Premières Catéchèses S. J-Paul II 1978-79 7279

7 février 1979 LA PREPARATION ET LA SIGNIFICATION DE PUEBLA

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Chers frères et soeurs,

La 3e Conférence Générale de l'Épiscopat latino-américain est un événement qui retient l'attention de toute l'Église et qui n'est pas sans intéresser, même les milieux non ecclésiastiques. Et puisque c'est la troisième fois que cette assemblée a lieu — son institution est assez récente — cela prouve qu'elle sert à quelque chose et qu'elle donne de bons résultats.

C'est en 1955 que le pape Pie XII convoque là première conférence générale de l’épiscopat latino-américain ; elle a lieu à Rio de Janeiro du 25 juillet au 4 août et ses participants y étudient les problèmes religieux qui, à l'époque aussi préoccupent le continent : on y scrute les signes des temps pour trouver des voies plus adaptées au renouveau et au développement de l'activité apostolique, de l'Église. La pénurie de prêtres, dans tout ce qu'elle a de tragique, pousse à une plus étroite collaboration entre tous les pays du continent, l'intérêt de cette collaboration sera un conseil représentatif de tous les épiscopats nationaux. L'institution du CELAM est le premier résultat de la conférence et le plus important : un résultat vivant et ouvert aux développements toujours plus rapides.

En 1968, pour mieux adapter la mission de l'Église aux besoins de l'Amérique Latine à la lumière des enseignements du concile Vatican II, le Pape Paul VI convoque la deuxième conférence générale de l’épiscopat latino-américain. Elle a lieu à Medellin, du 24 août au 6 septembre, sur le thème : L'Église dans la transformation actuelle de l’Amérique latine à la lumière du concile Vatican II. Tout cela montre bien comment s'est formé et développé, au cours des décennies, ce splendide organe de collégialité de l'épiscopat dans le continent latino-américain, et qui est, actuellement, le sujet principal de l'événement que l'on appelle tout simplement « Puebla ».



Organisation de la Conférence

2. Cette abréviation vient, vous le savez, du nom de la ville mexicaine qui accueille la 3e Conférence Générale de l'Épiscopat latino-américain. J'ai eu la chance de l'inaugurer en présidant la concélébration, le samedi 27 janvier, au sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe, et en proclamant, le dimanche 28 janvier, au grand séminaire de Puebla, le discours d'ouverture des travaux.

Cependant, je voudrais attirer l'attention surtout sur la méthode de travail et sur la manière intelligente et précise dont a été préparée la conférence.

Avant d'aboutir à la formulation des principaux thèmes du document de travail qui compte 172 pages, chaque conférence de consultation a fait part de ses opinions, de ses observations et de ses propositions sur le thème de la 3e conférence, à savoir : L'évangélisation en Amérique latine, aujourd'hui et demain.

Il est évident que ce thème a été tiré des travaux des assemblées ordinaires du Synode des évêques qui avaient eu lieu à Rome en 1974 et en 1977 : rappelons que les thèmes de ces assemblées étaient : L'évangélisation du monde Contemporain et la catéchèse, spécialement pour les jeunes.

Le fruit des échanges d'expériences, de propositions et de suggestions du Synode des évêques de 1974, a été l'exhortation apostolique de Paul VI, Evangelii nuntiandi, l'un des documents les plus caractéristiques et les plus importants de son pontificat.

C'est, vous le voyez, la genèse du thème de la conférence du CELAM. L'idée de traiter un thème, d'ordre universel, ecclésiastique, tel que l'évangélisation en Amérique latine, remonté à 1976. Deux années ont été nécessaires à sa préparation pendant lesquelles les conférences épiscopales nationales, en tenant compté des contributions apportées par chaque membre des communautés ecclésiales locales, ont aidé à la rédaction du document de travail, c'est-à-dire le document qui devait servir de point de référencé aux travaux de la conférence de Puebla. Chaque conférence épiscopale est représentée par un président et a nommé un certain nombre de délégués, proportionnellement au nombre global des évêques faisant partie de l'épiscopat du pays. Par ailleurs des prêtres, des religieux, des religieuses, des diacres et des laïcs ont été invités à Puebla.



La fonction épiscopale

3. Il se peut que quelques-uns de nos auditeurs aujourd'hui connaissent déjà tous ces détails sur la conférence de Puebla. Mais j'ai voulu en parler pour deux raisons : tout d'abord, parce que l'événement « Puebla » est extrêmement important.

Et puis, parce que je suis heureux —et je veux le dire —que l'enseignement sur la collégialité de l’épiscopat, rappelé par Vatican II, s'incarne si bien dans la vie et porte des fruits. Il vaut la peine de relire ici tous les paragraphes du chapitre 3 de la constitution dogmatique Lumen Gentium.

Il faudrait rappeler plusieurs passages du décret Christus Dominas sur les devoirs pastoraux des évêques. Retenons quelques phrases : « De même que saint Pierre et les autres apôtres constituent, de par l'institution du Seigneur, un seul collège apostolique, semblablement le pontife romain, successeur de Pierre et les évêques successeurs des apôtres, forment entre eux un tout. Déjà la plus antique discipline en vertu de laquelle les évêques établis dans le monde entier vivaient en communion entre eux et avec l'évêque de Rome par le lien de l'unité, de la charité et de la paix, et de même la réunion de conciles où l'on décidait en commun de toutes les questions les plus importantes, par une décision que l'avis de l'ensemble permettait d'équilibrer, tout cela signifiait le caractère et la nature collégiale de l'ordre épiscopal ; elle se trouve manifestement confirmée par levait des conciles oecuméniques, tenus tout le long des siècles. »

Le concile est l'expression la plus complète de la collégialité (
LG 22), de la fonction épiscopale dans l'Église. Elles sont cependant nécessaires, utiles et parfois indispensables. Je parle des institutions collégiales — et parmi elles, dans l'Église d'Occident, ce sont surtout les conférences épiscopales — et des diverses formes d'activité collégiale.

La Conférence de Puebla est précisément l'une des formes d'activité collégiale de l'épiscopat latino-américain. Chaque institution collégiale, tout comme les diverses formes d'activité collégiale des épiscopats, répondent de manière particulière aux exigences de notre temps.



Le corps épiscopal

4. La constitution dogmatique Lumen Gentium, lorsqu'elle parle de la collégialité des évêques, emploie aussi l'expression corps épiscopal (corpus episcopale). L'analogie avec l'Église semble ici encore plus profonde. Saint Paul, vous le savez, appelait l'Église le Corps du Christ (Cf. Rm Rm 12,5)

Cette analogie nous fait pénétrer plus en profondeur le mystère intime de l'Église : l'unité de vie qu'elle puise dans le Christ. Le corps épiscopal concerne la structure la plus importante de l'Église : son unité hiérarchique. Et cette structure extérieure reste au service du mystère intérieur de l'Église : du corps mystique du Christ. C'est pour cette raison et dans ce but, c'est-à-dire en vertu de cette structure que l'Église est aussi un corps : le corps, autrement dit le collège épiscopal.

Et lorsque ce collège, c'est-à-dire le corps consacre ses travaux à l'évangélisation présente et future du continent sud-américain, il faut souhaiter que le Seigneur Jésus lui-même soit présent parmi ses membres et en eux. Car, nous lisons dans Lumen Gentium : Ainsi donc, en la personne des évêques assistés des prêtres, c'est le Seigneur Jésus-Christ, pontife suprême, qui est présent au milieu des croyants. Assis à la droite de Dieu le Père, il ne cesse d'être présent à la communauté de ses pontifes. C'est par eux en tout premier lieu, par leur service éminent, qu'il prêche la parole de Dieu à toutes les nations et administre continuellement aux croyants les sacrements de la foi ; c'est par leur paternelle fonction qu'il intègre à son corps par la régénération surnaturelle des membres nouveaux ; c'est enfin par leur sagesse et leur prudence qu'il dirige et oriente: le peuple du Nouveau Testament dans son pèlerinage vers l'éternelle béatitude. C'est à eux en effet, qu'a été confiée la charge de rendre témoignage de l'évangile de la grâce de Dieu (Cf. Rm Rm 15,16 Ac 20,24) et d'exercer le ministère glorieux de l'esprit et de la justice (Cf. 2Co 3,8-9) (LG 2-1).

A vous tous, ma bénédiction apostolique.






14 février 1979 SERVIR L'EVANGILE, C'EST SERVIR LA LIBERTE

14279 Chers frères et chères soeurs,

1. « L'évangélisation dans le présent et le futur en Amérique Latine » : c'était le thème de la 3e Conférence Générale de l'Épiscopat de ce continent qui a eu lieu du 27 janvier au 12 février dernier.

Avant-hier, la Conférence a terminé ses travaux. Aujourd'hui, avec mes frères dans l’épiscopat qui ont participé à la conférence, avec tous les épiscopats du continent latino-américain, je yeux rendre, grâce à l'Esprit-Saint de ces travaux. Je veux rendre grâce à l'Esprit de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ et à sa Mère, épouse de l'Esprit-Saint. C'est à ses pieds, au sanctuaire de Guadalupe, que nous avons commencé ensemble cette 3e conférence.



Nécessité de l'évangélisation


Lorsque nous entendons le mot « évangélisation », nous pensons à ce que dit saint Paul : Annoncer l'Évangile n'est pas un motif d'orgueil pour moi, c'est une nécessité qui s'impose à moi : malheur à moi si je n'annonce pas l'Évangile (
1Co 9,16).

Ces paroles qui viennent du coeur de l'Apôtre, sont le cri de l'Église de notre temps. Elles sont devenues le testament de Paul VI qui les a exprimées, dans l'exhortation apostolique, Evangelii Nuntiandi. Elles deviennent maintenant les paroles de la Foi, de l'Espérance et de la Charité de l'épiscopat latino-américain, puisque la Foi, l'Espérance, la Charité comportent un engagement responsable en faveur de l'Évangile et de sa diffusion, comme l'a dit saint Paul.



L'annonce aux hommes et aux peuples


2. L'évangélisation du continent américain est avant tout l'héritage des siècles. Lorsque nous parlons du présent et de l'avenir de cette évangélisation, nous ne pouvons oublier son passé. J'en ai déjà parlé  la première homélie que j'ai prononcée lors de la messe concélébrée à Saint-Domingue.

Dès les premiers instants de la découverte, le premier souci de l'Église a été d'annoncer aux nouveaux peuples, races et cultures, le Royaume de Dieu... Le terrain d'Amérique latine était préparé par les courants de sa propre spiritualité à recevoir la nouvelle semence chrétienne. Ce « passé » des hommes et des peuples du continent latino-américain est apparu constamment pendant mon séjour au Mexique et a marqué tout mon voyage.

Partout, j'ai vu les temples splendides qui rappelaient les premières générations de l'Église et du christianisme sur cette terre. Mais j'ai surtout rencontré des hommes vivants qui ont fait leur l'Évangile qui leur a été annoncé par les missionnaires du vieux monde, et qui en ont fait l'essence de toute leur vie. Certes, la rencontre entre les nouveaux arrivés de l'Europe et les indigènes n'a pas été facile. Ces derniers n'ont pas tout accepté de ce qui était européen et ils essayaient d'une certaine manière de s'abriter derrière leur propre tradition et leur culture d'origine. Mais on a en même temps l'impression qu'ils ont accepté Jésus-Christ et son Evangile ; que dans cette communauté de foi, if y a eu une rencontre entre le « vieux » et le « nouveau » et c'est là le fondement, non seulement de la vie de l'Église, mais aussi de la société mexicaine. Cette continuité de la foi est passée, nous le savons, par de dures épreuves. Il est difficile d'échapper à l'impression qui s'impose, que dans ce creuset d'épreuves, la communauté s'est renforcée et approfondie. Elle porte les signes d'une grande simplicité et de la victoire spirituelle de la foi ; malgré les circonstances qui pourraient faire penser le contraire et qui pourraient déplaire.



Se retrouver dans le Christ

3. Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et toujours (He 13,8). Les représentants de l'épiscopat, réunis à Puebla pour parler de l'évangélisation dans le présent et dans le futur de l'Amérique latine, étaient conscients que l'Église, Corps du Christ, Épouse du Christ, Peuple de Dieu, ne peut se détacher ni du passé, ni de la Tradition, mais elle ne peut pas non plus se contenter de ne regarder que le passé : la ecclesia « retro oculata » doit être toujours, en même temps, l'Église tournée vers l'avenir (ecclesia « ante oculata »). A cet avenir, aux hommes qui existent déjà et à ceux qui viendront, l'Église doit toujours révéler Jésus-Christ, mystère total et non partiel du salut. Ce mystère est le mystère éternel de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Ce mystère qui est devenu, dans le temps, une réalité à la fois divine et humaine, qui s'appelle Jésus-Christ.

Tout en étant une réalité historique le Christ est le même hier, aujourd'hui et toujours (He l3, 8). Il est une réalité qui n’existe pas en dehors de l'homme. En effet, sa raison d'exister, c'est d'être présent et d'agir en l'homme, c'est d'être en chaque nomme la source et le ferment de la vie nouvelle. Evangéliser, c'est agir dans ce but, afin que la source et le ferment de la vie nouvelle resplendissent chez les hommes et dans toutes les générations.

Évangéliser, ce n'est pas seulement parler du Christ. Annoncer le Christ, c'est faire en sorte que l'homme auquel est faite cette annonce croie, c'est-à-dire qu'il se voie, lui-même, dans le Christ, qu'il retrouve en lui la juste dimension de sa propre vie ; en un mot qu'il se retrouve lui même dans le Christ.

L'auteur de cette oeuvre, c'est l'homme qui évangélise, qui annonce le Christ, mais c'est surtout l'Esprit-Saint, l'esprit de Jésus-Christ. Se retrouver soi-même dans le Christ, c'est le résultat de l’évangélisation, c'est essentiellement se libérer. Servir le Christ, c'est servir la liberté dans l'esprit. L'homme qui s'est retrouvé lui-même dans le Christ a trouvé le moyen de libérer sa nature humaine de ses limites et de ses faiblesses, de son état de péché et des multiples structures du péché, qui pèsent sur la vie des individus et de la société. Dans l'évangélisation du continent américain et du monde, nous devons nous appuyer avec autant de clarté sur cette vérité si fortement exprimée par saint Paul.



Proclamer la parole


4. L'avenir de l'évangélisation s'identifie avec la réalisation du grand programme tracé par le concile Vatican II. Pour évangéliser le « monde », l'Église doit s'affermir dans son mystère, elle doit construire solidement sa propre communauté, la communauté du Peuple de Dieu, fondée Sur les Apôtres et leurs successeurs, sur le ministère hiérarchique, sur les prêtres et les religieux exclusivement consacrés au service de Dieu, et sur les laïcs conscients de leurs devoirs apostoliques. Le monde latino-américain attend que l'Église accomplisse parmi lui cette mission. Et il l'attend même lorsqu'il conteste l'Église et l'Évangile ou leur est indifférent. Et cela ne doit pas faire douter les apôtres du Christ et les serviteurs de l'Évangile de son amour.

Mes chers frères dans l'épiscopat du continent latino-américain témoignent que l'amour du Christ les étreint (Cf. 2Co 5,14), qu'ils sont prêts à proclamer la parole, à insister à temps et à contre-temps, à reprendre, à menacer, à exhorter, toujours avec patience et souci d'enseigner (Cf. 2Tm 4,2), afin que, comme dit saint Paul, les communautés confiées à leurs soins de pasteurs et de maîtres ne détournent pas leurs oreilles de la Vérité pour se retourner vers les fables (Cf. 2Tm 4,4).

Mes frères dans l'épiscopat d'Amérique Latine sont prêts avec leurs prêtres, les religieux et les religieuses, avec tous les laïcs, dévoués, à lire les signes des temps pour édifier le Peuple de Dieu dans la justice, dans la vérité et dans l'amour.

Que le Seigneur les bénisse dans leur travail.

Qu'il leur accorde de voir les fruits de ce zèle et de cette coopération, dont l'un des signes a été la III° Conférence Générale de Puebla. Que l'Église du continent latino-américain, forte des traditions de sa première évangélisation, retrouve cette force par une prise de conscience de tout le Peuple de Dieu, par la richesse de ses vocations sacerdotales et religieuses, par un engagement responsable en faveur d'un ordre social fondé sur la justice, sur la paix, sur le respect des Droits de l'Homme, sur une distribution équitable des biens, sur le progrès de l'enseignement et de la culture.

C'est ce que nous lui souhaitons.

Pour que l'Amérique Latine atteigne ce but, nous tous qui sommes rassemblés ici et toute l'Église, nous prierons sans relâche en invoquant l'intercession de Notre-Dame de Guadalupe aux pieds de laquelle nous avons commencé nos travaux. Amen.






21 février 1979 LA VERITABLE LIBERATION

21279 1. Aujourd'hui encore, je parlerai du thème de la III° Conférence de l'Épiscopat latino-américain : l'Evangélisation. C'est un thème fondamental, et toujours actuel. La conférence dont les travaux se sont achevés à Puebla le 13 février dernier, en est la preuve. Le thème de l'évangélisation est également le thème de « l'avenir », le thème que l'Église doit vivre sans cesse en le prolongeant dans l'avenir. Un thème donc qui est la perspective permanente de la mission de l'Église.



Evangéliser


Evangéliser veut dire rendre le Christ présent dans la vie de l'homme en tant que personne, et en même temps dans la vie de la société. Évangéliser, veut dire mettre tout en oeuvre, selon nos capacités, afin que l'homme croie ; afin que l'homme se retrouve lui-même dans le Christ ; afin qu'il découvre en lui le sens et la juste dimension de sa vie. Cette découverte est, en même temps, la source la plus profonde de la libération de l'homme. Saint Paul l'exprime bien quand il écrit : C'est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés (
Ga 5,1).

Ainsi la libération est sans nul doute l'une des réalités de la Foi. L'un des thèmes bibliques fondamentaux, inscrits en profondeur dans la mission salvifique du Christ, dans l'oeuvre de Rédemption, dans son enseignement. Ce thème n'a jamais cessé d'être la vie spirituelle des chrétiens.

La Conférence de l'Épiscopat latino-américain montre que ce thème revient dans on nouveau contexte historique, il doit donc être repris dans l'enseignement de l'Église, dans la théologie et dans la pastorale. Il faut l'étudier profondément et ne rien lui ôter de son authenticité évangélique. Ce thème est également actuel en vertu de nombreuses circonstances qu'il est d'ailleurs difficile de citer ici. Il y a cependant cette dignité de l'homme dont parle le concile Vatican II. La théologie de la libération est souvent reliée (parfois de manière trop exclusive) à l'Amérique Latine, il faut cependant en convenir avec l'un des grands théologiens contemporains (Hans Urs von Balthasar) qui, lui, exige justement une théologie de la libération à caractère universel. Les contextes sont différents, c'est vrai, mais la réalité même de la liberté par laquelle le Christ nous a libérés (Cf. Ga Ga 5,1) est universelle. Le but de la théologie est de recouvrer son véritable sens dans les divers contextes passés et actuels.



Vérité et liberté

2. Le Christ lui-même, subordonne la libération à la connaissance de la vérité : Vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres (Jn 8,32). Cette phrase montre par-dessus tout la signification profonde de la liberté par laquelle le Christ nous rend libres. Libération veut dire transformation intérieure de l'homme, ce qui n'est autre que la conséquence de la connaissance de la vérité. La transformation est donc un processus spirituel par lequel l'homme grandit en justice et en sainteté (Ep 4,24). L'homme qui a atteint ainsi sa maturité intérieure devient le représentant et le porte-parole de cette vraie Justice et de cette véritable sainteté dans les différents milieux de la société. La vérité n'est pas importante uniquement en vue d'une plus grande prise de conscience de l'homme ; elle a aussi un sens et une force prophétique. Elle constitue le contenu du témoignage et exige un témoignage. Cette force prophétique de la vérité, nous la trouvons dans l'enseignement du Christ. Comme prophète, comme témoin de la vérité, le Christ ne cesse de s'opposer à la non-vérité ; il le fait très fermement et souvent il n'hésite pas à blâmer le mensonge. Relisons attentivement l'Évangile ; nous y trouvons beaucoup d'expressions sévères, par exemple sépulcres blanchis (Mt 23,27), guides aveugles (Mt 23,16), hypocrites (Mt 23,13 Mt 15,23 Mt 25 Mt 27 Mt 29) que le Christ prononce, conscient de ce qui l'attend. La vérité, participation au service prophétique du Christ, est un devoir de l'Église qui essaie de l'accomplir dans les divers contextes historiques. Il faut appeler par leur nom l'injustice, l'exploitation de l'homme par l'homme, l'exploitation de l'homme par l'État, par les institutions, par les mécanismes de systèmes économiques, par les régimes dépourvus de sensibilité. Il faut appeler par leur nom l'injustice sociale, la discrimination, la violence infligée à l'homme contre son corps, contre son esprit, contre sa conscience et contre ses convictions. Le Christ nous enseigne à être sensibles à l'égard de l'homme, à l'égard de la dignité de la personne humaine, de la vie humaine, de l'esprit et du corps humain. C'est cette sensibilité qui témoigne de la connaissance de cette vérité qui fait de nous des hommes libres (Jn 3,32). L'homme ne doit pas se cacher à lui-même cette vérité, ni la falsifier. Il ne peut faire de cette vérité l'objet d'une adjudication administrative.

Il doit parler de cette vérité claire. Et non pour blâmer les hommes, mais pour servir la cause de l'homme. La libération, même dans son sens social, commence par la connaissance de la vérité.



Libérés dans le Christ

3. Nous en resterons là. Il est difficile en si peu de temps de développer un thème de si grande envergure, aux multiples aspects et qui surtout se situent à de nombreux niveaux. Je dis bien : nombreux niveaux parce que l'étude de ce thème suppose une vision complète de l'homme : l'homme dans tout ce qui fait la richesse de son être personnel et social : être historique et en même temps, en quelque sorte, au-delà du temps. L'histoire aussi rend témoignage de cette condition au-delà du temps de l'homme. L'homme qui est un roseau pensant (Cf. B. Pascal, Pensées, 347). Vous connaissez la fragilité (de l'homme) lui-même justement parce qu'il est pensant ; il porte en lui le mystère transcendantal et une inquiétude créatrice qui vient de ce mystère.

La théologie de la libération doit avant tout être fidèle à toute la vérité sur l'homme, pour mettre en évidence, non seulement dans le contexte latino-américain, mais dans tous les contextes contemporains, cette réalité qu'est la liberté par laquelle le Christ nous a libérés. Le Christ ! Il faut parler de notre libération dans le Christ, il faut annoncer cette libération. Le Christ doit être présent dans toute la réalité contemporaine de la vie humaine. Beaucoup de circonstances, beaucoup de motifs l'exigent. A cette époque surtout où l'on prétend que la condition de la libération de l'homme c'est sa libération du Christ, c'est-à-dire de la religion, à cette époque, donc, la réalité de notre libération dans le Christ doit nous apparaître à tous, toujours plus évidente et fondamentale.



Libérer les forces du bien

4. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité (Jn 18,37). L'Église en regardant le Christ qui rend témoignage à la vérité partout et toujours, doit sans cesse se demander et en quelque sorte demander au monde comment faire ressortir de l'homme le bien, comment libérer chez l'homme les forces du bien afin qu'il soit plus fort que le manque tout mal moral, social etc. La III° Conférence de l'Épiscopat Latino-Américain témoigne de la disponibilité à endosser cette tâche. Nous voulons non seulement la recommander à Dieu, mais la suivre pour le bien de l'Église et de toute la famille humaine.

Recevez ma bénédiction apostolique.






28 février 1979 AVEC LA PENITENCE, L'HOMME RETROUVE SA VERITE INTERIEURE

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1. Nous voici réunis en ce premier jour de Carême, mercredi des Cendres pour ouvrir les quarante jours de préparation aux fêtes de Pâques, l'Église impose les cendres sur notre front et nous invite à la pénitence. Le mot pénitence revient souvent dans l'Écriture Sainte, il résonne sur les lèvres de tant de prophètes et, de manière particulièrement éloquente sur les lèvres de Jésus-Christ lui-même : Convertissez-vous car le Royaume des deux est proche (
Mt 3,2). On peut dire que le Christ a introduit dans l'année liturgique de l'Église la tradition des quarante jours de jeûne parce que lui-même jeûna quarante jours et quarante nuits (Mt 4,2), avant de commencer son enseignement. Par ces quarante jours de jeûne, l'Église est en quelque sorte invitée, chaque année, à imiter son Maître et Seigneur, pour prêcher plus efficacement son Évangile. Le premier jour de Carême — aujourd'hui précisément — est le signe particulier par lequel l'Église accueille cet appel du Christ et le met en pratique.

2. Au sens évangélique, pénitence signifie avant tout conversion. Le passage de l'Évangile du mercredi des Cendres est à ce sujet très significatif. Jésus parle de l'accomplissement des actes de pénitence pratiqués par ses contemporains, par le peuple de l'Ancienne Alliance. Mais, en même temps, il critique l'aspect purement extérieur de l'accomplissement de ces actes : aumône, jeûne, prière, parce qu'il est contraire à la finalité propre de ces actes. Faire réellement acte de pénitence, c'est se tourner complètement vers Dieu pour le rencontrer au plus profond de notre être, dans le secret de notre coeur.

Quand donc tu fais l'aumône, ne le fais pas claironner devant toi, comme font les hypocrites... en vue de la gloire qui vient des hommes... que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite afin que ton aumône reste dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.

Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites... afin d'être vus des hommes... mais... entre dans ta chambre, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui voit dans le secret et te le rendra (Mt 6,2-6).

Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre comme font les hypocrites... mais... parfume-toi la tête et lave-toi le visage pour ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais seulement à ton Père qui est là dans le secret ; et ton Père qui voit dans le secret, te le rendra (Mt 6,16-18).

Donc, la pénitence est avant tout et par-dessus tout un acte intérieur, spirituel. Le principal effort de la pénitence, c'est d'entrer en nous-mêmes,, au plus profond de notre être, entrer dans la dimension de notre propre nature humaine où, dans un certain sens, Dieu nous attend. Autrement dit, l'homme extérieur doit, en quelque sorte, céder à l'homme intérieur, lui laisser la place. Dans la vie courante, l'homme ne vit pas assez intérieurement. Jésus-Christ dit clairement que même les actes de dévotion et de pénitence (comme le jeûne, l'aumône, la prière) qui de par leur finalité religieuse sont surtout des actes intérieurs, peuvent céder à l'extériorité courante et donc être falsifiés. La pénitence, conversion à Dieu, exige au contraire, que l'homme repousse les apparences, sache se libérer de ce qui est faux et se retrouver dans toute sa vérité intérieure. Un seul regard, même rapide, à la lumière divine de la vérité intérieure de l'homme est déjà un succès.

Ascèse veut dire effort intérieur pour ne pas se laisser attirer et entraîner par les divers courants extérieurs pour demeurer toujours soi-même et conserver la dignité de sa propre nature humaine.

Mais le Seigneur Jésus nous demande de faire davantage, lorsqu'il dit entre dans ta chambre et verrouille la porte, il invite à un acte ascétique de l'esprit humain qui ne doit pas s'arrêter à l'homme. S'enfermer, c'est en même temps ouvrir grandement son coeur. Et cela est indispensable pour rencontrer le Père, c'est pourquoi il faut le faire. Ton Père qui voit dans le secret, te le rendra. Il s'agit ici, de retrouver la simplicité de la pensée, de la volonté et du coeur, indispensable pour rencontrer dans son moi intérieur, Dieu. Et Dieu attend cela, pour s'approcher ; de l'homme, intérieurement recueilli, et en même temps, ouvert à sa parole et à son amour. Dieu veut entrer dans une âme ainsi préparée. Il veut lui apporter la vérité et l'Amour qui ont en lui seul leur véritable source.



Joie : fruit de l'effort

3. Donc, le principal courant du Carême doit passer à l'intérieur de l'homme, dans son coeur et sa conscience. C'est cela l'essentiel de la pénitence. Par cet effort, la volonté de l'homme de se convertir à Dieu est investie de la grâce prévenante de la conversion et en même temps, du pardon et de la libération spirituelle. La pénitence n'est pas seulement un effort, un poids, c'est aussi une joie. Elle est parfois une grande joie de l'esprit de l'homme, un bonheur que d'autres sources ne peuvent faire jaillir.

Il semble que l'homme contemporain ait perdu quelque peu le goût de cette joie. Il a perdu également le sens profond de cet effort spirituel qui permet de se retrouver soi-même dans toute la vérité de son être. Les causes de tout cela sont nombreuses et variées et il est difficile de les analyser ici. Notre civilisation — en Occident surtout — étroitement liée au développement de la science et de la technique, perçoit le besoin de l'effort intellectuel et physique, mais elle a perdu considérablement le sens de l'effort de l'esprit dont le résultat est l'homme dans sa dimension intérieure. L'homme qui vit dans le courant de cette civilisation finit par perdre souvent sa propre dimension ; il perd le sens intérieur de sa nature humaine. Cet homme reste étranger soit à l'effort qui produit le résultat dont nous venons de parler, soit à la joie qu'il apporte :

- la grande joie de la découverte et de la rencontre ;

- la joie de la conversion (metanioa) ;

- la joie de la pénitence.

La sévère liturgie du Mercredi des Cendres, puis le temps de carême, cette préparation aux fêtes de Pâques est un vibrant appel à cette joie : à la joie, fruit de l’effort patient pour se retrouver soi-même : c'est par votre persévérance que vous gagnerez la vie (Lc 21,19).

Que personne n'ait peur d'entreprendre cet effort.






14 mars 1979 PRIER, JEUNER, FAIRE L'AUMONE

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1. Pendant le carême, nous entendons souvent parler de prière, de jeûne, d'aumône. Trois mots auxquels j'ai fait allusion le mercredi des Cendres et qui évoquent d'ordinaire des oeuvres pieuses et bonnes que chaque chrétien se doit d'accomplir surtout en ce temps liturgique. C'est juste mais ce n'est pas tout, car la prière, l'aumône et le jeûne doivent être considérés dans leur sens le plus profond, si nous voulons les vivre réellement et ne pas en faire des pratiques passagères n'exigeant de nous que-quelques actes ou quelques privations momentanées.

Si nous en restons là, nous ne saisissons pas encore le vrai sens et la vraie valeur de la prière, du jeûne et de l'aumône dans le processus de la conversion à Dieu et dans celui de notre croissance spirituelle.

Elles vont de pair : nous atteignons notre maturité spirituelle en nous convertissant à Dieu et nous nous convertissons par la prière tout comme par le jeûne et l'aumône compris dans leur juste sens.

Il convient de préciser tout de suite qu'il ne s'agit pas seulement de « pratiques » momentanées, mais d'attitudes constantes qui donnent à notre conversion à Dieu un caractère durable. Le temps liturgique de carême ne dure que quarante jours : or, c'est toujours que nous devons tendre vers Dieu et cela veut dire qu'il faut se convertir sans cesse.

Le carême doit laisser une empreinte ineffaçable dans notre vie. Il doit renouveler en nous la conscience de notre union à Jésus-Christ qui nous montre la nécessité de la conversion et les voies à suivre pour y aboutir. Et la prière, le jeûne, et l'aumône sont précisément les voies que le Christ nous a indiquées. Dans les méditations qui suivent, nous essaierons de voir combien ces voies pénètrent l'homme et ce qu'elles signifient pour lui. S'il veut suivre ces voies, le chrétien doit en comprendre le véritable sens.



La voie de la prière


2. Donc, tout d'abord : la voie de la prière. Je dis tout d'abord parce que je veux en parler en premier. Mais en disant tout d'abord, je veux aussi ajouter que dans l'oeuvre complète de notre conversion, c'est-à-dire de notre croissance spirituelle, la prière n'est pas séparée des deux autres voies que l'Église, employant un terme évangélique, appelle jeûne et aumône. La voie de la prière nous est sans doute plus familière. Nous comprenons peut-être mieux que sans elle, il est impossible de se convertir à Dieu, de rester unis à lui dans cette communion qui nous rend spirituellement adultes. Probablement, beaucoup parmi vous qui m'écoutez, ont déjà une expérience de prière personnelle, en connaissent les différents aspects et peuvent y faire participer les autres. C'est en priant, en effet, que nous apprenons à prier. Le Seigneur Jésus nous a enseigné à prier en commençant par prier lui-même : ...Et il passa la nuit à prier (
Lc 6,12) ; un autre jour, comme l'écrit saint Matthieu, il monta dans la montagne pour prier à l'écart. Le soir venu, il était là, seul (Mt 14,23) avant sa passion et sa mort, il se rendit au mont des Oliviers et encouragea les apôtres à prier, et lui même, s'étant mis à genoux, priait. Pris d'angoisse, il priait plus intensément (Lc 22, 39, 46).

Une seule fois, à la demande des disciples, Seigneur, apprends-nous à prier (Lc 11,1), il leur enseigna sa prière la plus simple et la plus profonde : le Notre Père.

Il est pratiquement impossible en un temps si court de rendre compte de tout ce qui a été dit et écrit sur le thème de la prière. Je voudrais cependant souligner une chose : nous tous, lorsque nous prions, nous sommes des disciples du Christ, et non pas parce que nous répétons les paroles qu'un jour il nous a enseignées — paroles sublimes, contenu complet de la prière — nous sommes disciples du Christ même lorsque nous n'employons pas ces paroles. Nous sommes ses disciples tout simplement parce que nous prions : Ecoute le maître qui prie ; apprends à prier. C'est pour nous enseigner à prier qu'il pria, affirme saint Augustin (Enarrationes in Ps 56,5). Un auteur contemporain écrit : Puisque la fin du chemin de la prière se perd en Dieu et que nul ne connaît le chemin hormis celui qui vient de Dieu, Jésus-Christ, il nous faut (…) fixer notre regard sur lui seul. Il est la Voie, la Vérité, la Vie. Lui seul a parcouru le chemin dans les deux directions. Il faut mettre notre main dans la sienne et partir (Y. Rayuin, Chemins de la Contemplation, Desclée de Brouwer, 1969, p. 179). Prier, c'est parler à Dieu — j'oserais même dire que prier c'est se retrouver en ce Verbe éternel unique par lequel le Père parle et qui parle au Père. Ce Verbe s'est fait chair afin que nous puissions plus facilement nous retrouver en lui, même par une prière faite de parole humaine.

Cette parole est parfois imparfaite, quelquefois elle nous fait défaut, cependant les lacunes de cette parole humaine sont sans cesse comblées par le Verbe qui s'est fait chair pour parler au Père, dans la plénitude de cette union mystique que forme avec lui, tout homme qui prie ; que tous ceux qui prient forment avec lui. C'est dans cette union particulière avec le Verbe que la prière trouve sa grandeur, sa dignité, et en quelque sorte sa définition. Il faut surtout bien comprendre la grandeur et la dignité fondamentale de la prière: Prière de chaque homme. Et aussi de toute l'Église priante. L'Église va aussi loin que la prière. Elle arrive partout où il y a, un homme qui prie.



Se tourner vers Dieu


3. Il faut prier en s'appuyant sur ce concept essentiel de la prière. Lorsque les disciples demandèrent à Jésus : Apprends-nous à prier, il répondit en prononçant les paroles du Notre Père, créant ainsi un modèle à la fois concret et universel. En effet, tout ce que l'on peut dire et l'on doit dire au Père se trouve dans ces sept demandes que nous savons par coeur. Il y a en elles une telle simplicité que même un enfant les apprend et, en même temps, une telle profondeur que l'on pourrait passer toute une vie à méditer sur chacune d'entre elles. N'est-ce pas vrai ? Ne nous disent-elles pas, l'une après l'autre, ce qui est essentiel à notre vie tournée totalement vers Dieu, vers le Père ? Ne nous parlent-elles pas du pain quotidien, du pardon des offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés et aussi de nous préserver de la tentation et de nous délivrer du mal ?

Lorsqu'il répond à la demande des disciples, le Christ enseigne non seulement les paroles, mais il dit aussi que notre conversation avec le Père doit être pleinement loyale et sincère. La prière doit s'étendre à tout ce qui fait partie de notre vie. Elle ne peut être quelque chose de marginal ou de supplémentaire. Tout doit s'exprimer en elle. Même ce qui nous pèse, ce dont nous avons honte, ce qui, de par sa nature, nous sépare de Dieu. Et surtout cela. C'est la prière qui, toujours, en premier et par-dessus tout, fait tomber la barrière que le péché et le mal élèvent entre nous et Dieu.

C'est dans la prière que nous trouvons le vrai point de repère : Dieu, le monde intérieur et le monde objectif, celui dans lequel nous vivons et tel que nous le connaissons. Si nous nous convertissons à Dieu, tout en nous se tourne vers lui. Prier, c'est précisément se tourner vers Dieu. C'est en même temps se convertir sans cesse. La prière est une conversion constante. C'est notre vie.

Comme la pluie et la neige
descendent des deux et n'y remontent pas
sans avoir arrosé la terre,
sans l'avoir fécondée et fait germer,
pour qu'elle donne la semence au semeur
et le pain comestible,
de même la parole
qui sort de ma bouche
ne me revient pas sans résultat,
sans avoir fait ce que je voulais et réussi sa mission
(Is 55,10-11)



La prière est le chemin du Verbe qui contient tout. Le chemin du Verbe éternel qui passe au plus profond des coeurs, qui reconduit au Père tout ce qui est parti de lui. La prière est le sacrifice de nos lèvres. (He 13 He 15). Comme l'écrit saint Ignace d'Antioche, elle est l'eau vive qui murmure en nous et nous dit : viens vers le Père (Lettre aux Romains, 3, 2).

Avec ma bénédiction apostolique.






Premières Catéchèses S. J-Paul II 1978-79 7279