Catéchèses Benoît XVI 9512

Mercredi 9 mai 2012

9512

Chers frères et soeurs,

Je voudrais m’arrêter aujourd’hui sur le dernier épisode de la vie de saint Pierre rapporté dans les Actes des Apôtres : son emprisonnement par la volonté d’Hérode Agrippa et sa libération après l’intervention prodigieuse de l’Ange du Seigneur, la veille de son procès à Jérusalem (cf.
Ac 12,1-17).

Le récit est une fois de plus marqué par la prière de l’Église. En effet, saint Luc écrit : « Tandis que Pierre était ainsi gardé en prison, la prière de l’Église s’élevait pour lui vers Dieu sans relâche » (Ac 12,5). Et, après avoir miraculeusement quitté la prison, à l’occasion de sa visite à la maison de Marie, la mère de Jean, surnommé Marc, on affirme qu’« une assemblée assez nombreuse s’était réunie et priait » (Ac 12,12). Parmi ces deux observations importantes qui illustrent l’attitude de la communauté chrétienne face au danger et à la persécution, est rapporté le récit de la détention et de la libération de Pierre, qui comprend toute la nuit. La force de la prière incessante de l’Église s’élève vers Dieu et le Seigneur écoute et accomplit une libération impensable et inespérée, en envoyant son Ange.

Le récit rappelle les grands éléments de la libération d’Israël de l’esclavage d’Égypte, la Pâque juive. Comme ce fut le cas au cours de cet événement fondamental, ici aussi, l’action principale est accomplie par l’Ange du Seigneur qui libère Pierre. Et les actions mêmes de l’Apôtre — auquel on demande de vite se lever, de mettre sa ceinture et de chausser ses sandales — imitent celles du peuple élu dans la nuit de la libération à travers l’intervention de Dieu, lorsqu’il fut invité à manger en toute hâte, les reins ceints, les sandales aux pieds et le bâton en main, prêt à sortir du pays (cf. Ex Ex 12,11). Ainsi, Pierre peut s’exclamer : « Maintenant je sais réellement que le Seigneur a envoyé son Ange et m’a arraché aux mains d’Hérode » (Ac 12,11). Mais l’Ange rappelle non seulement celui de la libération d’Israël de l’Égypte, mais également celui de la Résurrection du Christ. Les Actes des Apôtres rapportent en effet : « Soudain, l’Ange du Seigneur survint, et le cachot fut inondé de lumière. L’Ange frappa Pierre au côté et le fit lever » (Ac 12,7). La lumière qui remplit la cellule de la prison, l’action même de faire lever l’Apôtre, renvoient à la lumière libératrice de la Pâque du Seigneur qui vainc les ténèbres de la nuit et du mal. L’invitation, enfin, « Jette ton manteau sur tes épaules et suis-moi » (Ac 12,8), fait retentir dans le coeur les paroles de l’appel initial de Jésus (cf. Mc 1,17), répété après la Résurrection sur le lac de Tibériade, où le Seigneur dit par deux fois à Pierre : « Suis-moi » (Jn 21,19 Jn 21,22). Il s’agit d’une invitation pressante à se mettre à sa suite : ce n’est qu’en sortant de soi-même pour se mettre en chemin avec le Seigneur et faire sa volonté que l’on vit la véritable liberté.

Je voudrais également souligner un autre aspect de l’attitude de Pierre en prison ; nous notons, en effet, que, tandis que la communauté chrétienne prie avec insistance pour lui, Pierre « dormait » (Ac 12,6). Dans une telle situation critique et de réel danger, c’est une attitude qui peut surprendre, mais qui dénote en revanche la tranquillité et la confiance ; il a confiance en Dieu, il sait qu’il est entouré par la solidarité et la prière des siens et il s’abandonne totalement entre les mains du Seigneur. C’est ainsi que doit être notre prière : assidue, solidaire avec les autres, pleinement confiante envers Dieu qui nous connaît intimement et prend soin de nous au point que — dit Jésus — « même vos cheveux sont tous comptés. Soyez donc sans crainte… » (Mt 10,30-31). Pierre vit sa nuit en prison et sa libération du cachot comme un moment de la sequela du Seigneur, qui l’emporte sur les ténèbres de la nuit et libère de l’esclavage des chaînes et du danger de la mort. Sa libération est un prodige, marqué par divers passages décrits en détails : conduit par l’Ange, malgré la surveillance des gardes, à travers le premier et le second poste de garde, jusqu’à la porte en fer qui ouvre sur la ville ; et la porte s’ouvre d’elle-même devant eux (cf. Ac 12,10). Pierre et l’Ange du Seigneur parcourent ensemble un bout de chemin jusqu’à ce que, s’étant retrouvé lui-même, l’Apôtre se rende compte que le Seigneur l’a réellement libéré et, après avoir réfléchi, il se rend chez Marie, la mère de Marc, où nombre des disciples sont réunis en prière ; encore une fois, la réponse de la communauté à la difficulté et au danger est de s’en remettre à Dieu, d’intensifier la relation avec Lui.

Il me semble ici utile de rappeler une autre situation difficile qu’a vécue la communauté chrétienne des origines. Saint Jacques nous en parle dans sa Lettre. C’est une communauté en crise, en difficulté, non tant en raison des persécutions, mais parce qu’en son sein existent des jalousies et des contestations (cf. Jc Jc 3,14-16). Et l’Apôtre se demande les raisons de cette situation. Il trouve deux motifs principaux : le premier est de se laisser dominer par les passions, par la dictature de ses propres envies, par l’égoïsme (cf. Jc Jc 4,1-2) ; le second est le manque de prière — « vous ne priez pas » (Jc 4,2) — ou la présence d’une prière qui ne peut pas être définie comme telle — « vous priez, mais vous ne recevez rien parce que votre prière est mauvaise : vous demandez des richesses pour satisfaire vos instincts » (Jc 4,3). Cette situation changerait, selon saint Jacques, si la communauté parlait de manière unie avec Dieu, si elle priait réellement de manière assidue et unanime. Même le discours sur Dieu, en effet, risque de perdre sa force intérieure et le témoignage se dessèche s'ils ne sont pas animés, soutenus et accompagnés par la prière, par la continuité d’un dialogue vivant avec le Seigneur. Un rappel important pour nous aussi et nos communautés, tant les petites comme la famille, que les plus grandes comme la paroisse, le diocèse, l’Église tout entière. Et cela me fait réfléchir qu’ils aient prié dans cette communauté de saint Jacques, mais qu’ils aient prié mal, uniquement pour leurs instincts. Nous devons toujours à nouveau apprendre à bien prier, à prier réellement, à nous orienter vers Dieu et non vers notre bien.

En revanche, la communauté qui accompagne l’emprisonnement de Pierre est une communauté qui prie vraiment, pendant toute la nuit, unie. Et c’est une joie irrépressible qui envahit le coeur de tous quand l’Apôtre frappe de manière inattendue à la porte. Ainsi, de l’Église s’élève la prière pour Pierre et il revient dans l’Église pour raconter « comment le Seigneur l’avait fait sortir de prison » (Ac 12,17). Dans cette Église, où il a été placé comme un roc (cf. Mt 16,18), Pierre raconte sa « Pâque » de libération : il vit l’expérience que c’est à la suite de Jésus que se trouve la véritable liberté, que l’on est enveloppé par la lumière fulgurante de la Résurrection et, pour cette raison, il peut témoigner jusqu’au martyre que le Seigneur est le Ressuscité et que « c’est vrai : le Seigneur a envoyé son ange, et il m’a arraché aux mains d’Hérode » (Ac 12,11). Le martyre qu’il subira ensuite à Rome l’unira définitivement au Christ, qui lui avait dit : quand tu seras vieux un autre te conduira où tu ne veux pas aller, pour indiquer de quelle mort il aurait glorifié Dieu (cf. Jn 21,18-19).

Chers frères et soeurs, l’épisode de la libération de Pierre raconté par Luc nous dit que l’Église, chacun de nous, traverse la nuit de l’épreuve, mais que c’est la vigilance incessante de la prière qui nous soutient. Moi aussi, dès le premier moment de mon élection comme Successeur de saint Pierre, je me suis toujours senti soutenu par votre prière, par la prière de l’Église, en particulier dans les moments les plus difficiles. Je rends grâce de tout coeur. Avec la prière constante et confiante, le Seigneur nous libère des chaînes, il nous guide à travers n’importe quelle nuit de prison qui peut tenailler notre coeur, il nous donne la sérénité du coeur pour affronter les difficultés de la vie, même le refus, l’opposition, la persécution. L’épisode de Pierre montre cette force de la prière. Et l’Apôtre, même s’il est enchaîné, se sent tranquille, avec la certitude qu’il n’est jamais seul : la communauté est en train de prier pour lui, le Seigneur est proche de lui ; il sait, au contraire, que « la force du Christ se manifeste pleinement dans la faiblesse » (2Co 12,9). La prière constante et unanime est un précieux instrument également pour surmonter les épreuves qui peuvent surgir sur le chemin de la vie, car c’est le fait d’être profondément unis à Dieu qui nous permet d’être aussi profondément unis aux autres. Merci.
* * *


Je salue les pèlerins francophones, particulièrement le groupe de l’Ile de la Réunion, les paroissiens de Les Pennes Mirabeau, de Cholet, du Puy-en-Velay ainsi que les jeunes de Châteauneuf-de-Galaure et de Toulon. Je vous invite à prier souvent et à découvrir le soutien de la prière des autres. Ainsi peut grandir notre confiance en Dieu qui nous aime. Bon pèlerinage !





Place Saint-Pierre

Mercredi 16 mai 2012

16512

Chers frères et soeurs,

Au cours des dernières catéchèses, nous avons réfléchi sur la prière dans les Actes des Apôtres ; aujourd’hui, je voudrais commencer à parler de la prière dans les Lettres de saint Paul, l’apôtre des nations. Je voudrais avant tout souligner que ce n’est pas un hasard si ses Lettres sont introduites et se concluent par l’expression d’une prière : au début, l’action de grâce et la louange, et, à la fin, le voeu afin que la grâce de Dieu guide le chemin des communautés auxquelles s’adresse la lettre. Entre la formule d’ouverture « Je rends grâce à mon Dieu par Jésus Christ » (
Rm 1,8) et le souhait final : « Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous » (1Co 16,23), se développent les contenus des Lettres de l’apôtre. La prière de saint Paul manifeste une grande richesse de formes qui vont de l’action de grâce à la bénédiction, de la louange à la demande et à l’intercession, de l’hymne à la supplique : une variété d’expressions qui montre que la prière touche et pénètre toutes les situations de la vie, tant celles des personnes que des communautés auxquelles il s’adresse.

Un premier élément que l’apôtre veut nous faire comprendre est que la prière ne doit pas être considérée comme une simple bonne oeuvre que nous accomplissons pour Dieu, comme notre propre action. C’est avant tout un don, fruit de la présence vivante, vivifiante du Père et de Jésus Christ en nous. Dans la Lettre aux Romains, il écrit : « Bien plus, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intervient pour nous par des cris inexprimables » (8, 26). Et nous savons combien ce que dit l’apôtre est vrai : « Nous ne savons pas prier comme il faut ». Nous voulons prier, mais Dieu est loin, nous n’avons pas les paroles, le langage, pour parler à Dieu, ni même la pensée. Nous pouvons seulement nous ouvrir, mettre notre temps à la disposition de Dieu, attendre qu’il nous aide lui-même à entrer dans le vrai dialogue. L’apôtre dit : ce manque de paroles, cette absence de paroles, mais aussi ce désir d’entrer en contact avec Dieu, est précisément la prière que l’Esprit Saint non seulement comprend, mais apporte et interprète auprès de Dieu. Par l’intermédiaire de l’Esprit Saint, notre faiblesse devient précisément une véritable prière, un véritable contact avec Dieu. L’Esprit Saint est presque l’interprète qui nous fait comprendre à nous-mêmes et à Dieu ce que nous voulons dire.

Dans la prière, plus que dans les autres dimensions de notre existence, nous faisons l’expérience de notre faiblesse, de notre pauvreté, de notre condition de créatures, car nous sommes placés face à la toute-puissance et à la transcendance de Dieu. Et plus nous progressons dans l’écoute et dans le dialogue avec Dieu, afin que la prière devienne le souffle quotidien de notre âme, plus nous percevons le sens de nos limites, non seulement face aux situations concrètes de tous les jours, mais aussi dans notre relation même avec le Seigneur. Ainsi croît en nous le besoin de lui faire confiance, de nous en remettre toujours davantage à Lui ; nous comprenons que « nous ne savons pas... prier comme il faut » (Rm 8,26). Et c’est l’Esprit Saint qui vient en aide à notre incapacité, qui éclaire notre esprit et qui réchauffe notre coeur, en nous guidant lorsque nous nous adressons à Dieu. Pour saint Paul, la prière est surtout l’oeuvre de l’Esprit dans notre humanité, pour assumer notre faiblesse et nous transformer, d’hommes liés aux réalités matérielles en hommes spirituels. Dans la Première Lettre aux Corinthiens, l’apôtre dit : « Et nous, l’esprit que nous avons reçu, ce n’est pas celui du monde, c’est celui qui vient de Dieu, et ainsi nous avons conscience des dons que Dieu nous a faits. Et nous proclamons cela avec un langage que nous n’apprenons pas de la sagesse humaine, mais de l’Esprit, et nous interprétons de manière spirituelle ce qui vient de l’Esprit » (2, 12-13). En habitant notre fragilité humaine, l’Esprit Saint nous change, intercède pour nous et nous élève jusqu’à Dieu (cf. Rm 8,26).

Par cette présence de l’Esprit Saint se réalise notre union au Christ car il s’agit de l’Esprit du Fils de Dieu, en qui nous devenons fils. Saint Paul parle de l’Esprit du Christ (cf. Rm 8,9), et pas seulement de l’Esprit de Dieu. Cela est évident : si le Christ est le Fils de Dieu, son Esprit est aussi l’Esprit de Dieu ; ainsi, si l’Esprit de Dieu, l’Esprit du Christ, est devenu déjà très proche de nous dans le Fils de Dieu et le Fils de l’homme, l’Esprit de Dieu devient aussi un esprit humain et nous touche ; nous pouvons entrer dans la communion de l’Esprit. C’est comme s’il disait que non seulement Dieu le Père s’est rendu visible dans l’incarnation du Fils, mais aussi que l’Esprit de Dieu se manifeste dans la vie et dans l’action de Jésus, de Jésus Christ, qui a vécu, a été crucifié, est mort et ressuscité. L’apôtre rappelle que « personne n’est capable de dire : “Jésus est le Seigneur” sans l’action de l’Esprit Saint » (1Co 12,3). L’Esprit oriente donc notre coeur vers Jésus Christ, de sorte que « ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (cf. Ga 2,20). Dans ses Catéchèses sur les sacrements, en réfléchissant sur l’Eucharistie, saint Ambroise affirme : « Celui qui s’enivre de l’Esprit est enraciné dans le Christ » (5, 3, 17: pl 16, 450).

Je voudrais à présent souligner trois conséquences pour notre vie chrétienne, lorsque nous laissons agir en nous non pas l’esprit du monde, mais l’Esprit du Christ comme principe intérieur de toutes nos actions.

Tout d’abord, avec la prière animée par l’Esprit Saint, nous sommes mis en condition d’abandonner et de surmonter toute forme de peur ou d’esclavage, en vivant la liberté authentique des fils de Dieu. Sans la prière qui alimente chaque jour notre être dans le Christ, dans une intimité croissante, nous nous trouvons dans la condition décrite par saint Paul dans la Lettre aux Romains : nous ne faisons pas le bien que nous voulons, mais le mal que nous ne voulons pas (cf. Rm 7,19). Telle est l’expression de l’aliénation de l’être humain, de la destruction de notre liberté, à cause de la condition de notre être marqué par le péché originel : nous voulons le bien que nous ne faisons pas et nous faisons ce que nous ne voulons pas, le mal. L’apôtre veut faire comprendre que ce n’est pas avant tout notre volonté qui nous libère de cette condition, ni la Loi, mais l’Esprit Saint. Et puisque « là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté » (2Co 3,17), avec la prière, nous faisons l’expérience de la liberté donnée par l’Esprit: une liberté authentique, qui est une liberté du mal et du péché, pour le bien et pour la vie, pour Dieu. La liberté de l’Esprit, continue saint Paul, ne s’identifie jamais ni avec le libertinage, ni avec la possibilité de faire le choix du mal, mais plutôt avec « ce que produit l’Esprit: amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi » (Ga 5,22). Telle est la véritable liberté: pouvoir réellement suivre le désir du bien, de la vraie joie, de la communion avec Dieu et ne pas être opprimé par les circonstances qui nous attirent vers d’autres directions.

Une seconde conséquence qui se produit dans notre vie, quand nous laissons agir en nous l’Esprit du Christ, est que la relation même avec Dieu devient tellement profonde qu’elle n’est affectée par aucune réalité ni situation. Nous comprenons alors qu’avec la prière, nous ne sommes pas libérés des épreuves ou des souffrances, mais nous pouvons les vivre en union avec le Christ, avec ses souffrances, dans la perspective de participer également à sa gloire (cf. Rm 8,17). Souvent, dans notre prière, nous demandons à Dieu d’être libérés du mal physique ou spirituel, et nous le faisons avec une grande confiance. Pourtant, nous avons souvent l’impression de ne pas être écoutés et nous risquons alors de nous décourager et de ne pas persévérer. En réalité, il n’y a pas un cri humain qui ne soit écouté par Dieu et c’est précisément dans la prière constante et fidèle que nous comprenons avec saint Paul qu’« il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous » (Rm 8,18). La prière ne nous épargne pas les épreuves et les souffrances, au contraire — dit saint Paul — « nous crions en nous-mêmes notre souffrance ;... nous attendons notre adoption et la délivrance de notre corps » (Rm 8,24) ; il dit que la prière ne nous épargne pas la souffrance mais qu’elle nous permet de la vivre et de l’affronter avec une force nouvelle, avec la même confiance que Jésus qui — selon la Lettre aux Hébreux — « pendant les jours de sa vie mortelle,... a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé » (5, 7). La réponse de Dieu le Père à son Fils, à ses cris puissants et à ses larmes, n’a pas été la libération des souffrances, de la croix, de la mort, mais une réalisation beaucoup plus grande, une réponse beaucoup plus profonde ; à travers la croix et la mort, Dieu a répondu par la résurrection de son Fils, par une vie nouvelle. La prière animée par l’Esprit Saint nous porte, nous aussi, à vivre chaque jour le chemin de notre vie avec ses épreuves et ses souffrances, dans la pleine espérance, dans la confiance en Dieu qui répond comme il a répondu à son Fils.

Troisième point, la prière du croyant s’ouvre aussi aux dimensions de l’humanité et de toute la création, assumant « la création [qui] aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu » (Rm 8,19). Cela signifie que la prière, soutenue par l’Esprit du Christ qui parle au plus profond de nous, ne reste jamais fermée sur elle-même, n’est jamais seulement une prière pour moi, mais qu’elle s’ouvre au partage des souffrances de notre temps, des autres. Elle devient une intercession pour les autres et ainsi, la libération de moi-même, le canal d’espérance pour toute la création, l’expression de cet amour de Dieu qui est répandu dans nos coeurs par l’Esprit qui nous a été donné (cf. Rm 5,5). Et ceci est justement le signe d’une véritable prière, qui ne prend pas fin en nous-mêmes, mais qui s’ouvre aux autres et, ainsi, me libère et contribue à la rédemption du monde.

Chers frères et soeurs, saint Paul nous enseigne que, dans notre prière, nous devons nous ouvrir à la présence de l’Esprit Saint, qui prie en nous par des cris inexprimables, pour nous conduire à adhérer à Dieu de tout notre coeur et de tout notre être. L’Esprit du Christ devient la force de notre « faible » prière, la lumière de notre prière « éteinte », le feu de notre prière « sèche », et nous donne la véritable liberté intérieure, nous enseignant à vivre en affrontant les épreuves de l’existence, dans la certitude que nous ne sommes pas seuls, en nous ouvrant aux horizons de l’humanité et de la création qui « crie sa souffrance,... passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore » (Rm 8,22). Merci.
* * *


Je salue les pèlerins francophones, en particulier les frères du Sacré-Coeur, les Maronites de Cotonou, les fidèles venus d’Haïti et de la Réunion, les amis de Madeleine Delbrel et tous les jeunes ! Puissiez-vous laisser l’Esprit habiter en vous et y imprimer le visage du Christ pour devenir libres et capables de vivre dans l’amour de Dieu et des autres. Bon pèlerinage à tous !





Place Saint-Pierre

Mercredi 23 mai 2012

23512

Chers frères et soeurs,

Mercredi dernier, j’ai montré que saint Paul dit que l’Esprit Saint est le grand maître de la prière et nous enseigne à nous adresser à Dieu à travers les termes affectueux des enfants, en l’appelant « Abbà, Père ». C’est ce qu’a fait Jésus ; même dans les moments les plus dramatiques de sa vie terrestre, Il n’a jamais perdu la confiance dans le Père et l’a toujours invoqué à travers l’intimité du Fils bien-aimé. Au Gethsémani, lorsqu’il sent l’angoisse de la mort, sa prière est : « Abba... Père, tout est possible pour toi. Eloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (
Mc 14,36).

Dès les premiers pas de son chemin, l’Eglise a accueilli cette invocation et l’a faite sienne, en particulier dans la prière du Notre Père, dans laquelle nous disons chaque jour : « Notre Père, qui es aux cieux... que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » (Mt 6,9-10). Dans les lettres de saint Paul, nous la retrouvons par deux fois. L’apôtre, nous venons de l’entendre, s’adresse aux Galates à travers ces paroles : « Et voici la preuve que vous êtes des fils : envoyé par Dieu, l'Esprit de son Fils est dans nos coeurs, et il crie vers le Père en l'appelant “Abba !” » (Ga 4,6). Et au centre de ce chant à l’Esprit Saint qui est le chapitre huit de la Lettre aux Romains, saint Paul affirme : « L'Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c'est un Esprit qui fait de vous des fils ; poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l'appelant : “Abba !” » (Rm 8,15). Le christianisme n’est pas une religion de la peur, mais de la confiance et de l’amour au Père qui nous aime. Ces deux affirmations denses nous parlent de l’envoi et de l’accueil du Saint Esprit, le don du Ressuscité, qui fait de nous des fils dans le Christ, le Fils unique, et nous place dans une relation filiale avec Dieu, une relation de profonde confiance, comme celle des enfants ; une relation filiale semblable à celle de Jésus, même si son origine et son importance sont différentes : Jésus est le Fils éternel de Dieu qui s’est fait chair, en revanche, nous devenons fils en Lui, dans le temps, à travers la foi et les sacrements du baptême et de la confirmation ; grâce à ces deux sacrements, nous sommes plongés dans le Mystère pascal du Christ. L’Esprit Saint est le don précieux et nécessaire qui fait de nous des fils de Dieu, qui réalise cette adoption filiale à laquelle sont appelés tous les êtres humains car, comme le précise la bénédiction divine de la Lettre aux Ephésiens, Dieu, dans le Christ, « nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d'avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ » (Ep 1,4).

L’homme d’aujourd’hui ne perçoit sans doute pas la beauté, la grandeur et le réconfort profond contenus dans le mot « père », par lequel nous pouvons nous adresser à Dieu dans la prière, parce qu’aujourd’hui, la figure paternelle n’est souvent pas suffisamment présente et souvent, elle n’est pas assez positive dans la vie quotidienne. L’absence du père, le problème d’un père non présent dans la vie de l’enfant est un grand problème de notre temps, parce qu’il devient difficile de comprendre dans sa profondeur ce que veut dire que Dieu est Père pour nous. De Jésus lui-même, de sa relation filiale avec Dieu, nous pouvons apprendre ce que signifie véritablement « père », quelle est la véritable nature du Père qui est dans les cieux. Des critiques de la religion ont dit que parler du « Père », de Dieu, serait une projection de nos pères au ciel. Mais c’est le contraire qui est vrai : dans l’Évangile, le Christ nous montre qui est le père et comment doit être un véritable père, afin que nous puissions comprendre la véritable paternité, apprendre également la véritable paternité. Pensons aux paroles de Jésus dans le sermon sur la montagne, où il dit : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d'être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,44-45). C’est précisément l’amour de Jésus, le Fils unique — qui parvient au don de soi sur la croix — qui nous révèle la véritable nature du Père : Il est l’Amour, et nous aussi, dans notre prière de fils, nous entrons dans ce circuit d’amour, amour de Dieu qui purifie nos désirs, nos comportements marqués par la fermeture, la suffisance, l’égoïsme typique de l’homme ancien. Nous pourrions donc dire qu’en Dieu, la nature de Père possède deux dimensions. Tout d’abord, Dieu est notre Père, parce qu’il est notre Créateur. Chacun de nous, chaque homme et chaque femme est un miracle de Dieu, il est voulu par Lui et Dieu le connaît personnellement. Lorsque dans le Livre de la Genèse, on dit que l’être humain est créé à l’image de Dieu (cf. 1, 27), on veut exprimer précisément cette réalité : Dieu est notre père, pour Lui, nous ne sommes pas des êtres anonymes, impersonnels, mais nous avons un nom. Il y a une phrase dans les Psaumes qui me touche toujours, lorsque je la prie : « Tes mains m'ont fait » dit le psalmiste (Ps 119,73). Chacun de nous peut dire, dans cette belle image, la relation personnelle avec Dieu : « Tes mains m'ont fait, tu m’a pensé et créé et voulu ». Mais cela ne suffit pas encore. L’Esprit du Christ nous ouvre à une deuxième dimension de la paternité de Dieu, au-delà de la création, car Jésus est le « Fils » au sens plénier, « de la même substance que le Père », comme nous professons dans le Credo. En devenant un être humain comme nous, à travers l’Incarnation, la Mort et la Résurrection, Jésus nous accueille à son tour dans son humanité et dans sa condition même de Fils; ainsi, nous pouvons entrer nous aussi dans son appartenance spécifique à Dieu. Assurément, notre condition de fils de Dieu ne possède pas la même plénitude que Jésus ; nous devons le devenir toujours davantage, le long du chemin de toute notre existence chrétienne, en grandissant à la suite de Jésus, dans la communion avec Lui pour entrer toujours plus intimement dans la relation d’amour avec Dieu le Père, qui soutient la nôtre et donne son sens véritable à la vie. C’est cette réalité fondamentale qui nous est révélée quand nous nous ouvrons à l’Esprit Saint et Il nous fait nous adresser à Dieu en lui disant : « Abbà ! , Père ! ». Nous sommes réellement allés au-delà de la création dans l’adoption avec Jésus; unis, nous sommes réellement en Dieu et fils d’une manière nouvelle, dans une dimension nouvelle.

Mais je voudrais à présent revenir aux deux passages de saint Paul que nous sommes en train d’analyser en ce qui concerne cette action de l’Esprit Saint dans notre prière ; ici aussi, il y a deux passages qui se correspondent, mais qui contiennent une nuance différente. En effet, dans la Lettre aux Galates l’apôtre affirme que l’Esprit crie en nous « Abbà ! Père ! » ; dans la Lettre aux Romains, il dit que c’est nous qui nous écrions « Abbà ! Père ! ». Et saint Paul veut nous faire comprendre que la prière chrétienne n’est jamais, n’a jamais lieu en sens unique allant de nous à Dieu, ce n’est pas seulement une «action à nous», mais elle est l’expression d’une relation réciproque dans laquelle Dieu agit le premier : c’est l’Esprit Saint qui crie en nous, et nous pouvons crier car l’impulsion vient de l’Esprit Saint. Nous ne pourrions pas prier si n’était pas inscrit dans la profondeur de notre coeur le désir de Dieu, notre condition de fils de Dieu. Depuis qu’il existe, l’homo sapiens est toujours à la recherche de Dieu, il cherche à parler avec Dieu, car Dieu s’est inscrit lui-même dans nos coeurs. La première initiative vient donc de Dieu et, avec le baptême, Dieu agit à nouveau en nous, l’Esprit Saint agit en nous; il est le premier initiateur de la prière pour que nous puissions réellement parler avec Dieu et dire « Abbà » à Dieu. Sa présence ouvre donc notre prière et notre vie, elle ouvre aux horizons de la Trinité et de l’Église.

En outre, nous comprenons, cela est le deuxième point, que la prière de l’Esprit du Christ en nous et la nôtre en Lui, n’est pas seulement un acte individuel, mais un acte de l’Église tout entière. En priant, notre coeur s’ouvre, nous entrons en communion non seulement avec Dieu, mais précisément avec tous les fils de Dieu, car nous sommes une seule chose. Quand nous nous adressons au Père dans notre intimité, dans le silence et le recueillement, nous ne sommes jamais seuls. Celui qui parle avec Dieu n’est pas seul. Nous sommes dans la grande prière de l’Église, nous sommes une partie d’une grande symphonie que la communauté chrétienne qui est présente dans toutes les parties de la terre à chaque époque élève à Dieu ; certes, les musiciens et les instruments sont différents — et cela est un élément de richesse —, mais la mélodie de louange est unique et en harmonie. Alors, chaque fois que nous disons : « Abbà ! Père ! » c’est l’Église, toute la communion des hommes en prière qui soutient notre invocation et notre invocation est l’invocation de l’Église. Cela se reflète également dans la richesse des charismes, des ministères, des tâches, que nous accomplissons dans la communauté. Saint Paul écrit aux chrétiens de Corinthe : « Les dons de la grâce sont variés, mais c'est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l'Église sont variées, mais c'est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c'est toujours le même Dieu qui agit en tous » (1Co 12,4-6). La prière guidée par l’Esprit Saint, qui nous fait dire « Abbà ! Père ! » avec le Christ et en Christ, nous insère dans l’unique grande mosaïque de la famille de Dieu, dans laquelle chacun a une place et un rôle important, en profonde unité avec le tout.

Une dernière remarque : nous apprenons à crier « Abbà ! Père ! » également avec Marie, la Mère du Fils de Dieu. L’accomplissement de la plénitude du temps, dont parle saint Paul dans la Lettre aux Galates (cf. 4, 4), a lieu au moment du « oui » de Marie, de sa pleine adhésion à la volonté de Dieu : « Me voici, je suis la servante du Seigneur » (Lc 1,38).

Chers frères et soeurs, apprenons à goûter dans notre prière la beauté d’être des amis, ou plutôt des fils de Dieu, de pouvoir l’invoquer avec la familiarité et la confiance qu’un enfant éprouve envers ses parents qui l’aiment. Ouvrons notre prière à l’action de l’Esprit Saint pour qu’en nous, il s’écrie à Dieu « Abba ! Père ! » et pour que notre prière change, convertisse constamment notre manière de penser, notre action, pour la rendre toujours plus conforme à celle du Fils unique, Jésus Christ. Merci.
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Je salue avec joie les pèlerins francophones venant en particulier de France, de Belgique, du Canada et de l’Île Maurice. Puissiez-vous découvrir la beauté, la grandeur et la consolation de vous adresser à Dieu dans la prière en utilisant avec confiance le beau nom de « Père » ! Bon pèlerinage à tous !





Place Saint-Pierre

Mercredi 30 mai 2012

30512

Chers frères et soeurs,

au cours de ces catéchèses, nous méditons sur la prière dans les lettres de saint Paul et nous essayons de percevoir la prière chrétienne comme une véritable rencontre personnelle avec Dieu le Père, dans le Christ, par l’intermédiaire de l’Esprit Saint. Aujourd’hui, au cours de cette rencontre, entrent en dialogue le «oui» fidèle de Dieu et l’«amen» confiant des chrétiens. Je voudrais souligner cette dynamique, en m’arrêtant sur la deuxième lettre aux Corinthiens. Saint Paul envoie cette lettre passionnée à une Eglise qui a mis plusieurs fois en doute son apostolat, et il ouvre son coeur afin que les destinataires soient rassurés sur sa fidélité au Christ et à l’Evangile. Cette deuxième Lettre aux Corinthiens commence par l’une des prières de bénédiction les plus profondes du Nouveau Testament. Elle récite: «Béni soit Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus Christ, le Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort. Dans toutes nos détresses, il nous réconforte; ainsi, nous pouvons réconforter tous ceux qui sont dans la détresse, grâce au réconfort que nous recevons nous-mêmes de Dieu» (
2Co 1,3-4).

Paul vit donc une grande épreuve, il a dû traverser de nombreuses difficultés et douleurs, mais il n’a jamais cédé au découragement, soutenu par la grâce et par la proximité du Seigneur Jésus Christ, pour lequel il était devenu apôtre et témoin en remettant entre ses mains son existence. Précisément pour cela, Paul commence cette Lettre par une prière de bénédiction et d’action de grâce à l’égard de Dieu, car à aucun moment de sa vie d’apôtre du Christ, le soutien du Père miséricordieux, du Dieu de toute consolation ne lui a fait défaut. Il a souffert terriblement, il le dit précisément dans cette Lettre, mais dans toutes ces situations, où aucune autre voie ne semblait s’offrir, il a reçu la consolation et le réconfort de Dieu. Pour annoncer le Christ, il a subi également des persécutions, jusqu’à être enfermé en prison, mais il s’est toujours senti intérieurement libre, animé par la présence du Christ et désireux d’annoncer la parole d’espérance de l’Evangile. Ainsi, de prison, il écrit à Timothée, son fidèle collaborateur. Enchaîné, il écrit: «Mais on n’enchaîne pas la Parole de Dieu! C’est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu’ils obtiennent eux aussi le salut par Jésus Christ, avec la gloire éternelle» (2Tm 2,9-10). Dans ses souffrances pour le Christ, il fait l’expérience du réconfort de Dieu. Il écrit: «De même que nous avons largement part aux souffrances du Christ, de même, par le Christ, nous sommes largement réconfortés» (2Co 1,5).

Dans la prière de bénédiction qui introduit la deuxième Lettre aux Corinthiens domine ainsi, à côté du thème de la douleur, le thème de la consolation, qu’il ne faut pas comprendre comme un simple réconfort, mais surtout comme un encouragement et une exhortation à ne pas se laisser vaincre par l’épreuve et par les difficultés. C’est une invitation à vivre toute situation en union avec le Christ, qui assume sur lui toute la souffrance et le péché du monde pour apporter lumière, espérance, rédemption. Et ainsi, Jésus nous rend capables de réconforter à notre tour ceux qui traversent toutes sortes d’épreuves. La profonde union avec le Christ dans la prière, la confiance en sa personne, conduisent à la disponibilité de partager les souffrances et les épreuves des frères. Paul écrit: «Si quelqu’un faiblit, je partage sa faiblesse; si quelqu’un vient à tomber, cela me brûle» (2Co 11,29). Ce partage ne naît pas d’une simple bienveillance, ni uniquement de la générosité humaine ou de l’esprit d’altruisme, mais jaillit de la consolation du Seigneur, du soutien inébranlable de «cette puissance extraordinaire [qui] ne vient pas de nous, mais de Dieu» (2Co 4,7).

Chers frères et soeurs, notre vie et notre chemin sont souvent marqués par des difficultés, des incompréhensions, des souffrances. Nous le savons tous. Dans la relation fidèle avec le Seigneur, dans la prière constante, quotidienne, nous pouvons nous aussi, concrètement, sentir la consolation qui vient de Dieu. Et cela renforce notre foi, parce que cela nous fait faire l’expérience de manière concrète du «oui» de Dieu à l’homme, à nous, à moi, dans le Christ; cela fait sentir la fidélité de son amour, qui va jusqu’au don de son Fils sur la Croix. Saint Paul affirme: «Le Fils de Dieu, le Christ Jésus, que nous avons annoncé parmi vous, Silvain, Timothée et moi, n’a pas été à la fois “oui” et “non”; il n’a jamais été que “oui”. Et toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur “oui” dans sa personne. Aussi est-ce par le Christ que nous disons “amen”, notre “oui”, pour la gloire de Dieu» (2Co 1,19-20). Le «oui» de Dieu n’est pas tronqué, il n’est pas entre «oui» et «non», mais il est un simple et très sûr «oui». Et à ce «oui», nous répondons avec notre «oui», avec notre «amen» et ainsi sommes-nous assurés dans le «oui» de Dieu.

La foi n’est pas prioritairement une action humaine, mais un don gratuit de Dieu, qui s’enracine dans sa fidélité, dans son «oui», qui nous fait comprendre comment vivre notre existence en l’aimant Lui et nos frères. Toute l’histoire du salut est une révélation progressive de cette fidélité de Dieu, malgré nos infidélités et nos reniements, dans la certitude que «les dons de Dieu et son appel sont irrévocables», comme le déclare l’Apôtre dans la Lettre aux Romains (11, 29).

Chers frères et soeurs, la façon d’agir de Dieu — bien différente de la nôtre — nous apporte consolation, force et espérance parce que Dieu ne retire pas son «oui». Face aux différends dans les relations humaines, souvent aussi familiaux, nous sommes portés à ne pas persévérer dans l’amour gratuit, qui coûte engagement et sacrifice. En revanche, Dieu ne se lasse pas de nous, il ne se lasse jamais d’être patient avec nous et avec son immense miséricorde il nous précède toujours, il vient le premier à notre rencontre, ce «oui» qui est le sien est absolument fiable. Dans l’événement de la Croix, il nous offre la mesure de son amour, qui ne calcule pas et qui n’a pas de mesure. Saint Paul dans sa Lettre à Tite écrit: «Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et sa tendresse pour les hommes» (Tt 3,4). Et pour que ce «oui» se renouvelle chaque jour «il nous a consacrés, il a mis sa marque sur nous, et il nous a fait une première avance sur ses dons» (2Co 1,21-22).

C’est en effet l’Esprit Saint qui rend continuellement présent et vivant le «oui» de Dieu en Jésus Christ et crée dans notre coeur le désir de le suivre pour entrer totalement, un jour, dans son amour, lorsque nous recevrons une demeure non construite par des mains humaines dans les cieux. Il n’y a personne qui ne soit touché et interpellé par cet amour fidèle, capable d’attendre aussi ceux qui continuent à répondre avec le «non» du refus ou du durcissement du coeur. Dieu nous attend, il nous cherche toujours, il veut nous accueillir dans la communion avec Lui-même pour donner à chacun de nous la vie, l’espérance et la paix en plénitude.

Sur le «oui» fidèle de Dieu se greffe l’«amen» de l’Eglise qui retentit dans chaque action de la liturgie: «amen» est la réponse de la foi qui termine toujours notre prière personnelle et communautaire, et qui exprime notre «oui» à l’initiative de Dieu. Dans la prière, nous répondons souvent par habitude avec notre «amen», sans en saisir la signification profonde. Ce terme dérive de ‘aman qui, en hébreu et en araméen, signifie «rendre stable», «consolider» et, en conséquence, «être certain», «dire la vérité». Si nous regardons l’Ecriture Sainte, nous voyons que cet «amen» est prononcé à la fin des psaumes de bénédiction et de louange, comme, par exemple, dans le Psaume 41: «Dans mon innocence tu m’as soutenu et rétabli pour toujours devant ta face. Béni sois le Seigneur, Dieu d’Israël, depuis toujours et pour toujours! Amen! Amen!» (vv. 13-14). Ou bien il exprime l’adhésion à Dieu au moment où le peuple d’Israël revient plein de joie de l’exil babylonien et prononce son «oui», son «amen» à Dieu et à sa Loi. Dans le Livre de Néhémie on raconte que, après ce retour «Esdras ouvrit le livre; tout le peuple le voyait, car il dominait l'assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit: “Amen! Amen!”» (Ne 8,5-6).

Dès le début, l’«amen» de la liturgie juive est donc devenu l’«amen» des premières communautés chrétiennes. Et le livre de la liturgie chrétienne par excellence, l’Apocalypse de saint Jean, commence par l’«amen» de l’Eglise: «A lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père, à lui gloire et puissance pour les siècles des siècles. Amen» (Ap 1,5-6). Il en est de même dans le premier chapitre de l’Apocalypse. Et ce même livre se termine par l’invocation «Amen, viens, Seigneur Jésus» (Ap 22,21).

Chers amis, la prière est la rencontre avec une Personne vivante à écouter et avec qui dialoguer; c’est la rencontre avec Dieu qui renouvelle sa fidélité inébranlable, son «oui» à l’homme, à chacun de nous, pour nous apporter son réconfort au milieu des tempêtes de la vie et nous faire vivre, unis à Lui, une existence pleine de joie et de bien, qui trouvera son accomplissement dans la vie éternelle.

Dans notre prière nous sommes appelés à dire «oui» à Dieu, à répondre par cet «amen» de l’adhésion, de la fidélité de toute notre vie à Lui. Cette fidélité nous ne pouvons jamais la conquérir avec nos propres forces, elle n’est pas seulement le fruit de notre engagement quotidien; celle-ci vient de Dieu et est fondée sur le «oui» du Christ, qui affirme: ma nourriture est de faire la volonté du Père (cf. Jn 4,34). C’est dans ce «oui» que nous devons entrer, entrer dans ce «oui» du Christ, dans l’adhésion à la volonté de Dieu, pour parvenir avec saint Paul à affirmer que ce n’est pas nous qui vivons, mais que c’est le Christ lui-même qui vit en nous. Alors, l’«amen» de notre prière personnelle et communautaire enveloppera et transformera toute notre vie, une vie de consolation en Dieu, une vie plongée dans l’Amour éternel et inébranlable. Merci.
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Je salue les pèlerins francophones, particulièrement l’Association Markant de Belgique, et les groupes de Nouméa, en Nouvelle Calédonie, et de Châteauneuf de Galaure, ainsi que les jeunes du Collège Saint-André de Colmar. Puisse l’Esprit Saint créer en nous le désir de suivre le Christ pour annoncer l’Evangile à tous! Je vous souhaite un bon pèlerinage.

Ma pensée va encore une fois aux chères populations d’Emilie, frappées par de nouvelles et violentes secousses sismiques, qui ont causé des victimes et d’énormes dommages, en particulier aux églises. Je suis proche par la prière et l’affection des blessés ainsi que de tous ceux qui connaissent des difficultés, et j’exprime mes condoléances les plus sincères aux proches de ceux qui ont perdu la vie. Je souhaite qu’avec l’aide de tous et la solidarité de toute la nation la vie normale puisse au plus tôt reprendre son cours dans ces terres si durement mises à l’épreuve.


Catéchèses Benoît XVI 9512