Catéchèses Benoît XVI 17811

Mercredi 17 août 2011: L'homme en prière (10) La méditation

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Chers frères et soeurs,

Nous sommes encore dans la lumière de la fête de l’Assomption qui — comme je l’ai dit — est une Fête de l’espérance. Marie est arrivée au Paradis et telle est notre destination: nous pouvons tous arriver au Paradis. La question est de savoir comment. Marie y est arrivée; Elle est — nous dit l’Evangile — «Celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur» (
Lc 1,45). Marie a donc cru, elle s’est fiée à Dieu, elle est entrée de sa pleine volonté dans la volonté du Seigneur et ainsi, elle était véritablement sur le chemin tout droit, sur le chemin vers le Paradis. Croire, se confier au Seigneur, entrer dans sa volonté: tel est l’objectif essentiel.

Aujourd’hui, je ne voudrais pas parler de tout ce chemin de la foi, mais uniquement d’un aspect limité de la vie de la prière qui est la vie du contact avec Dieu, c’est-à-dire la méditation. Et que signifie la méditation? Cela signifie «faire mémoire» de ce que Dieu a fait et ne pas oublier ses nombreux bienfaits (cf. Ps 103,2). Souvent, nous ne voyons que les choses négatives; nous devons garder en mémoire également les choses positives, les dons que Dieu nous a faits, être attentifs aux signes positifs qui viennent de Dieu et nous en souvenir. Nous parlons donc d’un type de prière qui, dans la tradition chrétienne, est appelé «oraison mentale». Nous connaissons d’ordinaire l’oraison à travers les paroles, et naturellement, l’esprit et le coeur doivent également être présents dans cette oraison, mais nous parlons aujourd’hui d’une méditation qui n’est pas faite de paroles, mais qui est une prise de contact de notre esprit avec le coeur de Dieu. Et Marie est ici un modèle très réel. L’évangéliste Luc répète plusieurs fois que «quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son coeur» (2, 19; cf. 2, 51b). Gardienne qui n’oublie pas, Elle est attentive à tout ce que le Seigneur lui a dit et fait, et médite, c’est-à-dire qu’elle prend contact avec diverses choses, elle les approfondit dans son coeur.

Celle, donc, qui «a cru» à l’annonce de l’Ange et s’est faite instrument afin que la Parole éternelle du Très-Haut puisse s’incarner, a également accueilli dans son coeur l’admirable prodige de la naissance humaine-divine, elle l’a méditée, elle s’est arrêtée dans sa réflexion sur ce que Dieu était en train d’opérer en Elle, pour accueillir la volonté divine dans sa vie et y répondre. Le mystère de l’incarnation du Fils de Dieu et de la maternité de Marie est si grand qu’il exige un processus d’intériorisation de la part de Marie, qui cherche à en approfondir la compréhension, à en interpréter le sens, à en comprendre les aspects et les implications. Ainsi, jour après jour, dans le silence de la vie ordinaire, Marie a continué de conserver dans son coeur les admirables événements successifs dont elle a été le témoin, jusqu’à l’épreuve extrême de la Croix et la gloire de la Résurrection. Marie a vécu pleinement son existence, ses devoirs quotidiens, sa mission de Mère, mais elle a su maintenir en elle un espace intérieur pour réfléchir sur la parole et sur la volonté de Dieu, sur ce qui avait lieu en Elle, sur les mystères de la vie de son Fils.

A notre époque, nous sommes absorbés par de nombreuses activités et occupations, préoccupations et problèmes; on tend souvent à remplir les espaces de la journée, sans avoir un moment pour s’arrêter et réfléchir et nourrir la vie spirituelle, le contact avec Dieu. Marie nous enseigne qu’il est nécessaire de trouver dans nos journées, avec toutes nos activités, des moments pour nous recueillir en silence et méditer sur ce que le Seigneur veut nous enseigner, sur la façon dont il est présent et agit dans le monde et dans notre vie: être capables de s’arrêter un moment et de méditer. Saint Augustin compare la méditation des mystères de Dieu à l’assimilation de la nourriture et utilise un verbe qui revient dans toute la tradition chrétienne: «ruminer»; c’est-à-dire que les mystères de Dieu doivent constamment résonner en nous-mêmes afin qu’ils deviennent familiers, qu’ils orientent notre vie, qu’ils nous nourrissent comme cela a lieu avec la nourriture nécessaire pour nous alimenter. Et saint Bonaventure, en se référant aux paroles de l’Ecriture Sainte, dit qu’elles «doivent toujours être ruminées pour pouvoir être goûtées en y appliquant ardemment notre esprit» (Coll. In Hex, ed. Quaracchi 1934, p. 218). Méditer signifie donc créer en nous une situation de recueillement, de silence intérieur, pour réfléchir, assimiler les mystères de notre foi et ce que Dieu opère en nous; et pas seulement les choses qui vont et viennent. Nous pouvons «ruminer» de diverses façons, en prenant, par exemple, un bref passage de l’Ecriture Sainte, en particulier les Evangiles, les Actes des Apôtres, les Lettres des apôtres, ou encore une page d’un auteur de spiritualité qui nous rapproche des réalités de Dieu, et les rend plus présentes de nos jours, en se faisant éventuellement conseiller par un confesseur ou par un directeur spirituel, lire et réfléchir sur ce que l’on a lu, en s’y arrêtant, en nous efforçant de le comprendre, de comprendre ce que cela nous dit, ce que cela dit aujourd’hui, d’ouvrir notre âme à ce que le Seigneur veut nous dire et nous enseigner. Le chapelet est lui aussi une prière de méditation: en répétant le Je vous salue Marie, nous sommes invités à repenser et à réfléchir sur le Mystère que nous avons proclamé. Mais nous pouvons également nous arrêter sur une expérience spirituelle intense, sur des paroles qui nous ont marqués en participant à l’Eucharistie du dimanche. Vous voyez donc qu’il existe de nombreuses façons de méditer et ainsi, de prendre contact avec Dieu, de nous approcher de Dieu et, de cette façon, d’être en chemin vers le Paradis.

Chers amis, la constance de donner du temps à Dieu est un élément fondamental pour la croissance spirituelle; ce sera le Seigneur lui-même qui nous donnera le goût de ses mystères, de ses paroles, de sa présence et de son action, de sentir comme cela est beau lorsque Dieu parle avec nous; cela nous fera comprendre de façon plus profonde ce qu’il attend de nous. A la fin, tel est précisément l’objectif de la méditation: nous remettre toujours plus entre les mains de Dieu, avec confiance et amour, certains que ce n’est qu’en faisant sa volonté que nous sommes à la fin véritablement heureux.
* * *


Chers amis francophones, je vous accueille avec joie. Je salue particulièrement les pèlerins venus du Burkina Faso. Bienvenue! Je vous invite à confier votre pèlerinage à la Vierge Marie dont nous venons de célébrer l’Assomption auprès de son Fils. Que Dieu vous bénisse tous!



Castel Gandolfo

Mercredi 24 août 2011: Voyage apostolique à Madrid

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Chers frères et soeurs,

Je voudrais aujourd’hui revenir brièvement en pensée et avec le coeur aux journées extraordinaires passées à Madrid pour la XXVIe Journée mondiale de la jeunesse. Cela a été, et vous le savez, un événement ecclésial émouvant; environ deux millions de jeunes de tous les continents ont vécu, avec joie, une formidable expérience de fraternité, de rencontre avec le Seigneur, de partage et de croissance dans la foi: une véritable cascade de lumière. Je rends grâce à Dieu pour ce don précieux, qui donne espoir pour l’avenir de l’Eglise: des jeunes animés du désir ferme et sincère d’enraciner leur vie dans le Christ, de rester solides dans la foi, de marcher ensemble dans l’Eglise. J’adresse mes remerciements à ceux qui ont travaillé généreusement pour cette Journée: le cardinal-archevêque de Madrid, ses auxiliaires, les autres évêques d’Espagne et d’autres parties du monde, le Conseil pontifical pour les laïcs, les prêtres, les religieux et les religieuses, les laïcs. Je renouvelle ma reconnaissance aux autorités espagnoles, aux institutions et associations, aux volontaires et à ceux qui ont offert le soutien de leur prière. Je ne peux pas oublier l’accueil chaleureux que j’ai reçu de leurs Majestés le roi et la reine d’Espagne, ainsi que de tout le pays.

Je ne peux naturellement pas décrire en quelques mots les moments si intenses que nous avons vécus. J’ai à l’esprit l’enthousiasme irrépressible avec lequel les jeunes m’ont reçu, le premier jour, sur la place de Cibeles, leurs paroles riches d’attentes, leur profond désir de s’orienter vers la vérité la plus profonde et de s’enraciner en elle, cette vérité que Dieu nous a donné de connaître dans le Christ. Dans l’imposant monastère de l’Escurial, riche d’histoire, de spiritualité et de culture, j’ai rencontré les jeunes religieuses et les jeunes professeurs universitaires. Aux premières, aux jeunes religieuses, j’ai rappelé la beauté de leur vocation vécue avec fidélité, et l’importance de leur service apostolique et de leur témoignage prophétique. Je conserve en moi l’image de leur enthousiasme, d’une foi jeune et pleine de courage pour l’avenir, de volonté de servir ainsi l’humanité. J’ai rappelé aux professeurs qu’ils sont les véritables formateurs des nouvelles générations, en les guidant dans la recherche de la vérité non seulement avec les mots, mais aussi avec la vie, conscients que la Vérité est le Christ lui-même. En rencontrant le Christ, nous rencontrons la vérité. Le soir, pendant la célébration de la Via Crucis, une multitude variée de jeunes a revécu avec une intense participation les scènes de la passion et de la mort du Christ: la croix du Christ donne beaucoup plus que ce qu’elle exige, elle donne tout, car elle nous conduit à Dieu.

Le jour suivant a eu lieu la Messe dans la cathédrale de la Almudena, à Madrid, avec les séminaristes: des jeunes qui veulent s’enraciner dans le Christ pour le rendre présent demain, en étant ses ministres. Je souhaite que les vocations au sacerdoce augmentent! Parmi les personnes présentes, plus d’une avait entendu l’appel du Seigneur précisément pendant les précédentes journées de la jeunesse; je suis certain qu’à Madrid aussi, le Seigneur a frappé à la porte du coeur de nombreux jeunes pour qu’ils le suivent avec générosité dans le ministère sacerdotal ou dans la vie religieuse. La visite à un centre pour les jeunes porteurs de handicap m’a fait voir le grand respect et l’amour que l’on nourrit envers chaque personne et m’a donné l’occasion de remercier les milliers de volontaires qui témoignent silencieusement de l’Evangile de la charité et de la vie. La Veillée de prière, le soir, et la grande célébration eucharistique de conclusion du lendemain ont été deux moments très intenses: le soir, une multitude de jeunes en fête, qui n’a pas du tout reculé devant la pluie et le vent, est restée en adoration silencieuse devant le Christ présent dans l’Eucharistie, pour le louer, lui rendre grâce, lui demander aide et lumière; et ensuite, le dimanche, les jeunes ont manifesté leur exubérance et leur joie de célébrer le Seigneur dans la Parole et dans l’Eucharistie, pour s’insérer toujours plus en Lui et renforcer leur foi et leur vie chrétienne. A la fin, c’est dans un climat d’enthousiasme que j’ai rencontré les volontaires que j’ai remerciés de leur générosité puis, lors de la cérémonie de congé, j’ai quitté le pays en emportant dans mon coeur ces journées comme un grand don.

Chers amis, la rencontre de Madrid a été une merveilleuse manifestation de foi pour l’Espagne et pour le monde avant tout. Pour la multitude de jeunes provenant de tous les lieux de la terre, cela a été une occasion particulière pour réfléchir, dialoguer, échanger des expériences positives et, surtout, prier ensemble et renouveler l’engagement d’enraciner sa propre vie dans le Christ, Ami fidèle. Je suis certain qu’ils sont rentrés chez eux et qu’ils rentrent avec la ferme intention d’être le levain dans la pâte, en apportant l’espérance qui naît de la foi. Pour ma part, je continue à les accompagner par la prière, afin qu’ils demeurent fidèles aux engagements pris. Je confie les fruits de cette Journée à l’intercession maternelle de Marie.

Et à présent, je désire annoncer les thèmes des prochaines Journées mondiales de la jeunesse. Celle de l’année prochaine, qui se tiendra dans les diocèses, aura pour devise: «Soyez toujours dans la joie du Seigneur!», tirée de la Lettre aux Philippiens (4, 4) ; alors que pour la Journée mondiale de la jeunesse de 2013 à Rio de Janeiro, la devise sera le mandat de Jésus: «Allez! De toutes les nations faites des disciples» (cf.
Mt 28,19). Dès à présent, je confie à la prière de tous la préparation de ces rendez-vous très importants. Merci.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française! Au cours de mon voyage apostolique à Madrid, j’ai rencontré avec joie et espérance des centaines de milliers de jeunes venus du monde entier. J’ai fait l’expérience de leur enthousiasme et de leur désir de s’orienter vers la vérité la plus profonde, celle que Dieu nous a donné de connaître dans le Christ. Puissent tous ces jeunes demeurer fidèles à leur engagement d’enraciner leur vie en lui! Bon pèlerinage à tous!

A l’issue de l’audience dans la cour interne du palais d’été, le Saint-Père s’est rendu sur la loggia qui s’ouvre sur la place centrale de Castel Gandolfo. Il a adressé quelques mots aux personnes présentes:

Chers amis, bonjour!

Je vous souhaite une bonne journée, de la joie, de bonnes vacances et une bonne reprise du travail. Que le Seigneur soit toujours avec vous et que vous puissiez sentir sa présence et la lumière qui vient de la foi. A tous j’adresse mes meilleurs voeux! Que le Seigneur vous bénisse toujours! Avec ma Bénédiction apostolique!



Castel Gandolfo

Mercredi 31 août 2011

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Chers frères et soeurs,

Ces derniers temps, j’ai rappelé à plusieurs reprises la nécessité pour chaque chrétien de trouver du temps pour Dieu, pour la prière, parmi les nombreuses préoccupations qui remplissent nos journées. Le Seigneur lui-même nous offre de nombreuses occasions pour que nous nous souvenions de Lui. Aujourd’hui, je voudrais m’arrêter brièvement sur l’une des voies qui peuvent nous conduire à Dieu et nous aider également à le rencontrer: c’est la voie des expressions artistiques, qui font partie de la via pulchritudinis — «voie de la beauté» — dont j’ai parlé à plusieurs reprises et dont l’homme d’aujourd’hui devrait retrouver la signification la plus profonde.

Il vous est sans doute parfois arrivé, devant une sculpture ou un tableau, les vers d’une poésie ou en écoutant un morceau de musique, d’éprouver une émotion intime, un sentiment de joie, c’est-à-dire de ressentir clairement qu’en face de vous, il n’y avait pas seulement une matière, un morceau de marbre ou de bronze, une toile peinte, un ensemble de lettres ou un ensemble de sons, mais quelque chose de plus grand, quelque chose qui «parle», capable de toucher le coeur, de communiquer un message, d’élever l’âme. Une oeuvre d’art est le fruit de la capacité créative de l’être humain, qui s’interroge devant la réalité visible, s’efforce d’en découvrir le sens profond et de le communiquer à travers le langage des formes, des couleurs, des sons. L’art est capable d’exprimer et de rendre visible le besoin de l’homme d’aller au-delà de ce qui se voit, il manifeste la soif et la recherche de l’infini. Bien plus, il est comme une porte ouverte vers l’infini, vers une beauté et une vérité qui vont au-delà du quotidien. Et une oeuvre d’art peut ouvrir les yeux de l’esprit et du coeur, en nous élevant vers le haut.

Mais il existe des expressions artistiques qui sont de véritables chemins vers Dieu, la Beauté suprême, et qui aident même à croître dans notre relation avec Lui, dans la prière. Il s’agit des oeuvres qui naissent de la foi et qui expriment la foi. Nous pouvons en voir un exemple lorsque nous visitons une cathédrale gothique: nous sommes saisis par les lignes verticales qui s’élèvent vers le ciel et qui attirent notre regard et notre esprit vers le haut, tandis que, dans le même temps, nous nous sentons petits, et pourtant avides de plénitude... Ou lorsque nous entrons dans une église romane: nous sommes invités de façon spontanée au recueillement et à la prière. Nous percevons que dans ces splendides édifices, est comme contenue la foi de générations entières. Ou encore, lorsque nous écoutons un morceau de musique sacrée qui fait vibrer les cordes de notre coeur, notre âme est comme dilatée et s’adresse plus facilement à Dieu. Il me revient à l’esprit un concert de musiques de Jean Sébastien Bach, à Munich, dirigé par Leonard Berstein. Au terme du dernier morceau, l’une des Cantate, je ressentis, non pas de façon raisonnée, mais au plus profond de mon coeur, que ce que j’avais écouté m’avait transmis la vérité, la vérité du suprême compositeur, et me poussait à rendre grâce à Dieu. A côté de moi se tenait l’évêque luthérien de Munich et, spontanément, je lui dis: «En écoutant cela, on comprend que c’est vrai; une foi aussi forte est vraie, de même que la beauté qui exprime de façon irrésistible la présence de la vérité de Dieu. Mais combien de fois des tableaux ou des fresques, fruit de la foi de l’artiste, dans leurs formes, dans leurs couleurs, dans leur lumière, nous poussent à tourner notre pensée vers Dieu et font croître en nous le désir de puiser à la source de toute beauté. Ce qu’a écrit un grand artiste, Marc Chagall, demeure profondément vrai, à savoir que pendant des siècles, les peintres ont trempé leur pinceau dans l’alphabet coloré qu’est la Bible. Combien de fois, alors, les expressions artistiques peuvent être des occasions de nous rappeler de Dieu, pour aider notre prière ou encore la conversion du coeur! Paul Claudel, célèbre poète, dramaturge et diplomate français, ressentit la présence de Dieu dans la Basilique Notre-Dame de Paris, en 1886, précisément en écoutant le chant du Magnificat lors de la Messe de Noël. Il n’était pas entré dans l’église poussé par la foi, il y était entré précisément pour chercher des arguments contre les chrétiens, et au lieu de cela, la grâce de Dieu agit dans son coeur.

Chers amis, je vous invite à redécouvrir l’importance de cette voie également pour la prière, pour notre relation vivante avec Dieu. Les villes et les pays dans le monde entier abritent des trésors d’art qui expriment la foi et nous rappellent notre relation avec Dieu. Que la visite aux lieux d’art ne soit alors pas uniquement une occasion d’enrichissement culturel — elle l’est aussi — mais qu’elle puisse devenir surtout un moment de grâce, d’encouragement pour renforcer notre lien et notre dialogue avec le Seigneur, pour nous arrêter et contempler — dans le passage de la simple réalité extérieure à la réalité plus profonde qu’elle exprime — le rayon de beauté qui nous touche, qui nous «blesse» presque au plus profond de notre être et nous invite à nous élever vers Dieu. Je finis par une prière d’un Psaume, le psaume 27: «Une chose qu'au Seigneur je demande, la chose que je cherche, c'est d'habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, de savourer la douceur du Seigneur, de rechercher son palais» (v. 4). Espérons que le Seigneur nous aide à contempler sa beauté, que ce soit dans la nature ou dans les oeuvres d’art, de façon à être touchés par la lumière de son visage, afin que nous aussi, nous puissions être lumières pour notre prochain. Merci.

***

Je vous accueille avec joie, chers pèlerins de langue française! Parmi les trésors artistiques que vous êtes amenés à contempler au cours de vos visites, nombreux sont ceux qui expriment la foi et appellent à la relation avec Dieu. Que ces visites ne soient pas seulement l’occasion d’un enrichissement culturel, mais qu’elles deviennent aussi moments de grâce! Qu’elles vous aident à renforcer votre relation et votre dialogue avec le Seigneur et vous conduisent à contempler un rayon de la beauté divine! Que Dieu vous bénisse!



Place Saint-Pierre

Mercredi 7 septembre 2011

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Chers frères et soeurs,

Nous reprenons aujourd’hui les audiences place Saint-Pierre et, à l’«école de la prière» que nous vivons ensemble en ces catéchèses du mercredi, je voudrais commencer à méditer sur certains psaumes qui, comme je le disais au mois de juin dernier, forment le «livre de prière» par excellence. Le premier Psaume sur lequel je m’arrête est un Psaume de lamentation et de supplication empreint d’une profonde confiance, dans lequel la certitude de la présence de Dieu fonde la prière qui jaillit d’une situation de difficulté extrême dans laquelle se trouve l’orant. Il s’agit du psaume 3, rapporté par la tradition juive à David au moment où il fuit son fils Absalom (cf. v. 1): il s’agit de l’un des épisodes les plus dramatiques et douloureux de la vie du roi, lorsque son fils usurpe son trône royal et le contraint à quitter Jérusalem pour sauver sa vie (cf. 2 S 15sq). La situation de danger et d’angoisse ressentie par David est donc l’arrière-plan de cette prière et aide à la comprendre, en se présentant comme la situation typique dans laquelle un tel Psaume peut être récité. Dans le cri du Psalmiste, chaque homme peut reconnaître ces sentiments de douleur, d’amertume et dans le même temps de confiance en Dieu qui, selon le récit biblique, avaient accompagné la fuite de David de sa ville.

Le Psaume commence par une invocation au Seigneur: «Seigneur, qu’ils sont nombreux mes oppresseurs, nombreux ceux qui se lèvent contre moi, nombreux ceux qui disent de mon âme: “Point de salut pour elle en son Dieu!”» (vv. 2-3).

La description que fait l’orant de sa situation est donc marquée par des tons fortement dramatiques. Par trois fois, on répète l’idée de multitude — «nombreux» — qui, dans le texte original, est exprimée à travers la même racine hébraïque, de façon à souligner encore plus l’immensité du danger, de façon répétitive, presque martelante. Cette insistance sur le nombre et la multitude des ennemis sert à exprimer la perception, de la part du Psalmiste, de la disproportion absolue qui existe entre lui et ses persécuteurs, une disproportion qui justifie et fonde l’urgence de sa demande d’aide: les oppresseurs sont nombreux, ils prennent le dessus, tandis que l’orant est seul et sans défense, à la merci de ses agresseurs. Et pourtant, le premier mot que le Psalmiste prononce est: «Seigneur»; son cri commence par l’invocation à Dieu. Une multitude s’approche et s’insurge contre lui, engendrant une peur qu’amplifie la menace, la faisant apparaître encore plus grande et terrifiante; mais l’orant ne se laisse pas vaincre par cette vision de mort, il maintient fermement sa relation avec le Dieu de la vie et s’adresse tout d’abord à Lui pour rechercher de l’aide. Mais les ennemis tentent également de briser ce lien avec Dieu et de briser la foi de leur victime. Ils insinuent que le Seigneur ne peut intervenir, et affirment que pas même Dieu ne peut le sauver. L’agression n’est donc pas seulement physique, mais touche la dimension spirituelle: «Le Seigneur ne peut le sauver» — disent-ils, — le noyau central de l’âme du Psalmiste doit être frappé. C’est l’extrême tentation à laquelle le croyant est soumis, c’est la tentation de perdre la foi, la confiance dans la proximité de Dieu. Le juste surmonte la dernière épreuve, reste ferme dans la foi et dans la certitude de la vérité et dans la pleine confiance en Dieu, et précisément ainsi, trouve la vie et la vérité. Il me semble qu’ici, le Psaume nous touche très personnellement: dans de nombreux problèmes, nous sommes tentés de penser que sans doute, même Dieu ne me sauve pas, ne me connaît pas, n’en a peut-être pas la possibilité; la tentation contre la foi est l’ultime agression de l’ennemi, et c’est à cela que nous devons résister, ainsi nous trouvons Dieu et nous trouvons la vie.

L’orant de notre Psaume est donc appelé à répondre par la foi aux attaques des impies: les ennemis — comme je l’ai dit — nient que Dieu puisse l’aider, et lui, en revanche, l’invoque, l’appelle par son nom, «Seigneur», et ensuite s’adresse à Lui en un tutoiement emphatique, qui exprime un rapport stable, solide, et qui contient en soi la certitude de la réponse divine: «Mais toi, Seigneur, mon bouclier, ma gloire tu tiens haute ma tête. A pleine voix je crie vers le Seigneur; il me répond de sa montagne sainte» (vv. 4-5).

La vision des ennemis disparaît à présent, ils n’ont pas vaincu car celui qui croit en Dieu est sûr que Dieu est son ami: il reste seulement le «Tu» de Dieu; aux «nombreux» s’oppose à présent une seule personne, mais beaucoup plus grande et puissante que beaucoup d’adversaires. Le Seigneur est aide, défense, salut; comme un bouclier, il protège celui qui se confie à Lui, et il lui fait relever la tête, dans le geste de triomphe et de victoire. L’homme n’est plus seul, ses ennemis ne sont pas imbattables comme ils semblaient, car le Seigneur écoute le cri de l’opprimé et répond du lieu de sa présence, de sa montagne sainte. L’homme crie, dans l’angoisse, dans le danger, dans la douleur; l’homme demande de l’aide, et Dieu répond. Ce mélange du cri humain et de la réponse divine est la dialectique de la prière et la clef de lecture de toute l’histoire du salut. Le cri exprime le besoin d’aide et fait appel à la fidélité de l’autre; crier signifie poser un geste de foi dans la proximité et dans la disponibilité à l’écoute de Dieu. La prière exprime la certitude d’une présence divine déjà éprouvée et à laquelle on croit, qui dans la réponse salvifique de Dieu se manifeste en plénitude. Cela est important: que dans notre prière soit importante, présente, la certitude de la présence de Dieu. Ainsi, le Psalmiste, qui se sent assiégé par la mort, confesse sa foi dans le Dieu de la vie qui, comme un bouclier, l’enveloppe d’une protection invulnérable; celui qui pensait être désormais perdu peut relever la tête, car le Seigneur le sauve; l’orant, menacé et raillé, est dans la gloire, car Dieu est sa gloire.

La réponse divine qui accueille la prière donne au Psalmiste une sécurité totale; la peur aussi est finie, et le cri s’apaise dans la paix, dans une profonde tranquillité intérieure: «Et moi, je me couche et je dors; je m’éveille: le Seigneur est mon soutien. Je ne crains pas ce peuple nombreux qui me cerne et s’avance contre moi» (vv. 6-7).

L’orant, bien qu’au milieu du danger et de la bataille, peut s’endormir tranquille, dans une attitude sans équivoque d’abandon confiant. Autour de lui, ses adversaires montent leurs campements, l’assiègent, ils sont nombreux, ils se dressent contre lui, se moquent de lui et tentent de le faire tomber, mais lui en revanche se couche et dort tranquille et serein, certain de la présence de Dieu. Et à son réveil, il trouve encore Dieu à côté de lui, comme un gardien qui ne dort pas (cf.
Ps 121,3-4), qui le soutient, le tient par la main, ne l’abandonne jamais. La peur de la mort est vaincue par la présence de Celui qui ne meurt pas. Et précisément la nuit, peuplée de craintes ataviques, la nuit douloureuse de la solitude et de l’attente angoissée, se transforme à présent: ce qui évoque la mort devient présence de l’Eternel.

A l’aspect visible de l’assaut ennemi, massif, imposant, s’oppose l’invisible présence de Dieu, avec toute son invincible puissance. Et c’est à Lui que de nouveau le Psalmiste, après ses expressions de confiance, adresse sa prière: «Lève-toi, Seigneur! Sauve-moi, mon Dieu!» (v. 8a). Les agresseurs «se levaient» (cf. v. 2) contre leur victime. En revanche, celui qui «se lèvera», c’est le Seigneur, et il les abattra. Dieu le sauvera, en répondant à son cri. C’est pourquoi le Psaume se conclut avec la vision de la libération du danger qui tue et de la tentation qui peut faire périr. Après la demande adressée au Seigneur de se lever pour le sauver, l’orant décrit la victoire divine: les ennemis qui, avec leur injuste et cruelle oppression, sont le symbole de tout ce qui s’oppose à Dieu et à son plan de salut, sont vaincus. Frappés à la bouche, ils ne pourront plus agresser avec leur violence destructrice et ils ne pourront plus insinuer le mal du doute dans la présence et dans l’action de Dieu: leur parole insensée et blasphème sera définitivement démentie et réduite au silence par l’intervention salvifique du Seigneur (cf. v. 8bc). Ainsi, le Psalmiste peut conclure sa prière avec une phrase aux connotations liturgiques qui célèbre, dans la gratitude et dans la louange, le Dieu de la vie: «Du Seigneur, le salut! Sur ton peuple, ta bénédiction!» (v. 9).

Chers frères et soeurs, le Psaume 3 nous a présenté une supplique pleine de confiance et de réconfort. En priant ce Psaume, nous pouvons faire nôtres les sentiments du Psalmiste, figure du juste persécuté qui trouve en Jésus son accomplissement. Dans la douleur, dans le danger, dans l’amertume de l’incompréhension et de l’offense, les paroles du Psaume ouvrent notre coeur à la certitude réconfortante de la foi. Dieu est toujours proche — même dans les difficultés, dans les problèmes, dans les ténèbres de la vie — il écoute, il répond et il sauve à sa façon. Mais il faut savoir reconnaître sa présence et accepter ses voies, comme David dans sa fugue humiliante de son fils Absalom, comme le juste persécuté dans le Livre de la Sagesse et, en dernier et jusqu’au bout, comme le Seigneur Jésus sur le Golgotha. Et lorsque, aux yeux des impies, Dieu semble ne pas intervenir et que le Fils meurt, c’est précisément alors que se manifeste, pour tous les croyants, la vraie gloire et la réalisation définitive du salut. Que le Seigneur nous donne foi, qu’il vienne en aide à notre faiblesse et qu’il nous rende capable de croire et de prier à chaque angoisse, dans les nuits douloureuses du doute et dans les longs jours de douleur, en nous abandonnant avec confiance à Lui, qui est notre «bouclier» et notre «gloire». Merci.
* * *


Je suis heureux d’accueillir les personnes de langue française, particulièrement les soeurs de Saint-Paul de Chartres et les pèlerins du Sénégal, conduits par Mgr Benjamin Ndiaye, Évêque de Kaolack. Que votre pèlerinage à Rome soit un temps privilégié pour reconnaître la présence de Dieu dans vos vies et marcher avec confiance sur ses chemins. Avec ma Bénédiction apostolique !



Salle Paul VI

Mercredi 14 septembre 2011

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Chers frères et soeurs,

dans la catéchèse d’aujourd’hui, je voudrais aborder un psaume aux fortes implications christologiques, qui revient continuellement dans les récits de la passion de Jésus, avec sa double dimension d’humiliation et de gloire, de mort et de vie. Il s’agit du psaume 22, selon la tradition juive, ou 21 selon la tradition gréco- latine, une prière implorante et touchante, d’une densité humaine et d’une richesse théologique qui en font l’un des Psaumes les plus appréciés et les plus étudiés de tout le Psautier. Il s’agit d’une longue composition poétique, et nous nous arrêterons en particulier sur sa première partie, centrée sur la lamentation, pour approfondir certaines dimensions significatives de la prière de supplication à Dieu.

Ce Psaume présente la figure d’un innocent persécuté et entouré d’adversaires qui veulent sa mort; et il a recours à Dieu dans une lamentation douloureuse qui, dans la certitude de la foi, s’ouvre mystérieusement à la louange. Dans sa prière, la réalité angoissante du présent et la mémoire réconfortante du passé s’alternent, dans une douloureuse prise de conscience de sa situation désespérée qui toutefois, ne veut pas renoncer à l’espérance. Son cri initial est un appel adressé à un Dieu qui apparaît loin, qui ne répond pas et qui semble l’avoir abandonné:

«Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? Loin de me sauver, les paroles que je rugis! Mon Dieu, le jour j’appelle et tu ne réponds pas, la nuit, point de silence pour moi» (vv. 2-3).

Dieu se tait, et ce silence déchire l’âme de l’orant, qui appelle sans cesse, mais sans trouver de réponse. Les jours et les nuits se succèdent, dans la recherche inlassable d’une parole, d’une aide qui ne vient pas; Dieu semble si distant, si distrait, si absent. La prière demande une écoute et une réponse, sollicite un contact, cherche une relation qui puisse apporter réconfort et salut. Mais si Dieu ne répond pas, l’appel à l’aide se perd dans le vide et la solitude devient insupportable. Et pourtant, l’orant de notre Psaume, dans son cri, appelle par trois fois le Seigneur «mon» Dieu, dans un acte extrême de confiance et de foi. En dépit de toutes les apparences, le Psalmiste ne peut croire que le lien avec le Seigneur se soit totalement interrompu; et tandis qu’il demande la raison d’un présumé abandon incompréhensible, il affirme que «son» Dieu ne peut l’abandonner.

Comme on le sait, le cri initial du Psaume: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» est reporté par les Evangiles de Matthieu et de Marc comme le cri lancé par Jésus mourant sur la croix (cf.
Mt 27,46 Mc 15,34). Celui-ci exprime toute la désolation du Messie, Fils de Dieu, qui affronte le drame de la mort, une réalité totalement opposée au Seigneur de la vie. Abandonné quasiment par tous les siens, trahi et renié par ses disciples, encerclé par ceux qui l’insultent, Jésus se retrouve sous le poids écrasant d’une mission qui doit passer par l’humiliation et l’anéantissement. C’est pourquoi il crie vers le Père, et sa souffrance est exprimée par les paroles douloureuses du psaume. Mais son cri n’est pas un cri désespéré, de même que ne l’était pas celui du Psalmiste, qui dans sa supplication, parcourt un chemin tourmenté qui débouche toutefois à la fin sur une perspective de louange, dans la confiance de la victoire divine. Etant donné que selon l’usage juif, citer le début d’un Psaume impliquait une référence au poème tout entier, la prière déchirante de Jésus, tout en maintenant sa charge d’indicible souffrance, s’ouvre à la certitude de la gloire. «Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire?», dira le Ressuscité aux disciples d’Emmaüs (Lc 24,26). Dans sa passion, en obéissance au Père, le Seigneur Jésus traverse l’abandon et la mort pour arriver à la vie et la donner à tous les croyants.

A ce cri initial de supplication, dans notre Psaume 22, fait suite, dans un contraste douloureux, le souvenir du passé:

«En toi nos pères avaient confiance, confiance, et tu les délivrais, vers toi ils criaient, et ils échappaient, en toi leur confiance, et ils n’avaient pas honte» (vv. Ps 22,5-6).

Ce Dieu qui aujourd’hui, apparaît si éloigné au Psalmiste, est toutefois le Seigneur miséricordieux qu’Israël a toujours connu dans son histoire. Le peuple auquel l’orant appartient a été objet de l’amour de Dieu et peut témoigner de sa fidélité. En commençant par les patriarches, puis en Egypte et dans le long pèlerinage dans le désert, dans le séjour en terre promise au contact de populations agressives et ennemies, jusqu’à l’obscurité de l’exil, toute l’histoire biblique a été une histoire de cri et d’appels à l’aide de la part du peuple, et de réponses salvifiques de la part de Dieu. Et le Psalmiste fait référence à la foi inébranlable de ses pères qui eurent «confiance» — ce mot est répété trois fois — sans jamais être déçus. A présent toutefois, il semble que cette chaîne d’invocations confiantes et de réponses divines se soit interrompue; la situation du Psalmiste semble nier toute l’histoire du salut, rendant encore plus douloureuse la réalité présente.

Mais Dieu ne peut pas se contredire et voilà que la prière décrit à nouveau la situation difficile de l’orant, pour induire le Seigneur à avoir pitié et intervenir, comme il l’avait toujours fait par le passé. Le Psalmiste se définit «ver et non pas homme, risée des gens, mépris du peuple» (v. 7), il est moqué, bafoué (cf. v. 8) et blessé dans sa foi: «Il s’est remis au Seigneur, qu’il le délivre! qu’il le libère, puisqu’il est son ami!» (v. 9), disent-ils. Sous les coups goguenards de l’ironie et du mépris, il semble presque que le persécuté perde ses traits humains, comme le Serviteur souffrant représenté dans le Livre d’Isaïe (cf. Is Is 52,14 Is 53,2-3). Et comme le juste opprimé du Livre de la Sagesse (cf. 2, 12-20), comme Jésus sur le Calvaire (cf. Mt 27,39-43), le Psalmiste voit remis en question son rapport avec son Seigneur, dans l’insistance cruelle et sarcastique de ce qui le fait souffrir: le silence de Dieu, son apparente absence. Pourtant Dieu a été présent dans l’existence de l’orant à travers une proximité et une tendresse incontestables. Le Psalmiste le rappelle au Seigneur: «C’est toi qui m’as tiré du ventre, ma confiance près des mamelles de ma mère; sur toi je fus jeté au sortir des entrailles» (vv. 10-11a). Le Seigneur est le Dieu de la vie, qui fait naître et accueille le nouveau-né et en prend soin avec l’affection d’un père. Et si auparavant, il avait été fait mémoire de la fidélité de Dieu dans l’histoire du peuple, à présent, l’orant réévoque sa propre histoire personnelle de rapport avec le Seigneur, en remontant au moment particulièrement significatif du début de sa vie. Et là, malgré la désolation du présent, le Psalmiste reconnaît une proximité et un amour divins si radicaux qu’il peut dès lors s’exclamer, en une confession pleine de foi et source d’espérance: «Dès le ventre de ma mère, mon Dieu c’est toi» (v. 11b).

La plainte devient à présent une supplique véhémente: «Ne sois pas loin: proche est l’angoisse, point de secours!» (v. 12). La seule proximité que le Psalmiste perçoit et qui l’effraie est celle des ennemis. Il est donc nécessaire que Dieu se fasse proche et le secoure, parce que les ennemis entourent l’orant, ils l’encerclent, et ils sont comme de puissants taureaux, comme des lions qui sortent leurs griffes pour rugir et déchiqueter (cf. vv. 13-14). L’angoisse altère la perception du danger, en l’agrandissant. Les adversaires apparaissent invincibles, ils sont devenus des animaux féroces et très dangereux, tandis que le Psalmiste est comme un petit ver, impuissant, sans aucune défense. Mais ces images utilisées dans le Psaume servent aussi à dire que lorsque l’homme devient brutal et agresse son frère, quelque chose d’animal s’empare de lui, il semble perdre toute apparence humaine; la violence a toujours en soi quelque chose de bestial et seule l’intervention salvifique de Dieu peut rendre l’homme à son humanité. A présent, pour le Psalmiste, objet d’une si féroce agression, il semble ne plus y avoir d’issue, et la mort commence à s’emparer de lui: «Comme l’eau je m’écoule et tous mes os se disloquent […] mon palais est sec comme un tesson, et ma langue collée à ma mâchoire […] ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement» (vv. 15.16.19). Avec des images dramatiques, que nous retrouvons dans les récits de la passion du Christ, est décrite la désagrégation du corps du condamné, la soif insupportable qui tourmente le mourant et qui trouve un écho dans la demande de Jésus «J’ai soif» (cf. Jn 19,28), pour arriver au geste définitif des bourreaux qui, comme les soldats sous la croix, se partagent les vêtements de la victime, considérée comme déjà morte (cf Mt 27,35 Mc 15,24 Lc 23,34 Jn 19,23-24).

Voilà alors, pressant, à nouveau l’appel au secours: «Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin, ô ma force, vite à mon aide […] Sauve-moi» (vv. 20.22a). C’est un cri qui entrouvre les cieux, parce qu’il proclame une foi, une certitude qui va au-delà de tout doute, de toute obscurité et de toute désolation. Et la plainte se transforme, laisse la place à la louange dans l’accueil du salut: «J’annoncerai ton nom à mes frères, en pleine assemblée je te louerai» (vv. 22c-23). Ainsi, le psaume s’ouvre à l’action de grâce, au grand hymne final qui implique tout le peuple, les fidèles du Seigneur, l’assemblée liturgique, les générations futures (cf. vv. 24-32). Le Seigneur est accouru à l’aide, il a sauvé le pauvre et lui a montré son visage de miséricorde. Mort et vie se sont croisées en un mystère inséparable, et la vie a triomphé, le Dieu du salut s’est montré le Seigneur incontesté, que tous les confins de la terre célébreront et devant lequel toutes les familles des peuples se prosterneront. C’est la victoire de la foi, qui peut transformer la mort en don de la vie, l’abîme de la douleur en source d’espérance.

Très chers frères et soeurs, ce Psaume nous a conduit sur le Golgotha, au pied de la croix de Jésus, pour revivre sa passion et partager la joie féconde de la résurrection. Laissons-nous donc envahir par la lumière du mystère pascal même dans l’apparente absence de Dieu, même dans le silence de Dieu et, comme les disciples d’Emmaüs, apprenons à discerner la vraie réalité au-delà des apparences, en reconnaissant le chemin de l’exaltation précisément dans l’humiliation, et la pleine manifestation de la vie dans la mort, dans la croix. Ainsi, en plaçant toute notre confiance et notre espérance en Dieu le Père, lors de toute angoisse, nous pourrons le prier nous aussi avec foi, et notre cri de demande d’aide se transformera en chant de louange. Merci.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins francophones, particulièrement les groupes de Dijon, de Saint-Pazanne, et de Corte-Ajaccio, et les pèlerins venus de Belgique. Quand nous traversons l’épreuve, n’oublions pas de nous confier à Jésus qui a connu l’angoisse et la souffrance. Appuyons-nous sur la foi des autres et sur la foi de l’Eglise qui témoignent de la fidélité de Dieu ! Je vous bénis de grand coeur.



Place Saint-Pierre

Mercredi 28 septembre 2011: Voyage Apostolique en Allemagne


Catéchèses Benoît XVI 17811