Pie XII 1940 - LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR L'OUVERTURE DE LA SEMAINE BIBLIQUE DE SARAGOSSE


ALLOCUTION AUX DIRIGEANTS DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE

(4 septembre 1940) 1

Recevant les dirigeants diocésains des différentes organisations de l'Action catholique italienne, accompagnés de nombreux évêques, le Saint-Père les encouragea à la persévérance, leur rappelant te but, les caractéristiques, l'esprit et l'efficacité de l'Action catholique.

Si en cette heure dure et belliqueuse pour les peuples, pour adoucir les peines et les craintes qui chargent Notre âme, l'affection respectueuse des fils qui viennent à Nous pour un commun réconfort de prières et d'espoirs vaut beaucoup, grande est Notre joie d'accueillir une représentation si distinguée de l'Action catholique italienne, réunie autour de ses assistants ecclésiastiques, de nombreux et illustres prélats, du zélé évêque directeur général, de Notre cher cardinal secrétaire d'Etat, du cardinal doyen, des cardinaux composant la Commission spéciale et hautement méritante dont s'est fait l'interprète son très digne président. Il Nous est doux et agréable de saluer dans cette oeuvre au renom si étendu, le cher et précieux héritage que Nous a laissé — comme le fruit particulièrement cher de son zèle brûlant pour le développement de la vie chrétienne — Notre incomparable et sage prédécesseur. Car, si la foi et l'amour du Christ nous rendent tous frères et nous incitent à nous faire du bien les uns aux autres ; si la collaboration des laïcs à l'apostolat hiérarchique apparaît fructueuse et admise dès l'aube du christianisme dans la primitive prédication apostolique ; si cet apostolat de coopération a pris à travers les siècles, dans l'histoire de l'Eglise, les formes les plus variées de groupement, de discipline, de

1 D'après le texte italien des A. A. S., 32, 1940, p. 362 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. II, p. 177.

moyen et de mesure en rapport avec les besoins du temps, cette forme très noble de collaboration que constitue l'Action catholique italienne, qui est allée se développant sous les pontificats de Pie IX, Léon XIII, Pie X et Benoît XV, a reçu de la grande intelligence et du grand cceur de Pie XI sa plus vigoureuse impulsion et sa structure organique.

C'est l'honneur de toute institution utile de se développer d'une façon régulière en restant elle-même, en se perfectionnant dans son développement et en s'adaptant toujours davantage à la souveraine exigence de son but. Aussi Nous sommes très heureux de remercier la haute Commission cardinalice pour la rédaction des nouveaux statuts (dans d'autres pays, tout en maintenant le concept fondamental et les lignes essentielles, on peut adopter d'après les diverses traditions et les circonstances spéciales, d'autres modalités et d'autres formes), nouveaux statuts qui ne visent pas à autre chose qu'à rendre l'Action catholique mieux adaptée et conforme aux besoins des âmes et des temps, toujours plus étroitement unie à la hiérarchie ecclésiastique, afin que cet arbre vigoureux que Notre prédécesseur a fait refleurir dans le jardin de l'Eglise, étende ses rameaux au milieu du peuple chrétien, en offrant ces fruits de la bonne odeur du Christ que, par la force de la sève divine, sa racine mûrit et multiplie.

D'où il est clair que la mission de l'Action catholique est d'autant plus élevée qu'elle prête son concours à l'obtention du but même de l'Eglise : coopérer au salut des âmes et continuer à travers le temps et l'espace l'oeuvre rédemptrice de Jésus-Christ. La conversion et le rassemblement des peuples au sein du royaume de Dieu ne sont-ils pas le but suprême de l'Eglise et de la hiérarchie ecclésiastique ? La croix du Golgotha, source de sagesse, de force et de victoire, n'est-elle pas le signe de la Rédemption de tous les fils d'Adam et le phare de salut éternel pour l'humanité naufragée dans la mer de l'erreur et du péché ? Elevez vos regards vers le Golgotha, chers fils et chères filles, admirez l'Epouse du Christ qui avec le calice de son sang descend pour la conquête et pour la réconciliation du monde avec Dieu ; à son côté se trouvent Pierre, Vicaire du Christ, avec les clés du ciel, les apôtres, les évêques, les prêtres et tous les ministres qui coopèrent à la sainte entreprise. Autour d'eux voyez se grouper les foules et les peuples régénérés dans le baptême et dans la parole qui spiritualisent les âmes ; tous fraternisent devant un Maître unique, brebis et agneaux en un seul bercail « où il n'y a plus ni Grec, ni Juif..., ni barbare, ni scythe, ni esclave, ni homme libre ; mais le Christ est tout en tous » (Col 3,11). « Vous n'avez qu'un Maître, vous êtes tous frères » (Mt 23,8), tous faits à l'image de Dieu, tous rachetés par le Christ, tous fils du Père céleste, tous unis dans une même foi, tous, pendant que nous sommes sur terre, pèlerins de Dieu et de la patrie céleste (2Co 5,6).

Si nous avons aussi ici-bas une patrie qui nous est chère, à laquelle nous devons un culte d'amour fidèle 2, cette patrie est celle de notre pèlerinage terrestre, patrie que nous traversons dans le temps, dans le chemin et dans les événements joyeux et pénibles de l'existence et de la vie commune sociale et civile, dans les nécessités et dans les secours des amis et des concitoyens, dans la garde et la protection de la maison natale, dans la recherche d'une prospérité ou d'une renommée qui passe avec la figure de ce monde (cf. 1Co 7,31). Nous n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous sommes en quête de la cité future (He 13,14). Là-haut, plus dans les hauteurs, se trouve notre patrie stable ; c'est pour elle que nous sommes nés, c'est à elle que nous sommes destinés, c'est vers elle que nous sommes acheminés et que nous faisons route avec tous nos frères dans la même foi et la même espérance, unis par cette charité qui surpasse la foi et l'espérance, comme la richesse et la pauvreté, la science et l'ignorance, et toute bienveillante, toute joyeuse de la vérité, en excusant tout, en croyant tout, en supportant tout, qui ravit et attire à elle les frères pour en faire des compagnons d'éternité au ciel dans la bienheureuse vision de Dieu. Voilà à quoi tend la coopération au but de l'Eglise et au salut des âmes. Voilà le champ de la moisson spirituelle de l'Action catholique à l'heure présente.

L'épreuve des âmes privées de Dieu.

L'heure présente est l'heure de l'épreuve des âmes. Dans le vertige du progrès matériel, dans les victoires de l'esprit humain sur les secrets de la nature et sur les forces des éléments de la terre, des mers et du ciel, dans la course anxieuse pour dépasser les étapes accomplies par les compétiteurs, dans les tournois de la recherche hardie, dans les conquêtes et dans l'orgueil de la science, de l'industrie, des laboratoires et des usines, dans l'avidité du lucre et du

2 S. Thomas, lia Hae, q. 101, a. 1.

plaisir, dans la tension vers une puissance beaucoup plus redoutée que voulue, plus enviée qu'obtenue, dans le tumulte de toute la vie moderne, où peut bien se trouver la paix de l'âme humaine, naturellement chrétienne ? Est-ce dans le contentement de soi-même ? Est-ce dans le fait de se vanter d'être le roi de l'univers, tout en étant perdu dans les nuées de l'illusion, qui confond la matière avec l'esprit, l'humain avec le divin, le passager avec l'éternel ? Non, ce n'est pas dans les rêves enivrants que s'apaise la tempête de l'âme et de la conscience, agitées sous l'aiguillon de l'esprit qui est au-dessus de la matière et qui, conscient d'un destin immortel irrécusable, cingle vers l'infini et vers d'immenses désirs. Approchez-vous de ces âmes, interrogez-les. Elles vous répondront avec des balbutiements d'enfants, et non comme des hommes (cf. Hebr. He 5,12-13). Elles n'ont pas eu de mères qui, dans leur enfance, leur eussent montré le Père céleste ; elles ont grandi entre des murs sans crucifix, dans des maisons vides de religion, dans des champs éloignés de tout autel et de tout clocher ; elles ont lu des livres portant des noms tout autres que ceux de Dieu et du Christ ; elles ont entendu des blasphèmes contre les prêtres et les religieuses ; elles ont passé de leurs campagnes, de leurs villes, de leurs foyers domestiques, dans les usines, dans les magasins, dans les temples de la science, dans tous les arts et tous les métiers, sans fréquenter l'Eglise, sans connaître leur pasteur, sans une bonne pensée dans le coeur.

Ce sont des âmes malheureuses qui, dans les périls du premier âge, n'ont eu personne pour les instruire, les guider, les corriger, les affermir dans la foi et la piété ; ou alors, l'indifférence, la négligence, le mauvais exemple des camarades, l'ardeur de la jeunesse, les distractions et les occupations journalières ont obscurci en eux la lumière de la foi et de la pratique religieuse, en en détournant leur pensée et en endurcissant leur coeur, et transformé cette bonne racine en un tronc aride qui poussera de nouveaux bourgeons aux heures de l'épreuve ou sous la vigueur d'une parole amie et compatissante ou lors du froid déclin de la vie.

manque de prêtres.

Combien y en a-t-il de ces âmes qui, à la faveur du développement des villes et des usines, de l'envahissement des villes par une foules d'ouvriers venant des campagnes, se pressent dans les faubourgs et dans les nouveaux quartiers des cités où parfois elles ne trouvent pas d'église, où le prêtre et le curé arrivent à peine à les connaître !

Le nombre et le travail des ministres de Dieu se trouvent tellement inférieurs au nombre et aux besoins de toutes les âmes ! Les curés, surtout dans les grandes villes, sentent tellement l'urgence de l'aide de fidèles collaborateurs dans le travail multiple, ardu, immense qui les presse, pour paître et surveiller la multitude toujours croissante de leur troupeau ! De toutes les ouailles qui leur sont confiées, leur zèle voudrait se rapprocher, reprendre toutes celles qui sont égarées, les éclairer, les reconduire toutes au divin Pasteur des âmes. Or, bien des secteurs de la vie sociale restent presque fermés à l'action sacerdotale, mais ouverts à celle des laïques.

La mission des laïques.

C'est une grande loi de nature et de grâce que la ressemblance ouvre les portes au rapprochement et à l'affection. Il y a un lien qui, mettant un laïque près d'un autre laïque, fait naître entre eux l'amitié, qui peut les porter à se rencontrer dans la haute sphère de l'esprit, quand l'un aime dans l'autre un frère, quand il le regarde dans une vision de foi et de paradis, quand il se sent dévoré du zèle de la maison de Dieu. « Qui donc, demande saint Augustin, est dévoré du zèle de la maison de Dieu ? Celui qui, s'il y voit du mal, cherche à le corriger, s'efforce de l'émonder. Si tu vois qu'un frère s'égare loin de la maison de Dieu, retiens-le, avertis-le, si vraiment le zèle de la maison de Dieu te dévore... Reprends autant que tu peux, arrête autant que tu peux, effraye autant que tu peux, réconforte autant que tu peux, mais ne te repose pas... Ne te considère pas seulement toi-même, ne dis pas dans ton coeur : m'appartien-dra-t-il de corriger les péchés du prochain ? Il me suffit de sauver mon âme devant Dieu. Non ! Rappelle-toi le serviteur qui cacha le talent reçu de son maître et ne le fit pas fructifier. De quoi fut-il accusé ? Est-ce de l'avoir perdu ou plutôt de l'avoir conservé sans gain ? O mes frères, conclut le grand évêque d'Hippone, vous savez de quelle manière Dieu ouvre la voie, comment aussi il ferme la porte à sa parole. Ne vous lassez pas de gagner des âmes au Christ, puisque, par le Christ, vous avez vous-mêmes été gagnés » 3.

Dans ces brûlants accents de zèle épiscopal, vous sentez le coeur d'Augustin, son exhortation, ses leçons pour l'Action catholique de son temps et pour l'avenir ; car la maison de Dieu qu'est l'Eglise catholique étant de tous les temps, est aussi du nôtre, et le zèle de cette maison de Dieu doit enflammer ses enfants de ce feu dévorant que le Christ est venu apporter et répandre sur terre.

Et de ce feu divin de zèle apostolique, Nous voyons, de notre temps, les flammes des labarums qui rassemblent et conduisent les cohortes de l'Action catholique : flammes qui illuminent ce qu'elles ont fait et ce qu'elles sont en train de faire ; flammes qui, des ferventes légions d'hommes et de femmes, de jeunesse masculine et féminine, d'universitaires et de gradués catholiques, forment une phalange auxiliaire, obéissant à la voix du Souverain Pontife et à la direction des évêques pour la conservation et la diffusion de la foi et de la morale chrétienne parmi le peuple. A vous, chers fils et chères filles de l'Action catholique, qui avez fait vôtre le programme d'accepter et de supporter chrétiennement et à la romaine des choses ardues, à vous vont les témoignages de Notre paternelle satisfaction, de Notre gratitude et de Notre louange. Vous avez bien mérité de l'Eglise et de la société civile : oui, même de la société civile, car, en diffusant et en réalisant dans la vie individuelle, familiale et sociale, les principes catholiques d'autorité, d'obéissance, d'ordre, de justice, d'équité, de charité, vous avez contribué à faire resplendir, à revigorer et renforcer les bases les plus solides de la société civile.

L'Action catholique est l'espoir de l'avenir.

En vous Nous plaçons le meilleur de Nos espérances pour l'avenir. Dans cette heure si grave où les passions humaines, que la paix assoupissait, se déchaînent, s'élancent, s'enflamment, luttent, dans un duel de sang et de carnage, dans l'angoisse qui étreint Notre coeur de Père commun devant le farouche conflit qui se répand parmi tant de fils qui Nous sont chers, Nous fixons Nos regards sur l'Action catholique et Nous conservons bon espoir ; confiant comme Nous le sommes de trouver en elle, étroitement groupés autour des évêques et du Saint-Siège, d'ardents et dévoués collaborateurs dans la grande entreprise qui, plus que toute autre, Nous tient à coeur, pour le suprême intérêt des âmes et des nations : le retour du Christ dans les consciences, dans les foyers domestiques, dans la vie publique, dans les relations entre les classes sociales, dans l'ordre civil, dans les rapports internationaux. C'est une entreprise hautement chrétienne, qui élève les fils zélés de l'Eglise militante au mérite de la plus noble et sainte croisade, menée pour le progrès, la défense et la consolidation du règne du Christ, au sein de l'humanité : du

Christ « vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde » (Jn 1,9) ; du Christ, lumière de justice entre Dieu et l'homme, entre les hommes, entre les peuples ; du Christ, lumière de la vérité que le monde, immergé dans le mal (tandis que, comme Pilate, il demande si même cette vérité existe), ne s'inquiète de connaître ni n'a le désir de posséder pour faire le bien ; du Christ, lumière de concorde et de salut, dans le bouleversement de la paix entre les nations.

Sa vigueur réside dans une quadruple union.

L'Action catholique italienne répondra avec pleine satisfaction aux desseins et aux espérances de l'Eglise si, pour cela, elle se prépare elle-même à cette union qui est sa vie et sa vigueur. Union quadruple : avec la hiérarchie ecclésiastique ; avec Dieu par l'intime formation spirituelle ; avec les membres de l'Action catholique pour la concorde dans le travail, et enfin, avec les membres des autres associations qui sont, elles-mêmes, soumises à la direction ecclésiastique.

Union à la hiérarchie.

1° L'Action catholique répondra avant tout au désir de la sainte Eglise si elle demeure toujours plus étroitement unie aux évêques et au Saint-Siège et leur est inébranlablement attachée.

A la hiérarchie appartiennent l'autorité et la mission d'enseigner et de guider. L'Action catholique en est la docile collaboratrice qui met à sa disposition toutes ses énergies. Dans l'amour, dans l'obéissance, dans le dévouement soumis et prompt au Souverain Pontife et aux évêques, ses membres trouvent leur joie, leur force, non moins que la garantie de leur succès fructueux, parce que pour la hiérarchie, héritière de la mission apostolique, vaut l'indéfectible promesse du Christ : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles (Mt 28,20).

En outre, étant donné « qu'il n'y a pas d'autorité qui ne vienne de Dieu » (Rm 13,1), les membres de l'Action catholique doivent le respect et la loyale et consciencieuse obéissance aux autorités civiles et à leurs légitimes prescriptions, parce que, dit le prince des apôtres : « Telle est la volonté de Dieu que, en faisant le bien, vous fermiez la bouche à l'ignorance des insensés. Agissez en hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leur malice, mais en serviteurs de Dieu. Honorez tout le monde, aimez vos frères, craignez Dieu, honorez le roi » (1P 2,15-17).

Pour cette raison, les membres de l'Action catholique (qui n'est pas et ne veut pas être une association de parti, mais bien une élite d'exemple et de ferveur religieuse), prouveront qu'ils sont non seulement de fervents chrétiens, mais aussi de parfaits citoyens, non étrangers aux hautes tâches de la vie nationale et sociale, mus par un ardent amour de la patrie et prêts à donner pour elle leur vie même, chaque fois que le bien légitime de leur pays requiert ce suprême sacrifice 4.

Union à Dieu par une profonde vie de prière.

2° Le fondement principal de l'Action catholique, comme auxiliaire de la hiérarchie ecclésiastique, réside dans 1'« union à Dieu », c'est-à-dire que ses membres doivent apporter dans leur apostolat une formation religieuse profonde, spirituelle et culturelle.

Il est bien vrai que l'esprit d'apostolat est une grande chose, digne de toute louange, en tout chrétien, par là même que, entré dans le Corps mystique du Christ, il vit sa foi. Mais l'appartenance à l'Action catholique implique une sélection. Elle demande un élan spontané de dévouement généreux qui ne recule pas devant l'offrande et le sacrifice de soi-même. Elle impose et requiert une délicate préparation, déjà acquise ou à acquérir, bien adaptée à la nature de l'association.

C'est aux assistants ecclésiastiques, sous la dépendance de l'épis-copat, qu'il incombe, d'une manière spéciale, de former et d'instruire les membres de l'Action catholique, en les alimentant et en les faisant croître dans les pâturages d'une spiritualité sûre, intime, saine, et en les faisant se désaltérer aux sources pures de la doctrine chrétienne.

Dans ce combat spirituel Nous recommandons par-dessus toute chose la prière, comme déjà Nous l'avons dit aux élèves du sanctuaire, alors qu'ils se réunissaient pour la première fois autour de Nous. Priez, priez, priez ! La prière est la clé des trésors de Dieu. C'est l'arme du combat et de la victoire, dans toute lutte pour le bien et contre le mal. Que ne peut la prière qui adore, demande, supplie, remercie !

* Cf. Léon XIII, encycl. Sapientiae christianae, 10 janv. 1890.

Cette vie de prière que Nous recommandons instamment aux militants de l'Action catholique, c'est la consciente participation au saint sacrifice de la messe, la réception fréquente des sacrements, les exercices spirituels et, avec toutes les formes de la piété, l'esprit de sacrifice qui est la grande loi et la condition de la fécondité de l'apostolat.

Le fait d'appartenir à l'Action catholique ne confère pas un privilège ou une supériorité, mais infuse en ses membres une impulsion à se faire, dans un esprit d'humilité, d'abnégation et de charité, « tout à tous pour les gagner tous au Christ » (1Co 9,22), et à se sentir vis-à-vis de tous « débiteurs » des ineffables trésors qu'ils ont reçus de la divine bonté.

Union de ses membres entre eux.

3° De l'union à la hiérarchie et de l'union à Dieu, on ne peut séparer et ne doit pas manquer aux membres de l'Action catholique comme condition de vigoureuse efficacité dans le domaine spirituel, l'union entre eux qui les tienne étroitement et réciproquement unis côte à côte de façon à former une grande famille dans laquelle se rencontrent les adultes et les jeunes.

Qu'il y ait la plus grande concorde entre les assistants ecclésiastiques dans les diocèses et au centre, spécialement en ce grand bien qui contribue davantage à la rectitude du but poursuivi. S'il survient quelques dissentiments dans de petites choses, qui ne soient pas en opposition avec l'amitié, qu'ils restent dans l'esprit sans descendre dans la volonté, en faisant ce sacrifice à la charité et à la paix commune 5.

Que l'on effectue le passage spontané et régulier d'une association à une autre d'après l'âge, et qu'il y ait coordination dans les initiatives et dans les programmes en ce qui concerne les ecclésiastiques comme les laïques, afin qu'il n'y ait pas dispersion des énergies.

Union et collaboration avec les autres associations.

4° Mais, outre l'union entre eux, ce sera un avantage et un gage d'affection que l'union règne entre les membres de l'Action catholique et ceux des autres associations.

5 Cf. S. Thomas, lia Hae, q. 29, a. 3 ad 2um.

L'organisation de l'Action catholique italienne, bien qu'elle soit l'organisation principale des catholiques militants, rencontre à côté d'elle d'autres associations qui dépendent aussi de l'autorité ecclésiastique et dont quelques-unes, ayant également des buts et des manières d'apostolat, peuvent se dire aussi collaboratrices dans l'apostolat hiérarchique. Entre ces associations et celle de l'Action catholique, qui ne voit combien il est nécessaire qu'il existe une mutuelle bienveillance, une large compréhension, une sincère coopération : dons et vertus qui ont leurs racines, d'une part, dans le très pur zèle de la gloire de Dieu et du salut des âmes qui les enflamment toutes, d'autre part, dans leur appartenance au Corps mystique du Christ, où ils puisent le suc vivifiant.

Les unes et les autres ne se heurteront pas dans le travail auquel elles se consacrent, selon leurs propres statuts, approuvés par l'autorité de l'Eglise. Elles s'aideront même dans une émulation mutuelle et se soutiendront afin que, dans la variété du spirituel qui s'adapte, se plie aux divers usages, aux changements de circonstances, aux tempéraments différents, apparaisse et brille le signe caractéristique du chrétien : la charité.

Si, dans les instituts catholiques d'éducation, de même que dans dans les associations ecclésiastiques, ayant un but et une forme d'apostolat déjà organisé, on insère les associations internes d'Action catholique, celles-ci y entreront avec réserve et discrétion, sans troubler en rien la structure et la vie de l'institut ou de l'association, mais en imprimant seulement une nouvelle impulsion à l'esprit et à la forme d'apostolat, l'introduisant dans la grande organisation centrale.

Les diverses tâches de l'Action catholique.

Préparés, formés et unis de cette manière, les membres de l'Action catholique s'élanceront comme des apôtres dans les champs variés de la société, dans toutes les directions, partout où il y a des âmes à conquérir au Christ, partout où il y a un foyer ou un centre de vie individuelle ou collective sur lequel le Christ, Notre-Seigneur, doit régner.

Allez, fils et filles bien-aimés, allez aux humbles, aux pauvres, aux souffrants, aux malheureux, aux délaissés ; allez pour les relever, allez comme leurs rédempteurs, leurs consolateurs, leurs aides, leurs animateurs. Dans leurs besoins, dans leurs peines, dans leurs douleurs, dans leur solitude, qu'ils sentent proche le frère qui pleure avec eux, partage leur infortune et leur misère, qui est leur ami dans l'adversité, qui a une main qui les soutient, une parole qui les calme, les réconforte et leur montre, au-delà de la fugacité du temps, les biens immuables de l'éternité.

Allez à la jeunesse, laquelle, bien qu'en Italie la sagesse des gouvernants ait reconnu l'enseignement religieux dans les écoles élémentaires et moyennes « comme fondement et couronnement de l'instruction publique » 8, cependant, dans sa ferveur juvénile, est sujette à de multiples et graves périls. C'est pourquoi elle a besoin de soins vigilants toujours plus assidus et attentifs.

Les jeunes sont l'espérance de la famille et de la patrie. Jésus lui-même eut des prédilections pour les enfants. Il aima le jeune homme vertueux, et dans les joyeux groupements d'une jeunesse avide d'avenir et enflamée d'ardeur dans ses hardiesses, ne craignant pas les obstacles, l'Epouse du Christ recrute ses lévites, coeurs fervents et généreux qui garderont l'arche sainte et porteront la bonne nouvelle au milieu du peuple et aux nations jusqu'aux confins de la terre.

Au milieu de la jeunesse, faites-vous porte-étendards, maîtres, compagnons. Faites-vous jeunes avec les jeunes, enfants avec les enfants, pour les attirer tous au Christ, afin qu'ils sentent sa caresse et son baiser divins. Entrez dans leurs âmes pour y conserver les fleurs de l'innocence et de la vertu et pour y insérer le germe de cette sagesse de route, de vérité et de vie, qui est la lampe de la foi qui se pose à la fin sur le dernier repos de la tombe.

Allez aux adultes. Ayant grandi et ayant été élevés dans une atmosphère saturée d'agnosticisme, quand l'homme, téméraire scrutateur de la matière et de la nature, s'enorgueillissait de ses découvertes et de ses songes en prenant position contre Dieu, aujourd'hui, dans l'effondrement de tant d'idéologies et de systèmes, ils sentent consciemment ou inconsciemment, du fond de leur esprit, s'élever le cri angoissé de l'âme immortelle, qui ne peut être satisfaite seulement des triomphes de la science purement humaine ni des appâts du progrès moderne ; tel est le cri qui éveille en eux la nostalgie assoupie, mais irrésistible, de s'approcher de Jésus-Christ et des ineffables clartés de sa doctrine.

Allez au milieu du monde. Confiez-vous au Christ qui a vaincu le monde. Que vos armes soient l'apostolat de la prière, de l'exemple, de la plume et de la parole ; l'humilité et la bienveillance, la souf

6 Concordat entre le Saint-Siège et l'Italie, art. 36.

france et la mansuétude, la prudence et la discrétion ; la charité sage, condescendante à l'égard de ceux qui errent et non à l'erreur, parce que toute âme ne désire rien plus ardemment que la vérité. Que vos règles et industries dans le combat spirituel soient toutes les multiples initiatives et industries que les évêques et la Commission cardinalice, par Nous instituée, approuveront, coordonneront, dirigeront.

Ainsi, dans cette solennelle réunion de l'Action catholique italienne, Nous trouvons de la joie et de la consolation à contempler les troupes de l'apostolat des laïcs, associés à la hiérarchie ecclésiastique dans le zèle pour le salut des âmes rachetées par le Christ, et glorifiés dans la lumière de promoteurs et de rénovateurs du nom et de la vie chrétienne. C'est l'âme du Corps mystique de l'Eglise qui resplendit et triomphe d'une façon spéciale dans l'Action catholique ; âme de foi, d'espérance, de charité répandue dans nos coeurs par l'Esprit Saint, cet Esprit qui, au jour de la Pentecôte, après une retraite de dix jours dans une prière persévérante et unanime avec la Vierge très sainte, Médiatrice et Epouse du même Esprit, descendit au Cénacle non seulement sur les apôtres, mais aussi sur tous ces disciples rassemblés là, disciples que nous pouvons bien appeler les premiers collaborateurs des apôtres dans l'apostolat. Il descendit en langues de feu : langues qui résonnèrent dans la suite comme des trompettes de la foi dans l'univers ; langues brûlant de ce feu apporté par le Christ sur la terre qui ne désire rien d'autre sinon qu'il s'embrase (Lc 12,49). Nous aussi nous avons besoin du feu de ces langues, des dons de l'Esprit Saint, qui vient au secours de notre faiblesse ignorant ce qu'il convient de demander et que l'Esprit lui-même demande pour nous avec des gémissements inénarrables (Rm 8,26). Dès lors Nous souhaitons et Nous demandons par la prière que, de même qu'autrefois dans l'Eglise naissante, aujourd'hui pareillement l'Esprit Saint descende abondamment, par l'intercession de Marie, Reine des apôtres et de tout apostolat, sur l'Action catholique italienne, sur ce grand Cénacle qui rassemble autour des successeurs des apôtres une équipe ardente de fidèles et généreux collaborateurs. Cet Esprit tout-puissant qui à l'aube de l'univers se mouvait au-dessus des eaux et les fécondait (Gn 1,2), qui renouvelle la face de la terre (Ps., cm, 30), champ de tant de disputes sanglantes des fils des hommes, mer de tant de larmes et de naufrages ! Qu'il fasse apparaître, du sein des orages de l'humanité, des cieux nouveaux et une terre nouvelle (n Pierre, 3, 13) et établisse cette tranquillité dans l'ordre et cette entente des peuples, auxquelles le monde aspire, mais qui ne peut s'établir, inébranlable, en face de la terreur et de toutes les flatteries, que sur le seul règne de Dieu, qui est justice et paix et joie dans l'Esprit Saint (Rm 14,17).

Remerciements du Saint-Père pour les dons offerts.

Nous ne pouvons pas, chers fils et chères filles, terminer Notre discours sans vous exprimer pour les dons que vous Nous avez généreusement offerts Notre très vive et paternelle reconnaissance, qui plus que de mots, est faite de la joie et de l'émerveillement que Nous éprouvons à constater comment votre foi et votre piété, en cette heure de malheur et de sacrifice universels, savent venir au secours des églises pauvres et montrer quel amour vous portez à la beauté de la maison de Dieu et à la demeure du Christ au milieu du peuple chrétien, gloire de nos autels. C'est une grâce que le Seigneur vous a accordée, dirons-Nous, en faisant Nôtre l'éloge que l'apôtre fait des églises de Macédoine, dans sa seconde lettre aux Corinthiens : « Parmi les multiples tribulations qui les ont éprouvés, leur joie surabondante et leur profonde pauvreté ont débordé chez eux en trésors de générosité... selon leurs moyens, je l'atteste, et au-delà de leurs moyens » (2Co 8,2-3).

Vous avez vaincu l'adversité des temps et en vos dons, inspirés des sentiments les plus élevés, vous avez imprimé une forme qui les élève à la sphère spirituelle la plus élevée de l'Action catholique, où resplendit le soleil de l'agneau divin mis à mort pour le salut du monde et où des encensoirs des anges montent les parfums des prières des saints. Vous avez joint, en effet, le large tribut de vos prières à Nos intentions — intentions de réconciliation et de paix entre les peuples — à une offrande abondante de calices sacrés et de vêtements liturgiques, témoignage et gage de votre profond respect à l'égard du mystère le plus divin de la foi et du culte catholique. Vos dons précieux rappelleront dans la patrie et dans les missions aux peuples dévots le lien de votre fraternelle affection et votre zèle actif pour la digne célébration de la divine liturgie ; et ils symboliseront et scelleront autour de l'autel et à la sainte table, dans l'amour de Jésus et dans une commune prière, l'union spirituelle des fils de l'épouse du Christ qui participent dans le monde à un même breuvage et à un même pain supersubstantiels (cf. 1Co 10,16-17). Quand le prêtre montera à l'autel et que, sur les patènes que vous avez données et dans les calices que vous avez offerts, seront présents son Corps et son Sang sous les espèces du pain et du vin, les esprits célestes qui entourent les autels sacrés voleront vers vous, chers fils et chères filles, donateurs et donatrices des diocèses d'Italie, et vous apporteront la bénédiction du ciel et la reconnaissance de la terre pour votre action bienfaisante, en faisant couler sur vous et sur vos oeuvres d'apostolat le fleuve de réconfort, d'amour et de grâce qui s'épanche du coeur enflammé du Christ Fils de Dieu fait homme propter nos homines et propter nostram salutem.

Que le Seigneur, si généreux dans sa miséricorde et dans sa munificence, accorde à Nos paroles la vigueur d'un voeu et d'une prière, que Nous lui adressons pour qu'il daigne payer vos dons de retour de la manière ineffable dont lui seul sait et peut user, tandis qu'en gage de particulière bienveillance Nous vous accordons de grand coeur à tous, présents et absents, Notre Bénédiction apostolique.


Pie XII 1940 - LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR L'OUVERTURE DE LA SEMAINE BIBLIQUE DE SARAGOSSE