Montée Carmel I - 2003 4

Ch. 4: OÙ IL EST DIT COMBIEN IL EST NÉCESSAIRE À L'ÂME DE PASSER VRAIMENT PAR CETTE NUIT OBSCURE DU SENS,

- QUI EST LA MORTIFICATION DE L'APPÉTIT - POUR S'ACHEMINER À L'UNION DE DIEU

1. La cause pour laquelle il est nécessaire à l'âme, pour arriver à la divine union avec Dieu, de passer par cette nuit obscure de la mortification des appétits et négation des goûts en toutes les choses, c'est que toutes les affections qu'elle a aux créatures sont devant Dieu comme de pures ténèbres, dont l'âme étant couverte, elle n'est pas capable d'être éclairée et possédée par la pure et très simple lumière de Dieu, si auparavant elle ne les rejette de soi ; vu que la lumière ne peut convenir avec les ténèbres, puisque, comme dit saint Jean, tenebrae eam non comprehenderunt, c'est-à-dire: les ténèbres ne purent recevoir la lumière (Jn 1,5).

2. La raison en est que deux contraires, selon ce que nous enseigne la philosophie, ne peuvent demeurer ensemble en un même sujet; puisque les ténèbres, qui sont les affections des créatures, et la lumière qui est Dieu, sont contraires et n'ont aucune ressemblance ni convenance entre elles, selon ce que saint Paul enseigne aux Corinthiens, en disant : Quae conventio lucis ad tenebras ? à savoir : Quelle convenance peut-il y avoir entre la lumière et les ténèbres ? (2Co 6,14). De là vient que la lumière de l'union divine ne peut s'établir en l'âme si auparavant on n'en bannit les affections.


3. Pour mieux prouver ce qui a été dit, il faut savoir que l'affection et l'attachement de l'âme à la créature, égale l'âme à la créature ; et plus grande est l'affection, plus elle la rend égale et la fait semblable, car l'amour fait une ressemblance entre celui qui aime et la chose aimée22. C'est pourquoi David disait, parlant de ceux qui mettaient leur coeur dans les idoles : Similes illis fiant qui faciunt ea, et omnes qui confi-dunt in eis ; ce qui veut dire : Qu'ils soient semblables à elles ceux qui mettent leur coeur en elles (Ps 113,8). Et ainsi celui qui aime la créature demeure aussi vil que cette créature et en quelque façon davantage, parce que l'amour n'égale pas seulement, mais de plus assujettit celui qui aime à ce qu'il aime. D'où vient que, pour cela même que l'âme aime quelque chose, elle se rend incapable de la pure union de Dieu et de sa transformation, car la bassesse de la créature est beaucoup moins capable de la hauteur du Créateur que les ténèbres de la lumière, parce que toutes les choses de la terre et du ciel comparées avec Dieu ne sont rien, comme dit Jérémie par ces paroles : Aspexi terram, et ecce vacua erat et nihil; et coelos, et non erat lux in eis. J'ai regardé la terre (dit-il) et elle était vide et n'était rien ; et les cieux, et je vis qu'ils n'avaient point de lumière (Jr 4,23). En disant qu'il vit la terre vide, il donne à entendre que toutes les créatures qu'elle contient n'étaient rien, ni la terre non plus. Et de dire qu'il regarda les cieux et ne vit point de lumière, signifie que toutes les lumières du ciel comparées à Dieu sont de pures ténèbres. De sorte que toutes les créatures en cette manière ne sont rien, et nous pouvons dire que les affections que l'on a pour elles sont moins que rien, puisqu'elles empêchent et privent de la transformation en Dieu ; comme les ténèbres ne sont rien et moins que rien, puisqu'elles sont privation de la lumière. De même que celui qui est en ténèbres ne saisit pas la lumière, semblablement l'âme qui s'affectionne à la créature ne pourra saisir Dieu ; et jusqu'à ce qu'elle se purifie de cette affection, elle ne le saurait ni posséder ici-bas par une pure transformation d'amour ni là-haut par claire vision. Et pour plus de clarté, nous parlerons davantage en particulier.

22 Cf. Plotin, Ennéades (V 1, 1) qui l'a adopté de Minutio Félix.


4. De sorte que, tout l'être des créatures, comparé à l'être infini de Dieu, n'est rien. De là vient que l'âme qui y met son affection n'est non plus rien devant Dieu et moins que rien, attendu que suivant ce qui a été dit, l'amour fait l'égalité et la ressemblance, et de plus rend inférieur celui qui aime ; et ainsi, cette âme ne pourra en aucune façon s'unir avec l'être infini de Dieu, vu que ce qui n'est pas ne peut convenir avec ce qui est. Et, descendant en particulier à quelques exemples :

a. Toute la beauté des créatures, comparée avec la beauté infinie de Dieu, est une extrême difformité, suivant le dire de Salomon dans les proverbes : Fallax gracia, et vana est pulchritudo ; La grâce est trompeuse et vaine la beauté (Pr 31,30) ; et ainsi, l'âme qui est affectionnée à la beauté de quelque créature est souverainement laide devant Dieu. C'est pourquoi cette âme ne pourra se transformer en la beauté qui est Dieu, parce que la laideur n'atteint point à la beauté.

b. Et toute la grâce et gentillesse des créatures, comparée à la grâce de Dieu, est une chose très déplaisante et d'un très grand dégoût; de là vient que l'âme qui est éprise des grâces et attraits des créatures est souverainement mal gracieuse et insipide aux yeux de Dieu et ainsi ne peut être capable de sa grâce infinie et de sa beauté, car ce qui est déplaisant est fort éloigné de ce qui est infiniment agréable.

c. Et toute la bonté des créatures du monde, comparée à l'infinie bonté de Dieu, peut s'appeler malice, parce que personne n'est bon sinon seulement Dieu (Lc 18,19) ; c'est pourquoi l'âme qui met son coeur dans les biens du monde est souverainement méchante devant Dieu, et comme la malice ne comprend point la bonté, ainsi cette âme ne pourra s'unir à Dieu, qui est la souveraine bonté.

5. d. Et toute la sagesse du monde et toute l'habileté humaine, comparée avec la sagesse infinie de Dieu, est une pure et extrême ignorance, selon ce que saint Paul écrit aux Corinthiens : Sapientia huius mundi stultitia est apud Deum ; la sagesse de ce monde est folie devant Dieu (1Co 3,19) ; de telle sorte que l'âme qui fera cas de tout son savoir et de son adresse pour venir à s'unir à la sagesse divine est très ignorante devant lui et en sera fort éloignée ; parce que l'ignorance ne sait ce que c'est que sagesse, comme dit l'Apôtre écrivant aux Romains : Dicentes enim se esse sapientes, stultifacti sunt; soit: s'estimant sages, ils sont devenus fous (Rm 1,22) ; et ceux-là seulement ont la sagesse de Dieu, qui, tels des enfants ignorants, déposent leur savoir, et marchent avec amour à son service. Cette sorte de sagesse saint Paul l'a aussi enseignée aux Corinthiens : Si quis videtur inter vos sapiens esse in hoc soeculo, stultus fiat ut sit sapiens. Sapientia enim huius mundi stultitia est apud Deum;

Soit : Si quelqu'un d'entre vous pense être sage, qu'il se fasse ignorant pour être sage, car la sagesse de ce monde est folie auprès de Dieu (1Co 3,18-19). De sorte que l'âme pour s'unir à la sagesse divine, doit plutôt cheminer par ignorance que par savoir.

6. e. Et tout le pouvoir et toute la liberté du monde au regard de la liberté et du pouvoir de Dieu n'est qu'une extrême servitude, angoisse et captivité. Ainsi, l'âme qui s'affectionne aux grandeurs, ou à d'autres dignités semblables, et aux désirs de son appétit, est tenue et traitée devant Dieu, non en fille libre, mais en chétive esclave et en prisonnière, faute d'avoir voulu suivre sa sainte doctrine qui enseigne que celui qui veut être le plus grand soit le plus petit et que celui qui veut être le moindre soit le plus grand (Lc 22,26). Et ainsi cette âme ne pourra arriver à la royale liberté d'esprit qui s'acquiert en cette union divine, vu que la servitude ne peut avoir aucune part avec la liberté, qui ne peut demeurer en un coeur sujet à diverses volontés, parce que ce coeur est captif, mais bien dans celui qui est libre, car c'est un coeur de fils. C'est pourquoi Sara dit à son mari Abraham qu'il chassât hors de sa maison l'esclave et son fils, disant que le fils de l'esclave ne devait point être héritier avec le fils de la libre (Gn 21,10).

7. f. Et tous les plaisirs et tous les goûts de la volonté dans les choses de la terre, comparés à toutes les délices que Dieu est, ne sont que souveraine peine, tourment et amertume ; ainsi, celui qui y met son coeur est devant Dieu digne de souveraine peine, tourment et amertume et ne pourra parvenir aux délices de l'embrasement de l'union de Dieu, vu qu'il est digne de peine et d'amertume.

8. g. Toutes les richesses et toute la gloire de tout le créé, comparées avec la richesse qui est Dieu, sont une très grande pauvreté et une extrême misère; et ainsi, l'âme qui l'aime et le possède est extrêmement pauvre et misérable devant Dieu et, pour ce sujet, ne pourra arriver à l'état heureux des richesses et de la gloire qui n'est autre chose que la transformation en lui, pour autant que ce qui est pauvre et misérable est extrêmement éloigné de ce qui est souverainement riche et glorieux. C'est pourquoi la Sagesse divine, se plaignant de personnes semblables qui se rendent laides, viles, misérables et pauvres, en aimant ce qui est beau et riche selon l'opinion du monde, s'écrie dans les Proverbes disant: O viri, ad vos clamito, et vox mea ad filios hominum. Intelligite, par-vuli, astutiam, et insipientes, animadverti. Audite quia de rebus magnis locutura sum. Et plus loin elle dit: Mecum sunt divitioe et gloria, opes superboe et iustitia. Melior est fructus meus auro et lapide pretioso, et genimina mea argento electo. In viis iustitioe ambulo, in medio semitarum iudicii, ut ditem diligentes me, et thesauros eorum repleam. Ce qui veut dire : Ô hommes, je vous crie, et ma voix s'adresse aux enfants des hommes ! Entendez, petits, l'astuce et la sagacité, et vous qui êtes fous, prenez garde, écoutez, parce que je dois parler de grandes choses.

Avec moi sont les richesses de la gloire et les hautes richesses et la justice. Car mon fruit est meilleur que l'or et la pierre précieuse; et mes générations, c'est-à-dire ce que vous engendrez de moi en vos âmes, est meilleur que l'argent choisi. Je marche dans les voies de la justice, au milieu des sentiers du jugement, pour enrichir ceux qui m'aiment et remplir parfaitement leurs trésors (Sg 8,4-6 Sg 8,18-21). Où la Sagesse divine parle à tous ceux qui mettent leur coeur et leur affection en une quelconque chose du monde, comme il a été dit. Et elle les appelle petits, parce qu'ils se rendent semblables à ce qu'ils aiment, qui est fort petit ; et, pour ce sujet, elle leur dit qu'ils entendent l'astuce et prennent garde qu'elle traite de choses grandes, et non petites comme eux ; que les grandes richesses et la gloire qu'ils aiment sont avec elle et en elle et non pas où ils pensent; que les hautes richesses et la justice demeurent en elle ; car encore qu'il leur semble que les choses de ce monde le soient, elle les avertit de prendre garde que les siennes sont meilleures, disant que le fruit qu'ils y trouveront leur vaudra mieux que l'or et les pierres précieuses, et ce qu'elle engendre dans les âmes est meilleur que l'argent choisi qu'ils aiment tant ; en quoi on doit comprendre toute sorte d'affection qu'on puisse avoir en cette vie.

Rappel : En italiques, particulièrement pour le latin, les ae et les oe ont une différence typographique imperceptible.


Ch. 5: OÙ SE TRAITE ET SE POURSUIT LE PROPOS, MONTRANT PAR DES AUTORITÉS ET DES FIGURES DE L'ÉCRITURE SAINTE COMBIEN IL EST NÉCESSAIRE À L'ÂME D'ALLER À DIEU PAR CETTE « NUIT OBSCURE »

DE LA MORTIFICATION DE L'APPÉTIT EN TOUTES CHOSES

1. Par ce qui a été dit, on peut voir d'une certaine manière la distance qu'il y a de tout ce que les créatures sont en soi à ce que Dieu est en soi, et comme les âmes qui en affectionnent quelques-unes sont dans cette même distance de Dieu ; car, comme nous l'avons dit, l'amour cause l'égalité et la ressemblance. Cette distance, saint Augustin l'ayant bien reconnue, dit en parlant à Dieu dans les Soliloques23 : « Misérable que je suis ! quand mon indigence et mon imperfection pourront-elles convenir avec ta rectitude ? Tu es vraiment bon, et moi méchant ; tu es pieux et moi impie ; tu es saint, et moi misérable ; tu es vie, et moi mort ; tu es la médecine, et je suis le malade ; tu es la vérité suprême et moi, toute vanité. » Ce saint dit tout cela.

23 (Migne, 40, 866). Ces Soliloques sont apocryphes ; on peut les trouver plus beaux que les authentiques, car composés des meilleurs passages d'Augustin.


2. Pour autant, c'est une ignorance extrême de l'âme de penser qu'elle pourra passer à ce haut état d'union avec Dieu si, premièrement, elle ne vide l'appétit de toutes les choses naturelles et surnaturelles qui peuvent l'empêcher, comme nous le déclarerons plus avant; puisqu'il y a une extrême distance d'elles à ce qui est donné en cet état, qui est la pure transformation en Dieu. Car, pour ce sujet, Notre Seigneur, nous enseignant ce chemin, dit en saint Luc : Qui non renunciat omnibus quoe possidet, non potest meus esse discipulus. Ce qui veut dire : Celui qui ne renonce à tout ce qu'il possède par la volonté, ne peut être mon disciple (Lc 14,33). Et cela est clair, parce que la doctrine que le Fils de Dieu est venu enseigner a été le mépris de toutes choses, afin de pouvoir recevoir le prix de l'esprit de Dieu en soi ; car, en tant que l'âme ne s'en défait point, elle n'a point de capacité pour recevoir l'esprit de Dieu en pure transformation.

3. De ceci nous avons la figure dans l'Exode, où on lit que Dieu ne fit pleuvoir du ciel la nourriture qu'était la manne aux enfants d'Israël, que lorsqu'ils n'eurent plus de la farine qu'ils avaient apportée d'Égypte ; donnant à entendre par là qu'il faut premièrement renoncer à toutes choses, parce que cette nourriture des anges ne convient point au palais qui veut prendre de la saveur en celle des hommes. Et non seulement l'âme qui s'arrête et se repaît des goûts étrangers se rend incapable de l'esprit divin, mais encore ceux-là déplaisent grandement à la divine Majesté, qui, prétendant à la nourriture de l'esprit, ne se contentent pas de Dieu seul, mais y veulent entremettre l'appétit et l'affection d'autres choses. Ce qui paraît encore dans le même livre de la Sainte Écriture, où il est dit qu'eux, ne se contentant pas de cette nourriture légère, désirèrent manger de la viande et en exigèrent et que Notre Seigneur fut fort courroucé de ce qu'ils avaient voulu mêler une nourriture si basse et si grossière avec un mets si sublime et si délicat qui, quoiqu'il fût ainsi, avait néanmoins le goût et la substance de toutes sortes d'aliments. C'est pourquoi, alors qu'ils avaient encore les bouchées dans la bouche, selon ce que dit encore David, ira Dei descendit super eos (Ps 11,31): la colère de Dieu descendit sur eux, faisant tomber le feu du ciel et en embrasant de nombreux milliers ; tenant pour chose indigne qu'ils eussent appétit d'un autre aliment, alors que celui du ciel leur était donné.

4. Oh ! si les spirituels savaient quels biens et quelle abondance d'esprit ils perdent, faute de retirer leur appétit d'enfantillages, et comme ils trouveraient en cette simple nourriture de l'esprit le goût de toutes choses, s'ils ne les voulaient pas savourer ! Mais ils ne le goûtent pas ; car la cause pour laquelle ceux-ci ne recevaient pas le goût de toutes les nourritures contenues dans la manne, c'était qu'ils n'appliquaient pas leur appétit à elle seule, de manière qu'ils ne trouvaient en la manne tout le goût et la force qu'ils eussent pu désirer, non que la manne ne l'eût pas, mais parce qu'ils voulaient autre chose ; ainsi, celui qui veut aimer quelque autre chose avec Dieu, sans doute ne fait pas grande estime de Dieu, puisqu'il met en une balance avec Dieu ce qui est au plus haut degré (comme nous avons dit) distant de Dieu.

5. L'on sait bien par expérience que quand une volonté s'affectionne à une chose, elle l'estime davantage que toute autre même bien meilleure que celle-là, si elle ne trouve autant de goût en cette autre ; et si elle veut goûter de l'une et de l'autre, nécessairement elle fera injure à la principale, à cause de l'égalité qu'elle met entre elles. Or, n'y ayant chose qui se puisse égaler à Dieu, l'âme lui fait grande injure d'aimer autre chose que lui, ou de s'y attacher ; et puisqu'il en est ainsi, que serait-ce si elle l'aimait plus que Dieu ?

6. Ceci est encore marqué lorsque Dieu commanda à Moïse de venir à la montagne pour parler avec Lui. Il lui enjoignit que non seulement il montât seul (Ex 20,24), laissant au bas les enfants d'Israël, mais encore que les bêtes mêmes ne prissent leur pâture à la vue de la montagne : Nullus ascendat tecum, nec videat quispiam per totum montem, boves quoque et oves non pascant e contra (Ex 34,3). Donnant par là à entendre que l'âme qui voudra monter sur cette montagne de la perfection pour communiquer avec Dieu, ne doit pas seulement renoncer à toutes choses et les laisser en bas, mais aussi ne doit laisser repaître les appétits qui sont les bêtes, à la vue de la montagne, c'est-à-dire en d'autres choses qui ne sont pas purement Dieu, dans lequel tout appétit cesse, c'est-à-dire en l'état de perfec-tion24. Et ainsi, il est nécessaire que le chemin et la montée vers Dieu soit un souci ordinaire de faire cesser et de mortifier les appétits ; et l'âme arrivera d'autant plus tôt qu'elle se hâtera davantage en ceci ; mais jusqu'à ce qu'ils cessent, il n'y aura moyen d'arriver, quelques vertus qu'on exerce, parce qu'on ne les obtient pas avec la perfection qui consiste à tenir l'âme vide, dénuée et purifiée de tout appétit. De quoi nous avons aussi une figure très vive dans la Genèse, où nous lisons que le patriarche Jacob voulant aller au mont Béthel pour y ériger un autel à Dieu sur lequel il pût lui offrir un sacrifice, il commanda auparavant trois choses à ses gens: l'une, qu'ils rejettent loin d'eux tous les dieux étrangers ; la deuxième, qu'ils se purifient; la troisième, qu'ils changent d'habits. Abiicite deos alienos qui in medio vestri sunt, et mundamini ac mutate vestimenta (Ex 35,2).

24 Pour l'âme qui est en Dieu, en état de perfection, tout appétit cesse.


7. Par ces trois choses, se donne à entendre que l'âme qui voudra monter en cette montagne pour y faire de soi-même un autel sur lequel on offre à Dieu un sacrifice de pur amour, de louange et de pure révérence, avant que de monter au haut de la montagne doit avoir parfaitement accompli ces trois choses : La première, qu'elle bannisse de soi tous les dieux étrangers qui sont toutes les affections et attachements étrangers ; la deuxième qu'elle se purifie du reliquat que ces appétits ont laissé en l'âme par la Nuit obscure du sens dont nous parlons, les niant et s'en repentant ordinairement; et la troisième qu'elle doit avoir pour parvenir à cette haute montagne est le changement d'habits, que moyennant l'oeuvre des deux premières, Dieu lui changera de vieux en nouveaux, mettant en l'âme une nouvelle façon d'entendre Dieu en Dieu, laissant l'ancienne intelligence de l'homme, et un nouvel amour de Dieu en Dieu, la volonté étant désormais dépouillée de ses vieilles affections et de ses goûts d'homme et mettant l'âme en une nouvelle connaissance et en un abîme de contentement, les autres connaissances et vieilles images étant désormais mises à part, et faisant cesser tout ce qui est du vieil homme qui est l'habileté de l'être naturel, et le revêtant d'une nouvelle habileté surnaturelle, selon toutes ses puissances ; de sorte que désormais son opération humaine soit changée en divine, qui est ce qu'on obtient en état d'union, en laquelle l'âme ne sert d'autre chose que d'autel où Dieu est adoré par le sacrifice de louange et d'amour, et Dieu seul est en une telle âme. C'est pourquoi Dieu commandait que l'autel sur lequel devait se trouver l'arche du Testament fût vide au dedans (Ex 21,8), pour donner à entendre à l'âme combien Dieu la veut vide de toutes choses, afin qu'elle soit un digne autel où soit Sa Majesté. Sur cet autel, il ne permettait pas non plus qu'il y eût du feu étranger, ni que son propre feu y manquât jamais ; de manière que Nadab et Abiud, qui étaient les enfants du souverain prêtre Aaron, ayant offert du feu étranger sur son autel, Notre Seigneur, courroucé de cela, les tua aussitôt devant l'autel (Lv 10,1); afin de nous apprendre qu'en l'âme, pour être digne autel, il n'y doit point manquer d'amour de Dieu et l'on n'y doit point non plus mêler d'autre amour étranger.

8. Dieu ne permet pas qu'une autre chose demeure ensemble avec lui - d'où nous lisons, au premier livre des Rois que, les Philistins mettant l'arche du Testament au temple où était leur idole, chaque jour au matin l'idole gisait par terre et réduite en pièces (1R 5,2-4) -, Dieu ne consent point qu'il y ait d'autre appétit que celui-ci, et Il veut qu'il soit là où Il est, ce qui revient à garder sa loi parfaitement et à porter sur soi la croix de Jésus-Christ. Aussi nous ne trouvons pas qu'il soit dit en la Sainte Écriture que Dieu ait commandé de mettre autre chose en l'arche où était la manne, que le livre de la Loi et le bâton de Moïse25, qui signifie la croix; parce que l'âme qui ne prétendra rien que de garder parfaitement la loi de Dieu et de porter la croix de Jésus-Christ, sera la vraie arche et aura en soi la vraie manne, qui est Dieu, quand elle viendra à garder en soi parfaitement cette loi et ce bâton, sans aucune autre chose.

25 (Ex 16,34 Ex 25,16). (Dt 31,26). (Nb 11,16-26).


Ch. 6: OÙ L'ON TRAITE DES DEUX PRINCIPAUX DOMMAGES QUE LES APPÉTITS CAUSENT EN L'ÂME, L'UN PRIVATIF ET L'AUTRE POSITIF


1. Et pour entendre plus clairement et plus abondamment ce que j'ai dit, il est à propos d'exposer et de dire ici comment ces appétits causent deux principaux dommages en l'âme : l'un est qu'ils la privent de l'esprit de Dieu; l'autre est qu'ils lassent, tourmentent, obscurcissent, souillent et affaiblissent l'âme en laquelle ils demeurent26, selon ce que dit Jérémie : Duo mala fecitpopulus meus: dereliqueruntfontem aquoe vivoe, et foderunt sibi citernas dissipatas, quoe continere non valent aquas. Ce qui veut dire : ils m'ont délaissé, moi qui suis la source d'eau vive, et se sont creusé des citernes percées qui ne peuvent retenir l'eau (Jr 2,13). Ces deux maux, à savoir la privation et le mal positif, sont causés par n'importe quel acte désordonné d'appétit. Et premièrement, pour parler du privatif, c'est clair: par le fait même que l'âme s'affectionne à une chose qui tombe sous le nom de créature, plus cet appétit est enraciné en l'âme, moins elle est capable de Dieu ; parce que (comme disent les philosophes) deux contraires ne peuvent trouver place en un même sujet (et nous l'avons dit aussi au chapitre quatre) ; et l'affection de Dieu et l'affection d'une créature étant contraires, ainsi l'affection d'une créature et l'affection de Dieu ne peuvent trouver place dans une volonté. Car quel rapport de la créature avec le Créateur, du sensuel avec le spirituel, du visible avec l'invisible, du temporel avec l'éternel, de la nourriture céleste, pure, spirituelle avec la nourriture du sens entièrement sensible, de la nudité de Jésus-Christ avec l'attachement à quelque chose!

26 Là, l'influence de Plotin est évidente. Jean emploie les mêmes mots (Ennéades, I 6 5, III 1 10, 3 5, 6 2). Voir notre Plotin et Jean de la Croix, Beauchesne, 1996, p. 61-68.


2. Donc, ainsi qu'en la génération27 naturelle on ne peut introduire une forme sans qu'auparavant on ne chasse du sujet la forme contraire qui précède, qui en demeurant est un empêchement à l'autre, à cause de la contrariété que les deux ont entre elles ; ainsi, en tant que l'âme s'assujettit à l'esprit sensible, l'esprit purement spirituel ne peut entrer en elle. C'est pourquoi Notre Seigneur dit en saint Matthieu : Non est bonum sumere panem filiorum et mittere canibus. C'est-à-dire : Ce n'est pas chose convenable de prendre le pain des enfants et de le donner aux chiens (Mt 15,26). Et aussi ailleurs le même évangéliste dit: Nolite sanctum dare canibus ; ce qui veut dire : Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens. En ces autorités28, Notre Seigneur compare aux enfants de Dieu ceux qui, renonçant à tous les appétits des créatures, se disposent à recevoir purement l'esprit de Dieu ; et ceux qui veulent repaître leur appétit dans les créatures, il les compare aux chiens ; parce que les enfants mangent à la table de leur père et de son plat, qui est se repaître de son esprit, et les chiens mangent les miettes qui tombent de la table.

27 Génération, au sens de: production d'une chose quelconque.
28 Les autorités sont des citations de l'Écriture divine.


3. En quoi il faut savoir que toutes les créatures sont des miettes qui tombent de la table de Dieu. Ainsi, celui-là est justement appelé chien qui se repaît des créatures ; et pour ce sujet on lui ôte le pain des enfants, puisqu'il ne veut pas s'élever des miettes des créatures pour s'asseoir à la table de l'esprit incréé de son Père. Aussi ces gens sont toujours et justement affamés comme des chiens, attendu que les miettes ne font qu'aiguiser l'appétit au lieu d'assouvir la faim. Et David parlant d'eux a dit: Famem patientur ut canes, et circuibunt civitatem. Si vero non fuerint saturati, et murmurabunt. Ce qui veut dire: Ils seront faméliques comme des chiens et rôderont autour de la ville, et ne se voyant point rassasiés, ils murmureront (Ps 58,15-16). Car c'est le propre de celui qui a des appétits, d'être toujours mécontent et ennuyé, comme celui qui endure la faim. Mais quelle convenance y a-t-il entre la faim que causent les créatures et le rassasiement qu'opère l'esprit de Dieu ? Partant, cette satiété incréée de Dieu ne peut entrer en l'âme si on n'en bannit premièrement cette autre faim créée de l'appétit de l'âme, vu que, comme nous avons dit, ne peuvent demeurer en un sujet deux contraires, qui dans ce cas sont la faim et la satiété.

4. Par là on verra combien ce que Dieu fait, en nettoyant et purifiant l'âme de ses contraires, est plus que de la créer de rien. Parce que ces contrariétés d'affections et d'appétits contraires sont plus opposées et résistantes à Dieu que le néant qui ne résiste point. Ce qui suffira touchant le premier dommage que les appétits font à l'âme, qui est de résister à l'esprit de Dieu, d'autant que nous en avons déjà beaucoup dit ci-dessus.


5. Maintenant parlons du second effet qu'ils y opèrent. Il est de plusieurs sortes, car les appétits lassent l'âme, la tourmentent, l'obscurcissent, la souillent et l'affaiblissent29. De ces cinq choses nous traiterons en détail.

29 Ici Jean semble recopier mot à mot Plotin (IV 4 31), mais dans le développement, il doublera chaque mot plotinien d'un synonyme : tourmentent et affligent, obscurcissent et aveuglent...


6. Quant au premier, il est clair que les appétits lassent et fatiguent l'âme, parce qu'ils sont comme de petits enfants inquiets et très difficiles à contenter, qui demandent toujours à leur mère tantôt une chose, tantôt une autre, et ne demeurent jamais satisfaits. Et ainsi comme se lasse et se fatigue celui qui creuse par convoitise d'un trésor, ainsi l'âme s'ennuie et se lasse pour obtenir ce que ses appétits lui demandent ; et même si elle en vient à bout, néanmoins toujours elle se lasse parce qu'elle n'est jamais satisfaite ; et finalement, elle creuse des citernes percées qui ne peuvent garder l'eau pour étancher la soif (Jr 2,13) ; et ainsi, comme dit Isaïe : Lassus adhuc sitit, et anima eius vacua est (Is 29,8) ; ce qui veut dire : son appétit est vide. Et elle se lasse et se fatigue l'âme qui a des appétits, parce que c'est comme un malade fiévreux qui ne se trouve pas bien jusqu'à ce que la fièvre le quitte, et à chaque instant la soif s'augmente; parce que, comme il est dit au livre de Job: cum satiatus fuerit, arctabi-tur, oestuabit, et omnis dolor irruet super eum ; ce qui veut dire : Quand il aura satisfait son appétit, il demeurera plus pressé et contraint. La chaleur de l'appétit s'est augmentée en son âme, ainsi toute sorte de douleur tombera sur lui (Jb 20,22). L'âme se lasse et s'afflige avec ses appétits, parce qu'elle en est navrée et troublée comme l'eau par les vents, et ainsi ils l'agitent sans lui donner repos, ni en un lieu, ni en une chose. Isaïe dit d'une telle âme: Cor impii quasi mare fervens ; Le coeur du méchant est comme une mer quand elle bouillonne (Is 51,20) ; et le méchant est celui qui ne dompte pas ses appétits. L'âme se lasse et se fatigue qui désire assouvir ses appétits, parce que c'est comme celui qui ayant faim ouvre la bouche pour l'emplir de vent: au lieu de se rassasier, il se dessèche davantage, parce que ce n'est pas là son aliment. À ce propos, Jérémie dit : In desiderio animoe suoe attraxit ventum amoris sui. Comme s'il disait: Dans l'appétit de sa volonté elle a attiré à soi le vent de son affection (Jr 2,24). Et après, pour donner à entendre l'aridité en laquelle cette âme demeure, il donne avis, en disant: Prohibe pedem tuum a nuditate, et guttur tuum a siti ; qui veut dire : Retire ton pied, c'est-à-dire ta pensée, de la nudité, et ta gorge de la soif (Jr 2,25), à savoir: ta volonté de l'accomplissement de l'appétit qui occasionne une plus grande sécheresse. Et ainsi, comme se lasse et se fatigue l'amoureux au jour de l'espoir quand il a manqué son occasion, ainsi l'âme se lasse et se fatigue avec tous ses appétits et leur accomplissement, puisque tous lui causent un plus grand vide et une plus grande faim. Car, comme on dit communément, l'appétit ressemble au feu qui croît si l'on y met du bois, qui étant tout consumé, il faut qu'il s'éteigne par là-même.

7. Et même l'appétit est en ceci de pire condition, car le feu, à mesure que le bois se consume, décroît, mais l'appétit, s'étant une fois augmenté par son assouvissement, ne se diminue pas par le défaut de matière au lieu de décroître comme le feu auquel la matière manque, il défaille en son travail, parce que la faim est accrue et la nourriture diminuée. Et de cela Isaïe parle, disant: Declinabit ad dexteram, et esuriet; et comedet ad sinistram, et non saturabitur. Ce qui veut dire : Il penchera vers la droite et il aura faim, et mangera à la gauche sans se rassasier (Is 9,20). Parce que ceux qui ne mortifient pas leurs appétits restent justement affamés quand ils inclinent au chemin de Dieu qui est la droite, car ils ne méritent pas le rassasiement du doux esprit, et justement quand ils courent vers la gauche, en accomplissant leur appétit en quelque créature, ils ne sont pas rassasiés ; car, laissant tout ce qui peut seul les satisfaire, ils se repaissent de ce qui les affame davantage. Il est donc clair que les appétits lassent et fatiguent l'âme.


Ch. 7: DANS LEQUEL ON TRAITE COMMENT LES APPÉTITS TOURMENTENT L'ÂME. CE QUI EST PROUVÉ PAR DES COMPARAISONS ET AUTORITÉS


1. La deuxième sorte de mal positif que les appétits causent en l'âme, c'est qu'ils la tourmentent et affligent, comme celui qui étant lié à quelque chose, est serré étroitement par des cordes et n'a point de repos jusqu'à ce qu'il soit délivré de son tourment. De ceux-là David dit : Funes peccatorum circumplexi sunt me. Les cordes de mes péchés, qui sont les appétits m'ont enserré tout autour (Ps 118,61). Et comme celui qui se couche nu sur des épines et des pointes se tourmente et s'afflige, ainsi l'âme se tourmente et s'afflige quand elle se vautre dans ses appétits, parce qu'ainsi que des épines, ils blessent, affligent, attachent et laissent de la douleur. Et de ces appétits David dit aussi : Circumdederunt me sicut apes, et exarserunt sicut ignis in spinis, ce qui veut dire : Ils m'ont entouré comme des abeilles, me piquant de leurs dards et s'enflammant contre moi, comme un feu parmi les épines (Ps 111,12); parce que dans les appétits, qui sont les épines, le feu de l'angoisse et du tourment s'augmente. Et comme le laboureur tourmente et pique le boeuf attaché à la charrue, avec le désir de la moisson qu'il espère, ainsi la concupiscence afflige l'âme sous l'appétit pour obtenir ce qu'elle veut. Ce qui paraît au désir qu'avait Dalila de savoir où gisait la force de Samson, qui, dit l'Écriture, la fatiguait et tourmentait tant que son âme défaillit jusqu'au mourir: Defecit anima eius, et ad mortem usque lassata est (Jdt 16,16).

2. L'appétit est un tourment d'autant plus grand à l'âme qu'il est plus fort; de manière qu'il y a autant de tourment qu'il y a d'appétit; et plus elle est possédée d'appétits, plus elle a de tourments s'accomplissant en cette âme, même dès cette vie, ce qui est dit, en l'Apocalypse, de Babylone en ces paroles: Quantum glorificavit se, et in deliciis fuit, tantum date illi tormentum et luctum ; c'est-à-dire : Autant qu'elle a voulu s'exalter et assouvir ses appétits, tourmentez-la d'angoisse à proportion (Ap 18,1). Et de la même façon qu'est tourmenté celui qui tombe entre les mains de ses ennemis, ainsi est traversée et affligée l'âme qui se laisse emporter à ses appétits. Ce dont nous voyons la figure dans le livre des Juges, où se lit que ce vigoureux Samson, qui était auparavant fort, libre et juge d'Israël, étant tombé au pouvoir de ses ennemis, ils lui ôtèrent la force, lui arrachèrent les yeux et, l'ayant lié, lui firent tourner une meule de moulin, où ils le tourmentèrent et affligèrent beaucoup. Et ainsi arrive à l'âme où ses ennemis, les appétits, vivent et dominent; car la première chose qu'ils lui font, c'est de l'affaiblir et aveugler (comme nous le dirons ci-après), et aussitôt ils l'affligent et la tourmentent, l'attachant à la meule de la concupiscence, et les cordes dont elle est garrottée sont ses propres appétits.

3. C'est pourquoi, Dieu ayant compassion de ceux qui, avec tant de peine et à si grands frais, cherchent à satisfaire la soif et la faim de l'appétit dans les créatures, il leur dit en Isaïe : Omnes sitientes, venite ad aquas; et qui non abetis argentum, properate, emite et comedite : venite, emite absque argento vinum et lac. Quare appenditis argentum non in panibus, et laborem vestrum non in saturitate ? (Is 55,1-2). Comme s'il disait: Vous tous qui avez soif d'appétits, venez aux eaux et vous tous qui n'avez point d'argent de volonté propre et appétits, hâtez-vous, achetez de moi et mangez. Venez, et achetez de mon vin et de mon lait, qui est paix et douceur spirituelle, sans argent de volonté propre et sans me donner en échange aucun travail, comme vous en donnez pour vos appétits. Pourquoi donnez-vous l'argent de votre propre volonté pour ce qui n'est pas pain, c'est-à-dire qui n'est pas esprit divin, et mettez-vous le travail de vos appétits en ce qui ne peut vous rassasier? Venez à moi, écoutez-moi, mangez des biens que vous désirez et votre âme se délectera dans la graisse.

4. Or, s'engraisser, c'est sortir de tous les goûts de la créature, car la créature tourmente et l'esprit de Dieu récrée. Et ainsi il nous appelle en saint Matthieu, disant : Venite ad me omnes qui laboratis et onerati estis, et ego reficiam vos, et invenietis requiem animabus vestris (Mt 11,28-29); comme s'il disait: Vous tous qui travaillez, et êtes affligés et chargés du fardeau de vos soucis et appétits, sortez de là et venez à moi, et je vous récréerai, et vous trouverez pour vos âmes le repos dont vos appétits vous privent. Et ainsi, ils sont une charge fort pesante, car d'eux David dit : Sicut onus grave gravatoe sunt super me (Ps 31,5).



Montée Carmel I - 2003 4