Catéchèses S. J-Paul II 9579

9 mai 1979 LE BON PASTEUR - LE DON DE SOI

9579 1. Pendant les quarante jours entre la Résurrection et l’Ascension, l’Église vit le mystère pascal en le méditant dans sa liturgie qui, pourrait-on dire, le reflète comme un prisme. Dans cette contemplation pascale de la liturgie, la figure du Bon Pasteur occupe une place particulière. Le quatrième dimanche de Pâques, nous relisons l’allégorie du Bon Pasteur au chapitre 10 de l’Évangile de saint Jean.

Dès les premiers mots, nous en voyons le sens pascal. Le Christ dit : « Je suis le Bon Pasteur. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. » (
Jn 10,11) Nous savons que ces paroles ont reçu une nouvelle confirmation pendant la passion. Le Christ a offert sa vie sur la croix. Et il l’a fait avec amour. Il a surtout voulu correspondre à l’amour de son Père qui « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3,16). En accomplissant « ce commandement… reçu de son Père » (Jn 10,18) et en révélant son amour, le Christ lui-même a connu d’une façon particulière cet amour du Père. Il le dit dans ce même discours : « Le Père m’aime parce que je donne ma vie, pour la reprendre ensuite. » (Jn 10,17) Le sacrifice du calvaire est surtout le don de lui-même, le don de sa vie qui, restant au pouvoir du Père, est rendue au Fils sous une forme nouvelle, splendide. Ainsi donc, la résurrection est le don de la vie rendue au Fils en récompense de son sacrifice. Le Christ en est conscient et il le dit dans l’allégorie du Bon Pasteur : « [ma vie] personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre » (Jn 10,18).

Ces paroles se réfèrent évidemment à la résurrection et elles expriment toute la profondeur du mystère pascal.

2. Jésus est le Bon Pasteur parce qu’il donne sa vie au Père de cette manière : il l’offre en sacrifice pour ses brebis.

Nous nous trouvons ici devant une splendide et fascinante similitude qui était déjà si chère aux prophètes de l’Ancien Testament. Voici ce que dit Ezéchiel : « Ainsi parle le Seigneur Dieu : je vais chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin. Moi-même je ferai paître mon troupeau et je le ferai reposer. » (Ez 34,11-15 cf. Jr Jr 31,30)

En reprenant cette image, Jésus a révélé un aspect de l’amour du Bon Pasteur que l’Ancien Testament ne pressentait pas encore : offrir sa vie pour ses brebis.

Dans son enseignement, nous le savons, Jésus se servait souvent de paraboles pour faire comprendre aux hommes, généralement simples et habitués à penser en images, la vérité divine qu’il annonçait. L’image du pasteur et du troupeau était familière à son auditoire et elle l’est toujours pour l’homme d’aujourd’hui. Même si la civilisation et la technique font des progrès fulgurants, cette image est encore et toujours actuelle dans notre réalité. Les bergers conduisent leurs troupeaux aux pâturages (comme par exemple dans les montagnes polonaises d’où je viens) et ils y passent l’été avec eux. Ils les accompagnent lorsqu’ils changent de pâturage. Ils font attention à ce qu’ils ne s’égarent pas et en particulier ils les défendent contre les animaux sauvages, comme nous le lisons dans l’Evangile : « Le loup s’empare des brebis et il les disperse. » (Cf. Jn Jn 10,12 Jn )

Le Bon Pasteur, dans la parabole du Christ, est précisément celui qui, « voyant venir le loup », ne s’enfuit pas mais est prêt à exposer sa vie en luttant contre le prédateur pour qu’aucune de ses brebis ne se perde. S’il n’était pas prêt à agir ainsi il ne mériterait pas d’être appelé Bon Pasteur. Il serait un mercenaire, non un pasteur.

Tel est le discours allégorique de Jésus. Son sens essentiel c’est que « le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10 Jn 11). Dans le contexte des événements de la Semaine sainte, cela veut dire que Jésus, en mourant sur la croix, a offert sa vie pour tout homme et pour tous les hommes.

« Lui seul pouvait le faire ; lui seul pouvait porter le poids du monde entier, le poids d’un monde coupable, le fardeau du péché de l’homme, la dette accumulée du passé, du présent et de l’avenir, les souffrances que nous aurions dû mais que nous ne pouvions payer, « dans son propre corps, sur le bois de la croix » (1P 2,24), « par l’esprit éternel, s’offrant lui-même à Dieu comme une victime sans tache… pour servir le Dieu vivant » (He 9,14). Voilà ce qu’a fait le Christ. Il a donné sa vie pour tous et c’est pourquoi on l’appelle le Bon Pasteur (card. J. H. Newman Parochial and Plain Sermons, 16, Londres 1899, p. 235). Par le sacrifice pascal, tous sont devenus son troupeau parce qu’à chacun il a assuré la vie divine et surnaturelle qui avait été perdue depuis la chute de l’homme à cause du péché originel. Lui seul pouvait la rendre à l’homme.

3. L’allégorie du Bon Pasteur et l’image des brebis qu’elle nous donne sont fondamentales pour comprendre ce qu’est l’Église et sa mission dans l’histoire de l’homme. L’Église ne doit pas seulement être un « troupeau » mais elle doit réaliser le mystère qui s’accomplit toujours entre le Christ et l’homme : le mystère du Bon Pasteur qui offre sa vie pour ses brebis. Saint Augustin dit : « Celui qui t’a cherchée le premier alors que tu le méprisais au lieu de le chercher te méprisera-t-il, ô brebis, si tu le cherches ? Commence donc à le chercher lui qui le premier t’a cherchée et t’a ramenée sur ses épaules. Fais que se réalisent ses paroles : les brebis qui sont à moi écoutent ma voix et elles me suivent. » (Enarrationes in Psalmos, Ps. LXIX, 6.)

L’Église, qui est le Peuple de Dieu, est en même temps une réalité historique et sociale où ce mystère se renouvelle et se réalise continuellement et de diverses manières. Différentes personnes ont une part active dans cette sollicitude pour le salut du monde, pour la sanctification du prochain qui est et ne cesse d’être la sollicitude propre du Christ crucifié et ressuscité. Telle est certainement, par exemple, la sollicitude des parents à l’égard de leurs enfants. Et même la sollicitude de tout chrétien, sans aucune différence, à l’égard de son prochain, de ses frères et de ses soeurs que Dieu met sur son chemin.

Cette sollicitude pastorale est évidemment d’une façon particulière la vocation des pasteurs : prêtres et évêques. Ils doivent d’une façon particulière avoir devant les yeux l’image du Bon Pasteur, méditer toutes les paroles du discours du Christ et y conformer leur vie.

Donnons encore une fois la parole à saint Augustin : « Que les bons pasteurs ne viennent pas à manquer ! Qu’ils ne manquent pas par notre faute et que la miséricorde divine ne cesse de les susciter et de les établir. Il est certain que s’il y a de bonnes brebis il y aura aussi de bons pasteurs. Ce sont en effet les bonnes brebis qui donnent les bons pasteurs. » (Sermones ad populum, I, Sermo XLIV, XIII, 30.)

4. Avec l’évangile du Bon Pasteur, la liturgie de l’Église retrace chaque année la vie et la mort de saint Stanislas, évêque de Cracovie. Dans le calendrier liturgique de l’Église universelle, sa fête tombe le 11 avril, date de son meurtre en 1079, par le roi Boleslas le Hardi. Mais, en Pologne, c’est le 8 mai qu’est célébrée la fête de celui qui est son patron principal.

Il y a cette année neuf cents ans, neuf siècles, qu’avec la liturgie nous pouvons redire qu’il a offert sa vie pour ses brebis (cf. Jn Jn 10,11). Et même si elle est si loin de nous dans le temps, sa mort ne cesse d’être un témoignage particulièrement éloquent.

Tout au long de leur histoire, mes compatriotes se sont unis spirituellement autour de la figure de saint Stanislas, surtout dans les périodes difficiles.

Cette année, qui est l’année du grand jubilé, en tant que premier Pape polonais et successeur — il y a encore peu de temps — de saint Stanislas sur le siège de Cracovie, je désire participer aux solennités en l’honneur du saint patron de la Pologne.

Avec tous ceux qui célèbrent cette solennité, nous voulons nous rapprocher de nouveau du Christ Bon Pasteur qui « donne sa vie pour ses brebis » afin qu’il soit notre force pour les siècles à venir et pour les nouvelles générations.

Aux élèves des écoles et à des premiers communiants

Nous sommes au mois de mai, qui est consacré à la Sainte Vierge. La nuit du 6 décembre 1876, Don Bosco vit en songe Dominique Savio, qui était mort et qui lui disait qu’il était au paradis. Il lui offrait un bouquet de fleurs symbolisant les vertus qu’il avait pratiquées pendant sa vie. Don Bosco lui demanda : « Mon cher Dominique, dis-moi, toi qui as pratiqué ces belles vertus pendant toute ta vie, qu’est-ce qui t’a le plus consolé au moment de mourir ? »

Dominique réfléchit un moment, puis il dit: « Ce qui m’a le plus consolé au moment de ma mort ce fut l’assistance de Marie, la mère de Jésus, dis-le aux jeunes. Qu’ils n’oublient jamais de la prier pendant leur vie. »

Aimez donc Marie, chers jeunes, chers enfants. Priez-la chaque jour. Que la très sainte Vierge, priée, aimée, imitée, vous aide à rester bons et saintement joyeux.
* * *


Avant de terminer, Jean-Paul II a évoqué en ces termes l’anniversaire du meurtre d’Aldo Moro par les Brigades rouges :

Il y a un an était trouvé le corps sans vie de l’hon. Aldo Moro. La tragique conclusion de cette affaire impressionnante avait provoqué en Italie et dans le monde une grande émotion et avait soulevé une vibrante protestation contre la violence aveugle et irrationnelle qui, avec le meurtre de cet illustre homme d’État, avait humilié l’humanité dans ses exigences fondamentales de vérité et de justice.

Nous prions aujourd’hui d’une façon particulière pour lui et pour les membres de son escorte, sauvagement et froidement assassinés, ainsi que pour tous ceux qui, cette année et encore ces derniers jours, ont été victimes d’une brutalité inqualifiable, dépouillant notre civilisation millénaire de ses valeurs humaines et chrétiennes. Aux gestes de haine nous devons tous répondre par le message d’amour que nous a laissé Christ.

Que tous les citoyens, par leur honnête travail, puissent construire, dans une vie sociale sereine et civilisée, une société où chacun peut vivre ses propres droits en plénitude.


Interrompant la lecture de son discours, Jean-Paul II a voulu rappeler la part personnelle que Paul VI avait prise à ce drame, et, avant de conclure, il a ajouté :

Peut-être devons-nous repenser à tout cela dans le contexte du discours d’aujourd’hui sur le Bon Pasteur et dire au Christ : « Nous t’offrons ces victimes pour la paix du monde, pour la victoire de la vraie justice, pour la victoire de l’amour sur la haine. » Il y a dans ce sacrifice une force qui est très semblable à celle du Christ sur la croix.



16 mai 1979 COMME LE BON PASTEUR

16579 1. Je voudrais aujourd’hui revenir encore une fois sur l’image du Bon Pasteur. Cette image, comme nous l’avons dit la semaine dernière, est profondément gravée dans la liturgie du temps pascal. Il en est ainsi parce qu’elle imprègne profondément la conscience de l’Église, en particulier de l’Église des premières générations chrétiennes. Nous en avons un témoignage, entre autres, dans les représentations du Bon Pasteur qui datent de cette période historique. Cette image constitue évidemment une singulière synthèse du mystère du Christ et, en même temps, de sa mission qui se poursuit toujours. « Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. » (Jn 10,11)

Pour nous qui participons constamment à l’Eucharistie, qui obtenons la rémission de nos péchés dans le sacrement de la réconciliation ; pour nous qui connaissons l’incessante sollicitude du Christ pour l’homme, pour le salut des âmes, pour la dignité de la personne humaine, pour la rectitude et la limpidité des cheminements terrestres de la vie humaine, la figure du Bon Pasteur est aussi éloquente qu’elle l’était pour les premiers chrétiens qui, dans les peintures des catacombes représentant le Christ sous forme du Bon Pasteur, exprimaient la même foi, le même amour et la même gratitude. Et ils les exprimaient en des temps de persécutions où ils étaient menacés de mort à cause de leur foi au Christ ; où ils étaient obligés de chercher des cimetières souterrains pour y prier ensemble et y participer aux saints mystères. Les catacombes de Rome et des autres villes de l’ancien Empire constituent toujours un éloquent témoignage du droit de l’homme à professer publiquement la foi au Christ. Elles sont aussi toujours le témoignage de la force spirituelle qui émane du Bon Pasteur. Il s’est avéré plus puissant que l’ancien empereur, et le secret de cette force c’est la vérité et l’amour dont l’homme a toujours la même faim et dont il n’est jamais rassasié.

2. « Je suis le Bon Pasteur, dit Jésus ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père. » (Jn 10,14-15) Combien merveilleuse est cette connaissance ! Elle va jusqu’à l’éternelle vérité et à l’amour, dont le nom est le « Père ». C’est précisément de cette source que vient la connaissance particulière qui fait naître la pure confiance. C’est une connaissance réciproque : « Je connais… et elles connaissent. »

Ce n’est pas une connaissance abstraite, une certitude purement intellectuelle qui s’exprime en disant : « Je sais tout de toi. » Une telle connaissance suscite la peur, elle conduit plutôt à se refermer : « Ne touchez pas à mes secrets, laissez- moi tranquille. » « Malheur à la connaissance… qui ne tourne pas à aimer. » (Bossuet, De la connaissance de Dieu et de soi-même, oeuvres complètes, Bar-le-Duc 1870, Guérin, p. 86.) Mais le Christ, lui, dit : « Je connais mes brebis », et il s’agit d’une connaissance libératrice qui suscite la confiance. Parce que si l’homme défend l’accès de ses secrets, s’il veut les conserver pour lui seul, il a encore un besoin plus grand : il a « faim et soif » de quelqu’un devant qui il pourrait s’ouvrir, auquel il pourrait se manifester et se révéler lui-même. L’homme est personne et il est de la nature de la personne d’avoir besoin et de garder son secret et de se dévoiler. Ces deux besoins sont étroitement unis, liés l’un à l’autre. L’un se révèle à travers l’autre, et les deux ensemble manifestent le besoin de quelqu’un devant lequel l’homme pourrait se dévoiler. Et plus encore, ils manifestent le besoin de quelqu’un qui pourrait aider l’homme à entrer dans son propre mystère. Mais ce « quelqu’un » doit se gagner la confiance absolue. En se révélant lui-même, il doit confirmer qu’il est digne de cette confiance. Il doit confirmer et révéler qu’il est à la fois Seigneur et serviteur du mystère intérieur de l’homme.

C’est précisément ainsi que le Christ s’est révélé. Lorsqu’il dit: « Je connais mes brebis et mes brebis méconnaissent », ses paroles sont définitivement confirmées par celles qui suivent: « Je donne ma vie pour mes brebis. » (Cf. Jn Jn 10,11-15 Jn )

Voilà l’image intérieure du Bon Pasteur.

3. Dans l’histoire de l’Église et du christianisme n’ont jamais manqué les hommes qui ont suivi le Christ Bon Pasteur, et ils ne manquent certainement pas aujourd’hui encore. Plus d’une fois, la liturgie se réfère à cette allégorie pour nous présenter certains saints lorsque le calendrier liturgique propose leur fête. Mercredi dernier, nous avons rappelé saint Stanislas, patron de la Pologne, dont nous célébrons cette année le IXe centenaire. Le jour de la fête de cet évêque martyr, nous relisons l’Évangile du Bon Pasteur.

Je voudrais aujourd’hui évoquer un autre personnage dont on célèbre cette année le 250e anniversaire de la canonisation : saint Jean Népomucène. À cette occasion, à la demande du cardinal Tomasek, archevêque de Prague, je lui ai adressé personnellement une lettre spéciale pour l’Église qui est en Tchécoslovaquie et dont je cite quelques phrases : « La grandiose figure de saint Jean est un exemple et un don pour tous. L’histoire nous le montre d’abord comme consacré à l’étude et à la préparation au sacerdoce. Conscient que, selon l’expression de saint Paul, il doit être un autre Christ, il incarne l’idéal de celui qui connaît les mystères de Dieu et qui tend vers la perfection : la perfection des vertus du curé qui sanctifie ses fidèles par l’exemple de ses vertus et de son zèle pour les âmes, et la perfection des vertus du Vicaire général qui s’acquitte scrupuleusement de ses devoirs en esprit d’obéissance à l’Église.

« C’est dans l’exercice de cette charge qu’il trouva le martyre pour la défense des droits et de la légitime liberté de l’Église face aux volontés du roi Venceslas IV, lequel participa personnellement à sa torture, puis le fit jeter du haut d’un pont dans la Moldau.

« Quelques dizaines d’années après sa mort, on commença à dire que le roi l’avait fait tuer parce qu’il n’avait pas voulu violer le secret de la confession. C’est ainsi que, martyr pour la liberté de l’Église, il fut aussi vénéré comme témoin du sceau sacramentel. « Parce qu’il fut prêtre, il semble naturel que les prêtres doivent être les premiers à s’abreuver à sa source, imiter ses vertus et être d’excellents pasteurs. Le Bon Pasteur connaît ses brebis, leurs exigences, leurs besoins. Il les aide à se dégager du péché, à vaincre les obstacles et les difficultés qu’ils rencontrent. À la différence du mercenaire, il va à leur recherche, il les aide à porter leur fardeau et il sait toujours les encourager. Il panse leurs blessures et il les soigne avec sa grâce, surtout au moyen du sacrement de la réconciliation.

« En effet, le Pape, l’évêque et le prêtre ne vivent pas pour eux-mêmes, mais pour les fidèles, de même que les parents vivent pour leurs enfants et que le Christ se donne au service de ses apôtres: « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mt 20,28)

4. Dans l’allégorie du Bon Pasteur, le Christ dit aussi : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. » (Jn 10,16)

On peut facilement deviner que Jésus-Christ, parlant directement aux enfants d’Israël, ait souligné la nécessité de la diffusion de l’Évangile et de l’Église, par laquelle la sollicitude du Bon Pasteur s’étendait au-delà des limites du Peuple de l’Ancienne Alliance.

Nous savons que ce processus a commencé dès les temps apostoliques, qu’il s’est poursuivi ensuite et qu’il continue à se poursuivre. Nous avons conscience de l’extension universelle du mystère de la rédemption et aussi de la mission de l’Église.

C’est pourquoi, en terminant notre méditation d’aujourd’hui sur le Bon Pasteur, nous prierons avec une force particulière pour toutes « les autres brebis » que le Christ doit encore conduire à l’unité du bercail, qu’il s’agisse de celles qui ne connaissent pas encore l’Évangile, de celles qui l’ont abandonné pour un motif ou pour un autre ou même de celles qui sont devenues ses adversaires acharnés : les persécuteurs.

Que le Christ prenne sur ses épaules et serre près de lui celles qui, d’elles-mêmes, ne sont pas capables de revenir.

Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis, pour toutes.




23 mai 1979 « MOI AUSSI, JE VOUS ENVOIE »

23059 1. Demain se terminent les 40 jours qui séparent la Résurrection de l’Ascension de Notre Seigneur Jésus- Christ. C’est aussi le moment où le Maître se détache définitivement des apôtres et des disciples. C’est à ce moment si important que le Christ leur confie la mission que lui-même a reçue de son Père et qu’il a commencée sur la terre : « comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21), leur a-t-il dit lors de sa première rencontre avec eux après sa résurrection. À ce moment-là, ils étaient en Galilée, selon ce qu’écrit saint Mathieu : « Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,16-20).

Ces paroles constituent ce que l’on appelle l’envoi en mission. Les devoirs que le Christ assigne à ses apôtres définissent en même temps la nature missionnaire de l’Église. Cette vérité a été particulièrement bien exprimée dans l’enseignement du IIe Concile du Vatican : « De sa nature, l’Église, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire, puisqu’elle- même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit selon le dessein de Dieu le Père » (« Ad gentes », AGD 2). L’Église née de cette mission de salut est toujours en état de mission et elle est toujours en marche. Cette condition reflète les forces intérieures de foi et d’espérance qui animent les apôtres, les disciples et ceux qui confessent le Christ notre Seigneur tout au long des siècles. « Ici beaucoup ne deviennent pas chrétiens uniquement parce que manquent ceux qui les feraient chrétiens. Souvent l’envie me prend de parcourir les académies d’Europe, de crier partout…, de dire à ceux qui sont plus des hommes de doctrine que des hommes de charité : « Oh ! combien nombreuses sont les âmes exclues du ciel par votre faute ! »… Beaucoup parmi eux devraient plutôt s’efforcer d’écouter la voix du Seigneur. Ils diraient alors du fond du coeur: « Seigneur, me voici ; que veux-tu que je fasse ? Envoie-moi où tu veux » (Saint François-Xavier, « Lettre 5 à saint Ignace de Loyola », datée de 1544 : H. Tursellini, « Vita Francisci Xaverii », Rome 1956, livre 4, cité d’après le « Bréviaire romain » Office de lecture du 3 décembre).

Aujourd’hui, ces forces que le Concile a appelées par leur nom doivent resurgir. L’Église doit rénover sa conscience missionnaire. Ce qui, dans la pratique apostolique et pastorale actuelle, exige certainement de nouvelles applications. Une activité missionnaire rénovée de l’Église, notamment, motive encore plus fortement et postule encore plus fortement cette activité.

2. Ceux que le Seigneur Jésus envoie — ceux qui partiront du Cénacle de la Pentecôte après les dix jours qui ont suivi l’Ascension, comme tous les autres, génération après génération, jusqu’à aujourd’hui — sont porteurs d’un témoignage qui est la source première et le contenu fondamental de l’évangélisation : « vous allez recevoir une puissance, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous, vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8). Il leur est demandé d’enseigner en témoignant. « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, ou, s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins » (Paul VI, discours aux membres du Conseil des laïcs, 2 octobre 1974 ; AAS 66, 1974, p. 568 ; cf. « Evangelii nuntiandi » EN 41, AAS 68, 1976, p. 31).

Lorsque, dans les actes des apôtres ou dans leurs lettres, nous relisons ce qu’ils disent de la catéchèse apostolique, nous constatons avec quelle exactitude se sont acquittés de cette mission ceux qui ont été les premiers à obéir au mandat apostolique. Saint Jean Chrysostome écrit : « Si le levain mélangé à la farine ne transforme pas toute la masse en lui donnant la même qualité, peut-il être vraiment un ferment ? Ne dis pas que tu ne peux pas entraîner les autres. Si en effet tu es un vrai chrétien, il est impossible qu’il n’en soit pas ainsi » (Saint Jean Chrysostome « In Acta Apostolorum », Homélie XX, 4. PG 60 163).

L’évangélisateur n’est surtout pas un professeur. Il est un messager. Il se comporte comme un homme à qui a été confié un grand mystère, et en même temps comme quelqu’un qui a découvert personnellement le trésor le plus grand, le trésor de la parabole de saint Mathieu, « caché dans un champ » (cf. Mt 13,44). Ce qui le caractérise, alors, c’est la disposition à le partager avec les autres. Plus encore que cette disposition, il éprouve un impératif sentiment intérieur semblable à celui, magnifique, qui « étreint » saint Paul (cf. 2Co 5,14).

Nous découvrons tous ce sentiment intérieur en lisant et en relisant les oeuvres de Pierre, de Paul, de Jean et des autres, pour connaître par leurs oeuvres, par leurs paroles, par leurs lettres qui étaient vraiment les Douze L’Église est née « en état de mission » dans des hommes vivants.

Et ce caractère missionnaire de l’Église s’est ensuite rénové dans d’autres hommes concrets, de génération en génération. Il faut marcher sur les traces de ces hommes auxquels a été confié l’Évangile, aux diverses époques, comme l’oeuvre de salut du monde. Il faut les voir tels qu’ils étaient intérieurement, tels que les a façonnés l’Esprit Saint, tels que les a transformés l’amour du Christ. C’est seulement alors que nous verrons de près quelle réalité se cache dans la vocation missionnaire.

3. Dans l’Église, où tout fidèle est un évangélisateur, le Christ continue à choisir les hommes qu’il veut, « pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer prêcher aux peuple païens » ( « Ad gentes », AGD 23). C’est ainsi que le récit de l’envoi des apôtres devient histoire de l’Église, de la première à la dernière heure.

La qualité et le nombre de ces vocations sont le signe de la présence de « l’Esprit Saint, qui partage comme il lui plaît les charismes pour le bien de l’Église » et qui « inspire la vocation missionnaire dans le coeur des hommes » (ibid AGD 23) C’est certes l’Esprit qui inspire et suscite les hommes choisis pour que l’Église puisse exercer sa responsabilité à l’égard de l’évangélisation. En effet l’Église étant la mission incarnée, elle révèle cette incarnation avant tout dans les hommes de la mission : « comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21)

Dans l’Église, la présence du Christ qui appelle et envoie comme pendant sa vie mortelle, et de l’Esprit de Pentecôte qui enflamme, donne la certitude que les vocations missionnaires ne manqueront jamais.

Ceux qui sont « réservés pour l’oeuvre à laquelle l’Esprit Saint les a appelés » (cf. Ac 13,2), « sont marqués par une vocation spéciale… qu’ils soient autochtones ou étrangers prêtres, religieux ou laïcs. Envoyés par l’autorité légitime, ils partent… vers ceux qui sont loin du Christ » (AGD 23). La multiplication de ceux qui consacrent leur vie à la mission est aussi le signe de l’esprit missionnaire de l’Église: de la vocation missionnaire générale de la communauté chrétienne naît la vocation spéciale et spécifique du missionnaire. La vocation, en effet, n’est jamais au singulier, mais elle rejoint l’homme à travers la communauté.

L’Esprit Saint qui inspire la vocation de chacun est le même « qui suscite dans l’Église des instituts se chargeant comme d’un office propre de la mission d’évangélisation qui appartient à toute l’Église » (ibid. AGD 23). Ordres, congrégations et instituts missionnaires ont représenté et vécu au long des siècles l’engagement missionnaire de l’Église et ils le vivent encore aujourd’hui en plénitude.

L’Église confirme donc la confiance qu’elle met en ces instituts et le mandat qu’elle leur donne. Elle salue avec joie et espérance les nouveaux instituts qui naissent dans les communautés du monde missionnaire. Mais ceux-ci, pour leur part, étant l’expression de la nature missionnaire également des Églises locales dont ils sont nés, dans lesquelles ils vivent et pour lesquelles ils travaillent, veulent se consacrer à la formation des missionnaires qui sont les vrais agents de l’évangélisation, à l’exemple des apôtres du Christ. Leur nombre, loin de diminuer, doit correspondre aux immenses nécessités des temps — qui ne sont pas loin — où les peuples s’ouvriront au Christ et à son Évangile de vie.

Il est en outre un signe, qui n’échappe à personne de la nouvelle ère missionnaire que l’Église attend et prépare : les Églises locales, anciennes et nouvelles, sont vivifiées et travaillées par une nouvelle aspiration : trouver des formes d’action spécifiquement missionnaires en envoyant certains de leurs membres aux nations à évangéliser, en leur nom propre, ou en se joignant à des instituts missionnaires. La mission évangélisatrice « qui appartient (précisément) à toute l’Église » est toujours davantage ressentie comme un engagement direct des Églises locales, qui donnent à cet effet leurs prêtres, leurs religieux, leurs religieuses et leurs laïcs aux missions. Le pape Paul VI l’avait bien vu et décrit : « Évangélisatrice, l’Église commence par s’évangéliser elle-même… Ce qui veut dire, en un mot, qu’elle a toujours besoin d’être évangélisée si elle veut conserver fraîcheur, élan et force pour annoncer l’Évangile. »

En conséquence, toute Église devra se situer dans la perspective de cette vocation apostolique que saint Paul se reconnaissait envers les nations et qui lui faisait s’écrier : « Malheur à moi si je n’évangélise pas » (1Co 9,16).

4. Le premier dimanche de mai était spécialement consacré à la prière pour les vocations. Nous avons prolongé cette prière pendant tout le mois, en recommandant ce problème si important à Marie, Mère du Christ et de l’Église.

Maintenant, au temps de l’Ascension du Seigneur, nous désirons, en nous préparant à la fête de la Pentecôte, exprimer dans cette prière le caractère missionnaire de l’Église. Nous demandons donc aussi que la grâce de la vocation missionnaire, donnée à l’Église depuis les temps apostoliques, tout au long des siècles et des générations, trouve une nouvelle force de foi et d’espérance dans la génération actuelle des chrétiens : « Allez… de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19).



30 mai 1979 « ET TOUS FURENT REMPLIS D'ESPRIT SAINT »

30579 1. Dès les premières phrases des Actes des apôtres, nous lisons que Jésus, après sa passion et sa résurrection, « s’est présenté à eux vivant… Ils en avaient eu plus d’une preuve alors que, pendant quarante jours, il s’était fait voir d’eux et les avait entretenus du Règne de Dieu » (Ac 1,3). Il leur avait annoncé qu’ils seraient bientôt « baptisés dans l’Esprit- Saint » (Ac 1,5). Et avant son départ définitif, comme le fait remarquer dans son Évangile saint Luc, l’auteur des Actes des apôtres, il leur avait dit : « Demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez, d’en haut, revêtus de puissance. » (Lc 24,49) C’est pourquoi, après qu’il fut monté au ciel, les apôtres « revinrent à Jérusalem » où, comme nous le lisons dans les Actes des apôtres, « ils étaient tous, unanimes, assidus à la prière avec quelques femmes dont Marie, la Mère de Jésus ». Le lieu de cette prière commune, recommandée explicitement par le Maître, était certainement le temple de Jérusalem, comme nous le lisons dans la conclusion de l’Évangile de saint Luc. Mais c’était aussi le Cénacle, comme on le déduit des Actes des apôtres. Le Seigneur leur avait dit : « Vous allez recevoir une puissance, celle du Saint- Esprit, qui viendra sur vous, vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 1,8)

Année après année, l’Église, dans sa liturgie, célèbre l’Ascension du Seigneur le quarantième jour après Pâques. Année après année, elle vit également dans la prière à l’Esprit-Saint les dix jours qui séparent l’Ascension de la Pentecôte. En un certain sens, l’Église, année après année, se prépare à l’anniversaire de sa naissance. Comme l’enseignent les Pères, elle est née sur la croix le Vendredi saint, mais c’est le jour de la Pentecôte qu’elle a révélé cette naissance au monde, lorsque les apôtres ont été « d’en haut revêtus de puissance », « baptisés dans l’Esprit-Saint » : « Là en effet où est l’Église, là est l’Esprit de Dieu ; et là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Église et toute grâce : l’Esprit est vérité. » (Saint Irénée, Adversus haereses III, 24, 1 ; PG 7,966)

2. Efforçons-nous de persévérer dans ce rythme de l’Église. En ces jours, elle nous invite à participer à la neuvaine à l’Esprit-Saint. On peut dire que, parmi les différentes neuvaines, celle-ci est la plus ancienne puisque, en un certain sens, elle a été instituée par le Christ lui-même. Bien sûr, Jésus n’a pas précisé les prières que nous devons réciter ces jours-là. Mais il est certain qu’il a recommandé aux apôtres d’attendre dans la prière la venue de l’Esprit-Saint. Cette recommandation ne vaut pas seulement pour ce moment-là, mais pour toujours, et les dix jours qui suivent l’Ascension s’accompagnent chaque année de la même recommandation du Maître. Ils renferment aussi en eux le même mystère de grâce, au rythme du temps liturgique. Il faut profiter de ce temps. Efforçons-nous de nous recueillir et, en une certaine manière, d’entrer au Cénacle avec Marie et les apôtres, en nous préparant à recevoir l’Esprit-Saint et à consentir à ce qu’il agisse en nous. Tout cela a une grande importance pour toute la maturité de notre foi, de notre vocation chrétienne, et aussi pour l’Église en tant que communauté. Année après année, le don de la Pentecôte fait mûrir toute communauté dans l’Église et l’Église tout entière, en tant que communauté de toutes les communautés.

« Le souffle d’oxygène de l’Esprit est venu éveiller dans l’Église des forces qui étaient assoupies, susciter des charismes qui dormaient, apporter une vie et une joie qui, à chaque époque de l’Histoire, rendent l’Église jeune et actuelle, heureuse d’annoncer aux temps nouveaux son message éternel. » (Paul VI, discours aux cardinaux, 21 décembre 1973 ; AAS 66, 1974, 18.)

Il nous faut, cette année encore, nous préparer à recevoir ce don. Efforçons-nous de participer à la prière de l’Église. « Il est impossible d’entendre l’Esprit-Saint sans écouter ce qu’il dit à l’Église. » (H. De Lubac, Méditations sur l’Église, Paris 1973, Aubier 168.)

Prions aussi seuls. Il est une prière particulière qui résonnera avec toute sa force dans la liturgie de la Pentecôte. Mais nous pouvons la redire souvent, surtout en cette période d’attente : « Viens, Esprit-Saint…, envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière. Viens en nous, Père des pauvres ; viens, dispensateur des dons ; viens, lumière de nos coeurs… Hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur. Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les pleurs, le réconfort. Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé. Assouplis ce qui est raide, rends droit ce qui est faussé. »

Peut-être reviendrons-nous un jour sur cette magnifique séquence, en essayant de la commenter. Qu’il nous suffise aujourd’hui d’en rappeler brièvement certaines paroles, certaines phrases.

Prions donc l’Esprit-Saint en ces jours. Implorons ses dons. Demandons-lui qu’il transforme nos âmes, qu’il nous donne la force d’affirmer notre foi et d’être cohérents avec elle dans notre vie. Prions pour l’Église afin qu’elle s’acquitte de sa mission dans l’Esprit-Saint afin que l’accompagnent le conseil et l’esprit de l’Époux, de son Dieu (cf. S. Bernard, In vigilia Nativitatis Domini, sermo 3, n° l ; PL 183, 941). Prions pour l’unité de tous.les chrétiens, pour l’unité dans la même mission.

3. La description de cet instant où les apôtres, réunis au Cénacle de Jérusalem, ont reçu l’Esprit-Saint, est liée d’une façon particulière à la révélation des langues. Nous lisons : « Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Alors, ils furent tous remplis de l’Esprit-Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit. » (Ac 2,24)

Ce qui se passait au Cénacle ne passa pas inaperçu pour ceux qui étaient au-dehors, pour les Juifs de différentes nations qui se trouvaient alors à Jérusalem : « Ils étaient dans la stupéfaction parce que chacun d’eux les entendait parler sa propre langue. » (Ac 2,6) Et les Actes des apôtres les énumère : « Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d’Asie, de la Phrygie, de la Pamphylie, de l’Égypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes. » (Ac 2,9-11) Tous, en ce jour de la Pentecôte, entendaient les apôtres — qui étaient galiléens — parler dans leurs propres langues et annoncer les merveilles de Dieu.

Ainsi donc, le jour de la Pentecôte annonce d’une façon visible et perceptible ce qui avait été commandé par le Christ : « Allez…, de toutes les nations, faites des disciples. » (Mt 28,19) Par la révélation des langues, nous voyons déjà d’une certaine manière l’Église qui, en accomplissant cette mission, naît et vit parmi les différentes nations de la terre.

Dans quelques jours, à l’occasion du jubilé de saint Stanislas, j’aurai le bonheur d’aller en Pologne, dans mon pays. C’est là précisément que je célébrerai la Pentecôte, la fête de la venue de l’Esprit-Saint. J’ai déjà remercié à différentes reprises l’Épiscopat et les autorités de l’État polonais de cette invitation. Aujourd’hui, je les en remercie encore une fois.

Dans cette perspective, je voudrais dire ma joie particulière de ce que, aux langues de la Pentecôte, se sont ajoutées au cours de l’Histoire, les différentes langues slaves, depuis la Macédoine, en passant par la Bulgarie, la Croatie, la Slovénie, la Bohème, la Slovaquie, la Lusace, à l’Ouest et à l’Est : la « Rus » (aujourd’hui appelée Ukraine), la Russie et la Biélorussie. Je voudrais dire ma joie toute particulière de ce que, aux langues révélées au Cénacle le jour de la Pentecôte, s’est ajouté le polonais, la langue de mon pays.

Puisque le bonheur m’est donné d’aller dans mon pays en la fête de la Pentecôte, je voudrais aussi exprimer ma reconnaissance de ce que l’Évangile soit annoncé depuis tant de siècles dans toutes ces langues et en particulier dans ma langue nationale. Et en même temps, je voudrais servir cette importante cause d’aujourd’hui : que « les merveilles de Dieu » continuent à être annoncées avec foi et courage comme une semence d’espérance et d’amour jetée en nous par le Christ avec le don de la Pentecôte.

Ma visite en Pologne, du 2 au 10 juin, aura lieu, alors qu’en Italie et dans certains autres pays d’Europe se dérouleront des événements d’une grande importance. En Italie, les 3 et 4 juin, ce seront les élections au Parlement du pays. Et le 10 juin, dans les neuf pays de la Communauté européenne, ce sera l’élection au premier Parlement de cette Communauté désigné par le peuple.

Physiquement éloigné, je serai proche par le coeur des dizaines et des dizaines de millions d’hommes et de femmes qui, en s’acquittant de leur devoir, serviront le bien commun. Je prierai le Seigneur, et je suis sûr que vous le prierez avec moi, pour que nous sachions tous nous acquitter de ce devoir en esprit de responsabilité et de maturité, en nous inspirant de ce qui nous est dicté au plus profond de nous par notre conscience.

Aux membres du « Comité des Organisations familiales auprès des Communautés Européennes »

Je tiens à saluer particulièrement les membres du « Comité des Organisations familiales auprès des Communautés Européennes »: dans les grandes mutations qui sont en cours, je vous encourage de tout coeur dans votre action, pour sauvegarder et promouvoir les intérêts familiaux, et pour étudier les problèmes dans une perspective éducative et sociale.

Aux participants de l’Assemblée plénière du « Comité Euro-International du Béton »

Je salue les participants de l’Assemblée plénière du Comité Euro-International du Béton. Nous mesurons bien vos responsabilités: la technique de béton règne désormais dans presque toutes les grandes constructions à travers le monde, qu’il s’agisse des immeubles, des travaux publics et même des ouvrages d’art. Ce progrès technique impressionnant doit offrir toutes les garanties et s’harmoniser avec nos cités et nos paysages. Il vous appartient d’y veiller. Je vous souhaite de parvenir à allier toujours davantage la solidité, le caractère pratique et la beauté, car vous pouvez contribuer, vous aussi, à donner au monde un visage plus humain.







Catéchèses S. J-Paul II 9579