Catéchèses Paul VI 23475

23 avril 1975: LA RÉSURRECTION DE JÉSUS PIVOT DE LA FOI CHRÉTIENNE

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Nous ne pouvons pas, Frères et Fils bien-aimés, et nous ne devons pas, en cette période qui fait suite à Pâques, détacher notre pensée du fait, du mystère de la Résurrection du Seigneur. Il s’agit là d’un événement capital. Saint Paul l’affirme de manière catégorique : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre prédication et vaine est votre foi » (
1Co 15,14). La Résurrection de Jésus est la base, le pivot de notre religion. Il est de la plus haute importance que notre conviction à cet égard soit claire, ferme et sûre. Instinctivement, comme dans le milieu juif où ce prodige eut lieu, nous serions peu disposés à l’admettre comme historique, comme vrai, comme réel. Les Apôtres eux-mêmes accueillirent avec scepticisme la nouvelle de la Résurrection du Seigneur. Eux, qui en avaient été avertis de nombreuses fois par les paroles du Maître (Mt 16,21 Mt 17,23 Mt 20,19), eux-mêmes voulurent, comme Thomas, une preuve sensible, et celle-ci leur fut à maintes reprises donnée de manière imprévue et privilégiée (Lc 24,7 Lc 24,24 et ss. ; etc. Jn 21,7 Jn 21,12 Ac 1,3 Ac 10,41). La preuve se multiplia, fut donnée à beaucoup d’autres également (1Co 15,6) et même, après l’Ascension, personnellement, à Saint Paul (1Co 15,8). Mais Jésus voulait établir avec ses disciples un rapport différent de celui, ordinaire, de notre vie temporelle : le lien de la foi, d’une foi d’abord née de l’adhésion aux premiers témoins oculaires de la Résurrection et aux plus qualifiés de ceux-ci : les Apôtres ; une foi engendrée chez le croyant par la voie, mystérieuse celle-ci, de la grâce, c’est-à-dire de l’action de l’Esprit ; la foi est un don de Dieu.

Elle mérite une étude spéciale, cette relation que nous avons avec le Seigneur, ce lien de la foi comprise dans sa signification religieuse, authentique et surnaturelle ; aussi, joindrons-nous aux résolutions suggérées par la célébration pascale, celle de préciser dans notre esprit la doctrine de la foi, celle de la vouloir pour nous, pure et sûre, celle d’éclaircir le concept et la fonction de la foi dans le plan de notre salut, spécialement face aux controverses protestantes, modernistes et actuelles, qui malheureusement sont légion. Et l’on pourra conclure une fois de plus qu’est possible, et même facile et heureuse, la coexistence du savoir naturel, psychologique ou scientifique qu’il soit, et la connaissance au moyen de la foi.

Dans diverses et très savantes commémorations qui se font un peu partout, revient opportunément d’actualité un grand maître du siècle dernier : John Henry Newman (1801-1890) qui, grâce à de longues et très fines analyses de la pensée spéculative, morale et religieuse, passa de l’Anglicanisme au Catholicisme. On lui doit un livre, sans doute peu facile à lire, mais célèbre, et non seulement pour son époque, un livre qui, par ses nombreux mérites et sous de nombreux aspects garde toute sa valeur pour la nôtre : Grammar of Assent, 1870 (Grammaire du Consentement, ou : de l’Assentiment). Comme on le sait, Newman fut prêtre de l’Oratoire Anglais, puis Cardinal ; son nom nous rappelle celui d’un autre oratorien, italien celui-ci, mort il y a dix ans, le Père Giulio Bevilacqua, Cardinal lui aussi, et auteur d’un livre que l’on ne devrait pas oublier dans la bibliographie religieuse : La luce nelle tenebre (La lumière dans les ténèbres) un livre tourmenté et prophétique, qui ne manque certes pas d’utilité pour la discussion moderne sur notre foi.

Revenons à notre thème, celui de la Résurrection et relevons un fait qui tombe à propos, le fait, postérieur à la Résurrection, de Le connaître enfin, le Christ ; cette connaissance de la vérité au sujet du Christ, rendue consciente — pour autant que c’est possible à notre esprit informé par la révélation — grâce à la sublime et mystérieuse théologie qui le concerne : les grandes Epîtres doctrinales de Saint Paul (qui ont précédé, non par le kérygme, c’est-à-dire la première prédication sur l’annonce de la Bonne nouvelle, mais la rédaction des Evangiles), ces Epîtres donc, nous documentent à propos de la première réflexion sur Jésus-Christ, inspirée certainement par le Saint-Esprit ; une réflexion ni mythique, ni emphatique, mais conforme à la vérité vécue et qui pénètre enfin, après Sa résurrection, dans Sa réalité humano-divine. Certes la vie terrestre de Jésus avait laissé transparaître de mystérieuses et ineffables visions: dans ses paroles à Lui, ou encore dans la confession de Pierre, ou dans la Transfiguration, etc. Mais sans que les Apôtres eux-mêmes aient compris complètement le divin secret de l’incomparable expérience de leur conversation privilégiée avec Jésus. C’est après la résurrection qu’ils comprendront (cf. les discours de Pierre dans les Actes des Apôtres ; les disciples sur le chemin d’Emmaüs, etc.).

Et ceci doit renforcer sérieusement notre condition de disciples lointains des temps évangéliques : l’intelligence de la foi peut remplacer, peut dépasser la connaissance directe et sensible de la présence historique, vérifiable, du Seigneur. Les Saints nous l’enseignent. Et ainsi, par la réflexion, la prière, la méditation, avec notre amour vigilant, nous sommes, nous aussi, présents au Christ ressuscité qui, en quittant la terre, nous a promis : « Je suis avec vous » (Mt 28,28).

Avec notre Bénédiction Apostolique.





25 avril 1975: LE PREMIER FRUIT DE L’ANNÉE SAINTE : NOTRE RÉVEIL INTÉRIEUR, RELIGIEUX

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Nous ne sommes pas sans savoir quel souvenir historique mobilise et exalte aujourd’hui la nation italienne ; il aura sa place dans nos prières invoquant la paix, la justice, le pardon, le renouveau pour chacun. Mais ici, en ce lieu et au moment de ce religieux recueillement jubilaire, nous nous concentrerons sur le thème de l’Année Sainte.

Et brièvement.

Une seule parole, Frères, que nous vous présentons sous forme de question : pourquoi êtes-vous venus ?

Pour une excursion ? un voyage touristique ? une démarche pieuse ?

Ou simplement pour donner votre adhésion à l’Année Sainte, au Jubilé, avec les autres, comme les autres, sans trop chercher à pénétrer le sens authentique et profond de ce moment exceptionnel qui entraîne les foules, secoue l’Eglise, et voudrait même impliquer l’humanité toute entière. Etes-vous venus apporter votre adhésion passive ? comme cela, pour faire nombre ? pour participer à une expérience religieuse originale ?

Vous, les jeunes, qu’en pensez-vous ? Et vous, les laïcs ? Vous, Prêtres et Religieux, comment définiriez-vous le jubilé de l’Année Sainte ?

Tous, nous nous rendons tous compte qu’à cette interrogation presque agressive, on pourrait former, non pas une, mais de multiples réponses. Voilà une première découverte : l’Année Sainte est un fait grandiose et complexe. Dans l’histoire spirituelle de chacun de nous, elle peut marquer un moment particulier, un moment peut-être important, peut-être décisif. Ceci sous divers aspects.

Ici, dans ces circonstances, nous nous en tiendrons à une première réponse, à une première affirmation. Veuillez vous en souvenir, et faites-en immédiatement l’expérience personnelle et, si vous parvenez, également collective.

Attention ! Nous commençons par dire : Le Jubilé de l’Année Sainte veut être avant tout un réveil. Un réveil intérieur. Une recherche de soi-même à la lumière qui brille à Rome.

Nous sommes, une fois de plus, interpellés par l’antique précepte : connais-toi toi-même : L’Année Sainte m’interroge du dedans : toi, te connais-tu toi-même ? Que sais-tu de toi-même ? es-tu chrétien ? Que signifie : être chrétien ? En as-tu conscience ?

En somme : ce pèlerinage est comme la montée d’un escalier. Sur la première marche il est écrit : Prends conscience de toi-même, de ton être, de ta vie. Pourquoi vis-tu ? Rentre en toi-même. Réveille-toi ! Ne t’aperçois-tu pas que tu vis, trop souvent peut-être, hors de toi-même ? Comprends-tu que le monde extérieur t’assiège, te distrait, te domine ? Possèdes-tu une cellule intérieure où te tenir seul avec toi-même ? Te rends-tu compte de ce qui est le plus intelligent et le plus important: bien définir ton identité ? (cf. St Augustin, Ep III ; PL 2, 64). Qui es-tu ? Un homme qui n’a pas conscience de ce qu’il est proprement ? Te rappelles-tu la définition biblique de l’homme : « Dieu créa l’homme à son image » (
Gn 1,27) ? Essaye de réfléchir : tu découvriras la religion imprimée dans ton être.

Parce que le Jubilé nous rappelle à cette vérité essentielle : nous portons, imprimées en nous-mêmes, une ressemblance, une parenté, une dignité, une beauté divines. N’est-ce pas le moment, l’occasion d’en prendre conscience ?

C’est cela, le premier réveil de l’Année Sainte : le réveil religieux, intérieur, notre propre réveil.

Avec notre Bénédiction.





30 avril 1975: ORIENTER L’ANNÉE SAINTE SELON L’ESPRIT DU CONCILE

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Chers Fils et Filles,



L’Année Sainte poursuit sa marche comme une charrue dans la vie chrétienne, une vie chrétienne devenue quotidienne, plate, inféconde. Le labourage est une opération fastidieuse qui paraît parfois déconcertante au regard de la tradition purement habituelle et temporelle ; et pourtant, s’il est fait dans les règles de l’art, c’est-à-dire selon les exigences d’une culture renaissante, il se démontre utile, indispensable.

Quelle est la charrue de l’Année Sainte ? C’est le Concile que l’on peut considérer comme cultivant avec amour le grand champ de l’Eglise, puis le champ, plus vaste encore, de l’humanité ; l’Eglise, en effet, n’est pas une institution renfermée sur elle-même : elle est destinée au genre humain tout entier ; potentiellement, l’Eglise est universelle, en vue du salut du monde.

L’Année Sainte n’est pas seulement un moment de dévotion. Elle est, et nous l’avons déjà dit, un réveil ; et, avant tout, un réveil du sommeil intérieur qui endort et rend paresseux tant de gens qui semblent éveillés, pleins de vitalité, alors qu’au fond d’eux-mêmes ils sont endormis ; l’Année Sainte est un réveil de la conscience, morale et spirituelle, et plus spécialement de la conscience spirituelle.

Faites attention à un réveil successif de l’homme conscient, quand, d’intérieur, le réveil se fait extérieur. L’homme conscient ne se contente pas d’une introspection, d’un examen intérieur ; il regarde aussitôt autour de lui d’un oeil nouveau. Cet acte qui succède au réveil, nous pouvons le considérer comme une confrontation. Consciemment, l’homme se confronte avec le monde qui l’environne.

Confrontation : voilà un acte extrêmement complexe ; d’abord parce que le monde nous cerne de toutes parts ; le monde ensuite est assez varié, compliqué, difficile, au point d’exiger une étude, une analyse, une réflexion, une mise en ordre continue des notions et des idées qu’il nous fournit. Et cet effort-là n’en finit jamais ; on voudrait parfois y renoncer, marcher « comme ça vient », sans trop s’embarrasser des problèmes qui jaillissent de cette confrontation entre soi et le monde ; puis, troisièmement, le monde évolue et combien et comment ! — si bien qu’on se trouve souvent désorientés, presque des étrangers, dans ce monde que nous disons nôtre. Les problèmes se multiplient. Tout semble devenir problème. Notre sécurité est ébranlée, notre tranquillité perdue. Que faut-il faire ? Que faire, nous croyants, nous chrétiens ?

L’attitude la plus facile, qui souvent semble aussi la plus intelligente, est le conformisme : vivre comme les autres, se laisser pour ainsi dire porter par le courant commun, par la mode ; suivre la politique, les courants de pensées à la mode ; être guidé par l’intérêt immédiat ; vivre d’actualité, d’intensité, d’apparente liberté ; vivre de facilité, de passivité, sans personnalité autre que celle créée par la désinvolture de la conduite et des moeurs.

Ce comportement n’est bon qu’en partie, évidemment ; il ne saurait être tout à fait le nôtre, tenus que nous sommes à être fidèles à certains principes et, en premier lieu, aux engagements de notre profession chrétienne. D’où un conflit que certains, même parmi les meilleurs, tentent d’éluder par l’application, commode et ambiguë, de quelques critères qui, en soi et utilisés judicieusement, possèdent un légitime fond de vérité : c’est le cas de la priorité de la conscience personnelle, par exemple ; mais on l’invoque souvent pour se soustraire au devoir de l’obéissance ; autre exemple, l’autonomie de l’ordre temporel : mais on l’invoque pour hisser comme seule bannière, celle du laïcisme, myope et hostile aux exigences de l’ordre moral ou religieux ; ou encore le pluralisme, mais pour tenter de justifier des options arbitraires, contestataires, « qualunquistes », antisociales etc.

Que devons nous faire ? Il n’est pas facile de répondre de manière brève ! Nous pourrions orienter votre légitime curiosité vers l’étude de ce traité sur la vie moderne qu’est la « Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde contemporain », le célèbre Gaudium et Spes, que le Concile a laissé en héritage à notre génération et certainement aux futures ; nous estimons que cette Constitution offre une immense richesse d’enseignements de grande actualité et de haute sagesse. Ce pourrai être une des bonnes intentions de l’Année Sainte de relire, méditer et commenter précisément Gaudium et Spes; ceci vaut pour tout le monde.

Si quelques recommandations peuvent suffire aux fins de cette brève exhortation jubilaire, nous vous dirons : 1) d’écouter la voix : « les signes des temps » (cf.
Mt 16,4) ; tâchons de nous rendre compte de ce qui se passe, et des idées qui animent le monde ; à cet effet, la lecture de ce qu’on appelle la « bonne presse » est nécessaire et, en un certain sens, indispensable ; 2) de nous entraîner à un jugement critique des choses (cf. 1Th 5,21) : St Paul enseigne : « examinez tout, retenez ce qui est bon » ; et troisièmement : rappelons-nous que le fait d’être distincts de ce que nous appelons monde, au sens négatif, ne nous sépare pas du monde, au sens positif, c’est-à-dire de l’humanité, même sous ses aspects défectueux ou déplorables, qui a besoin de la grande lumière de la vérité et du remède bénéfique de la charité : dans un des plus antiques et des plus beaux documents de la tradition chrétienne, l’Epître à Diognète, on peut lire : « Pour tout dire en peu de mots : ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde » (6, 1).

Puissent ces mots garder pour nous toute leur valeur, et servir à orienter, selon l’esprit du Concile et de l’Année Sainte, notre comportement, notre confrontation avec le monde contemporain.

Avec notre Bénédiction Apostolique.





7 mai 1975: JUBILÉ : NOUVELLE INITIATION À LA PRIÈRE

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Chers Fils et Filles,



Lorsque nous essayons de nous rendre compte de la spiritualité de cette Année Sainte, entrée maintenant de quelque manière dans notre âme, dans notre psychologie, nous constatons qu’elle s’impose comme grande exigence ; elle ne réclame pas seulement quelques réflexions, quelque acte religieux accompagné d’une certaine attitude d’humilité pénitentielle, elle exige infiniment plus. Nombreux parmi nous sont ceux qui, se faisant pèlerins pour acquérir les bénéfices spirituels du Jubilé, ont pris des informations sommaires au sujet des conditions requises pour les obtenir, ont trouvé que, tout compte fait, on ne leur demandait rien de bien lourd ; ils ont même noté que les normes émanées de l’Eglise démontrent l’intention — que l’on pourrait dire moderne — de rendre tout facile ; le Jubilé se réduit à peu de choses extérieures ; il ne demande que peu de temps, peu de dérangement, peu de fatigue. Comparées à celles des Jubilés d’autrefois, ses prescriptions sont bien simplifiées ; comme pour tout, actuellement, on peut obtenir l’indulgence « à prix réduit ». Il suffit de se glisser dans quelque pèlerinage et le reste vient de soi-même. Pas de frais excessifs ou imprévus. Il n’est aucune prescription qui impose formellement un jeûne, une veillée, une pratique pénitentielle déterminée. Oui, il reste l’inconfort du voyage avec ses inconvénients, mais désormais le tourisme a tout simplifié, tout facilité et même rendu agréable et intéressante cette excursion qui, somme toute, se traduit plus en plaisir qu’en gêne ; c’est souvent plus un délassement qu’un devoir à accomplir.

Nous qui sommes responsable du programme général de l’Année Sainte, nous sommes bien heureux d’avoir rendu possible l’observance rituelle et logistique du Jubilé, d’en avoir dégagé la route a la foule des simples pèlerins ; il nous faut toutefois attirer une rois de plus l’attention sur le caractère très sérieux de ce simple et extraordinaire acte religieux qu’est le Jubilé. Un acte facile, certes, extrêmement facile dans son accomplissement extérieur, mais très exigeant dans sa réalisation intérieure. Et ce n’est pas peu de chose. C’est le moment, nous l’avons déjà dit, d’un réveil de la conscience, d’une prise de position spirituelle face au monde paganisé et irréligieux qui nous entoure. Et même, si nous poursuivons cette recherche au sujet de l’essence et au sujet des conditions du Jubilé, nous constaterons bientôt que nous sommes aux prises avec de grandes difficultés.

Essayons, chacun de nous, de nous interroger personnellement sur ce que, dans la réalité spirituelle, le Jubilé exige de nous : de nous, il exige avant tout le recours aux sources bien connues — mais dans ce cas en s’en approchant avec l’intention d’en expérimenter en profondeur l’efficacité surnaturelle et transformatrice — le recours, donc aux sacrements: celui qui fera retrouver la vie de la grâce, le sacrement de la pénitence, et celui qui alimentera cette vie du pain eucharistique, c’est-à-dire de la nourriture sacrificielle de la communion réelle et mystérieuse avec le Christ vivant. C’est pourquoi le Jubilé exige de nous cette conversion celle que l’on appelle metanoia, qui doit rectifier la conception, l’orientation, la conduite de notre vie ; qui doit corriger notre mentalité profane, sensuelle, extériorisée, égoïste (cf.
Ep 4,23) : qui doit recomposer et rendre opérante la logique de notre baptême et de notre christianisme (cf. Rm 6,3 Ga 3,27) ; qui doit rendre notre coeur, notre attitude, semblables à ceux d’un être nouveau (cf. 2Co 5,17) ; et nous immuniser contre toute rechute (1Co 5,7-8). Il faut donc que cette metanoia rende notre conduite bonne, honnête, pure, généreuse, persévérante (cf. Ep 5,27 Ep 1,4 Col 1,22 2P 3,14 etc.) ; et infuse en nous le sens de la solidarité avec autrui, spécialement avec ceux qui ont le plus besoin d’assistance et de bonté (cf. 1Co 13,1 et ss.).

Nous l’avons dit : le Jubilé est une chose sérieuse. Surgit alors une objection décourageante : si cet acte religieux, réformateur et transformateur, demande tant, alors il est trop exigeant, il est trop difficile. Et même : il se réduit à un geste purement formel, velléitaire ; il aggrave nos problèmes de conscience et ne les résout pas. Le Jubilé n’est pas un moment magique ; il ne doit pas être un moment plein d’illusions ; il n’aura d’autre effet que d’aiguiser l’expérience de notre incapacité à conformer notre conduite pratique et réelle aux intentions qu’il nous a inspirées, aux engagements qu’ils nous a imposés.

Frères ! maintenant une autre découverte est mise en lumière, une découverte dont nous connaissons tous, et depuis toujours, les termes, mais qui n’est jamais assez explorée. Et la voici : sous la pression des impératifs d’une vie neuve et authentiquement chrétienne, nous découvrons notre faiblesse congénitale, et, en un certain sens, inguérissable. Par nos seules forces, nous ne sommes pas capables d’être ce que nous devons être, c’est-à-dire fidèles, c’est-à-dire chrétiens. Jésus nous a prévenus : « Sans moi, vous ne pouvez rien » (Jn 15,5). Notre vie ne se suffit pas. Sans l’aide —immanente, pourrions-nous dire — de Dieu, du Christ, de son Esprit, nous ne serons jamais capables d’être ce que nous devrons être : bons, justes, humains. De quoi avons-nous besoin ? nous avons besoin de la prière ! de l’invocation d’une énergie divine qui porte remède à notre petitesse. Sans la prière, nous ne pourrons avoir de vie chrétienne. Nous le savons ; même si ce grand examen de notre vie qu’est le Jubilé ne nous avait pas conduit à d’autre conclusion pratique et opérante, celle de la nécessité de la prière, assidue, sincère, vécue, nous aurions déjà rejoint un de ses buts les plus salutaires et les plus élevés : la conviction que nous devons prier ! Et la prière n’est pas seulement un devoir, elle est un art ; un art de grande qualité !

Alors, couronnons notre Jubilé de la décision de réanimer notre vie par la prière, en commençant à prier le Seigneur qu’il se fasse notre Maître de prière « Seigneur, apprends-nous à prier ! » (Lc 11,1).

Avec notre Bénédiction Apostolique !

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Chers Pèlerins d'Agen, d'Arras, de Blois, d'Orléans et de Tours,

Votre présence nombreuse nous réjouit profondément, Les noms de vos cités évoquent pour nous, avec le profil de vos belles cathedrales, toute la vitalité humaine, sociale, religieuse qui se déploie dans les villes et campagnes de votre grand pays.

Aujourdrhui, Nous vous laissons une seule parole, un seul appel: Aimez passionnément l'Eglise! Aimez-la aussi pour ceux qui ne savent plus l'aimer. Le Christ suffit, disent-ils parfois. Mais l'Eglise, à quoi bon? Croire au Christ ne peut consister à choisir une partie de son message et à négliger l'autre. Or le Christ a voulu l'Eglise, notre indispensable Maison de famille. Il vous appelle tous aujourdrhui, par la voix de son humble Vicaire, à continuer de lrédifier en vos diocèses respectifs, autour de vos Pasteurs, dans l'espérance et la joie! Nous demandons au Seigneur de vous bénir et de bénir les chers jeunes du groupe "Amicitia" que vous entourez de vos attentions délicates.

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Chers Parents de Prêtres,

Nous vous saluons avec une affection particulière et Nous partageons profondément votre joie de vivre en ce moment au coeur de l'Eglise, de cette Eglise à laquelle vous avez généreusement donné vos fils. Au nom du Christ et au nom du Peuple chrétien, Nous vous remercions. Et Nous remercions tous les parents de prêtres que vous représentez.

Nous formulons deux souhaits fervents à votre égard. Que le jour inoubliable de l'ordination sacerdotale de vos chers enfants et leur travail apostolique drhier et draujourdrhui soient pour vous une source draction de grâce jusqurau soir de votre vie terrestre! Le Seigneur nrignore pas tout ce que vous leur avez donné, spirituellement et matériellement, et il vous récompensera au centuple! Nous vous souhaitons aussi draider beaucoup les prêtres à vivre en profondeur le sacerdoce qui leur a été conféré. A ce plan, votre Association de Parents de Prêtres suscite et oriente de méritants efforts. Nous vous encourageons sur ce chemin et Nous vous bénissons de tout coeur.

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Un mot special maintenant pour un groupe de chrétiens catholiques et orthodoxes, en provenance drAthènes. Nous vous remercions de votre présence, et Nous prions de tout coeur pour vous. En ce temps Pascal, puissiez-vous rayonner, sur votre visage et dans votre vie, la joie de la Résurrection! Crest notre voeu le plus cher, avec celui de l'unité de tous les disciples du Christ.




10 mai 1975: L’EXPÉRIENCE SPIRITUELLE DE L’ANNÉE SAINTE: UNE INVITATION À LA FOI

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Les audiences se multiplient au fur et à mesure que l’Année Sainte, aux débuts déjà si prometteurs, entre dans le cours des saisons les plus favorables. Et nous avons ainsi toujours plus souvent la joie de voir des groupes de pèlerins de plus en plus nombreux se déverser, comme les flots successifs de la mer, à Rome et dans cette Basilique, près de la tombe glorieuse de l’Apôtre Pierre, comme dans les autres Basiliques et lieux de prière de la Cité fatidique des destins éternels de l’Eglise de Dieu.

Ce matin, donc, cette expérience spirituellement réconfortante se renouvelle une fois de plus pour nous. Nous voyons ici les participants au Congrès du 188ème District du Rotary Club de Rome; le groupe de l’Association des Artisans de la province de Varèse qui fête le trentième anniversaire de sa fondation ; une représentation des clubs « Martinit » de Milan ; puis les pèlerinages des paroisses de la Basilique de Desio, de Santa Lucia, de Milan IV Oggiaro ; de l’Immacolata de Gênes ; de S. Maria Assunta de La Spezia.

Nous vous accueillons de tout coeur, très chers fils ; et nous voulons vous confier quelque pensée qui vous serve de viatique pour le pèlerinage qui vous a attiré à Rome pour le Jubilé — symbole du pèlerinage qui devra se prolonger ! tout au long des jours que le Seigneur nous accordera encore — et qui vous fasse vous souvenir toujours de vos ferventes journées romaines.

Au risque de nous répéter, la première pensée ne peut être qu’une invitation à la foi. Dans son mouvement vertical de retour à Dieu, comme dans son développement horizontal vers la réconciliation avec les frères, l’Année Sainte serait un fait incompréhensible si on ne la considérait pas sous l’angle de la foi. C’est la foi, et seulement la foi qui vous a conduit à Rome, parfois non sans inconvénients ; c’est elle qui, surtout, vous fait franchir la Porte Sainte et accéder aux sources de la grâce que le Jubilé a rendues accessibles à tous les hommes de bonne volonté. Si vous n’aviez pas la foi, au moins une lueur de foi, vous ne seriez pas ici, n’est-il pas vrai ? Eh bien, protégez cette pierre fondamentale sur laquelle s’élève tout l’édifice de la vie chrétienne : « Celui qui s’approche de Dieu doit avoir la foi », dit l’Epître aux Hébreux (
He 11,6) ; et encore : « Ayant donc un grand prêtre souverain... Jésus le Fils de Dieu, tenons ferme la profession de foi... Avançons donc avec assurance vers le trône de la grâce afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce au moment opportun (He 4,14 He 4,16).

Seule la foi infuse lumière, clarté, force, confiance dans l’esprit et dans le coeur pour pouvoir, au milieu des vicissitudes et des contradictions de la vie et du monde « maintenir ferme, la profession de notre foi ».

Voici encore une pensée, liée à la première, et que nous ne saurions négliger du moment que nous vivons dans l’année liturgique : l’attente de l’Esprit Saint, que nous célébrerons dans les joies de la prochaine Pentecôte. Si la foi vit dans notre coeur, c’est parce qu’elle nous a été infusée comme vertu surnaturelle et théologale dans le baptême, par l’opération du Saint-Esprit ; celui-ci est l’hôte secret de notre âme, comme le dit la prière de la célèbre Séquence de la Fête de Pentecôte : un hôte qui opère invisiblement au plus intime de nous-mêmes parce que nous avons reçu, précisément dans le baptême « un esprit de fils adoptif qui nous fait écrier: Abba! Père! » (Rm 8,15). Et c’est le même Esprit qui opère invisiblement dans l’Eglise, la tient unie dans la connaissance de la Vérité révélée par le Christ, la conduit à la plénitude de la vérité et à la communion de vie avec le Père et avec le Fils (cf. Jn 14,16-18 Jn 20-21). Votre esprit vibre-t-il dans cette attente du Saint-Esprit ? C’est en vue de tout cela que l’Eglise nous invite à prier intensément en ces jours de préparation (voir la traditionnelle neuvaine).

Nous, nous espérons qu’il en sera ainsi ; comme nous sommes certain d’ailleurs que vous aurez toujours une dévotion profonde, vitale, tendre et forte envers l’Esprit Saint, que quelques-uns ont peut-être oublié au plus intime de la conscience, mais que nous devons tous savoir aimer et invoquer pour vivre à sa lumière et suivant ses inspirations, pour nous laisser guider par lui, par son « esprit », par ses pensées parce que « les tendances de la chair, c’est la mort, tandis que les tendances de l’esprit sont la vie et la paix » (Rm 8,6). On a tant besoin de lui aujourd’hui, n’est-il pas vrai ? Aussi, prions, ayons confiance, espérons. Avec notre Bénédiction Apostolique.





14 mai 1975: PROMOUVOIR LA RÉCONCILIATION DANS L’ÉGLISE ET DANS LA FAMILLE HUMAINE

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Frères et Fils bien-aimés,



Il y a des moments, il y a des lieux où les choses parlent à celui qui sait les écouter. Quels moments, et quels lieux ? Les moments et les lieux qui se font la voix d’une réalité spirituelle. Ce moment-ci par exemple, et ce lieu. Et que nous disent-ils, ce moment et ce lieu ? Ils nous parlent, comme d’une première évidence sensible, du caractère singulier de cette assemblée. Et ils nous le disent parce que nous sommes nombreux ici, que nous nous y sommes réunis spontanément, que nous sommes différents du fait de nos origines respectives — celui-ci vient d’un pays, celui-là d’un autre — et que, par conséquent, il se révèle entre nous une séparation naturelle — un peu amère à constater — due à la multiplicité des langues ; ceci freine au lieu de faciliter la communication mutuelle, intention profonde d’une assemblée comme celle-ci qui ne prétend à rien de moins que faire de tous des égaux, de tous des amis, de tous des frères ; qui veut donc goûter, de manière, d’abord sensible, puis spirituelle, l’expérience très heureuse, très humaine, chrétienne en un mot, d’être tous une seule chose, une seule famille, un seul corps : c’est-à-dire d’être « Eglise », Eglise veut dire réunion ; mieux encore, elle prétend signifier : unité. Nous pourrions nous arrêter à cette première conclusion de l’acte de conscience qu’inspiré la voix éloquente du moment présent et du lieu où nous sommes : nous offrons le spectacle d’une unité résultant, moins de notre présence simultanée que des motifs, des sentiments des âmes qui nous réunissent ici.

A une assemblée comme celle-ci nous pourrions attribuer une phrase bien connue figurant dans la Bible : « Comme il est beau, comme il est heureux que des frères se trouvent réunis » (
Ps 132,1). Nous pourrions y ajouter l’écho d’une réminiscence qui nous vient des anciens maîtres de la morale chrétienne ; à propos de la première communauté ecclésiale Tertullien écrivait : « Voyez comme ils s’aiment les uns les autres ! » (Apol. 39, 7). Puis, avec ce témoignage, tant et tant d’autres ; celui de Saint Augustin, par exemple, qui a écrit : « Toi, Eglise catholique, très authentique mère des chrétiens... tu rattaches les frères aux frères avec le lien de la religion, plus stable et plus étroit que celui du sang ! » (De moribus Eccl. cath. 1, 62-63 ; P.L. 32, 1336).

Voilà, Frères et Fils, ouvert dès cette vie terrestre le mystère dans lequel se consommera le suprême dessein du Christ, celui de la palingénésie de l’humanité, d’abord royaume du Christ, en royaume de Dieu pour finir ; le dessein de l’unité : « que tous soient une seule chose » (Jn 17,21). L’unité ! L’unité est l’objectif final du christianisme dans le temps, le sommet du dessein du salut pour l’éternité. Et l’Eglise n’est autre que la construction de cette unité de la famille humaine dans la même foi, dans la même charité, conçue par le Père, édifiée par le Christ, par la vertu de l’Esprit qui sanctifie et unifie.

L’Année Sainte, spécialement dans l’acte pénitentiel et restaurateur du Jubilé, est une célébration de cette unité réelle et mystérieuse, dans l’humble et généreux effort de renforcer le double lien de notre réconciliation, d’abord avec Dieu, puis avec nos frères ; et avant tout avec ces frères qui, en tant qu’adhérents, composent l’édifice mystique de l’Eglise.

Oh ! permettez-nous de vous demander si notre Exhortation Apostolique vous est parvenue; c’est à cet effet que nous vous l’avons adressée, c’est-à-dire dans le but de recréer la réconciliation, la véritable fraternité, la collaboration concordante, la communion authentique dans le sein de l’Eglise. Ne serait-elle pas en contradiction avec ses propres termes constitutionnels, une Eglise qui ne soit pas intimement unie en son propre sein ?

Notre chère Eglise ! Aux plaies toujours béantes et douloureuses causées par les nombreux détachements historiques de grands et vénérables membres de l’unique Corps mystique du Christ qu’est précisément l’Eglise, telle qu’il l’a conçue et qu’il l’a voulue (cf. Jn 13,34-35 Jn 15,12), l’Eglise catholique a senti s’ajouter aujourd’hui les poignantes blessures que lui infligent intérieurement quelques-uns de ses fils contestateurs — ils se disent conservateurs ou novateurs — qui, faisant abus d’arbitraires critères restaurateurs ou pluralistes n’ont pas rendu service à l’Eglise dans son édification positive dans la vérité et dans la charité, c’est-à-dire dans le mystère de son unité; ils semblent avoir oublié les paroles suppliantes de l’Apôtre : « Je vous en prie, Frères, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, tenez tous le même langage et qu’il n’y ait pas de dissensions parmi vous, unis que vous serez dans une parfaite communauté de vues et de sentiments » (1Co 1,10 1Co 12,25 Rm 15,5). Chez quelques-uns l’opinion personnelle et peut-être égoïste a pris le pas sur la pensée officielle de l’Eglise, la discréditant près de ses propres fils et près de ceux qui lui sont étrangers (cf. Col 4,5 1Th 4,12), décourageant ainsi les vocations sacerdotales et religieuses, ralentissant son élan missionnaire et compromettant son aptitude à une conversion oecuménique convaincante et efficace.

Oh Frères, et pèlerins à cette Basilique qui garde la Tombe de l’Apôtre Pierre, « principe et fondement... de l’unité et de la communion » (Lumen Gentium, LG 18) de l’Eglise que le Christ a fondée sur lui, reconfirmons en nous-mêmes le sentiment et l’intention de la réconciliation (cf. Rm 5,11), comme nous y invite l’autre Apôtre, Saint Paul, « nous appliquant à garder l’unité spirituelle par le lien de la paix » (Ep 4,3). Ceci est la voix qui se fait entendre à ceux qui savent l’accueillir, en ce moment heureux et en ce lieu éloquent.

Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Nous saluons avec joie les pèlerins des diocèses de Grenoble et de Saint-Etienne. Avec vos Evêques, chers Fils, soyez les témoins de la même foi, heureux de prier ensemble dans l'Esprit Saint, et soucieux de promouvoir la justice et la paix selon les voies originales de l'Evangile.





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