Ars Procès informatif



PROCES DE BEATIFICATION ET CANONISATION DE

SAINT JEAN MARIE BAPTISTE VIANNEY

CURE D'ARS


PROCES INFORMATIF ORDINAIRE




ARTICLES POUR LA CAUSE DE BEATIFICATION ET CANONISATION DU SERVITEUR DE DIEU JEAN MARIE BAPTISTE VIANNEY, CURE D'ARS







Tenor articulorum a Postulatore exhibitorum sequens est, nimirum:


Bellicen.




Beatificationis et Canonizationis Servi Dei Ioannis Mariae Baptistae Vianney parochi vici Ars.

Positiones et articulos infrascriptos dat, facit, exhibet atque producit Rmus. Dnus. Jacobus Estrade causae postulatur constitutus prout in Actis ad docendum de fama sanctitatis, virtutum et miraculorum Servi Dei Ioannis Mariae Baptistae Vianney parochi vici Ars, ac ad omnem alium bonum finem et effectum, petens et instans illas et illos ad probandum admitti, et super his testes servatis servandis examinari, et quatenus opus fuerit, jura ad causam facientia exhibenda extrahi, produci et compulsari, deducens etc. Non se tamen astringens ad onus superfluae probationis, de quo solemniter protestatus fuit et protestatur non solum isto sed et omni meliori modo.

Ponit itaque gallico idiomate ad faciliorem testium intelligentiam, et probare vult atque intendit




1. Sur sa vie.



1 La vérité est que Jean Marie Baptiste Vianney, fils de Matthieu Vianney et de Marie Beluse naquit à Dardilly Diocèse de Lyon le huit Mai dix sept cent quatre vingt-six et qu'il fut baptisé le jour même de sa naissance, ainsi qu'il sera déposé dans le cours du procès par des témoins bien informés et capables de répondre sûrement sur chaque circonstance dont ils seront requis dans l'Interrogatoire.

2 2. La vérité est qu'il fut élevé chrétiennement par sa pieuse mère, qu'il répondit admirablement à toutes les leçons qu'il recevait, et aux bons exemples qu'il avait sous les yeux. Il aimait dès son bas âge à se dérober aux regards des hommes pour s'entretenir seul avec son Dieu et prier devant une petite statue de la sainte Vierge que sa vertueuse mère lui avait donnée et qu'il portait toujours avec lui. Sa piété déjà si tendre s'accrut encore lorsqu'il eut le bonheur d'être admis à la sainte Table. Le jeune Vianney en allant travailler, pendant le travail, en revenant à la maison paternelle, adressait à Dieu de ferventes prières, ainsi qu'il sera déposé &.

3 3. La vérité est qu'à l'âge de 18 ans, se sentant appelé au sacerdoce, il commença auprès d'un saint prêtre, Mr Balley, Curé d'Ecully, les études nécessaires pour la carrière ecclésiastique; mais il se vit forcé de les interrompre pour obéir à la loi qui l'appelait sous les drapeaux parce qu'on avait omis de le porter comme élève ecclésiastique. Lorsqu'il put les reprendre, il continua comme auparavant à édifier la paroisse d'Ecully. Pendant son séjour à Verrières et au Grand Séminaire, il sut s'attirer l'estime et l'affection de ses condisciples par ses grandes vertus. Grâce à des efforts constants et généreux, il parvint à acquérir la science nécessaire au ministre des autels, et après avoir reçu successivement la Tonsure, les ordres moindres, le sous-Diaconat et le Diaconat, il fut promu au sacerdoce le neuf Août mil huit cent quinze, ainsi qu'il sera déposé &.

4 4. La vérité est que Mr Vianney, aussitôt après l'ordination à la prêtrise, fut envoyé comme vicaire à Ecully auprès de son ancien maître, qui fut heureux de l'avoir auprès de lui. Sa vie simple et mortifiée lui gagna tous les coeurs: aussi de nombreux pénitents vinrent chercher auprès de lui le remède à leurs maux. Il se montra en tout un si bon prêtre que la paroisse toute entière le demanda pour Curé à la mort de Mr Balley; mais rien ne put vaincre son humble résistance, parce qu'il se croyait indigne de remplir un poste aussi important, ainsi qu'il sera déposé etc.


5 La vérité est que deux mois après la mort du Curé d'Ecully en mil huit cent dix-huit, Mr Vianney fut nommé Curé de la petite paroisse d'Ars, qui alors dépendait du diocèse de Lyon, et qui aujourd'hui se trouve dans le diocèse de Belley. Il en prit possession le neuf février mil huit cent dix-huit. En lui donnant ses pouvoirs, le-Vicaire Général lui avait dit: Allez, mon ami, il n'y a pas beaucoup d'amour de Dieu dans cette paroisse; vous y en mettrez. La paroisse d'Ars demandait en effet les efforts généreux d'un vertueux pasteur: les danses et les cabarets étaient la source de beaucoup d'abus; le travail du Dimanche et le peu d'empressement aux offices attristaient le coeur du zélé ministre des autels. La vérité est que Mr Vianney, avant d'entreprendre la réforme des abus, commença par supplier le Dieu de toutes miséricordes de toucher le coeur de ses nouveaux paroissiens. Il redoubla dans cette intention ses prières, ses jeûnes, ses mortifications et ses austérités; il portait le cilice, se donnait la discipline, ne prenait presque point de nourriture, n'accordait à son corps que trois ou quatre heures de repos pendant la nuit, ainsi qu'il sera déposé, &.


6 La vérité est que le nouveau Curé d'Ars semblait avoir choisi l'église pour sa demeure; il y passait chaque jour plusieurs heures prosterne devant le Saint Sacrement. Ses paroissiens ne tardèrent pas à être frappés de ses longues oraisons et surtout de la piété qu'il montrait au saint autel. "Avez-vous remarqué notre nouveau Curé, se disaient-ils entre eux? Comme il prie avec ferveur! Ce n'est pas un homme comme un autre; on nous a envoyé un saint." Ainsi qu'il sera déposé etc.


7 La vérité est que Mr Vianney savait d'ailleurs se concilier tous les coeurs, il visitait souvent ses paroissiens, et il le faisait avec une bonté, une affabilité qui gagnait tout le monde: aussi parvint-il à obtenir tout ce qu'il demandait: les offices furent fréquentés, les cabarets supprimés; le travail du dimanche ne vint plus attrister son coeur; après beaucoup d'efforts, les danses finirent par disparaître, ainsi qu'il sera déposé etc.


8 La vérité est que Mr Vianney portait ses paroissiens aux exercices de la piété chrétienne en même temps qu'il faisait disparaître les abus. Il institua les confréries du Saint Sacrement et du saint Rosaire, fit la prière du soir, exhorta à la fréquente communion et engagea plusieurs personnes à passer aux pieds des autels le plus de temps qu'elles pourraient; quelques unes même imitèrent si bien son exemple qu'elles ne sortaient presque plus de l'église, ainsi qu'il sera déposé, etc.


9 La vérité est que Mr Vianney, persuadé que l'instruction religieuse est la base d'une vie vraiment chrétienne, songea à doter sa paroisse d'une école gratuite de filles. C'est ce qu'il fit par l'érection de sa Providence, et Dieu daigna montrer plus d'une fois, en multipliant le blé et la farine, que ce n'est pas en vain qu'on place en lui toute sa confiance. Les secours arrivaient comme à point nommé et d'une manière merveilleuse, ainsi qu'il sera déposé, etc.


10 La vérité est que Mr Vianney put aussi plus tard établir une école gratuite pour les garçons, en confier la direction à une congrégation religieuse, comme il l'avait déjà fait pour sa providence, et assurer ainsi pour l'avenir les bienfaits que ces deux établissements sont appelés à rendre à la paroisse d'Ars, ainsi qu'il sera déposé.


11 La vérité est que Mr Vianney, dévoré du zèle pour le salut des âmes, ne put renfermer son action dans les étroites limites de sa paroisse. Il visitait les malades des paroisses voisines, lorsque les curés étaient absents ou malades. Il fut successivement appelé à partager les travaux de la mission de Trévous, de Saint Bernard, de Saint Trivier, et à prêcher dans plusieurs paroisses à l'occasion du jubilé de mil huit cent vingt-six. Partout il le fit avec un succès vraiment extraordinaire, joignant à la prédication de la parole de Dieu l'exemple de toutes les vertus et d'une vie d'abnégation et de sacrifices, ainsi qu'il sera déposé, etc.


12 La vérité est que lorsque Mr Vianney eut été comme cloué au confessionnal où il passait presque toutes les heures de la journée pour entendre les nombreux pèlerins venus de toutes les parties du monde, il songea à fonder l'oeuvre admirable des missions diocésaines. Près de cent missions ont été établies par ses soins et se donneront de dix en dix ans dans les paroisses qu'il a désignées, sans que les fidèles aient à supporter aucune dépense. Une société de douze missionnaires est chargée du service de ces missions, de la paroisse d'Ars et du pèlerinage, et perpétue ainsi le bien que le bon curé avait eu en vue en faisant ses fondations, ainsi qu'il sera déposé, &.


13 La vérité est que les missions auxquelles Mr Vianney prit part et les prédications qu'il fit dans les paroisses voisines à l'occasion du jubilé de mil huit cent vingt-six firent naître le pèlerinage d'Ars. On apprit à connaître le bon Curé; beaucoup de personnes qui avaient r eu le bonheur de s'adresser à lui, voulurent recevoir encore ses sages avis ou lui confier la direction de leurs âmes. De là se forma peu à peu ce concours qui a donné naissance au pèlerinage d'Ars, ainsi qu'il sera déposé, etc.


14 La vérité est que le bruit des vertus, de la vie sainte et mortifiée de Mr Vianney se répandit de proche en proche et que bientôt le petit village d'Ars offrit un spectacle vraiment extraordinaire; des personnes de tous les pays, de tous les rangs, de toutes les conditions venaient à Ars voir le saint Curé, comme on le nommait, et lui demander, les uns la guérison de leur corps, les autres, celle de leur âme, d'autres différentes grâces temporelles ou spirituelles. Le nombre des pèlerins alla toujours en augmentant et atteignit dans les dernières années de la vie du curé d'Ars le chiffre de quatre vingt mille, ainsi qu'il sera déposé, etc.


15 La vérité est que Mr Vianney, au milieu du concours qu'attirait sa réputation, se faisait tout à tous, recevait et accueillait tout le monde sans jamais rebuter personne. Cependant que n'a-t-il pas dû souffrir de l'importunité d'un grand nombre de pèlerins, de la vue de toutes sortes d'infirmités, du rude ministère qu'il s'était imposé en faveur des pauvres pécheurs? Il passait en moyenne quinze heures au confessionnal chaque jour. Ce labeur quotidien commençait à une heure ou deux heures du matin, et ne finissait qu'à la nuit. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


16 La vérité est que Mr Vianney renvoyait à Ste Philomène ceux qui lui demandaient quelque grâce particulière et leur faisait faire une neuvaine en son honneur. Plus d'une personne a obtenu avant la fin de la neuvaine ou la guérison du corps ou toute autre grâce particulière, ainsi qu'il sera déposé, etc.


17 La vérité est que des conversions nombreuses et signalées se sont opérées à Ars par le ministère de Mr Vianney. Il priait et il faisait prier pour la conversion des pécheurs. La conversion des pécheurs était le but vers lequel convergeaient toutes les pensées du Curé d'Ars et l'oeuvre pour laquelle il dépensait tout son temps et toutes ses forces. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


18 La vérité est que tout le bien qui s'est opéré à Ars, ne s'est pas fait sans contradiction. L'épreuve semble être le cachet que Dieu imprime à ces oeuvres qui doivent durer longtemps et faire beaucoup de bien. Dans le commencement, plusieurs des confrères de Mr Vianney ne comprenant pas son genre de vie extraordinaire, ou trompés par de faux rapports, se montrèrent peu favorables à notre bon Curé et lui firent des reproches qui quelquefois affligèrent son tendre coeur sans jamais ralentir son zèle; mais lorsqu'ils eurent connu sa sainteté, ils n'eurent tous qu'une voix pour la publier partout. Ainsi qu'il sera déposé etc.


19 La vérité est que le démon, jaloux de tout le bien qui s'opérait à Ars, ne cessa de persécuter Mr Vianney; il cherchait à l'empêcher de prendre le repos dont il avait tant besoin après des journées si accablantes pour la nature; il le tourmentait encore davantage lorsque quelque grand pécheur était sur le point de déposer aux pieds du Curé d'Ars le fardeau de ses crimes. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


20 La vérité est que Mr Vianney, préoccupé bien souvent de la pensée des jugements de Dieu, ne soupirait qu'après le moment où, comme il le disait, il pourrait dans la solitude pleurer sa pauvre vie. Il sollicita plus d'une fois cette faveur auprès de l’autorité diocésaine; mais Dieu permit que malgré deux tentatives de fuite, le bon Curé ne put réaliser son dessein. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


21 La vérité est que Dieu, qui Se plaît à élever les humbles, accorda à son serviteur plusieurs grâces particulières. Plus d'une fois, il a été donné à Mr Vianney de lire au fond des coeurs, de prévoir l'avenir, d'opérer des guérisons miraculeuses dont son humilité attribuait l'honneur à Ste Philomène. Ainsi qu’il sera déposé, etc.


22 La vérité est que c'est au milieu de l'exercice du zèle et de la pratique de toutes les vertus que notre bon Curé vit arriver le terme de son long combat et de ses rudes travaux. Après une courte maladie, il s'endormit en paix dans le Seigneur le quatre Août mil huit cent cinquante-neuf. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


II. Sur la Foi de Mr Vianney.





23 La vérité est que dès sa plus tendre enfance Mr Vianney se montra disposé à recevoir toutes les leçons de sa vertueuse mère. Son bonheur était de pouvoir s'instruire des vérités de notre sainte religion. A trois ans il recherchait déjà la solitude par amour de la prière. Il savait à peine parler qu'il voulait se mêler à tous les exercices de piété qui avaient lieu en sa présence. Dès qu'il entendait sonner l'Angelus, il donnait l'exemple à toute la maison, et s'agenouillait le premier pour réciter l'Ave Maria. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


24 La vérité est que l'amour de la prière allait en se développant avec l'âge. Le premier cadeau qu'il reçut fut une image en bois de la très sainte Vierge, que sa mère lui avait donnée. "Oh! que j'aimais cette statue, disait-il, à plus de soixante ans de distance. Je ne pouvais m'en séparer ni le jour ni la nuit, et je n'aurais pas dormi tranquille si je ne l'avais eue à coté de moi, dans mon petit lit." Sa vue était la plus gracieuse de ses distractions et le plus sûr remède à ses larmes. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


25 La vérité est que Mr Vianney encore enfant ne quittait les genoux de sa mère que pour aller se prosterner devant sa chère image de Marie, dans un angle retiré du logis, et c'est alors que la prière jaillissait de son coeur, avec une abondance toute céleste, dont ses parents étaient parfois bienheureux de surprendre le secret. Un jour à l'âge de quatre ans, il disparut sans qu'on pût savoir ce qu'il était devenu. Sa mère craignant un malheur, le chercha longtemps avec une anxiété croissante. A la fin, elle l'aperçut immobile, à genoux dans un coin de l'étable, priant avec ferveur. Cette mère chrétienne, tout en lui témoignant la peine qu'elle avait ressentie de son absence, ne put s'empêcher d'admirer les heureuses dispositions que Dieu avait mises en son fils. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


26 La vérité est que le jeune Vianney ne semblait avoir aucun des goûts de son âge. Avec quelle angélique piété, avec quel recueillement au-dessus de son âge il assistait au saint sacrifice! Loin de se faire presser pour l'accomplissement de ce devoir comme il arrive à tant d'autres, il était le premier à solliciter cette faveur. Témoins de cet empressement et de sa piété, les voisins disaient aux parents de Mr Vianney: Il faut faire de votre fils un prêtre. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


27 La vérité est que Mr Vianney appelé à son tour à garder le petit troupeau de son père, savait tout en veillant sur les animaux i confiés à ses soins, s'occuper de Dieu et des choses de Dieu. Après avoir déposé sa chère madone sur un autel de gazon et lui avoir offert le premier ses hommages, il invitait ses camarades à en faire autant. Il ne se sentait pas de joie quand il voyait ses compagnons à genoux autour de l'image vénérée. Après avoir, récité la salutation angélique avec une ferveur communicative, il se levait gravement et se mettait à prêcher à la troupe recueillie la dévotion à la très sainte Vierge. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


28 La vérité est que pour prier plus à son aise, il se retirait souvent à l'écart, et après avoir installé sa chère statue dans le creux d'un arbre, il se mettait à genoux et passait à ses pieds de longues heures en prières. Souvent pour le faire avec plus de recueillement et de liberté d'esprit, il confiait son troupeau à la garde du plus raisonnable de ses compagnons, à qui il promettait de rendre une autre fois le même service; puis il cherchait l'endroit le plus retiré du vallon, s'enfonçait dans les taillis et les hautes herbes afin d'être à l'abri de toutes les surprises et de satisfaire son amour de la prière et de la contemplation. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


29 La vérité est que Mr Vianney un peu plus âgé et occupé aux travaux de la campagne ne perdait pas de vue la présence de Dieu; il priait en allant au travail et en revenant à la maison paternelle; il priait encore pendant le travail. "Quand j'étais seul aux champs avec ma pelle, ou ma pioche à la main, a dit souvent le Curé d'Ars, je priais tout haut; mais quand j'étais en compagnie, je priais à voix basse." Souvent il répétait combien il était heureux dans ce temps-là, parce qu'il pouvait tout à son aise prier Dieu. "Je n'avais pas la tête cassée comme à présent, ajoutait-il; c'était l'eau du ruisseau qui n'a qu'à suivre sa pente." Ainsi qu'il sera déposé, etc.


30 La vérité est que quoiqu'il eût été pendant le jour occupé à des travaux très pénibles pour son âge, on le voyait, le soir, étudier au flambeau son catéchisme, ses évangiles des Dimanches et ses prières, et quand il les savait par coeur, les méditer gravement, et ne suspendre sa studieuse application que lorsque, vaincu par le sommeil, il était forcé d'accorder à la nature quelque soulagement. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


31 La vérité est que dans ce temps, Mr Vianney entendait la sainte Messe toutes les fois qu'il le pouvait. On le voyait à genoux dans un coin, les yeux baissés, le corps immobile, abîmé dans une profonde contemplation. Sa dévotion était si sensible, qu'il lui arrivait souvent de répandre d'abondantes larmes. Après la messe, il ne manquait jamais de faire une petite action de grâces, tourné vers l'autel où repose le Saint-Sacrement; puis il allait s'agenouiller devant l'image de la Sainte Vierge, et il revenait à son ouvrage le visage épanoui, le coeur content. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


32 La vérité est que Mr Vianney fit sa première communion avec de grands sentiments de foi et avec une tendre piété. On était alors à la fin de cette grande révolution qui avait proscrit le culte de Dieu. Il fallait encore prendre des précautions et célébrer en secret l'auguste sacrifice de nos autels. Mais ces précautions qu'il fallait prendre pour se dérober aux soupçons, en rappelant l'ère des persécutions, n'en impressionnait que plus fortement l'âme du jeune homme qui était admis pour la première fois à la participation du pain des forts. C'est ce qui arriva pour notre jeune Vianney, et après sa première communion on le vit plus fervent qu'auparavant. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


33 La vérité est que Mr Vianney, aussitôt après sa première communion, avait senti se raviver dans son coeur le désir de se consacrer à Dieu dans la carrière ecclésiastique. "Si j'étais prêtre un jour, disait-il, je voudrais gagner bien des âmes au bon Dieu." Il s'en ouvrit à ses parents, mais les temps paraissaient mal choisis pour réaliser ce projet. On lui dit d'attendre. Le jeune Vianney attendit, bien convaincu que ce que Dieu voulait, arriverait tôt ou tard. Il plaça donc sa vocation sous la garde de l'obéissance et de la prière. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


34 La vérité est que le jeune Vianney sentant se réveiller plus fortes que jamais ses aspirations à la carrière ecclésiastique, sollicita et obtint de ses parents la permission de commencer les études nécessaires auprès de Mr Balley, Curé d'Ecully. Le Concordat de mil huit cent un venait de rouvrir nos églises. Le jeune Vianney se mit à l'étude avec toute l'ardeur que la foi et le désir, de sauver les âmes peuvent inspirer. Mais comme si Dieu eut voulu rendre plus impossible à son serviteur toute tentation de vaine gloire, pour le détacher encore plus de lui-même, il permit qu'il rencontrât beaucoup de difficultés dans la carrière où sa voix l'appelait, et qu'il se heurta contre des obstacles presque insurmontables. Sa conception était lente, sa mémoire ingrate, ses progrès peu sensibles. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


35 La vérité est que le jeune Vianney se trouvant si dénué des facultés sans lesquelles il ne pouvait espérer de voir s'ouvrir pour lui la sainte carrière à laquelle il aspirait, songea à recourir à l'emploi direct des moyens surnaturels, pour triompher des obstacles qui entravaient la marche de ses études. Après avoir pris conseil de son directeur, il fit voeu d'aller à pied, en donnant l'aumône, au tombeau de St François-Régis, afin d'intéresser en sa faveur l'apôtre du Vivarais, et d'obtenir la grâce d'en savoir assez pour devenir lui aussi un bon et fidèle ouvrier du Seigneur. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


36 La vérité est que les prières du jeune Vianney furent exaucées. St Jean François Régis, auquel, par reconnaissance, il a depuis voué un culte spécial, lui obtint de Dieu la grâce qu'il demandait, au point d'étonner son maître et ceux qui avaient le plus désespéré du succès. A dater de ce jour, l'élève fit assez de progrès pour persuader son maître qu'il pourrait acquérir le suffisant. Le jeune Vianney se remit à l'étude avec toute l'ardeur dont il était capable. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


37 La vérité est que Dieu ménageait à son serviteur bien d'autres épreuves avant qu'il pût atteindre le but de ses études. Il se vit d'abord tout à coup obligé de les interrompre. On avait omis de porter son nom parmi les aspirants au sacerdoce... Il se vit forcé de partir pour rejoindre son régiment, et il l'aurait rejoint de fait, sans le concours de plusieurs circonstances, qu'il est inutile de mentionner. Dieu permit sans doute sa retraite aux Noës pour faire éclater la foi et les autres vertus de son serviteur. Tout le monde en effet dans cette paroisse n'eut qu'une voix pour proclamer les vertus du jeune Vianney. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


38 La vérité est que rentré dans sa famille après quatorze mois d'absence, Mr Vianney put reprendre ses études. Il sut édifier de nouveau la paroisse d'Ecully par sa grande foi et sa piété. Il sut pareillement édifier ses condisciples au petit et au grand séminaire par la pratique de toutes les vertus et surtout par sa grande foi. C'est à son grand esprit de foi, qui se montrait dans toute sa conduite, qu'il dut d'être admis aux ordres sacrés. Sa science acquise semblait ne pas être au niveau que les directeurs exigeaient: aussi hésitaient-ils sur son appel. Le Vicaire Général consulté là-dessus, demanda si le jeune Vianney était pieux. Quand il sut de la bouche, des directeurs qu'il était un modèle de piété; "Eh bien, je le reçois, reprit-il; la grâce divine fera le reste." Ainsi qu'il sera déposé, etc.


39 La vérité est que Mr Vianney montra pendant les ordinations un si grand esprit de foi que ses condisciples en ont été singulièrement frappés. Mr Millon, Curé de Bény, eut le bonheur d'être à côté de lui pendant l'ordination du sous-diaconat. Tout le temps que dura la cérémonie, le spectacle de la piété de son condisciple agit puissamment sur son coeur; sa présence lui fut une exhortation vivante et sa physionomie un miroir où se réfléchissaient les joies du ciel. Quand les ordinands se relevèrent après la prostration, le visage de Mr Vianney lui parut resplendissant. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


40 La vérité est que Mr Vianney aussitôt après son ordination à la prêtrise fut nommé vicaire de la paroisse d'Ecully. Son arrivée fut un jour de fête pour la paroisse. Riches et pauvres s'estimaient heureux de retrouver dans le nouveau vicaire ce jeune, homme qu'ils avaient vu si modeste et si pieux quand il étudiait chez leur bon Curé. "Nous l'aimions bien alors, disaient-ils; il nous édifiait par toute sa conduite: que sera-ce maintenant qu'il est prêtre?" Ils ne se trompaient pas. La réception du sacerdoce avait produit dans Mr Vianney une augmentation de foi, de charité et des autres vertus, et il en donna bien des preuves pendant son séjour à Ecully. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


41 La vérité est que Mr Vianney nommé à la Cure d'Ars en prit possession le neuf février mil huit cent dix-huit. On assure qu'en apercevant les toits des maisons de sa paroisse, il se mit à genoux pour appeler sur elle les bénédictions du Ciel. Malgré le soin que le nouveau Curé prenait de se cacher, ses nouveaux paroissiens ne tardèrent pas à remarquer ce qu'il ne pouvait cacher, la vivacité de sa foi, sa piété au saint autel et son recueillement dans la prière. "Avez-vous remarqué notre nouveau Curé, se disaient-ils? Comme il prie avec ferveur! Comme il est pieux! Ce n'est pas un homme comme un autre; il y a quelque chose d'extraordinaire; on nous a envoyé un saint." Ainsi qu'il sera déposé, etc.


42 La vérité est que Mr Vianney, pour renouveler sa paroisse, eut recours, dès son arrivée, aux moyens que nous fournit la foi. Il commença par la prière. Il sembla choisir l'église pour sa demeure. On le voyait passer de longues heures prosterné au milieu du sanctuaire dans l'immobilité la plus complète. Il se baignait, suivant son expression, dans les flammes de l'amour, devant Notre Seigneur présent au saint autel. Il entrait à l'église avant l'aurore et il n'en sortait qu'après l'angelus du soir. C'était là qu'il fallait aller le chercher; on était sûr de l'y trouver. Ses paroissiens remarquaient qu'avant de commencer son office, et de temps en temps pendant la récitation de son office, il fixait ses regards sur le tabernacle avec un sourire qui faisait plaisir. On aurait dit qu'il voyait Notre Seigneur. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


43 La vérité est que dans ses longues oraisons devant le St Sacrement, le Curé d'Ars ne cessait de prier pour la conversion des pécheurs et pour la persévérance des justes. Il conjurait sans cesse le Dieu de toutes miséricordes de répandre ses grâces sur ceux qui ont le malheur de ne pas le connaître, et il souffrait en esprit de sacrifice pour leur conversion. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


44 La vérité est que pour ramener ses paroissiens à la pratique des devoirs religieux, le Curé d'Ars joignit à la prière, la prédication de la parole de Dieu, qui est ce glaive à deux tranchants qui pénètre jusqu'au fond du coeur. Il attachait à cette fonction du saint ministère une très grande importance. Il s'y préparait par un travail opiniâtre. Rien ne lui coûtait pour se mettre en état de le faire avec la force et l'éloquence dont il était capable. Comme il prêchait aussi d'exemple, il impressionnait fortement ses auditeurs. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


45 La vérité est que le Curé d'Ars connaissant les richesses immenses que Notre Seigneur nous a préparées dans le très saint Sacrement, chercha dès le commencement à établir dans son église l'adoration perpétuelle. Grâce au concours que lui prêtèrent quelques personnes, il parvint à réussir dans une entreprise qui paraissait impossible dans une aussi petite paroisse. On vit donc bientôt dans la petite église d'Ars, naguère abandonnée comme le sont tant de pauvres églises de campagne, des personnes à toute heure du jour rendre à Notre Seigneur dans l'auguste sacrement de nos autels les hommages qui lui sont dus. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


46 La vérité est que le Curé d'Ars non content d'avoir amené ses paroissiens à fréquenter les offices du Dimanche, à assister à la prière du soir, qui dès lors devint un exercice, de tous les jours, voulut aussi les porter à s'approcher plus souvent du St Sacrement de l'autel. Il avait joui de ce triomphe à Ecully; mais à Ars la pratique de la fréquente communion n'était pas connue. Le zélé pasteur en gémissait: "Ah! disait-il, si je pouvais voir une fois notre divin Sauveur connu et aimé! Si je pouvais distribuer son très saint corps tous les jours à un grand nombre de fidèles, que je serais heureux!" Cette consolation, il l'eut bientôt, et ses voeux furent exaucés au-delà de ses espérances. Ainsi qu'il sera déposé, etc.




47 La vérité est que pour assurer le bien commencé et le faire croître, le Curé d'Ars eut soin de faire ériger dans sa paroisse les deux confréries du Saint Sacrement et du St Rosaire. Il finit par enrôler dans ces confréries un très grand nombre de ses paroissiens, et c'est par ce moyen qu'il vint à bout de détruire plus promptement et plus efficacement les abus qui régnaient dans sa paroisse. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


48 La vérité est que Mr le Curé d'Ars put encore assez facilement faire supprimer les deux cabarets qui étaient dans sa paroisse. Il eut plus de peine à obtenir la cessation des oeuvres serviles le Dimanche. Il en vint cependant si bien à bout que personne ne travaillait à Ars le dimanche. On ne vendait pas et on n'achetait pas. Les voitures publiques elles-mêmes n'arrivaient pas et ne repartaient pas le Dimanche. Lorsque cependant la trop grande affluence des pèlerins eut rendu l'arrivée et le départ des voitures nécessaires, elles n'arrivaient qu'à l'entrée du village et c'est de là aussi qu'elles repartaient. Mr Vianney avait obtenu ce résultat par l'ascendant que sa sainteté lui donnait sur tout le monde. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


49 La vérité est que le bon Curé eut plus de peine à détruire l'usage de la danse. Connaissant combien l'entreprise était difficile, il eut recours à son grand moyen, quand il voulait obtenir de Dieu quelques grâces importantes de conversion et de salut. Il redoubla ses mortifications, passa les journées et les nuits en oraison, se prosterna avec une grande abondance de larmes aux pieds de Jésus crucifié, lui demandant par ses cinq plaies d'avoir pitié de son peuple, de faire mourir à l'amour du monde ceux pour l'amour de qui il a daigné mourir sur la croix. Puis il ne craignit pas de dire à son peuple tout ce que la foi et un zèle prudent peuvent dicter, et ses paroissiens finirent par se rendre à la voix de leur pasteur. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


50 La vérité est que Mr Vianney pour en venir là ne se contenta pas de prier et de parler. Un jour il apprend qu'un ménétrier est arrivé dans sa paroisse, et qu'il s'apprête à faire danser. "Mon ami, lui dit-il, vous faites là un vilain métier que le bon Dieu ne peut pas bénir. - Monsieur le Curé, il faut bien vivre. - Oui, mon ami, mais il faut mourir aussi et j'ai quelque crainte qu'à la mort vous ne vous trouviez pas bien d'avoir vécu de la sorte. Tenez, nous allons faire un marché nous deux. Combien vous donne-t-on par jour? - Vingt francs. - En voici quarante; et laissez-nous tranquilles." Ainsi qu'il sera déposé, etc.


51 La vérité est que Mr Vianney après avoir comme renouvelé sa paroisse, ne pouvant plus pour ainsi dire contenir le feu de l'amour de Dieu qui le consumait et désirant le communiquer aux autres, se rendit très volontiers à l'invitation de ses confrères et assista à différentes missions qui se donnaient dans les environs, et prêcha lui-même dans plusieurs paroisses pour le jubilé de mil huit cent vingt-six. Partout il s'acquit la réputation d'un saint. Ce furent ses différents travaux évangéliques hors de sa paroisse, qui le firent connaître et lui amenèrent à Ars d'abord les personnes qui avaient eu le bonheur de s'adresser à lui pendant les missions et les jubilés, puis une multitude d'autres. Le pèlerinage d'Ars était fondé, et le nombre des pèlerins devait s'augmenter chaque année et atteindre les dernières années le chiffre de quatre vingt mille. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


52 La vérité est qu'en même temps que le pèlerinage se fondait, le Curé d'Ars travaillait à orner son église et lui donner un autel convenable. Il consentait bien pour sa part à n'avoir rien; il se complaisait dans la pauvreté; mais sa foi lui faisait désirer pour son divin Maître le luxe et l'éclat des ornements. Il avait la passion du beau dans les choses qui touchaient-au culte divin. Peu à peu il fit construire les différentes chapelles de son église et acheta différents ornements pour le Saint Sacrifice, les plus beaux qu'il pouvait trouver. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


53 La vérité est qu'en apprenant tout ce que son bon Curé avait fait en vue de relever l'honneur du culte dans sa petite église, Mr d'Ars ne voulut pas rester en arrière d'un si beau zèle. Il envoya de Paris pour l'ornement du nouveau maître-autel six chandeliers, deux grands reliquaires et un tabernacle en cuivre doré. Puis vinrent un dais magnifique, de riches bannières, de superbes chasubles et enfin un grand ostensoir en vermeil. Rien ne saurait peindre la joie du bon Curé, lorsqu'il reçut tous ces ornements. Il pourrait donc désormais donner au culte l'éclat convenable. Cette pensée le faisait tressaillir d'allégresse. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


54 La vérité est que Mr Vianney, animé par son grand esprit de foi, chercha toujours à donner à toutes les cérémonies la pompe convenable. Parmi toutes les solennités de l'année, il aimait surtout la fête du St Sacrement. Il voulait que l'on fît les plus beaux reposoirs possibles, qu'on n'épargnât rien pour donner à la procession toute la solennité possible. Son grand bonheur était de pouvoir porter lui-même le très Saint Sacrement. Sa figure paraissait radieuse et indiquait assez les sentiments de foi et d'amour qui pénétraient son âme. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


55 La vérité est que Mr Vianney célébrait le saint sacrifice avec de si grands sentiments de foi qu'il paraissait un Ange au saint Autel. Beaucoup de personnes en suivant les différents sentiments qui paraissaient se presser dans son coeur surtout après la consécration et au moment de la communion ont cru que bien souvent Mr le Curé avait le bonheur de voir Notre Seigneur lui-même. Plusieurs paroles prononcées par le Curé d'Ars sembleraient confirmer cette appréciation. Ce qui est certain, c'est qu'il est impossible de célébrer la sainte Messe avec plus de sentiments de foi, de piété et de religion. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


56 La vérité est que le Curé d'Ars était si pénétré de la présence réelle de Notre Seigneur au très saint Sacrement, qu'il en parlait dans presque toutes ses instructions dans des termes qui arrachaient des larmes à ses auditeurs. Il répétait souvent: "Que nos yeux sont heureux de contempler le bon Dieu!" et il disait ces mots avec un accent si profond et un visage si rayonnant de plaisir qu'on pouvait croire qu'il jouissait de la vue de Notre Seigneur. On voyait de temps en temps passer dans ses yeux des éclairs d'un bonheur que ne saurait donner l'aspect des choses créées. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


57 La vérité est que lorsque Mr Vianney prêchait du pied de l'autel, il était tellement impressionné par la pensée de la présence réelle de Notre Seigneur au saint Sacrement qu'il en perdait presque la respiration et la voix. Son embarras était visible et quelqu'effort qu'il fît pour parler d'autre chose, il en revenait toujours à ce grand objet. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


58 La vérité est que Mr Vianney administrait tous les sacrements avec de si grands sentiments de foi que tous les assistants en étaient frappés. Combien de pécheurs ont dû leur conversion aux paroles pleines de feu qu'ils entendaient de la bouche du Curé d'Ars au saint tribunal! Ce que Mr Taillade dit dans ses notes, combien d'autres pourraient le répéter après lui! "J'ai eu le bonheur d'assister à deux administrations qu'il a faites des derniers sacrements, et je puis assurer, dit-il, que je n'ai jamais entendu discourir de l'autre vie avec une telle conviction, une telle foi. On eût dit qu'il apercevait des yeux du corps les choses dont il parlait. Il inspirait à tous les assistants le désir de mourir entre ses bras. Ses paroles de feu faisaient passer les sentiments de son coeur dans l'âme des pauvres malades, qui voyaient arriver avec une sainte confiance le moment de leur délivrance." Ainsi qu'il sera déposé, etc.


59 La vérité est que c'est par suite de ce même esprit de foi que le Curé d'Ars parlait si souvent du prêtre et des bienfaits que les fidèles en reçoivent. Après avoir montré la puissance du prêtre dans l'administration des sacrements, il ne craignait pas de dire: "Le prêtre ne se comprend bien que dans le ciel... Si on le comprenait sur la terre, on mourrait, non de frayeur, mais d'amour, le sacerdoce, c'est l'amour du coeur de Jésus. Quand vous voyez le prêtre, pensez à Notre Seigneur Jésus Christ." Ainsi qu'il sera déposé, etc.


60 La vérité est que Mr Vianney en parlant de Dieu, du Ciel, semblait voir ce qu'il disait. Dans les catéchismes qu'il faisait chaque jour, dans les instructions de chaque dimanche, il ne cessait de revenir sur ces sujets favoris. Il disait souvent: "Être aimé de Dieu, être uni à Dieu, vivre en la présence de Dieu, vivre pour Dieu: oh! belle vie... et belle mort!" "Tout sous les yeux de Dieu, tout avec Dieu, tout pour plaire à Dieu... Oh! que c'est beau! Allons, mon âme, tu vas converser avec le bon Dieu, travailler avec lui, marcher avec lui, combattre et souffrir avec lui. Tu travailleras, mais il bénira ton travail; tu marcheras, mais il bénira tes pas; tu souffriras, mais il bénira tes souffrances. Qu'il est grand, qu'il est noble, qu'il est consolant de tout faire en la compagnie et sous les yeux du bon Dieu! De penser qu'il voit tout, qu'il compte tout." En disant ces paroles et d'autres semblables, il semblait n'être déjà plus sur la terre. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


61 La vérité est que vaincu par son émotion, le bon Curé était souvent obligé de s'arrêter. Quelquefois son discours n'était qu'un cri sublime d'amour, de joie ou de douleur. Un jour qu'il expliquait l'évangile du deuxième dimanche de Carême, le ravissement des apôtres sur le Thabor réveillant en lui l'idée du bonheur de l'âme appelée à jouir de la sainte humanité de notre Seigneur dans la claire vision du Ciel, il s'écria, transporté hors de lui-même: "Nous le verrons! Nous le verrons!... O mes frères, y avez-vous jamais pensé? Nous verrons Dieu! Nous le verrons tout de bon! Nous le verrons tel qu'il est, face à face!" Et pendant un quart d'heure, il ne cessa de répéter: Nous le verrons! nous le verrons!!! et il versait des larmes de bonheur. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


62 La vérité est qu'en 1830, ayant appris que sur plusieurs points de la France on avait abattu les croix: "Ils auront beau faire, s'écria-t-il au milieu de son catéchisme, dans un mouvement de sublime indignation, qui impressionna vivement son auditoire, ils auront beau faire! La croix est plus forte qu'eux, ils ne la renverseront pas toujours: Quand Notre Seigneur paraîtra sur les nuées du Ciel, ils ne l'arracheront pas de ses mains!" Ainsi qu'il sera déposé, etc.


63 La vérité est que sa grande foi lui faisait trouver les comparaisons les plus gracieuses pour peindre le bonheur d'une âme en état de grâce. Il disait par exemple: "Comme une belle colombe blanche qui sort du milieu des eaux et vient secouer ses ailes sur la terre, l'Esprit Saint sort de l'océan infini des perfections divines, et vient battre des ailes sur les âmes pures, pour distiller en elles le baume de l'amour. Le Saint Esprit repose dans une âme pure, comme, sur un lit de roses. Une âme pure est comme une belle perle. Tant qu'elle est cachée dans un coquillage au fond de la mer, personne ne songe à l'admirer. Mais vous la montrez au soleil, cette perle brille et attire les regards. C'est ainsi que l'âme pure, qui est cachée aux yeux du monde, brillera un jour devant les anges, au soleil de l'éternité." Il se servait de beaucoup d'autres comparaisons. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


64 La vérité est que la foi inspirait à Mr Vianney les plus belles pensées sur l'action du St Esprit dans les âmes. C'était un des sujets qu'il traitait avec une sorte de prédilection, et sur lequel on peut dire qu'il a été le plus magnifiquement inspiré. Selon le Curé d'Ars, le St Esprit est notre conducteur. L'homme n'est rien par lui-même, mais il est beaucoup avec l'Esprit Saint. L'homme est tout terrestre et tout animal; il n'y a que l'Esprit Saint qui puisse élever son âme et le porter en haut... Une âme qui a le Saint Esprit ne s'ennuie jamais en la présence de Dieu: il sort de son coeur une transpiration d'amour. Sans le Saint Esprit nous sommes comme une pierre du chemin... Prenez dans une main une éponge imbibée d'eau, et dans l'autre un petit caillou; pressez-les également. Il ne sortira rien du caillou, et de l'éponge vous ferez sortir de l'eau en abondance. L'éponge, c'est l'âme remplie du Saint Esprit, et le caillou, c'est le coeur froid et dur où le St Esprit n'habite pas... Le bon Curé d'Ars avait dans ses catéchismes et ses homélies d'autres pensées non moins remarquables. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


65 La vérité est que sur la prière le Curé d'Ars trouvait les plus aimables et les plus ingénieuses comparaisons. La prière est une rosée embaumée, mais il faut prier avec ferveur et avec un coeur pur pour sentir cette rosée. La prière dégage notre âme de la matière; elle l'élève en haut comme le feu, qui gonfle les ballons. Plus on prie, plus on veut prier. C'est comme un poisson, qui nage d'abord à la surface de l'eau, qui plonge ensuite, et qui va toujours plus avant. L'âme se plonge, s'abîme, se perd dans les douceurs de la conversation avec Dieu. Le temps ne dure pas dans la prière. Je ne sais pas si on peut désirer le Ciel? Oh! oui... Le poisson, qui nage dans un petit ruisseau, se trouve bien parce qu'il est dans son élément; mais il est encore mieux dans la mer... Le Curé d'Ars avait sur ce sujet beaucoup d'autres pensées également belles. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


66 La vérité est que Mr le Curé d'Ars repoussait les tentations avec les pensées de la foi. Au milieu des contradictions auxquelles il était en butte, il s'appuyait sur les pensées de la foi pour se consoler et se donner du courage. Il faut demander l'amour des croix, disait-il: alors elles deviennent douces. J'en ai fait l'expérience pendant quatre où cinq ans. J'ai été bien calomnié, bien contredit, bien bousculé. Oh! j'avais des croix... J'en avais presque plus que je n'en pouvais porter! Je me mis à demander l'amour des croix... Alors je fus heureux. Je me dis: Vraiment il n'y a de bonheur que là... Il ne faut jamais regarder d'où viennent les croix: elles viennent de Dieu. C'est toujours Dieu qui nous donne ce moyen de lui prouver notre amour. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


67 La vérité est que le Curé d'Ars disait encore sur le même sujet: "Les contradictions nous mettent au pied de la croix, et la croix à la porte du ciel. Pour y arriver, il faut qu'on nous marche dessus; que nous soyons vilipendés, méprisés, broyés... Il n'y a d'heureux dans ce monde que ceux qui ont le calme de l'âme, au milieu des peines de la vie; ils goûtent la joie des enfants de Dieu... Toutes les peines sont douces, quand on souffre en union avec Notre Seigneur. Souffrir! Qu'importe? ce n'est qu'un moment. Si nous pouvions aller passer huit jours dans le Ciel, nous comprendrions le prix de ce moment de souffrance. Nous ne trouverions pas de croix assez lourde, pas d'épreuve assez amère." L'amour des souffrances est un sujet sur lequel le Curé d'Ars revenait souvent et sur lequel il disait des choses magnifiques. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


68 La vérité est que Mr Vianney semble avoir pendant toute sa vie pratiqué à la lettre ce que le Saint Esprit dit du juste. Mon juste vit de la foi. La foi était le grand mobile de toutes les actions du Curé d'Ars; c'était toute sa science. Elle lui expliquait tout, et il expliquait tout par elle. Un prêtre venant d'entendre le catéchisme de Mr Vianney ne put s'empêcher de dire: "Quelle foi! Il y aurait de quoi enrichir tout un diocèse." Ainsi qu'il sera déposé, etc.


69 La vérité est que Mr Vianney dans sa première maladie de 1843 entendant les quelques ecclésiastiques réunis autour de lui décider qu'ils assisteraient seuls à l'administration des derniers sacrements qu'on allait lui faire, et qu'on ne sonnerait pas les cloches pour ne pas augmenter le trouble et la désolation des habitants: Allez faire sonner, dit le malade, ne faut-il pas que les paroissiens prient pour leur Curé? Et il reçut les derniers sacrements avec les plus grands sentiments de foi. Le lendemain le bon Curé se trouva mieux, il fut même bientôt rétabli. Sa guérison parut à tous merveilleuse; la voix publique l'attribua à Ste Philomène. Ainsi qu'il sera déposé, etc.


70 La vérité est que Mr Vianney montra les plus grands sentiments de foi, la piété la plus tendre, lorsque dans sa dernière maladie il eut le bonheur de recevoir les derniers sacrements. Ceux qui en ont été témoins n'en perdront jamais le souvenir. Ainsi qu'il sera déposé, etc.





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