Pie XII 1939 - ALLOCUTION A S. EM. LE CARDINAL HLOND, ARCHEVÊQUE DE GNIEZNO ET POZNAN ET AUX POLONAIS RÉSIDANT A ROME


DISCOURS POUR L'INAUGURATION DE LA NOUVELLE ANNÉE JUDICIAIRE DE LA SACRÉE ROTE ROMAINE

(2 octobre 1939)1

Recevant les auditeurs, officiers et avocats de la Sacrée Rote romaine au commencement de la nouvelle année judiciaire, le Saint-Père leur a adressé le discours suivant, riche de sagesse juridique et de sollicitude pastorale :

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 333.



Grandeur du sacerdoce des auditeurs...

Votre présence, chers fils, Nous est particulièrement agréable, ainsi que la voix grave et prudente de votre digne et si méritant doyen, dont les souhaits étaient associés aujourd'hui, avec l'inauguration de la nouvelle année, aux vastes soucis confiés à l'illustre Collège des auditeurs de la Sacrée Rote romaine pour le resplendissement de la justice dans le monde catholique. Dans cette inauguration, il Nous est agréable de vous accorder la bénédiction invoquée par vous avec la plénitude de Notre affection paternelle ; elle s'associe dans Notre esprit et dans Notre coeur avec la vision de l'année écoulée et le souvenir de la figure vénérable de Notre inoubliable et incomparable prédécesseur sous la bienveillante protection de bénédictions et d'autorité duquel elle avait commencé. Nous avons hérité de lui — et en même temps, réenflammé en Nous — l'affection qu'il nourrissait pour vous, cette affection de haute estime qui vous est due à un double titre : comme prêtres du tribunal de la justice et comme prêtres de l'autel de la foi. N'est-ce pas un très noble sacerdoce — comme on l'a déjà bien remarqué — itidem nobilissium sacerdotium 2, que de servir la justice et de la définir, comme pensaient aussi les grands jurisconsultes de Rome ? Vous approchez de ce sacerdoce revêtu du noble sacerdoce de l'autel ; et à l'autel, dans les rites des solennités pontificales, vous servez et vous êtes assis sur les gradins au pied du trône papal, comme des sentinelles qui répètent au Vicaire du Christ : la justice et le jugement sont la base de votre trône. Iustitia et iudicium praeparatio sedis tuae (Ps 88,14).

2 Const. apost. Ad incrementum, 15 août 1934.



... et de l'histoire de la Rote.

Dans vos nobles titres de prélats domestiques et de familiers du Souverain Pontife perdure et vit le double office que Nos prédécesseurs au cours des siècles vous ont assigné de chapelains auditeurs des causes du sacré Palais apostolique, quand l'antique sagesse romaine du droit, illuminée et soutenue par le flambeau de la justice chrétienne, sortit du fervent travail du moyen âge pour briller et resplendir dans les esprits autour du trône pontifical et des chaires élevées par les papes dans les nations. Une glorieuse histoire accompagne l'existence de la Sacrée Rote romaine, tribunal collégial ordinaire du Siège apostolique ; une histoire consignée dans de nombreux volumes pour l'étude des sages clercs et laïcs qui étudient ses décisions, fruit du mariage entre la raison juridique des Romains et la foi de l'Eglise. Ces souvenirs de votre haute dignité et de votre gloire passée sont réveillés aujourd'hui en Nous par votre présence comme aussi par l'éloquent discours dans lequel votre doyen, après avoir justement commémoré le trentième anniversaire du rétablissement de la Rote par les soins du grand pape Pie X, de sainte mémoire, nous a exposé les résultats importants obtenus par l'étude laborieuse que vous avez faite des nombreuses causes confiées à vos soins ; de cette manière vous ajoutez à l'ancien un nouveau lustre d'honneur et de louange.



Sagesse de ses décisions...

Vos décisions sont un hymne à la justice, à cette justice que tous invoquent, que tous louent, que tous exaltent, et qu'aussi Nous voyons si souvent et gravement foulée aux pieds dans la vie privée, dans la vie publique et dans les rapports entre les nations, à cette justice que « le Maître de ceux qui savent » compare aux astres et déclare plus admirable et plus brillante que l'aurore et le crépuscule ! 3 Si la justice est la fermeté des trônes humains (Pr 16,12), si caduques que soient leur puissance et leur stabilité, elle n'en est pas moins le fondement nécessaire du royaume de Dieu qui se tient à l'intérieur de l'homme, où la chair dresse des embûches à l'esprit, où les passions et la malice sont en lutte avec la raison et la foi et où on ne remporte la victoire que dans la soumission consciente et loyale à un jugement et à un conseil de vrai bien.



surtout en ce qui concerne le mariage.

Parmi les sentences émanées de la Rote romaine viennent en premier lieu, par le nombre, les sentences matrimoniales, qui regardent la dignité et l'inviolabilité de ce sacrement qui est grand dans le Christ et dans l'Eglise. L'amour et l'union du Christ avec l'Eglise est lien sublime de l'époux et de l'épouse, communauté de sainteté, fécondité des bienheureux, inséparabilité de la vie éternelle. Le Christ avec son Eglise militante est vainqueur jusqu'à la consommation des siècles ; avec l'Eglise souffrante il est miséricordieux et réconfortant par les mérites infinis de son sang divin ; avec l'Eglise triomphante il couronne ses victoires dans les luttes du monde. Ces noces mystiques du Christ et de l'Eglise, indissolubles à travers les routes du salut dans le monde et dans l'au-delà, impriment comme un sceau leur haute image sur le mariage chrétien ; elles l'élèvent dans la lumière du sacrement qui sanctifie dans le monde entier les affections, la communauté de vie et les berceaux de la famille catholique, partout où les hérauts de la foi plantent une croix et initient au bain de régénération. Nous ne pouvons toutefois dissimuler que si, d'une part, le nombre notable des causes matrimoniales atteste que la famille universelle du Christ et de l'Eglise s'accroît, se multiplie et s'étend de Rome aux extrémités du globe, où il y a des âmes à libérer, à réconforter, à pacifier, à sauver et à pousser à la confiance et au bien, d'autre part, il manifeste la décadence des saines traditions dans de nombreux pays, et la légèreté, parfois aussi — Nous le disons avec douleur — la malice avec laquelle certains contractent ou font semblant de contracter le saint mariage.

L'universalité, que l'affluence des causes venant de toutes les nations de la terre donne au Tribunal de la Rote romaine, est la gloire de sa sagesse et de sa prudence, et en même temps le sceau de l'unité de l'Eglise fondée sur Pierre, au nom de qui il rend la justice avec sa jurisprudence autorisée, qui s'est déjà acquise tant de louanges dans le monde ; ses sentences, de quelque côté qu'on les regarde, de près ou de loin, de bas ou de haut, ne distinguent pas, par rapport à la vérité et à la justice, entre les petits et les grands. La pauvreté et la richesse ne pèsent pas sur ses balances et ne la font pas trébucher. Riches et pauvres sont regardés avec un même regard face à la justice, aux passions ou aux artifices qui lui dressent des embûches ; et si dans le traitement des causes triomphe un privilège, ce n'est pas celui des riches et des puissants, mais celui des pauvres et des petits qui obtiennent la défense ou l'assistance gratuites, généreux devoir auquel sont tenus les avocats de ce tribunal. Supérieure à tout soupçon dans son appréciation et dans son jugement, la Sacrée Rote romaine, vengeresse de la justice, connaît aussi la variabilité des coeurs et des sentiments humains, la fraude d'une pensée qui diffère des mots prononcés par les lèvres ; pour élever les âmes au Christ elle élève haut le cri de la foi, de l'inviolabilité de la droite conscience et de la juste liberté humaine, de la sainteté et de l'unité des noces.

De cette manière le monde reconnaît, dans ce tribunal ordinaire, les réponses des jurisconsultes et les constitutions des Césars unies aux canons des succeseurs de Pierre ; et Rome, mère du droit, continue à en être la maîtresse des rives du Tibre aux extrémités de la terre, en enseignant et en promouvant un droit humano-divin, rayon émané du Verbe divin fait homme, dont la clarté est marquée dans notre raison et dont la lumière illumine tout homme qui vient dans ce monde. N'en est-ce pas aussi une preuve et une attestation le Studium annexé à ce tribunal, et le nombre croissant des jeunes gradués en droit canon et des prêtres qui de toutes les parties du monde y accourent sous la direction du Promoteur de justice ?

Heureux par conséquent, même en des temps aussi orageux, d'inaugurer la nouvelle année judiciaire de la Sacrée Rote romaine, Nous Nous réjouissons vivement de vous avoir pour la première fois autour de Nous. Le discours que Nous adressons à votre antique et très noble Collège n'est pas, comme vous le voyez bien, un avertissement, mais une louange méritée et fortifiée par le passé, par vos travaux récents et infatigables, par votre disposition d'esprit présente et future à procéder et à poursuivre dans le chemin fatigant et glorieux de la justice avec cette prudente expérience propre à votre Collège qui, tout en exaltant la justice, n'humilie pas mais exalte en même temps la miséricorde et la charité.






ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE DE LITHUANIE

(18 octobre 1939) 1

Voici le texte de l'allocution que le Souverain Pontife prononça, le 18 octobre, répondant à S. Exc. le Dr Stanislas Girdvainis, nouvel envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Lithuanie, lors de la présentation de ses lettres de créance :



Heureux est pour Nous ce jour qui voit, après une période d'interruption, un envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République lithuanienne présenter ici ses lettres de créance. Nous ne doutons pas que les catholiques de votre pays saluent cet événement avec une joie sincère et une intime adhésion de coeur.

Tandis que des changements dramatiques se produisent dans la structure politique de l'Europe et dans l'état d'âme des nations à l'égard les unes des autres, le peuple lithuanien vient au centre de la chrétienté affirmer son attachement résolu aux devoirs et aux buts que lui assignent sa volonté nationale de vivre et sa tradition religieuse.

Ce peuple catholique, toujours si présent à Notre amour paternel et à Notre sollicitude pastorale, voit dans l'acte qui s'accomplit aujourd'hui un heureux gage d'avenir : le signe que les relations du gouvernement lithuanien avec le Saint-Siège entrent dans une phase nouvelle, durant laquelle les questions encore pendantes quant aux rapports de l'Eglise et de l'Etat pourront bientôt trouver, dans un esprit de sagesse et d'équité, une harmonieuse solution, favorable au libre développement de la vie religieuse dans la nation.

Veuillez, Monsieur le ministre, vous faire auprès de S. Exc. M. le président de la République l'interprète de la profonde satisfaction avec laquelle Nous avons accueilli les pensées et les intentions exprimées en son nom — lui donnant l'assurance que Nous Nous estimerons heureux d'aboutir, sur tous les terrains et dans tous les sujets concernant la situation respective de l'Eglise et de l'Etat, à ces justes arrangements qui naissent d'une loyale confiance et qui permettent de part et d'autre, à chacun des deux pouvoirs, l'exercice normal et tranquille de son action.

« Avant-poste septentrional de la catholicité », ainsi avez-vous désigné, Monsieur le ministre, le pays dont vous êtes le fils, et, dans un rang si élevé, le serviteur. Ces mots jaillis de vos lèvres montent du coeur même de votre peuple, traditionnellement dévoué au Saint-Siège ; ils sont pour la Lithuanie un titre d'honneur. En eux vibre l'accent d'une volonté décidée à toujours rester intimement et se montrer extérieurement, par ses oeuvres, digne de ce titre et du rôle qu'il exprime — même si le sacrifice devenait la rançon nécessaire à l'affirmation et à la réalisation d'un tel idéal.

Conscient des devoirs propres à Notre charge de Pasteur suprême, Nous ne laisserons pas — sans en être requis — Notre action toujours orientée vers le salut des âmes s'engager dans les controverses purement temporelles et les compétitions territoriales entre les Etats. Mais le devoir même de cette charge ne Nous permet pas de fermer les yeux ; lorsque, précisément pour le salut des âmes, surgissent de nouveaux et incommensurables dangers ; lorsque sur la face de l'Europe, chrétienne dans tous ses traits fondamentaux, s'allonge, chaque jour plus menaçante et plus proche, l'ombre sinistre de la pensée et de l'oeuvre des ennemis de Dieu. En pareilles circonstances, plus qu'à aucune autre période de son histoire, la préservation, la culture et au besoin la défense de l'héritage chrétien acquièrent, pour les destinées futures de l'Europe et la prospérité de chacun de ses peuples, grand ou petit, une importance décisive.

L'Etat, qui avec une noble hauteur de vues, reconnaît la liberté convenable à l'expansion et à la pratique de la doctrine du Christ, se prépare ainsi des réserves de force spirituelle, sur lesquelles il pourra compter en toute assurance, quand viendront les heures troubles et difficiles. Partout où pleine liberté est laissée à la doctrine évangélique, le sentiment chrétien pénétrera non seulement l'âme des citoyens, mais les multiples et diverses activités de la vie publique. Et plus la justice chrétienne, la fraternité chrétienne, la charité chrétienne, animent et dirigent les particuliers et les collectivités, plus aussi s'établit au sein des nations et entre elles une atmosphère spirituelle rendant possible, facile même, la solution de bien des problèmes qui, aujourd'hui, paraissent ou sont réellement insolubles.

Si, au milieu des événements actuels, les nations chrétiennes ont un titre particulier à Notre sollicitude et à Notre vigilance pastorale, Nos fils et filles de Lithuanie peuvent comprendre à quel point Nous sommes auprès d'eux. Nous leur sommes uni aussi par Notre inébranlable assurance de leur fidélité et par la confiance en Dieu, dont le secours tout-puissant peut ouvrir à une Europe pacifiée, rendue au sens de la justice, de la fraternité et de sa vocation chrétienne, des routes nouvelles vers le progrès et la prospérité.

Animé de cet espoir, Nous adressons à la nation lithuanienne — gouvernants et gouvernés — Notre salutation émue ; et sur tous ses enfants, spécialement sur Votre Excellence, Nous implorons du fond du coeur les plus abondantes faveurs divines.








ALLOCUTION A LA POPULATION DE CASTELGANDOLFO

(22 octobre 1939)1

Recevant en audience spéciale la population de Castelgandolfo, le Saint-Père lui a adressé les paroles suivantes d'invitation à une prière intense pour la paix dans le monde :



L'accueil plein de dévotion que vous Nous avez fait dès le premier jour où Nous sommes arrivé parmi vous, chers fils et chères filles, Nous a rendu plus doux le séjour dans ce lieu agréable, assuré comme Nous l'étions de Nous trouver entouré de votre piété fervente. Aujourd'hui vous avez voulu accroître la filiale manifestation de votre foi et de votre fidélité au Vicaire du Christ en vous rassemblant autour de Nous. Votre présence, chers fils, guidés par votre zélé archiprêtre et par votre distingué vice-podestà (représentant le podestà absent par suite d'une indisposition imprévue), Nous dit votre affection, Nous manifeste les sentiments de votre vénération. Votre charitable offrande pour les besoins des saintes missions et vos dons exquis, fruit de votre terre et de votre travail, donnent à vos agréables déclarations un témoignage doux, joyeux et charmant, qui en fait éclater ouvertement aux regards l'intime profondeur spirituelle et filiale. Comment ne pourrions-Nous pas et ne devrions-Nous pas les accueillir non seulement avec une satisfaction paternelle, mais aussi avec gratitude, reconnaissance et joie ? Ne sont-ils pas les signes et les symboles des fruits et des fleurs de vos vertus familiales, religieuses et civiles ? Et l'exemple de votre affectueuse dévotion n'est-il pas pour Nous un réconfort et un encouragement pour tous ceux qui viennent d'autres cités et d'autres pays ?

C'est à vous tous, chers fils, que s'adressent Notre esprit et Notre parole reconnaissante. Notre séjour au milieu de vous, qui êtes si pieux et si dévoués, si travailleurs et si paisibles, dans un air si agréable à respirer et si frais, dans ces paysages riants de la nature proche et lointaine, Notre séjour Nous a apporté un intime délassement et cette tranquillité extérieure dont est généreuse la paix des champs pour un esprit plongé dans de graves soucis et des fatigues pastorales.

Cette colline du Latium est pour Nous comme une nouvelle colline vaticane ; ici se transportent avec Nous Nos pensées et Nos craintes, Nos affections et Notre sollicitude de toutes les Eglises. Ici aussi le passé Nous parle de Rome, des restes de la grandeur et de la gloire des Césars. Ici aussi le sol et l'oeuvre de la nature et de l'homme recouvrent un monde disparu ; mais la contemplation du présent ne Nous rend pas oublieux des souvenirs antiques. Nous n'oublions pas qu'ici aussi les pontifes romains ont cherché repos, paix et réconfort ; que Notre vénéré prédécesseur s'est plu à rétablir son esprit et à fortifier sa santé au milieu de vous, à honorer et à réjouir de sa présence ces collines fameuses. En Nous, qui sommes devenu par Notre séjour comme votre concitoyen, est née une affection nouvelle pour vous, une affection de père à l'égard d'une nouvelle famille plus proche qu'il a retrouvée en vous.

Ici est la paix ; tranquille est la terre, tranquille le ciel d'Italie, tranquille le lac tout proche que Nous contemplons. Mais loin d'ici Nous voyons les flots inquiets de la mer refléter les lueurs du soleil, des flots qui sont des images de la tribulation et des tempêtes humaines déchaînées en Europe et dans le monde. Un monde sans paix, un monde qui a besoin de paix, non pas de cette paix qui n'est pas la paix : pax, pax, et non erat pax (Jr 6,14), mais de cette paix qui est, comme le dit le grand père de l'Eglise, saint Augustin : pax hominum, ordinata concordia 2, la concorde ordonnée parmi les hommes ; de cette paix apportée par le Rédempteur naissant aux hommes de bonne volonté, dompteurs et dominateurs d'eux-mêmes dans la vie commune des peuples. Dans l'heure présente de bourrasques et de tempêtes des nations, elle est l'aurore de la paix que l'Eglise du Christ invoque de Dieu dans les litanies : ut regibus et principibus christianis pacem et veram concordiam donare... ut cuncto populo christiano pacem et unitatem largiri digneris.

2 De civ. Dei, lib. XIX, cap. 13.



Chers fils, unissez à la prière si nécessaire et si vivante de l'Eglise vos supplications toujours plus ardentes ; qu'elles s'unissent et montent vers le ciel afin que le Seigneur, auteur et ami de la paix, qui commande aux vagues de la mer et veille sur les conseils des hommes, dissipe dans sa miséricorde le trouble de la guerre, réconcilie les peuples et les nations, protège son Eglise qu'il a faite son épouse avec son sang et, le calme revenu, étende ses pacifiques tentes et ses divins tabernacles sur la face de la terre pour le salut du genre humain. Tel est le saint souvenir que Nous vous laissons à la veille de Nous éloigner de vous et de cette terre de repos salutaire et vivifiant, en accueillant le doux hommage de votre affection, en vous remerciant avec une paternelle complaisance de votre dévotion et de votre piété. Et Nous vous accordons de tout coeur la Bénédiction apostolique, à vos familles, à toutes les personnes proches ou lointaines que vous avez dans le coeur, à toutes vos saintes aspirations et à tous vos travaux, et tout spécialement à cette chère et brave jeunesse que Nous voyons avec joie rassemblée ici.






ALLOCUTION A DES CARABINIERS ROYAUX ET A DES GARDES MÉTROPOLITAINS EN SERVICE A CASTELGANDOLFO

(26 octobre 1939) 1

A l'hommage de respectueux dévouement qui lui fut présenté par les carabiniers royaux et par les gardes métropolitains en service à Castel-gandolfo durant son séjour d'été, le Saint-Père a répondu par les paroles suivantes :



Sur cette colline ensoleillée et aérée, au moment où Nous sommes arrivé à la fin de Notre séjour d'été chargé d'un poids considérable de pensées et d'anxiétés provoquées par la paix troublée des peuples, Notre esprit trouve une consolation dans votre présence, chers fils, troupes choisies des carabiniers royaux et des gardes métropolitains rassemblés autour de Nous, les premiers conduits par le colonel commandant la légion accompagné de ses officiers, les autres par le major commandant la compagnie avec son adjoint et par le commissaire de la sécurité publique. Notre esprit, disions-Nous, trouve consolation en vous parce qu'en vous se trouve la paix des esprits d'Italie, parce que vous êtes les témoins, les gardes de cette paix que Nous voudrions voir resplendir et rasséréner les esprits sur toute la face de la terre.

Ne vous étonnez pas, chers fils, si Nous accueillons vos deux troupes distinctes unies autour de Nous. Ce n'est pas que Nous ayons l'intention de méconnaître la prééminence de l'office, du grade ou du nombre. Mais dans Notre coeur une seule et ardente affection de Père commun vous égalise en vous donnant le doux nom de fils très chers ; votre affection ne vous distingue pas dans Notre esprit et dans la gratitude que Nous vous devons pour la garde extérieure de Notre résidence que vous assurez avec un soin assidu, vigilant et noble. Si un mur vous sépare de la garde plus proche de Notre personne, si ce mur a deux côtés, Notre affection n'a cependant qu'un seul fondement dans lequel vous Nous permettrez de reconnaître non pas un symbole de division, mais un lien d'union avec l'Italie et le monde entier. Notre affection n'a pas de limite ; elle ne connaît ni rancoeur ni haine ; elle palpite pour tous à l'imitation de l'amour infini de notre Maître divin ; elle participe de ce feu apporté par lui en terre, qui se diffuse de façon plus expansive et chaude à l'égard des proches qui l'entourent, des fidèles qui le servent.

Ce voisinage et cette fidélité, Nous les avons retrouvés en vous, voisinage de garde dévouée, fidélité du sentiment religieux. Votre corps, chers carabiniers royaux, le premier de l'armée qui se fait gloire d'un dévouement ancien et sans tache et de l'honneur d'être la garde de l'auguste Souverain d'Italie, Nous a entouré aussi de son renom durant Notre séjour, avec une vigilance qui témoigne d'un grand dévouement et dont votre très agréable présence d'aujourd'hui Nous est un vif témoignage. A vos services et à l'escorte d'honneur que vous faites auprès de Sa Majesté le roi et empereur, vous ajoutez ainsi les mérites du service auprès du Vicaire du Christ, souverain des âmes croyantes parmi lesquelles comptent aussi les vôtres. Qui ne connaît vos sacrifices de jour et de nuit ? Votre promptitude et votre sagacité de protecteurs et de gardiens du bien commun ? Votre regard scrutateur attentif des mouvements d'autrui ? Nous connaissons votre intime et austère sentiment du devoir auquel vous ont formé l'enseignement de vos instructeurs compétents et la foi chrétienne qui vous anime et est la compagne de vos pas.

A cette garde dévouée et à cette religieuse fidélité vous avez aussi pris une grande part, très chers gardes métropolitains, tuteurs et défenseurs de l'ordre public, vous qui dans les chemins du château avez fait preuve de cette surveillance avertie et toujours prête, dont Rome vous loue et dont la sagesse de vos sages supérieurs est la maîtresse.

Vous tous, chers fils, vous avez été les gardiens fidèles de Notre séjour sur la rive de ce fameux lac romain, dans la fraîcheur de cette terre réconfortante qui déjà rétablissait les Césars et les Papes, d'où le regard tourné vers Rome contemple la coupole aérienne de Michel-Ange, couronne sublime du tombeau du prince des apôtres ; vous tous qui vous trouvez autour de Nous, vous sentez qu'un monde nouveau succède au monde antique, qu'aux dieux de marbre sans voix et sans vie a succédé le Dieu qui a fait le ciel et la terre et les beautés vivantes, qui Nous restaure extérieurement afin qu'intérieurement nous allions à Lui, qui sait nous garder exterius et interius 2 ; à Lui qui est le Sauveur, Pllluminateur et le réconfort de nos âmes dans la joie et dans la douleur, dans l'espérance et dans la crainte, dans la paix et dans la lutte, dans la tempête et dans le calme. Il vit et commande à l'extérieur et à l'intérieur de nous. Appliquez-vous, chers fils, à le garder dans votre coeur, à faire de l'amour de son amitié, au milieu des fatigues difficiles de votre grave devoir, votre premier et votre plus élevé devoir de chrétiens vigilants pour les autres et pour vous. De la garde des autres et du bien public, faites la garde de vous-mêmes devant Dieu ; changez votre vie extérieure, votre courage et votre honneur extérieur en honneur, en courage et en vie intérieure dominée par la foi et une religieuse morale ; parce que la religion et la foi n'abaissent pas et n'humilient pas le soldat et le garde, mais exalte sa vertu et sa valeur et en font dans le péril des héros courageux qui ne craignent ni le présent ni l'avenir. Travaillez aussi, comme le recommande l'apôtre Paul à son Timothee (2Tm 2,3) comme des soldats du Christ Jésus, puisque la vie d'ici-bas est un combat extérieur et intérieur et bien plus intérieur qu'extérieur.

Nous vous laissons, chers fils, ce souvenir en prenant congé de vous, souvenir d'un père qui tient du Christ tout son devoir et toute son affection pour vous ; et dans la vive gratitude que Nous vous gardons pour votre garde et pour votre dévouement, Nos remerciements et le désir ardent de votre bien s'élèvent plus haut que la nature, pour redescendre sur vous comme l'invocation des grâces les plus choisies du ciel qui vous réconfortent dans l'accomplissement de vos nobles devoirs, dans les événements variés qui tressent et vont tresser le fil de vos journées.

2 Cf. Secr. Fer. VI post Dom. Sec. Quaâra%.






HOMÉLIE LORS DE LA CONSÉCRATION DE DOUZE ÉVÊQUES MISSIONNAIRES

(29 octobre 1939) 1

D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 595. Cf. Encycl. Quas primas ; A. A. S., 1925, p. 599.



Vous avez entendu, Vénérables Frères et chers Fils, la lecture de l'Evangile. Alors que Pilate, gouverneur romain, demandait au très bon Sauveur s'il était vraiment roi, la Vérité n'hésita pas à s'attribuer la dignité et la puissance royale. Ce n'est pas sans le dessein d'une admirable sagesse que le Sauveur du genre humain, à qui les siècles sont soumis par une obéissance docile, manifesta alors publiquement ce qu'il avait tu alors qu'il comparaissait au prétoire, alors qu'il souffrait, alors qu'il était méprisé. Car le Fils de Dieu, splendeur de la gloire du Père et image de sa substance, Dieu vrai de Dieu vrai, lumière de lumière, né avant le commencement des siècles, est roi par sa nature divine, puisque lui-même a créé tout ce qui est et le gouverne selon sa volonté et sa puissance. Lui-même, comme le Fils de l'homme paré du même honneur légitime, se distingue par le nom royal. Ce qu'il possédait par droit de naissance, il le promulgua et le revendiqua au moment même où, nous libérant de la servitude des démons, il l'eut obtenu et acquis de droit par l'oeuvre divine de la Rédemption humaine 2.

Le Christ règne donc entouré de la gloire de ses élus ; et le roseau méprisable qu'ils lui avaient donné par dérision s'est changé en verge de fer qui détruit les empires rebelles comme des vases d'argile ; sa tête que les épines blessèrent brille maintenant par la suprématie qu'elle exerce dans tout l'univers visible et invisible ; ses plaies sacrées, gages de notre salut, étincellent comme le soleil ; son coeur blessé par la pointe cruelle ouvre le sanctuaire de la miséricorde divine ; la croix s'offre à la vénération par toute la terre, cause de toutes les grâces, source de toutes les bénédictions.

Il est à jamais impossible que le Christ ne règne pas. Il règne, s'il est présent, par la magnificence de ses bienfaits. Il règne, s'il est absent par suite de la perte de la grâce divine chez les hommes, par la sévérité de sa justice inéluctable. Bienheureux l'homme qui obéit à la loi du Christ, il ordonne avec le plus grand soin selon sa grâce et sa volonté tout ce qu'il pense et tout ce quil fait. Son esprit, humble dans la réussite, serein dans l'échec, rayonne de la pure lumière de la foi et se réjouit dans une paisible allégresse ; sa volonté brûlante de charité envers Dieu et les hommes s'élance vers les oeuvres nobles et les membres mêmes de son corps, devenus armure de justice, obéissent à l'esprit qui les gouverne.

Bienheureuses les familles où le sceptre de justice du Christ-Roi est vénéré. Parce qu'elles grandissent dans l'amour mutuel, elles se haussent à un noble rang, elles jouissent de la paix, elles sont florissantes de prospérité, elles s'agrandissent d'une noble descendance, espoir le plus sûr de la patrie en qui les exemples de la vertu ancestrale renaissent par une imitation attentive.

Trois et quatre fois bienheureuses les cités où l'on promulgue les lois sous les auspices de l'Evangile, où l'on rend hommage public à la majesté du Christ-Roi. Là en effet on dispose en vue de l'idéal de la plus haute vertu et de la justice les affaires et les intérêts des citoyens. Là on ignore les rigueurs du pouvoir et la fidélité dans le respect envers les gouvernants n'est pas absente. Là enfin, grâce à la concorde qui accroît les forces, on mène à leur terme de grandes entreprises et on met en oeuvre chaque jour tout ce qu'il y a de mieux pour des développements plus féconds.

Si donc reconnaître à Jésus-Christ la dignité royale, embrasser ses préceptes volontiers et de bon gré, les mettre en pratique dans la vie privée et publique apportent de si nombreux et si grands bienfaits tant aux individus qu'aux familles et à la société, il est absolument nécessaire, Vénérables Frères et chers Fils, que tous les chrétiens s'efforcent, chacun pour sa part, de tout mettre en oeuvre pour soutenir une cause aussi importante. Et cela particulièrement à notre époque où les hommes, de partout envahis par un attachement excessif aux biens de ce monde, s'écartent de la poursuite des biens célestes et vont jusqu'à négliger par oubli ou bien rejeter complètement par mépris « le royaume de vérité et de vie, le royaume de sainteté et de grâce, le royaume de justice, d'amour et de paix. » 3

3 Préface de la messe du Christ-Roi.



Si Nous vous encourageons paternellement, vous tous qui êtes ici, dans la poursuite de ce but très saint, Nous vous encourageons particulièrement vous, qu'aujourd'hui dans la majesté de ce temple de pierre près du tombeau du Prince des apôtres, Nous avons élevés à la dignité de l'épiscopat. Autrefois le divin Rédempteur envoya à l'univers tout entier la modeste troupe des apôtres qu'aucune aide humaine n'appuyait pour le soumettre non pas par la force des armes, mais par la vertu de la vérité et de la charité ; aujourd'hui de même, Nous qui tenons sa place sur terre, Nous vous envoyons, comme douze semeurs de la parole de Dieu qui ne s'appuient pas sur leurs forces ou sur celles des autres, mais qui se confient à la grâce de Dieu qui touche les coeurs, à tant de nations, surtout les plus lointaines mais cependant si chères pour Nous, pour que vous leur communiquiez les préceptes évangéliques et le culte chrétien sans ménager votre peine.

Cet heureux événement d'aujourd'hui ouvre à Notre esprit de vastes perspectives, émeut vivement Notre âme et fait naître l'espoir de futures et abondantes moissons. Tandis que s'écoulent les années et qu'au milieu des vicissitudes diverses, des choses naissent, se développent, disparaissent, ou bien renaissent transformées et rénovées, ou bien se détériorent et s'anéantissent complètement, l'Eglise catholique cependant n'est pas frappée par les tempêtes du siècle, elle n'est pas vaincue par les difficultés, elle n'est pas enfin bouleversée par la poussée des changements, mais elle avance d'un pas plein d'assurance ; ce qu'elle fait depuis vingt siècles, aujourd'hui poussée par une inspiration divine et remplissant sa divine fonction, elle l'accomplit aussi pour le progrès du genre humain. Mais tandis que les convoitises des biens extérieurs, les haines internes et les rivalités partagent et divisent trop souvent les esprits des mortels, l'Eglise de Dieu, en mère très aimante de tous les peuples, embrasse par l'excellence de sa charité toute la famille humaine, quelles que soient la race ou la classe auxquelles les hommes appartiennent ; elle veille par sa prière et son action au salut de tous et à leur véritable bonheur.

Voilà ce dont maintenant, nouveaux évêques, Nous attendons de votre zèle empressé et agissant l'heureuse venue. Les peuples qui se réjouissent de votre surcroît de dignité vous attendent avec un très grand désir. Vous allez aborder une tâche immense et des plus lourdes ; des hommes innombrables abandonnés à leur erreur, anxieux de la divine lumière et assoiffés de la suprême vérité attendent votre ministère sacré pour puiser en Jésus-Christ le salut et la paix. Des combats difficiles vous sont réservés, mais la charité chrétienne n'est jamais vaincue et les promesses divines ne trompent jamais. Ayez, puisque vous avez reçu les sept dons du Saint-Esprit, ce zèle apostolique qui, par sa douceur, attire les coeurs à embrasser la loi de Dieu ; ayez le courage qui brise toutes les oppositions par une force invicible et sort victorieux de la lutte ; ayez enfin le secours céleste pour que le champ du Seigneur, confié à votre direction, se dore de la moisson évangélique chaque jour plus abondante.

L'Eglise entière vous accompagne par les prières et les voeux qu'elle adresse à Dieu et comme Nous avons confiance en la générosité et la charité des fidèles, les secours de l'aumône demandés ne vous manqueront pas, pour que, grâce à eux, vous puissiez poursuivre plus facilement la prise en charge de cette oeuvre très sainte. Notre coeur de père vous accompagne particulièrement tandis que tous Nos souhaits vous escortent ; Nous demandons avec insistance au suprême Prince des pasteurs que dans vos voyages apostoliques il vous soutienne et vous seconde par sa grâce céleste et qu'enfin par votre action commence à luire le jour où le divin roi « régnera d'une mer à l'autre et du fleuve jusqu'aux extrémités de la terre » (Ps 71,8). Amen.






Pie XII 1939 - ALLOCUTION A S. EM. LE CARDINAL HLOND, ARCHEVÊQUE DE GNIEZNO ET POZNAN ET AUX POLONAIS RÉSIDANT A ROME