Irénée adv. Hérésies Liv.2 ch.29


II. LA NATURE PRÉTENDUMENT PSYCHIQUE DU DÉMIURGE


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Supériorité du Démiurge prouvée par ses ouvres

30 1 Et néanmoins, ces insensés assurent qu'ils monteront au-dessus du Démiurge. Se proclamant supérieurs au Dieu qui a fait et ordonné les cieux, la terre, les mers et tout ce qu'ils contiennent Ex 20,11 Ps 146,6 Ac 4,24 Ac 14,15, ils se prétendent spirituels, alors qu'ils sont honteusement charnels par l'excès de leur impiété; quant à Celui qui a fait de ses anges des esprits Ps 104,4 et est revêtu de lumière comme d'un vêtement Ps 104,2, qui tient pour ainsi dire en sa main le cercle de la terre et en face de qui les habitants de celle-ci ont été regardés comme des sauterelles Is 40,22, qui est le Créateur et le Dieu de toute la substance spirituelle, ils le disent psychique. Ils font ainsi la preuve qu'ils sont indubitablement et réellement hors de sens, frappés véritablement de la foudre plus encore que les géants de la fable, eux qui élèvent leurs pensées contre Dieu, qui sont tout gonflés de présomption et de vaine gloire et que toute l'ellébore de la terre ne suffirait pas à purger de leur gigantesque sottise.

2 Celui qui est supérieur doit en effet se montrer tel par ses oeuvres. Eh bien, par quoi se montrent-ils donc supérieurs au Démiurge? - Car voici que, contraints par la marche même du discours, nous allons tomber dans l'impiété, nous aussi, en instituant une comparaison entre Dieu et ces insensés et en descendant sur leur propre terrain afin de pouvoir les réfuter par leurs enseignements mêmes. Mais que Dieu nous pardonne ! Si nous parlons ainsi, ce n'est pas pouf le comparer à eux, ce n'est que pour dénoncer et réfuter leur folie. - Donc, par quoi se montrent-ils supérieurs au Démiurge, ces gens devant qui se pâment d'admiration une multitude de fous, comme s'ils pouvaient apprendre d'eux quelque chose de supérieur à la vérité elle-même? La parole de l'Écriture: "Cherchez, et vous trouverez Mt 7,7", a été dite, expliquent-ils, afin que, au-dessus du Créateur, ils se trouvent eux-mêmes. Ils se proclament dès lors plus grands et plus excellents que Dieu: eux sont pneumatiques, tandis que le Créateur est psychique. Et c'est pourquoi ils monteront au-dessus de Dieu; ils entreront dans le Plérôme, tandis que Dieu ira dans le Lieu de l'Intermédiaire. Eh bien, qu'ils prouvent donc par leurs oeuvres qu'ils sont supérieurs au Créateur ! Car ce n'est pas par des paroles, mais par des faits, que doit se révéler celui qui est supérieur.

3 Quel ouvrage montreront-ils donc, que le Sauveur ou leur Mère aurait fait par eux, et qui soit plus grand, ou plus splendide, ou plus remarquable que ceux qu'a réalisés l'Ordonnateur de l'univers? Où sont les cieux qu'ils ont affermis Ps 33,6, la terre qu'ils ont consolidée, les étoiles qu'ils ont produites? Où sont les luminaires qu'ils ont allumés et les cercles par lesquels ils ont délimité leur course? Où sont les pluies, les froids, les neiges qu'ils ont amenés sur la terre au moment propice pour chaque contrée, ou les chaleurs et les sécheresses qu'ils ont fait venir en compensation? Où sont les fleuves qu'ils ont fait couler, les sources qu'ils ont fait jaillir, les fleurs et les arbres dont ils ont agrémenté la terre qui est sous le ciel, Où est la multitude des êtres vivants - les uns raisonnables, les autres dépourvus de raison, tous revêtus de beauté - qu'ils ont façonnés? Qui pourra jamais énumérer toutes les autres choses qui ont été établies par la puissance de Dieu et qui sont gouvernées par sa sagesse? Qui pourra sonder la grandeur de la sagesse du Dieu qui les a faites? Et que dire de la multitude des êtres qui sont au-dessus du ciel et qui ne passent pas, Anges, Archanges, Trônes, Dominations et Puissances sans nombre? En face de laquelle de ces oeuvres les hérétiques oseraient-ils donc se dresser? Quel ouvrage comparable pourraient-ils montrer, qui aurait été fait par leur entremise ou dont ils seraient eux-mêmes les auteurs? Ne sont-ils pas plutôt, eux aussi, la création et l'ouvrage de Dieu? Car - pour parler leur langage, afin de les convaincre de mensonge par leur système même -, si le Sauveur ou, ce qui revient au même, si leur Mère s'est servie de ce Dieu Créateur pour faire une image des réalités intérieures au Plérôme et de tout ce qu'elle a contemplé autour du Sauveur, elle s'est servie de lui pour la simple raison qu'il était plus parfait et plus apte à faire ce qu'elle voulait: car ce n'est pas par un instrument moins bon, mais par un plus parfait, qu'elle a dû façonner les images de si grandes réalités.

4 Car eux-mêmes étaient alors, comme ils disent, un "fruit pneumatique" conçu de la contemplation des gardes du corps rangés autour de Pandore. Or ils demeuraient inoccupés, car ni leur Mère ni le Sauveur n'ont opéré par eux quoi que ce fût; ils n'étaient qu'un fruit inutile et bon à rien, car rien n'apparaît comme ayant été fait par leur entremise. En revanche, le Dieu qui, à les en croire, a été émis et leur est inférieur - car ils le prétendent de nature psychique - a été un ouvrier tout à fait efficace et apte, à telle enseigne que c'est par son entremise qu'ont été faites les images des Éons: et non seulement les réalités de ce monde visible, mais encore tous les êtres invisibles, Anges, Archanges, Dominations, Puissances, Vertus, ont été faits par l'entremise de ce Dieu, comme par l'instrument le meilleur et le plus capable d'exécuter la volonté de la Mère. Au contraire, on ne voit pas que celle-ci ait effectué par eux quoi que ce soit, comme ils l'avouent d'ailleurs eux-mêmes: c'est donc à juste titre qu'on les considérera comme des avortons provenant d'un mauvais accouchement de leur Mère. C'est qu'en effet il n'y eut pas de sagesfemmes pour l'accoucher: et voilà pourquoi ils furent projetés comme des avortons, comme des êtres absolument inutiles, n'ayant reçu de leur Mère aucune capacité pour aucun travail. Et ils ne s'en proclament pas moins supérieurs à Celui par qui ont été faites et disposées de si grandes choses, alors que, d'après leur propre système, ils se trouvent être immensément au-dessous de lui.

5 Supposons deux outils ou instruments, dont l'un soit sans cesse dans les mains d'un artiste, de telle sorte que celui-ci exécute par lui tous les ouvrages qu'il veut et fasse ainsi briller son art et sa sagesse, tandis que l'autre instrument demeure stérile et inactif, l'artisan ne faisant absolument rien par lui et ne s'en servant pour aucune oeuvre: si quelqu'un venait prétendre que l'instrument superflu et inactif a plus de prix que celui dont l'artisan se sert pour oeuvrer et dont il tire sa gloire, on estimerait à bon droit qu'un tel homme est stupide et hors de sens. C'est pourtant ce que font ces gens-là. Ils se proclament pneumatiques et supérieurs, tandis que le Démiurge n'est que psychique: aussi, disent-ils, monteront-ils au-dessus de lui et pénétreront-ils dans le Plérôme pour y retrouver leurs époux - car ils sont femmes, eux-mêmes en font l'aveu -; quant à ce Dieu, qui leur est inférieur, il demeurera dans l'Intermédiaire. Et, de tout cela, ils n'apportent pas la moindre preuve. Pourtant, celui qui est supérieur apparaît tel par ses oeuvres. Comme toutes les oeuvres ont été faites par le Démiurge et comme ils ne peuvent rien montrer de remarquable qui ait été fait par eux, ils sont donc fous d'une folie complète et inguérissable.


Le Démiurge, Auteur des êtres spirituels

6 Peut-être diront-ils que toutes les choses matérielles, c'est-à-dire le ciel et l'univers situé au-dessous de lui, ont été faites par le Démiurge, tandis que tous les êtres spirituels situés au-dessus du ciel, c'est-à-dire les Principautés, Puissances, Anges, Archanges, Dominations et Vertus, ont été faits par le "fruit pneumatique" qu'ils prétendent être. D'abord, leur répondrons-nous, nous avons déjà prouvé par les divines Écritures que toutes les choses susdites, visibles et invisibles, ont été faites par le Dieu unique: car ces gens-là n'ont pas une compétence supérieure à celle des Écritures, et nous ne sommes nullement tenus de délaisser les oracles du Seigneur, ni Moïse et les autres prophètes qui ont prêché la vérité, pour croire des gens qui, non contents de ne rien dire de sain, profèrent d'inconsistantes divagations. Ensuite, à supposer qu'aient été faits par leur entremise les êtres situés au-dessus du ciel, qu'ils nous disent donc quelle est la nature de ces êtres invisibles, qu'ils nous révèlent le nombre des Anges et la disposition des Archanges, qu'ils nous fassent connaître les mystères des Trônes, qu'ils nous enseignent la différence existant entre les Dominations, les Principautés, les Puissances et les Vertus. Mais ils seraient bien incapables de nous dire tout cela: ce n'est donc pas par leur entremise que tous ces êtres ont été faits. Par contre, si - comme c'est le cas - ces êtres sont l'ouvrage du Créateur et s'ils sont spirituels et saints, il n'est à coup sûr pas de nature psychique, Celui qui a créé des êtres spirituels, et voilà réduit à néant leur énorme blasphème.

7 Qu'il existe en effet dans les cieux des créatures spirituelles, toutes les Écritures le proclament; Paul aussi, de son côté, témoigne de l'existence de ces êtres spirituels, lorsqu'il déclare avoir été ravi jusqu'au troisième ciel, précisant qu'il a été emporté dans le paradis et qu'il y a entendu des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme de redire 2Co 12,2-4. De quel profit pouvait être pour lui cet accès au paradis ou cette élévation jusqu'au troisième ciel, domaines relevant de l'autorité du Démiurge, s'il devait contempler et entendre des mystères supérieurs au Démiurge, comme certains ont l'audace de le dire? Car, si c'était pour connaître un monde supérieur au Démiurge qu'il était élevé de la sorte, il n'avait aucune raison de rester dans le domaine de celui-ci, d'autant plus qu'il n'avait même pas une vue d'ensemble de ce domaine: selon leur doctrine, en effet, il lui restait encore quatre cieux à traverser pour parvenir au Démiurge et contempler sous ses pieds l'Hebdomade; il devait donc normalement monter au moins jusqu'à l'Intermédiaire, c'est-à-dire jusqu'à la Mère, pour apprendre d'elle les réalités intérieures au Plérôme. Car enfin son "homme intérieur" Rm 7,22 Ep 3,16, qui parlait aussi en lui, étant invisible, comme ils disent, pouvait bien parvenir non seulement jusqu'au troisième ciel, mais jusqu'à leur Mère. Si eux-mêmes, en effet, ou, plus exactement, si leur "homme" à eux doit dépasser d'un coup le Démiurge et aller jusqu'à la Mère, cela a dû être encore bien plus vrai pour l'"homme" de l'Apôtre. Ce n'est certes pas le Démiurge qui l'en aurait empêché, puisqu'il est dorénavant, lui aussi, soumis au Sauveur, comme ils disent. Que s'il avait entrepris de l'arrêter, son effort était vain: il ne pouvait prétendre être plus fort que la providence du Père, et cela d'autant moins que l'"homme intérieur", à les en croire, est invisible même pour le Démiurge. Or, si Paul a raconté son enlèvement jusqu'au troisième ciel comme quelque chose de grand et d'extraordinaire, il est clair que ces gens-là ne montent pas au-dessus du septième ciel, car ils ne sont pas supérieurs à l'Apôtre. S'ils se prétendaient meilleurs que lui, ils seraient réfutés par les faits: jamais, en effet, ils ne se sont vantés de quelque chose de pareil. Et c'est pourquoi Paul ajoute: "Était-ce dans son corps, était-ce hors de son corps, Dieu le sait 2Co 13,2-3", afin que nul ne croie que le corps de Paul aurait été exclu de la vision de celui-ci - car ce corps même aura part un jour à ce que Paul a vu et entendu alors -, et pour qu'à l'inverse personne ne prétende que c'est à cause du poids du corps que Paul ne s'est pas élevé plus haut, mais qu'il soit permis, à ceux qui comme l'Apôtre sont parfaits dans l'amour de Dieu, de contempler jusque là, même sans le corps, les mystères spirituels et de devenir les témoins oculaires des oeuvres du Dieu qui a fait les cieux et la terre Gn 1,1, qui a modelé l'homme Gn 2,7 et qui l'a placé dans le paradis Gn 2,15.

8 Ce Dieu a donc fait également les réalités spirituelles que l'Apôtre a pu contempler jusqu'au troisième ciel 2Co 12,2; et les paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à un homme de redire parce qu'elles sont spirituelles, c'est encore ce même Dieu qui les fait entendre à ceux qui en sont dignes, de la manière qu'il veut, car c'est à lui qu'appartient le paradis 2Co 12,4. Et ce Dieu est en toute vérité le Dieu Esprit Jn 4,24, et non un Démiurge psychique, sans quoi jamais il n'eût pu faire des êtres spirituels. Si, au contraire, ce Dieu est psychique, que les hérétiques nous disent donc par l'entremise de qui ont été faits les êtres spirituels. Ils seraient en tout cas bien incapables de prouver que c'est par ce fruit de la conception de leur Mère qu'ils prétendent être eux-mêmes: bien loin de pouvoir produire une entité spirituelle, ils sont incapables de faire naître même une simple mouche ou un moustique ou le plus chétif des animalcules autrement que par le processus naturel selon lequel, depuis le commencement, les animaux ont été produits et sont encore produits par Dieu, c'est-à-dire par la déposition d'une semence dans un animal de même espèce. Ce n'est pas davantage par leur Mère seule, car, à ce qu'ils disent, celui qu'elle a émis est le Démiurge et le Seigneur de la création tout entière. Et ce Démiurge et Seigneur de la création tout entière, ils le prétendent de nature psychique, tandis qu'ils se disent spirituels, eux qui ne sont les démiurges et les seigneurs d'aucune création, n'ayant fait non seulement rien de ce qui est en dehors d'eux, mais pas même leur propre corps. Et ils endurent sans doute bien des souffrances dans ce corps, et cela contre leur gré, ces gens qui se proclament spirituels et supérieurs au Créateur !

Conclusion: le Dieu Créateur, seul vrai Dieu

30, 9. C'est donc à juste titre qu'ils seront convaincus par nous de s'être considérablement écartés de la vérité. En effet, même si le Créateur n'est que l'intermédiaire par qui le Sauveur a fait le monde, il ne leur est pas inférieur, mais supérieur, puisqu'il se trouve être leur Auteur à eux aussi: car eux aussi sont du nombre des êtres qui ont été faits. Comment alors peuvent-ils être de nature pneumatique, tandis que Celui par qui ils ont été faits serait de nature psychique? Mais - et c'est cette seconde alternative qui est seule vraie, comme nous l'avons abondamment et clairement montré - si le Créateur, par lui-même, librement et de sa propre initiative, a fait et ordonné toutes choses et si sa seule volonté est la matière dont il a tout tiré, alors Celui qui a fait toutes choses se trouve être le seul Dieu, le seul Tout-Puissant et le seul Père. Il a créé et fait toutes choses, visibles et invisibles, sensibles et intelligibles, célestes et terrestres, par le Verbe de sa puissance He 1,3 ( ?), et il a ordonné toutes choses par sa Sagesse; il contient tout et, seul, ne peut être contenu par quoi que ce soita. C'est lui l'Ordonnateur, lui le Créateur, lui l'Inventeur, lui l'Auteur, lui le Seigneur de toutes choses, et il n'en existe point d'autre en dehors ou au-dessus de lui: ni la Mère dont ils se réclament mensongèrement, ni l'"autre Dieu" qu'a inventé Marcion, ni le Plérôme des trente Eons dont nous avons montré l'inanité, ni l'Abîme, ni le Pro-Principe, ni les Cieux, ni la Lumière virginale, ni l'Eon innommable, ni quoi que ce soit qui ait été rêvé par eux et par tous les hérétiques. Il n'existe qu'un seul Dieu, le Créateur, qui est au-dessus de toute Principauté, Puissance, Domination et Vertu Ep 1,21: il est le Père, il est Dieu, il est le Créateur, il est l'Auteur, il est l'Ordonnateur. Il a fart toutes choses par lui-même, c'est-à-dire par son Verbe et par sa Sagesse, "le ciel et la terre et la mer et tout ce qu'ils contiennent Ex 20,11 Ps 146,6 Ac 4,24 Ac 14,15". C'est lui le Dieu juste, et c'est lui le Dieu bon. C'est lui qui a modelé l'homme Gn 2,7, planté le paradis Gn 2,8, ordonné le monde, fait venir le déluge et sauvé Noé. C'est lui le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob, le Dieu des vivants Mt 22,32. C'est lui qu'annonce la Loi, lui que prêchent les prophètes, lui que révèle le Christ, lui que transmettent les apôtres, lui en qui croit l'Église. C'est lui le Père de notre Seigneur Jésus-Christ 2Co 1,3 2Co 11,31 Ep 1,3 Ep 3,14 Col 1,3 1P 1,3: par son Verbe, qui est son Fils, il est révélé et manifesté à tous ceux à qui il est révélé, car il est connu de ceux à qui le Fils le révèle Mt 11,27; et, comme le Fils est depuis toujours avec le Père, depuis le commencement il ne cesse de révéler le Père aux Anges, aux Archanges, aux Puissances, aux Vertus et à tous ceux à qui Dieu veut se révéler.

Note :

a Hermas Pasteur, Mand. 1





CINQUIÈME PARTIE


RÉFUTATION DE QUELQUES THÈSES NON VALENTINIENNES



I. PRÉAMBULE


231 31 1 En réfutant de la sorte les disciples de Valentin, c'est toute la multitude des hérétiques que nous venons de réfuter.

En effet, à l'encontre de ceux qui opposent le Plérôme et ce qui se trouve en dehors du Plérôme, nous avons fait valoir que le Père de toutes choses sera enfermé et circonscrit par ce qui se trouve en dehors de lui, si l'on admet que quelque chose soit en dehors de lui; qu'il y aura nécessairement de toutes parts un grand nombre de pères, de Plérômes et de mondes créés, dont les uns commenceront où finiront les autres; que chacun de ces prétendus Pères, se confinant dans son domaine, n'aura cure des autres, puisqu'il n'a rien de commun avec eux; enfin, qu'aucun d'entre eux ne sera le Dieu de toutes choses et que c'en sera fait du nom de "Tout-Puissant". Or tout cela vaut également contre les disciples de Marcion, de Simon, de Ménandre et, d'une façon générale, contre tous ceux qui introduisent pareillement une coupure entre notre monde et le Père.

D'autres disent que le Père de toutes choses contient tout, mais que notre monde n'est cependant pas son oeuvre: il aurait été fait par une autre Puissance ou par des Anges ignorant le Pro-Père, et il serait inscrit dans l'immensité de l'univers comme le centre dans le cercle ou comme la tache sur le manteau. Nous avons montré l'invraisemblance de cette thèse selon laquelle notre monde aurait été fait par un autre que par le Père de toutes choses. Or cette démonstration vaut également contre les disciples de Saturnin, de Basilide et de Carpocrate, ainsi que contre tous les "Gnostiques" qui tiennent le même langage.

De même encore, ce que nous avons dit à propos des émissions, des Éons et de la déchéance et pour montrer combien inconsistante est la doctrine relative à leur Mère, tout cela atteint aussi Basilide et tous ceux qu'on nomme abusivement "Gnostiques", car ils disent les mêmes choses avec d'autres mots, mais, plus que les Valentiniens, ils adaptent ce qui est en dehors de la vérité au caractère propre de leur doctrine.

Et tout ce que nous avons dit des nombres, on pourra le dire aussi contre tous ceux qui détournent la vérité en ce sens.

Enfin, tout ce qui a été dit du Démiurge pour prouver que lui seul est Dieu et Père de toutes choses, ainsi que tout ce qui sera dit dans les livres suivants, c'est contre tous les hérétiques que je le dis.

Ceux d'entre eux qui sont plus modérés et plus humains, tu les détourneras et tu les confondras, afin qu'ils cessent de blasphémer leur Créateur, leur Auteur, leur Nourricier, leur Seigneur, et de s'imaginer qu'il est issu de la déchéance et de l'ignorance; mais pour ce qui est des sauvages, des intraitables et de ceux qui sont dépourvus de raison, tu les chasseras loin de toi pour n'avoir plus à souffrir leurs vains bavardages.




II. THÈSES DE SIMON ET DE CARPOCRATE


Pratiques magiques

2 En plus de cela, on fera aux sectateurs de Simon et de Carpocrate, ainsi qu'à tous ceux qui passent pour opérer des prodiges, le grief que voici: ce qu'ils font, ils ne le font ni dans la puissance de Dieu ni dans la vérité ni comme bienfaiteurs des hommes, mais ils cherchent à nuire et à égarer, en recourant à des sortilèges magiques et à toutes sortes de fourberies; ils font ainsi plus de tort que de bien à ceux qui se fient à eux, puisqu'ils les trompent. Car ils ne sont capables ni de rendre la vue aux aveugles et l'ouïe aux sourds, ni de chasser les démons - sauf ceux qu'ils envoient eux-mêmes, à supposer qu'ils le fassent -, ni de guérir les estropiés, les boiteux, les paralytiques ou ceux qui sont atteints en quelque autre partie du corps, comme il arrive souvent par suite de maladie, ni de rendre l'intégrité de leurs membres à ceux qu'un accident a rendus infirmes. Et il s'en faut de beaucoup qu'ils aient jamais ressuscité un mort, comme l'a fait le Seigneur, comme les apôtres l'ont fait par leur prière et comme il est arrivé plus d'une fois dans la fraternité: n certains cas de nécessité, l'Église locale tout entière l'ayant demandé avec force jeûnes et supplications, "l'esprit" de celui qui était mort "est revenu Lc 8,55" et la vie de l'homme a été accordée aux prières des saints. Les hérétiques sont si loin d'opérer de telles résurrections, qu'ils ne peuvent même pas croire la chose possible: d'après eux, la résurrection des morts n'est pas autre chose que la "connaissance" de ce qu'ils appellent la vérité.

3 Ainsi, chez eux, c'est l'erreur, la tromperie, les vaincs illusions de la magie étalées sous les yeux des hommes; dans l'Église, au contraire, c'est la miséricorde, la pitié Za 7,9, la force et la vérité opérant pour le bien des hommes: et non seulement tout cela s'exerce sans rémunération et gratuitement, mais nous donnons même nos biens pour le salut des hommes et souvent les malades reçoivent de nous ce dont ils ont besoin et dont ils sont démunis. En vérité, le comportement même des hérétiques prouve qu'ils sont totalement étrangers à la nature divine, à la bonté de Dieu et à la puissance spirituelle; ils sont au contraire remplis de toute espèce de fourberie, d'esprit apostat, d'activité démoniaque et de tromperie idolâtrique. Ils sont ainsi vraiment les précurseurs de ce Dragon qui, par des tromperies du même genre, entraînera de sa queue le tiers des étoiles et les jettera sur la terre Ap 12,4; il faut les éviter autant que lui et, plus ils passent pour opérer des prodiges, plus il faut se garder d'eux, comme de gens ayant reçu en partage un plus grand esprit d'iniquité Ep 6,12. C'est d'ailleurs pour cette raison que, si l'on observe leur agir quotidien, on constatera que leur comportement est identique à celui des démons.

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Prétendue nécessité de s'adonner à toutes les activités possibles

32 1 Quant à leur doctrine impie concernant les actions humaines, doctrine selon laquelle ils sont tenus de commettre toutes les actions possibles, même mauvaises, elle est réduite à néant par l'enseignement du Seigneur. D'après celui-ci, en effet, on jettera dehors non seulement celui qui commet l'adultère, mais même celui qui veut le commettre Mt 5,27-28; on condamnera pour meurtre non seulement celui qui tue, mais même celui qui se met en colère sans motif contre son frère Mt 5,21-22. Le Seigneur nous a prescrit non seulement de ne pas haïr les hommes, mais d'aimer même nos ennemis Mt 5,43-44; non seulement de ne pas nous parjurer, mais de ne pas même jurer Mt 5,33-34; non seulement de ne pas dire du mal du prochain, mais de ne pas même appeler quelqu'un raca et fou, sous peine de mériter le feu de la géhenne Mt 5,22; non seulement de ne pas frapper, mais d'aller jusqu'à présenter l'autre joue si l'on nous frappe Mt 5,39; non seulement de ne pas dérober le bien d'autrui, mais de ne pas même réclamer le nôtre si on nous le prend Mt 5,40; non seulement de ne pas blesser le prochain et de ne pas lui faire de mal, mais d'être patients et bons à l'égard de ceux qui nous maltraitent et de prier pour eux, afin qu'ils se repentent et puissent être sauvés Mt 5,44; bref, de n'imiter en rien l'arrogance, l'incontinence et l'orgueil des autres hommes. Si donc celui qu'ils se vantent d'avoir pour Maître et qui, de leur propre aveu, a eu une âme beaucoup plus excellente et plus forte que les autres hommes, a pris grand soin de nous prescrire certaines choses, parce que bonnes et excellentes, et de nous en interdire d'autres, non seulement quant aux actes, mais même quant aux pensées conduisant aux actes, parce que mauvaises, dommageables et perverses, comment peuvent-ils, sans rougir, dire que ce Maître est plus fort et plus excellent que tous les autres hommes et formuler ensuite ouvertement des préceptes contraires à son enseignement? S'il n'y avait rien qui fût bon ou mauvais, si c'était la seule opinion des hommes qui fondât le juste et l'injuste, jamais il n'aurait déclaré dans son enseignement: "Les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père Mt 13,43." Quant aux injustes et à ceux qui ne font pas les oeuvres de justice, il les enverra "au feu éternel Mt 25,41"; "là où leur ver ne mourra point et où le feu ne s'éteindra point Mc 9,48 Is 66,24".

2 Au surplus, tandis qu'ils se disent tenus de réaliser toutes les actions et tous les comportements concevables, afin, si possible, de tout accomplir en une seule vie et d'atteindre ainsi à l'état parfait, on ne voit pas qu'ils aient jamais essayé de s'adonner à ce qui relève de la vertu, aux travaux pénibles, aux exploits glorieux, aux activités artistiques, bref, à ce qui est reconnu comme bon par tout le monde. S'ils sont tenus de s'adonner à toute forme possible d'activité, il leur faut commencer par apprendre tous les arts sans exception, qu'il s'agisse des arts théoriques, ou des arts pratiques, ou de ceux qui s'apprennent par la maîtrise de soi et s'acquièrent par l'effort et l'exercice persévérant: ainsi, par exemple, la musique, l'arithmétique, la géométrie, l'astronomie et toutes les autres disciplines théoriques, la médecine tout entière, la science des herbes curatives et toutes les disciplines ayant pour objet la sauvegarde de la vie humaine; la peinture, la sculpture, l'art de travailler l'airain, le marbre et les autres matières; l'agriculture, l'élevage des chevaux et des troupeaux et toutes les techniques artisanales, qui passent pour englober toutes les techniques possibles; l'art de la navigation, l'art de la gymnastique, l'art de la chasse, l'art de la guerre, l'art du gouvernement, sans compter tous les autres arts, dont le labeur de toute une vie ne pourrait leur faire acquérir la dix millième partie. Or, de toutes ces disciplines, il n'en est pas nue seule qu'ils s'efforcent d'acquérir, eux qui se disent tenus d'embrasser toute forme possible d'activité; en revanche, ils se plongent dans les plaisirs, la luxure et toutes les turpitudes. Ils se condamnent ainsi eux-mêmes Tt 3,11 d'après la logique même de leur doctrine, car, puisqu'il leur manque tout ce que nous venons de dire, ils s'en iront au châtiment du feu. Ainsi, tout en professant la philosophie d'Epicure et l'indifférence des Cyniques, ils se vantent d'avoir pour Maître Jésus, alors que celui-ci détourne ses disciples non seulement des actions mauvaises, mais même des paroles et des pensées répréhensibles, ainsi que nous venons de le montrer.

Prétendue supériorité sur Jésus

3 Ils disent encore que leurs âmes proviennent de la même sphère que celle de Jésus, et ils se prétendent semblables et même supérieurs à celui-ci. Mais, placés en face des oeuvres que celui-ci a faites pour le profit et l'affermissement des hommes, ils se trouvent n'accomplir rien de tel, rien qui puisse s'y comparer de quelque façon. Et s'ils font quelque chose, c'est, comme nous l'avons dit, par le moyen de la magie, dans l'intention de tromper les sots. Loin de procurer un fruit ou profit quelconque à ceux en faveur de qui ils disent opérer des prodiges, ils se contentent d'attirer des enfants encore impubères et ils les mystifient en faisant surgir des apparences qui s'évanouissent aussitôt et ne durent même pas l'espace d'un instant: preuve qu'ils ressemblent, non à notre Seigneur Jésus, mais à Simon le Magicien. Au surplus, le Seigneur est ressuscité d'entre les morts le troisième jour, s'est manifesté à ses disciples et a été enlevé dans le ciel sous leurs yeux, tandis que ces gens-là meurent, mais ne ressuscitent pas et ne se manifestent à personne: cela encore prouve que leurs âmes ne ressemblent en rien à celle de Jésus.

4 S'ils disent que le Seigneur lui aussi n'a fait tout cela que d'une manière fantomatique, nous les amènerons aux écrits des prophètes et, d'après ces écrits mêmes, nous leur prouverons que tout ce qui le concerne a été à la fois annoncé par avance et réalisé de façon indubitable et que lui seul est le Fils de Dieu. C'est pourquoi aussi, en son nom, ses authentiques disciples, après avoir reçu de lui la grâce, oeuvrent pour le profit des autres hommes, selon le don que chacun a reçu de lui. Les uns chassent les démons en toute certitude et vérité, si bien que, souvent, ceux-là mêmes qui ont été ainsi purifiés des esprits mauvais embrassent la foi et entrent dans l'Église; d'autres ont une connaissance anticipée de l'avenir, des visions, des paroles prophétiques; d'autres encore imposent les mains aux malades et leur rendent ainsi la santé; et même, comme nous l'avons dit, des morts ont été ressuscités et sont demeurés avec nous un bon nombre d'années. Et quoi donc? Il n'est pas possible de dire le nombre des charismes que, à travers le monde entier, l'Eglise a reçus de Dieu et que, au nom de Jésus-Christ qui fut crucifié sous Ponce Pilate, elle met en oeuvre chaque jour pour le profit des gentils, ne trompant personne et ne réclamant aucun argent: car, comme elle a reçu gratuitement de Dieu, elle distribue aussi gratuitement Mt 10,8.

5 Et ce n'est pas en invoquant des Anges qu'elle fait cela, ni par des incantations ou toutes sortes d'autres pratiques magiques; c'est en toute pureté et au grand jour, en faisant monter des prières vers le Dieu qui a fait toutes choses et en invoquant le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, qu'elle accomplit des prodiges pour le profit des hommes et non pour les tromper. Si donc, même maintenant, le nom de notre Seigneur Jésus-Christ procure ces bienfaits et guérit en toute certitude et vérité tous ceux qui, n'importe où, croient en lui - ce que ne fait pas le nom de Simon, ni de Ménandre, ni de Carpocrate, ni de quelque autre que ce soit -, il est clair que, s'étant fait homme et ayant vécu avec l'ouvrage par lui modelé Ba 3,38, il a en toute vérité tout accompli par la puissance de Dieu, selon le bon plaisir du l'ère de toutes choses Ep 1,9, de la manière que les prophètes avaient annoncée. Quelles étaient ces prophéties, nous le dirons dans l'exposé des preuves tirées des prophètes.


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Prétendue transmigration des âmes

33 1 Quant à leur prétendu passage dans des corps successifs, nous le réfutons à partir du fait que les âmes n'ont absolument aucun souvenir d'événements antérieurs. En effet, si elles étaient envoyées en ce monde dans le but de poser tous les actes possibles, elles devraient se souvenir des actes déjà posés antérieurement par elles, afin de compléter ce qui leur manquerait encore et de ne pas peiner sans cesse dans les mêmes allées et venues indéfiniment réitérées: leur union au corps ne pourrait pas éteindre totalement lc souvenir de ce qu'elles auraient vu antérieurement, d'autant plus qu'elles viendraient précisément dans le but susdit. Présentement, les choses que l'âme voit par elle-même en imagination tandis que le corps est endormi et repose, elle se les rappelle pour la plupart et en fait part au corps, et il arrive de la sorte que, même après un long moment, un homme fasse connaître en état de veille ce qu'il a vu en songe: de la même manière l'âme devrait se souvenir des actes qu'elle aurait posés avant sa venue dans le corps. Car si, ce qui n'a été vu en imagination qu'un instant par elle seule durant le sommeil, elle se le rappelle après qu'elle s'est mêlée au corps et répandue dans tous les membres, à bien plus forte raison se souviendrait-elle des activités auxquelles elle se serait adonnée pendant la durée autrement considérable de toute une existence antérieure.

2 Ne pouvant répondre à ces arguments, Platon, cet ancien Athénien qui fut le premier à introduire cette doctrine, fit intervenir le breuvage de l'oubli, pensant échapper par là à la difficulté: sans fournir la moindre preuve, il déclara péremptoirement que les âmes entrant en cette vie sont abreuvées d'oubli, avant d'entrer dans des corps, par le "démon" qui préside à cette entrée. I1 tomba ainsi, sans s'en apercevoir, dans une autre difficulté plus grande encore. En effet, si le breuvage de l'oubli suffit, dès qu'il a été bu, à effacer le souvenir de tous les événements antérieurs, comment sais-tu donc, ô Platon, puisque ton âme est présentement dans un corps, qu'avant d'entrer dans ce corps elle a été abreuvée par un "démon" du remède de l'oubli? Si tu te souviens du "démon", du breuvage et de l'entrée, tu dois savoir aussi tout le reste; si tu l'ignores, c'est que ni le "démon" n'est vrai ni le reste de cette spécieuse théorie relative au breuvage de l'oubli.

3 Contre ceux qui disent que le corps lui-même est le remède de l'oubli nous ferons valoir les objections suivantes: Comment l'âme peut-elle se souvenir et faire part à autrui de tout ce qu'elle voit par elle-même, pendant le sommeil et en pensée, tandis que repose le corps? D'ailleurs, si le corps était l'oubli, l'âme qui se trouve dans le corps ne se souviendrait même pas de ce qui est venu un jour à sa connaissance par le moyen de la vue ou de l'ouïe: dès que l'oeil se détournerait des objets contemplés, disparaîtrait aussi le souvenir de ceux-ci, car, se trouvant à l'intérieur même de l'oubli, l'âme ne pourrait connaître rien d'autre que ce qu'elle verrait au moment présent. Comment pourrait-elle, de surcroît, apprendre les choses divines et se souvenir d'elles, tout en étant dans le corps, si, comme ils le prétendent, le corps lui-même est l'oubli? Les prophètes eux-mêmes, tout en étant sur terre, une fois revenus à eux, se souviennent et font part aux autres hommes de tout ce qu'ils ont vu et entendu de façon spirituelle au cours de visions célestes: il n'est pas vrai que le corps produise dans l'âme l'oubli des choses qu'elle a vues de façon spirituelle, mais l'âme instruit le corps et lui fait part de la vision spirituelle qu'elle a reçue.

4 Car le corps n'est pas plus puissant que l'âme, lui qui reçoit d'elle le souffle, la vie, la croissance et la cohésion, mais c'est l'âme qui domine sur le corps et lui commande. Sans doute l'âme est-elle entravée dans sa promptitude, pour autant que le corps a part à son mouvement, mais elle ne perd pas sa science pour autant. Le corps est en effet semblable à un instrument, tandis que l'âme exerce la fonction de l'artiste. L'artiste conçoit promptement une oeuvre d'art en lui-même, mais il ne la réalise que lentement au moyen d'un instrument à cause de l'inertie de l'objet: la promptitude de l'esprit de l'artiste, en se mêlant à la lenteur de l'instrument, réalise une oeuvre tenant de l'une et de l'autre. Ainsi l'âme unie à son corps est-elle quelque peu entravée du fait que sa promptitude se mêle à la lenteur du corps, mais elle ne perd pas entièrement ses énergies pour autant: tout en faisant participer le corps à sa vie, elle ne cesse pas de vivre elle-même. De même aussi, lorsqu'elle fait part au corps des autres choses, elle ne perd ni la science qu'elle en possède ni le souvenir des choses qu'elle a contemplées.

5 Si donc elle n'a nul souvenir d'événements antérieurs et n'a d'autres connaissances que celles qui s'acquièrent en cette vie, concluons qu'elle n'a jamais été dans d'autres corps et qu'elle n'y a jamais posé des actes qu'elle ignorerait ni connu des choses qu'elle aurait perdues de vue. Mais, de même que chacun de nous reçoit son propre corps par l'art de Dieu, de même possède-t-il aussi sa propre âme. Car Dieu n'est ni pauvre ni démuni au point de ne pouvoir donner à chaque corps son âme propre de même que sa marque propre. Et c'est pourquoi, lorsque sera complet le nombre des humains fixé d'avance par lui, tous ceux qui auront été inscrits pour la vie Ap 21,27 ressusciteront, ayant leur propre corps, leur propre âme et leur propre Esprit 1Th 5,23 en lesquels ils auront plu à Dieu; quant à ceux qui seront dignes de châtiment, ils s'en iront le recevoir, ayant eux aussi leur propre âme et leur propre corps en lesquels ils se seront séparés de la bonté de Dieu. Et les uns et les autres cesseront d'engendrer et d'être engendrés, d'épouser et d'être épousés Mt 22,30, afin que l'espèce humaine, étant parvenue à la juste mesure fixée d'avance par Dieu et ayant atteint sa perfection, conserve l'harmonie reçue du Père.


Irénée adv. Hérésies Liv.2 ch.29