Pie XII 1940 - RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS A LA VEILLE DE LA JOURNÉE MISSIONNAIRE MONDIALE


ALLOCUTION AU NOUVEL AMBASSADEUR DU PORTUGAL (20 octobre 1940)

1 En vertu du Concordat conclu le 13 juin entre le Saint-Siège et le Portugal, la représentation diplomatique de ce pays près le Siège apostolique a été rétablie au rang d'ambassade. Recevant le nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, S. Exc. le professeur Antoine Paria Garneiro Pacheco, venu lui présenter ses lettres de créance, le Souverain Pontife prononça l'allocution suivante :

Accrédité par une lettre élogieuse de S. Exc. M. le président de la République portugaise, riche de qualités eminentes et de mérites insignes, dont le gouvernement et l'opinion publique ont hautement reconnu la valeur, Votre Excellence vient à Nous comme le représentant d'une nation particulièrement chère à Notre cceur, pour occuper au sein du Corps diplomatique près le Saint-Siège la place d'honneur qui répond au glorieux passé de ce pays, non moins qu'à l'énergie actuelle de son effort vers un avenir sain et vigoureux, sous la sage conduite de ceux qui en dirigent aujourd'hui les destinées.

Parmi les tempêtes et les inquiétudes de cette angoissante période de guerre — dont est si profondément affligé Notre cceur de Père commun de la chrétienté — voici pour Nous un jour de réconfort et de joie, pour lequel Nous rendons au Seigneur Dieu, Maître des coeurs et Sauveur des âmes, les plus vives actions de grâces ; un jour où Nous Nous sentons uni à ceux dont la clairvoyance courageuse et réalisatrice a su créer en Portugal l'état de choses et l'état d'esprit qui constituaient l'indispensable préliminaire aux heureux événements de l'année présente, non moins importants pour l'Eglise que pour l'Etat.

En cette année 1940, la nation portugaise a célébré le huitième centenaire de son indépendance et le troisième de sa restauration ; dans un monde secoué par les fébriles agitations de la guerre, elle a su prouver par des actes qu'elle s'acheminait en des ascensions nouvelles vers une noble grandeur. Sur le terrain religieux lui-même, cette année a été celle d'un tournant providentiel, établissant les rapports entre l'Eglise et l'Etat sur une nouvelle base, qui justifie les meilleures espérances — et constituant un de ces grands et symboliques actes de rénovation, qui se répètent dans l'histoire de l'Eglise chaque fois que les peuples, après des déviations passagères, reviennent aux vérités oubliées, aux idéals abandonnés, aux autels délaissés d'une foi où leurs ancêtres avaient puisé force et soutien, non seulement pour les individus, mais aussi pour la communauté entière.

Fons sapientiae verbum Dei in excelsis, et ingressus illius mandata aeterna (Si 1,5). Cette parole de la Sainte Ecriture peut s'appliquer à tous les domaines de l'activité humaine dans son principe, son développement et son achèvement. Dans un sens supérieur et décisif elle s'applique à l'oeuvre indiciblement grave et ardue de ceux qui, investis de la puissance de l'Etat, ont l'honorable mais épineux devoir d'orienter les destinées de leurs peuples, à travers les flots impétueux d'un présent chaotique, vers les rives d'un avenir d'ordre et de sécurité.

Le Seigneur a donné à la nation portugaise un chef de gouvernement qui a su conquérir non seulement l'amour de son peuple, et spécialement des classes les plus pauvres, mais aussi le respect et l'estime du monde. A lui revient le mérite d'avoir été, de la part de ce gouvernement, sous les auspices de l'éminent président de la République, l'artisan d'une grande oeuvre de paix entre l'Etat et l'Eglise, cette société parfaite et suprême, dont l'action bienfaisante, après les tristes expériences faites dans un passé trouble, pourra maintenant s'exercer en assurance au milieu du bien-aimé peuple portugais. Il Nous a semblé que la reconnaissance formelle et la garantie d'un libre et fécond apostolat dans la mère-patrie et dans les terres d'outre-mer, en faveur des âmes qui attendent encore le salut, était chose plus importante, plus précieuse, plus agréable au Seigneur, que n'importe quel autre bien ou avantage matériel et terrestre. Nous avons confiance dans la sagesse de l'épiscopat, dans le zèle du clergé séculier et régulier, dans la ferveur de Nos chers fils et filles du Portugal, particulièrement de ceux qui se dévouent dans les rangs de l'Action catholique ; Nous espérons donc fermement que, dans une noble fidélité à l'Eglise et à la patrie, en faisant courageusement face aux difficultés et aux sacrifices, qu'apporte ordinairement avec soi l'instauration d'un nouvel ordre de choses, ils mettront tout en oeuvre, pour animer les articles des deux pactes solennels — concordat et accord missionnaire — conclus entre l'Eglise et l'Etat, d'un souffle de vie joyeux, palpitant, conquérant, qui en fera une réalité féconde.

Au vrai, la concorde entre les deux pouvoirs ne s'accomplit pas, ne s'achève pas dans la simple conclusion d'un instrument diplomatique — mais dans une sorte de création continue, moyennant une loyale collaboration, inspirée par une confiance réciproque et une mutuelle estime. La sollicitude attentive, qu'a mise le gouvernement portugais à entamer et à poursuivre cette oeuvre de paix, Nous est un gage consolant de l'esprit dans lequel il en soutiendra et favorisera le développement ultérieur.

Dans cette entreprise, l'illustre chef de l'Etat vous assigne, Monsieur l'ambassadeur, un rôle qui ne pourrait être ni plus honorable, ni plus heureux. Les paroles que Votre Excellence vient de prononcer, en inaugurant sa haute mission d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, sont comme un serment au drapeau, à un drapeau sur lequel resplendit la croix du Christ. Puisse le Seigneur bénir de si nobles sentiments et vous octroyer les succès auxquels aspirent et votre coeur et le coeur de tous les fidèles portugais !

En vous priant de transmettre à S. Exc. M. le président de la République, puis au chef et aux membres du gouvernement, Nos voeux paternels et intimement sincères pour la prospérité de la nation portugaise, Nous leur accordons, ainsi qu'à tous Nos chers fils et filles qui sont en Portugal et dans les terres d'outre-mer, de la plénitude de Notre coeur, la Bénédiction apostolique implorée2.


DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX

(23 octobre 1940) 1

Aux jeunes époux reçus en audience ce jour, le Souverain Pontife adressa ces paroles, qui sont un éloge de l'amour humain, don du Dieu d'amour.

La première parole de Notre coeur et de Nos lèvres sera, chers jeunes époux, un acte de gratitude envers la paternelle Providence de Dieu, qui vous a permis, dans le tumulte des discordes et des armes, de chanter au pied de son autel votre cantique d'amour, et qui Nous accorde à Nous-même, parmi tant de tristesses, la joie d'être témoin de votre bonheur. Selon le voeu de la liturgie du mariage, daigne Dieu, auteur de votre union, en être également le conservateur : Ut qui te auctore iunguntur, te auxiliante serventur.

L'amour chrétien, merveilleuse création de Dieu.

1. « Dieu est amour », écrit saint Jean (1Jn 4,8). Amour substantiel et infini, il se complaît, sans désir ni satiété, dans l'éternelle contemplation de sa perfection sans limite. Seul Etre absolu, en dehors duquel il n'y a que néant, s'il veut appeler d'autres êtres à l'existence, il ne peut les tirer que de sa propre richesse. Dérivation plus ou moins lointaine de l'Amour infini, toute créature est donc fruit de l'amour et mue par l'amour.

Dans la nébuleuse du chaos, une première force d'attraction, premier symbole d'amour, groupa jadis autour d'un noyau les éléments cosmiques qui constituent un astre. L'attraction de ce premier en appela un second ; d'autres à leur tour furent gagnés, et les mondes, merveilleux cortège, commencèrent leur ronde par le firma-

ment. Mais le chef-d'oeuvre de Dieu, c'est l'homme ; et à ce chef-d'oeuvre d'amour il a donné une puissance d'amour ignorée des créatures sans raison. Conscient, l'amour humain est personnel ; libre, il est soumis au contrôle de la volonté responsable, et ce pouvoir de se déterminer par soi-même est, selon le poème de Dante, le plus grand don que nous ayons reçu de la bonté du Dieu créateur, le plus conforme à son amour et le plus apprécié de lui 2.

Dieu avait donné à l'homme avec le corps et l'âme tout ce qui convient à la nature humaine ; les aspirations de l'homme étaient comblées. Mais la volonté de Dieu ne l'était pas. Il poussa l'amour plus loin encore et il enrichit la créature humaine d'un don nouveau et surhumain : la grâce. La grâce, insondable prodige de l'amour de Dieu, mystère impénétrable à l'intelligence humaine, merveille que l'homme, humble aveu de la prééminence de ce don, a appelée « surnaturelle ».

Sur cette élévation de l'homme à une vie supérieure, les Pères de l'Eglise, les docteurs et les saints ont écrit d'amples traités ; mais au fond, le petit villageois en dit tout autant lorsqu'il récite la phrase de son catéchisme : « La grâce (sanctifiante) rend l'homme participant de la nature divine. » Dans mille ans, dix mille ans peut-être, lorsque, parmi ces mondes qu'une force infatigable lance les uns vers les autres dans leur immense orbite d'amour, l'homme aura découvert avec stupeur la série continue des créatures échelonnées au-dessus et au-dessous de lui ; quand la recherche scientifique, les progrès de la mécanique et les raisonnements de la spéculation auront donné à notre savoir autant de supériorité sur les connaissances modernes que celles-ci paraissent dominer les faibles lueurs de l'âge préhistorique ; peut-être qu'alors une âme géniale éprise de Dieu saura traduire en langage humain quelque chose des prodigalités — que nous ignorons encore — de l'amour divin pour sa créature de prédilection. Mais une fois que cet explorateur du monde de la matière et de l'esprit parviendra, au-delà de nombreux et sublimes sommets, devant la cime inaccessible et immaculée de la grâce, il ne trouvera pour la décrire que ces trois mots de saint Pierre, le Prince des apôtres : Divinae consortes naturae (II Pierre, 1, 4), « la grâce nous rend participants de la nature divine ».

Le mariage chrétien plus merveilleux encore.

2. Si l'amour purement sensible a déjà son émouvante et tendre beauté, au point que le Seigneur se compare lui-même à l'aigle qui « veille sur son nid et plane au-dessus de ses petits » (Dt 32,11), l'amour humain possède, lui, une incomparable noblesse : l'esprit y a sa part, sous l'impulsion du coeur, ce témoin et délicat interprète de l'union du corps et de l'âme, qui met les impressions matérielles de l'un en accord avec les sentiments supérieurs de l'autre. Depuis des siècles, ce charme de l'amour humain a inspiré, dans la littérature, la musique et les arts plastiques, d'admirables oeuvres de génie : thème toujours ancien et toujours nouveau sur lequel les âges ont composé, sans l'épuiser jamais, les variations les plus hautes et les plus poétiques.

Mais quelle indicible beauté nouvelle vient enrichir cet amour de deux coeurs humains, lorsque s'unit harmonieusement à son cantique l'hymne de deux âmes vibrantes de vie surnaturelle ! Ici également se réalise l'échange des dons ; et alors, par la tendresse sensible et ses saines joies, par l'affection naturelle et ses élans, par l'union spirituelle et ses délices, les deux êtres qui s'aiment s'identifient dans tout ce qu'ils ont de plus intime, depuis les inébranlables fondements de leurs croyances jusqu'à l'invincible sommet de leurs aspirations. C'est alors un consortium omnis vitae, divini et humani juris communicatio, « une entière communauté de vie, une participation aux mêmes droits divins et humains 3 ».

Telle est l'union du mariage chrétien, modelée, selon la célèbre expression de saint Paul, sur l'union du Christ avec son Eglise (Ep 5,32). Dans l'une et l'autre, le don de soi est total, exclusif, irrévocable ; dans l'une et l'autre, l'époux est le chef de l'épouse, qui lui est soumise comme au Seigneur (ib., 22-23) ; dans l'une et l'autre, le don mutuel devient principe d'expansion et source de vie.

L'éternel amour de Dieu a suscité du néant le monde et l'humanité ; l'amour de Jésus pour l'Eglise engendre les âmes à la vie surnaturelle ; l'amour de l'époux chrétien pour son épouse a part à ces divines effusions alors que, selon la volonté formelle du Créateur, l'homme et la femme préparent l'habitation d'une âme où vivra le Saint-Esprit avec sa grâce. Ainsi les époux, dans leur mission providentielle, sont les vrais collaborateurs de Dieu et de son Christ ; leurs oeuvres elles-mêmes ont quelque chose de divin ; ils peuvent se dire, même ici, divinae consortes naturae, — « participants de la nature divine ».

Devoirs qu'ils imposent.

Faudrait-il donc s'étonner que ces magnifiques prérogatives comportent de graves devoirs ? La noblesse de l'adoption divine oblige les époux chrétiens à bien des renoncements et à bien des actes de courage, afin que la matière ne retienne point l'esprit dans son ascension vers la vérité et la vertu, et que par sa pesanteur elle n'entraîne point les époux dans les abîmes. Mais Dieu ne commande jamais l'impossible ; avec son précepte qui oblige il donne la force de l'accomplir, et si le mariage, qui est un sacrement, impose des devoirs qui peuvent sembler surhumains, il apporte aussi des secours qui se révèlent surnaturels.

Ces secours, Nous avons le ferme espoir que Dieu vous les accordera, chers jeunes époux. Vous les avez demandés dans une ardente prière, alors que vos coeurs au pied de l'autel se donnaient l'un à l'autre pour toujours, et vous venez aujourd'hui, en ce mois de Notre-Dame du Saint-Rosaire, implorer à nouveau l'abondance des grâces célestes, par l'intercession de cette Mère de miséricorde que vous voulez établir Reine de votre foyer. A tous ces gages de bonheur pour votre avenir temporel et éternel, Nous ajoutons de grand coeur la Bénédiction apostolique.


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL DU PÉROU

(27 octobre 1940) 1

Clôturant le Congrès eucharistique national du Pérou, tenu à Are-quipa, le Souverain Pontife adressa aux participants le radiomessage dont voici la traduction de l'espagnol :

En ce jour solennel que Pie XI, Notre incomparable prédécesseur, a consacré au Christ, Roi immortel et invisible des siècles, la souveraineté royale du Rédempteur du monde triomphe, et vous triomphez en lui par votre foi, votre espérance et par votre amour qui surpasse la foi et l'espérance et vous unit en lui dans une union mystique qui imite l'union du Fils avec son Père céleste. En ce triomphe, il Nous est souverainement doux de faire entendre la voix de Notre joie paternelle et d'élever Notre main bénissante au milieu des applaudissements, des chants, des hymnes, de la sainte joie qui vous font tressaillir dans le Christ que déjà dans le premier Congrès national eucharistique vous saluiez et acclamiez au cri de « Seigneur, nous sommes à vous, ô Christ Roi, vous seul régnerez au Pérou, nous ne voulons servir que vous. »

Le sens des cérémonies du Congrès.

A Lima, cité des rois, capitale de votre nation à laquelle la grande mère-patrie, la catholique Espagne, a apporté, trésors précieux, la foi, la civilisation chrétienne et la langue, vous avez choisi le Christ, Roi invisible des tabernacles, pour votre Roi, que seul vous avez juré dans vos âmes de servir. Devant lui se sont inclinées les plus hautes autorités de l'Etat, pénétrées comme elles l'étaient que devant le Créateur de l'univers, le Sauveur du genre humain, le divin « Pasteur et évêque de vos âmes » (1P 2,25), s'humilier, c'est s'élever ; servir, c'est régner ; suivre sa loi, c'est guider les peuples à la grandeur morale, civique, sociale, à la paix mieux assurée et à la gloire plus noble. A la lumière éclatante et ardente de la foi et de l'amour envers le Christ, vous avez alors désigné, par la voix de votre métropolitain approuvé par le très digne évêque de votre ville, l'aube de ce jour d'Arequipa, pour renouveler, dans un second triomphe eucharistique du divin Roi, la joie de vos âmes et l'exaltation du grand mystère de l'autel. Confirmez aujourd'hui votre cri de Lima ; renouvelez au Christ la promesse solennelle de votre service et de votre consécration à lui seul.

Que la foi puissante de la capitale de votre République triomphe aussi à Arequipa. C'est la foi de Rome ; et Arequipa, qui a donné le jour à la servante de Dieu Anne des Anges Monteagudo, gloire de l'Ordre dominicain et orgueil de toute la nation 2, n'a-t-elle pas mérité le titre de « Rome du Pérou » ? Oui, Notre foi est la vôtre, et Nous Nous prosternons avec vous pour adorer dans le Saint Sacrement le Christ-Roi, uni à vous à travers l'océan, par la voix de Nos lèvres et les palpitations de Notre cceur, en une vision qui vous embrasse tous comme des fils très chers de cette terre bien-aimée du Pérou, instruits des choses célestes et guidés vers les pâturages salutaires par vos illustres pasteurs, pendant que vous êtes aujourd'hui rassemblés autour de la personne de Notre légat.

Sainte Rose de Lima.

Vos pères et vos gouvernants, qui s'enflammèrent dans le zèle et l'ardeur des saints au pied de l'autel du Christ, Dieu présent et caché sous les voiles eucharistiques, furent animés, vécurent de cette foi catholique romaine qui leur fit accomplir de grandes choses. Les lis des vallées et les roses de Jéricho ne fleurissent-ils pas autour des divins tabernacles ? N'a-t-elle pas poussé et n'a-t-elle pas éclos dans le jardin de Lima, blanche comme le lis et rouge comme la rose, cette première fleur de sainteté de toute l'Amérique, l'admirable Rose de Sainte-Marie qui, dans la solitude, au milieu des épines de la pénitence, est l'émule, par son brûlant amour, d'une Catherine

de Sienne ?3 L'honneur de cette foi embellit votre nom, rend sacrées beaucoup de pages de votre histoire ; par-dessus les vestiges de la civilisation précolombienne, par-dessus les solitudes sauvages et les cimes de vos monts vertigineux, s'élève l'esprit missionnaire qui transforma ces peuples idolâtres en enfants dévoués de l'Epouse du Christ, régénérés par la foi romaine. Sous le ciel azuré du Pérou, des grandes cités aux modestes bourgades, la divine Eucharistie régna en souveraine par l'abondance des églises, le nombre des prêtres et des religieux, par l'ornementation sacrée et artistique des tabernacles, des ciboires, des ostensoirs qui, aujourd'hui encore, suscitent l'admiration des visiteurs.

Vous avez voulu, chers fils d'Arequipa, louer et glorifier le Christ, mais aussi sanctifier l'anniversaire du IVe centenaire de la fondation de votre cité4 en plaçant Dieu, Roi immortel des siècles, au commencement du nouveau siècle qui vient ; à Arequipa, toute la nation péruvienne s'enflamme d'une foi plus ferme, d'une espérance plus assurée, d'un amour plus fervent pour le triomphle solennel de Dieu, triomphe que vous avez préparé avec un zèle si ardent et une piété si attentive et tant de sacrifices multiples. Ainsi, le triomphe du Christ-Roi, Dieu de l'autel, est le couronnement de quatre siècles de foi et de dévotion inauguré par vos pères, continué par vous ; ce triomphe rend plus belle et lumineuse l'aurore des nouveaux temps consacrés par l'éclat resplendissant de la sainte Hostie de paix et d'amour, prodige certain et ineffable du Roi des rois et du Seigneur des seigneurs.

Recommandation au peuple péruvien.

Que triomphe en conséquence, en vous, la foi qui opère par la charité. Exaltez ce Roi et Seigneur du plus auguste mystère, autant que vous le pouvez, parce qu'il est au-dessus de toute louange : quantum potes, tantum aude, quia major omni laude, nec laudare sufficis 5 ; parce qu'il est charité, parce qu'il est feu dévorant (Dt 4,24). Glorifiez-le en vous avec cet amour qui vous élève devant lui, qui dissipe les obscurités de votre marche, qui purifie les battements de votre cceur, qui maîtrise les passions, qui vous élève au-dessus de la corruption du monde, qui vous égale aux anges, qui vous purifie dans ce feu que le Christ est venu allumer sur la terre. Que le Christ triomphe dans les petits, ses privilégiés ; qu'il triomphe dans la jeunesse étudiante par la foi qui remporte la victoire sur les embûches de l'incrédulité ; qu'il triomphe dans la famille par le lien conjugal, qui commande et sanctifie l'amour dans la gloire des enfants ; qu'il triomphe dans l'Action catholique, secteur de l'apostolat des laïques, sous la conduite des chefs ou pasteurs de l'Eglise ; qu'il triomphe dans l'un et l'autre clergés, afin que l'éclat de la piété, du zèle, de l'esprit d'abnégation, des vertus sacerdotales et religieuses resplendisse dans l'un et l'autre, pour l'édification et le salut des fidèles. Que ce soit votre fierté de répandre l'instruction religieuse, la pensée chrétienne dans les journaux en luttant pour la vérité et pour la pureté de la foi contre les insinuations astucieuses et déformantes de l'erreur, qui trouble et bouleverse la simplicité du peuple chrétien. Dans ce développement de votre foi et de votre zèle pour la cause du Christ, Roi des âmes qu'il a rachetées, que votre prière, celle de vos petits-enfants, celle de tout le peuple devant celui qui est la source de toute force, le Dieu des armées et le Prince de la paix, soit l'arme plus habituelle garantissant la victoire. Cette paix sur vous et sur le monde entier, souhait quotidien et désir insatiable de Notre âme et de l'Epouse du Christ, demandez-la continuellement au Christ avec Nous, Vénérables Frères et chers fils. En attendant, avec toute l'effusion de Notre amour paternel, de cette colline vaticane consacrée par le tombeau du Prince des apôtres, en implorant l'intercession de sainte Rose de Lima, des saints Turibe de Mogrevejo et François Solano, des bienheureux Martin de Porres et Juan Masias6, Nous vous bénissons, vous, vos illustres pasteurs Nos frères, les hautes autorités de l'Etat et toute la chère nation péruvienne.

6 S. François Solano naquit à Montilla (Espagne) en 1549. Entré chez les Frères Mineurs, il se livra avec zèle à la prédication et au soin des pestiférés. En 1589, il aborde au Pérou et se consacre à l'évangélisation des peuplades indigènes du rio de la Plata. Modèle de prière, favorisé du don des miracles et de prophétie, il mourut le 14 juillet 1610 après une longue maladie de langueur et fut canonisé par Benoît XIII, en 1726. Sa fête est fixée au 24 juillet.

Martin de Porrès, né en 1579, à Lima, entra chez les Dominicains. Se distingua au service des malades et des orphelins et par sa sagesse surnaturelle dans la solution des affaires difficiles. Il mourut le 3 novembre 1630. Il a été béatifié par Grégoire XVI en 1837.

Le bienheureux Jean Masias est un religieux dominicain qui mourut en 1645. Il a été béatifié par Grégoire XVI en 1837. Sa fête est fixée au 16 septembre.


MOTU PROPRIO PRESCRIVANT POUR LE 24 NOVEMBRE 1940 DES PRIÈRES PUBLIQUES POUR LES NÉCESSITÉS ACTUELLES DU GENRE HUMAIN

(27 octobre 1940) 1

Le pape Pie XII, toujours soucieux de faire tout ce qui pouvait dépendre de lui pour la restauration de la paix entre les peuples, a prescrit par ce «- Motu proprio », pour le dimanche 24 novembre, la célébration de messes et la récitation de prières publiques à cette intention dans le monde entier.

Tous savent que depuis le commencement de la nouvelle et terrible guerre qui ravage l'Europe, fidèle à la responsabilité de la charge que Dieu Nous a confiée, répondant à ce que Nous inspirait Notre amour paternel pour tous les peuples, Nous n'avons rien omis de ce qui pouvait ramener au plus tôt, dans un ordre mieux établi et plus conforme à la justice, la concorde brisée entre tant de peuples ; bien plus, Nous n'avons rien négligé de ce qui pouvait, dans la mesure du possible, apporter consolations divines et secours humains à ceux que la violence du conflit accablait de désastres et de douleurs.

Mais, puisque l'affreux combat, loin de s'apaiser, continue avec plus de violence, puisque Notre voix médiatrice de paix semble être étouffée par la rumeur des armes, Nous tournons Notre esprit anxieux, mais confiant, vers le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation (cf. 2Co 1,3) ; Nous l'implorons d'accorder au monde des temps meilleurs, Lui qui seul assouplit la volonté des hommes et conduit le cours des événements par un signe de son divin vouloir.

Nous savons que Nos prières seront plus efficaces si elles se mêlent en parfaite union aux prières de Nos fils. C'est pourquoi, de même qu'au commencement du mois de mai passé, Nous avons convoqué tous les fidèles, spécialement les enfants, devant l'autel de la Vierge Mère de Dieu, pour implorer le secours du ciel 2, ainsi aujourd'hui Nous prescrivons qu'en union avec Nous, le 24 novembre prochain, des prières publiques se fassent dans le monde entier.

Nous avons la confiance que tous les enfants de l'Eglise répondront à Nos voeux avec tant d'empressement spontané qu'ils formeront un immense choeur, dont la voix suppliante, s'élevant jusqu'au plus intime des cieux, nous obtiendra la grâce de Dieu et sa divine miséricorde.

Nous espérons également — et Nous y attachons grande importance — que cette croisade de prières sera accompagnée de pénitences et de mortifications, et que chacun s'efforcera de vivre mieux, en conformant davantage sa conduite à la loi et à la morale chrétiennes. Sans aucun doute, les difficultés de l'heure présente et les dangers de l'avenir l'exigent ; la justice de Dieu et sa miséricorde, que nous devons nous rendre favorables, le demandent.

Mais puisque pour apaiser la divine Majesté et nous la rendre propice, rien n'a plus de valeur que le sacrifice eucharistique, dans lequel le Sauveur du genre humain lui-même « s'immole et s'offre en tout lieu... comme une hostie sans tache» (Ml 1,11), Nous désirons qu'au jour où s'élèvera cette prière universelle, tous les prêtres, dans la pieuse célébration de la sainte messe, s'unissent spirituellement à Nous, qui offrirons le saint sacrifice en la basilique vaticane sur la tombe de l'apôtre saint Pierre.

C'est pourquoi, par Motu proprio, en vertu de Notre Autorité apostolique, Nous décrétons que, le 24 novembre prochain, tous les prêtres qui doivent, par obligation de leur charge, célébrer pour le peuple, offriront cette messe à Notre intention. Et que les prêtres du clergé séculier et régulier sachent qu'ils Nous seront particulièrement agréables si chacun d'eux en célébrant ce même dimanche unit son intention à la Nôtre. Notre intention est la suivante : que tant de saints sacrifices offerts ce jour-là au Père éternel, à chaque ins-

tant et dans toutes les parties du monde, obtiennent le repos éternel pour tous ceux qui sont morts par le fait de la guerre ; que le réconfort de la grâce console et soutienne les exilés, les réfugiés, les dispersés, les prisonniers, tous ceux que, en un mot, les malheurs de la guerre accablent de tristesse et de souffrance ; et que l'ordre étant rétabli dans la tranquillité, les esprits étant apaisés par la charité chrétienne, enfin une paix digne de ce nom unisse les peuples de la famille humaine dans un accord fraternel, leur permettant de jouir de la prospérité et de la sérénité retrouvée.


DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX

(6 novembre 1940) 1

Rappelant aux jeunes époux le souvenir des défunts, le Saint-Père souligna l'esprit de famille qui doit régner entre les membres des trois Eglises : militante, souffrante et triomphante.

C'est en ces premiers jours de novembre, chers jeunes époux, que vous êtes venus demander Notre bénédiction sur votre avenir plein d'espoirs ; c'est au temps où la grande multitude des croyants, fidèle à l'appel de l'Eglise, dirige ses pas, avec ses larmes et ses prières, vers le coin de terre bénite où reposent les témoins du passé. Si le souvenir des chers disparus ravive dans les coeurs la tristesse des séparations, il laisse sans amertume les âmes à qui la foi donne la sérénité. De plus il vous est doux et salutaire, au moment de fonder une famille, de songer à ceux qui vous ont ouvert le chemin de la vie et transmis un patrimoine de vertus chrétiennes. En revoyant les pâles figures des défunts, telles que votre enfance les a contemplées ou telles que se les représente votre piété, vous pourrez vous redire l'un à l'autre, avec confiance, ce que le jeune Tobie disait à son épouse : Filii quippe sanctorum sumus ! « Nous sommes les enfants des saints ! (Tob., vm, 5) »

La fête de la Toussaint.

Vous n'ignorez pas que la sainte liturgie unit étroitement la Commémoraison des fidèles trépassés à la solennité de la Toussaint. Cette union met en un singulier relief le dogme consolant de la communion des saints, c'est-à-dire le dogme du lien spirituel intime qui unit avec Dieu et entre elles les âmes en état de grâce. Ces âmes se répartissent en trois groupes : les unes, déjà couronnées au ciel, forment l'Eglise triomphante ; les autres, détenues au purgatoire jusqu'à leur pleine et définitive purification, constituent l'Eglise souffrante ; d'autres enfin cheminent encore sur cette terre et composent l'Eglise militante. La solennité de tous les saints pourrait s'appeler en quelque sorte la fête des trois Eglises. L'oraison de ce jour invoque la bonté de Dieu par les mérites de tous les saints : omnium sanctorum tuorum merita sub una tribuisti celebritate venerari, « Dieu, qui nous avez accordé de célébrer dans une même solennité les mérites de tous vos saints ». Or, il existe des mérites dans les trois Eglises : des mérites glorifiés, dans la triomphante ; des mérites acquis et qui ne peuvent ni augmenter ni se perdre, mais qui attendent encore leur récompense, dans l'Eglise souffrante ; des mérites acquis qu'on peut accroître, mais aussi complètement perdre, dans l'Eglise militante. La fête de la Toussaint est donc comme une grande fête pour toutes les âmes en état de grâce.

Cette considération doit vous toucher tout particulièrement, jeunes époux qui venez de quitter une famille très chère pour en former une nouvelle. Celle-ci sera la continuation de la première, et, s'il plaît à Dieu, Nous l'en supplions avec vous, le commencement d'une longue série d'autres.

Vous pensez peut-être qu'à la Toussaint l'Eglise entend simplement glorifier ensemble tous les saints canonisés. Cette journée serait alors comme une récapitulation annuelle du Martyrologe Romain. En réalité c'est bien cela, mais c'est plus encore. En effet, lorsqu'en 609 ou 610 le pape Boniface IV purifia l'antique Panthéon de Rome, que lui avait cédé l'empereur Phocas, il dédia ce temple à la Bienheureuse Vierge Marie et à tous les Martyrs 2 et institua une fête annuelle en leur honneur 3. Mais déjà le siècle suivant voyait Grégoire III dédier dans la basilique de Saint-Pierre un oratoire « à Notre-Seigneur Jésus-Christ, à sa Sainte Mère, aux saints apôtres, à tous les saints martyrs et confesseurs, aux justes parfaits qui reposent dans la terre 4 ». Enfin Grégoire IV étendit la célébration de la fête de tous les Saints à l'Eglise universelle 5.

Les Saints, nos modèles.

Tous les saints : qu'est-ce à dire ? Communément on entend par là avant tout les héros du christianisme, ceux qu'une dernière et solennelle sentence du magistère infaillible déclare membres de l'Eglise triomphante et dont le culte est prescrit dans l'Eglise militante universelle 6. Vous ne manquerez certainement pas de trouver parmi eux des modèles et des patrons spéciaux. Toute famille chrétienne tourne d'instinct, pour ainsi dire, son regard vers la Sainte Famille de Nazareth et s'attribue un titre particulier à la protection de Jésus, Marie et Joseph. Mais, après eux, nombre d'hommes et de femmes se sont sanctifiés dans la vie familiale, tels les saints époux Chrysanthe et Darie, martyrs sous l'empereur Numérien. Il y a au ciel des pères de famille admirables, comme saint Ferdinand III, roi de Castille et de Léon, qui éduqua pieusement ses quatorze enfants ; des mères héroïques, comme la Romaine sainte Félicité, qui, selon les Actes de son martyre, vit de ses propres yeux ses sept fils succomber dans d'atroces tourments, sous le règne de l'empereur Antonin, et qui finit par avoir la tête tranchée. Cette mère courageuse entre toutes, raconte saint Pierre Chrysologue, allait et venait parmi les cadavres transpercés de ses fils, plus joyeuse que si elle s'était trouvée parmi les chers berceaux où ils avaient dormi bébés : c'est qu'elle voyait, des yeux intérieurs de la foi, autant de palmes que de blessures, autant de récompenses que de tourments, autant de couronnes que de victimes 7.

Au cours de l'année, chacun des saints a son jour de fête ; on peut donc penser qu'à la fête de la Toussaint l'Eglise ne se borne pas à les évoquer sommairement.

Remarque qui vaut surtout pour les saints de l'Eglise triomphante. Qu'il y ait au ciel, outre les grands vainqueurs, éclatants de la lumière de la canonisation ou de la béatification, des multitudes d'âmes inconnues sur terre, mais gratifiées de la vision béati-fique de Dieu, et que leur nombre dépasse tout calcul humain, saint Jean, qui avait vu leur gloire, en rend témoignage dans l'Apocalypse : « Après cela, je vis une foule immense que personne ne pouvait compter ; ils se tenaient debout devant le trône et devant l'Agneau, vêtus de robes blanches, et des palmes à la main. » Et ces élus sans nom distinct étaient « de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue » (Ap 7,9).

Les saints de notre famille.

Là se retrouve l'idée de famille : nous sommes enfants des saints ! Dans cette glorieuse phalange, n'avez-vous peut-être pas des ancêtres, peut-être même des proches parents ? Portez en ces jours-ci les yeux vers le ciel, élevez-y votre âme et vous y pourrez voir en esprit, à jamais bienheureux, beaucoup de ceux que vous avez aimés, beaucoup de ceux surtout qui, au cours d'une longue suite de générations, ont établi dans leurs descendants cette foi que vous allez transmettre à d'autres. Quelle force pour vous, et quelle consolation de penser que, après avoir quitté cette terre, ils ne vous ont point oubliés ; qu'il vous aiment toujours avec la même tendresse, mais avec une incomparable clairvoyance de vos besoins et un pouvoir supérieur d'y subvenir ; et que du haut du ciel descendra sur chaque nouveau berceau de leur postérité, en invisibles rayons de grâce, leur sourire de bénédiction.

Il est vrai, bien vrai, que vous ne sauriez avoir aucune certitude de leur glorification définitive ; il faut être si pur pour être admis à contempler à jamais et sans voile ce Dieu qui trouve des imperfections jusque dans les anges ! (Jb 4,18). L'aïeul vénéré dont la vie nous apparut si digne, si riche de mérites, cette bonne grand-mère dont les jours de labeur s'achevèrent en une mort si pieuse et si douce, se peut-il qu'eux non plus ne soient pas encore au ciel ?

Vous pouvez du moins, sans vaine présomption, forts d'une ferme confiance dans les promesses que Dieu a faites à la foi et aux oeuvres d'une vie vraiment chrétienne, vous pouvez les chercher au lieu de la suprême purification : le purgatoire. Vous éprouverez alors une sereine joie à la pensée que ces êtres bien-aimés sont désormais assurés de leur salut éternel et préservés du péché et des occasions de péché, de toutes les angoisses, infirmités et misères d'ici-bas. A la vue des peines qui les purifient de leurs dernières taches, votre pieuse affection vous engagera à prêter l'oreille à leurs voix bien chères, qui demandent vos suffrages, comme Job implorait, dans l'abîme de ses douleurs, la compassion de ses amis (cf. Job, Jb 19,21).

Vous comprendrez alors pourquoi la sainte liturgie, qui prolonge durant une octave la joie de la fête de tous les saints, continue sa prière pour l'Eglise souffrante durant tout le mois de novembre, spécialement dédié à ces pieux suffrages. Si vous invoquez donc la protection des saints qui sont au ciel, vous ne manquerez pas de secourir, par la prière, par les aumônes et surtout par le Saint Sacrifice de la messe, vos chers défunts qui se trouvent encore au purgatoire. Selon une pieuse croyance, ils intercéderont pour vous et, admis bientôt à la source de toute grâce, ils en répandront les flots bienfaisants sur toute leur descendance.

Les saints de l'Eglise militante.

Que dire maintenant des saints de la troisième Eglise, c'est-à-dire des saints qui combattent encore sur cette terre ? Reconnaissez, chers fils et filles, qu'il en existe, et que vous pouvez, si vous le voulez, vous mettre de leur nombre. Au sens étymologique et plus large du mot, la sainteté désigne l'état d'une personne ou d'une chose réputée inviolable ou sacrée. C'est ainsi que Cicéron 8 parlait de matronarum sanctitas, de la sainteté de ces épouses et mères universellement respectées qu'étaient les matrones romaines. Dans un sens plus élevé, le Seigneur disait aux Juifs de l'Ancien Testament : « Soyez saints, parce que je suis saint » (Lv 19,2). Et joignant à ce précepte le secours nécessaire pour l'accomplir, il ajoutait : « C'est moi, votre Seigneur, qui vous sanctifie (Lv 20,7-8). » Dans le Nouveau Testament, être saint c'est être consacré à Dieu par le baptême et conserver l'état de grâce, cette vie surnaturelle tout intime qui, aux yeux du Seigneur et des Anges, sépare les hommes en deux groupes profondément distincts, privés les uns de la grâce sanctifiante, les autres élevés jusqu'à cette mystérieuse et réelle participation de la vie divine. C'est pourquoi nombre de passages du Nouveau Testament désignent les premiers chrétiens du nom de saints. Saint Paul, par exemple, s'accuse d'avoir, avant sa conversion, jeté en prison beaucoup de saints (Ac 26,10). Le même apôtre écrivait aux fidèles d'Ephèse : « Vous êtes concitoyens des saints et membres de la famille de Dieu (Ep 2,19) », et il priait les chrétiens de Rome de subvenir aux nécessités des saints (Rm 12,13).

Ces saints de la terre ont, eux aussi, leurs mérites, des mérites qui peuvent secourir les autres hommes9 et les âmes de l'Eglise souffrante. Mais l'Eglise, notre mère, sait fort bien que les mérites des vivants sont précaires. Elle sait fort bien que, si certains de ses enfants de la terre sont pour leurs frères de puissants intercesseurs, ils ont, eux aussi, comme tous ceux qui militent ici-bas, un continuel besoin d'intercession. Aussi donne-t-elle à l'oraison de la Toussaint la conclusion suivante : « Accordez-nous, Seigneur, grâce à de si nombreux intercesseurs, l'abondance tant désirée de vos miséricordes. »

« Nous sommes enfants des saints ! » Chers fils et filles, il faut bien vous persuader que votre jeune famille pourra et devra être une famille sainte, c'est-à-dire inviolablement unie à Dieu par la grâce. Inviolablement : le sacrement lui-même, qui exige l'indissolubilité du lien conjugal, vous communique une force surnaturelle qui, si vous le voulez, tiendra en échec les tentations et les séductions ; ainsi les perfides insinuations du dégoût de la vie quotidienne et de la fatigue habituelle, du besoin de nouveauté et de changement, la soif des expériences dangereuses, les attraits du fruit défendu n'auront sur vous aucune prise, car vous saurez conserver cet état de grâce par la vigilance, la lutte, la pénitence et la prière. Unis à Dieu, vous serez saints et vos enfants le seront après vous, parce que, lavés dès le baptême dans le sang rédempteur du Christ, vous avez consacré ou sans doute vous allez consacrer votre foyer domestique à son divin Coeur, dont l'image veillera sur vos jours et sur vos nuits.


Pie XII 1940 - RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS A LA VEILLE DE LA JOURNÉE MISSIONNAIRE MONDIALE