Catéchèses Benoît XVI 27411

Mercredi 27 avril 2011: Octave de Pâques

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Chers frères et soeurs,

En ces premiers jours du Temps de Pâques, qui se prolonge jusqu’à la Pentecôte, nous sommes encore emplis de la fraîcheur et de la joie nouvelle que les célébrations liturgiques ont portées dans nos coeurs. Par conséquent, je voudrais aujourd’hui réfléchir avec vous brièvement sur la Pâque, coeur du mystère chrétien. Tout, en effet, part de là: le Christ ressuscité d’entre les morts est le fondement de notre foi. A partir de la Pâque rayonne, comme d’un centre lumineux, incandescent, toute la liturgie de l’Eglise, tirant d’elle son contenu et sa signification. La célébration liturgique de la mort et de la résurrection du Christ n’est pas une simple commémoration de cet événement, mais elle est son actualisation dans le mystère, pour la vie de chaque chrétien et de toute communauté ecclésiale, pour notre vie. En effet, la foi dans le Christ ressuscité transforme l’existence, en opérant en nous une résurrection continuelle, comme l’écrivait saint Paul aux premiers croyants: «Jadis vous étiez ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur; conduisez-vous en enfants de lumière; car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité» (
Ep 5,8-9).

Comment pouvons-nous alors faire devenir «vie» la Pâque? Comment toute notre existence intérieure et extérieure peut-elle assumer une «forme» pascale? Nous devons partir de la compréhension authentique de la résurrection de Jésus: un tel événement n’est pas un simple retour à la vie précédente, comme il le fut pour Lazare, pour la fille de Jaïre ou pour le jeune de Naïm, mais c’est quelque chose de complètement nouveau et différent. La résurrection du Christ est l’accès vers une vie non plus soumise à la caducité du temps, une vie plongée dans l’éternité de Dieu. Dans la résurrection de Jésus commence une nouvelle condition du fait d’être hommes, qui éclaire et transforme notre chemin de chaque jour et ouvre un avenir qualitativement différent et nouveau pour toute l’humanité. C’est pourquoi saint Paul non seulement relie de manière inséparable la résurrection des chrétiens à celle de Jésus (cf. 1Co 15,16 1Co 15,20), mais il indique également comment on doit vivre le mystère pascal dans le quotidien de notre vie.

Dans la Lettre aux Colossiens, il dit: «Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre» (3, 1-2). A première vue, en lisant ce texte, il pourrait sembler que l’Apôtre entend favoriser le mépris des réalités terrestres, en invitant alors à oublier ce monde de souffrances, d’injustices, de péchés, pour vivre à l’avance dans un paradis céleste. La pensée du «ciel» serait dans ce cas une sorte d’aliénation. Mais pour saisir le véritable sens de ces affirmations pauliniennes, il suffit de ne pas les séparer de leur contexte. L’Apôtre précise très bien ce qu’il entend par «les choses d’en haut», que le chrétien doit rechercher, et «les choses de la terre», dont il doit se garder. Voilà tout d’abord les «choses de la terre» qu’il faut éviter: «Mortifiez donc — écrit saint Paul — vos membres terrestres: fornication, impureté, passion coupable, mauvais désirs, et la cupidité, qui est une idolâtrie» (3,5-6). Mortifier en nous le désir insatiable de biens matériels, l’égoïsme, racine de tout péché. Donc, lorsque l’Apôtre invite les chrétiens à se détacher avec décision des «choses de la terre», il veut clairement faire comprendre ce qui appartient au «vieil homme» dont le chrétien doit se dépouiller, pour se revêtir du Christ.

De même qu’il a énoncé clairement les choses sur lesquelles il ne faut pas fixer son coeur, saint Paul nous indique tout aussi clairement quelles sont les «choses d’en haut» que le chrétien doit en revanche rechercher et goûter. Elles concernent ce qui appartient à l’«homme nouveau», qui s’est revêtu du Christ une fois pour toutes dans le baptême, mais qui a toujours besoin de se renouveler «à l'image de son Créateur» (Col 3,10). Voilà comment l’Apôtre des Nations décrit ces «choses d’en haut»: «Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés, revêtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience; supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement [...] Et puis, par dessus tout, la charité, en laquelle se noue la perfection» (Col 3,12-14). Saint Paul est donc bien loin d’inviter les chrétiens, chacun de nous, à fuir le monde dans lequel Dieu nous a placés. Il est vrai que nous sommes citoyens d’une autre «cité» dans laquelle se trouve notre véritable patrie, mais nous devons parcourir chaque jour sur terre le chemin vers cet objectif. En participant dès à présent à la vie du Christ ressuscité, nous devons vivre en tant qu’hommes nouveaux dans ce monde, au coeur de la cité terrestre.

Et cela est le chemin non seulement pour nous transformer nous-mêmes, mais pour donner à la cité terrestre un visage nouveau qui favorise le développement de l’homme et de la société selon la logique de la solidarité, de la bonté, dans le respect profond de la dignité propre de chacun. L’Apôtre nous rappelle quelles sont les vertus qui doivent accompagner la vie chrétienne; au sommet, il y a la charité, à laquelle toutes les autres sont liées comme à la source et à la matrice. Elle résume et englobe «les choses du ciel»: la charité qui, avec la foi et l’espérance, représente la grande règle de vie du chrétien et en définit la nature profonde.

La Pâque apporte donc la nouveauté d’un passage profond et total d’une vie soumise à l’esclavage du péché à une vie de liberté, animée par l’amour, force qui abat toutes les barrières et construit une nouvelle harmonie dans son coeur et dans le rapport avec les autres et avec les choses. Chaque chrétien, de même que chaque communauté, s’il vit l’expérience de ce passage de résurrection, ne peut manquer d’être un ferment nouveau dans le monde, en se donnant sans réserve pour les causes les plus urgentes et les plus justes, comme le démontrent les témoignages des saints à toute époque et en tout lieu. Les attentes de notre temps sont nombreuses également: nous, chrétiens, en croyant fermement que la résurrection du Christ a renouvelé l’homme sans l’exclure du monde dans lequel il construit son histoire, nous devons être les témoins lumineux de cette vie nouvelle que la Pâque nous a apportée. La Pâque est donc un don à accueillir toujours plus profondément dans la foi, pour pouvoir oeuvrer dans toutes les situations, avec la grâce du Christ, selon la logique de Dieu, la logique de l’amour. La lumière de la résurrection du Christ doit pénétrer dans notre monde, doit parvenir comme message de vérité et de vie à tous les hommes à travers notre témoignage quotidien.

Chers amis, Oui, le Christ est vraiment ressuscité! Nous ne pouvons pas garder uniquement pour nous la vie et la joie qu’Il nous a données dans sa Pâque, mais nous devons les donner à ceux que nous approchons. Tel est notre devoir et notre mission: faire renaître dans le coeur du prochain l’espérance là où il y a le désespoir, la joie là où il y a la tristesse, la vie là où il y a la mort. Témoigner chaque jour de la joie du Seigneur ressuscité signifie vivre toujours de «façon pascale» et faire retentir l’annonce joyeuse que le Christ n’est pas une idée ou un souvenir du passé, mais une Personne qui vit avec nous, pour nous et en nous, et avec Lui, pour Lui et en Lui, nous pouvons faire l’univers nouveau (cf. Ap Ap 21,5).
* * *


Je salue avec joie les pèlerins francophones, particulièrement les séminaristes de Saint-Étienne, accompagnés de Mgr Dominique Lebrun! Puissiez-vous être le ferment nouveau de notre monde, en apportant à tous les hommes la lumière de la Résurrection du Christ, qui est un message de vérité et de vie ! Bonne fête de Pâques à tous!



Place Saint-Pierre

Mercredi 4 mai 2011

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Chers frères et soeurs,


Aujourd'hui, je voudrais entamer une nouvelle série de catéchèses. Après les catéchèses sur les Pères de l'Eglise, sur les grands théologiens du Moyen-âge, sur les grandes figures de femmes, je voudrais à présent choisir un thème qui nous tient tous très à coeur: le thème de la prière, de manière spécifique la prière chrétienne, la prière que nous a enseignée Jésus et que continue à nous enseigner l’Eglise. C’est en Jésus en effet que l'homme devient capable de s'approcher de Dieu avec la profondeur et l'intimité du rapport de paternité et de filiation. Avec les premiers disciples, avec une humble confiance, nous nous adressons alors au Maître et nous Lui demandons: «Seigneur, enseigne-nous à prier» (
Lc 11,1).

Lors des prochaines catéchèses, en nous approchant de la Sainte Ecriture, de la grande tradition des Pères de l'Eglise, des Maîtres de spiritualité, de la Liturgie, nous voulons apprendre à vivre encore plus intensément notre relation avec le Seigneur, dans une sorte d’«école de prière». Nous savons bien, en effet, que la prière ne doit pas être considérée comme allant de soi: il faut apprendre à prier, comme en acquérant toujours à nouveau cet art; même ceux qui sont très avant dans la vie spirituelle sentent toujours le besoin de se mettre à l'école de Jésus pour apprendre à prier avec authenticité. Nous recevons la première leçon du Seigneur à travers Son exemple. Les Evangiles nous décrivent Jésus en dialogue intime et constant avec le Père: c’est une communion profonde de celui qui est venu dans le monde non pour faire sa volonté, mais celle du Père qui l'a envoyé pour le salut de l'homme.

Dans cette première catéchèse, comme introduction, je voudrais proposer quelques exemples de prière présents dans les cultures antiques, pour relever comment, pratiquement toujours et partout celles-ci se sont adressées à Dieu.

Je commence par l'ancienne Egypte, par exemple. Ici, un homme aveugle, demandant à la divinité de lui rendre la vue, atteste quelque chose d'universellement humain, qui est la pure et simple prière de requête de la part de qui se trouve dans la souffrance, cet homme prie: «Mon coeur désire te voir... Toi qui m'as fait voir les ténèbres, crée pour moi la lumière. Fais que je te voie! Penche sur moi ton visage aimé» (A. Barucq – F. Daumas, Hymnes et prières de l’Egypte ancienne, Paris 1980). Fais que je te voie; c'est là le coeur de la prière!

Dans les religions de la Mésopotamie dominait un sentiment de culpabilité mystérieux et paralysant, mais sans qu’il soit privé pour autant de l'espérance de rachat et de libération de la part de Dieu. Ainsi pouvons-nous apprécier cette supplication de la part d'un croyant de ces anciens cultes, qui résonne ainsi: «Ô Dieu qui es indulgent même pour la faute la plus grave, absous mon péché.... Regarde Seigneur, ton esclave épuisé, et souffle sur lui ta brise: sans attendre pardonne-lui. Allège ta sévère punition. Libéré de mes liens, fais que je recommence à respirer; brise mes chaînes, défaits mes liens» (M.-J. Seux, Hymnes et prières aux Dieux de Babylone et d’Assyrie, Paris 1976). Autant d'expressions qui démontrent comment l’homme, dans sa recherche de Dieu, a eu l'intuition, même confusément, d'un côté de sa faute, de l'autre de l'aspect de la miséricorde et de la bonté divine.

Au sein de la religion païenne, dans la Grèce antique, on assiste à une évolution très significative: les prières, tout en continuant d’invoquer l’aide divine pour obtenir la faveur céleste dans toutes les circonstances de la vie quotidienne et pour obtenir des bénéfices matériels, s’orientent progressivement vers les requêtes les plus désintéressées, qui permettent à l’homme croyant d’approfondir sa relation avec Dieu et de devenir meilleur. Par exemple, le grand philosophe Platon cite une prière de son maître, Socrate, considéré à juste titre comme l’un des fondateurs de la pensée occidentale. Socrate priait ainsi: «... donnez-moi la beauté intérieure de l'âme! Quant à l'extérieur, je me contente de celui que j'ai, pourvu qu'il ne soit pas en contradiction avec l'intérieur, que le sage me paraisse riche, et que j'aie seulement autant, d'or qu'un sage peut en supporter, et en employer» (OEuvres i. Phèdre 279c). Il voudrait avant tout avoir une beauté intérieure et être sage, et non pas riche d’argent.

Dans ces superbes chefs-d’oeuvre de la littérature de tous les temps que sont les tragédies grecques, aujourd’hui encore, après vingt-cinq siècles, lues, méditées et représentées, sont contenues des prières qui expriment le désir de connaître Dieu et d’adorer sa majesté. L’une de celles-ci dit: «Ô toi qui donnes le mouvement à la terre, et qui en même temps résides en elle, qui que tu sois, Jupiter, impénétrable à la vue des mortels, nécessité de la nature, ou intelligence des hommes, je te rends hommage; car, par des voies secrètes, tu gouvernes toutes les choses humaines selon la justice» (Euripide, Les Troyennes, 884-886). Dieu demeure un peu vague et toutefois, l’homme connaît ce Dieu inconnu et prie celui qui guide les destinées de la terre.

Chez les Romains également, qui constituèrent ce grand Empire dans lequel naquit et se diffusa en grande partie le christianisme des origines, la prière, même si elle est associée à une conception utilitariste et fondamentalement liée à la demande de protection divine sur la vie de la communauté civile, s’ouvre parfois à des invocations admirables en raison de la ferveur de la piété personnelle, qui se transforme en louange et en action de grâces. En est témoin un auteur de l’Afrique romaine du iie siècle après Jésus Christ, Apulée. Dans ses écrits, il manifeste l’insatisfaction de ses contemporains à l’égard de la religion traditionnelle et le désir d’un rapport plus authentique avec Dieu. Dans son chef-d’oeuvre intitulé Les métamorphoses, un croyant s’adresse à une divinité féminine à travers ces paroles: «Divinité sainte, source éternelle de salut, protectrice adorable des mortels, qui leur prodigues dans leurs maux l'affection d'une tendre mère; pas un jour, pas une nuit, pas un moment ne s'écoule qui ne soit marqué par un de tes bienfaits» (Apulée de Madaure, Métamorphoses, xi, 25).

Pendant la même période, l’empereur Marc-Aurèle — qui était un philosophe qui réfléchissait sur la condition humaine — affirme la nécessité de prier pour établir une coopération fructueuse entre action divine et action humaine. Il écrit dans ses Souvenirs/Pensées: «Qui te dit que les dieux ne nous aident pas également en ce qui dépend de nous? Commence donc à les prier et tu verras» (Dictionnaire de Spiritualité XII/2, Col 2213). Ce conseil de l’empereur philosophe a été effectivement mis en pratique par d’innombrables générations d’hommes avant le Christ, démontrant ainsi que la vie humaine sans la prière, qui ouvre notre existence au mystère de Dieu, devient privée de sens et de référence. En effet, dans chaque prière s’exprime toujours la vérité de la créature humaine, qui d’une part fait l’expérience de la faiblesse et de l’indigence, et demande donc de l’aide au Ciel, et de l’autre est dotée d’une dignité extraordinaire, car, en se préparant à accueillir la Révélation divine, elle se découvre capable d’entrer en communion avec Dieu.

Chers amis, dans ces exemples de prières des différentes époques et civilisations apparaît la conscience que l’être humain a de sa condition de créature et de sa dépendance d’un Autre qui lui est supérieur et source de tout bien. L’homme de tous les temps prie car il ne peut faire à moins de se demander quel est le sens de son existence, qui reste obscur et décourageant, s’il n’est pas mis en relation avec le mystère de Dieu et de son dessein sur le monde. La vie humaine est un mélange de bien et de mal, de souffrance imméritée et de joie et de beauté, qui nous pousse spontanément et irrésistiblement à demander à Dieu cette lumière et cette force qui puisse nous secourir sur la terre et ouvrir une espérance qui aille au-delà des frontières de la mort. Les religions païennes demeurent une invocation qui, de la terre, attend une parole du Ciel. L’un des derniers grands philosophes païens, qui vécut à une époque déjà pleinement chrétienne Proclus de Constantinople, donne voix à cette attente, en disant: «Inconnaissable, personne ne te contient. Tout ce que nous pensons t’appartient. Nos maux et nos biens sont en toi, chacune de nos aspirations dépend de toi, ô Ineffable, que nos âmes sentent présent, en t’élevant un hymne de silence» (Hymnes).

Dans les exemples de prière des différentes cultures, que nous avons pris en considération, nous pouvons voir un témoignage de la dimension religieuse et du désir de Dieu inscrit dans le coeur de chaque homme, qui trouvent leur accomplissement et leur pleine expression dans l’ancien et dans le Nouveau Testament. La Révélation, en effet, purifie et porte à sa plénitude l’aspiration originelle de l’homme à Dieu, en lui offrant, dans la prière, la possibilité d’une relation plus profonde avec le père céleste.

Au début de notre chemin dans l’«Ecole de la prière» nous voulons alors demander au Seigneur qu’il illumine notre esprit et notre coeur pour que la relation avec Lui dans la prière soit toujours plus intense, affectueuse et constante. Encore une fois, nous lui disons: «Seigneur, apprends-nous à prier» (Lc 11,1).
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Je suis heureux de vous accueillir, chers pèlerins francophones. Je salue en particulier les enfants de l’école grecque orthodoxe Oreokastron, de Thessalonique, et les pèlerins de République Centrafricaine. Que votre pèlerinage à Rome vous aide à découvrir ou à redécouvrir la nécessité de la prière dans votre vie. Avec ma Bénédiction apostolique!



Place Saint-Pierre

Mercredi 11 mai 2011

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Chers frères et soeurs,

Je voudrais aujourd’hui continuer de réfléchir sur la façon dont la prière et le sentiment religieux font partie de l’homme tout au long de son histoire.

Nous vivons à une époque où les signes du sécularisme sont évidents. Dieu semble être disparu de l’horizon de diverses personnes ou devenu une réalité envers laquelle on demeure indifférent. Nous voyons toutefois, dans le même temps, de nombreux signes qui nous indiquent un réveil du sentiment religieux, une redécouverte de l’importance de Dieu pour la vie de l’homme, une exigence de spiritualité, de dépasser une vision purement horizontale, matérielle de la vie humaine. En regardant l’histoire récente, on constate l’échec de ceux qui, à l’époque des Lumières, prévoyaient la disparition des religions et exaltaient une raison absolue, détachée de la foi, une raison qui devait écraser les ténèbres des dogmatismes religieux et dissoudre le «monde du sacré», en restituant à l’homme sa liberté, sa dignité et son autonomie de Dieu. L’expérience du siècle dernier, avec les deux tragiques guerres mondiales, a remis en question ce progrès que la raison autonome, l’homme sans Dieu, semblait pouvoir garantir.

Le Catéchisme de l’Eglise catholique affirme: «Par la création, Dieu appelle tout être du néant à l’existence... Même après avoir perdu la ressemblance avec Dieu par son péché, l’homme reste à l’image de son Créateur. Il garde le désir de Celui qui l’appelle à l’existence. Toutes les religions témoignent de cette quête essentielle des hommes» (n. 2566). Nous pourrions dire — comme je l’ai montré dans la dernière catéchèse — qu’il n’y a eu aucune grande civilisation, des temps les plus reculés jusqu’à nos jours, qui n’ait été religieuse.

L’homme est par nature religieux, il est homo religiosus comme il est homo sapiens et homo faber: «Le désir de Dieu — affirme encore le Catéchisme — est inscrit dans le coeur de l’homme, car l’homme est créé par Dieu et pour Dieu» (n. 27). L’image du Créateur est imprimée dans son être et il ressent le besoin de trouver une lumière pour donner une réponse aux questions qui concernent le sens profond de la réalité; réponse qu’il ne peut trouver en lui-même, dans le progrès, dans la science empirique. L’homo religiosus ne ressort pas seulement des mondes antiques, il traverse toute l’histoire de l’humanité. A ce propos, le riche terrain de l’expérience humaine a vu naître diverses formes de religiosité, dans la tentative de répondre au désir de plénitude et de bonheur, au besoin de salut, à la recherche de sens. L’homme «numérique», tout comme celui des cavernes, cherche dans l’expérience religieuse le moyen de dépasser sa finitude et d’assurer son aventure terrestre précaire. D’ailleurs, sans un horizon transcendant, la vie perdrait son sens plénier et le bonheur, auquel nous tendons tous, est projeté spontanément vers l’avenir, dans un lendemain qui reste encore à réaliser. Le Concile Vatican II, dans la déclaration Nostra aetate, l’a souligné de façon synthétique: «Les hommes attendent des diverses religions la réponse aux énigmes cachées de la condition humaine, qui, hier comme aujourd’hui, agitent profondément le coeur humain: Qu’est-ce que l’homme? Quel est le sens et le but de la vie? Qu’est-ce que le bien et qu’est-ce que le péché? Quels sont l’origine et le but de la souffrance? Quelle est la voie pour parvenir au vrai bonheur? Qu’est-ce que la mort, le jugement et la rétribution après la mort? Qu’est-ce enfin que le mystère dernier et ineffable qui embrasse notre existence, d’où nous tirons notre origine et vers lequel nous tendons?» (n. 1). L’homme sait qu’il ne peut répondre seul à son besoin fondamental de comprendre. Même s’il a nourri et nourrit encore l’illusion de se suffire à lui-même, il fait l’expérience de ne pas se suffire à lui-même. Il a besoin de s’ouvrir à autre chose, à quelque chose ou à quelqu’un qui puisse lui donner ce qui lui manque, il doit sortir de lui-même pour aller vers Celui qui est en mesure de remplir l’ampleur et la profondeur de son désir.

L’homme porte en lui une soif d’infini, une nostalgie d’éternité, une recherche de beauté, un désir d’amour, un besoin de lumière et de vérité, qui le poussent vers l’Absolu; l’homme porte en lui le désir de Dieu. Et l’homme sait, d’une certaine façon, qu’il peut s’adresser à Dieu, il sait qu’il peut le prier. Saint Thomas d’Aquin, l’un des plus grands théologiens de l’histoire, définit la prière comme l’«expression du désir que l’homme a de Dieu». Cette attraction vers Dieu, que Dieu lui-même a placée dans l’homme, est l’âme de la prière, qui revêt ensuite tant de formes et de modalités selon l’histoire, le temps, le moment, la grâce et même le péché de chaque orant. L’histoire de l’homme a, en effet, connu diverses formes de prière, car il a développé différentes modalités d’ouverture vers l’Autre et vers l’Au-delà, si bien que nous pouvons reconnaître la prière comme une expérience présente dans chaque religion et culture.

En effet, chers frères et soeurs, comme nous l’avons vu mercredi dernier, la prière n’est pas liée à un contexte particulier, mais elle se trouve inscrite dans le coeur de chaque personne et de chaque civilisation. Naturellement, lorsque nous parlons de prière comme expérience de l’homme en tant que tel, de l’homo orans, il est nécessaire d’avoir à l’esprit que celle-ci est une attitude intérieure, avant d’être une série de pratiques et de formules, une manière d’être devant Dieu avant d’être l’accomplissement d’actes de culte ou la prononciation de paroles. La prière a son centre et plonge ses racines au plus profond de la personne; c’est pourquoi elle n’est pas facilement déchiffrable et, pour le même motif, elle peut être sujette à des malentendus et à des mystifications. C’est dans ce sens également que nous pouvons comprendre l’expression: prier est difficile. En effet, la prière est le lieu par excellence de la gratuité, de la tension vers l’Invisible, l’Inattendu, l’Ineffable. C’est pourquoi l’expérience de la prière est un défi pour tous, une «grâce» à invoquer, un don de Celui à qui nous nous adressons.

Dans la prière, à chaque époque de l’histoire, l’homme se considère lui-même, ainsi que sa situation face à Dieu, à partir de Dieu et par rapport à Dieu, et il fait l’expérience d’être une créature qui a besoin d’aide, incapable de se procurer toute seule l’accomplissement de sa propre existence et de sa propre espérance. Le philosophe Ludwig Wittgenstein rappelait que «prier signifie sentir que le sens du monde est en dehors du monde». Dans la dynamique de cette relation avec celui qui donne un sens à l’existence, avec Dieu, la prière trouve l’une de ses expressions typiques dans le geste de se mettre à genoux. C’est un geste qui contient en lui-même une ambivalence radicale: en effet, je peux être contraint de me mettre à genoux — condition d’indigence et d’esclavage —, mais je peux également m’agenouiller spontanément, en déclarant ma limite et, donc, mon besoin d’un Autre. C’est à lui que je déclare être faible, nécessiteux, «pécheur». Dans l’expérience de la prière, la créature humaine exprime toute la conscience de soi, tout ce qu’elle réussit à saisir de sa propre existence et, dans le même temps, elle se tourne entièrement vers l’Etre face auquel elle se trouve, elle oriente son âme vers ce Mystère dont elle attend l’accomplissement des désirs les plus profonds et l’aide pour surmonter l’indigence de sa propre vie. Dans le fait de regarder un Autre, de se diriger «au-delà» se trouve l’essence de la prière, comme expérience d’une réalité qui dépasse ce qui est sensible et contingent.

Toutefois, c'est uniquement en Dieu qui se révèle que la recherche de l'homme s’accomplit pleinement. La prière qui est ouverture et élévation du coeur à Dieu, devient ainsi un rapport personnel avec Lui. Et même si l'homme oublie son Créateur, le Dieu vivant et vrai ne cesse d'appeler le premier l'homme à la rencontre mystérieuse de la prière. Comme l'affirme le Catéchisme: «Cette démarche d’amour du Dieu fidèle est toujours première dans la prière, la démarche de l’homme est toujours une réponse. Au fur et à mesure que Dieu se révèle et révèle l’homme à lui-même, la prière apparaît comme un appel réciproque, un drame d’Alliance. A travers des paroles et des actes, ce drame engage le coeur. Il se dévoile à travers toute l’histoire du salut» (n. 2567).

Chers frères et soeurs, apprenons à demeurer davantage devant Dieu, Dieu qui s'est révélé en Jésus Christ, apprenons à reconnaître dans le silence, dans l'intimité de nous-mêmes, sa voix qui nous appelle et nous ramène à la profondeur de notre existence, à la source de la vie, à l'origine du salut, pour nous faire aller au-delà de la limite de notre vie et nous ouvrir à la mesure de Dieu, à la relation avec Lui, qui est Amour infini. Merci.

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Je salue les pèlerins de langue française et les membres du Comité Directeur de la Fédération Internationale des Corps et Associations Consulaires ! Je vous exhorte tous à prier. Invitez également à prier vos enfants, vos parents et vos amis. Vous apprendrez à reconnaître dans le silence de votre coeur, la voix du Dieu d’amour révélé en Jésus-Christ. Avec ma bénédiction !



Place Saint-Pierre

Mercredi 18 mai 2011

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Chers frères et soeurs,

Dans les deux dernières catéchèses, nous avons réfléchi sur la prière comme phénomène universel qui — bien que sous des formes diverses — est présente dans les cultures de tous les temps. Aujourd’hui, au contraire, je voudrais commencer un parcours biblique sur ce thème, qui nous aidera à approfondir le dialogue d’alliance entre Dieu et l’homme qui anime l’histoire du salut, jusqu’au sommet, à la parole définitive qui est Jésus Christ. Ce chemin nous conduira à nous arrêter sur certains textes importants et sur des figures exemplaires de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ce sera Abraham, le grand patriarche, père de tous les croyants (cf.
Rm 4,11-12 Rm 4,16-17) qui nous offrira un premier exemple de prière, dans l’épisode de l’intercession pour les villes de Sodome et Gomorrhe. Et je voudrais également vous inviter à profiter du parcours que nous entreprendrons au cours des prochaines catéchèses pour apprendre à connaître davantage la Bible, que, j’espère, vous avez chez vous, et au cours de la semaine, à vous arrêter pour la lire et la méditer dans la prière, pour connaître la merveilleuse histoire du rapport entre Dieu et l’homme, entre Dieu qui se communique à nous et l’homme qui répond, qui prie.

Le premier texte sur lequel nous voulons réfléchir se trouve dans le chapitre 18 du Livre de la Genèse; on raconte que la cruauté des habitants de Sodome et Gomorrhe avait atteint son comble, au point qu’une intervention de Dieu était nécessaire pour arrêter le mal qui détruisait ces villes. C’est là qu’intervient Abraham avec sa prière d’intercession. Dieu décide de lui révéler ce qui est sur le point de se produire et lui fait connaître la gravité du mal et ses terribles conséquences, car Abraham est son élu, choisi pour devenir un grand peuple et faire parvenir la bénédiction divine à tout le monde. Sa mission est une mission de salut, qui doit répondre au péché qui a envahi la réalité de l’homme: à travers lui, le Seigneur veut ramener l’humanité à la foi, à l’obéissance, à la justice. Et à présent, cet ami de Dieu s’ouvre à la réalité et au besoin du monde, prie pour ceux qui s’apprêtent à être punis et demande qu’ils soient sauvés.

Abraham présente immédiatement le problème dans toute sa gravité, et dit au Seigneur: «Vas-tu vraiment supprimer le juste avec le pécheur? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les supprimer et ne pardonneras-tu pas à la cité pour les cinquante justes qui sont dans son sein? Loin de toi de faire cette chose-là! De faire mourir le juste avec le pécheur, en sorte que le juste soit traité comme le pécheur. Loin de toi! Est-ce que le juge de toute la terre ne rendra pas justice?» (vv. 23-25). A travers ces paroles, avec un grand courage, Abraham place devant Dieu la nécessité d’éviter une justice sommaire: si la ville est coupable, il est juste de condamner son crime et d’infliger la peine mais — affirme le grand patriarche — il serait injuste de punir indifféremment tous les habitants. S’il y a des innocents dans la ville, ceux-ci ne peuvent être traités comme des coupables. Dieu, qui est un juge juste, ne peut agir ainsi, dit à raison Abraham à Dieu.

Cependant, si nous lisons le texte plus attentivement, nous nous rendons compte que la requête d’Abraham est encore plus sérieuse et plus profonde, car il ne se limite pas à demander le salut pour les innocents. Abraham demande le salut pour toute la ville et il le fait en en appelant à la justice de Dieu. En effet, il dit au Seigneur: «Et ne pardonneras-tu pas à la cité pour les cinquante justes qui sont dans son sein?» (v. 24b). En agissant ainsi, il met en jeu une nouvelle idée de justice: non pas celle qui se limite à punir les coupables, comme le font les hommes, mais une justice différente, divine, qui cherche le bien et qui le crée à travers le pardon qui transforme le pécheur, le convertit et le sauve. Avec sa prière, Abraham n’invoque donc pas une justice purement rétributive, mais une intervention de salut qui, tenant compte des innocents, libère de la faute également les impies, en leur pardonnant. La pensée d’Abraham, qui semble presque paradoxale, peut ainsi être synthétisée: on ne peut pas, bien évidemment, traiter les innocents comme les coupables, cela serait injuste, il faut en revanche traiter les coupables comme les innocents, en mettant en oeuvre une justice «supérieure», en leur offrant une possibilité de salut, car si les malfaiteurs acceptent le pardon de Dieu et confessent leur faute en se laissant sauver, ils ne continueront plus à faire le mal, ils deviendront eux aussi justes, sans qu’il ne soit plus nécessaire de les punir.

Telle est la requête de justice qu’Abraham exprime dans son intercession, une requête qui se fonde sur la certitude que le Seigneur est miséricordieux. Abraham ne demande pas à Dieu une chose contraire à son essence. Il frappe à la porte du coeur de Dieu en connaissant sa véritable volonté. Assurément, Sodome est une grande ville, cinquante justes semblent peu de chose, mais la justice de Dieu et son pardon ne sont-ils peut-être pas la manifestation de la force du bien, même s’il semble plus petit et plus faible que le mal? La destruction de Sodome devait arrêter le mal présent dans la ville, mais Abraham sait que Dieu a d’autres manières et moyens pour mettre un frein à la diffusion du mal. C’est le pardon qui interrompt la spirale du péché, et c’est exactement ce à quoi Abraham fait appel, dans son dialogue avec Dieu. Et lorsque le Seigneur accepte de pardonner à la ville s’il y trouve cinquante justes, sa prière d’intercession commence à descendre vers les abîmes de la miséricorde divine. Abraham — comme nous nous en rappelons — fait progressivement diminuer le nombre des innocents nécessaires pour le salut: s’ils ne sont pas cinquante, quarante cinq pourraient suffire, et ensuite toujours moins, jusqu’à dix, en continuant avec sa supplication, qui devient presque hardie dans son insistance: «Peut-être n’y en aura-t-il que quarante... trente... vingt... dix...» (cf. vv. 29.30.31.32). Et plus le nombre devient petit, plus grande se révèle et se manifeste la miséricorde de Dieu, qui écoute avec patience la prière, l’accueille et répète à chaque supplication: «je pardonnerai... je ne détruirai pas... je ne ferai» (cf. vv. 26.28.29.30.31.32).

Ainsi, par l’intercession d’Abraham, Sodome pourra être sauve, si on n’y trouve ne serait-ce que dix innocents. Telle est la puissance de la prière. Car à travers l’intercession, la prière à Dieu pour le salut des autres, se manifeste et s’exprime le désir de salut que Dieu nourrit toujours envers l’homme pécheur. En effet, le mal ne peut être accepté, il doit être signalé et détruit à travers la punition: la destruction de Sodome avait précisément cette fonction. Mais le Seigneur ne veut pas la mort du méchant, mais qu’il se convertisse et vive (cf. Ez Ez 18,23 Ez 33,11); son désir est toujours celui de pardonner, de sauver, de donner vie, de transformer le mal en bien. Eh bien, c’est précisément ce désir divin qui, dans la prière, devient le désir de l’homme et s’exprime à travers les paroles de l’intercession. Avec sa supplication, Abraham prête sa voix, mais aussi son coeur, à la volonté divine: le désir de Dieu est miséricorde, amour et volonté de salut, et ce désir de Dieu a trouvé en Abraham et dans sa prière la possibilité de se manifester de manière concrète à l’intérieur de l’histoire des hommes, pour être présent là où la grâce est nécessaire. A travers la voix de sa prière, Abraham donne voix au désir de Dieu, qui n’est pas celui de détruire, mais de sauver Sodome, de donner vie au pécheur converti.

C'est ce que veut le Seigneur, et son dialogue avec Abraham est une manifestation prolongée et sans équivoque de son amour miséricordieux. La nécessité de trouver des hommes justes à l’intérieur de la ville devient de moins en moins exigeante et à la fin dix suffiront pour sauver la totalité de la population. Pour quelle raison Abraham s'arrête-t-il à dix, le texte ne le dit pas. Peut-être est-ce un nombre qui indique un noyau communautaire minimum (encore aujourd'hui, dix personnes sont le quorum nécessaire pour la prière publique juive). Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un petit nombre, une petite parcelle de bien à partir de laquelle sauver un grand mal. Mais on ne put pas même trouver dix justes à Sodome et Gomorrhe, et la ville fut détruite. Une destruction dont la nécessité est paradoxalement témoignée précisément par la prière d'intercession d'Abraham. Parce que c'est précisément cette prière qui a révélé la volonté salvifique de Dieu: le Seigneur était disposé à pardonner, il souhaitait le faire, mais les villes étaient enfermées dans un mal totalisant et paralysant, sans même un petit nombre d'innocents desquels partir pour transformer le mal en bien. Parce que c'est précisément ce chemin du salut que demandait lui aussi Abraham: être sauvés ne signifie pas simplement échapper à la punition, mais être libérés du mal qui nous habite. Ce n'est pas le châtiment qu'il faut éliminer, mais le péché, ce refus de Dieu et de l'amour qui porte déjà en lui-même le châtiment. Le prophète Jérémie dira au peuple rebelle: «Que ta méchanceté te châtie et que tes infidélités te punissent! Comprends et vois comme il est mauvais et amer d'abandonner Yahvé ton Dieu» (Jr 2,19). C'est de cette tristesse et de cette amertume que le Seigneur veut sauver l'homme en le libérant du péché. Mais il faut alors une transformation de l'intérieur, quelque point d'appui de bien, un commencement d'où partir pour transformer le mal en bien, la haine en amour, la vengeance en pardon. C'est pourquoi les justes doivent être à l'intérieur de la ville, et Abraham répète sans cesse: «peut-être s'en trouvera-t-il là...». «Là», c'est à l'intérieur de la réalité malade que doit se trouver ce germe de bien qui peut guérir et redonner la vie. C'est une parole qui s'adresse aussi à nous: que dans nos villes se trouve le germe de bien et que nous fassions tout pour qu'il n'y ait pas seulement dix justes pour faire réellement vivre et survivre nos villes et pour nous sauver de cette amertume autour de laquelle il y a l'absence de Dieu. Et dans la réalité malade de Sodome et Gomorrhe ce germe de bien n’existait pas.

Mais la miséricorde de Dieu dans l'histoire de son peuple s'élargit encore davantage. Si pour sauver Sodome il fallait dix justes, le prophète Jérémie dira, au nom du Tout-Puissant, qu'il suffit d'un seul juste pour sauver Jérusalem: «Parcourez les rues de Jérusalem, regardez donc, renseignez-vous, cherchez sur ses places si vous découvrez un homme, un qui pratique le droit, qui recherche la vérité alors je pardonnerai à cette ville» (5, 1). Le nombre a encore diminué, la bonté de Dieu se montre encore plus grande. Et pourtant, cela ne suffit pas encore, la miséricorde surabondante de Dieu ne trouve pas la réponse de bien qu'elle cherche, et Jérusalem tombe sous l'assaut de l'ennemi. Il faudra que Dieu lui-même devienne ce juste. C'est le mystère de l'Incarnation: pour garantir un juste, il se fait homme. Le juste sera toujours là puisque c'est Lui: mais il faut que Dieu lui-même devienne ce juste. L’infini et surprenant amour divin sera pleinement manifesté lorsque le Fils de Dieu se fera homme, le Juste définitif, le parfait Innocent, qui apportera le salut au monde entier en mourant sur la croix, en pardonnant et en intercédant pour ceux qui «ne savent pas ce qu'ils font» (Lc 23,34). Alors la prière de chaque homme trouvera sa réponse, chacune de nos intercessions sera alors pleinement exaucée.

Chers frères et soeurs, que la supplique d'Abraham, notre père dans la foi, nous enseigne à ouvrir toujours davantage notre coeur à la miséricorde surabondante de Dieu, pour que, dans la prière quotidienne, nous sachions désirer le salut de l'humanité et le demander avec persévérance et avec confiance au Seigneur qui est grand dans l'amour. Merci.





Chers frères et soeurs!

Au cours du temps pascal, la liturgie élève des chants au Christ ressuscité d’entre les morts vainqueur de la mort et du péché, vivant et présent dans la vie de l’Eglise et dans les événements du monde. La Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu qui s’est manifesté dans le Christ, Agneau immolé, Bon Pasteur qui donne sa vie pour les siens, s’étend sans cesse jusqu’aux extrémités de la terre et, dans le même temps, se heurte à des refus et des obstacles dans toutes les parties du monde. De la Croix à la Résurrection, aujourd’hui, comme alors.

Mardi 24 mai est le jour consacré à la mémoire liturgique de la Bienheureuse Vierge Marie, Secours des chrétiens, vénérée avec une grande dévotion dans le sanctuaire de Sheshan à Shanghai: toute l’Eglise s’unit en prière avec l’Eglise qui est en Chine. Là, comme ailleurs, le Christ vit sa passion. Tandis qu’augmente le nombre de ceux qui L’accueillent comme leur Seigneur, le Christ est refusé, ignoré, ou persécuté par d’autres: «Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu?» (Ac 9,4). L’Eglise qui est en Chine, en particulier en ce moment, a besoin de la prière de l’Eglise universelle. J’invite, en premier lieu, tous les catholiques chinois à continuer d’intensifier leur prière, en particulier à Marie, Vierge forte. Mais pour tous les catholiques du monde également, prier pour l’Eglise qui est en Chine doit être un devoir: ces fidèles ont droit à notre prière, ils ont besoin de notre prière.

Nous savons des Actes des Apôtres que, lorsque Pierre était en prison, tous ont prié avec force et ont obtenu qu’un ange le libère. Nous aussi, nous faisons de même: nous prions intensément, tous ensemble, pour cette Eglise, dans la confiance que, par la prière, nous pouvons faire quelque chose de très réel pour elle.

Les catholiques chinois, comme ils l’ont dit de nombreuses fois, désirent l’unité avec l’Eglise universelle, avec le Pasteur suprême, avec le Successeur de Pierre. Avec la prière, nous pouvons obtenir pour l’Eglise qui est en Chine de demeurer une, sainte et catholique, fidèle et ferme dans la doctrine et dans la discipline ecclésiale. Elle mérite toute notre affection.

Nous savons que, parmi nos frères évêques, certains souffrent et subissent des pressions dans l’exercice de leur ministère épiscopal. A eux, aux prêtres et à tous les catholiques qui rencontrent des difficultés dans la libre profession de leur foi, nous exprimons notre proximité. A travers notre prière, nous pouvons les aider à trouver la voie pour maintenir la foi vivante, l’espérance forte, la charité ardente envers tous et intègre l’ecclésiologie que nous avons héritée du Seigneur et des Apôtres et qui nous a été transmise avec fidélité jusqu’à nos jours. Par la prière, nous pouvons obtenir que leur désir de demeurer dans l’Eglise une et universelle dépasse la tentation d’un chemin indépendant de Pierre. La prière peut obtenir pour eux et pour nous, la joie et la force d’annoncer et de témoigner, en toute franchise et sans obstacle, de Jésus Christ crucifié et ressuscité, l’Homme nouveau, vainqueur du péché et de la mort.

Avec vous tous, je demande à Marie d’intercéder afin que chacun d’eux se conforme toujours plus étroitement au Christ et se donne avec une générosité toujours nouvelle à ses frères. A Marie, je demande d’illuminer ceux qui sont dans le doute, de rappeler ceux qui sont égarés, de réconforter les affligés, de renforcer ceux qui se sont laissés séduire par l’attrait de l’opportunisme. Que la Vierge Marie, Secours des chrétiens, Notre-Dame de Sheshan, prie pour nous!
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Chers pèlerins de langue française, en particulier les collégiens et les paroissiens présents ainsi que les pèlerins venus de la lointaine Réunion et de Montréal au Canada, je vous invite à vous procurer la Bible, à la lire et à la méditer. Vous expérimentez alors l’infinie bonté et l’inépuisable miséricorde de Dieu envers vous ! Bon pèlerinage à tous !





Place Saint-Pierre

Mercredi 25 mai 2011


Catéchèses Benoît XVI 27411