Anthologie poésie mariale - MARIE IMPLORE SON FILS


CLÉMENT MAROT (1496-1544)





Imitons de Marot, l'élégant badinage... En fait, Marot ne badinait pas toujours. Dans nombre de ses épîtres et élégies, la grâce se mêle à une extrême délicatesse de sentiments. Il était né en 1496 à Cahors en Quercy : Quercy, de toy, Salel se vantera, Et, comme croy, de moy ne se taira... Cet épigramme laisse à penser qu'il entrevoyait sa future gloire de poète... Il fit pourtant, dit-on, de médiocres études, entra dans la troupe des « Enfants sans-souci r, fréquenta le Palais et la Basoche puis la Cour de Fran­çois Ie1. Ami de Calvin, il embrassa puis abandonna l'hérésie. On trouve pourtant dans son œuvre quelques poèmes à la Vierge, pleins de respect et de dévotion...














LA CONCEPTION DE NOTRE-DAME





Comme nature est en péché ancrée Par art d'Enfer, grâce, qui nous recrée Par art du ciel, Marie en garantit; Car autrement cil qui se y consentit Ne l'eust jamais à son Filz consacrée. Mais il peult tout, et veult et luy agrée Qu'un fdz sacré aye mère sacrée, Ce qu'elle fut, et vice ne sentit, Comme nature. Nature, trop de fol désir oultrée, Est en péché originel entrée, Et sans baptesme onc homme n'en partit. Mesmes jamais la Vierge n'en sortit : Aussi jamais elle n'y fit entrée Comme nature.














NOËL





Une pastourelle gentille Et un berger, en un verger, L'autrehier en jouant à la bille S'entrediscient, pour abréger Roger Berger, Légère, Bergère, C'est trop à la bille joué; Chantons Noé, Noé, Noé. Te souvient-il plus du Prophète Qui nous dit cas de si hault faict, Que d'une pucelle parfaicte Naistroit un enfant parfaict? L'effect Est faict : La qelle Pucelle A un filz du ciel advoué : Chantons Noé, Noé, Noé.















RONDEAU A NOSTRE DAME





En temps obscur estoille refulgente, Raid de soleil, aulbe du jour fulgente, Port de salut, allectante pucelle, Roze vernant, de Dieu mère et ancelle, Royne des Anges, au pécheur indulgente, Tournez vos yeulx, maternelle régente, Vers voz enfans; aidez à qui régente Le parc de Dieu et sa sainte nacelle En temps obscur. Contre le corps d'église diligente Gens sans raison de tout bien indigente Et contre vous a mise sa parcelle; Monstrez vous Mère, et que ayons paix par celle Qui a le pouvoir : la cause en est urgente En temps obscur.














CATHERINE D'AMBOISE (P-1550)





Trop rares sont les documents pour pouvoir retracer le « curriculum vitae » de Catherine d'Amboise... On sait seulement qu'elle est l'auteur de Dévotes Épîtres, grâce à une publication, faite pour la première (ois, EN 1861, par un certain abbé Bourassé... Les précisions mythologiques et bibliques du poème La Plus Belle qui jamais fut au monde laissent à penser que l'auteur pourrait être une religieuse érudile, fervente dévote de la Très Sainte Vierge. Mais ce sont là simples suppo­sitions. Quoi qu'il en soit, le poème ne manque ni de charme ni de couleurs...














LA PLUS BELLE QUI JAMAIS FUT AU MONDE





Anges, Trônes et Dominations, Principautés, Archanges, Chérubins, Inclinez-vous aux basses régions Avec Vertus, Potestes, Séraphins. Transvolitez des hauts cieux cristallins Pour décorer la triomphante entrée, La très digne naissance adorée, Le saint concept par mystères très hauts De la Vierge où toute grâce abonde, Décrétée par dits impériaux La plus belle qui jamais fut au monde... Faites sermons et prédications, Carmes dévots, cordeliers, augustins; Du saint concept portez relations, Chaldéens, Hébreux et Latins. Romains, chantez sur les monts Palatins Que Joachim sainte Anne a rencontrée Et que par eux nous est administrée Cette Vierge sans amours conjugaux, Que Dieu créa de puissance féconde, Sans point sentir vices originaux, La plus belle qui jamais fut au monde.














Muses, venez en jubilations Et transmigrez vos ruisseaux cristallins. Viens, Aurora, par lucidations En précursant les beaux jours matutins; Viens, Orphéus, sonner harpe et clarins; Viens, Amphion, de la belle contrée; Viens, Musique, plaisamment accoutrée; Viens, reine Esther, préparée de joyaux; Venez, Judith, Rachel et Florimonde, Accompagnez par honneurs spéciaux La plus belle qui jamais fut au monde. O doux zéphyrs, par sibyllations Semez partout roses et romarins. Nymphes, laissez vos inondations, Lieux stygieux et charybdes marins. Sonnez des cors, violes, tambourins, Que ma maîtresse, la Vierge honorée. Soit de chacun en tous lieux décorée. Viens, Apollo, jouer des chalumeaux; Sonne, Panna, si haut que tout redonde; Collaudez tous en termes généraux La plus belle qui jamais fut au monde.















JOACHIM DU BELLAY (1522-1560)





Plus mon Loyre gaulois que le Tybre latin, Plus mon petit Lyre que le mont Palatin, Et, plus que l'air marin la douceur angevine... Ces vers célèbres disent éloquemment l'amour de Joa-chim du Bellay pour son pays d'Anjou, le fleuve royal, et le village de Lire où il naquit en 1522. Au début de sa carrière, il rencontra Ronsard avec lequel il noua des liens d'amitié. Du Bellay est connu surtout par ses sonnets dont il lança la mode en France, sonnets souvent nostalgiques, parfois satiriques, mais aussi inspirés par le sentiment de la nature, parfois même par le sentiment religieux, tel celui que nous citons, où il analyse le mystère de Noël en véritable théologien.














NOËL





La terre au ciel, l'homme à la déité Sont assemblés d'un nouveau mariage : Dieu prenant corps, sans faire au corps outrage, Naît aujourd'hui de la divinité La Vierge rend à la divinité Son saint dépôt, dont le monde est l'ouvrage, Mais, aujourd'hui, il a fait davantage. S'étant vêtu de notre humanité. Il a fait plus : car, si, du corps humain Tenant la vie et la mort en main, Il s'est rendu mortel par sa naissance. Ne s'est-il pas lui-même surmonté? Cet œuvre-là démontre sa puissance. Et celui-ci démontre sa bonté.














JEAN BERTAUT (1552-1611)





D'ascendance normande, Jean Bertaut naquit à Caen en 1552 mais abandonna tôt sa province natale pour fré­quenter la Cour et poursuivre à l'Université de Paris des études cléricales. Très apprécié par son entourage, il devint aumônier de la reine Catherine de Médicis puis, par la faveur de celle-ci, abbé d'Aulnay et évêque de Séez. Il est l'auteur d'un recueil d'Œuvres poétiques et comme il remplissait pratiquement, avant même la créa­tion officielle de l'emploi, les fonctions d'historiographe du roi, il acquit une sorte de spécialité à présenter en vers les grands événements du règne, tels : Le Discours du roi allant combattre l'Espagnol et La Prière prophétique pour le dauphin. Son Cantique à Marie garde un peu le ton grandiloquent qui semblait convenir à ce genre de littérature...














CANTIQUE A LA VIERGE MARIE C'est celle dont la foi dure éternellement. C'est celle dont la foi n'eut jamais de pareille. C'est celle dont la foi pour notre sauvement Crut à la voix de l'Ange et conçut par l'oreille. C'est l'astre lumineux qui jamais ne s'éteint, Où comme en un miroir tout le ciel se contemple, Le luisant tabernacle et le lieu saint Où Dieu même a voulu se consacrer un temple. C'est le palais royal tout rempli de clarté, Plus pur et transparent que le ciel qui l'enserre, C'est le beau Paradis vers l'Orient planté. Les délices du ciel et l'espoir de la terre. C'est cette myrrhe et fleur et ce baume odorant Qui rend de sa senteur nos âmes consolées; C'est ce jardin reclus suavement flairant, C'est la Rose des champs et le Lis des vallées. C'est le rameau qui garde en tous temps sa couleur, La branche de Jessé, la tige pure et sainte, Qui rapporte son fruit et ne perd point sa fleur, Qui demeure pucelle et qui se voit enceinte.














C'est l'Aube du matin qui produit le soleil, Tout couvert de rayons et de flammes ardentes, L'Astre des navigants, le Phare non pareil Qui la nuit leur éclaire au milieu des tourmentes. Étoile de la mer, notre seul réconfort, Sauve-nous des rochers, du vent et du naufrage, Aide-nous de tes vœux pour nous conduire au port, Et nous montre ton Fils sur le bord du rivage.















JACQUES DU PERRON (1556-1622)





Les parents de Jacques du Perron, huguenots convaincus, Vintroduisirent comme lecteur du roi à la Cour d'Henri III. A vingt ans, il abjura le protestantisme, entra dans la cléricaiure et devint un orateur réputé. Il prononça à la Cour les Oraisons funèbres de Ronsard et de Marie Sluart. Épique d'Évreux puis archevêque de Sens, il reçut le cha­peau de cardinal... Doué d'une vive intelligence et d'une mémoire prodi­gieuse, il acquit une vaste érudition et fut considéré comme l'un des grands esprits de la seconde moitié du XVIe siècle. Ses œuvres (controverses, poèmes, traités théologiques) forment trois in-folio. Le Cantique à la Vierge Marie reflète la majesté ora­toire et la sûreté doctrinale, qualités marquantes du car­dinal.














CANTIQUE A LA VIERGE MARIE





Quand au. somme mortel la Vierge eut clos les yeux, Les Anges qui veillaient autour de leur maîtresse Élevèrent son corps en la gloire des cieux, Et les cieux furent pleins d'immortelle allégresse, Les plus beaux séraphins à son avènement Volaient au-devant d'elle et lui cédaient leur place, Se sentant tous ravis d'aise et d'étonnement De pouvoir contempler la splendeur de sa face. Dessus les cieux des cieux elle va paraissant, Les flambeaux étoiles lui servent de couronne, La lune est sous ses pieds en forme de croissant, Et comme un vêtement le soleil l'environne. Elle est là-haut assise auprès du Roi des rois Pour rendre à nos clameurs ses oreilles propices, Et sans cesse l'adjure au saint nom de sa Croix, De purger en son sang nos erreurs et nos vices. C'est l'astre lumineux qui jamais ne s'éteint, Où comme en un miroir, tout le ciel se contemple, Le luisant tabernacle et le lieu pur et saint Où Dieu même a voulu se consacrer un temple. C'est le palais royal tout rempli de clarté, Plus pur et transparent que le ciel qui l'enserre, C'est le beau paradis vers l'Orient planté, Les délices du ciel et l'espoir de la terre.














C'est la myrrhe et la fleur et le baume odorant Qui rend de sa senteur nos âmes consolées; C'est le jardin reclus suavement fleurant, C'est la rose des champs et le lys des vallées. C'est l'aube du matin qui produit le soleil Tout couvert de rayons et de flammes ardentes, L'astre des navigants, le phare non pareil Qui la nuit leur éclaire au milieu des tourmentes. Étoile de la mer, notre sûr réconfort, Sauve-nous des rochers, du vent et des naufrages; Aide-nous de tes vœux pour nous conduire au port, Et nous montre ton Fils sur le bord du rivage.















SAINT FRANÇOIS DE SALES (1567-1622)





Saint François de Sales naquit au château de Sales près de Genève, fit ses humanités à Annecy, sa philoso­phie et sa théologie au Collège des Jésuites de Paris et son droit à la grande Université de Padoue. Tout d'abord avocat, il entra dans les ordres puis se fit missionnaire d'une région montagnarde particulièrement déshéritée : le Chablais. Nommé évêque de Genève, il déploya un zèle admirable et se fit l'apôtre de la douceur. Sur le plan littéraire, l'évêque de Genève connut la célé­brité par la publication de deux ouvrages ascétiques qui ont fait école : L'Introduction à la vie dévote et Le Traité de l'amour de Dieu. La sûreté de sa doctrine lui a fait décerner plus tard le titre de docteur de l'Église. Son style a également retenu l'attention par son onction et sa grâce, mais il faut avouer qu'il a quelque peu vieilli. La Prière à Marie aux sentiments profonds et délicats est très caractéristique de l'auteur...














PRIÈRE A MARIE





Ayez mémoire et souvenance, très douce Vierge, que vous êtes ma Mère et que je suis votre fils; et que vous êtes puissante et que je suis un pauvre homme, vil et faible. Je vous supplie, très douce Mère, que vous me gou­verniez dans toutes mes voies et actions. Ne dites pas, gracieuse Vierge, que vous ne pouvez! Car votre bien-aimé Fils vous a donné tout pouvoir, tant au ciel comme en terre. Ne dites pas que vous ne devez; car vous êtes la commune Mère de tous les pauvres humains et parti­culièrement la mienne. Si vous ne pouviez, je vous excuserais disant : il est vrai qu'elle est ma Mère et qu'elle me chérit comme son fils, mais la pauvrette manque d'avoir et de pouvoir. Si vous n'étiez ma Mère, avec raison je patienterais, disant : elle est bien assez riche pour m'assister; mais, hélas! n'étant pas ma Mère, elle ne m'aime pas. Puis donc, très douce Vierge, que vous êtes ma Mère, et que vous êtes puissante, comment vous excuserais-je si vous ne me soulagez et ne me prêtez votre secours et assistance? Vous voyez, ma Mère, que vous êtes contrainte d'ac­quiescer à toutes mes demandes.














Pour l'honneur et la gloire de votre Fils, acceptez-moi comme votre enfant, sans avoir égard à mes misères et à mes péchés. Délivrez mon âme et mon corps de tout mal et me donnez toutes vertus, surtout l'humilité. Enfin, faites-moi présent de tous les dons, biens et grâces qui plaisent à la Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit.















MATHURIN RÉGNIER (1573-1613)





Mathurin Régnier est né le 21 décembre 1573 à Chartres. Il était le fils de Véchevin de la ville. Une fois clerc tonsuré à Paris, sa fortune fut confiée par son oncle, le poète Des­portes, à l'abbé Tiron, personnage influent qui l'intro­duisit près du cardinal de Joyeuse. Après plusieurs séjours à Rome, il revint en France et devint un écrivain officiel de la Cour. Malgré une vie agitée, il se rendit célèbre par ses satyres et se fit une réputation de moraliste au style nerveux et coloré. Il a, en effet, de nobles sentiments de repentance dans son sonnet connu O Dieu si mes péchés irritent ta fureur. Celui qu'on va lire, et où il décrit la scène du « Sitio » à sa façon, laisse voir une véritable émotion mariale.














QUOY ! N'EST-CE PAS ASSEZ...





Cependant qu'en la Croix plein d'amour infini, Dieu pour notre salut tant de maux supporta Que par son juste sang nostre âme racheta Des prisons où la mort le tenoit asservie, Altéré du désir de nous rendre la vie : J'ay soif, dit-il aux juifs. Quelqu'un lors apporta Du vinaigre et du fiel et le luy présenta; Ce que voyant sa Mère en la sorte s'écrie : Quoy! N'est-ce pas assez de donner le trépas A celuy qui nourrit les hommes icy bas, Sans frauder son désir d'un si piteux breuvage? Venez, tirez mon sang de ses rouges canaux Ou bien prenez ces pleurs qui noyent mon visage. Vous serez moins cruels et j'aurais moins de maux.














RACAN (1589-1670)





Honorât de Bueil, seigneur de Racan, naquit au château de Champ-marin à Aubigné (Sarthe) dans le Maine angevin. Poursuivant à la fois la carrière des armes et des lettres, il abandonna bientôt la première, se fit disciple de Malherbe, fréquenta l'Hôtel de Rambouillet et devint académicien en 1635. Il fit une Traduction des Psaumes en vers, écrivit une pastorale dramatique qui fut très jouée Les Bergeries. // est connu surtout par un passage de cette œuvre, les fameuses Stances à Tircis... Boileau dans sa Neuvième satyre en a fait des éloges exorbitants, rapprochant son talent de celui... d'Homère. En fait, si Racan a parfois des traits excellents, son style est en général solennel et froid. Son poème Ave, Maris Stella reste dans cette ligne. L'un des vers est d'ailleurs d'une exactitude théologique plus que douteuse :





Du fils que dans tes flancs ta seule foi conçut...















AVE, MARIS STELLA





O la plus claire des étoiles, Qui parut au travers des voiles Dont la nuit du péché nous offusquait les yeux, Reçois nos vœux et nos suffrages Et nous sauve de ces orages Au port que tes bontés nous préparent aux cieux. Si la créance trop légère Qu'eut Eve à la voix mensongère Nous avait tous rendus esclaves des enfers, Ta foi, par un contraire échange, Croyant aux paroles de l'ange, Brisa de nos aïeux les prisons et les fers. O bel astre, fais que ta flamme Puisse encore éclairer mon âme Dans l'asile où Jésus nous conduit au trépas; Chasse l'ennemi qui nous menace Et fais que le fruit de sa grâce Nous donne au ciel la gloire et la paix ici-bas. Si jadis tes chastes entrailles Contenaient-ce Dieu des batailles Dont le pouvoir s'étend du nord jusques au sud,














Usant de ton pouvoir de mère, Apaise la juste colère Du fils que dans tes flancs ta seule foi conçut. Vierge chaste, Vierge féconde, Fais que nous puissions en ce monde Conserver la blancheur de notre pureté, Et qu'en suivant ta sainte vie, Notre âme, dans le ciel ravie, Te puisse encore suivre en l'immortalité. Gloire au Père dont la puissance Est le support de l'innocence! Gloire au Fils dont le sang fut répandu pour nous! Gloire à l'Esprit qui nous inspire L'amour dont notre âme soupire Jusqu'à ce qu'elle soit unie à son époux.














PIERRE CORNEILLE (1606-1684) Rares furent les écrivains du XVIIe siècle qui connurent de leur vivant un renom semblable à celui de Corneille. On parlait couramment du « Grand Corneille » et l'expres­sion « beau comme le Cid » était devenue proverbiale. Enorgueilli par ce succès sans précédent, Corneille man­qua peut-être de mesure, il irrita Mairet dans son Excuse à Ariste et, à son tour, Scudéry vexé prit parti contre lui. Bref, l'opinion se divisa et éclata la retentissante « Que­relle du Cid » A cause du sujet même du Cid, qui semblait faire le panégyrique du duel, Richelieu de son côté ne sou­tint pas non plus le poète qui en fut blessé et écrivit à son endroit la boutade célèbre : II m'a fait trop de bien pour en dire du mal Il m'a fait trop de mal pour en dire du bien. Les autres grandes tragédies : Horace, Cinna, Polyeucte confirmèrent cependant la gloire du dramaturge. Mais Corneille ne fut pas seulement le « Père de la tragédie française r, il écrivit aussi des poèmes; il nous a laissé en particulier un certain nombre de poésies religieuses : L'Imitation de Jésus-Christ, Les Louanges de la Sainte Vierge, Les Hymnes du bréviaire.














Ses poésies mariales ont tout à (ait te ton cornélien où triomphent noblesse et grandeur et, comme dans ses œuvres tes plus marquantes l'on y trouve, selon le mot de Mme de Sévigné, des vers « transportants » ..















EVE ET MARIE





Homme, qui que tu sois, regarde Eve et Marie, Et comparant ta Mère et celle du Sauveur, Vois laquelle des deux en est le plus chérie, Et du Père Éternel gagne mieux la faveur. L'une a toute sa race au démon asservie, L'autre rompt l'esclavage où furent ses aïeux; Par l'une vient la mort et par l'autre la vie, L'une ouvre les enfers et l'autre ouvre les cieux. Cette Eve cependant qui nous engage aux flammes Au point qu'elle est formée est sans corruption; Et la Vierge « bénie entre toutes les femmes » Serait-elle moins pure en sa conception? Non, non, n'en croyez rien, et tous tant que nous sommes Publions le contraire à toute heure, en tout lieu : Ce que Dieu donne bien à la Mère des hommes, Ne le refusons pas à la Mère de Dieu.














REGINA CŒLI





Saint Jean voit une femme en beauté singulière : Le soleil la revêt de ses propres rayons; La lune est sous ses pieds avec même lumière Qu'en son plus grand éclat d'ici nous la voyons; Douze astres forment sa couronne; Et si tant de splendeur au-dehors l'environne, Ce que le dedans cache est encor plus exquis; Elle est pleine d'un fds qu'à peine l'on voit naître Qu'aussitôt le souverain Maître Lui fait place en son trône et le reçoit pour fils. Est-elle autre que toi cette femme admirable? Et son lumineux appareil D'astres, de lune et de soleil, N'est-il pas de ta couche un apprêt adorable? Est-ce une autre que toi que de tous ses trésors Et remplit au-dedans et revêt au-dehors Le brillant Soleil de justice? Et fait-il commencer par une autre en ces lieux Ce royaume de Dieu si doux et si propice, Qui réunit la terre aux cieux?














La milice du ciel, qui sous tes lois se range Comme la lune sous tes pieds, Y fait incessamment résonner ta louange Et sert d'illustre base au trône où tu te sieds; De tes plus saints aïeux la troupe glorieuse Fait la couronne précieuse Des astres qui ceignent ton front; Le nombre en est égal à celui des apôtres Et nous donne l'exemple et des uns et des autres Pour être un jour par toi près de Dieu ce qu'ils sont. Cette plénitude étonnante Des grâces, que sa main sur toi seule épandit, Joint à tant de vertus, joint à tant de crédit La gloire de la voir toujours surabondante. Vierge par excellence et mère du Très-Haut. Toujours sans tache et sans défaut, Lumière que jamais n'offusque aucun nuage, De tant de plénitude épands quelque ruisseau Et de tant de splendeurs dont brille ton visage Laisse jusque sur nous tomber un jour nouveau.















LOUANGES





Avant que du Seigneur la sagesse profonde Sur la terre et les cieux daignât se déployer, Avant que du néant sa voix tirât le monde, Qu'à ce même néant sa voix doit renvoyer, De toute éternité sa prudence adorable Te destina pour mère à son Verbe ineffable, A ses anges pour reine, aux hommes pour appui; Et sa bonté dès lors élut ton ministère Pour nous tirer du gouffre où notre premier père Nous a d'un seul péché plongés tous avec lui. Ouvre donc, Mère Vierge, ouvre l'âme à la joie D'avoir remis en grâce et nous et nos aïeux : Toi-même, applaudis-toi d'avoir ouvert les cieux, D'en avoir aplani, d'en avoir fait la voie. Les hôtes bienheureux de ces brillants palais T'offrent et t'offriront tous ensemble à jamais Des hymnes d'allégresse et de reconnaissance; Et nous, que tu défends des ruses de l'enfer : Nous y joindrons l'effort de l'humaine impuissance Pour obtenir comme eux le don d'en triompher.














LE MAISTRE DE SACY (1613-1684)





Isaac-Louis LeMaistre de Sacy, comme beaucoup d'écri­vains de son époque, publia tout d'abord un Commentaire des psaumes puis, mis en confiance par le succès de ce premier ouvrage, édita quelque temps après une volumi­neuse Histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament... Une Vie de don Barthélémy, archevêque de Bragues au Portugal et les Lettres chrétiennes et spirituelles lui firent enfin un grand renom de son vivant... Le Maistre de Sacy est, il faut l'avouer, tombé quelque peu maintenant dans l'oubli... Son Ave, maris stella ne manque pas pourtant de solennité mais le théologien l'em­porte peut-être trop sur le poète...














AVE, MARIS STELLA





Éclaire, astre divin, les noirs flots de ce monde, Mère du Dieu des Dieux, Toujours vierge, mais vierge heureusement féconde, Claire porte des cieux. Recevant ce salut de la bouche d'un Ange, Reçois nos humbles vœux; Qu'Eve cède à Marie, et que son nom se change En ton nom bienheureux. Illumine l'aveugle, affranchis le coupable De ses tristes liens; Écarte tous nos maux par ta main secourable, Obtiens-nous tous les biens. Fléchis par ton pouvoir et de mère et de Reine Ton Fils et notre Roi Qui rabaissa pour nous sa grandeur souveraine Jusqu'à naître de toi. O très pure, ô très douce, ô Vierge incomparable, Humble au-dessus de tous, Romps les fers du péché dont le poids nous accable, Rends-nous purs, humbles, doux.














Donne-nous un cœur chaste, assure-nous la voie Du céleste palais; Fais que, voyant Jésus, une immortelle joie Nous ravisse à jamais. Gloire au Père Éternel, gloire au Fils, Roi des anges Et Monarque des rois; A l'Esprit adorable éternelles louanges, Un seul honneur aux trois.















GEORGES DE BRÉBEUF (1618-1661)





Né dans la Manche, à Torigny-sur-Vire, Georges de Brébeuf est l'auteur d'un ouvrage juridique qui fit autorité à l'époque : La Défense de l'Église romaine. Mais il s'est rendu célèbre surtout par sa traduction en vers de « La Pharsale » de Lucain, traduction qui n'est pas, en effet, sans mérite, encore qu'elle lui ait attiré les foudres de Boileau, ce qui contribua d'ailleurs à mettre en vedette l'auteur attaqué... Brébeuf écrivit aussi un volume de Poésies diverses, dont le poème, A la Vierge, Espoir du monde, mérite attention car il renferme quelques vers éloquents : Faites, ô céleste Marie, Que le Maître du monde, et l'auteur de mon sort, En s'immolant pour moi n'ait pas perdu sa mort, Alors qu'il a perdu la vie...














VIERGE, L'ESPOIR DU MONDE





Reine des hommes et des anges, Vierge, l'espoir du monde et l'ornement des cieux, Du pouvoir souverain chef-d'œuvre précieux, Qui pourrait dire vos louanges? En vain un secret mouvement A chanter vos grandeurs m'incite à tout moment; Ce zèle impétueux ressemble au téméraire. De deux divers instincts je me sens appeler : Mon amour a peine à se taire Et mon respect n'ose parler. Dieu le voit, cet amour fidèle Dont votre cœur tout chaste est brûlé jour et nuit; Il voit prendre à ce feu, que le sien a produit, Sans cesse une vigueur nouvelle. Il voit ces purs embrassements, Que leur fécondité redouble à tous moments, Surpasser la ferveur des hommes et des anges, Et de vous, chaque jour, ses attributs divins Tirer un tribut de louanges Qu'il n'attend point des séraphins. Votre charitable entremise Peut-elle être stérile auprès d'un Dieu si doux? A demander sa grâce et ses bontés pour nous Peut-elle être un soin qu'il méprise?














Puisque des dons qu'il vous a faits Plusieurs ont devancé jusques à vos souhaits, Quel effet n'auront point vos vœux et vos prières? Ou si même souvent les larmes des pécheurs Lui font adoucir nos misères, Que ne nous obtiendront vos pleurs? Faites, ô céleste Marie, Que le Maître du monde, et l'Auteur de mon sort, En s'immolant pour moi n'ait pas perdu sa mort, Alors qu'il a perdu la vie; Que du beau sang qu'il tient de vous, Qu'a donné son amour pour fléchir son courroux, Il ait fait pour mon âme un heureux sacrifice, Et que de son trépas le mérite infini Ne souffre pas qu'il me punisse Des forfaits dont il s'est puni.














LEFRANC DE POMPIGNAN (1709-1784) Né à Montauban en 1709, Lefranc de Pompignan fut l'élève à Paris, au Collège Louis-le-Grand, du célèbre Père Porée. Il écrivit de nombreux ouvrages aujourd'hui tombés dans l'oubli telles ses pièces Didon et le Triomphe de l'harmonie. Avec plus ou moins de succès, il essaya de mettre en relief la valeur de l'inspiration religieuse dans la poésie. Dans la dédicace au roi de ses Poèmes sacrés, il décla­rait : « C'est ici un ouvrage entrepris pour la gloire de la Religion et pour l'honneur de la Poésie. » L'entreprise ne fut pas considérée comme une réussite par tout le monde car Voltaire disait de ces poèmes, non sans quelque vérité : Sacrés ils sont, car personne n'y touche... Il faut dire que Pompignan avait eu l'imprudence dans son discours de Réception à l'Académie française, en 1760, d'attaquer vigoureusement les Philosophes. A bon chat bon rat ! De ces Poèmes sacrés, voici /'Hymne de l'Annoncia­tion. L'amour et la foi de l'auteur apportent-ils ou suppléent-ils l'inspiration poétique ? Le lecteur jugera...















HYMNE DE L'ANNONCIATION





Ne viendra-t-il jamais Le Dieu que nos cœurs appellent? Les siècles renouvellent Sans accomplir ses décrets. Le Dieu que nos cœurs appellent Ne viendra-t-il jamais? Prétend-il nous laisser encore Dans les fers de l'Antique Loi? Quand verrons-nous briller l'Aurore Du jour promis à notre Foi? C'en est fait : il rompt le nuage Dont nos yeux étaient couverts Il commence son ouvrage : Il va finir l'esclavage, Et le deuil de l'Univers. Fille des rois, ô Vierge aimable, Parais, fors de l'obscurité : Reçois le prix inestimable Que tes vertus ont mérité.














Reçois cette palme éternelle : Des promesses qu'on te révèle C'est le gage en tes mains remis. Quel bonheur pour une mortelle! Ton Dieu va devenir ton Fils. Déjà le signal salutaire Du haut des airs est aperçu L'Ange remplit son ministère : O grâce, ô prodige, ô Mystère! Dieu parle, l'Esprit vole et le Verbe est conçu.














VICTOR HUGO (1802-1885) Hugo a peut-être été le plus admiré et le plus bafoué de nos poètes. Sa précocité exceptionnelle l'aurait fait qua­lifier « d'enfant sublime » par Chateaubriand cependant que lui-même déclarait à quatorze ans : « Je veux être Chateaubriand ou rien. » Sa fécondité littéraire fut prodi­gieuse dans tous les genres, son style à la fois magique et facile, sa vie débordante et marquée par les aventures les plus inattendues. Chef indiscuté de l'École romantique, il entra en 1841 à VAcadémie, devint pair de France, dut s'exiler en 1851, revint en France en 1870 et mourut à Paris en 1885. Ses obsèques nationales prirent l'allure d'un triomphe car il avait fait de la poésie une sorte de voix nationale comprise et aimée de tous... Sur le plan de la foi, Hugo fut aussi un homme énig-matique. Croyant certes, mais d'une piété plus romantique que profonde, il chanta cependant avec transport Dieu, la religion et les valeurs spirituelles. S'il ne dédia à Marie aucun poème particulier, sa dévotion à son endroit appa­raît çà et là dans son œuvre, par exemple dans ce fragment des Contemplations où se retrouvent bien l'imagination, le souffle et l'émotion du poète...















LES MALHEUREUX





... Elle était là debout, la Mère douloureuse. L'obscurité farouche, aveugle, sourde, affreuse, Pleurait de toutes parts autour du Golgotha. Christ, le jour devint noir quand on vous en ôta, Et votre dernier souffle emporta la lumière; Elle était là debout, près du gibet, la mère! Et je me dis : « Voilà la douleur! » et je vins. « Qu'avez-vous donc, lui dis-je, entre vos doigts divins? » Alors, aux pieds du Fils saignant du coup de lance, Elle leva sa droite et l'ouvrit en silence, Et je vis dans sa main l'étoile du matin. Quoi! ce deuil-là, Seigneur, n'est pas même certain! Et la mère qui râle au pied de la croix sombre, Est consolée, ayant les soleils dans son ombre. Et tandis que ses yeux hagards pleurent du sang, Elle sent une joie immense en se disant : lMon fils est Dieu! mon fils sauve la vie du monde! » Et pourtant où trouver plus d'épouvante immonde, Plus d'effroi, plus d'angoisse et plus de désespoir Que dans ce temps lugubre où le genre humain noir Frissonnant du banquet autant que du martyre, Entend pleurer Marie et Trimaicion rire!














THÉOPHILE GAUTIER (1811-1872) Théophile Gautier n'a pas « raté sa vocation » En effet si, après quelques essais, il abandonna la peinture, ses poèmes sont bien, comme on l'a dit : « des tableaux à quoi il ne manque qu'un cadre et un clou pour les accrocher » Fils d'officier, il naquit à Tarbes en 1811 et vécut ensuite toute sa vie à Paris. Il fut d'abord un « romantique » convaincu et se signala dans la fameuse bataille d'Hernani, le 23 février 1830. Artiste jusque dans le bout des ongles, il était l'originalité en personne. Vêtu d'un éternel gilet rouge, il marchait à grands pas, « les cheveux et la pensée au vent » // s'éloi­gna peu à peu du romantisme pour devenir le chef d'une école nouvelle d'où sortira plus tard le « Parnasse » En 1852, il écrit son premier et dernier recueil de poèmes, à la facture fine et précieuse, Émaux et Camées. Paraissent ensuite des romans dont le célèbre Capitaine Fracasse et d'excellents récits de voyage en Russie, en Espagne, à Constantinople... Simple au fond, sous l'apparence d'une vie singulière, il avait l'âme sensible et pieuse. Son poème Z'Ex-voto, malgré sa naïve conclusion et celui : La Basilique où il s'incline humblement devant l'autel de Marie, le laissent à penser...














EX-VOTO





La barque est petite, et la mer immense; La vague nous jette au ciel en courroux, Le ciel nous renvoie le flot en démence : Près du mât rompu, prions à genoux! De nous à la tombe il n'est qu'une planche; Peut-être ce soir, dans un lit amer, Sous un froid linceul, fait d'écume blanche, Irons-nous dormir, veillés par l'éclair! Fleur du paradis, sainte Notre-Dame Si bonne aux marins en péril de mort, Apaise le vent, fais taire la lame, Et pousse du doigt notre esquif au port. Nous te donnerons, si tu nous délivres, Une belle robe en papier d'argent, Un cierge à festons pesant quatre livres, Et, pour ton Jésus, un petit saint Jean.















LA BASILIQUE





Il est une basilique Aux murs moussus et noircis, Du vieux temps noble relique, Où l'âme mélancolique Flotte en pensers indécis. Des losanges de plomb ceignent Les vitraux coloriés, Où les feux du soleil teignent Les reflets errants qui baignent Les plafonds armoriés. Cent colonnes découpées Par de bizarres ciseaux, Comme des faisceaux d'épées, Au long de la nef groupées, Portent de sveltes arceaux. La fantastique arabesque Courbe ses légers dessins, Autour du trèfle moresque, De l'arcade gigantesque, Et de la niche des saints.














Dans leurs armes féodales, Vidâmes et chevaliers, Sont là couchés sur les dalles Des chapelles sépulcrales, Ou debout près des piliers. Des escaliers en dentelles Montent avec cent détours Aux voûtes hautes et frêles, Mais fortes comme les ailes Des aigles ou des vautours. Sur l'autel riche merveille, Ainsi qu'une étoile d'or, Reluit la lampe qui veille, La lampe qui ne s'éveille Qu'au moment où tout s'endort. Que la prière est fervente Sous ces voûtes, lorsque en feu Le ciel éclate, qu'il vente, Et qu'en proie à l'épouvante, Dans chaque éclair on voit Dieu! Ou qu'à l'autel de Marie A genoux sur le pavé Pour une vierge chérie Qu'un mal cruel a flétrie, En pleurant l'on dit : Ave. Mais chaque jour qui s'écoule Ébranle ce vieux vaisseau, Déjà plus d'un mur s'écroule, Et plus d'une pierre roule, Large fragment d'un arceau.














Dans la grande tour, la cloche Craint de sonner l'Angélus : Partout le lierre s'accroche, Hélas! et le jour approche Où je ne vous dirai plus : Il est une basilique Aux murs moussus et noircis, Du vieux temps noble relique, Où l'âme mélancolique Flotte en pensers indécis.














LECONTE DE LISLE (1818-1894) La poésie habita très tôt dans le cœur de Leconte de Liste, « grâce, a-t-il dit lui-même, au hasard heureux d'être né dans un pays merveilleusement beau et à moitié sau­vage, riche de végétations étranges sous un ciel éblouis­sant » .. Il est né, en effet en 1818, à l'Ile de la Réunion, d'un père breton et d'une mère gasconne. Il voua à la beauté pure un culte absolu d'où son amour quasi exclusif de l'antiquité grecque. Pour lui la forme est la qualité essentielle du poème. Tout doit être ciselé, travaillé, har­monieux et sonore. Tant et si bien que ses poèmes ont tous une incontestable grandeur mais aussi quelque chose de glacial. Il n'entra que tard à l'Académie française (EN 1887), où il occupa le siège de Victor Hugo. Son incroyance fit de lui un pessimiste définitif mais il ne fut pas, comme d'aucuns l'ont prétendu à cause d'un poème tendancieux La Bête écarlate, un adversaire irréductible de la reli­gion. Après ses poèmes « antiques r, « barbares r, et « tra­giques r, il écrivit en effet les Derniers poèmes où l'on découvre un Chemin de croix non exempt d'émotion mystique sous l'apparente impassibilité. On peut dire la même chose de son poème à la Vierge Ah! de sa tige d'or.















Anthologie poésie mariale - MARIE IMPLORE SON FILS