Catéchèses Benoît XVI 26912

Mercredi 26 septembre 2012

26912

Chers frères et soeurs,

Ces derniers mois, nous avons parcouru un chemin à la lumière de la Parole de Dieu, pour apprendre à prier de façon toujours plus authentique en examinant plusieurs grandes figures de l’Ancien Testament, les Psaumes, les Lettres de saint Paul et l’Apocalypse, mais surtout en examinant l’expérience unique et fondamentale de Jésus, dans sa relation avec le Père céleste. En réalité, ce n’est que dans le Christ que l’homme devient capable de s’unir à Dieu avec la profondeur et l’intimité d’un fils à l’égard d’un Père qui l’aime, ce n’est qu’en Lui que nous pouvons nous adresser en toute vérité à Dieu en l’appelant avec affection : « Abba, Père ! ». Comme les apôtres, nous aussi avons répété ces dernières semaines et répétons à Jésus aujourd’hui : « Seigneur, apprends-nous à prier » (
Lc 11,1).

En outre, pour apprendre à vivre encore plus intensément la relation personnelle avec Dieu, nous avons appris à invoquer l’Esprit Saint, premier don du Ressuscité aux croyants, car c’est Lui qui « vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut » (Rm 8,26) dit saint Paul, et nous savons qu’il a raison.

À présent, après une longue série de catéchèses sur la prière dans l’Écriture, nous pouvons nous demander : comment puis-je me laisser former par l’Esprit Saint et devenir ainsi capable d’entrer dans l’atmosphère de Dieu, de prier avec Dieu ? Quelle est cette école à travers laquelle Il m’enseigne à prier, Il m’aide dans mes difficultés à m’adresser de façon correcte à Dieu ? La première école de la prière — nous l’avons vu au cours de ces semaines — est la Parole de Dieu, l’Écriture Sainte. L’Écriture Sainte est un dialogue permanent entre Dieu et l’homme, un dialogue progressif dans lequel Dieu se révèle toujours plus proche, dans lequel nous pouvons connaître toujours mieux son visage, sa voix, son être ; et l’homme apprend à accepter de connaître Dieu, à parler avec Dieu. Donc, au cours de ces semaines, en lisant l’Écriture Sainte, nous avons tenté, à partir de l’Écriture, de ce dialogue permanent, d’apprendre comment nous pouvons entrer en contact avec Dieu.

Il y a encore un autre « espace » précieux, une autre « source » précieuse pour grandir dans la prière, une source d’eau vive très étroitement liée à la précédente. Je veux parler de la liturgie, qui est un domaine privilégié dans lequel Dieu parle à chacun de nous, ici et maintenant, et attend notre réponse.

Qu’est-ce que la liturgie ? Si nous ouvrons le Catéchisme de l’Église catholique — aide toujours précieuse, dirais-je et indispensable — nous pouvons lire qu’à l’origine, le terme « liturgie » signifie « service de la part de/et en faveur du peuple » (n. 1069). Si la théologie chrétienne a emprunté ce mot du monde grec, elle l’a évidemment fait en pensant au nouveau Peuple de Dieu né du Christ, qui a ouvert ses bras sur la Croix pour unir les hommes dans la paix de l’unique Dieu. « Service en faveur du peuple », un peuple qui n’existe pas en soi, mais qui s’est formé grâce au Mystère pascal de Jésus Christ. En effet, le Peuple de Dieu n’existe pas en vertu de liens de sang, de territoire, de nation, mais il naît toujours de l’oeuvre du Fils de Dieu et de la communion avec le Père qu’il nous obtient.

Le Catéchisme indique en outre que « dans la tradition chrétienne (le mot “liturgie”) veut signifier que le Peuple de Dieu prend part à l’oeuvre de Dieu » (n. 1069), car le Peuple de Dieu en tant que tel n’existe que par l’oeuvre de Dieu.

C’est ce que nous a rappelé le développement même du Concile Vatican II, qui débuta ses travaux, il y a cinquante ans, avec la discussion du schéma sur la sainte liturgie, approuvé ensuite solennellement le 4 décembre 1963, le premier texte approuvé par le Concile. Que le document sur la liturgie fût le premier résultat de l’assemblée conciliaire, fut peut-être attribué par certains au hasard. Parmi les nombreux projets, le texte sur la sainte liturgie sembla être le moins controversé et, précisément pour cette raison, en mesure de constituer comme une sorte d’exercice pour apprendre la méthodologie du travail conciliaire. Mais sans aucun doute, ce qui à première vue peut sembler un hasard, s’est démontré être le choix le plus juste, même à partir de la hiérarchie des thèmes et des tâches les plus importantes de l’Église. En effet, en commençant par le thème de la « liturgie » le Concile mit en lumière de façon très claire le primat de Dieu, sa priorité absolue. Dieu avant toute chose : c’est précisément ce que nous dit le choix conciliaire de partir de la liturgie. Là où le regard de Dieu n’est pas déterminant, toute autre chose perd son orientation. Le critère fondamental pour la liturgie est son orientation à Dieu, pour pouvoir ainsi participer à son oeuvre même.

Mais nous pouvons nous demander : quelle est cette oeuvre de Dieu à laquelle nous sommes appelés à participer ? La réponse que nous offre la Constitution conciliaire sur la sainte liturgie est apparemment double. Au numéro 5 elle nous indique, en effet, que l’oeuvre de Dieu, ce sont ses actions historiques qui nous apportent le salut, qui ont culminé dans la Mort et la Résurrection de Jésus Christ ; mais au numéro 7 la même Constitution définit précisément la célébration de la liturgie comme « oeuvre du Christ ». En réalité, ces deux significations sont indissociablement liées. Si nous nous demandons qui sauve le monde et l’homme, la seule réponse est : Jésus de Nazareth, Seigneur et Christ, crucifié et ressuscité. Et où devient actuel pour nous, pour moi aujourd’hui le Mystère de la Mort et de la Résurrection du Christ qui nous apporte le salut ? La réponse est : dans l’action du Christ à travers l’Église, dans la liturgie, en particulier dans le sacrement de l’Eucharistie, qui rend présente l’offre sacrificielle du Fils de Dieu, qui nous a rachetés ; dans le sacrement de la réconciliation, où l’on passe de la mort du péché à la vie nouvelle ; et dans les autres actes sacramentaux qui nous sanctifient (cf. Presbyterorum ordinis PO 5). Ainsi le mystère pascal de la Mort et de la Résurrection du Christ est le centre de la théologie liturgique du Concile.

Allons encore un peu plus loin et demandons-nous: de quelle manière est rendue possible cette actualisation du mystère pascal du Christ ? Le bienheureux Pape Jean-Paul II, 25 ans après la constitution Sacrosanctum Concilium, écrivit : « Pour actualiser son mystère pascal, le Christ est toujours là, présent dans son Église, surtout dans les actions liturgiques. La liturgie est, en effet, le lieu privilégié de rencontre des chrétiens avec Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus Christ (cf. Jn 17,3) » (Vicesimus quintus annus, n. 7). Dans la même perspective, nous lisons dans le Catéchisme de l’Église catholique : « Une célébration sacramentelle est une rencontre des enfants de Dieu avec leur Père, dans le Christ et l’Esprit Saint, et cette rencontre s’exprime comme un dialogue, à travers des actions et des paroles » (n. 1153). Par conséquent, la première exigence pour une bonne célébration liturgique est qu’elle soit prière, entretien avec Dieu, écoute tout d’abord puis réponse. Saint Benoît, dans sa « Règle », en parlant de la prière des Psaumes, indique aux moines : mens concordet voci, « que l’esprit concorde avec la voix ». Le saint enseigne que dans la prière des Psaumes, les paroles doivent précéder notre esprit. Habituellement, cela ne se passe pas ainsi, nous devons d’abord penser puis ce que nous avons pensé est converti en parole. Ici en revanche, dans la liturgie, c’est l’inverse, la parole précède. Dieu nous a donné la parole et la sainte liturgie nous offre les paroles ; nous devons entrer à l’intérieur des paroles, dans leur signification, les accueillir en nous, nous mettre en harmonie avec ces paroles ; ainsi devenons-nous fils de Dieu, semblables à Dieu. Comme le rappelle Sacrosanctum Concilium, pour assurer la pleine efficacité de la célébration « il est nécessaire que les fidèles accèdent à la liturgie avec les dispositions d’une âme droite, qu’ils harmonisent leur âme avec leur voix, et qu’ils coopèrent à la grâce d’en haut pour ne pas recevoir celle-ci en vain » (n. 11). Un élément fondamental, primaire, du dialogue avec Dieu dans la liturgie, est la concordance entre ce que nous disons avec les lèvres et ce que nous portons dans le coeur. En entrant dans les paroles de la grande histoire de la prière, nous sommes nous-mêmes conformés à l’esprit de ces paroles et nous devenons capables de parler avec Dieu.

Dans cette optique, je voudrais seulement mentionner l’un des moments qui, au cours de la liturgie elle-même, nous appelle et nous aide à trouver cette concordance, cette conformation à ce que nous écoutons, nous disons et nous faisons pendant la célébration de la liturgie. Je fais référence à l’invitation que le célébrant formule avant la prière eucharistique : « Sursum corda », élevons nos coeurs au-dessus de l’enchevêtrement de nos préoccupations, de nos désirs, de nos angoisses, de notre distraction. Notre coeur, au plus profond de nous-mêmes, doit s’ouvrir docilement à la Parole de Dieu et se recueillir dans la prière de l’Église, pour recevoir son orientation vers Dieu des paroles mêmes qu’il écoute et prononce. Le regard du coeur doit se diriger vers le Seigneur, qui se trouve parmi nous : il s’agit d’une disposition fondamentale.

Quand nous vivons la liturgie avec cette attitude de fond, notre coeur est comme libéré de la force de gravité, qui l’attire vers le bas, et il s’élève intérieurement vers le haut, vers la vérité, vers l’amour, vers Dieu. Comme le rappelle le Catéchisme de l’Église catholique : « La mission du Christ et de l’Esprit Saint qui, dans la liturgie sacramentelle de l’Église, annonce, actualise et communique le Mystère du salut, se poursuit dans le coeur qui prie. Les Pères spirituels comparent parfois le coeur à un autel » (n. 2655) : altare Dei est cor nostrum.

Chers amis, nous ne célébrons et vivons bien la liturgie que si nous restons dans une attitude de prière, et pas si nous voulons « faire quelque chose », nous faire voir ou agir, mais si nous orientons notre coeur vers Dieu et si nous nous plaçons dans une attitude de prière en nous unissant au Mystère du Christ et à son dialogue de Fils avec le Père. Dieu lui-même nous enseigne à prier, comme l’affirme saint Paul (cf. Rm 8,26). Il nous a lui-même donné les paroles adaptées pour nous adresser à Lui, des paroles que nous rencontrons dans le Psautier, dans les grandes oraisons de la sainte liturgie et dans la célébration eucharistique elle-même. Prions le Seigneur d’être chaque jour plus conscients du fait que la liturgie est action de Dieu et de l’homme ; une prière qui jaillit de l’Esprit Saint et de nous, entièrement adressée au Père, en union avec le Fils de Dieu fait homme (cf. Catéchisme de l’Église catholique CEC 2564). Merci.

* * *

Je salue avec joie les pèlerins de langue française. Demandons au Seigneur de nous aider à prendre toujours conscience que la liturgie est action de Dieu et de l’homme, une prière qui vient de l’Esprit Saint et de nous ; une prière entièrement adressée au Père, en union avec son Fils incarné. Bon pèlerinage à tous !







Place Saint-Pierre

Mercredi 3 octobre 2012

31012

Chers frères et soeurs,

Dans la dernière catéchèse j’ai commencé à parler de l’une des sources privilégiées de la prière chrétienne : la sainte liturgie, qui — comme l’affirme le Catéchisme de l’Église catholique — est « participation à la prière du Christ, adressée au Père dans l’Esprit Saint. En elle toute prière chrétienne trouve sa source et son terme » (
CEC 1073). Je voudrais aujourd’hui que nous nous demandions : dans ma vie, est-ce que je réserve une place suffisante à la prière et, surtout, quelle place a dans ma relation avec Dieu la prière liturgique, en particulier la Messe, comme participation à la prière commune du Corps du Christ qui est l’Église ?

En répondant à cette question, nous devons nous rappeler tout d’abord que la prière est la relation vivante des fils de Dieu avec leur Père infiniment bon, avec son Fils Jésus Christ et avec l’Esprit Saint (cf. ibid., n. 2565). La vie de prière consiste donc à être de manière habituelle en présence de Dieu et à en avoir conscience, à vivre en relation avec Dieu comme nous vivons les relations habituelles de notre vie, celles avec les membres les plus chers de notre famille, avec nos vrais amis ; c’est même cette relation avec le Seigneur qui donne la lumière à toutes nos autres relations. Cette communion de vie avec Dieu, Un et Trine, est possible car à travers le baptême nous avons tous été insérés dans le Christ, nous avons commencé à être un avec Lui (cf. Rm 6,5).

En effet, ce n’est qu’en Christ que nous pouvons dialoguer avec Dieu le Père comme des fils, autrement cela n’est pas possible, mais en communion avec le Fils nous pouvons nous aussi dire, comme Il l’a dit : « Abbà ». En communion avec le Christ nous pouvons connaître Dieu comme Père véritable (cf. Mt 11,27). C’est pourquoi la prière chrétienne consiste à nous tourner constamment et de manière toujours nouvelle vers le Christ, à parler avec Lui, à demeurer en silence avec Lui, à l’écouter, à agir et à souffrir avec Lui. Le chrétien redécouvre sa véritable identité en Christ, « premier-né de toute créature », dans lequel toute chose subsiste (cf. Col 1,15sq). En m’identifiant à Lui, en étant un avec Lui, je redécouvre mon identité personnelle, celle de véritable fils qui regarde Dieu comme un Père plein d’amour.

Mais n’oublions pas : nous découvrons le Christ, nous le connaissons comme Personne vivante, dans l’Église. Celle-ci est « son Corps ». Cette corporéité peut être comprise à partir des paroles bibliques sur l’homme et sur la femme : les deux seront une seule chair (cf. Gn 2,24 Ep 5,30sq ; 1Co 6,16s). Le lien indissoluble entre le Christ et l’Église, à travers la force unifiante de l’amour, n’annule pas le « toi » et le « moi », mais les élève au contraire à leur unité la plus profonde. Trouver sa propre identité en Christ signifie parvenir à une communion avec Lui, qui ne m’annule pas, mais qui m’élève à la plus haute dignité, celle de fils de Dieu dans le Christ : « L’histoire d’amour entre Dieu et l’homme consiste justement dans le fait que cette communion de volonté grandit dans la communion de pensée et de sentiment, et ainsi notre vouloir et la volonté de Dieu coïncident toujours plus » (Enc. Deus caritas est ). Prier signifie s’élever à la hauteur de Dieu, à travers une transformation progressive nécessaire de notre être.

Ainsi, en participant à la liturgie, nous faisons nôtre la langue de la mère Église, nous apprenons à parler en elle et pour elle. Naturellement, comme je l’ai déjà dit, cela a lieu de manière progressive, peu à peu. Je dois me plonger progressivement dans les paroles de l’Église, avec ma prière, avec ma vie, avec ma souffrance, avec ma joie, avec ma pensée. C’est un chemin qui nous transforme.

Je pense alors que ces réflexions nous permettent de répondre à la question que nous nous sommes posée au début : comment puis-je apprendre à prier, comment puis-je grandir dans ma prière ? En regardant le modèle que nous a enseigné Jésus, le Notre Père, nous voyons que le premier mot est « notre » et le deuxième est « Père ». La réponse est donc claire : en apprenant à prier je nourris ma prière, en m’adressant à Dieu comme Père et en priant-avec-les-autres, en priant avec l’Église, en acceptant le don de ses mots, qui deviennent peu à peu familiers et riches de sens. Le dialogue que Dieu établit avec chacun de nous, et nous avec Lui, dans la prière inclut toujours un « avec » : on ne peut pas prier Dieu de manière individualiste. Dans la prière liturgique, surtout l’Eucharistie, et — formés par la liturgie — dans toute prière, nous ne parlons pas uniquement en tant qu’individus, mais nous entrons dans le « nous » de l’Église qui prie. Et nous devons transformer notre « moi » en entrant dans ce « nous ».

Je voudrais rappeler un autre aspect important. Dans le Catéchisme de l’Église catholique nous lisons : « Dans la liturgie de la Nouvelle Alliance, toute action liturgique, spécialement la célébration de l’Eucharistie et des sacrements, est une rencontre entre le Christ et l’Église » (CEC 1097) ; donc c’est le « Christ total », toute la Communauté, le Corps du Christ uni à son Chef qui célèbre. La liturgie n’est alors pas une sorte d’« auto-manifestation » d’une communauté, mais c’est en revanche une manière de sortir du simple « être-soi-même », être enfermés en soi-même, et d’accéder au grand banquet, d’entrer dans la grande communauté vivante, dans laquelle Dieu lui-même nous nourrit. La liturgie implique universalité et ce caractère universel doit entrer toujours à nouveau dans la conscience de tous. La liturgie chrétienne est le culte du temple universel qu’est le Christ ressuscité, dont les bras sont ouverts sur la croix pour attirer tous les hommes dans l’accolade d’amour éternel de Dieu. C’est le culte du ciel ouvert. Ce n’est jamais seulement l’événement d’une communauté singulière, ayant une place particulière dans le temps et dans l’espace. Il est important que tout chrétien se sente et soit réellement inséré dans ce « nous » universel, qui fournit le fondement et le refuge au « moi », dans le Corps du Christ qu’est l’Église.

En cela, nous devons avoir à l’esprit et accepter la logique de l’incarnation de Dieu : il s’est fait proche, présent, en entrant dans l’histoire et dans la nature humaine, en se faisant l’un de nous. Et cette présence se poursuit dans l’Église, son Corps. La liturgie n’est alors pas le souvenir d’événements passés, mais la présence vivante dans le Mystère pascal du Christ qui transcende et unit les temps et les espaces. Si dans la célébration n’émerge pas la place centrale du Christ, nous n’aurons pas une liturgie chrétienne, totalement dépendante du Seigneur et soutenue par sa présence créatrice. Dieu agit par l’intermédiaire du Christ et nous ne pouvons agir que par son intermédiaire et en Lui. Chaque jour doit croître en nous la conviction que la liturgie n’est pas notre « action », mon « action » mais l’action de Dieu en nous et avec nous.

Par conséquent, ce n’est pas l’individu — prêtre ou fidèle — ou le groupe qui célèbre la liturgie, mais elle est avant tout action de Dieu à travers l’Église, qui a son histoire, sa riche tradition et sa créativité. Cette universalité et ouverture fondamentale, qui est propre à toute la liturgie, est l’une des raisons pour laquelle elle ne peut pas être conçue ou modifiée par une communauté singulière ou par des experts, mais elle doit être fidèle aux formes de l’Église universelle.

L’Église tout entière est toujours présente même dans la liturgie de la communauté la plus petite. C’est pourquoi il n’y a pas d’« étrangers » dans la communauté liturgique. L’Église tout entière, le ciel et la terre, Dieu et les hommes participent ensemble à chaque célébration liturgique. La liturgie chrétienne, même si elle est célébrée dans un lieu et un espace concret, et exprime le « oui » d’une communauté déterminée, est par sa nature catholique, provient du tout et conduit au tout, en unité avec le Pape, avec les évêques, avec les croyants de toutes les époques et de tous les lieux. Plus une célébration est animée par cette conscience, plus se réalise en elle de façon fructueuse le sens authentique de la liturgie.

Chers amis, l’Église est visible de nombreuses façons : dans l’action caritative, dans les projets de mission, dans l’apostolat personnel que chaque chrétien doit réaliser dans son milieu. Mais le lieu où l’on en fait pleinement l’expérience en tant qu’Eglise est dans la liturgie: elle est l’acte par lequel nous croyons que Dieu entre dans notre réalité et nous pouvons le rencontrer, nous pouvons le toucher. C’est l’acte par lequel nous entrons en contact avec Dieu: Il vient à nous, et nous sommes illuminés par Lui. C’est pourquoi, lorsque dans les réflexions sur la liturgie, nous concentrons notre attention uniquement sur la façon de la rendre attrayante, intéressante et belle, nous risquons d’oublier l’essentiel: la liturgie se célèbre pour Dieu et non pour nous-mêmes; c’est son oeuvre; c’est Lui le sujet; et nous devons nous ouvrir à Lui et nous laisser guider par Lui et par son Corps qui est l’Eglise.

Demandons au Seigneur de nous enseigner chaque jour à vivre la sainte liturgie, en particulier la Célébration eucharistique, en priant dans le «nous» de l’Eglise, qui porte son regard non pas sur elle-même, mais sur Dieu et en sentant que nous sommes une partie de l’Eglise vivante de tous les lieux et de tous les temps. Merci.
* * *


Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier ceux de Nancy, de Saint-Dié et de la Nouvelle-Calédonie. Je vous exhorte à vivre chaque jour la sainte liturgie, surtout la célébration eucharistique, comme des membres de l’Église vivante de tous les lieux et de tous les temps ! Bon pèlerinage et fructueux mois du Rosaire !





Place Saint-Pierre

Mercredi 10 octobre 2012

10102

Chers frères et soeurs,

Nous sommes à la veille du jour où nous célébrerons le cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile oecuménique Vatican ii et le début de l’Année de la foi. Avec cette catéchèse, je voudrais commencer à réfléchir — à travers quelques brèves pensées — sur le grand événement d’Église qu’a été le Concile, événement dont j’ai été le témoin direct. Celui-ci, pour ainsi dire, nous apparaît comme une grande fresque, peinte dans sa grande multiplicité et variété d’éléments, sous la direction de l’Esprit Saint. Et comme face à un grand tableau, nous continuons aujourd’hui encore à en saisir l’extraordinaire richesse, à en redécouvrir des passages, des fragments, des morceaux particuliers.

Le bienheureux Jean-Paul II, au seuil du troisième millénaire, écrivit : « Je sens plus que jamais le devoir d’indiquer le Concile comme la grande grâce dont l’Église a bénéficié au vingtième siècle : il nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence» (Lett. ap. Novo millennio ineunte, n. 57). Je pense que cette image est éloquente. Les documents du Concile Vatican ii, auxquels il faut revenir, en les dépouillant d’une foule de publications qui souvent, au lieu de les faire connaître, les ont cachés, sont, également pour notre époque, une boussole qui permet au navire de l’Église d’avancer en haute mer, au milieu des tempêtes ou des vagues calmes et tranquilles, pour naviguer en toute sûreté et arriver à bon port.

Je me souviens bien de cette période : j’étais jeune professeur de théologie fondamentale à l’université de Bonn, et ce fut l’archevêque de Cologne, le cardinal Frings, pour moi un point de référence humain et sacerdotal, qui m’emmena avec lui à Rome comme son conseiller en théologie ; je fus ensuite également nommé expert conciliaire. Ce fut pour moi une expérience unique : après toute la ferveur et l’enthousiasme de la préparation, j’ai pu voir une Église vivante — près de trois mille pères conciliaires venus de toutes les parties du monde réunis sous la direction du Successeur de l’Apôtre Pierre — qui se place à l’école de l’Esprit Saint, le véritable moteur du Concile. Rares sont les fois dans l’histoire où l’on a pu, comme alors, presque « toucher du doigt » concrètement l’universalité de l’Église à un moment de grande réalisation de sa mission d’apporter l’Évangile en tout temps et jusqu’aux extrémités de la terre. Ces jours-ci, si vous revoyez les images de l’ouverture de cette grande assemblée, à travers la télévision ou les autres moyens de communication, vous pourrez percevoir vous aussi la joie, l’espérance et l’encouragement qu’a été pour nous tous de prendre part à cet événement de lumière qui irradie jusqu’à aujourd’hui.

Dans l’histoire de l’Église, comme vous le savez je suppose, divers Conciles ont précédé Vatican ii. D’ordinaire, ces grandes assemblées ecclésiales ont été convoquées pour définir des éléments fondamentaux de la foi, en particulier en corrigeant les erreurs qui la menaçaient. Pensons au Concile de Nicée en 325, pour combattre l’hérésie aryenne et répéter clairement la divinité de Jésus Premier Né de Dieu le Père ; ou à celui d’Éphèse, de 431, qui définit Marie comme Mère de Dieu ; à celui de Chalcédoine, en 451, qui affirma l’unique personne du Christ en deux natures, la nature divine et la nature humaine. Plus près de nous, nous devons citer le Concile de Trente, au XVIe siècle, qui a éclairci des points essentiels de la doctrine catholique face à la Réforme protestante ; ou encore Vatican i, qui commença à réfléchir sur diverses questions, mais qui n’eut le temps de produire que deux documents, l’un sur la connaissance de Dieu, la révélation, la foi et les relations avec la raison, et l’autre sur le primat du Pape et sur l’infaillibilité, parce qu’il fut interrompu par l’occupation de Rome en septembre 1870.

Si nous considérons le Concile oecuménique Vatican ii, nous voyons qu’à ce moment du chemin de l’Église, il n’y avait pas d’erreurs de foi particulières à corriger ou condamner, ni de questions spécifiques de doctrine ou de discipline à clarifier. On peut alors comprendre la surprise du petit groupe de cardinaux présents dans la salle capitulaire du monastère bénédictin à Saint-Paul-hors-les-Murs, lorsque, le 25 janvier 1959, le bienheureux Jean XXIII annonça le synode diocésain pour Rome et le Concile pour l’Église universelle. La première question qui se posa dans la préparation de ce grand événement fut précisément comment l’entamer, quel tâche précise lui attribuer. Le bienheureux Jean XXIII, dans le discours d’ouverture, le 11 octobre il y a cinquante ans, donna une indication générale: la foi devait parler d’une manière « renouvelée », plus incisive — parce que le monde était en train de changer rapidement — en conservant intacts toutefois ses contenus éternels, sans céder ni faire de compromis. Le Pape désirait que l’Église réfléchisse sur sa foi, sur les vérités qui la guident. Mais à partir de cette réflexion sérieuse, approfondie sur la foi, devait être tracé de manière nouvelle le rapport entre l’Église et l’époque moderne, entre le christianisme et certains éléments essentiels de la pensée moderne, non pas pour se conformer à celle-ci, mais pour présenter à notre monde, qui tend à s’éloigner de Dieu, l’exigence de l’Évangile, dans toute sa grandeur et dans toute sa pureté (cf. Discours à la Curie romaine pour les voeux de Noël, 22 décembre 2005). Le serviteur de Dieu Paul VI l’indique très bien dans l’homélie à la fin de la dernière session du Concile — le 7 décembre 1965 — avec des paroles extraordinairement actuelles, lorsqu’il affirme que, pour bien mesurer cet événement « il faut se rendre compte du moment où il s’est accompli. En effet — dit le Pape — il s’est accompli en un temps que tous reconnaissent comme orienté vers la conquête du Royaume terrestre plutôt que vers le Royaume des Cieux, un temps où l’oubli de Dieu devient courant et semble, à tort, suggéré par le progrès scientifique, un temps où la personne humaine qui a pris davantage conscience d’elle-même et de sa liberté, tend essentiellement à s’affirmer dans une autonomie absolue et à s’affranchir de toute loi qui la dépasse. C’est un temps où le laïcisme semble écouler normalement de la pensée moderne, et représenter la sagesse dernière de l’ordre social temporel... C’est dans ce temps-là que le Concile s’est tenu, en l’honneur de Dieu, au nom du Christ et sous l’impulsion de l’Esprit Saint ». Telles sont les paroles de Paul VI. Et il concluait en indiquant la question de Dieu comme le point central du Concile, ce Dieu qui « est une réalité, un être vivant et une personne, qui exerce une providence; qui est infiniment bon, et non seulement en lui-même mais d’une bonté sans mesure à notre égard également. Qui est notre créateur, notre vérité, notre bonheur, au point que l’effort de fixer en lui notre regard et notre coeur, dans une attitude de contemplation, comme nous l’appelons, devient l’acte le plus élevé et le plus plénier de l’esprit, celui qui aujourd’hui encore peut et doit ordonner l’immense pyramide des activités humaines » (aas 58 [1966], 52-53 ; cf. orlf n. 50 du 70 décembre 1965).

Nous voyons que l’époque dans laquelle nous vivons continue à être marquée par l’oubli et la surdité à l’égard de Dieu. Alors, je pense que nous devons apprendre la leçon la plus simple et fondamentale du Concile, c’est-à-dire que le christianisme dans son essence consiste dans la foi en Dieu, qui est Amour trinitaire, et dans la rencontre, personnelle et communautaire, avec le Christ qui oriente et guide la vie: tout le reste en découle. Ce qui est important aujourd’hui, précisément tel que cela était le désir des Pères conciliaires, est que l’on voit — à nouveau, avec clarté — que Dieu est présent, nous regarde, nous répond. Et que, en revanche, lorsque la foi en Dieu est absente, ce qui est essentiel s’effondre, car l’homme perd sa dignité profonde et ce qui fait la grandeur de son humanité, contre tout réductionnisme. Le Concile nous rappelle que l’Église, dans toutes ses composantes, a le devoir, le mandat de transmettre la parole de l’amour de Dieu qui sauve, pour que soit écouté et accueilli cet appel divin qui contient en lui notre béatitude éternelle.

En regardant sous cette lumière la richesse contenue dans les documents de Vatican ii, je voudrais seulement citer les quatre Constitutions, qui sont comme quatre points cardinaux de la boussole capable de nous orienter. La Constitution sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium nous indique que dans l’Église, au début, se trouve l’adoration, Dieu, le caractère central du mystère de la présence du Christ. Et l’Église, corps du Christ et peuple en pèlerinage dans le temps, a pour tâche fondamentale de glorifier Dieu, comme l’exprime la Constitution dogmatique Lumen gentium. Le troisième document que je voudrais citer est la Constitution sur la divine Révélation Dei Verbum : la parole vivante de Dieu convoque l’Église et la vivifie tout au long de son chemin dans l’histoire. Et la manière dont l’Église apporte au monde entier la lumière qu’elle a reçue de Dieu pour qu’il soit glorifié, est le thème de fond de la Constitution pastorale Gaudium et spes.

Le Concile Vatican ii est pour nous un appel puissant à redécouvrir chaque jour la beauté de notre foi, à la connaître de manière profonde pour une relation plus intense avec le Seigneur, à vivre jusqu’au bout notre vocation chrétienne. Que la Vierge Marie, Mère du Christ et de toute l’Église, nous aide à réaliser et à mener à bien ce que les Pères conciliaires, animés par l’Esprit Saint, conservaient dans leur coeur : le désir que tous puissent connaître l’Évangile et rencontrer le Seigneur Jésus comme chemin, vérité et vie. Merci.
* * *


Je vous salue cordialement, chers amis francophones, particulièrement les pèlerins de France, du Canada et du Gabon. Je vous invite à redécouvrir les richesses de l’enseignement du Concile Vatican II pour en vivre personnellement et dans vos communautés chrétiennes. Bon pèlerinage à tous !





Place Saint-Pierre

Mercredi 17 octobre 2012: L'Année de la foi. Introduction

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Chers frères et soeurs,

Aujourd’hui je voudrais introduire le nouveau cycle de catéchèses, qui se développe sur toute l’Année de la foi qui vient de débuter et qui interrompt — pendant cette période — le cycle consacré à l’école de la prière. Avec la lettre apostolique Porta Fidei j’ai proclamé cette année spéciale, précisément pour que l’Église renouvelle l’enthousiasme de croire en Jésus Christ, unique sauveur du monde, ravive la joie de cheminer sur la voie qu’il nous a indiquée, et témoigne de manière concrète de la force transformatrice de la foi.

L’anniversaire des cinquante ans de l’ouverture du Concile Vatican ii est une occasion importante pour revenir à Dieu, pour approfondir et vivre avec davantage de courage sa propre foi, pour renforcer l’appartenance à l’Église, « maîtresse en humanité », qui, à travers l’annonce de la Parole, la célébration des Sacrements et les oeuvres de la charité nous guide à rencontrer et connaître le Christ, vrai Dieu et vrai homme. Il s’agit de la rencontre non pas avec une idée ou avec un projet de vie, mais avec une Personne vivante qui nous transforme en profondeur, en nous révélant notre véritable identité de fils de Dieu. La rencontre avec le Christ renouvelle nos rapports humains, en les orientant, jour après jour, vers une plus grande solidarité et fraternité, dans la logique de l’amour. Avoir foi dans le Seigneur n’est pas un fait qui intéresse uniquement notre intelligence, le domaine du savoir intellectuel, mais c’est un changement qui implique la vie, toute notre personne, sentiment, coeur, intelligence, volonté, corps, émotions, relations humaines. Avec la foi tout change véritablement en nous et pour nous, et se révèle avec clarté notre destin futur, la vérité de notre vocation dans l’histoire, le sens de la vie, le goût d’être pèlerins vers la Patrie céleste.

Mais — nous demandons-nous — la foi est-elle vraiment la force transformatrice de notre vie, de ma vie ? Ou bien est-ce seulement un des éléments qui font partie de l’existence, sans être l’élément déterminant qui la détermine totalement ? Avec les catéchèses de cette Année de la foi nous voudrions ouvrir un chemin pour renforcer ou retrouver la joie de la foi, en comprenant qu’elle n’est pas quelque chose d’étranger, de détaché de la vie concrète, mais elle en est l’âme. La foi en un Dieu qui est amour, et qui s’est fait proche de l’homme en s’incarnant et en se donnant lui-même sur la croix pour nous sauver et nous rouvrir les portes du Ciel, indique de manière lumineuse que ce n’est que dans l’amour que consiste la plénitude de l’homme. Aujourd’hui il est nécessaire de le réaffirmer avec clarté, tandis que les transformations culturelles à l’oeuvre montrent souvent tant de formes de barbaries, qui passent pour des « conquêtes de la civilisation » : la foi affirme qu’il n’y a pas de vraie humanité sinon dans les lieux, dans les gestes, dans les temps et dans les formes où l’homme est animé par l’amour qui vient de Dieu, s’exprime comme don, se manifeste dans des relations riches d’amour, de compassion, d’attention et de service désintéressé envers l’autre. Là où il y a domination, possession, exploitation, marchandisation de l’autre pour son propre égoïsme, là où il y a l’arrogance du moi fermé en lui-même, l’homme s’en trouve appauvri, dégradé, défiguré. La foi chrétienne, active dans la charité et forte dans l’espérance, ne limite pas, mais humanise la vie, et la rend même pleinement humaine.

La foi signifie accueillir dans notre vie ce message qui transforme, elle signifie accueillir la révélation de Dieu, qui nous fait connaître qui Il est, comment il agit, quels sont ses projets pour nous. Certes, le mystère de Dieu demeure toujours au-delà de nos concepts et de notre raison, nos rites et nos prières. Toutefois, avec la révélation, c’est Dieu lui-même qui se communique, se raconte, se rend accessible. Et nous devenons capables d’écouter sa Parole et de recevoir sa vérité. Voilà alors la merveille de la foi : Dieu, dans son amour, crée en nous — à travers l’oeuvre de l’Esprit Saint — les conditions adéquates afin que nous puissions reconnaître sa Parole. Dieu lui-même, dans sa volonté de se manifester, d’entrer en contact avec nous, de devenir présent dans notre histoire, nous rend capables de l’écouter et de l’accueillir. Saint Paul l’exprime avec joie et reconnaissance de cette façon : « Nous ne cessons de rendre grâces à Dieu de ce que, une fois reçue la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie, non comme une parole d’hommes, mais comme ce qu’elle est réellement, la parole de Dieu. Et cette parole reste active en vous, les croyants » (
1Th 2,13).

Dieu s’est révélé à travers des paroles et des oeuvres tout au long d’une histoire d’amitié avec l’homme, qui culmine dans l’Incarnation du Fils de Dieu et dans son Mystère de mort et de Résurrection. Non seulement Dieu s’est révélé dans l’histoire d’un peuple, non seulement il a parlé au moyen des prophètes, mais il a franchi la limite de son Ciel pour entrer dans la terre des hommes comme homme, afin que nous puissions le rencontrer et l’écouter. Et de Jérusalem, l’annonce de l’Évangile du salut s’est diffusée jusqu’aux confins de la terre. L’Église, née du côté du Christ, est devenue messagère d’une nouvelle et solide espérance : Jésus de Nazareth, crucifié et ressuscité, sauveur du monde, qui siège à la droite du Père et est le juge des vivants et des morts. Tel est le kérygme, l’annonce centrale et impétueuse de la foi. Mais dès le début se pose le problème de la « règle de la foi », c’est-à-dire de la fidélité des croyants à la vérité de l’Évangile, à laquelle rester fidèles, à la vérité salvifique sur Dieu et sur l’homme à conserver et à transmettre. Saint Paul écrit : « Vous vous sauvez, si vous le [l’Évangile] gardez tel que je vous l’ai annoncé ; sinon, vous auriez cru en vain » (1Co 5,2).

Mais où trouvons-nous la formule essentielle de la foi ? Où trouvons-nous les vérités qui nous ont été fidèlement transmises et qui constituent la lumière pour notre vie quotidienne ? La réponse est simple : dans le Credo, dans la Profession de Foi ou le Symbole de la foi, nous nous rattachons à l’événement originel de la Personne et de l’Histoire de Jésus de Nazareth : ce que l’apôtre des nations disait aux chrétiens de Corinthe se réalise : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures » (1Co 15,3).

Aujourd’hui aussi, nous avons besoin que le Credo soit mieux connu, compris et prié. En particulier, il est important que le Credo soit, pour ainsi dire, « reconnu ». En effet, connaître pourrait être une opération uniquement intellectuelle, tandis que « reconnaître » veut signifier la nécessité de découvrir le lien profond entre les vérités que nous professons dans le Credo et notre existence quotidienne, afin que ces vérités soient véritablement et concrètement — comme elles l’ont toujours été — une lumière pour les pas de notre vie, une eau qui irrigue les passages arides de notre chemin, une vie qui vainc certains déserts de la vie contemporaine. Dans le Credo se greffe la vie morale du chrétien, qui trouve en lui son fondement et sa justification.

Ce n’est pas un hasard que le bienheureux Jean-Paul II ait voulu que le Catéchisme de l’Église catholique, norme sûre pour l’enseignement de la foi et source certaine pour une catéchèse renouvelée, soit axé sur le Credo. Il s’est agi de confirmer et de conserver ce noyau central des vérités de la foi, en le communiquant dans un langage plus intelligible aux hommes de notre temps, à nous. C’est un devoir de l’Église de transmettre la foi, de communiquer l’Évangile, afin que les vérités chrétiennes soient une lumière dans les nouvelles transformations culturelles, et que les chrétiens soient capables de rendre raison de l’espérance qu’ils portent (cf. 1P 3,14). Nous vivons aujourd’hui dans une société profondément transformée, même par rapport à un passé récent, et en continuelle évolution. Les processus de la sécularisation et d’une mentalité nihiliste diffuse, dans laquelle tout est relatif, ont profondément marqué la mentalité commune. Ainsi, la vie est souvent vécue avec légèreté, sans idéaux clairs et sans espérances solides, à l’intérieur de liens sociaux et familiaux mouvants, provisoires. Les nouvelles générations, en particulier, ne sont pas éduquées à la recherche de la vérité et du sens profond de l’existence, qui dépasse ce qui est contingent, à la stabilité des liens d’affection, à la confiance. Au contraire, le relativisme conduit à ne pas avoir de points de référence, le soupçon et la légèreté provoquent des ruptures dans les relations humaines, alors que la vie est vécue dans le cadre d’expériences qui durent peu, sans prise de responsabilité. Si l’individualisme et le relativisme semblent dominer l’âme de nombreux contemporains, on ne peut pas dire que les croyants soient totalement immunisés contre ces dangers, auxquels nous sommes confrontés dans la transmission de la foi. L’enquête menée sur tous les continents pour la préparation du synode des évêques sur la nouvelle évangélisation, en a souligné certains: une foi vécue de manière passive et privée, le refus de l’éducation à la foi, la fracture entre vie et foi.

Souvent le chrétien ne connaît même pas le noyau central de sa propre foi catholique, du Credo, au point de laisser place à un certain syncrétisme et relativisme religieux, sans clarté sur les vérités à croire et sans la particularité salvifique du christianisme. On court aujourd’hui le risque de construire, pour ainsi dire, une religion « bricolée ». Nous devons, en revanche, revenir à Dieu, au Dieu de Jésus Christ, nous devons redécouvrir le message de l’Évangile, le faire entrer de manière plus profonde dans nos consciences et dans la vie quotidienne.

Dans les catéchèses de cette Année de la foi , je voudrais offrir de l’aide pour accomplir ce chemin, pour reprendre et approfondir les vérités centrales de la foi sur Dieu, sur l’homme, sur l’Église, sur toute la réalité sociale et cosmique, en méditant et en réfléchissant sur les affirmations du Credo. Et je voudrais qu’il apparaisse clairement que ces contenus ou vérités de la foi (fides quae) sont liés directement à notre vécu ; ils requièrent une conversion de l’existence, qui donne vie à une nouvelle manière de croire en Dieu (fides qua).Connaître Dieu, le rencontrer, approfondir les traits de son visage met notre vie en jeu, car Il entre dans les dynamismes profonds de l’être humain.

Puisse le chemin que nous accomplirons cette année nous faire tous grandir dans la foi et dans l’amour pour le Christ, pour que nous apprenions à vivre, dans les choix et dans les actions quotidiennes, la vie bonne et belle de l’Évangile. Merci.
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Je vous accueille avec joie chers pèlerins francophones ! J’adresse un salut particulier aux prêtres de Troyes, venus avec leur Évêque Mgr Stenger, aux diocésains de Soissons, avec l’Évêque Mgr Giraud, ainsi qu’aux jeunes de Suisse. Que l’Année de la foi qui commence soit pour vous l’occasion de mieux connaître le message de l’Évangile pour le faire entrer au plus profond de votre conscience et de votre vie. Bon pèlerinage à tous !





Place Saint-Pierre

Mercredi 24 octobre 2012: L'Année de la foi. Qu'est-ce que la foi ?


Catéchèses Benoît XVI 26912