager, presque évidente, pourrait en revanche sembler une provocation dans le cadre de la culture occidentale sécularisée. Un grand nombre de nos contemporains pourraient en effet objecter qu’ils ne ressentent en aucune façon un tel désir de Dieu. Pour de larges couches de la société, Il n’est plus l’attendu, le désiré, mais plutôt une réalité qui laisse indifférent, face à laquelle on ne doit pas même faire l’effort de se prononcer. En réalité, ce que nous avons défini de « désir de Dieu » n’a pas entièrement disparu et se représente encore aujourd’hui, sous de nombreuses formes, au coeur de l’homme. Le désir humain tend toujours vers des biens concrets déterminés, souvent tout autres que spirituels, et toutefois, on se trouve face à l’interrogation sur ce qu’est véritablement « le » bien, et donc, à se confronter avec quelque chose qui est différent de soi, que l’homme ne peut construire, mais qu’il est appelé à reconnaître. Qu’est-ce qui peut véritablement satisfaire le désir de l’homme ?

Dans ma première encyclique, Deus caritas est, j’ai tenté d’analyser la façon dont ce dynamisme se réalise dans l’expérience de l’amour humain, expérience qui, à notre époque, est plus facilement perçue comme un moment d’extase, où l’on sort de soi, comme un lieu dans lequel l’homme sent qu’il est traversé par un désir qui le dépasse. À travers l’amour, l’homme et la femme expérimentent de façon nouvelle, l’un grâce à l’autre, la grandeur et la beauté de la vie et du réel. Si ce dont je fais l’expérience n’est pas une simple illusion, si vraiment je veux le bien de l’autre comme voie également pour mon bien, alors je dois être prêt à ne plus être au centre, à me mettre à son service, jusqu’à renoncer à moi-même. La réponse à la question sur le sens de l’expérience de l’amour passe donc à travers la purification et la guérison de la volonté, exigée par le bien même que l’on veut à l’autre. Il faut s’exercer, s’entraîner, également corriger, afin que ce bien puisse véritablement être désiré.

L’extase initiale se traduit ainsi en pèlerinage, « exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément ainsi vers la découverte de soi-même » (Enc. Deus caritas est ). À travers ce chemin, l’homme pourra progressivement approfondir la connaissance de l’amour dont il avait fait l’expérience à l’origine. Et le mystère qu’il représente prendra aussi toujours plus forme : en effet, pas même la personne aimée est en mesure de satisfaire le désir qui habite le coeur humain, au contraire, plus l’amour pour l’autre est authentique, plus il laisse entrevoir l’interrogation sur son origine et sur son destin, sur la possibilité qu’il a de durer pour toujours. C’est pourquoi l’expérience humaine de l’amour porte en soi un dynamisme qui renvoie au-delà de soi-même, c’est l’expérience d’un bien qui conduit à sortir de soi et à se retrouver face au mystère qui entoure l’existence tout entière.

On pourrait également faire des considérations analogues à propos d’autres expériences humaines, comme l’amitié, l’expérience du beau, l’amour pour la connaissance : chaque bien expérimenté par l’homme tend vers le mystère qui entoure l’homme lui-même ; tout désir qui se présente au coeur humain se fait l’écho d’un désir fondamental qui n’est jamais pleinement satisfait. Sans aucun doute, à partir de ce désir profond, qui cache également quelque chose d’énigmatique, on ne peut arriver directement à la foi. En définitive, l’homme connaît bien ce qui ne le satisfait pas, mais ne peut imaginer ou définir ce qui lui ferait expérimenter ce bonheur dont il conserve la nostalgie dans le coeur. On ne peut connaître Dieu à partir uniquement du désir de l’homme. De ce point de vue, le mystère demeure : l’homme recherche l’Absolu, il le cherche à tâtons et de façon incertaine. Et toutefois, l’expérience du désir, du « coeur inquiet » comme l’appelait saint Augustin, est déjà très significative. Elle nous montre que l’homme, au plus profond de lui, est un être religieux (cf. Catéchisme de l’Église catholique
CEC 28), un « mendiant de Dieu ». Nous pouvons dire avec les paroles de Pascal : « L’homme passe infiniment l’homme » (Pensées). Les yeux reconnaissent les objets lorsque ceux-ci sont illuminés par la lumière. D’où le désir de connaître la lumière elle-même, qui fait briller les choses du monde et avec elles révèlent le sens de la beauté.

Nous devons donc penser qu’il est possible, même à notre époque, apparemment si réfractaire à la dimension transcendante, d’ouvrir un chemin vers l’authentique sens religieux de la vie, qui montre que le don de la foi n’est pas absurde, n’est pas irrationnel. Il serait d’une grande utilité, à cette fin, de promouvoir une sorte de pédagogie du désir, tant pour le chemin de celui qui ne croit pas encore, que pour celui qui a déjà reçu le don de la foi. Une pédagogie qui comprend au moins deux aspects. En premier lieu, apprendre ou réapprendre le goût des joies authentiques de la vie. Toutes les satisfactions ne produisent pas en nous le même effet : certaines laissent une trace positive, sont capables de pacifier l’esprit, nous rendent plus actifs et généreux. D’autres en revanche, après la lumière initiale, semblent décevoir les attentes qu’elles avaient suscitées et laissent parfois derrière elles l’amertume, l’insatisfaction ou un sentiment de vide. Éduquer dès l’âge tendre à goûter des joies véritables, dans tous les domaines de l’existence — la famille, l’amitié, la solidarité avec celui qui souffre, le renoncement à son propre moi pour servir l’autre, l’amour pour la connaissance, pour l’art, pour les beautés de la nature —, tout cela signifie exercer le goût intérieur et produire des anticorps efficaces contre la banalisation et l’aplatissement aujourd’hui répandus. Les adultes aussi ont besoin de redécouvrir ces joies, de désirer des réalités authentiques, en se purifiant de la médiocrité dans laquelle ils peuvent se trouver englués. Il deviendra alors plus facile d’abandonner ou de repousser tout ce qui, malgré des dehors attirants, se révèle en revanche insipide, source d’accoutumance et non de liberté. Et cela fera émerger ce désir de Dieu dont nous parlons.

Un deuxième aspect, qui va de pair avec le précédent, est de ne jamais se contenter de que l’on a atteint. Ce sont justement les joies les plus vraies qui sont capables de libérer en nous cette saine inquiétude qui conduit à être plus exigeants — vouloir un bien plus haut, plus profond — et en même temps à percevoir avec une clarté toujours plus grande que rien de fini ne peut combler notre coeur. Nous apprendrons ainsi à tendre, désarmés, vers ce bien que nous ne pouvons pas construire ou nous procurer par nos propres forces; à ne pas nous laisser décourager par la difficulté ou les obstacles qui viennent de notre péché.

À cet égard, nous ne devons toutefois pas oublier que le dynamisme du désir est toujours ouvert à la rédemption. Même lorsqu’il se fourvoie sur des chemins erronés, lorsqu’il suit des paradis artificiels et semble perdre la capacité d’aspirer au vrai bien. Même dans l’abîme du péché ne s’éteint pas en l’homme cette étincelle qui lui permet de reconnaître le vrai bien, de le goûter, et d’engager ainsi un parcours d’élévation, auquel Dieu, avec le don de sa grâce, ne fait jamais manquer son aide. Tous, du reste, nous avons besoin de parcourir un chemin de purification et de guérison du désir. Nous sommes des pèlerins vers la patrie céleste, vers le bien complet, éternel, que rien ne pourra nous arracher. Il ne s’agit donc pas d’étouffer le désir qui est dans le coeur de l’homme, mais de le libérer, afin qu’il puisse atteindre sa vraie hauteur. Lorsque, dans le désir, s’ouvre la fenêtre vers Dieu, cela est déjà le signe de la présence de la foi dans l’esprit, une foi qui est une grâce de Dieu. Saint Augustin affirme encore : « Avec l’attente, Dieu élargit notre désir, avec le désir il élargit notre esprit et en le dilatant, il augmente sa capacité » (Commentaire à la Première lettre de Jn 4,6, PL 35, 2009).

Dans ce pèlerinage, nous nous sentons frères de tous les hommes, compagnons de voyage même de ceux qui ne croient pas, de qui est en quête, de qui se laisse interroger avec sincérité par le dynamisme de son désir de vérité et de bien. Prions, en cette Année de la foi, afin que Dieu montre son visage à tous ceux qui le cherchent avec un coeur sincère. Merci.
* * *


Je salue avec joie les pèlerins francophones, en particulier les membres de la Communauté de l’Arche ! Je vous invite à découvrir toujours plus les joies et les réalités authentiques de la vie, en vous purifiant de tout ce qui est médiocre. Vous produirez alors des anticorps efficaces contre l’esprit de banalisation aujourd’hui diffus et vous laisserez émerger le désir profond de Dieu ! Bon pèlerinage !
Appel du Saint-Père après l’audience du 7 novembre 2012.


Je continue à suivre avec une particulière appréhension la tragique situation de violence en Syrie, où ne cesse pas le bruit des armes et où augmentent chaque jour le nombre des victimes et l’effroyable souffrance de la population, en particulier de tous ceux qui ont dû abandonner leurs maisons. Pour manifester ma solidarité et celle de toute l’Église à la population en Syrie et ma proximité spirituelle aux communautés chrétiennes de ce pays, mon désir était d’envoyer une Délégation des Pères Synodaux à Damas. Malheureusement, diverses circonstances et l’évolution de la situation n’ont pas rendu possible l’initiative dans les modalités souhaitées, et par conséquent, j’ai décidé de confier une mission spéciale à Son Éminence le Cardinal Robert Sarah, Président du Conseil pontifical Cor Unum. À partir d’aujourd’hui et jusqu’au 10 novembre, il se trouve au Liban, où il rencontrera les pasteurs et les fidèles des Églises, qui sont présentes en Syrie. Il visitera également des réfugiés provenant de ce pays et présidera une réunion de coordination des institutions caritatives catholiques, auxquelles le Saint-Siège a demandé un engagement particulier en faveur de la population syrienne, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de ce pays. Tandis que j’élève ma prière vers Dieu, je renouvelle l’invitation faite aux parties en conflit et à tous ceux qui ont à coeur le bien de la Syrie à ne pas épargner leurs efforts dans la recherche de la paix et à poursuivre, à travers le dialogue, les voies qui conduisent à un vivre-ensemble juste, en vue d’une solution politique adéquate du conflit. Nous devons faire tout notre possible, car un jour il pourrait être trop tard.





Salle Paul VI

Mercredi 14 novembre 2012: L'Année de la foi. Les chemins qui conduisent à la connaissance de Dieu


Catéchèses Benoît XVI 24102