Catéchèses Paul VI 51077

5 octobre 1977: L’IMPORTANCE PRIMORDIALE DE LA CATÉCHÈSE

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Chers Fils et Filles,



Le Synode des Evêques, vous le savez, est actuellement réuni à Rome, dans la Cité du Vatican : il dure à peu près un mois : tout le mois d’octobre. Mais qu’est-ce que ce Synode ? c’est une institution nouvelle, issue du Concile Vatican II. Il s’agit d’une réunion d’Evêques choisis par les Conférences Episcopales locales et représentant l’épiscopat du monde entier, destinés à collaborer avec le Pape à la direction de toute l’Eglise, au moyen d’informations et de conseils. Au Synode, actuellement rassemblé trois ans après le précédent, ont été convoqués 204 membres, à peu près tous présents ; aux Evêques élus par les Conférences Episcopales nationales se sont joints les Patriarches des Eglises Orientales, quelques Religieux et les Cardinaux-Préfets des Dicastères de la Curie Romaine. Une assemblée vraiment représentative, avec son Secrétaire général et quelques auxiliaires et experts.

Et de quoi s’occupe le Synode ? Il s’occupe de thèmes généraux — normalement un à la fois — qui intéressent la vie de l’Eglise. Aussi un Synode a-t-il une importance extraordinaire. Et cette fois chacun connaît le thème choisi d’avance pour permettre de l’étudier non seulement au niveau doctrinal, mais surtout concrètement, dans ses rapports avec l’expérience et avec les problèmes de la vie vécue de l’Église et de la société qui lui est contemporaine. Le thème est la catéchèse, spécialement pour l’enfance et la jeunesse, sans oublier toutefois que l’âge adulte a besoin lui aussi d’une catéchèse à son niveau.

A ceux qui considèrent l’Eglise dans ses larges et complexes proportions doctrinales et sociales, cela peut sembler un thème trop particulier, un thème qui restreint la vision d’ensemble des problèmes religieux, historiques, moraux dans lesquels est impliquée la vie de l’Eglise. Mais il n’en est pas ainsi : il s’agit, certes, d’un problème spécifique, la catéchèse, mais c’est là un problème fondamental, un problème « séminal », et toute la vitalité, toute l’efficience de l’Eglise elle-même dépendent de sa solution. Avant tout parce que la religion de Jésus Christ est fondée sur la Foi, c’est-à-dire sur la Parole de Dieu, aussi bien dans sa phase d’énonciation, dans son magistère que dans sa divulgation, dans sa pédagogie, dans sa phase d’acceptation ; pour ne pas dire, ce qui importe le plus, dans son contenu, doctrinal, théologique ou moral.

Rappelons-nous l’origine et la nature du christianisme qu’on a l’habitude de couvrir à juste titre d’une parole traditionnelle, mais toujours auguste et mystérieuse : Evangile. Jésus, de qui dérive toute notre religion est la « Parole » qui s’est faite homme ; le Verbe divin qui s’est fait chair, qui est venu dans le monde pour annoncer le « royaume de Dieu » (cf.
Mt 4,17). Jésus est le Maître de l’humanité (Mt 23,8). Le dessein de son oeuvre est fondé sur l’écoute, l’acceptation, l’application de sa parole. Si le destin de l’homme dépend de cette rencontre avec le Christ par voie d’enseignement énoncé — c’est la part du Christ — et d’enseignement reçu comme norme de vie, c’est-à-dire l’obéissance à la Foi — c’est l’autre part — on peut entrevoir l’importance primordiale que revêt le contact de l’homme avec la catéchèse.

Mais qu’est-ce que la catéchèse ? C’est précisément l’enseignement fondamental des vérités religieuses, celles que Jésus nous a enseignées par sa prédication, par son exemple, par son Evangile et que nous transmet l’Eglise responsable par son « Education à la Foi » (St Augustin, De Doctrina christiana, Prologus ; P.L. 3, 15 et ss.).

Et l’on peut se rendre compte alors du grand besoin qu’il y a de catéchèse pour tous et toujours et comprendre les exigences didactiques que la Vérité soit exprimée avec une scrupuleuse exactitude, avec la vivacité que son contenu même inspire et recrée et avec l’étude, c’est-à-dire l’amour, de celui qui se sachant et se sentant disciple ne craint pas de reprendre à la base la doctrine qui n’est jamais assez enseignée et jamais assez étudiée.

Et l’on constate aussi à quel point l’intérêt porté à la catéchèse est actuel au cours d’une phase de développement de la pensée humaine qui se berce de l’illusion d’engendrer par elle-même si elle en garde l’estime et le goût, une émotion spirituelle et religieuse subjective ; ou bien, comme il arrive trop souvent aujourd’hui, de pouvoir faire abstraction de la Vérité qui sauve, c’est-à-dire de l’Evangile, et de pouvoir suppléer au manque de la lumière du Christ par la folie de la permissivité.

Retournons tous à la catéchèse, c’est-à-dire à l’école du Divin Maître soit pour faire écho, en humbles apôtres, à sa voix sanctifiante, soit pour nous laisser pénétrer, d’abord, et nous enivrer ensuite, de la Vérité qui assure la vie.

Avec notre bénédiction apostolique.

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Nous devons un salut particulier au groupe international des Petites Soeurs de Jésus, accompagnées de leur Responsable générale, Petite Soeur Annie de Jésus, et de leur Fondatrice, Petite Soeur Magdeleine de Jésus. Nous partageons la joie et l’espérance de celles qui viennent de faire leur profession perpétuelle, près du tombeau de 1’Apôtre Pierre: appuyées sur le roc de sa foi, certaines, comme lui, d’aimer Jésus plus que tout, allez sans crainte vous insérer au milieu des pauvres et de ceux qui sont souvent très éloignés de l’Eglise, mais toujours proches du Coeur de Dieu; le regard fixé sur Jésus, portez le témoignage de son esprit d’adoration et de son amour inlassable des hommes, vous faisant toutes à tous. Nous encourageons aussi le ressourcement spirituel de vos Soeurs présentes à Rome, formation sans laquelle la lampe que le Seigneur a allumée en nous risquerait de vaciller aux vents si disparates du monde. Et à l’intérieur de l’Eglise, contribuez, pour votre part, à entretenir la simplicité, la prière, la communion fraternelle. Vous savez notre estime et notre affection. De tout coeur, Nous vous bénissons, ainsi que vos méritantes familles et vos amis.




12 octobre 1977: LE JUSTE VIVRA DE FOI

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Chers Fils et Filles,



La rencontre que cette audience nous procure, à vous et à nous, a une grande importance. Elle peut être un de ces moments qui restent, non seulement inoubliables, mais aussi décisifs. Pour nous, c’est clair. Nous avons été choisi par le Seigneur Jésus pour faire le Pêcheur ; c’est Lui qui, dans l’Evangile, l’a dit à Pierre dont nous sommes l’humble mais authentique successeur. « Suivez-moi — a dit le Christ aux premiers Apôtres — je vous ferai pêcheurs d’hommes » (
Mt 4,19). C’est toujours avec humble anxiété, avec ardente prière que nous venons à cette Audience, une angoissante demande dans le coeur ; voilà que nous rencontrons tant de personnes et nous ne savons rien de la plupart d’entre elles ; tant d’âmes ! aurons-nous la grâce, le bonheur d’en « pêcher » une ? ; c’est-à-dire de lui inspirer une vraie méditation intérieure, de l’engager sur la voie de l’authenticité religieuse, de la fidélité chrétienne ? Et cela peut être aussi clair pour vous. Que signifie assister à une Audience du Pape ? Cela peut signifier de nombreuses choses ; pour celui qui a de la sensibilité spirituelle et l’intelligence de ses propres destinées, ce n’est pas seulement la curiosité d’une scène exceptionnelle ou seulement le geste extérieur de piété religieuse qui peut donner de l’intérêt et de l’importance à un moment comme celui-ci. Et nous pensons que pour chacune des personnes présentes ceci est un moment de rencontre, certes, mais non seulement avec notre modeste personne : elle est bien une formidable rencontre avec Celui que nous avons la mission de représenter, Jésus-Christ. Et plus peut-être qu’une rencontre, ceci est pour chacun des assistants une confrontation. Une confrontation avec le Seigneur. Avec ce Seigneur devant Qui toute personne est transparente (cf. Jn 1,47). Ici, chacun se trouve comme devant un miroir ; le miroir, devenu extrêmement limpide, est la conscience, éclairée par les yeux du Christ. Si la rencontre était sensible (elle ne l’est pas mais, spirituellement, elle est réelle) quel état d’âme jaillirait dans la conscience de celui qui se sent observé, percé par le regard du Christ ? (cf. Jn 2,24-25 Lc 6,5 Lc 22,60 etc.).

Il n’est peut-être pas téméraire de supposer que la conscience de beaucoup de gens, scrutée par un oeil si pénétrant, se remplirait d’une certaine confusion, aujourd’hui si commune dans la mentalité religieuse de nombreuses personnes. La demande que chacune d’elles, ainsi interrogées, se répéterait à soi-même, serait celle d’un doute stagnant et incurable : « mais alors le Christ est-il, ou n’est-il pas la vérité ? » (cf. Jn 14,5 Jn 14,8-11 Jn 18,37). Moi, je crois ou je ne crois pas ? Et ici se présente une des situations spirituelles les plus répandues parmi les contemporains en ce qui concerne la question religieuse. C’est celle de l’incertitude, de l’attentisme, du doute systématique. Ces attitudes apparaissent comme la position la plus prudente, et donc la plus sage, pour la raison humaine, aussi avide de certitude scientifique, c’est-à-dire naturelle, que méfiante à l’égard des vérités qui lui sont prodiguées par la foi. Même si le témoignage qui soutient la foi est le témoignage du Christ ? Oui, malheureusement ! Même si l’adhésion à ce témoignage constitue une raison de salut ? (Mc 16,16). Oui, Malheureusement !

Et alors, c’est à ce point que nous attendons les hommes d’aujourd’hui, les chrétiens nouveaux. Il faut recommencer depuis la base qui soutient l’édifice religieux : la foi, l’adhésion à la Parole du Maître, une foi simple, ferme, immédiatement consolidée par le don de la certitude divine. Rappelons-nous la parole fondamentale de Saint Paul : « Le juste vivra de foi » (Rm 1,16-17).

Qu’il en soit ainsi pour nous tous !

Avec notre bénédiction apostolique.

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Nous devons un salut spécial et chaleureux au groupe des Libanais maronites de ce pays, mais aussi de Chypre, d’Australie et d’Amérique, et notamment de Saint-Maron de Detroit. Vous êtes venus honorer avec Nous le nouveau saint Charbel Makhlouf. Nous partageons votre fierté! Au monde entier, Nous avons proposé l’exemple de ce saint moine d’Annaya, tout entier livré à Dieu seul, dans la solitude et l’austérité, mais si proche finalement des hommes, de leurs misères, de leur désir inconscient de conversion, et aujourd’hui plus proche que jamais de leur supplication. Priez-le avec Nous pour le réconfort humain et la destinée spirituelle de ce cher pays du Liban. Mais gardez-vous d’oublier le chemin paradoxal qu’il a suivi: nos vies de prêtres, de religieux, de laïcs, de jeunes ont besoin de cette maîtrise de soi, de cette ascèse, de ces zones et de ces moments de silence, de cette soumission volontaire, qu’il a poussé à l’extrême, pour être vraiment libres et connaître l’amour passionné du Christ qui a fait sa joie et, aujourd’hui, son rayonnement prodigieux. Comme lui, ne vous laissez pas empêtrer dans les fausses richesses ou les passions déréglées de ce monde: cherchez l’essentiel. Avec notre affectueuse Bénédiction Apostolique.




19 octobre 1977: SOYEZ FORTS DANS LA FOI

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Salut à vous tous, très chers Frères et Fils dans le Christ !



Cette audience, comme toutes celles de ce genre, nous rend heureux ; nous voudrions vous communiquer ce sentiment de bonheur spirituel que nous procure cette rencontre : « Le Christ est avec nous ! » (
Mt 18,20). Nous vous remercions pour cette visite si nombreuse, si significative ! A vous, la grâce et la paix du Christ, en abondance ! Nous nous demandons ce que nous poumons vous offrir en échangé du don de votre présence ; ou mieux, nous le demandons au Christ lui-même, Lui qui nous a chargé de Le représenter et de qui nous recevons tout, en vue de cette difficile mission qu’il nous a confiée.

Eh bien, nous voulons avant tout obéir à la Parole que le Christ a dite à Saint Pierre et que nous avons reçue en héritage : « Toi, dit le Seigneur à Pierre, confirme tes frères » (Lc 22,32). C’est précisément cela, notre tâche : confirmer nos frères; et nous voudrions que la plénitude, la force, la joie de cette confirmation vous soit prodiguée par le Christ dans cette rencontre, par la vertu de notre ministère.

Cette confirmation concerne évidemment votre foi, une foi que vous professez en ce moment même par cette visite à l’humble successeur de Pierre, c’est-à-dire au Pape. Oui, Fils et Frères, nous voudrions que la grâce particulière de ce moment unique soit pour vous, et pour tous ceux que rattachent à vous des liens naturels ou spirituels, un sentiment de sécurité au sujet de votre foi catholique et chrétienne. Vous savez tous combien la certitude de la foi est aujourd’hui troublée dans le coeur de beaucoup d’hommes, tout spécialement à cause d’un manque de connaissance de la vraie religion; ou encore à cause du doute qui pénètre l’esprit de l’homme moderne au contact de la culture naturelle et scientifique qui nous donne de magnifiques preuves de ses progrès dans tous les domaines du savoir mais engendre facilement l’opinion que notre esprit, en étudiant et en cherchant, se suffit à lui-même, sans ce supplément de science que seule la Foi peut nous donner.

Et la Foi, c’est-à-dire notre adhésion à la parole de Dieu telle qu’elle nous est enseignée par l’Eglise, n’est pas un supplément superflu pour la vie de l’homme : elle est un supplément nécessaire pour connaître la vérité au sujet de Dieu, au sujet de nos rapports avec Lui, au sujet de notre destin transcendant, au sujet de nos relations avec nos frères, c’est-à-dire avec tous les hommes ; en somme au sujet de notre manière de penser et de vivre. Le véritable sens du monde et de la vie nous est dévoilé par la Foi, c’est-à-dire par la religion, pas simplement par cette religion instinctive, sentimentale et subjective, née peut-être de quelque expérience spirituelle personnelle ; ce sens ne nous est pas dévoilé par le pluralisme divers et incertain de nos pensées et de nos sentiments particuliers ; ou encore par un opportunisme insignifiant ; et moins encore par une facile insouciance à l’égard du monde religieux comme si celui-ci n’était qu’une vaine et inutile divagation. Notre Unique et véritable Weltanschauung (vision du monde) doit dépendre de notre Foi qui n’est certes pas contraire à la science et à la pensée naturelle, à qui elle donne plutôt impulsion et vigueur.

C’est pourquoi, pour vous souvenir de cette Audience, nous vous répétons les paroles qu’a écrites Saint Pierre : « Soyez forts dans la foi » (1P 5,9) !

Avec notre bénédiction apostolique.





26 octobre 1977: LE SYNODE, SIGNE D’UNITÉ DE L’EGLISE

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Chers Fils et Filles,



Au moment où il est presque arrivé à son terme, nous vous dirons quelques mots du Synode des Evêques, réuni à Rome durant ce mois d’octobre. Tout le monde sait de quoi il s’agit. Il s’agit d’une réunion d’Evêques, provenant, peut-on dire du monde entier ; ou mieux, de toute Région où l’Eglise Catholique est constituée ; environ 200 participants, si l’on compte les représentants des Familles religieuses, et des Chefs des Dicastères Romains. Que le monde moderne s’exprime dans des organismes internationaux, quasi universels et organiques, est un fait de civilisation qui fait honneur à notre époque et fait espérer un sort toujours meilleur de l’humanité. Mais nous ne pouvons ignorer qu’il existe un organisme, analogue mais original, antérieur dans le temps, supérieur dans les objectifs et spirituellement incomparable, qui s’occupe, lui aussi, de réunir le genre humain, de lui inspirer un sens de fraternité fondée sur une Identité de principes, d’intérêts et de sentiments, qui transforme la multiplicité de ses membres en une communion de personnes qui, tout en conservant ou, mieux, en développant leur propre personnalité, se rendent compte et se réjouissent d’être une unique société, un seul corps.

Cet organisme, nous le savons tous, s’appelle Eglise, ce qui signifie assemblée, et se qualifie d’universel, c’est-à-dire ouvert à tous les hommes, considérés soit individuellement, soit collectivement, c’est-à-dire une Eglise Catholique. Dans cette toute particulière association d’êtres humains, un aspect ou, plutôt, un fait essentiel et profond est manifeste : c’est l’unité. Nous répétons avec respect et avec joie cette note ou, pour mieux dire, cette propriété, parce qu’elle nous indique le secret de ce phénomène humain, elle nous avertit que celui-ci cache et, en même temps, manifeste un mystère, une présence transcendante, une activité divine impondérable mais absolument certaine : l’unité de l’Eglise est un effet de l’Esprit Saint, âme du corps mystique du Christ.

Relisez, très chers Frères, le récit de la Pentecôte au second chapitre des Actes des Apôtres. La nouveauté du fait prodigieux est attestée par l’explosion, si l’on peut dire, de la parole inspirée, résonnant dans la multiple diversité des langues propres à tous ceux qui eurent le bonheur d’assister à cette première « épiphanie de l’Eglise » (cf. J. Hamer L’Eglise est une communion, p. 221). Relisez ce qu’écrivait Saint Paul qui recommandait aux Ephésiens de « conserver l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix ». Et il ajoute : « Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une espérance au terme de l’appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu, et Père de tous (...) Chacun de nous a cependant reçu sa part de la grâce divine selon que le Christ a mesuré ses dons... » (
Ep 4,3-7).

Ce sont là des paroles qui résolvent dans la parfaite unité de la doctrine le grand et difficile effort oecuménique et autorisent un certain pluralisme extrinsèque des formes d’expression de la même foi, fleurissant d’une souche identique et convergeant vers une identique unité d’amour et de vie.

Nous voudrions que vous puissiez tous recueillir comme une vision de beauté spirituelle, comme un sanctifiant concert d’harmonie comme un fortifiant engagement de fidélité, votre rencontre à Dieu avec le Synode des Evêques qui se conclut près de la Tombe de l’Apôtre Pierre, et que cette rencontre vous fasse ressentir que vous aussi vous participez à la Foi, à l’Espérance à la Charité que l’Esprit répand dans sa sainte Eglise.

Avec notre bénédiction apostolique.





2 novembre 1977: LE MYSTÈRE DE LA MORT ET L’ESPERANCE DE LA RÉSURRECTION

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Chers Fils et Filles,



Dans cette journée consacrée à la mémoire des fidèles défunts, la religion investit notre existence d’une manière telle qu’elle nous conduit à consacrer au thème liturgique notre bref sermon de l’audience hebdomadaire. Et tout aussitôt, nous nous sentons tous comme écrasés par la double pensée qui envahit nos âmes, les remplissant, dans une mesure surhumaine, de crainte et d’espérance. La double pensée est celle de la mort et celle des morts.

Quant au premier aspect de ce thème, celui de la mort, nous nous souvenons de l’avoir déjà médité dans sa tragique réalité lorsque, au début du Carême, l’Eglise nous avertit, comme pour nous réveiller de notre habituelle insouciance : « Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ». La gravité de l’annonce se référant à la vie présente, sur laquelle pèse l’inexorable sort de la destruction. Aujourd’hui, par contre, le message défie l’avenir et cherche à percer le mystère de l’au-delà. Et ce mystère assume un aspect effrayant, mais aussi absolument rassurant : c’est le mystère de la résurrection des morts, placé à l’épilogue de l’aventure humaine, presque comme un victorieux défi à la dissolution de l’existence humaine. Notre foi, avec une force incomparable, avec une autorité qui n’admet aucun doute, avec un regard prophétique qui voit engagée dans la palingénésie finale, la toute-puissante et re-créatrice vertu divine, nous donne l’assurance de la résurrection des morts. Relisez, ô fidèles, le chapitre XV de la célèbre Première Epître de Saint Paul aux Corinthiens. Vous sentirez alors frémir en vous-mêmes la force de la parole divine : « Le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts... Et de même que tous meurent en Adam, tous aussi revivront dans le Christ... Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts; on sème de la corruption ; on sème de l’ignominie, il ressuscite de la gloire ; on sème de la faiblesse, il ressuscite de la force ; on sème un corps physique, il ressuscite un corps spirituel... Et de même que nous avons revêtu l’image du terrestre, il nous faut revêtir aussi l’image du céleste » (
1Co 15, passim). « L’espérance ne déçoit pas » (Rm 5,5). C’est cette espérance surhumaine dont nous ne pouvons même pas imaginer la réalité, qui doit éclairer notre vie présente, prosaïque, souffrante, faible : « O mort ! où est ta victoire ? » (1Co 15,55).

Et ainsi, c’est dans l’ivresse de ce mirage non trompeur du triomphe final de notre vie dans le Christ, que nous nous inclinons sur la tombe de nos Morts. Nous nous avançons dans l’obscurité de l’« autre monde » ; un monde dont les images précises nous manquent et que nous ne pouvons, par conséquent, nous représenter selon notre manière actuelle de connaître et de penser. Mais nous connaissons par contre quelques vérités qui nous instruisent et nous réconfortent ; et avant tout, nous savons que nos Morts sont encore vivants ! L’âme humaine est immortelle Même séparée du corps dont elle a été la forme vivante, elle survit. Et nous savons également qu’une présence divine les enveloppe: le jugement de Dieu ! nous tremblons ! (cf. Rm 2,2 Rm 14,12 Mt 16,27 etc.). Mais nous savons que le Seigneur est bon et clément ; il connaît la faiblesse de l’homme ; il est « riche en miséricorde » (Ep 2,4). Et nous en savons même plus ! nous savons qu’une bonne et bénéfique action de notre part peut, dans le mystérieux décompte des mérites devant Dieu, se révéler utile pour nos Défunts ! C’est ce que l’Eglise enseigne dans l’ordre des suffrages : un enseignement des plus consolants ! La « communion des Saints » peut opérer également à travers le cosmos ultra-terrestre : prières, aumônes, pénitences, bonnes oeuvres, tout cela, nous pouvons le faire et en créditer nos Défunts.

Une consolation ineffable envahit nos coeurs attristés ! Nous accueillons comme s’il venait d’outre-tombe, le message de Dante : « on a grand profit ici par ceux de là-bas » (Purgatoire, chant III, 145) et, le faisant nôtre, adressons pour les défunts nos suffrages.

Avec notre bénédiction apostolique.

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Nous sommes très heureux de saluer les nombreux pèlerins de Belgique, venus pour la béatification du Frère Mutien-Marie Wiaux: Frères des Ecoles chrétiennes, élèves, maîtres, parents, amis. Comme Nous voudrions que cette glorification de l’humble Frère du collège Saint-Berthuin de Malonne soit un encouragement pour tant de religieux et de laïcs, dont toute la vie est un dévouement obscur aux Institutions catholiques d’enseignement, avec une persévérance admirable et une abnégation souvent méconnue aujourd’hui! Et Nous étendons cet encouragement à tous ceux qui se consacrent à l’éducation de la jeunesse, parce qu’ils aiment les enfants et les jeunes, parce qu’ils estiment que le meilleur service à leur rendre est cette formation patiente de leur esprit et de leur coeur, de leur dynamisme et de leur liberté, et cette ouverture au don de Dieu qui se fait par la foi. Oui, chers Fils et Filles de Belgique, soyez fiers de Frère Mutien-Marie, imitez ce qui a si admirablement inspiré sa vie de religieux et d’éducateur, priez-le pour que les jeunes et les maîtres d’aujourd’hui trouvent la lumière et la force dont ils ont besoin. Avec notre paternelle Bénédiction Apostolique.




9 novembre 1977: UNE TRANSFORMATION INTÉRIEURE

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Nous regardons vers le monde. Vous-mêmes Frères et Fils bien-aimés, vous êtes aujourd’hui pour nous des signes du monde dans lequel nous sommes et que nous voudrions rencontrer. Nous savons maintenant deux choses qui viennent se confronter : nous sommes au milieu de vous comme messager d’une annonce de vie et cherchons à qui confier ce message. Vous nous apparaissez comme des gens qui cherchent, des gens qui attendent, des gens qui désirent : n’est-ce pas là votre attitude, aujourd’hui ? Des gens inquiets, des gens qui se sont mis en route et ne savent où se diriger. Spécialement si parmi vous il y a des jeunes : ceux-ci sont anxieux de marcher, mais ils ne savent pas exactement où aller. Et même beaucoup et précisément parmi les jeunes ou parmi ceux qui sont vigilants et curieux de contrôler la juste direction de leur vie, doutent de la justesse de leur marche et se demandent : Où allons-nous ? où va-t-on ? et leur regard plonge au loin, à la recherche d’un point d’arrivée, qui est le point d’orientation. On est généralement persuadé qu’il faut aller en avant, mais où, cela on ne le sait pas bien. Parmi les foules de notre temps règne le soupçon de faire fausse-route, ou au moins se fait une réflexion sur la direction à préférer et à décider pour les nouveaux pas à choisir. Vous comprenez. que cette image d’une foule en mouvement, agitée du besoin de savoir où se diriger, se réfère au monde dans lequel nous nous trouvons. Après tant de travail, après tant de progrès, surgit dans la conscience de beaucoup et, nous le répétons, spécialement des jeunes, la demande : sommes-nous sur la bonne voie ; et même sans vouloir discuter si la voie de l’évolution de notre temps est légitime et digne d’être parcourue, il est évident pour chacun qu’elle ne suffit pas, c’est-à-dire qu’elle n’est pas arrivée là où il est nécessaire d’arriver ; il faut au moins aller au-delà. Où va-t-on ? Mieux, plus long est le chemin parcouru, et plus grand est le besoin de savoir s’il a un but, et lequel.

Cette angoissante question nous touche directement, nous, ministre de Celui qui a dit : « Je suis la Voie ! » et nous avons l’impérieux devoir d’indiquer, comme si c’était un secret du salut (et c’en est un), quelle est la voie, véritable et vitale, qu’il faut parcourir. Ici se présente notre messianisme, c’est-à-dire notre ministère qui dévoile et offre la vision et, avec la vision, une première expérience ou une garantie de conquête satisfaisante au sujet de la réalité d’une nouvelle plénitude de vie, d’un nouveau « royaume » pour employer un terme biblique. Et voici que nous nous trouvons, précisément au seuil de ce royaume, instruits par une autre Parole du Christ qui, faisant écho au cri du Précurseur, en fit le prélude de toute sa prédication évangélique : « Convertissez-vous, car le Royaume des deux est proche » (
Mt 4,17).

Cette parole « Convertissez-vous » constitue un programme et elle synthétise en grande partie le processus spirituel et moral qui rend possible l’action rénovatrice de l’Evangile. On a beaucoup discuté en commentant l’Evangile, du sens de ce terme : metanoia, en grec, et paenitentiam agere, conversio, en latin ; et à bon droit, car il s’agit d’un terme-clé qui pose globalement les conditions d’accès à ce « royaume des cieux » ou « royaume de Dieu » qu’est pour nous la nouvelle vie, la bonne fortune évangélique. Et ici, chacun est invité à faire de l’Evangile un problème personnel. Sommes nous disposés à résoudre ce problème comme le Christ nous le propose ? C’est précisément au début de la voie du salut que se présente une option qui peut être décisive. Que nous demande-t-on pour pénétrer dans le milieu du « royaume des cieux » ? On nous demande une transformation intérieure, une métamorphose de mentalité. Il y a des personnes qui se refusent à admettre pour, elles-mêmes la nécessité de changer quelque chose à leur propre manière d’être et de penser : tout le naturalisme qui soutient que l’homme est bon tel qu’il est et qui prétend que c’est un droit et un devoir pour l’homme de se conduire selon les impulsions instinctives de son propre être, jugé déjà parfait en lui-même et pas du tout imparfait, et moins encore altéré par l’héritage du pèche originel, ce naturalisme, donc, s’oppose radicalement à la grande nouveauté du salut chrétien et accepte la triste espérance de la vie humaine abandonnée à elle-même avec toutes les conséquences dramatiques et tragiques de son développement irrégulier et souvent pervers.

Et cela, c’est l’histoire d’une grande partie de l’humanité à qui n’est pas encore échu le bonheur de recevoir l’Evangile avec ses richesses prodigieuses de vérités et de vie.

Ne nous refusons pas à considérer cette condition mise à notre entrée dans la voie du Christ et à oser introduire dans notre psychologie et dans notre vie morale la « conversion » que cette voie exige de nous ; elle nous obligera, certes, à la pédagogie de l’humilité (cf. St Augustin, De Trinitate, VIII, 5-7 ; P.L. 42, 952) qui est proprement la joyeuse vérité du chrétien.

Ainsi soit-il, avec notre bénédiction apostolique.

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Parmi les joies de cette audience, il en est une qui, sans éclipser les autres, les couronne en quelque sorte. Nous voulons parler de la présence du Conseil et des Déléguées de 1’Union Internationale des Supérieures Générales. Nous vous saluons, Révérendes Mères, en Nous inspirant des paroles de Saint Paul aux Philippiens. Oui, Nous rendons grâce à Dieu, chaque fois que Nous pensons à vous et prions pour vous. Car Nous ne saurions oublier la part que vous prenez à l’annonce de l’Evangile. Dites bien à toutes les religieuses actives ou contemplatives que vous représentez, notre profonde affection et notre admiration reconnaissante pour leur vie exclusivement consacrée au Christ et à sa mission d’amour universel!

Une fois de plus, vous voici réunies au coeur de l’Eglise. Oh! Faites bien de ce séjour romain une fervente expérience de communion fraternelle, dans la diversité de vos personnes et de vos Instituts! Ouvrez plus que jamais vos coeurs aux splendeurs et aux exigences de la vie consacrée! Le thème de votre rencontre, «Cheminement dans la Foi», vous aidera singulièrement. La foi d’une religieuse n’est-elle pas une recherche courageuse et enthousiaste de la personne du Christ?

A ce sujet, Nous aimons vous proposer la méditation fréquente du chapitre troisième de cette même épître aux Philippiens (Ph 3,8-18). On croit entendre le souffle et les battements de coeur de l’apôtre, déjà saisi par le Christ et qui veut le saisir à son tour! C’est seulement de cette recherche authentique et dynamique du Seigneur Jésus que découle tout le reste de votre vie religieuse: une pauvreté joyeuse, une chasteté rayonnante, une obéissance exemplaire, une vraie vie communautaire, un zèle débordant et réaliste!

Nous comptons plus que jamais sur votre rigoureuse fidélité à l’idéal évangélique, aux enseignements du Magistère, aux impulsions de notre Congrégation pour les Religieux, dont Nous saluons ici le Préfet le cher Cardinal Pironio. Nous comptons, en un mot, sur votre coopération aux tâches ecclésiales si nombreuses et si pressantes. Que le Seigneur vous soutienne sur la route quotidienne de vos très hautes et très graves responsabilités. Avec notre Bénédiction Apostolique!




16 novembre 1977: SEIGNEUR, QUE VEUX-TU QUE JE FASSE ?

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Chers Fils et Filles,



Il est clair, pensons-nous, que dans un milieu et, à un moment comme celui-ci, dans un climat social comme le nôtre aujourd’hui, il doive s’instaurer dans la conscience de chacun une demande impérieuse : moi, que dois-je faire ? suis-je sur la bonne voie ? quelle est l’orientation dominante de ma vie ? Une semblable question s’impose avec une exigence décisive lorsque les circonstances de la vie confèrent à l’esprit un moment de clairvoyance, et imposent un choix qui, par la suite, peut gouverner la manière de penser et d’agir. Rappelez-vous Saul (qui, ensuite, sera Paul) sur le chemin de Damas, surpris par la fulgurante vision du Christ qui lui reprochera : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » et Saul, après avoir demandé : mais qui es-tu Seigneur ? et que la réponse fut, comme nous le savons : « Je suis Jésus, que tu persécutes !, et alors Saul dit en tremblant : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » (
Ac 22,10). Voilà la grande question du salut : que faut-il faire ?

Donc, il faut se rappeler qu’il y a deux questions fondamentales pour l’orientation de notre vie : l’une regarde l’être, ce qu’il est ; elle naît de notre capacité de connaître et nous confronte avec les problèmes scientifiques et théologiques, les problèmes de la culture et de la conscience ; question fondamentale, indispensable, prioritaire, mais spéculative, et non décisive pour le destin suprême de notre existence. L’autre question concerne l’activité humaine et s’adresse plutôt à la volonté : elle s’exprime précisément dans la demande : que dois-je faire pour donner à ma vie son sens le plus plein, sa signification la plus élevée ? Elle regarde l’aspect moral, cet aspect qui est, lui aussi, indispensable ; et, à certains égards il l’est à un degré supérieur à l’aspect spéculatif. Les destinées de la vie humaine dépendront en fin de compte, de la réponse que nous aurons donnée à cette demande relative à l’activité dans laquelle sera engagée notre vie elle-même. Nous ne seront pas jugés pour ce que nous sommes, mais plutôt pour ce que nous faisons. A cet égard, l’Evangile est très clair : lisez le Magnificat, lisez les béatitudes ; rappelez vous la parabole du Christ au sujet des talents : ce n’est pas la bonne fortune de les posséder qui compte, mais les fruits qu’on est capable de faire produire aux talents eux-mêmes ; ce sont ces fruits qui constituent leur véritable fortune pour nous. Le « faire », le « bien faire », le « faire le bien », tout cela, dans le jugement final, l’emporte sur la valeur de notre existence, sur l’être et sur le savoir.

Et alors, ce qui importe par-dessus tout, c’est l’engagement de notre volonté.

Ceci comporte un complément dans notre éducation moderne, dans laquelle la liberté a, très justement, une première place subjective dont nous devons tous être les gardiens et défenseurs jaloux (voyez la déclaration du récent Concile au sujet de la liberté religieuse). Mais la liberté est appelée objectivement à s’exercer dans la recherche et dans le choix du bien; elle est appelée à faire son propre devoir. L’obligation morale invite à soi la liberté, qui apparaît alors le visage éclairé de lumière divine, lorsqu’elle choisit la loi du devoir, lorsqu’elle ne se décompose pas dans le caprice arbitraire qui avilit la liberté même dans la sujétion à des passions aveugles ou à de bas intérêts.

Pour nous, croyants, la foi sera la norme et le soutien dans l’orientation tant spéculative que pratique de notre vie, nous souvenant toujours de l’affirmation capitale de Saint Paul qui nous répète : « l’homme juste vit de foi » (Rm 1,17).

La vie chrétienne exige un engagement total de la volonté. Ce don du coeur est ce qui la caractérise. Elle est amour, elle est bonheur, elle est sacrifice, elle est communion avec le Christ de notre foi, guide et source de notre action. Il vaut la peine d’en faire l’expérience !

Avec notre bénédiction apostolique !






Catéchèses Paul VI 51077