Premières Catéchèses S. J-Paul II 1978-79 30179

3 janvier 1979 LA FAMILLE AU CENTRE DU BIEN COMMUN

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1. La dernière nuit d'attente de l'humanité que la liturgie de l'Église nous rappelle chaque année, la veille et le jour de la Nativité du Seigneur, est en même temps la nuit où s'est accomplie la promesse.

Celui que le monde attendait est né, celui qui était le terme de l'Avent et ne cesse de l'être. Le Christ naît. L'événement n'a eu lieu qu'une fois, la nuit de Bethléem, mais dans la liturgie, il se répète chaque année, il se reproduit en quelque sorte, chaque année. Et chaque année, son contenu divin et humain est tellement riche que l'homme ne peut le contempler d'un seul regard ; il est difficile de trouver les mots qui expriment tout le contenu de l'événement. Même le temps liturgique de Noël nous semble trop court pour étudier cet événement qui a plus les caractéristiques du mysterium fascinosum que du mysterium tremendum. Trop court pour profiter pleinement de la venue du Christ, de la naissance de Dieu dans sa nature humaine. Trop court pour que l'on puisse dénouer chaque fil de cet événement et de ce mystère.

2. La liturgie attire notre attention sur l'un de ces fils et le met en évidence. La naissance de l'enfant, la nuit de Bethléem, est à l'origine de la famille. C'est pourquoi le dimanche, dans l'octave de Noël est la fête de la famille de Nazareth. Sainte famille car, elle a été formée par la naissance de Celui qui sera proclamé un jour, même par son adversaire, le saint de Dieu (
Mc 1,24). Sainte Famille parce que la sainteté de Celui qui est né est devenue la source d'une sanctification extraordinaire, celle de sa Vierge Mère, de son époux qui, devant les hommes, en sa qualité d'époux légitime, était considéré comme le père de l'enfant né à Bethléem pendant le recensement. Cette famille est en même temps, une famille humaine. C'est pourquoi, à Noël, en s'adressant à la Sainte famille, l'Église s'adresse à chaque famille humaine. La sainteté confère à cette famille qui a donné naissance au Fils de Dieu un caractère unique, exceptionnel, surnaturel. Et tout ce que nous pouvons dire de chaque famille humaine, de sa nature, de ses devoirs, de ses difficultés, nous pouvons le dire aussi de la Sainte famille. En effet, cette Sainte famille est vraiment pauvre ; à la naissance de Jésus, elle n'a pas un toit, puis elle est contrainte à s'exiler et lorsque le danger est passé, elle reste une famille pauvre qui vit modestement de son travail. Sa condition est semblable à celle de tant d'autres familles humaines. Elle est le lieu de rencontre de notre solidarité avec chaque famille, cette communauté formée d'un homme et d'une femme, au sein de laquelle naît un nouvel être humain. C'est une famille qui ne reste pas seulement sur les autels pour être louée et vénérée mais qui, par les nombreux récits que nous rapporte l'Évangile de saint Luc et de saint Matthieu, se rapproche, dans une certaine mesure, de chaque famille humaine. Elle prend sur elle les grands problèmes, beaux et difficiles, que la vie conjugale et familiale comporte. Lorsque nous lisons attentivement ce que les évangélistes (Matthieu surtout) ont écrit sur les événements vécus par Joseph et Marie avant la naissance de Jésus, les problèmes dont je viens de parler deviennent encore plus évidents.



La Sainte famille

3. La fête de Noël et, dans son contexte, la fête de la Sainte famille, nous sont très chères, précisément parce qu'elles contiennent la dimension fondamentale de notre foi. C'est-à-dire le mystère de l'Incarnation, ainsi que la dimension non moins fondamentale de la vie de l'homme. Chacun doit reconnaître que cette dimension essentielle de la vie de l'homme, c'est justement la famille.

Et dans la famille, c'est la procréation : un nouvel homme est conçu, naît, et par cette conception et cette naissance, l'homme et la femme, en leur qualité de mari et d'épouse deviennent père et mère, parents, atteignant ainsi une nouvelle dignité et assumant de nouveaux devoirs. Ces devoirs fondamentaux sont extrêmement importants pour de multiples raisons, non seulement pour cette communauté concrète qu'est la famille, mais aussi pour toute communauté humaine, pour toute société, nation, état, école, profession, pour tout milieu.

Tout dépend en grande partie de la manière dont les parents et la famille accompliront leurs premiers devoirs, de la manière dont ils enseigneront à cette créature à être homme. Cette créature qui grâce à eux, est devenue un être humain, a revêtu l'humanité. En cela, la famille est irremplaçable. Il faut veiller à ce qu'elle ne doive jamais être remplacée, non seulement en vue du bien privé de chaque personne, mais aussi en vue du bien commun de chaque société, de chaque nation, de chaque état, de chaque continent. La famille, dans toutes ses dimensions, est au centre même du bien commun, précisément parce qu'elle est le lieu où l'homme est conçu et naît. Il faut veiller à ce que dès le début, dès sa conception, cet être humain soit voulu, attendu, vécu comme une valeur particulière, unique. Il doit sentir qu'il est important, utile, précieux, même s'il est infirme ou handicapé ; et s'il l'est, il faut l'aimer davantage.

C'est ce que nous enseigne le mystère de l'Incarnation. C'est la logique de notre foi. C'est aussi la logique de tout humanisme authentique. Je crois qu'il ne peut en être autrement. Nous ne cherchons pas ici des éléments d'opposition, mais des points de rencontre qui sont la simple conséquence de la pleine vérité sur l'homme.

La foi n'éloigne pas les croyants de cette vérité, mais elle les introduit au coeur même de cette vérité.



Un défi permanent

4. Autre chose ! La nuit de Noël, la mère qui devait enfanter (virgo pariturae) ne trouva pas un toit pour elle. Elle n'eut pas droit aux conditions dans lesquelles s'accomplit normalement ce grand mystère, à la fois divin et humain de la naissance d'un homme.

Permettez-moi de me servir de la logique de la foi et de la logique de l'humanisme qui en découle. Ce dont je parle c'est un grand cri, un défi permanent lancé à tous et à chacun, à notre époque surtout, où l’on demande souvent à la mère qui attend un enfant une grande preuve de force morale. En effet ce que, par euphémisme, on appelle interruption de grossesse (avortement) ne peut être jugé avec d'autres normes authentiquement humaines qui ne soient celles de la loi morale, c'est-à-dire de la conscience. Les confidences recueillies non pas dans les confessionnaux, mais dans les centres de consultation pour la maternité responsable, pourraient en dire long à ce sujet. Donc, on ne peut la laisser seule avec ses doutes, ses problèmes, ses tentations. Il faut rester près d'elle et lui apporter courage et confiance pour qu'elle ne charge pas sa conscience, pour que ne soit pas détruit le plus fondamental des liens, celui du respect de l'homme. Ce lien est tel qu'il commence dès la conception, donc nous devons être tout près de chaque mère qui doit enfanter et nous devons lui apporter toute notre aide.

Regardons Marie (la Vierge qui enfante). Regardons-nous, nous, Église, nous, les hommes et essayons de mieux comprendre combien nous sommes responsables ; la naissance du Seigneur nous l'enseigne, envers chaque homme qui doit naître en ce monde.

Arrêtons-nous ici et interrompons pour l'instant ces considérations : nous y reviendrons sûrement, et plus d'une fois.

En terminant, le Pape donne sa bénédiction.






10 janvier 1979 MARIE, MERE DE TOUS LES HOMMES

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1. Le temps de Noël a pris fin. La fête de l'Epiphanie est passée, elle aussi. Mais les méditations vont encore porter sur le contenu fondamental des vérités que la période de Noël nous procure chaque année. Elles se présentent particulièrement denses. Il faut du temps pour les regarder avec, bien ouverts, les yeux de l'esprit qui a le devoir et le besoin de méditer la vérité, de contempler toute sa simplicité, toute sa profondeur.

Durant l'octave de Noël, l'Église attire l'attention de notre esprit sur le mystère de la maternité. Le dernier jour de l'octave, qui est également le premier jour de l'année nouvelle, est aussi celui de la fête de la maternité de la Mère de Dieu. De cette manière est soulignée la « place » de la Mère, « la dimension maternelle » dans tout le mystère de la naissance de Dieu.

2. Cette Mère porte le nom de Marie. L'Église la vénère de manière toute particulière. Le culte qu'elle lui rend dépasse le culte de tous les autres saints (culte de l’hyperdulie). Et si elle la vénère ainsi, c'est précisément parce qu'elle a été la Mère, parce qu'elle a été choisie pour être la Mère du Fils de Dieu parce qu'elle a donné dans, le temps « un corps » à ce Fils qui est le Verbe éternel, qu'à un moment historique, elle lui a donné « l'humanité ». Cette vénération particulière de la Mère de Dieu, l’Église l'insère dans tout le cycle de l'année liturgique, au cours de laquelle, de manière discrète mais aussi très solennelle, elle met l'accent sur le moment de la conception humaine du Fils de Dieu : c'est la fête de l'Annonciation, célébrée neuf mois avant Noël, le 25 mars. On peut dire que durant toute cette période, du 25 mars au 25 décembre, l'Église marche avec Marie qui, comme toute mère attend le moment de la naissance : le jour de Noël. Et en même temps, durant cette même période, Marie « marche » avec l'Église. Son attente maternelle est inscrite de manière discrète dans la vie de l'Église de chaque année. Tout ce qui se passe entre Nazareth — Ain Karin et Bethléem devient un thème de la liturgie de la vie de l'Église, de la prière — spécialement, celle du Rosaire —de la contemplation. De l'année liturgique a désormais disparu une fête particulière vouée à la « Virgo Patura », la fête de la « maternité attendue par la Vierge », qui se célébrait jadis le 18 décembre.

3. En insérant ainsi le mystère de « l'attente maternelle de la Vierge » dans le rythme de sa liturgie, l'Eglise, sous l'inspiration du mystère de ces mois qui unissent le moment de la naissance à celui de la conception, médite sur toute la dimension spirituelle de la maternité de la Mère de Dieu.

Cette maternité « spirituelle » (quoad spiritum) à commencé en même temps que la maternité physique, (quoad corpus). Au moment de l'annonciation, Marie a eu ce colloque avec l’Annonciateur.

Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d'homme ? (
Lc 1,34). Réponse : L'Esprit-Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre ; c'est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1,35) avec la maternité physique (quoad corpus) a commencé sa maternité spirituelle (quoad spiritum) ; cette maternité a rempli ainsi les neuf mois de l'attente de la naissance, comme les 30 ans passés entre Bethléem, l'Egypte et Nazareth, comme les années pendant lesquelles, Jésus, après avoir quitté sa maison de Nazareth a enseigné l'Évangile du Royaume, les années qui se sont terminées par les événements du calvaire et par la croix. C'est là que la maternité spirituelle a atteint son point culminant. Jésus, Voyant ainsi sa Mère et près d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa Mère : Femme, voici ton fils (Jn 19,26). Ainsi, d'une manière nouvelle, il a lié sa propre mère à l'homme : à l'homme auquel il a transmis l'Évangile. Il l'a liée à chaque homme. Il l'a liée à l'Église, le jour de sa naissance historique, le jour de la Pentecôte. Depuis lors, elle est la Mère de toute l'Église. Elle est la Mère de tous les hommes qui savent que les paroles prononcées du haut de la croix s'adressaient à chaque homme. Mère de tous les hommes, sa maternité spirituelle est sans limite. Elle s'étend dans le temps et dans l'espace. Elle atteint tant de coeurs ! Elle atteint les nations !

La maternité est un thème privilégié et peut-être celui qui revient le plus souvent dans la créativité de l'esprit de l'homme. C'est un élément constitutif de la vie intérieure de beaucoup d'hommes. C'est la clef dé voûte de la culture humaine. Maternité : splendide et fondamentale réalité humaine que dès l'origine le Créateur a appelée par son nom. Acceptée à nouveau dans le mystère de la naissance de Dieu dans le temps. Enfermée dans ce mystère et liée à lui à jamais.

Les premiers jours de mon ministère pontifical, j'ai eu le plaisir de rencontrer un homme qui depuis lors est particulièrement proche de moi. Permettez-moi de ne pas révéler le nom de cette personne dont l'autorité est grande dans la vie de la nation italienne, et dont j'ai moi aussi écouté attentivement et avec gratitude les paroles qu'il a prononcées le 31 décembre. C'étaient des paroles simples, profondes, soucieuses du bien de l'homme, de la patrie et de d'humanité tout entière, de la jeunesse surtout. Mon illustre interlocuteur voudra bien me pardonner si tout en taisant son nom, je me permets de rapporter ce qu'il m'a dit au cours de notre première rencontre. Il parlait de sa mère. Après tant d'années de vie, d'expériences, de luttes politiques et sociales, il se souvenait de sa mère comme de celle à qui avec la vie, il devait tout ce qui fait l'origine et la charpente de l'histoire de son esprit. Je l'ai écouté, très ému. Je n'oublierai jamais ses paroles. Elles étaient pour moi comme une annonce et en même temps comme un appel.

Je ne parlerai pas de ma mère car je l'ai perdue trop tôt. Mais je sais que je lui dois ces mêmes choses que mon illustre interlocuteur a exprimées d'une manière si simple. C'est pourquoi je me permets d'en parler.



La dignité de chaque mère

Et j'en parle pour faire ce que j'ai annoncé la semaine dernière. J'avais dit que nous devons rester près de chaque mère qui attend un enfant ; que nous devons entourer la maternité d'attentions spéciales ainsi que le grand événement de la conception et de la naissance de l'homme, qui sont toujours les fondements de l'éducation humaine. L'éducation repose sur la confiance en celle qui a donné la vie. Cette confiance ne doit jamais vaciller. A Noël, l'Église nous rappelle la maternité de Mairie, et elle le fait aussi le premier jour de l'an pour mettre en évidence la dignité de chaque mère, pour préciser et rappeler la valeur de la maternité, non seulement dans la vie de chaque homme, mais aussi dans toute la culture humaine. La maternité est la vocation de la femme. C'est une vocation éternelle et elle est aussi actuelle. La mère qui comprend tout et qui embrasse avec son coeur chacun de nous : ce sont les paroles d'une chanson, chantée par la jeunesse polonaise. La chanson dit ensuite que le monde aujourd'hui a faim et soif de cette maternité qui est physiquement et moralement la vocation de la femme, comme elle est la vocation de Marie.

Il faut tout mettre en oeuvre pour que la dignité de cette vocation splendide ne soit pas brisée dans la vie intérieure des nouvelles générations ; pour que ne soit pas affaiblie l'autorité de la femme-mère dans la vie familiale, sociale et publique et dans notre civilisation : dans chaque législation, dans l'organisation du travail, dans les publications, dans la culture de la vie quotidienne, dans l'éducation et dans l'étude. Dans tous les domaines de ta vie. C'est un principe fondamental.

Nous devons tout mettre en oeuvre pour que la femme mérite amour et vénération. Nous devons tout mettre en oeuvre pour que les enfants, la famille, la société, voient en elle, cette même dignité que le Christ y a vue. Mater genetrix spes nostra ! (Marie notre Mère, notre espérance).

Avec notre bénédiction apostolique.



17 janvier 1979 PRIER POUR L'UNITE

17179 1. C'est demain que commence la semaine de prière universelle pour l'unité des chrétiens.

C'est pourquoi, je voudrais réfléchir aujourd'hui avec vous sur ce thème important qui intéresse tous les baptisés, pasteurs et fidèles (cf. Unitatis Redintegratio, n. c. 5), chacun selon ses capacités, son rôle et la place qu'il occupe dans l'Église.

Le problème de l'unité engage tout spécialement l'évêque de cette ancienne église de Rome, fondée sur la prédication et sur le témoignage des martyrs Pierre et Paul ; servir l'unité est, dans le ministère de l'évêque de Rome, le premier devoir.

Je suis donc heureux d'apprendre que dans notre diocèse de Rome comme dans beaucoup d'autres diocèses du monde, cette semaine a été organisée de manière à ce que tous y soient engagés : les paroisses, les communautés religieuses, les organisations catholiques, les écoles, les groupes de jeunes et même les lieux de souffrance, comme les hôpitaux.

Je suis heureux de savoir que là où cela est possible, on essaie d'organiser des réunions, de prière avec les autres frères chrétiens, unis par les mêmes sentiments, afin que, répondant à la volonté du Seigneur, nous puissions grandir dans la foi vers la pleine unité, pour l'édification du Corps du Christ, jusqu'à ce que nous parvenions tous ensemble à l'unité dans la foi, comme l'écrit l'apôtre Paul aux premiers chrétiens d'Ephèse, et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude (
Ep 4,13).

La recherche de l'unité doit pénétrer la vie de l'Église à tous les niveaux et le peuple de Dieu tout entier doit y participer pour aboutir un jour à une seule et même profession de foi.

2. L'instrument privilégié pour participer à la recherche de l'unité des chrétiens, c'est la prière ; Jésus lui-même nous a communiqué son grand désir d'unité par une prière au Père : Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu'ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m'as envoyé (Jn 17,21).

Le concile Vatican II aussi nous a vivement recommandé de prier pour l'unité des chrétiens ; cette prière, a-t-il dit, est l'âme de tout le mouvement oecuménique (Unitatis Redintegratio, UR 8) la prière est au mouvement oecuménique ce que l'âme est au corps ; elle le fait vivre, elle l'équilibre, elle lui donne son esprit et le mène à bon port.

La prière nous met, avant tout, en présence du Seigneur, elle purifie nos intentions, nos sentiments, notre coeur et réalise cette conversion intérieure sans laquelle il n'est pas de Véritable oecuménisme (cf. Unitatis Redintegratio, UR 7).

La prière nous rappelle enfin que l'unité est un don de Dieu, une grâce qu'il nous faut demander et à laquelle il faut nous préparer pour qu'elle nous soit accordée. Ainsi, comme chaque don, comme chaque grâce, l'unité dépend de la miséricorde de Dieu (Rm 9,16). Puisque la réconciliation de tous les chrétiens dépasse les forces et les capacités humaines (Unitatis Redintegratio, n. c. 24), la prière fervente et assidue est l'expression de notre espérance, qui ne déçoit pas, et de notre confiance dans le Seigneur qui fait toutes choses nouvelles (Rm 5,5 Ap 21,5).

3. Mais l’action de Dieu exige de notre part une réponse toujours plus fidèle, toujours plus complète, pour toute chose et surtout pour la réalisation de l'unité de tous les chrétiens. Cette année, le thème de la semaine de prière pour l'unité attire précisément notre attention sur l'exercice de quelques vertus fondamentales de la vie chrétienne. Soyez au service les uns des autres pour la gloire de Dieu. Ce thème est tiré d'un passage de la première Epître de Pierre (1P 4,7-11). L'Apôtre s'adresse à quelques communautés qui vivent dans là dispersion (diaspora), dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, la Bithynie, l'Asie, et ont des difficultés particulières. Il rappelle ces communautés à la foi chrétienne et affirme que la fin de toutes choses est proche (1P 4,7).

Nous vivons l'attente eschatologique, c'est-à-dire le temps qui sépare la Rédemption opérée par le Christ de son retour glorieux.

Il nous faut donc vivre activement cette attente. C'est pourquoi l'apôtre Pierre invite à la sobriété, demande que l'on se consacre à la prière, que l'on conserve la charité, une grande charité, que l'on pratique l'hospitalité, c'est-à-dire que l'on fasse preuve de générosité et de dévouement à l'égard des frères, surtout des pauvres et des émigrés. Saint Pierre demande que chacun vive selon le don qu'il a reçu et qu'il mette ce don au service des-autres comme de bons administrateurs de la grâce de Dieu, variée en ses effets. L'accueil sincère de ces conseils et leur mise en pratique clarifient les rapports interpersonnels car l'amour couvre une multitude de péchés, affermit, renforce et fait croître la communauté.

Il s'agit d'un véritable exercice de la recherche de l'unité. Le thème demande aux chrétiens de vivre tous ensemble et du mieux qu'ils peuvent leur héritage commun. Les rencontres, la collaboration, l'amour réciproque, l'aide mutuelle, nous aident à mieux nous connaître les uns les autres, à redécouvrir nos richesses communes et à discerner ce qui nous sépare encore. Ces rencontres nous permettent aussi de trouver les «moyens de surmonter les divergences. Le concile Vatican II nous avait fait remarquer que c'est en collaborant que l'on apprend facilement à préparer la voie à l'unité des chrétiens (Unitatis Redintegratio, UR 12).

En effet, l'amour et l'aide réciproque construisent la communion entre les chrétiens et les acheminent vers la pleine unité.

4. En cette semaine, notre prière pour l'unité des chrétiens doit être surtout une prière d'action de grâces et de demande. Oui, nous devons remercier le Seigneur qui a éveillé chez tous les chrétiens le désir de l'unité (Cf. Unitatis redintegratio, n.e 1) et qui a béni cette recherche, devenue de plus en plus vaste et profonde. L'Église catholique a instauré, ces derniers temps, des relations fraternelles avec toutes les autres Églises et communautés ecclésiales ; nous voulons entretenir et approfondir ces rapports avec confiance et espérance. Avec les Églises orthodoxes d'Orient, le dialogue de la charité a révélé notre communion quasi-totale, bien qu'encore imparfaite. Il est réconfortant de constater que cette nouvelle attitude de compréhension ne s'arrête pas aux plus hauts représentants des Églises ; elle se diffuse graduellement dans les Églises locales ; et l'amélioration des rapports sur le plan local est indispensable à tout développement ultérieur.

La pratique des vertus à laquelle nous appelle cette semaine de prière peut d'autre part donner lieu à de nouvelles expériences qui favoriseront encore l'unité.

Je veux rappeler à ce propos l'ouverture prochaine d'un dialogue théologique entre l'Église catholique et les Églises d'Orient de tradition byzantine, afin que disparaissent les obstacles qui empêchent encore la concélébration eucharistique et la pleine unité. C'est une étape importante et nous implorons l'aide de Dieu.

Des dialogues sont également en cours depuis longtemps avec les frères d'Occident, anglicans, luthériens, méthodistes, réformés ; et sur des thèmes à propos desquels, dans le passé, nous étions en désaccord profond, nous sommes parvenus aujourd'hui à des points d'entente réconfortants. Des relations importantes ont également été instaurées avec le conseil oecuménique des Églises et avec d'autres organisations chrétiennes confessionnelles et inter-confessionnelles. Mais la marche n'est pas terminée, nous devons la poursuivre pour atteindre le but. Nous renouvelons par conséquent notre prière au Seigneur pour qu'il donne à tous les chrétiens la lumière et la force dont ils ont besoin pour aboutir au plus tôt à la pleine unité de sorte que confessant la vérité dans l'amour, nous grandissions à tous égards vers Celui qui est la Tête, le Christ. Et c'est de lui, que le corps tout entier, coordonné et bien uni grâce à toutes les articulations qui le desservent, selon une activité répartie à la mesure de chacun, réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans i'Amour (Ep 4,15-16).

5. Et maintenant, chers frères et soeurs, prions ensemble et faisons nôtres ces intentions, avec les invocations suivantes auxquelles je vous invite à répondre : Seigneur, écoute-nous.

Dans l'esprit du Christ, Notre Seigneur, prions pour l'Église catholique, pour les autres Églises, pour toute l'humanité.  

Tous : Seigneur, écoute-nous.

Prions pour tous ceux qui sont persécutés pour la justice et pour les artisans de liberté et de paix.

Tous : Seigneur écoute-nous.

Prions pour ceux qui exercent un ministère dans l'Église, pour ceux qui ont des responsabilités particulières dans la vie sociale et pour tous ceux qui sont au service des petits et des faibles.

Tous : Seigneur, écoute-nous.

— Demandons à Dieu de nous donner le courage de persévérer dans notre engagement en faveur de l'unité de tous les chrétiens.

Tous : Seigneur écoute-nous.

— Seigneur, notre Dieu, nous nous en remettons à toi. Fais que nous agissions comme il t'est agréable. Que nous soyons les fidèles serviteurs de ta gloire. Amen.

En espérant que pendant la semaine de l’unité, vous continuerez de prier à ces intentions, je vous donne de tout coeur ma bénédiction apostolique.






24 janvier 1979 LES DONS DE DIEU ET LE SENS DU VOYAGE EN AMERIQUE LATINE

24179 Le jour de la fête de l'Epiphanie, nous avons lu le passage de l'Évangile de saint Matthieu qui raconte l'arrivée à Bethléem des Mages d'Orient. Entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie, sa mère et, se prosternant, ils lui rendirent hommage : ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe (Mt 2,11).



Ils l'adorèrent

Nous avons déjà parlé ici-même des pasteurs qui ont trouvé l'enfant nouveau-né, le fils de Dieu, couché dans la mangeoire (Lc 2,16).

Nous nous tournons encore aujourd'hui vers ces personnages dont la tradition dit qu'ils étaient trois : les Rois mages. Le texte de saint Matthieu met bien en évidence l'essentiel de la rencontre de l'homme avec Dieu : Se prosternant, ils l'adorèrent. L'homme rencontre Dieu dans un acte de vénération, d'adoration, de culte. Il est utile de constater que le mot « culte » (cultus) est étroitement lié au terme de « culture ». En effet, dans les éléments essentiels de la culture humaine, des différentes cultures on trouve l’admiration et la vénération pour tout ce qui est divin, pour tout ce qui élève l'homme. Un second aspect de la rencontre de l'homme avec Dieu souligné par l'Évangile est renfermé dans les paroles : « Ils ouvrirent leurs coffrets et lui offrirent en présent... ». Ici, saint Matthieu indique ce qui caractérise profondément l'essence même de la religion comprise à la fois comme connaissance et rencontre. Et cette absence ne peut être constituée par une seule conception abstraite de Dieu.

L'homme connaît Dieu lorsqu'il le rencontre et, il le rencontre dans l'acte même de la connaissance. L'homme rencontre Dieu lorsqu'il se présenté à lui en lui offrant le don intérieur de son « moi » humain pour accepter en échange le don de Dieu.

Les Rois mages à l'instant même où ils arrivent devant l'enfant qui est dans les bras de sa mère, acceptent à la lumière de l'Epiphanie le don du Dieu incarné, son abandon total à l'homme dans le mystère de l'Incarnation et aussitôt : Ils ouvrent leurs coffrets avec les dons ; ces dons concrets dont parle l’évangéliste ; mais les Rois mages s'ouvrent eux-mêmes à l'enfant par le don intérieur de leur coeur. Et c'est le véritable trésor qu'ils, offrent ; l'or, l'encens et la myrrhe ne sont que l'expression extérieure de leur don. C'est le fruit de l'Epiphanie : les Rois mages reconnaissent Dieu et le rencontrent.



L'unique Peuple de Dieu

2. En méditant ainsi avec vous tous ici réunis, ce passage de l'Évangile de saint Matthieu, je pense aux textes de te constitution Lumen Gentium qui parlent de l'universalité de l'Église, de sa mission universelle. Eh bien, le Concile dit : Ainsi l'unique peuple de Dieu est présent à tous les peuples de la terre, empruntant à tous les peuples ses propres citoyens, citoyens d'un royaume qui n'est pas de nature terrestre, mais céleste. Tous les fidèles en effet dispersés à travers le monde sont, dans l'Esprit-Saint, en communion avec les autres et, de la sorte, celui qui réside à Rome sait que ceux des Indes, sont pour lui un membre. Le Royaume de Dieu n'étant pas de ce monde (Cf. Jn Jn 18,36) l'Église, c'est-à-dire le peuple de Dieu, par qui ce royaume prend corps ne retire rien aux richesses temporelles de quelque peuple que ce soit ; au contraire, elle accueille et favorise toutes les facultés, les ressources et les coutumes de ces peuples en ce qu'elles ont de bon et en les accueillant, elle les purifie, les renforce et les élève. En effet, l'Église sait bien qu'elle doit rassembler avec ce Roi à qui les nations ont été données en héritage (Cf. Ps Ps 2,8) et dans la cité duquel on apporte dons et présents. (Cf. Ps Ps 71 Ps 10 Is 60,4-8 Ap 21,24). Cette universalité qui brille sur le peuple de Dieu est don du Seigneur lui-même grâce auquel l'Église catholique efficacement et sans trêve tend à récapituler l'humanité entière avec tout ce qu'elle comporte de bien sous le Christ chef, dans l'unité de son Esprit.

En vertu de cette catholicité, chaque portion apporte aux autres et à toute l'Église le bénéfice de ses propres dons, en sorte que le tout et chacune des parties s'accroissent par un échange mutuel et par un effort commun vers une plénitude dans l'unité. C'est pourquoi le peuple de Dieu… se constitue par le rassemblement des peuples divers (Lumen Gentium LG 13).

C'est la même image que nous présente l'Évangile de saint Matthieu lu à l'Epiphanie. Elle est tout simplement plus développée. Le Christ qui, à Bethléem, a accepté les dons des Rois mages est ce même Christ auquel tes hommes et des peuples entiers ouvrent leurs trésors. Dans cet acte d'ouverture au Dieu incarné, les dons de l’esprit humain acquièrent une valeur particulière, deviennent les trésors de diverses cultures, la richesse spirituelle des peuples et des nations, le patrimoine commun de toute l'humanité. Ce patrimoine s'agrandit toujours plus par cet échange mutuel dont parle la constitution Lumen Gentium. Le centre de cet échange c'est lui : celui-là même qui a accepté les dons des Rois mages. C'est lui-même le don visible et incarné qui provoque l'ouverture des coeurs et cet échange mutuel dont vit non seulement chaque homme mais dont vivent les peuples, les nations, toute l'humanité.



Voyage au Mexique

3. La méditation qui précède est en quelque sorte l'introduction à ce que je vais dire.

Demain, si Dieu le veut, j'entreprendrai un voyage au Mexique. Le premier de mon pontificat. Je veux imiter en cela le pape Paul VI et continuer la tradition qu'il a commencée. Je me rends au Mexique à Puebla, à l'occasion de la conférence de l'épiscopat latino-américain dont les travaux s'ouvriront samedi prochain par une concélébration eucharistique au sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe.

Je veux, dès à présent, exprimer toute ma reconnaissance soit aux représentants de l'épiscopat qui m'ont invité, soit aux représentants des autorités mexicaines, en particulier au Président de la République pour son attitude courtoise à l'occasion de ce voyage qui me permet d'accomplir un devoir pastoral si important.

Je parlais tout à l'heure de la liturgie de la fête de l'Epiphanie et je citais la constitution Lumen Gentium pour mieux vous présenter ces dons particuliers que le peuple et l'Église du Mexique ont apporté et continuent d'apporter à l'humanité et à l'Église.

Qui n'a entendu parler Ides splendeurs de l'ancien Mexique ? De son art, de ses connaissances dans le domaine de l'astronomie, de ses pyramides et de ses temples où s'exprimait, bien qu'imparfait et pas encore éclairé par la révélation, son désir du divin ?

Et que dire des cathédrales et des églises, des palais et des hôtels de ville construits au Mexique et par des artisans mexicains après sa christianisation ? Ces édifices racontent l'heureuse synthèse que le peuple mexicain a su réaliser entre ce qui faisait le meilleur de son passé et le plus beau de cet avenir chrétien qui commençait. Mais le Mexique a fait et continue de faire de grands progrès. Les célèbres édifices de style colonial côtoient aujourd'hui les gratte-ciel et les établissements industriels. Mais, et c'est là un autre de ses mérites ; les progrès politiques et techniques n'ont pas fait oublier au Mexique sa tradition chrétienne. L'âme mexicaine exprime clairement sa volonté d'être et de demeurer chrétienne : même dans sa musique folklorique, le mexicain chante son éternelle nostalgie de Dieu et de sa dévotion à la Sainte Vierge. Et dans les temps difficiles qu'il a traversés, le mexicain a fait preuve, non seulement de bons sentiments religieux, mais d'un courage et d'une fermeté de foi exemplaires parfois héroïques dont beaucoup se souviennent.

Je suis convaincu qu'il est encore possible de réaliser à nouveau devant le Christ et sa mère cette ouverture et cet échange de dons dans lesquels l'épiscopat d'Amérique Latine, moi-même et toute l'Église entrevoyons de grandes promesses.



Notre-Dame de Guadalupe

4. Revenons encore au récit de saint Matthieu. L'Évangile dit que cette ouverture des dons des Rois mages à Bethléem s'est faite devant l'Enfant et sa Mère.

Ajoutons que cet événement continue de se reproduire de la même façon. L'histoire du Mexique et l'histoire de l'Église dans ce pays n'en sont-elles pas la preuve ?

Je suis heureux d'aller au Mexique parce que je marcherai sur les pas de tous ces pèlerins qui, de toute l'Amérique Latine, se dirigent vers le sanctuaire de la Mère de Dieu à Guadalupe. Je Viens moi-même d'une terre et d'une nation dont le coeur bat dans les grands sanctuaires consacrés à Marie, en particulier celui de Jasna Gôra.

Comme je l'ai fait le jour de l'inauguration de mon pontificat, je vais réciter ce vers du plus grand poète polonais : Vierge Sainte qui protège l'illustre Czestochowa et resplendit dans la porte gothique… Cela me permet de comprendre ce peuple, les peuples, l'Église, le continent, dont le coeur bat au sanctuaire de la Mère de Dieu à Guadalupe. J'espère aussi que ce voyage m'ouvrira le chemin du coeur de cette Église, de ce peuple et de ce continent.

Avec ma bénédiction apostolique.







Premières Catéchèses S. J-Paul II 1978-79 30179