Premières Catéchèses S. J-Paul II 1978-79 21379

21 mars 1979 LE JEUNE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA PERSONNE

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1. Proclamez le jeûne ! (
Jl 1,14). Ce sont les paroles de la première lecture du Mercredi des Cendres, écrites par le prophète Joël et sur lesquelles l'Église établit la pratique du Carême en prescrivant le jeûne.

Aujourd'hui, la pratique du carême définie par Paul VI, dans la constitution Poenitemini, est beaucoup moins sévère qu'autrefois. En cette matière, le Pape s'en est remis largement à la décision des conférences épiscopales de chaque pays, qui doivent adapter les exigences du jeûne aux conditions de vie de leurs sociétés respectives. Il a également rappelé que l'essentiel de la pénitence du carême est constitué, non seulement par le jeûne, mais aussi par la prière et l'aumône (oeuvre de miséricorde). Il faut donc décider selon les circonstances car le jeûne peut être remplacé par des oeuvres de miséricorde et par la prière. Le but de ce temps particulier de la vie de l'Église est toujours et partout la pénitence, c'est-à-dire la conversion à Dieu. En effet, la pénitence entendue comme conversion, c'est-à-dire metanoia constitue un ensemble que la tradition du Peuple de Dieu dans l'Ancienne Alliance d'abord et puis le Christ, ont lié, en quelque sorte, à la prière, à l'aumône et au jeûne.

Nous songeons peut-être en ce moment aux paroles par lesquelles Jésus a répondu aux disciples de Jean Baptiste lorsqu'ils l'interrogeaient : Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas ? Jésus répondit : Les invités à la noce peuvent-ils être en deuil tant que l'époux est avec eux ? Mais des jours viendront où l'époux leur aura été enlevé : c'est alors qu'ils jeûneront (Mt 9,15).

En effet, le temps de carême nous rappelle que l'époux nous a été enlevé. Enlevé, arrêté, emprisonné, giflé, flagellé, couronné d'épines, crucifié... Le jeûne du temps de carême est l'expression de notre solidarité avec le Christ. C'est le sens qu'a toujours eu le carême tout au long des siècles et qu'il garde encore aujourd'hui.

Mon amour a été crucifié et il n'y a plus en moi cette flamme qui désire les choses matérielles, comme écrit saint Ignace d'Antioche dans la lettre aux Romains (Ign. Antioche, ad Romanos 7, 2).



Pourquoi le jeûne ?


2. Il faut donner à cette question une réponse plus vaste et plus complète pour que soit mieux défini le rapport entre le jeûne et la metanoia, c'est-à-dire cette transformation spirituelle qui rapproche l'homme de Dieu. Nous essaierons donc de nous concentrer non seulement sur la pratique de l'abstention de nourriture et de boissons, — c'est cela le jeûne, au sens habituel — mais sur le sens plus profond de cette pratique qui, du reste, peut et doit parfois être remplacée par une autre. La nourriture et les boissons sont indispensables à l'homme pour vivre, il s'en sert et doit s'en servir, cependant il ne doit pas en abuser. L'abstention traditionnelle de nourriture et de boissons a pour but d'introduire dans la vie de l'homme, non seulement l'équilibre nécessaire, mais aussi le détachement de ce que l'ont pourrait appeler une mode de la consommation. Cette mode est l'une des caractéristiques de notre civilisation et en particulier de la civilisation occidentale. La mode de la consommation ! L'homme orienté vers les biens matériels, vers les innombrables biens matériels, en abuse souvent. Et ici, il ne s'agit pas uniquement de la nourriture et des boissons. Lorsque l'homme est orienté exclusivement vers la possession et l'usage des biens matériels, c'est-à-dire des choses, alors toute la civilisation se mesure à la quantité et à la qualité des choses qu'elle est capable de fournir à l'homme et non en prenant l'homme lui-même comme critère. En effet, cette civilisation fournit les biens matériels, non seulement pour qu'ils aident l'homme à exercer, des activités créatrices et utiles, mais de plus en plus, pour satisfaire les sens, l’excitation qui en découle, le plaisir momentané, un nombre toujours plus grand de sensations.

On entend dire parfois que le développement excessif des moyens audiovisuels dans les pays riches, ne profite pas toujours au développement de l'intelligence, surtout-chez les enfants ; au contraire, il contribue parfois à en freiner le développement. L'enfant vit seulement de sensations, il cherche des sensations toujours nouvelles ; et il devient, sans s'en rendre compte esclave de cette passion actuelle. Se rassasiant de sensations, il reste souvent intellectuellement passif, son intelligence ne s'ouvre pas à la recherche de la vérité ; la volonté reste figée par l'habitude à laquelle il ne sait s'opposer. C'est pourquoi l'homme contemporain doit jeûner, c'est-à-dire s'abstenir non seulement de nourriture et de boissons, mais de beaucoup d'autres objets de consommation, de satisfaction des sens. Jeûner, c'est s'abstenir, renoncer à quelque chose.


Le jeûne : vigueur de l'esprit

3. Pourquoi renoncer à quelque chose ? Pourquoi s'en priver ? Nous avons répondu en partie à cette question. Cependant la réponse ne sera pas complète si nous ne nous rendons pas compte que l'homme est homme parce qu'il sait se priver de quelque chose, parce qu'il est capable de se dire à lui-même : non. L'homme est un être composé d'un corps set d'une âme. Certains écrivains contemporains présentent cette structure de l'homme sous forme de couches superposées (strates) et parlent par exemple des couches intérieures. Notre vie semble être divisée en couches et vit à travers elles. Tandis que les couches superficielles sont liées à notre sensualité, les couches en profondeur, sont l'expression de la spiritualité de l'homme, c'est-à-dire de la volonté consciente, de la réflexion, de la conscience, de la capacité de vivre les valeurs supérieures. Cette image de la structure de la personnalité humaine peut aider à comprendre le sens du jeûne. Il ne s'agit pas seulement du sens religieux mais d'un sens qui s'exprime par ce que l'on appelle l'organisation de l'homme en tant que sujet et personne. L'homme se développe régulièrement quand les couches les plus profondes de sa personnalité s'expriment correctement, quand ses intérêts et ses aspirations ne se limitent pas seulement au niveau des couches extérieures et superficielles, liées à la sensualité humaine. Pour faciliter un tel développement, il nous faut nous détacher sciemment de ce qui sert à satisfaire la sensualité, c'est-à-dire des couches extérieures superficielles. Donc, nous devons renoncer à tout ce qui les alimente. Voilà, en bref, l'interprétation du jeûne, aujourd'hui. Le renoncement aux sensations, aux plaisirs et aussi à la nourriture et aux boissons, n'est pas une fin en soi. Il doit simplement, pourrait-on dire, aplanir la voie à des contenus plus profonds, qui alimentent l'homme intérieur. Ce renoncement, cette mortification doivent servir à créer en l'homme les conditions pour pouvoir vivre les valeurs supérieures dont il est, à sa façon, affamé.

Voici le sens plénier du jeûne dans le langage aujourd'hui. Cependant lorsque nous lisons les auteurs chrétiens de l'antiquité ou les Pères de l'Église, nous y trouvons la même vérité exprimée souvent en un langage si actuel qu'il nous surprend. Saint Pierre Chrysologue dit par exemple : Le jeûne est la paix du corps, la force de l'esprit, la vigueur de l'âme (Sermo VII, De Jejunio 3) et encore : Le jeûne est le gouvernail de la vie humaine et il soutient le navire de notre corps (Sermo VII, De Jejunio 1). Et saint Ambroise répond ainsi à d'éventuelles objections contre le jeûne : La chair, de par sa condition mortelle, a ses propres convoitises : tu domines la chair (...) Ne réponds pas aux désirs de la chair dans ce qui n'est pas permis, mais freine-les, même dans ceux qui sont permis. En effet, celui qui ne se prive d'aucune chose permise, est prêt à se laisser entraîner par celles qui ne sont pas permises (Sermo De utilitate Jejunii, III, V, VIII) même des auteurs non-chrétiens affirment la même vérité. Cette vérité est universelle. Elle fait partie de la sagesse universelle de la vie.

4. Il est maintenant plus facile pour nous de comprendre pourquoi le Christ Seigneur et l'Église unissent le rappel du jeûne à la pénitence, c'est-à-dire à la conversion. Pour nous convertira Dieu, il faut que nous découvrions en nous-mêmes ce qui nous rend sensibles à ce qui appartient à Dieu, donc le contenu spirituel, les valeurs spirituelles qui parlent à notre intelligence, à notre conscience, à notre coeur (selon le langage biblique). Pour s'ouvrir à ce contenu spirituel, à ces valeurs, il faut se détacher de ce qui ne sert que la consommation, la satisfaction des sens. Dans l'ouverture de notre personnalité humaine à Dieu, le jeûne — compris aussi bien dans son sens traditionnel qu'actuel — doit aller de pair avec la prière parce que celle-ci nous dirige directement vers lui.

D'autre part, le jeûne, c'est-à-dire la mortification des sens, la maîtrise du corps confèrent à la prière une plus grande efficacité que l'homme constate en lui-même. Il découvre en effet qu'il est différent, qu'il est davantage maître de soi, qu'il est devenu intérieurement libre. Il s'en rend compte parce que la conversion et la rencontre avec Dieu, par la prière, portent en lui du fruit.

Il résulte de ces réflexions que le jeûne n'est pas seulement le résidu d'une pratique religieuse des siècles passés, mais qu'il est aussi indispensable à l'homme d'aujourd'hui, aux chrétiens de notre temps. Il faut réfléchir profondément sur ce thème surtout en ce temps de carême.






28 mars 1979 QUE VEUT DIRE : « FAIRE L’AUMONE ? »

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1. Paenitemini et date eleemosinam (Cf.
Mc 1,15 et Lc 12,33). Nous n'apprécions guère aujourd’hui le terme aumône : nous y percevons un je ne sais quoi d'humiliant. Ce terme laisse entendre un système social où règnent l'injustice, la distribution inéquitable des ressources, un système auquel devraient être appliquées des réformes adéquates : et si ces réformes n'aboutissaient pas, des changements radicaux seraient alors nécessaires dans la vie sociale, surtout dans le domaine des rapports humains. Nous retrouvons cette même idée dans les textes des prophètes de l'Ancien Testament dont est tirée souvent la liturgie du temps de carême. Les Prophètes considèrent ce problème au niveau religieux : il n'est de vraie conversion à Dieu, il ne peut y avoir de religion authentique sans qu'il y ait réparation des injures et des injustices dans les rapports entre les hommes, dans la vie sociale. C'est dans ce contexte que les Prophètes invitent à pratiquer l'aumône.

Ils n'emploient même pas le mot aumône qui, du reste, en hébreu, se dit sedagah et veut dire précisément justice : ils demandent de l'aide pour ceux qui subissent l'injustice et pour les nécessiteux ; pas tellement en vertu de la miséricorde mais plutôt en vertu du devoir d'une charité agissante.

Ne savez-vous pas quel est le jeûne qui me plaît ?
Rompre les chaînes injustes,
Délier les liens du joug,
Renvoyer libres les opprimés,
Briser tous les jougs,
Partager ton pain avec l'affamé,
Héberger les pauvres sans abri.
Vêtir celui que tu vois nu,
Et ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair.
(Is 58,6-7).

Le mot grec eleemosine se trouve dans les derniers livres de la Bible et la pratique de l'aumône est une preuve de religiosité authentique. Jésus fait de l'aumône la condition d'accès à son royaume (Cf. Lc Lc 12,32-33) et de la vraie perfection (Mc 10,21) : d'autre part, quand Judas — devant la femme qui oignait les pieds de Jésus — prononça la phrase : Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers pour les donner aux pauvres ? (Jn 12,5) le Christ prit la défense de la femme en répondant : Des pauvres... Vous en aurez toujours avec vous, mais moi vous ne m'aurez pas toujours (Jn 12,8). Ces deux phrases donnent à réfléchir.



Quel est le sens du mot aumône ?

2. Le terme grec eleemosine vient de eleos qui veut dire compassion et miséricorde ; à l'origine, il indiquait l'attitude de l'homme miséricordieux et, par la suite, toutes les oeuvres de charité pour les nécessiteux : le mot a été transformé et il est d'usage dans presque toutes les langues européennes.

— en français : aumône

en espagnol : limosina

— en portugais: esmola

— en allemand: almosen

— en anglais : alms

même le terme polonais jaemuzma est la transformation du mot grec. Il nous faut donc faire la différence entre le sens objectif de ce terme et le sens que lui donne notre conscience sociale. Comme nous venons de le dire, nous attribuons souvent, dans notre conscience sociale, un sens négatif au mot aumône ; cela était dû et l'est encore à plusieurs circonstances. Mais l'aumône en elle-même en tant qu'aide à ceux qui en ont besoin, en tant que partage avec les autres de ses propres biens, n'est absolument pas un acte négatif. Nous pouvons ne pas apprécier la manière dont quelqu'un fait l'aumône. Nous pouvons également ne pas être d'accord avec celui qui tend la main pour demander l'aumône, parce qu'il ne fait rien pour gagner sa vie. Nous pouvons ne pas approuver la société, le système social où l'aumône est une nécessité ; cependant, le fait même de venir en aide à ceux qui en ont besoin, de partager avec les autres ses propres biens, doit imposer le respect. Voyons comment, dans l'interprétation des expressions verbales, se libérer de l'influence des circonstances accidentelles : des circonstances souvent impropres qui pèsent sur leur sens ordinaire. Ces circonstances sont parfois du reste en elles-mêmes positives (par exemple, dans notre cas : l'aspiration à une société juste, où l'aumône ne serait pas nécessaire parce qu'il y aurait une juste distribution des biens).

Lorsque, le Seigneur Jésus parle d'aumône, lorsqu'il invite à la pratiquer, c'est toujours pour que l'on vienne en aide à ceux qui en ont besoin, pour que l'on partage avec eux nos biens : Jésus donne à ce geste un sens simple et essentiel qui ne nous permet pas de douter de la valeur de l'acte appelé aumône : qui nous invite même à l'approuver, comme un acte bon, comme une expression d'amour envers le prochain et comme un acte de salut.

Par ailleurs, à un moment particulièrement important, le Christ prononce ces paroles riches de sens : des pauvres... vous en aurez toujours avec vous (Jn 12,8) : Il ne veut pas dire par là que les changements des structures sociales et économiques ne valent rien, ni qu'il ne faille pas essayer d'éliminer l'injustice, l'humiliation, la misère, la faim. Il veut dire simplement qu'en l'homme il y aura toujours des nécessités et qu'elles ne peuvent être satisfaites que par l'aide aux nécessiteux et en faisant participer les autres à ses propres biens... De quelle aide s'agit-il ? De quelle participation ? Peut-être seulement d'aumône, c'est-à-dire d'une aide en argent, d'une aide exclusivement matérielle ?


Aumône : don intérieur

3. Certes, le Christ n'ôte pas l'aumône de notre champ visuel. Il pense aussi à l'aumône matérielle mais à sa façon. L'exemple le plus éloquent à ce sujet, est celui de la pauvre veuve, qui déposait au trésor du temple quelques pièces de monnaie : du point de vue matériel, une offrande bien différente de celle que faisaient les autres. Cependant le Christ dit : cette veuve... a mis tout ce qu'elle avait pour vivre (Lc 21,3-4). Donc ce qui compte par-dessus tout, c'est la valeur intérieure du don : la disponibilité à tout partager ; la volonté de se donner.

Rappelons ici saint Paul : Quand je distribuerais tous mes biens... s'il me manque l'amour, je n'y gagne rien (1Co 13,3). Et saint Augustin a dit à ce propos : Si tu tends la main pour donner, mais sans qu'il y ait de la miséricorde dans ton coeur, tu n'as rien fait ; si au contraire, ton coeur est miséricordieux, même si ta main n'a rien à donner, Dieu accepte ton aumône. (Enarrat. In PS 105,5).

Nous touchons ici le coeur du problème. Dans l'Écriture sainte et selon les catégories évangéliques, aumône veut dire avant tout : don intérieur, attitude d'ouverture à l'autre et cette attitude est un facteur indispensable de la metanoia, c’est-à-dire de la conversion, tout comme sont indispensables la prière et le jeûne. En effet, saint Augustin dit : Comme les prières de celui qui fait le bien sont vite accueillies, c'est la justice de l'homme dans la vie présente : le jeûne, l'aumône, la prière (Enarrat. In PS 52,6) ; la prière, ouverture à Dieu ; le jeûne, expression de la maîtrise de soi, de la capacité de dire non à soi-même ; enfin l'aumône, ouverture aux autres. C'est le tableau que nous présente l'Évangile lorsqu'il nous parle de la pénitence, de la metanoia. Ce n'est que dans une attitude totale — dans son rapport avec Dieu, avec lui-même et avec son prochain — que l'homme se convertit et reste converti.

L'aumône ainsi comprise est décisive pour une telle conversion. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler l'image du jugement dernier que le Christ nous a donnée : car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m'avez accueilli ; nu et vous m'avez vêtu ; malade et vous m'avez visité ; en prison et vous êtes venus à moi.

Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ? Quant nous est-il arrivé de te voir malade ou en prison et de venir à toi ? Et le Roi leur répondra : En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits, qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait (Mt 25,35-40).

Et les Pères de l'Église diront avec saint Pierre Chrysologue : La main du pauvre est la bourse du Christ puisque tout ce que le pauvre reçoit, c'est le Christ qui le reçoit (Sermo VIII, 4). Et avec saint Grégoire de Nazianze : De toutes choses, le Seigneur veut la miséricorde et non le sacrifice ; et nous la donnons à travers les pauvres (De pauperum amore, XI). Donc, cette ouverture aux autres qui s'exprime par l'aide, par le partage de la nourriture, du verre d'eau, de la bonne parole, du réconfort, de la visite de son propre temps, etc. Ce don intérieur offert à l'autre homme arrive tout droit au Christ, tout droit à Dieu. C'est de cela que dépend notre rencontre avec lui, c'est la conversion.

Dans l'Évangile et aussi dans toute l'Écriture sainte, nous trouvons beaucoup de textes qui confirment cela. L'aumône comprise selon l'Évangile, selon l'enseignement du Christ, revêt, dans notre conversion à Dieu un sens définitif, décisif ; sans l'aumône, notre vie n'est pas Pleinement tournée vers Dieu.

4. Dans nos réflexions de carême, il faudra reprendre ce thème. Aujourd'hui, avant de conclure, arrêtons-nous un moment encore sur le sens véritable de l'aumône. Il est très, facile en effet d'en fausser l'idée, comme nous l'avons dit au début. Jésus donnait des avertissements même en ce qui concerne l'attitude superficielle, extérieure, de l'aumône (Cf. Mt Mt 6,2-4 Lc 11,41). Ce problème est toujours actuel. Si nous sommes conscients de la signification essentielle de l'aumône pour notre conversion à Dieu et pour toute la vie chrétienne, nous devons éviter, à tout prix, tout ce qui fausse le sens de l'aumône, de la miséricorde, des oeuvres de charité : tout ce qui peut en déformer l'image en elle-même. Dans ce domaine, il est très important d'acquérir la sensibilité intérieure aux besoins réels du prochain, pour savoir comment l'aider, comment agir pour ne pas le blesser et comment nous comporter afin que ce que nous donnons, ce que nous apportons à sa vie soit un don authentique, un don sur lequel ne pèse pas le sens négatif du mot aumône.

Vous voyez quel terrain de travail — vaste et profond — s'ouvre devant nous, si nous voulons mettre en pratique l'invitation paenitemini et date ellemosynam (Cf. Mc 1,15 Lc 12,33). Et c'est un terrain de travail non seulement pendant le carême, mais tous les jours, toute la vie.






4 avril 1979 AVEC LE CHRIST, S'OUVRIR « A L'AUTRE »

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1. Je voudrais revenir aujourd'hui sur les thèmes de nos trois méditations de carême : prière, jeûne, aumône. Si la prière, le jeûne et l'aumône sont indispensables pour notre conversion à Dieu qui s'exprime plus exactement par le terme grec metanoia, s'ils constituent le thème principal de la liturgie de carême, une étude profonde de cette liturgie nous montre que l'aumône y occupe une place spéciale. Nous avons essayé de l'expliquer brièvement mercredi dernier en rappelant l'enseignement du Christ et des prophètes de l'Ancien Testament qui revient souvent dans la liturgie de carême.

Mais il faut mettre ce thème en pratique, le traduire pour ainsi dire, non seulement en un langage moderne, mais aussi en un langage adapté à la réalité humaine actuelle, intérieure et sociale. Comment des paroles prononcées voici des milliers d'années, dans un contexte historique et social totalement différent, des paroles adressées à des hommes dont la mentalité était si différente de la nôtre, peuvent-elles être encore valables aujourd'hui pour nous ? Quels points névralgiques de notre injustice actuelle, des iniquités humaines, des nombreuses inégalités qui n'ont guère disparu de la vie de l'humanité, bien que souvent le mot d'ordre égalité ait été écrit sur plusieurs drapeaux, doivent frapper ces paroles ?

Les paroles discrètes adressées un jour par Jésus à l'Apôtre qui allait le livrer : Des pauvres... vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours (
Jn 12,8) résonnent avec force. Il y aura toujours des pauvres parmi vous. Après l'abîme de cette parole, aucun homme n'a jamais pu dire ce qu'était la pauvreté. (...). Lorsqu'on interroge Dieu, il répond que c'est lui le pauvre : Ego sum pauper, (Léon Bloy, La Femme pauvre, II, 1 - Mercure de France, 1948).

2. L'appel à la pénitence, à la conversion signifie appel à l'ouverture intérieure aux autres. Nul ne peut remplacer cet appel dans l'histoire de l'Église et dans l'histoire de l'homme. Cet appel s'adresse à chaque homme et il s'adresse à chacun pour des motifs propres à chacun. Chacun doit donc se sentir concerné par les deux aspects de la destination de cet appel. Le Christ exige de moi une ouverture à l'autre. Mais quel autre ? Celui qui est ici en ce moment. On ne peut reporter cet appel du Christ à un moment indéfini, lorsqu'apparaîtra le mendiant qualifié qui tendra la main. Je dois être ouvert à chaque homme, prêt à me prêter. A me prêter avec quoi ? Il est connu que parfois d'un seul mot nous pouvons offrir un don à l'autre, mais d'un seul mot nous pouvons aussi le frapper douloureusement, l'injurier, le blesser ; nous pouvons même le tuer moralement. Il faut donc accueillir cet appel du Christ dans la vie de tous les jours où chacun de nous est toujours celui qui peut donner aux autres et, en même temps, celui qui sait accepter ce que les autres peuvent lui offrir.

Répondre à l'appel du Christ et s'ouvrir intérieurement aux autres veut dire vivre toujours en étant prêt à se trouver de l'autre côté de la destination de cet appel. Je suis celui qui étonne aux autres même quand je sais accepter, quand je suis reconnaissant pour chaque bien qui me vient des autres. Je ne peux pas être renfermé et ingrat. Je ne peux pas m'isoler. Accepter l'appel du Christ à s'ouvrir aux autres exige, on le voit, une révision de notre mode de vie quotidien. Il faut accepter cet appel dans les dimensions réelles de la vie. Ne pas le reporter à des conditions et à des circonstances diverses, quand l'occasion se présente. Il faut persévérer dans cette attitude intérieure. Sans quoi, quand l'occasion extraordinaire se présente, il se peut que nous ne soyons pas à la hauteur.



S'ouvrir à l'autre : au frère

3. En interprétant ainsi, sur le plan pratique, le sens de l'appel du Christ à se prêter aux autres dans la vie de tous les jours, nous ne voulons pas restreindre le sens de cette donation uniquement aux faits quotidiens. Nous devons retendre aussi aux faits lointains, au prochain que nous ne côtoyons pas tous les jours mais dont nous n'ignorons pas l'existence. Aujourd'hui, nous connaissons mieux les besoins, les souffrances, les injustices des hommes qui vivent dans d'autres pays, dans d'autres continents. Nous sommes éloignés d'eux géographiquement, nous en sommes séparés par des barrières linguistiques, par des frontières dressées par les états. Nous ne pouvons voir de près leur, faim, leur misère, les mauvais traitements, les humiliations, les tortures, les emprisonnements, les discriminations sociales, leur condamnation à un exil intérieur ou la proscription ; cependant nous savons qu'ils souffrent et nous savons que ce sont des hommes comme nous, nos frères. La fraternité n'est pas inscrite seulement sur les drapeaux et sur les étendards des révolutions modernes. Le Christ l'a proclamée depuis longtemps : Vous êtes tous frères (Mt 23,8). A cette fraternité, il a donné un point de référence indispensable ; il nous a enseigné à dire : Notre Père. La fraternité humaine suppose la Paternité divine. L'appel du Christ à s'ouvrir à l'autre, au frère, précisément au frère, à un rayonnement toujours concret, toujours universel. Il concerne chacun parce qu'il s'adresse à tous. La mesure de cette ouverture n'est pas seulement la proximité de l'autre mais ses nécessités : j'avais faim, j'avais soif, j'étais nu, j'étais en prison, j'étais malade... Répondons à cet appel en cherchant l'homme qui souffre et en le suivant même au-delà des frontières des états et des continents. C'est ainsi que se crée, dans le coeur de chacun de nous, cette dimension universelle de la solidarité humaine. La mission de l'Église est de conserver cette dimension : ne pas se limiter à quelques frontières, à certains courants politiques, à quelques systèmes. Conserver la solidarité humaine universelle surtout avec ceux qui souffrent, la conserver par amour du Christ qui a établi pour toujours cette dimension de solidarité avec l'homme. L'amour du Christ nous étreint, à cette pensée, qu'un seul est mort pour tous et donc que tous sont morts. Et Il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux (2Co 5,14). Il a confié à l'Église cette mission, à jamais. Il l'a confiée à tous et à chacun. Qui est faible, que je ne sois faible ? Qui tombe que cela ne me brûle ? Ce sont les paroles de saint Paul (2Co 11,29).

Donc, dans notre conscience — dans la conscience personnelle du chrétien — dans la conscience sociale des différents milieux, des diverses nations, doivent se former des zones spéciales de solidarité avec ceux qui souffrent le plus. Nous devons travailler systématiquement pour que les zones des besoins humains, des grandes souffrances, des torts et des injustices, deviennent des zones de solidarité chrétienne de toute l'Église, et, par l'Église, de chaque société et de toute l'humanité.



Respect des Droits de l'Homme

4. Si nous vivons dans la prospérité et le bien-être, nous devons être à plus forte raison conscients de la géographie de la faim sur le globe ; nous devons être plus attentifs à la misère humaine en tant que phénomène de masse, nous devons éveiller notre responsabilité et encourager l'élan vers une aide active et efficace. Si nous vivons dans la liberté, dans le respect des Droits de l'Homme, nous devons souffrir des oppressions des sociétés privées de liberté.

Et cela concerne aussi la liberté religieuse. Surtout là où la liberté religieuse existe, nous devons participer aux souffrances des hommes, parfois d'entières communautés religieuses et d'églises entières auxquelles on nie le droit à la liberté religieuse selon sa propre confession ou son propre rite. Dois-je appeler ces situations par leur nom ? Certes, c'est mon devoir mais on ne peut se contenter de cela. Il faut que nous tous, et en tous lieux, nous nous efforcions d'adopter une attitude de solidarité chrétienne à l'égard de nos frères dans la foi qui subissent la discrimination et les persécutions. Il faut, d'autre part, chercher des formes où cette solidarité puisse s'exprimer. C'est, depuis toujours, la tradition de l'Église. En effet, l'Église de Jésus-Christ n’est pas entrée en position de force dans l'histoire de l'humanité, mais à traversé des siècles de persécution. Et ce sont précisément ces siècles qui ont créé la plus profonde tradition de la solidarité chrétienne. Aujourd'hui aussi, cette solidarité est la force d’un renouveau authentique, elle est la voie indispensable pour l’auto-réalisation de l'Église dans le monde contemporain. C'est la preuve de notre fidélité au Christ qui a dit : Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous (Jn 12 Jn 8) et encore : Chaque fois que vous avez fait ceci à l'un des plus petits d'entre mes frères, c 'est à moi que vous l'avez fait (Mt 25,4). Notre conversion à Dieu ne se réalise que sur la voie de cette solidarité. Je vous bénis de tout mon coeur.

Avant de m'adresser aux pèlerins des diverses nations, dans leurs langues, je voudrais me tourner vers un pays dont la situation me tient à coeur. Je suis profondément peiné par les graves et inquiétantes nouvelles qui parviennent ces jours-ci de l'Ouganda, un pays qui, vous le savez, a accueilli chaleureusement mon prédécesseur Paul VI dans son voyage historique en Afrique. Ce pays est maintenant le théâtre d'affrontements sanglants qui causent des victimes et des destructions. Je vous invite à vous unir à ma prière afin que Dieu soulage les souffrances de ces populations tant éprouvées et garantisse à elles-mêmes et à tout le continent africain le don tant souhaité d'une paix juste et stable.






11 avril 1979 ETRE SOLIDAIRES AVEC LE CHRIST SOUFFRANT

11479 1. Pendant le carême, l'Église, en s'appuyant sur les paroles du Christ, l'enseignement des prophètes de l'Ancien Testament, sa tradition séculaire, nous invite à être particulièrement solidaires avec ceux qui souffrent et vivent dans la pauvreté, la misère, l'injustice, la persécution. Nous en avons parlé mercredi dernier en continuant nos réflexions de carême sur le sens actuel de la pénitence qui s'exprime par la prière, le jeûne et l'aumône.

L'invitation à la solidarité, au nom du Christ, avec toutes les tribulations et les besoins de nos frères et non seulement avec ceux qui nous côtoient, mais avec tous, même avec les cris des âmes et des corps tourmentés, est presque l'essence même de la vie spirituelle de l'Église dans le temps de carême. Pendant la dernière semaine du carême — après cette préparation (et seulement après) — l'Église nous invite à une solidarité particulière et exceptionnelle avec le Christ souffrant. Bien que pendant toutes les semaines du temps de carême, nous soyons conscients de la Passion, du Christ, c'est la dernière semaine, l'unique dans le sens plénier du terme, qui est la semaine de la Passion du Seigneur. C'est la semaine sainte. Le rappel à une solidarité particulière et exceptionnelle avec le Christ souffrant se fait entendre vers la fin du temps de carême. Il se fait entendre lorsque nous sommes prêts à la conversion spirituelle et surtout à la solidarité avec tous nos frères qui souffrent. Cela correspond à la logique de la Révélation : l'amour de Dieu est le premier et le plus grand commandement, mais il ne peut s'accomplir en dehors de l'amour de l'homme. Il ne s'accomplit pas sans lui.


Le Christ crucifié

2. Les élans d'amour les plus profonds et les plus forts doivent naître de cette semaine pendant laquelle nous sommes appelés à une solidarité particulière et exceptionnelle avec le Christ, dans sa Passion et dans sa mort sur la croix. Dieu, en effet, a tant aimé le monde — l'homme dans le monde — qu'il a donné son Fils unique (
Jn 3,16). Il l'a livré à la Passion et à la mort. En contemplant cette révélation d'Amour qui part de Dieu et va vers l'homme dans le monde, nous ne pouvons pas nous arrêter, nous devons reprendre le chemin du retour : le chemin du coeur humain qui va vers Dieu, le chemin de l'Amour.

Le carême — et surtout la semaine sainte — doit être en chaque année de notre vie dans l'Église, un nouveau commencement de ce chemin de l’Amour. Le carême, nous le voyons, s'identifie avec le point culminant de la révélation de l'amour de Dieu pour l'homme. C'est pourquoi l'Église nous invite à nous arrêter d'une manière particulière et exceptionnelle, près du Christ et uniquement près de lui. Elle nous invite à nous efforcer — comme saint Paul — au moins en cette Semaine — à ne rien avoir, sinon Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié (1Co 2,2).

Cette invitation, l'Église l'adresse à tous : non seulement à toute la communauté des croyants, à tous les disciples du Christ, mais à tous. S'arrêter devant le Christ qui souffre, retrouver en soi la solidarité avec lui, c'est le devoir et le besoin de chaque coeur humain, c'est la vérification de la sensibilité humaine. C'est en cela que se manifeste la noblesse de l'homme.

La semaine sainte est donc le temps de la plus grande ouverture de l'Eglise vers l'humanité et, à la fois, le temps fort de l'évangélisation : par tout ce que l'Église, en ces jours, pense du Christ et dit de lui, par la manière dont elle vit sa Passion et sa mort, par sa solidarité avec lui, l'Église revient au fil des années aux origines de sa mission et de son annonce de salut. Et si en cette semaine sainte, l'Église se tait, elle le fait pour laisser parler le Christ lui-même. Le Christ que le pape Paul VI appela premier et éternel évangélisateur (cf. Evangelii nuntiandi EN 7).



Tristesse et angoisse


3. L'évangélisation se réalise à l'aide de la parole et les paroles du Christ prononcées pendant sa Passion ont une très grande force d'expression. On peut même dire qu'elles sont le lieu de rencontre avec chaque homme ; elles sont l'occasion et la raison de manifester une grande solidarité. Que de fois nous revenons sur ce que les évangélistes ont indiqué comme le fil conducteur de la prière du Christ au jardin des Oliviers ! Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi (Mt 26,39). Chaque homme ne dit-il pas ainsi ? Chaque homme n'éprouve-t-il pas le même sentiment, dans la souffrance, dans la tribulation, devant la croix ? Passe loin de moi... Quelle profonde vérité humaine dans cette phrase. Le Christ, comme un vrai homme, a éprouvé de la répugnance à l'égard de la souffrance : il commença à ressentir tristesse et angoisse (Mt 26,37), et il dit : passe loin de moi... qu'il n'arrive pas jusqu'à moi ! Il faut accepter toute l'expression humaine, toute la vérité humaine de ces paroles, pour pouvoir les unir à celles du Christ : S'il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant non pas comme je veux, mais comme tu veux ! (Mt 26,39). Chaque homme qui se trouve dans la souffrance est devant un défi... Est-ce seulement un défi du sort ? Le Christ, répond en disant comme tu veux. Il ne s'adresse pas à un sort, à un sort aveugle. Il parle à Dieu. Au Père. Parfois cette parole ne nous suffît pas car elle n'est pas la dernière parole, mais la première. Nous ne pouvons comprendre ni le Gethsémani ni le Calvaire sinon dans le contexte de tout l'événement pascal. De tout le Mystère.



Du haut de la croix

4. Dans la parole de la Passion du Christ, il est une rencontre particulièrement intense entre l’humain et le divin. Les paroles du Gethsémani le montrent. Puis le Christ ne parlera que très peu. Il dira une phrase à Judas. Puis à ceux que Judas a amené dans le jardin de Gethsémani, pour l'arrêter. Puis encore à Pierre ; devant le sanhédrin il ne se défend pas mais rend témoignage. Il en fait de même devant Pilate. Mais devant Hérode, il ne répond rien (Lc 23,9). Pendant le supplice s'accomplissent les paroles d'Isaïe : comme un agneau conduit à la boucherie, comme devant les tondeurs une brebis muette et n'ouvrant pas la bouche (Is 53,7).

Ses dernières paroles tombent du haut de la croix. Elles s'expliquent dans leur ensemble dans le déroulement de l'événement, par l'horrible supplice et, en même temps, malgré leur brièveté et leur concision, elles laissent transparaître ce qui est divin et salvifique. Nous percevons le sens salvifique des paroles adressées à sa Mère, à Jean, au bon larron ainsi que des paroles adressées à ceux qui le crucifiaient. Les dernières paroles adressées au Père sont bouleversantes : dernier écho et en même temps comme un prolongement de la prière de Gethsémani. Le Christ dit : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m as-tu abandonné ? (Mt 27,46) en répétant les paroles du psalmiste (cf. Ps Ps 21,1) .A Gethsémani il avait dit : S'il est possible, que cette coupe passe loin de moi (Mt 26,39) et maintenant du haut de croix il a confirmé publiquement que la coupe n'a pas été éloignée et qu'il doit la boire jusqu'à la lie. Telle est la volonté du Père. En effet l'écho de la prière de Gethsémani est cette dernière parole : Je remets mon esprit entre tes mains (Lc 23,46).

L'agonie du Christ, avant l'agonie morale à Gethsémani, puis l'agonie morale et physique sur la croix, nul n'a comme le Christ ressentit la souffrance humaine de la mort et il l'a ressentie parce qu'il était le Fils de Dieu, parce qu'en lui l'humain était mystérieusement uni au divin ; donc ces paroles de la Passion du Christ si profondément humaines demeureront à jamais une révélation de la divinité qui dans le Christ est uni à l'humanité, dans la plénitude de l'unité de sa personne. On peut dire que la mort du Dieu-Homme était nécessaire afin que nous, héritiers du péché originel, nous voyions ce qu'est le drame de la mort de l'homme.

En cette semaine sainte, il nous faut être solidaires du Christ souffrant, crucifié et agonisant pour, nous rapprocher de ce qui est divin et de ce qui est humain ; Dieu a décidé de nous parler le langage de l'amour qui est plus fort que la mort.

Accueillons ce message.




Premières Catéchèses S. J-Paul II 1978-79 21379