Catéchèses Paul VI 20775

2 juillet 1975: LA VOCATION CHRÉTIENNE EST VOCATION À L’APOSTOLAT

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Chers Fils et Filles,



Vous avez écouté la voix de l’Eglise qui vous a invités à célébrer l’Année Sainte comme un événement rénovateur, d’abord dans vos Eglises locales, dans vos communautés respectives. Puis, une autre invitation s’est ajoutée à la première : venez à Rome où les Tombeaux des Apôtres et la présence de la Chaire du Successeur de Pierre ne situent pas seulement un centre topographique, géographique, historique de l’Eglise Catholique, mais surtout marquent un mystère d’unité et d’universalité, de cohérence historique (l’apostolicité) et de vitalité religieuse authentique (la sainteté) ; un mystère qui tout en même temps contient et manifeste une permanente et opérante présence du Christ dans l’histoire, c’est-à-dire dans l’Eglise, et dans le monde.

Cette voix qui vous invitait, vous l’avez écoutée et vous êtes venus. Nous voulons croire — et vous nous en donnez la preuve vous-mêmes avec votre esprit religieux — que, malgré les fatigues du voyage et peut-être quelque décevante expérience d’ordre profane, votre venue à Rome, a pu susciter dans vos âmes le rappel, l’impulsion et, nous voulons l’espérer, la joie de la nouvelle, de l’authentique vie chrétienne. Stimulé par le Jubilé, chacun de nous doit s’être dit : « oui, en dépit de la mentalité profane, moderne, dépourvue d’esprit religieux qui semble couvrir la vie commune comme une violente inondation, mon adhésion au Christ et à son Eglise, doit survivre, doit se réaffirmer, doit recommencer, franche et forte, précisément comme un fait de renouvellement, de découverte nouvelle, d’espérance et de joie retrouvées.

Maintenant, très chers Fils et Filles, faites bien attention! Un tel renouvellement de la conscience religieuse et chrétienne, entraîne une conséquence logique et naturelle, qui n’alourdit pas le poids de la vie chrétienne, mais le rend, comme le dit Jésus de son « joug » : suave, tout comme le poids qu’il fait peser sur nos épaules est léger (cf.
Mt 11,30). Nous avons parlé de fidélité ; de ce comportement général et naturel que la foi infuse et impose dans le style de la vie chrétienne. Fidélité : le propos n’est pas terminé, et même il se poursuit, formulant une nouvelle exigence, une expression neuve que nous pouvons définir : activité.

Un chrétien authentique, renouvelé, peut-il être inerte ? peut-il être indifférent, aboulique et apathique ? peut-il séparer le champ de sa foi de celui de son activité ? En pratique, nombreux sont ceux qui se disent chrétiens et le croient mais s’imaginent que l’adhésion à la religion comporte comme seuls devoirs quelques observances spécifiques comme l’assistance à la Messe les dimanches et jours de fête, et l’accomplissement du précepte pascal. Nous devrions même faire état d’une certaine allergie des chrétiens modernes à l’action qualifiée de leurs propres sentiments religieux, due à une interprétation inexacte de ce qu’on appelle le pluralisme, comme si n’importe quelle opinion doctrinale était admissible ; comme si par conséquent, cela ne valait pas la peine de proposer à autrui sa propre foi comme une nécessité ; une attitude qui découle de l’attribution d’une autorité exclusive à la conscience subjective, au détriment du critère subjectif qui doit informer la conscience elle-même (cf. St Augustin, Sermo 47, c. IX ; PL 38, 301-303). L’activité dite confessionnelle, c’est-à-dire découlant de prémisses religieuses et orientée vers des fins religieuses et morales, l’apostolat de quelque manière qu’il se manifeste, est actuellement contestée dans sa racine même ; elle n’a plus droit de cité dans une société laïque ; toute forme de prosélytisme, même celui dérivant de l’exemple, ou de la discussion apologétique, n’est plus admissible, même aux yeux de nombreux croyants. On finit ainsi par subir celui qu’imposé l’opportunisme social ou la prédominance politique. L’action libre, d’inspiration religieuse, se trouve aujourd’hui contrecarrée, même dans le champ ecclésial tant par la crise généralisée de l’esprit d’association que par l’habitude très répandue de la critique interne anti-dogmatique et anti-institutionnelle.

Nous sommes loin de l’Evangile, Frères et Fils bien-aimés. L’Evangile nous commande d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, ou, tout au moins d’y tendre (Mc 12,31 etc. ; cf. Rm 15,1-2). Et loin aussi du récent Concile qui impose à tout disciple du Christ d’être un défenseur de la Foi (cf. Lumen Gentium, LG 17) et attribue à tout croyant une responsabilité personnelle en matière d’apostolat (cf Apostolicam Actuositatem, AA 1 et ss.), affirmant que « la vocation chrétienne est aussi, par nature, vocation à l’apostolat » (ib., AA 2) et que la famille, spécialement (AA 11), les jeunes (AA 12) et les laïcs (AA 13) doivent s’engager dans l’activité apostolique.

Aussi faut-il espérer que le renouvellement jubilaire répandra dans le coeur de tous ceux qui, comme vous, chers Pèlerins, y ont adhéré, la conviction et la volonté de diffuser le message évangélique et d’édifier ainsi l’Eglise de Dieu (cf. Ad Gentes, AGD 1 et ss.).

L’Evangile est une semence (Lc 3,5) ; l’Evangile est un ferment (Mt 13,33). L’Evangile est un feu (Lc 12,49). Il pourra supporter la pression de nombreux et énormes obstacles opposés à sa libre et heureuse expansion ; il ne pourra jamais perdre dans le coeur de ses disciples l’énergie innée de sa diffusion universelle. Que chacun en fasse en lui-même la généreuse expérience.

Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Aux pèlerins français du diocèse de Cambrai et aux pèlerins canadiens du diocèse de Montréal, Nous adressons notre affectueux et joyeux salut! Chers Fils, Nous savons bien que parfois vous êtes inquiets au plan de l'avenir de la Foi et de l'Eglise. Précisément, Nous sommes heureux de pouvoir réconforter vos coeurs. Ne vous laissez pas impressionner outre mesure par les difficultés de toutes sortes. Gardez une ferme espérance! Votre fidélité au Credo de toujours et votre participation confiante et généreuse au travail pastoral de vos Evêques et de vos prêtres, sont comme des semailles prometteuses pour l'Eglise de demain. Oh oui, surabondez drespérance et demeurez plus unis que jamais autour de vos Pasteurs! Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Nous saluons aussi nos chers Fils de l'Orient, chrétiens venus de la République Arabe drEgypte ou de la République Arabe de Syrie. Votre présence Nous est particulièrement réconfortante. Nous savons la ferveur de votre Foi. Gardez-la, développez- la comme le trésor des trésors ! Entraidez-vous à témoigner drun grand esprit de fraternité et de service. Dans le monde draujourdrhui, et dans vos pays marqués par tant de souffrances, ce sont les gestes concrets et persévérants de bonté, de pardon, de service qui rendent crédibles les disciples du Christ et ouvrent les chemins de la paix! Nous vous bénissons de tout coeur.




9 juillet 1975: LA SAINTETÉ PERFECTION DE L’HOMME

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Chers Fils et Filles,



A un certain point, notre réflexion sur l’Année Sainte se fait difficile, et quasi répulsive, comme celle qu’aujourd’hui nous osons proposer à votre attention. Pourquoi difficile et répulsive ? Parce qu’elle est exigeante. Du reste, nombreux sont ceux qui prévoyaient et devinaient que les prémisses religieuses et morales, proposées pour cette célébration jubilaire universelle, relatives à un authentique renouvellement spirituel et social, devaient conduire à cette logique et peu attrayante conclusion ; d’ailleurs, à regarder de près, celle-ci n’est pas le fait seulement du Jubilé et de l’Année Sainte, mais aussi du christianisme lui-même, de la religion professée avec intelligence et sérieux, et de l’Eglise si l’on veut être cohérent et fidèle. Celui qui accepte d’être positivement chrétien se rend compte à un certain moment — et ce moment semble être venu pour nous — qu’il est pressé par une exigence toujours plus impérieuse.

Cette exigence, qu’elle est-elle ? C’est la perfection de l’homme. Notons immédiatement que s’il concerne la perfection de l’homme en tant que tel, le propos n’est plus refusé, mais accueilli en vertu d’une naturelle attirance de la psychologie humaine. Si l’on demande à un enfant qui il veut et ce qu’il veut être dans la vie, il répondra ingénument, mais franchement, proposant un modèle humain réputé excellent et caractéristique ; il voudra devenir un héros, un astronaute, un champion sportif, un homme immensément riche, un savant qui dépasse tous les autres, un être beau et heureux, comme un Adonis classique, un supérieur, en somme un « surhomme » : l’idéal du « surhomme » couve sous l’imagination de l’« homme qui grandit » (
Gn 9,22). L’idéal de la perfection humaine est donc multiple ; il ne représente pas toujours la véritable interprétation de la grandeur possible de l’homme. Au contraire, nous observons à cet égard que l’une des croisées de chemins où la pensée à la mode choisit sa voie est précisément là ; on recherche l’humanisme superlatif, celui qui doit marquer la vie moderne, la perfection humaine à chercher et à préférer.

Nous, les disciples du Christ, nous nous demandons : quelle est la vraie perfection, celle que nous devons préférer ? Et tout de suite se présente à nous une de ces paroles, à la fois sublimes et déconcertantes, qui sont le propre de l’Evangile : Jésus a dit en effet : « Soyez parfaits comme est parfait votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,48).

Nous nous sentons pleins d’exaltation : avoir Dieu comme modèle de perfection ! Quelle élévation de l’homme, quel stimulant ! Etre dans la réalité semblable à ce Dieu dont l’ineffable ressemblance est imprimée sur notre visage ! Mais aussitôt un certain découragement s’empare de nous : comment, comment imiter Dieu, tellement supérieur, tellement mystérieux ?

Voilà, très chers Frères et Fils, l’obstacle à surmonter: nous ne devons pas craindre ; c’est le Christ qui nous propose cette véritable dimension de l’homme, cet authentique paradigme de « surhomme » ; et c’est aussi l’Eglise qui nous invite à une si grande perfection, qui nous rappelle que pour tout disciple du Christ une telle perfection est, non pas facultative, mais obligatoire (cf. Lumen Gentium LG 40) ; rappelez-vous le Concile ! Et sachez que l’Année Sainte a pris ce programme évangélique à son compte, nous exhortant à découvrir dans le renouvellement de notre vie religieuse le grand engagement, la grande énergie, la grande espérance de notre perfection humaine et chrétienne.

Cette paradoxale perfection a-t-elle un nom, nous demandons-nous ? Oui, elle a un nom, et vous le connaissez : elle s’appelle sainteté. Sainteté, un autre terme océanique qui inspire à beaucoup, moins d’attrait que d’épouvanté. Et combien se réfugient dans une facile affirmation : « je ne suis pas un saint » pour justifier leur médiocrité spirituelle et morale, pour se soustraire à l’obligation d’une profession chrétienne intégrale et cohérente. Mais cela ne vaut pas pour nous qui voulons être des fidèles sincères, et pas seulement de nom, hypocritement.

Il y a aussi le fait que la doctrine sur la Sainteté est immense. Comment serait-il jamais possible d’appliquer à notre existence une formule tellement absorbante, et sans aucun doute très supérieure à nos facultés ?

Voyons. D’abord et avant tout il n’est pas vrai que la sainteté est impossible : lisez la vie des Saints et vous verrez comme ils ont eux les premiers, éprouvé nos mêmes difficultés, nos mêmes faiblesses, et comment ils ont — miracles et charismes extraordinaires mis à part — réussi à mériter le titre de Saints. Ensuite : il n’est nullement prescrit à tous les chrétiens de s’engager dans l’expérience de ces phénomènes extraordinaires qui caractérisent quelques figures exceptionnelles d’hommes et de femmes, parmi la phalange de ceux que l’Eglise a élevés aux honneurs des autels.

Il existe une sainteté que nous pourrions qualifier d’ordinaire bien qu’elle soit elle-même également toute tissée dans un double dessein extraordinaire mais, en soi, accessible à tous.

En effet, la sainteté dont nous parlons découle de deux coefficients, inégaux de nature et d’efficacité, mais concourant au même but, et à la disposition de tout bon chrétien fidèle à sa propre vocation à la sainteté. Vous les connaissez ces deux coefficients d’où résulte la sainteté et nous les recommandons à tous.

Le premier est la grâce, l’état de grâce, la vie de grâce que la foi et les sacrements nous procurent et que la prière alimente et exprime. Les premiers chrétiens, baptisés et, partant, insérés dans l’Eglise, s’appelaient communément par antonomase « Saints ». Saint signifiait chrétien vivant de ce principe vital nouveau qu’est la grâce, c’est-à-dire l’action de l’Esprit Saint, l’habitation de Dieu, Un et Trin, dans l’âme qui est appelée sainte précisément pour cette raison (cf. Jn 1,13). Cet ineffable rapport surnaturel de notre âme avec le Dieu-vivant, avec le Dieu-Amour, est la perfection la plus haute, le bonheur le plus vrai, la condition la plus heureuse et indispensable auxquels l’homme puisse et doive aspirer. Vivre toujours dans la grâce de Dieu est le projet que chacun de nous doit faire — et pour toujours — si l’on a vraiment célébré l’Année Sainte en soi-même.

Le second coefficient est la volonté, c’est-à-dire notre vie morale personnelle, à laquelle notre religion ne se contente pas d’imposer des préceptes ou de signifier des châtiments mais qu’elle inonde de lumières, d’énergies, de forces, de charismes qui, dans une certaine mesure, rendent facile et possible une perfection humaine merveilleuse, même si elle est secrète. La Volonté : la sainteté, jaillissant de l’homme, exige ce premier effort : il faut la vouloir. Vouloir veut dire aimer. L’amour humain, animé par l’amour divin, c’est-à-dire la charité, possède le secret de la perfection et synthétise tout le devoir de l’homme et toute l’honnêteté naturelle; ceci est le premier, le plus grand commandement du Christ: aimer Dieu, aimer le prochain (cf. Mt 22,38 St Th II-II 184,2).

Voilà la sainteté. Celle que l’Evangile nous enseigne et qu’il rend possible. Celle qui sauve l’homme, édifie l’Eglise, renouvelle le monde. Il faudra s’en souvenir, comme effet du Jubilé.

Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Une fois encore, Nous accueillons aussi les pèlerins du diocèse de Strasbourg et Nous recevons avec joie les nombreux représentants ,des diocèses de Nantes et de Luçon venus avec leurs Evêques, Monseigneur Michel Vial et Monseigneur Charles Paty.

Vous êtes venus pour approfondir les exigences de tette Année Sainte: renouvellement intérieur, réconciliation. Vous êtes venus aussi pour trouver auprès du tombeau des Apôtres, fondateurs de l'Eglise, et auprès de celui qui a reçu la lourde responsabilité de leur héritage spirituel, un approfondissement de votre foi, de votre sens de l'Eglise. Nous espérons que les fruits de votre pèlerinage seront nombreux, durables, et quril sera ainsi utile non seulement a vous, mais à vos familles, vos paroisses et vos diocèses que Nous bénissons de grand coeur.

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Nous adressons également nos salutations très cordiales au beau pèlerinage des Arméniens Catholiques, guidés par leur Vénéré Patriarche et leurs Evêques! Nou voudrions pouvoir dire une parole drencouragement à chacun de vos groupes venus du Moyen Orient et de l'Europe. Croyez du moins à notre profonde affection! Certes, Nous connaissons et Nous partageons les souffrances et les inquietudes de beaucoup drentre vous. Mais Nous savons aussi votre foi et votre courage! En ces jours de grâces, renouvelez profondément votre alliance avec le Christ Sauveur! Soyez plus que jamais ses disciples, afin drêtre - là où vous vivez chaque jour - le sel et la lumière dont le monde a tant besoin! Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Nous sommes très heureux de saluer la présence ici ce soir des pèlerins drAlgérie et de Tunisie, accompagnés de leurs évêques et en particulier du cher Cardinal Duval. Nous sommes de coeur avec vous, chers Fils et chères Filles, persuadé que vous vous efforcez, tout comme les communautés que vous représentez, de vivre en chrétiens de façon à présenter un visage de l'Eglise qui la fIasse comprendre et aimer, témoins de l'amour de Dieu et du service des frères.



16 juillet 1975: POUR LA RÉCONCILIATION À L’INTÉRIEUR DE L’EGLISE

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Chers Fils et Filles,



Nous voudrions que chacun de vous, Pèlerins de l’Année Sainte, sente poindre dans son esprit cette question extrêmement simple : « qu’en sera-t-il, après ? »

Il faut observer avant tout que ce regard sur le proche futur, nous ne sommes pas seul à le porter : chacun en fait autant aujourd’hui. C’est l’esprit de notre époque qui nous fait envisager un avenir toujours nouveau, meilleur. Chaque jour paraissent des programmes qui se présentent comme changement, comme renouvellement. Nous ne sommes jamais satisfaits de ce que nous sommes, de ce que nous avons. On dirait que cette tension vers une nouveauté, une évolution, une transformation visant une expression différente, meilleure de la vie, est proportionnelle, moins aux besoins, aux inconvénients dans lesquels se débat notre vie elle-même, qu’à l’abondance des biens que la civilisation nous procure ; ceux-ci nous font éprouver un appétit nouveau, nous donnent une impulsion nouvelle pour leur accroissement ou pour leur changement.

Le rythme accéléré et dévorant du temps qui passe s’est emparé de l’esprit moderne et lui dicte sa loi : soit pour manifester le peu de satisfaction que lui procurent les biens offerts (ce qui explique l’ennui, la nausée, la satiété de la jeunesse la plus favorisée qui préfère répudier les formes et les avantages du bien-être pour en revenir à des expressions de moeurs primitives et incultes) ; soit pour susciter l’aspiration angoissée à des manières plus coûteuses, plus raffinées de jouir du temps et de la vie. Nous ne chérissons plus la tranquillité, nous n’acceptons plus le monde tel que nous l’avons hérité des générations précédentes ; nous sommes tous devenus dynamiques, progressistes, novateurs.

Cette tendance pratique, c’est-à-dire appliquée à l’action, n’est pas seulement profane et commune, en général, à chaque condition de la vie moderne. Elle est également religieuse, et proprement chrétienne. Ceux qui considèrent la vie chrétienne comme statique, immobile, conservatrice, ne voient qu’un de ses aspects, celui qui se réfère aux valeurs éternelles du christianisme aux valeurs auxquelles on ne peut renoncer comme la foi, la grâce, la communion ecclésiale, la loi de Dieu, la cohérence historique et civile avec la tradition, et coetera ; mais une telle opinion, appliquée à la vie morale, au devoir découlant de la vocation chrétienne, n’est pas exacte ; elle est même en totale contradiction avec la loi de la vie, propre à l’Evangile, qui nous pousse à regarder de l’avant (cf.
Ph 3,13) qui nous oblige à travailler, à agir, à progresser sur les voies non seulement spirituelles, mais encore dans la pratique du bien, avec des exigences qui tendent vers le sommet de la perfection et de la charité. Et pour un authentique disciple du Christ, l’expression religieuse purement verbale ne saurait constituer un programme satisfaisant : « Ce n’est pas celui qui m’aura dit: Seigneur, Seigneur, qui entrera au royaume des deux, mais celui qui aura accompli la volonté de mon Père céleste » (Mt 7,21).

Sur le plan moral, sur celui de l’action, l’Evangile, c’est-à-dire notre religion, est volontariste. Notre salut, dans la mesure où il dépend de nous, est assumé, non par notre « être » (qui constitue plutôt une responsabilité, un talent à faire fructifier, comme nous l’enseigne la parabole de St Mathieu, Mt 25,15 et ss.), mais bien par notre « agir », par le bien voulu et réalisé, par le service rendu au prochain (cf. Mt 25 Lc 10,30-37).

La vision programmatique relative à l’obligatoire efficience du chrétien dans ses relations avec son prochain nous met sous les yeux tant de sentiers qui nous invitent à les parcourir d’un pas rapide et résolu ; mais avant d’y fixer notre regard, arrêtons-nous un instant à considérer un aspect, complémentaire mais non moins essentiel, du dynamisme de l’action ; c’est le dessein global, social, ecclésial que le Christ entend promouvoir, nous poumons même dire réaliser, moyennant notre zèle bénéfique. Il veut bâtir son Eglise, c’est-à-dire la famille humaine assemblée dans cette unité dont il a fait la base de ce mystérieux, immense et merveilleux édifice (cf. Ep 5,24-27), qu’est son Eglise (Mt 16,18). « Jésus-Christ nous aime chacun en particulier, mais pas séparément. Il nous aime dans son Eglise » (De Lubac, Méditations sur l’Eglise, 32). Notre premier amour doit être celui que le Christ eut pour son Eglise en donnant sa vie pour elle (Ga 2,20 Ep 5,25).

Nous devons, par soumission, à un premier devoir chrétien, recréer, raviver l’amour à l’intérieur de l’Eglise de Dieu. Frères et Fils bien-aimés, ayez la bonté de lire et de relire encore notre exhortation apostolique Paterna cum benevolentia du 8 décembre 1974 sur la réconciliation à l’intérieur de l’Eglise : nous devons être une seule chose, nous devons faire route ensemble. Il faut en finir avec la dissension à l’intérieur de l’Eglise ; il faut que cessent la dévastatrice interprétation du pluralisme, les coups portés par les catholiques eux-mêmes à leur indispensable cohésion ; c’en est assez avec la désobéissance qualifiée de liberté ! Il faut, aujourd’hui plus que jamais, construire l’Eglise, une et catholique, et non la démolir.

L’amour ressuscité et renforcé dans la Sainte Eglise de Dieu, voilà ce que doit être notre première attitude post-jubilaire.

Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Nous ajoutons un mot pour les très nombreux Pèlerins de Metz et de Lille, guidés par leurs évêques et leurs prêtres. Nous aimons évoquer la foi solide de vos familles et votre souci apostolique face à la nouvelle culture et dans les dures conditions de la vie de l'usine ou de la mine. Que le Christ soit pour vous tous l'Ami toujours proche, celui qui purifie votre action pour la justice, qui inspire votre charité, le Sauveur qui porte avec vous vos peines, le Fils de Dieu qui vous relie au Père des cieux! Crest seulement dans l'Eglise bâtie sur la foi des Apôtres et vivant dans l'amour, que vous connaîtrez le vrai visage du Christ. Par notre ministère, quril vous bénisse, avec tous ceux qui vous sont chers.

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Nous tenons aussi à dire un mot du coeur aux Pèlerins de l'Union Nationale de l'Enseignement technique privé de France. Vous savez, chers Fils, les encouragements que Nous avons souvent et fermement donnés à tous ceux qui travaillent dans l'Enseignement catholique. Plus que jamais, tenez bon! Et entraidezvous à tenir bon! La société moderne et le monde du travail très spécialement, ont besoin de levain évangélique. Vos établissements techniques privés catholiques, animés par des Maîtres qualifiés et passionnés de Jésus-Christ, doivent être ce levain! Chers Fils, Nous comptons beaucoup sur vous, et Nous vous bénissons de tout coeur!

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Chers Pèlerins du Moyen-Orient,

Il nous est très réconfortant de vous accueillir! Nous savons que vous venez de la Grèce, de l'Iraq, de la Jordanie et de la Terre Sainte, du Liban et de la République Arabe drEgypte! Nous vous félicitons chaleureusement!

Chers Fils, votre témoignage drattachement fervent au Centre de l'Unité chrétienne srajoute à tous ceux que les nombreux pèlerins des Eglises Orientales ont déjà donnés au cours de cette Année Sainte! Nous demandons au Seigneur de vous combler de lumières et drénergies nouvelles, afin que vous soyez dans vos communautés chrétiennes et dans vos pays respectifs, si chers à notre coeur, des bâtisseurs de paix et drunité, dans la justice et la charité! A vous qui êtes si prés de Nous, et à tous ceux que vous portez dans votre coeur et votre prière, Nous donnons notre paternelle Bénédition Apostolique.




23 juillet 1975: L’ANNÉE SAINTE ET L’AVENIR DE L’EGLISE

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Chers Fils et Filles,



Du contexte religieux du Jubilé que nous célébrons actuellement, nous allons continuer à déduire les perspectives qui auront à inspirer et à gouverner le réel renouvellement spirituel et moral que nous espérons tous.

Et d’abord, en ce qui concerne les « bons », une catégorie d’élite qui comprend les fidèles, les croyants, les membres de la communion ecclésiale et — à l’avant-garde parmi eux — les prêtres, les religieux, les catholiques observants et, de même, ceux qui restent fidèlement attachés au Christ et à son Eglise ; puis encore tous ceux qui, dans le baptême, ont été régénérés comme vrais fils de Dieu ; et même ceux qui, sans professer trop ouvertement leur caractère chrétien adhèrent par sympathie ou par respect, ou encore en vertu de leur naissance, au nom, au fait chrétien ; en ce qui concerne les « bons » donc, ils doivent se convaincre que cet événement que nous appelons « Année Sainte » n’est pas un simple fait inscrit au calendrier et qui, une fois conclu, s’oublie sans laisser de traces. Le Jubilé ne saurait être un événement éphémère, un mouvement de pèlerinages qui tout aussitôt se dilue dans le grand fleuve de l’actualité quotidienne, se vidant tout naturellement de son propre potentiel de renouvellement religieux et laissant le monde — chrétien et non chrétien — retomber dans les ornières de ses habitudes, souvent orientées, hélas, vers un laïcisme irréligieux et païen. Non ! Il faut que l’Année Sainte conserve son efficacité, qu’elle sache appliquer à la vie moderne le précieux patrimoine que lui a légué le Concile oecuménique, qu’elle imprime à la vie un caractère nouveau refusant tout laïcisme radical qui trahisse cet héritage, tout respect humain qui le vide des énergies spirituelles et morales découlant d’une raisonnable référence à la source évangélique ; qui l’intoxique avec de pseudo-principes dépourvus de vérité ou gonflés de dogmes discutables et souvent peu humains. Cette Année Sainte ne doit pas finir, elle ne doit pas s’éteindre ; il faut qu’elle continue et qu’elle imprime, précisément par le mérite des « bons », une animation nouvelle à notre société.

Alors, voici une seconde conséquence qu’il faut fixer dans de permanentes aspirations et promesses régénératrices.

Où est le « Peuple de Dieu », dont on a tant parlé, dont on parle toujours, où est-il ? Cette entité ethnique sui generis qui se distingue et se qualifie par son caractère religieux et messianique, sacerdotal et prophétique, si vous voulez, qui fait tout converger sur le Christ, comme son centre focal et qui, toute entière dérive du Christ, comment est-elle rassemblée ? comment est-elle caractérisée ? comment est-elle organisée ? comment exerce-t-elle sa mission idéale et tonifiante dans la société où elle se trouve plongée ? (cf. Epistola ad Diognetum, spec. ch. 5 et 6 ; St Augustin, De moribus vitae christianae, 1, 30 ; P.L. 32, 1336-1337). Nous savons parfaitement qu’à présent, le Peuple de Dieu a, historiquement, un nom qui nous est à tous plus familier : c’est l’Eglise ; l’Eglise que le Christ a aimée jusqu’à son sang (
Ep 5,25), l’Eglise, son corps mystique (Col 1,18 Col 1,24), son oeuvre en voie d’édification éternelle (cf. Mt 16,18) ; notre Eglise, une, sainte, catholique et apostolique ; eh bien, qui la connaît vraiment ; qui donc la vit ? qui possède ce sensus ecclesiae, c’est-à-dire qui a conscience d’appartenir à une société spéciale, surnaturelle qui forme avec le Christ un corps vivant, un corps dont le Christ est le chef et qui forme précisément avec lui ce totius christus (cf. St Augustin, Serm, 341, 1,1 ; P.L. 39, 1493) cette communion unitaire de l’humanité dans le Christ, qui constitue le grand dessein de l’amour de Dieu envers nous, et dont dépend notre salut éternel (cf. Lumen Gentium, LG 13).

Troisième point.

Frères et Fils bien-aimés ! Ceci n’est pas de la théologie ésotérique, inaccessible à l’intelligence commune du Peuple fidèle ; c’est la vérité, une très haute vérité, certes, mais ouverte à tout croyant et capable d’inspirer ce style d’existence, cette « communion d’esprit » (Ph 2,1), cette identité de sentiment (Rm 15,5), cet esprit de solidarité qui unit les uns aux autres (Rm 12,5), qui infuse à « une multitude de croyants un seul coeur et une seule âme » (Ac 4,32) comme à l’aube du christianisme. Il faut que se développe en nous le sens de la communauté, de la charité, de l’unité, c’est-à-dire le sens de l’Eglise une et catholique, de l’Eglise universelle. En nous doit s’affirmer la conscience d’être non seulement une population ayant des caractères communs mais un Peuple, un vrai Peuple de Dieu, une famille liée par de vigoureux liens spirituels, une société fraternelle, animée des mêmes sentiments de joie et de douleur (Rm 12,15) et convaincue d’être destinée à un sort identique au-delà de la vie présente (cf. Ad Gentes, AGD 2 Clem. Alex., Pédag. 1, 6, 27).

Le Concile a fait de la doctrine sur l’Eglise son enseignement fondamental. Cette doctrine, l’Année Sainte la fait sienne. Le temps est venu de raviver en nous cette lumineuse théologie, cette science de vie concrète et sociale ; loin d’offenser la vie humaine et sociale, elle la reconnaît, l’anoblit, la soutient dans ses légitimes manifestations autonomes (cf. Lumen Gentium, LG 36) ; Gaudium et Spes, GS 36) ; elle n’a pas besoin d’emprunter à des formules sociales antireligieuse et contestataires la sagesse et l’énergie du bien à accomplir, les justes réformes pour le progrès humain, la continuelle affirmation de la justice et de la paix ; c’est pour elle un besoin et un devoir de définir au moyen d’expressions chrétiennes originales l’interprétation humaine et sociale qui découle de son génie religieux et évangélique (cf. 1P 3,8, et sa.). L’Episcopat Lombard a eu parfaitement raison en disant récemment : qu’il faut redécouvrir l’originalité et la fécondité de l’inspiration chrétienne dans les domaines culturel, social et politique ».

L’avertissement vaut pour tous les hommes de bonne volonté, il vaut pour nous tous. Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Chers Fils des diocèses de Bayeux, de Coutances et de Sées,

Nous partageons votre grand bonheur de vivre des jours de grâces inoubliables au centre de l'Eglise! En reprenant les paroles de votre illustre compatriote, Sainte Thérèse de !lEnfant Jésus, nous vous laissons une seule et pressante consigne: vivez toujours au coeur de IrEglise. Crest là que vous pouvez puiser la saine doctrine; crest là que vous participez à l'authentique vie liturgique et sacramentaire; crest là que vous acquérez la claire vision et le dynamisme persévérant des apôtres! Pour faire grandir en vous cet amour passionné de l'Eglise, qui animait sainte Thérèse, Nous vous bénissons de tout coeur!

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Nous saluons de façon particulière les groupes de fidèles venus de l'Irak et appartenant à différents rites catholiques; le groupe de chrétiens en provenance du Vicariat Apostolique drArabie; et aussi une trentaine de jeunes ouvrières et étudiantes qui viennent drEgypte, de l'Irak, du Liban et de la Syrie.

Chers Fils, Nous vous félicitons de tout coeur! Nous vous encourageons aussi, avec beaucoup d>espérance, à rayonner le Christ et son Evangile dramour et de paix dans les différents milieux où vous vivez! Et pour que votre pèlerinage porte en vous et autour de vous beaucoup de fruit, Nous vous donnons notre paternelle Bénédiction Apostolique.

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Chers pèlerins de la Polynésie Française, vous avez fait un long voyage pour représenter vos communautés chrétiennes aux célébrations jubilaires de Rome. Merci de votre témoignage dre foi! Merci des efforts que vous accomplissez en cette Année Sainte! Nous comptons sur votre courage et sur votre dynamisme, pour que l'a Bonne Nouvelle porte du fruit dans les Iles du Pacifique. Et Nous vous bénissons de tout coeur.

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Nous saluons avec joie les pèlerins canadiens des diocèses de Sherbrooke et de Rouyn-Noranda.

Votre participation à 1rAudience générale de ce mercredi vous donne une vision de ce qurest le Peuple de Dieu: divers dans ses membres, dans ses langues, dans ses coutumes, mais uni dans une même foi et dans un même amour. Soyez donc toujours disposés à prendre de nouvelles initiatives pour l'apostolat, afin de mieux répondre aux besoins de vos frères, lmais ayez en même temps le souci dragir toujours en Eglise, crest-à-dire en communion profonde avec le Pape et l'Episcopat du monde entier. Nous savons que Nous pouvons vous faire confiance, et Nous vous donnons de grand coeur notre Bénédiction.




Catéchèses Paul VI 20775