Catéchèses Benoît XVI 29120

Mercredi 29 décembre 2010 - Catherine de Bologne

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Chers frères et soeurs,

Dans une récente catéchèse j’ai parlé de sainte Catherine de Sienne. Je voudrais aujourd’hui vous présenter une autre sainte, moins connue, qui porte le même nom: sainte Catherine de Bologne, femme d’une vaste culture, mais très humble; généreuse dans le sacrifice, mais pleine de joie dans l’accueil de la croix avec le Christ.

Elle naquit à Bologne le 8 septembre 1413, première née de Benvenuta Mammolino et de Giovanni de’ Vigri, patricien de Ferrare riche et cultivé, docteur en droit et lecteur public à Padoue, où il exerçait l’activité diplomatique au service de Niccolò III d’Este, marquis de Ferrare. Les informations sur l’enfance et la jeunesse de Catherine sont peu nombreuses et pas entièrement certaines. Lorsqu’elle était enfant, elle vivait à Bologne chez ses grands-parents; c’est là qu’elle est élevée par sa famille, en particulier par sa mère, une femme de grande foi. Elle se transfèra avec elle à Ferrare lorsqu’elle avait environ dix ans et entra à la cour de Niccolò III d’Este comme demoiselle d’honneur de Marguerite, la fille naturelle de Niccolò. Le marquis était alors en train de transformer Ferrare en une ville splendide, faisant appel à des artistes et des lettrés de divers pays. Il promouvait la culture et, bien qu’il conduisait une vie privée qui n’était pas exemplaire, il s’occupait beaucoup du bien spirituel, de la conduite morale et de l’éducation de ses sujets.

A Ferrare, Catherine ne souffre pas des aspects négatifs que comportait souvent la vie de cours; elle jouit de l’amitié de Marguerite et en devient la confidente; elle enrichit sa culture: elle étudie la musique, la peinture, la danse; elle apprend l’art de la poésie, à écrire des compositions littéraires, à jouer de la viole; elle devient experte dans l’art de la miniature et de la copie; elle perfectionne l’étude du latin. Dans sa future vie monastique, elle valorisera beaucoup le patrimoine culturel et artistique acquis au cours de ces années. Elle apprend avec facilité, avec passion et avec ténacité; elle montre une grande prudence, une modestie, une grâce et une gentillesse singulières dans son comportement. Mais un aspect la distingue de manière absolument évidente: son esprit constamment tourné vers les choses du Ciel. En 1427, à quatorze ans seulement, également à la suite de plusieurs événements familiaux, Catherine décide de quitter la cour, pour s’unir à un groupe de jeunes femmes provenant de familles nobles qui vivaient en communauté, se consacrant à Dieu. Sa mère, avec foi, accepte, bien qu’elle ait eu d’autres projets pour elle.

Nous ne connaissons pas le chemin spirituel de Catherine avant ce choix. En parlant à la troisième personne, elle affirme qu’elle est entrée au service de Dieu «illuminée par la grâce divine [...] avec une conscience droite et une grande ferveur», attentive nuit et jour à la sainte prière, s’appliquant à conquérir toutes les vertus qu’elle voyait chez les autres, «non par envie, mais pour plaire davantage à Dieu en qui elle avait placé tout son amour» (Le sette armi spirituali, [Les sept armes spirituelles], VII, 8, Bologne 1998, p. 12). Ses progrès spirituels au cours de cette phase de sa vie sont importants, mais les épreuves, les souffrances intérieures, en particulier les tentations du démons sont également grandes et terribles. Elle traverse une profonde crise spirituelle qui la conduit au bord du désespoir (cf. ibid., VII, p. 12-29). Elle vit dans la nuit de l’esprit, également frappée par la tentation de l’incrédulité envers l’Eucharistie. Après tant de souffrance, le Seigneur la console: dans une vision, il lui donne la claire connaissance de la présence eucharistique réelle, une connaissance si lumineuse que Catherine ne réussit pas à l’exprimer à travers les mots (cf. ibid., VIII,
2P 42-46). Pendant la même période, une épreuve douloureuse s’abat sur la communauté: des tensions naissent entre celles qui veulent suivre la spiritualité augustine et celles qui sont plus orientées vers la spiritualité franciscaine.

Entre 1429 et 1430, la responsable du groupe, Lucia Mascheroni, décide de fonder un monastère augustin. En revanche, Catherine, avec d’autres, décide de se lier à la règle de sainte Claire d’Assise. C’est un don de la providence, car la communauté habite dans les environs de l’église du Saint-Esprit, rattachée au couvent des frères mineurs, qui ont adhéré au mouvement de l’Observance. Catherine et ses compagnes peuvent ainsi participer régulièrement aux célébrations liturgiques et recevoir une assistance spirituelle adaptée. Elles ont également la joie d’écouter les prédications de saint Bernardin de Sienne (cf. ibid., VII, 62, p. 26). Catherine rapporte que, en 1429, — trois ans après sa conversion — elle va se confesser chez l’un des frères mineurs qu’elle estimait, qu’elle effectue une bonne confession et qu’elle prie intensément le Seigneur de lui accorder le pardon de tous les péchés et de la peine qui leur est liée. Dieu lui révèle en vision qu’il lui a tout pardonné. C’est une expérience très forte de la miséricorde divine, qui la marque pour toujours, lui donnant un nouvel élan pour répondre avec générosité à l’immense amour de Dieu (cf. ibid., IX, 2P 46-48).

En 1431, elle a une vision du jugement dernier. La scène terrifiante des damnées la pousse à intensifier les prières et les pénitences pour le salut des pécheurs. Le démon continue à l’assaillir et elle se confie de manière toujours plus totale au Seigneur et à la Vierge Marie (cf. ibid., X, 3, p. 53- 54). Dans ses écrits, Catherine nous laisse quelques notes essentielles sur ce mystérieux combat, dont elle sort victorieuse avec la grâce de Dieu. Elle le fait pour instruire ses consoeurs et ceux qui veulent s’acheminer sur la voie de la perfection: elle veut mettre en garde contre les tentations du démon, qui se cache souvent sous des apparences trompeuses, pour ensuite insinuer des doutes sur la foi, des incertitudes sur la vocation, la sensualité.

Dans le traité autobiographique et didactique, Les sept armes spirituelles, Catherine offre, à cet égard, des enseignements de grande sagesse et de profond discernement. Elle parle à la troisième personne, en rapportant les grâces exceptionnelles que le Seigneur lui donne, et à la première personne lorsqu’elle confesse ses propres péchés. De ses écrits transparaît la pureté de sa foi en Dieu, sa profonde humilité, sa simplicité de coeur, son ardeur missionnaire, sa passion pour le salut des âmes. Elle identifie sept armes dans la lutte contre le mal, contre le diable: 1. faire preuve de soin et d’attention en accomplissant toujours le bien; 2. croire que seuls nous ne pourrons jamais faire quelque chose de vraiment bon; 3. avoir confiance en Dieu et, par amour pour lui, ne jamais craindre la bataille contre le mal, que ce soit dans le monde, ou en nous-mêmes; 4. méditer souvent les événements et les paroles de la vie de Jésus, surtout sa passion et sa mort; 5. se rappeler que nous devons mourir; 6. garder à l’esprit la mémoire des biens du paradis; 7. connaître les Saintes Ecritures, en les portant toujours dans son coeur pour qu’elles orientent toutes les pensées et toutes les actions. Un beau programme de vie spirituelle pour chacun de nous, aujourd’hui également!

Au couvent, Catherine, bien qu’elle soit habituée à la cour de Ferrare, exerce la tâche de lavandière, de couturière, de boulangère, et elle est responsable du soin des animaux. Elle accomplit tout, même les travaux les plus humbles, avec amour et une prompte obéissance, offrant à ses consoeurs un témoignage lumineux. En effet, elle voit dans la désobéissance cet orgueil spirituel qui détruit tout autre vertu. Par obéissance, elle accepte la charge de maîtresse des novices, bien qu’elle se considère incapable d’exercer cette fonction, et Dieu continue à la soutenir par sa présence et ses dons: c’est en effet une maîtresse sage et appréciée.

On lui confie ensuite le service du parloir. Il lui coûte beaucoup d’interrompre souvent sa prière pour répondre aux personnes qui se présentent à la grille du monastère, mais cette fois aussi le Seigneur ne manque pas de lui rendre visite et d’être proche d’elle. Avec elle, le monastère est toujours plus un lieu de prière, d’offrande, de silence, de labeur et de joie. A la mort de l’abbesse, les supérieurs pensent immédiatement à elle, mais Catherine les pousse à s’adresser aux clarisses de Mantoue, plus instruites dans les constitutions et dans les règles religieuses. Mais quelques années plus tard, en 1456, on demande à son monastère de créer une nouvelle fondation à Bologne. Catherine préférerait terminer ses jours à Ferrare, mais le Seigneur lui apparaît et l’exhorte à accomplir la volonté de Dieu en allant à Bologne comme abbesse. Elle se prépare à sa nouvelle fonction par des jeûnes, des disciplines et des pénitences. Elle se rend à Bologne avec dix-huit consoeurs. En tant que supérieure, elle est la première dans la prière et dans le service; elle vit dans une profonde humilité et pauvreté. Au terme des trois années en tant qu’abbesse, elle est contente d’être remplacée, mais après un an elle doit reprendre ses fonctions, car la nouvelle élue est devenue aveugle. Bien que souffrante et tourmentée par de graves maux, elle accomplit son service avec générosité et dévouement.

Pendant encore un an elle exhorte ses consoeurs à la vie évangélique, à la patience et à la constance dans les épreuves, à l’amour fraternel, à l’union avec l’Epoux divin, Jésus, pour préparer ainsi sa propre dot pour les noces éternelles. Une dot que Catherine voit dans le fait de savoir partager les souffrances du Christ, en affrontant, avec sérénité, les difficultés, les angoisses, le mépris, les incompréhensions (cf. Les sept armes spirituelles, X, 20, p. 57- 58). Au début de 1463, ses maux s’aggravent; elle réunit ses consoeurs une dernière fois dans le chapitre, pour leur annoncer sa mort et leur recommander l’observance de la règle. Vers la fin de février, elle est saisie par de fortes souffrances qui ne la quitteront plus, mais c’est elle qui réconforte ses consoeurs dans la douleur, les assurant de son aide également du Ciel. Après avoir reçu les derniers sacrements, elle remet à son confesseur ses écrits Les sept armes spirituelles et entre en agonie; son visage devient beau et lumineux; elle regarde encore avec amour celles qui l’entourent et elle expire doucement, en prononçant trois fois le nom de Jésus: nous sommes le 9 mars 1463 (cf. I. Bembo, Specchio di illuminazione. Vita di S. Caterina à Bologna, Florence 2001, chap. III). Catherine sera canonisée par le Pape Clément XI le 22 mai 1712. La ville de Bologne conserve son corps intact dans la chapelle du Corpus Domini.

Chers amis, sainte Catherine de Bologne, à travers ses paroles et sa vie, constitue une puissante invitation à nous laisser toujours guider par Dieu, à accomplir quotidiennement sa volonté, même si souvent elle ne correspond pas à nos projets, à avoir confiance dans sa providence qui ne nous laisse jamais seuls. A travers les nombreux siècles et dans cette perspective, sainte Catherine nous parle. Elle est, toutefois, très moderne et parle à notre vie. Comme nous, elle souffre de la tentation, elle souffre des tentations de l’incrédulité, de la sensualité, d’un combat difficile, spirituel. Elle se sent abandonnée par Dieu, elle se trouve dans l’obscurité de la foi. Mais dans toutes ces situations, elle tient toujours la main du Seigneur, elle ne le lâche pas, elle ne l’abandonne pas. Et marchant main dans la main avec le Seigneur, elle marche sur la juste voie et trouve la voie de la lumière. Ainsi elle nous dit: courage, même dans la nuit de la foi, même malgré les nombreux doutes que l’on peut rencontrer, ne lâche pas la main du Seigneur, marche main dans sa main, crois dans la bonté de Dieu; voilà ce que signifie aller sur la juste voie! Et je voudrais souligner un autre aspect, celui de sa grande humilité: c’est une personne qui ne veut pas être quelqu’un ou quelque chose; elle ne veut pas apparaître; elle ne veut pas gouverner. Elle veut servir, faire la volonté de Dieu, être au service des autres. C’est précisément pour cela que Catherine était crédible dans son autorité, parce que l’on pouvait voir que pour elle, l’autorité était précisément de servir les autres. Demandons à Dieu, par l’intercession de notre sainte, le don de réaliser le projet qu’Il a pour nous, avec courage et générosité, pour que Lui seul soit le roc inébranlable sur lequel notre vie est édifiée.
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Je salue cordialement les pèlerins de langue française, particulièrement ceux venus d’Etampes et du Chesnay. Comme sainte Catherine de Bologne, cherchez vous aussi à réaliser avec courage et générosité le projet que Dieu a sur vous, parce que lui seul est le rocher inébranlable sur lequel édifier votre vie. Bonne année nouvelle à tous!




Salle Paul VI

Mercredi 5 janvier 2011

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Chers frères et soeurs!

Je suis heureux de vous accueillir pour cette première Audience générale de la nouvelle année et je vous présente de tout coeur, à vous et à vos familles, mes voeux les plus fervents. Que le Seigneur du temps et de l'histoire guide nos pas sur le chemin du bien et concède à chacun une abondance de grâce et de prospérité. Encore enveloppés de la lumière de Noël, qui nous invite à la joie pour la venue du Sauveur, nous sommes aujourd'hui à la veille de l'Epiphanie, au cours de laquelle nous célébrons la manifestation du Seigneur à tous les peuples. La fête de Noël fascine aujourd'hui comme jadis, plus que d'autres fêtes de l'Eglise; elle fascine parce que tous, d'une certaine manière, ressentent que la naissance de Jésus a quelque chose à voir avec les aspirations et les espérances les plus profondes de l'homme. Le consumérisme peut éloigner de cette nostalgie intérieure, mais si l’on a dans le coeur le désir d'accueillir cet Enfant qui apporte la nouveauté de Dieu, qui est venu nous donner la vie en plénitude, les lumières des décorations de Noël peuvent devenir, en revanche, un reflet de la Lumière qui s'est allumée avec l'incarnation de Dieu.

Dans les célébrations liturgiques de ces jours saints, nous avons vécu de manière mystérieuse mais réelle l'entrée du Fils de Dieu dans le monde et nous avons été éclairés encore une fois par la lumière de son éclat. Toute célébration est une présence actuelle du mystère du Christ et en elle se prolonge l'histoire du salut. A propos de Noël, le Pape saint Léon le Grand affirmait: «Même si la succession des actions corporelles est à présent passée, comme il a été ordonné par avance dans le dessein éternel..., toutefois nous adorons continuellement le même enfantement de la Vierge qui produit notre salut» (Sermon sur le Noël du Seigneur 29, 2), et il précise: «parce que ce jour n'est pas passé au sens où serait passée la puissance de l’oeuvre qui fut alors révélée» (Sermon sur l'Epiphanie 36, 1). Célébrer les événements de l'incarnation du Fils de Dieu n'est pas un simple souvenir de faits du passé, mais c'est rendre présents ces mystères porteurs de salut. Dans la liturgie, dans la célébration des Sacrements, ces mystères se font actuels et deviennent efficaces pour nous, aujourd'hui. Saint Léon le Grand affirme encore: «Tout ce que le Fils de Dieu fit et enseigna pour réconcilier le monde, nous ne le connaissons pas seulement dans le récit des actions accomplies dans le passé, mais nous sommes sous l'effet du dynamisme de telles actions présentes » (Sermon 52, 1).

Dans la Constitution sur la sainte liturgie, le Concile Vatican II souligne que l’oeuvre de salut réalisée par le Christ continue dans l'Eglise à travers la célébration des saints mystères, grâce à l'action de l'Esprit Saint. Déjà, dans l'Ancien Testament, sur le chemin vers la plénitude de la foi, nous avons le témoignage de la façon dont la présence et l'action de Dieu sont transmises à travers les signes, par exemple, celui du feu (cf. Ex
Ex 3,2 sqq; 19, 18). Mais à partir de l’Incarnation, quelque chose de bouleversant a lieu: le régime de contact salvifique avec Dieu se transforme radicalement et la chair devient l'instrument du salut: «Verbum caro factum est», «le Verbe s'est fait chair», écrit l'évangéliste Jean et un autre auteur chrétien du IIIe siècle, Tertullien, affirme: «Caro salutis est cardo», «La chair est le fondement du salut» (De carnis resurrectione , 8,3: PL 2, 806).

Noël porte déjà les prémices du «sacramentum-mysterium paschale», c'est donc le début du mystère central du salut qui culmine dans la passion, la mort et la résurrection, parce que Jésus commence l'offrande de lui-même par amour dès le premier instant de son existence humaine dans le sein de la Vierge Marie. La nuit de Noël est donc profondément liée à la grande veillée nocturne de la Pâque, lorsque la rédemption s’accomplit dans le sacrifice glorieux du Seigneur mort et ressuscité. La crèche elle-même, en tant qu'image de l'incarnation du Verbe, à la lumière du récit évangélique, évoque déjà la Pâque et il est intéressant de voir que dans certaines icônes de la Nativité dans la tradition orientale, Jésus est représenté enveloppé de langes et déposé dans une mangeoire qui a la forme d'un sépulcre; une allusion au moment où il sera déposé de la croix, enveloppé d'un linge et mis dans un sépulcre creusé dans la roche (cf. Lc 2,7 Lc 23,53). L'incarnation et la Pâque ne sont pas l'une à côté de l'autre, mais elles sont les deux points clefs inséparables de l'unique foi en Jésus Christ, le Fils du Dieu incarné et Rédempteur. La Croix et la Résurrection présupposent l'incarnation. C'est uniquement parce que le Fils, et en Lui Dieu lui-même, est véritablement «descendu» et «s'est fait chair», que la mort et la résurrection de Jésus sont des événements qui nous apparaissent comme contemporains et qui nous concernent, nous arrachent à la mort et nous ouvrent à un avenir où cette «chair», l'existence terrestre et transitoire, entrera dans l'éternité de Dieu. Dans cette perspective unitaire du Mystère du Christ, la visite à la crèche conduit à la visite à l'Eucharistie, où nous voyons présent de façon réelle le Christ crucifié et ressuscité, le Christ vivant.

La célébration liturgique de Noël n’est alors pas seulement un souvenir, mais elle est surtout un mystère; elle n’est pas seulement mémoire, mais également présence. Pour saisir le sens de ces deux aspects inséparables, il faut vivre intensément tout le Temps de Noël comme l’Eglise le présente. Si nous le considérons au sens large, celui-ci s’étend sur quarante jours, du 25 décembre au 2 février, de la célébration de la nuit de Noël, à la maternité de Marie, à l’Epiphanie, au Baptême de Jésus, aux noces de Cana, à la présentation au Temple, précisément par analogie avec le temps pascal, qui forme une unité de cinquante jours, jusqu’à la Pentecôte. La manifestation de Dieu dans la chair est l’événement qui a révélé la Vérité dans l’histoire. En effet, la date du 25 décembre, reliée à l’idée de la manifestation solaire — Dieu qui apparaît comme une lumière qui ne se couche jamais sur l’horizon de l’histoire —, nous rappelle qu’il ne s’agit pas seulement d’une idée, celle que Dieu est la plénitude de la lumière, mais d’une réalité pour nous les hommes qui est déjà réalisée et toujours actuelle: aujourd’hui, comme alors, Dieu se révèle dans la chair, c’est-à-dire dans le «corps vivant» de l’Eglise en pèlerinage dans le temps, et dans les sacrements il nous donne aujourd’hui le salut.

Les symboles des célébrations de Noël, rappelés par les lectures et par les prières, donnent à la liturgie de ce Temps un profond sens d’«épiphanie » de Dieu dans son Christ-Verbe incarné, c’est-à-dire de «manifestation» qui possède également une signification eschatologique, c’est-à-dire qui oriente vers les temps ultimes. Déjà dans l’Avent, les deux venues, la venue historique et celle à la fin de l’histoire, étaient directement reliées; mais c’est en particulier dans l’Epiphanie et dans le Baptême de Jésus que la manifestation messianique est célébrée dans la perspective des attentes eschatologiques: la consécration messianique de Jésus, Verbe incarné, à travers l’effusion de l’Esprit Saint sous forme visible, conduit à son accomplissement le temps des promesses et inaugure les temps ultimes.

Il faut racheter ce Temps de Noël d’une apparence trop moraliste et sentimentale. La célébration de Noël ne nous propose pas seulement des exemples à imiter, tels que l’humilité et la pauvreté du Seigneur, sa bienveillance et son amour envers les hommes; mais elle est plutôt l’invitation à nous laisser transformer totalement par Celui qui est entré dans notre chair. Saint Léon le Grand s’exclame: «le fils de Dieu... s’est uni à nous et nous a unis à lui de manière à ce que l’abaissement de Dieu jusqu’à la condition humaine devienne une élévation de l’homme jusqu’à la hauteur de Dieu» (Sermon sur le Noël du Seigneur 27, 2). La manifestation de Dieu a pour objectif notre participation à la vie divine, à la réalisation en nous du mystère de son incarnation. Ce mystère est l’accomplissement de la vocation de l’homme. Saint Léon le Grand nous explique encore l’importance concrète et toujours actuelle pour la vie chrétienne du mystère de Noël: «les paroles de l’Evangile et des prophètes... enflamment notre esprit et nous enseignent à comprendre la Nativité du Seigneur, ce mystère du Verbe fait chair, pas tant comme le souvenir d’un événement passé, que comme un fait qui se déroule sous nos yeux... c’est comme si nous était encore proclamé dans la solennité d’aujourd’hui: “Je vous annonce une grande joie, qui touchera tout le peuple: aujourd’hui, dans la ville de David, est né pour vous un Sauveur qui est le Christ Seigneur”» (Sermon sur le Noël du Seigneur 29, 1). Et il ajoute: «Reconnais, chrétien, ta dignité et, devenu participant de la nature divine, sois attentif à ne pas retomber, par une conduite indigne, de cette grandeur, dans la bassesse primitive» (Sermon 1 sur le Noël du Seigneur, 3).

Chers amis, vivons ce Temps de Noël avec intensité: après avoir adoré le Fils de Dieu fait homme et déposé dans la mangeoire, nous sommes appelés à passer à l’autel du Sacrifice, où le Christ, le Pain vivant descendu du ciel, s’offre à nous comme véritable nourriture pour la vie éternelle. Et ce que nous avons vu avec nos yeux, à la table de la Parole et du Pain de Vie, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché, c’est-à-dire le Verbe fait chair, annonçons-le avec joie au monde et témoignons-le généreusement à travers toute notre vie. Je renouvelle de tout coeur à vous et à vos proches mes voeux sincères pour la nouvelle année et je vous souhaite une bonne fête de l’Epiphanie.

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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier le groupe des étudiants de l’Institut des Hautes Etudes sur les Nations Unies de Marseille et le groupe des séminaristes de l’Archidiocèse de Paris accompagnés par le Cardinal André Vingt-Trois. A la suite des Mages vous êtes venus adorer l’Enfant. Que la lumière du Sauveur vous éclaire et vous renouvelle pour porter l’Evangile aux Nations. Bonne année à tous!



Salle Paul VI

Mercredi 12 janvier 2011: Catherine de Gênes

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Chers frères et soeurs, née en 1447, Catherine de Gênes fit une expérience de conversion étonnante. Mariée à 16 ans avec un homme qui s’adonnait aux jeux de hasard, et insatisfaite du type de vie mondain qui était le sien, elle éprouvait vide et amertume en son coeur. Se rendant un jour à l’église pour se confesser, elle reçut alors «une blessure au coeur d’un immense amour de Dieu», qui lui montra à la fois ses misères et la bonté de Dieu. Immédiatement, elle décida de fuir le péché et le monde. Pendant 25 années, elle vécut, instruite intérieurement par le seul amour du Seigneur et nourrie par la prière constante et la communion quotidienne. Elle se dévoua au service des malades de l’hôpital de Pammatone qu’elle dirigea. Au cours de sa vie toute centrée sur Dieu et sur le prochain, Catherine reçut une connaissance particulière du purgatoire qu’elle décrit comme «un feu non extérieur mais intérieur» sur le chemin de la pleine communion avec Dieu. Devant l’amour de Dieu, l’âme fait une expérience de profonde douleur pour les péchés commis, alors qu’elle est liée par les désirs et la peine du péché qui la rendent incapable de jouir de la vision de Dieu. Il s’agit en effet, d’obtenir la sainteté nécessaire pour entrer dans la joie du ciel. Chers amis, les saints, dans leur expérience d’union à Dieu, atteignent un «savoir» si profond des mystères divins, qu’ils sont une aide pour tous et pour les théologiens dans la recherche de l‘intelligence de la foi.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents à cette audience. Puissiez-vous, avec sainte Catherine de Gênes, découvrir que l’amour de Dieu est comme un fil d’or unissant notre coeur à Dieu Lui-même! Avec ma Bénédiction apostolique.





Salle Paul VI

Mercredi 19 janvier 2011: Semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens

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Chers frères et soeurs,

Nous célébrons en ce moment la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens, au cours de laquelle tous les croyants dans le Christ sont invités à s'unir en prière pour témoigner du lien profond qui existe entre eux et pour invoquer le don de la pleine communion. Il est providentiel que la prière soit placée au coeur du chemin pour construire l'unité: cela nous rappelle, encore une fois, que l'unité ne peut pas être le simple produit de l'action humaine; elle est avant tout un don de Dieu, qui comporte une croissance dans la communion avec le Père, le Fils et l'Esprit Saint. Le Concile Vatican II dit: «De telles supplications communes sont assurément un moyen efficace de demander la grâce de l’unité, et elles constituent une expression authentique des liens par lesquels les catholiques demeurent unis avec les frères séparés: “Là, en effet, où deux ou trois sont réunis en mon nom [dit le Seigneur], je suis au milieu d’eux” (
Mt 18,20)» (Décr. Unitatis Redintegratio UR 8). Le chemin vers l'unité visible entre tous les chrétiens habite dans la prière, parce que fondamentalement, nous ne «construisons» pas nous-mêmes l'unité, c’est Dieu qui la «construit», elle vient de Lui, du Mystère trinitaire, de l'unité du Père avec le Fils dans le dialogue d'amour qui est l'Esprit Saint et notre engagement oecuménique doit s'ouvrir à l'action divine, doit se faire invocation quotidienne de l'aide de Dieu. L'Eglise est l'Eglise de Dieu, non la nôtre.

Le thème choisi cette année pour la Semaine de prière fait référence à l'expérience de la première communauté chrétienne de Jérusalem, telle qu'elle est décrite par les Actes des Apôtres; nous avons entendu le texte: «Ils étaient fidèles à écouter l'enseignement des Apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières» (Ac 2,42). Nous devons considérer que déjà au moment de la Pentecôte l'Esprit Saint descend sur des personnes de langues et de cultures différentes: cela signifie ici que l'Eglise embrasse dès le commencement des personnes d'origines différentes et, toutefois, précisément à partir de ces différences, l'Esprit crée un unique corps. La Pentecôte comme commencement de l'Eglise marque l’élargissement de l'Alliance de Dieu à toutes les créatures, à tous les peuples et à tous les temps, pour que toute la création s'achemine vers son véritable objectif: être un lieu d'unité et d'amour.

Dans le passage que nous avons cité des Actes des Apôtres, quatre caractéristiques définissent la première communauté chrétienne de Jérusalem comme lieu d'unité et d'amour et saint Luc ne veut pas uniquement décrire une chose du passé. Il nous offre ce modèle, comme norme de l'Eglise présente, parce que ces quatre caractéristiques doivent toujours constituer la vie de l'Eglise. Première caractéristique, être unie et ferme dans l'écoute de l'enseignement des Apôtres, puis dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans la prière. Comme je l'ai dit, ces quatre éléments sont encore aujourd'hui les piliers de la vie de toute communauté chrétienne et constituent aussi le seul fondement solide sur lequel progresser dans la recherche de l'unité visible de l'Eglise.

Avant tout, nous avons écouté l'enseignement des apôtres, c'est-à-dire l'écoute du témoignage qu'ils rendent à la mission, à la vie, à la mort et à la résurrection du Seigneur. C'est ce que Paul appelle simplement l'«Evangile». Les premiers chrétiens recevaient l'Evangile de la bouche des Apôtres, ils étaient unis par son écoute et par sa proclamation, car l'Evangile, comme l'affirme saint Paul, «est la puissance de Dieu pour le salut de tout homme qui est devenu croyant» (Rm 1,16). Encore aujourd'hui, la communauté des croyants reconnaît dans la référence à l'enseignement des apôtres la norme de sa foi: tout effort pour la construction de l'unité entre tous les chrétiens passe donc à travers l’approfondissent de la fidélité au depositum fidei qui nous a été transmis par les Apôtres. La fermeté dans la foi est le fondement de notre communion, elle est le fondement de l'unité chrétienne.

Le deuxième élément est la communion fraternelle. Au temps de la première communauté chrétienne, comme de nos jours, elle est l'expression la plus tangible, surtout pour le monde extérieur, de l'unité entre les disciples du Seigneur. Nous lisons dans les Actes des Apôtres que les premiers chrétiens gardaient toutes les choses en commun et celui qui avait des propriétés et des biens les vendait pour en faire profiter ceux qui en avaient besoin (cf. Ac 2,44-45). Ce partage des biens personnels a trouvé, dans l'histoire de l'Eglise, des modalités toujours nouvelles d'expression. L'une de celle-ci, en particulier, est celle des rapports de fraternité et d'amitié construits entre chrétiens de différentes confessions. L’histoire du mouvement oecuménique a été marquée par des difficultés et des incertitudes, mais c'est aussi une histoire de fraternité, de coopération et de partage humain et spirituel, qui a changé de manière significative les relations entre les croyants dans le Seigneur Jésus: nous sommes tous engagés à poursuivre sur cette voie. Le deuxième élément est donc la communion, qui est avant tout communion avec Dieu par l'intermédiaire de la foi: mais la communion avec Dieu crée la communion entre nous et s’exprime nécessairement dans cette communion concrète dont parlent les Actes des Apôtres, c'est-à-dire le partage. Personne au sein de la communauté chrétienne ne doit avoir faim, ne doit être pauvre: il s'agit d'une obligation fondamentale. La communion avec Dieu, réalisée comme communion fraternelle, s'exprime, concrètement, dans l’engagement social, dans la charité chrétienne, dans la justice.

Troisième élément: dans la vie de la première communauté de Jérusalem le moment de la fraction du pain, où le Seigneur lui-même se rend présent à travers l’unique sacrifice de la Croix en se donnant complètement pour la vie de ses amis, était essentiel: «Ceci est mon corps offert en sacrifice pour vous... ceci est la coupe de mon sang... versé pour vous». «L'Eglise vit de l'Eucharistie. Cette vérité n'exprime pas seulement une expérience quotidienne de foi, mais elle comporte en synthèse le coeur du mystère de l'Eglise» (Jean-Paul II, enc. Ecclesia de Eucharistia EE 1). La communion au sacrifice du Christ est le sommet de notre union avec Dieu et représente donc également la plénitude de l’unité des disciples du Christ, la pleine communion. Au cours de cette semaine de prière pour l’unité, le regret de l’impossibilité de partager la même table eucharistique, signe que nous sommes encore loin de la réalisation de cette unité pour laquelle le Christ a prié, est particulièrement vif. Cette expérience douloureuse, qui confère également une dimension pénitentielle à notre prière, doit devenir le motif d’un engagement encore plus généreux de la part de tous afin que, une fois ôtés les obstacles à la pleine communion, vienne le jour où il sera possible de se réunir autour de la table du Seigneur, de rompre le pain eucharistique ensemble et de boire au même calice.

Enfin, la prière — ou comme le dit saint Luc les prières — est la caractéristique de l’Eglise primitive de Jérusalem décrite dans le livre des Actes des Apôtres. La prière est depuis toujours l’attitude constante des disciples du Christ, ce qui accompagne leur vie quotidienne en obéissance à la volonté de Dieu, comme l’attestent également les paroles de l’apôtre Paul, qui écrit aux Thessaloniciens dans sa première lettre: «Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance: c’est ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus» (1Th 5,16-18 cf. Ep 6,18). La prière chrétienne, participation à la prière de Jésus, est par excellence une expérience filiale, comme en témoignent les paroles du Notre Père, prière de la famille — le «nous» des fils de Dieu, des frères et des soeurs — qui parle au Père commun. Se mettre dans une attitude de prière signifie donc également s’ouvrir à la fraternité. Ce n’est qu’avec le «nous», que nous pouvons dire le Notre Père. Ouvrons nous donc à la fraternité qui dérive du fait d’être fils de l’unique Père céleste, et d’être disposés au pardon et à la réconciliation.

Chers frères et soeurs, en tant que disciples du Seigneur nous avons une responsabilité commune envers le monde, nous devons rendre un service commun: comme la première communauté chrétienne de Jérusalem, c’est-à-dire en partant de ce que nous partageons déjà, nous devons offrir un profond témoignage, fondé spirituellement et soutenu par la raison, de l’unique Dieu qui s’est révélé et qui nous parle dans le Christ, pour être les porteurs d’un message qui oriente et illumine le chemin de l’homme de notre temps, souvent privé de points de référence clairs et valables. Il est alors important de croître chaque jour dans l’amour réciproque, en s’engageant à surmonter les barrières qui existent encore entre chrétiens; sentir qu’il existe une véritable unité intérieure entre tous ceux qui suivent le Seigneur; collaborer le plus possible, en travaillant ensemble sur les questions encore ouvertes; et surtout être conscients que sur cet itinéraire le Seigneur doit nous assister, doit nous aider encore beaucoup, car sans Lui, seuls, sans «rester en Lui» nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15,5).

Chers amis, c’est encore une fois dans la prière que nous nous trouvons réunis — en particulier cette semaine — avec tous ceux qui confessent leur foi en Jésus Christ, Fils de Dieu: persévérons dans la prière, soyons des hommes de prière, en implorant de Dieu le don de l’unité, afin que s’accomplisse pour le monde entier son dessein de salut et de réconciliation. Merci.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins francophones, particulièrement la communauté du séminaire de Lille et les jeunes du collège Rocroy-Saint Vincent de Paul, de Paris. En cette semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens, soyez des artisans d’unité et de réconciliation autour de vous! Le monde a besoin de votre témoignage! Que Dieu vous bénisse!



Salle Paul VI

Mercredi 26 janvier 2011: Sainte Jeanne d’Arc


Catéchèses Benoît XVI 29120