Pie XII 1941 - CONVENTION ENTRE LE SAINT-SIÈGE ET LE GOUVERNEMENT ESPAGNOL


CONVENTION AVEC LE GOUVERNEMENT ESPAGNOL 157

9. Jusqu'à la conclusion d'un nouveau concordat, le gouvernement espagnol s'engage à observer les dispositions contenues dans les quatre premiers articles du concordat de 1851 2.

10. Jusque-là également, le gouvernement s'engage à ne pas légiférer sans accord préalable avec le Saint-Siège dans les matières mixtes ou qui pourraient de quelque façon intéresser l'Eglise.

2 Voici les quatre premiers articles du concordat de 1851 :

Article premier : La religion catholique, apostolique et romaine, qui continue d'être, à l'exclusion de tout autre culte, l'unique religion de la nation espagnole, sera toujours conservée dans les domaines de Sa Majesté catholique, avec tous les droits et toutes les prérogatives dont elle doit jouir selon la loi de Dieu et les prescriptions des saints canons.

Article 2 ; En conséquence, l'enseignement dans les universités, collèges, séminaires et écoles

fpubliques ou privées sera en tout conforme à la doctrine de la religion catholique. A cette fin, es évêques et autres prélats diocésains ne seront en aucune manière empêchés, dans l'exercice propre de leur ministère, de veiller à la pureté de la doctrine de la foi et des moeurs et sur l'éducation religieuse de la jeunesse, même dans les écoles publiques.

Article 3 : Aucun obstacle ne devra être apporté à l'exercice des fonctions de ces prélats ou des autres ministres sacrés. Ils ne devront être inquiétés par personne, sous aucun prétexte, dans tout ce qui concerne l'accomplissement des devoirs de leur charge ; les autorités du royaume auront même soin de leur faire rendre le respect et la considération qui leur sont dus de droit divin. Sa Majesté et son gouvernement royal accorderont aussi leur protection et leur appui aux évêques chaque fois qu'ils en feront la demande, spécialement pour s'opposer à la méchanceté des hommes qui tenteraient de pervertir les âmes des fidèles et de corrompre les moeurs, ou pour empêcher la publication, l'introduction ou la circulation de livres mauvais ou nuisibles.

Article 4 : Dans toutes les autres matières relatives au droit et à l'exercice de l'autorité ecclésiastique et au ministère des saints ordres, les évêques et leur clergé jouiront de la pleine liberté, aux termes des saints canons.

RADIOMESSAGE AU IXe CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL DES ÉTATS-UNIS TENU A SAINT-PAUL DE MINNESOTA

(26 juin 1941J 1

Le message suivant célèbre l'Eucharistie comme source d'union entre les chrétiens et les nations du monde :

Au moment où Nous faisons résonner Notre voix à travers d'amples espaces de terre et de mer pour Nous associer à vos prières d'adoration et d'action de grâces, Notre coeur s'émeut au souvenir de ces paroles inspirées du prophète du Nouveau Testament : « Grandes et admirables sont vos oeuvres, Dieu tout-puissant ! Qui ne craindrait, Seigneur, et ne glorifierait votre nom ? » (Ap 15,3-4). Merveilleux est, en vérité, cet univers jailli de l'amour tout-puissant du Créateur. Merveilleux en sont les éléments qui permettent aux hommes, créatures de Dieu, d'unir leurs voix pour le glorifier en dépit de l'obstacle apparent du temps et de l'espace.

Et pourtant, plus merveilleux encore est le précieux gage de l'amour suprême du Christ pour l'homme qui fut le centre de votre dévotion et l'objet de vos études durant ces journées inoubliables. Pour devenir notre frère, le Fils éternel de Dieu a pris sang et chair humains : cette même chair et ce même sang il nous les laisse en nourriture à nos âmes, afin que nous devenions ses frères et parce que ses frères, cohéritiers de Dieu à cause de lui 2.

1 D'après le texte anglais des A. A. S., 33, 1941, p. 351 ; cf. la traduction française des Actes de S.S. Pie XII, t. III, p. 120.

Les nations du monde rassemblées autour de l'Hostie.

Vous êtes venus, Vénérables Frères et chers fils, du nord et du sud, de l'est et de l'ouest des vastes Etats-Unis, du Canada et du Mexique et des îles Caraïbes. Notre Fils bien-aimé, le cardinal archevêque de Philadelphie, a présidé vos assemblées en Notre nom et, en tant que Notre légat, Nous a rendu, pour ainsi dire, visiblement présent au milieu de vous. Vous vous êtes agenouillés dans une prière ardente devant le tabernacle de votre Dieu caché ; vous avez levé les yeux et incliné la tête pour adorer l'Hostie sainte exposée dans l'ostensoir sans prix. Mais vous savez que le pain et le vin de notre sacrifice de la Loi Nouvelle n'ont pas été transsubstantiés au corps et au sang du Christ pour demeurer dans le tabernacle ou l'ostensoir. Chaque hostie n'a été consacrée que pour trouver enfin le chemin du coeur de l'homme. Aussi, pendant ces jours où Nos pensées s'envolent fréquemment vers vos cités jumelles sur les hauts rivages du Père Marquette, le père des rivières, où Nous avons eu, autrefois, le plaisir de faire une visite à Notre Vénérable Frère, votre dévoué archevêque, il Nous a semblé apercevoir en vision des milliers et même des dizaines de milliers de Nos chers enfants, recevant avec respect et avec ferveur des mains consacrées des prêtres de Dieu le corps et le sang de leur Seigneur et Maître, leur Dieu et Rédempteur.

Les nations du monde sont là ; il n'est aucun peuple d'Europe qui n'ait parmi vous des fils de son sang ; l'Asie, l'Afrique, l'Australie sont là ; et Nous y voyons Nos chers fils noirs et Nos chers Indiens ; tous ils participent à l'unique Victime du Golgotha, tous ils sont unis à Dieu le Père par le Christ Jésus qui habite en eux avec l'Esprit-Saint.

« O sacrement de l'Amour délicat ! O signe de l'unité ! O lien de la charité ! » s'écriait saint Augustin 3, et le zélé Apôtre des gentils dont votre cité s'honore de porter le nom depuis cent ans, nous a enseigné la vérité divinement inspirée dans ces paroles : « Parce qu'il y a un seul Pain, nous ne sommes qu'un corps malgré notre grand nombre, attendu que tous nous recevons notre part de ce Pain unique » (1Co 10,17). « Mais quel est ce pain ? » demande saint Jean Chrysostome. « Le Corps du Christ. Et que deviennent ceux qui y participent ? Le Corps du Christ ; non pas plusieurs corps,

3 In Ioannis Evangel., tract. XXVI, c. VI, n. 13.

mais un seul corps... Il n'y a pas un corps pour te nourrir toi et un autre corps pour nourrir ton voisin, mais vraiment le même pour tous » 4.

L'Eucharistie, source d'union...

Oui, le sacrement de nos autels est une source d'union qui transcende toutes les contingences de l'histoire, tous les traits caractéristiques et les particularités qui ont éparpillé la famille humaine en groupes différents. Il reconsacre, il élève, il sanctifie l'union que proclame à la fois notre commune nature et notre commune et universelle destinée. Il purifie l'amour que chaque homme doit nourrir pour tous ses semblables, cet amour qui stimule notre zèle à défendre les droits spirituels et moraux de nos frères. Il rend cet amour plus profond, il l'affermit de sorte que nulle bourrasque violente ne puisse ni l'affaiblir ni le détruire. « C'est à cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres » (Jn 13,35). Et si, par la sainte communion, Nous devenons un avec le Christ, comment pouvons-nous ne pas aimer tous les hommes, pour l'amour desquels le Christ est mort sur la croix ?

... et invitation au sacrifice personnel.

Saint Augustin a donné à ces sublimes et terribles vérités une saisissante expression lorsqu'il écrivait, parlant de la sainte Eucharistie : « Si vous le recevez dignement, vous devenez ce que vous avez reçu » 5. Après lui, saint Thomas nous dit que par la communion nous sommes tous transformés dans le Christ6. Vénérables Frères et fils bien-aimés, c'est une victime que nous avons reçue, c'est en une victime que nous sommes changés. Mais, demanderez-vous, quels éléments d'immolation doivent se trouver dans notre vie ? Il est éminemment convenable que vous ayez proposé comme sujet de discussion, dans la section de la jeunesse de votre congrès : « Le sacrifice du Christ et l'importance du sacrifice personnel. » Le sacrifice, et spécialement le propre sacrifice de chacun de nous, est un élément essentiel de la vie de victime. Les anciens explorateurs racontent dans leurs relations la grande stupeur qu'ils ont

* In Epist. I ad Cor., hom. XXIV, n. 2 ; Migne, P. G., t. LXI, col. 200.

5 Serm. CCXXV1I ; Migne, P. L., t. XXXVIII, col. 1099.

6 Exposit. in epist. I ad Cor., cap. X, lect. IV.

éprouvée à la vue de l'impétueux courant de votre fleuve Mississipi. Il existe aujourd'hui un courant plus fort de noir paganisme qui entraîne tous les peuples et qui dans sa course rapide transporte des journaux, des revues, des films, renverse tous les barrages du respect de soi-même et de la décence, mine les fondements de la culture et de l'éducation chrétiennes. Seul un jeune homme, seule une jeune fille prêts au sacrifice d'eux-mêmes — Nous allions ajouter à l'héroïque sacrifice d'eux-mêmes — pourront échapper à l'inondation.

¦s catholiques des Etats-Unis, terre de liberté...

Vous vivez dans un pays où la tradition de la liberté humaine vous permet de pratiquer votre foi sans difficultés et sans entraves. Votre principal ennemi est au-dedans de vous : c'est la pesanteur naturelle de notre humanité déchue qui nous entraîne à l'égoïsme et au péché. Le sacrifice de nous-mêmes doit combattre cette inclination. Vos paroisses se multiplient ; vos écoles, vos collèges, vos universités sont remplis d'écoliers et d'étudiants ; vos associations de jeunesse sont florissantes ; vos organisations pour le service social et civique renforcent les remparts de moralité et de religion, sans lesquels nul ne peut aspirer à la prospérité et à la paix.

doivent songer à leurs frères persécutés.

Mais vous ne devez pas oublier que vous appartenez à une Eglise dont le fondateur et le chef fut flagellé, insulté et crucifié (Mt 20,19), que son Corps mystique, c'est-à-dire l'Eglise, qui a toujours souffert persécution, est encore persécuté aujourd'hui, persécuté dans certains de ses membres si habilement qu'il est difficile de mesurer jusqu'où s'étendront les effets de ces persécutions. Et, amère tragédie, des pères et des mères qui sont des catholiques fidèles doivent, la mort dans l'âme, songer au danger chaque jour plus menaçant que leurs enfants et leurs petits-enfants puissent être privés de l'héritage précieux de la foi qu'ils espéraient sauvegarder.

Dans Notre allocution de la dernière fête de Pâques, vous vous en souvenez, Notre coeur paternel eut une parole spéciale de réconfort et d'encouragement pour ceux que leur fidélité au Christ engage sur le douloureux chemin de la croix. Ces catholiques, Vénérables Frères et fils bien-aimés, sont, comme vous, membres du même Corps, celui du Christ. Par le sacrement de nos autels, son même Esprit vivifiant a nourri leurs âmes comme il a nourri les nôtres. S'il leur est demandé de souffrir pour notre foi les souffrances physiques et l'angoisse morale de la Passion du Christ n'ont-ils pas un titre spécial à la sympathique prière des autres membres du Christ ? « Qui est faible que je ne sois faible aussi ? » (2Co 11,29) fut le cri du coeur apostolique de saint Paul. Il devrait rencontrer un fidèle écho dans tout coeur vraiment catholique, un écho qui, comme la voix de l'Apôtre, ne se brise pas sur les étroites limites élevées par l'homme, mais retentisse partout, fût-ce aux extrémités du monde, où des membres du Corps mystique du Christ souffrent et sont dans le besoin.

Ce zèle brûlant et inextinguible pour défendre et étendre le royaume de Dieu sur la terre, qui rendit l'âme de saint Paul si parfaitement semblable au Christ, a circulé à travers toutes les sessions de votre congrès, Nous en sommes sûr, et a été attisé en une flamme plus ardente et plus pure par votre amour de la divine Victime de notre saint sacrifice. Vos vies témoigneront de ce zèle d'un apôtre. Puisse le Coeur de Jésus dans le Très Saint Sacrement, être loué, adoré et aimé d'une affection reconnaissante, à tout moment, dans tous les tabernacles du monde et jusqu'à la fin des temps !

C'est avec cette prière familière sur les lèvres comme gage de l'amour le plus tendre et le plus débordant du Sacré-Coeur pour tous les hommes, que Nous accordons dans la profonde affection de Notre coeur paternel, la Bénédiction apostolique, à ceux qui sont présents, à tous ceux qui ont pris part au congrès, même seulement en esprit, à tous Nos chers fils des Etats-Unis et des autres contrées représentées par leurs évêques.

30

RADIOMESSAGE AU MONDE ENTIER POUR LA FÊTE DES SAINTS PIERRE ET PAUL

29 juin 1941

1 D'après le texte italien des A. A. S., 33, 1941, p. 319 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. III, p. 124.

Ce radiomessage qui constitue un magnifique exposé sur le problème du mal, de la souffrance et de la providence de Dieu, a été retransmis par la radio italienne dans les différentes langues des peuples de la chrétienté :

En cette solennité des saints apôtres Pierre et Paul, les pensées et les sentiments de votre dévotion, chers fils de toute l'Eglise catholique, se portent vers Rome en lui adressant la strophe triomphale : O Roma felix quae duorum principum es consecrata glorioso sanguine ! « Heureuse Rome qui a été consacrée par le sang glorieux de ces deux princes ! » Mais le bonheur de Rome, ce bonheur de sang et de foi, est aussi le vôtre : la foi de Rome, scellée ici sur les deux rives du Tibre par le sang des princes des apôtres, est la foi qui vous a été annoncée à vous, qui s'annonce et s'annoncera dans le monde entier. Votre pensée exulte en saluant Rome parce que vous sentez en vous l'inébranlable fermeté puisée par votre foi dans son universelle romanité.

Rome a été baptisée dans le sang des apôtres Pierre et Paul.

Il y a dix-neuf siècles que la Rome des Césars a été baptisée Rome chrétienne dans le sang glorieux du premier Vicaire du Christ et du Docteur des nations pour être à jamais la représentante de l'indéfectible primat de l'autorité sacrée et de l'infaillible magistère de la foi de l'Eglise ; et c'est dans ce sang que furent écrites les premières pages d'une nouvelle magnifique histoire des saintes luttes et victoires de Rome.

Courage des premiers chrétiens

Vous êtes-vous jamais demandé quels devaient être les sentiments et les craintes du petit groupe des chrétiens perdus dans la grande cité païenne, lorsque, après avoir enseveli en hâte les corps des deux grands martyrs, l'un au pied du Vatican, l'autre sur la voie d'Ostie, ils se retrouvèrent, la plupart dans leurs cellules d'esclaves ou de pauvres artisans, quelques-uns dans leurs riches demeures, tous se sentant seuls et comme orphelins après cette disparition des deux grands apôtres ? La fureur de la tempête avait été déchaînée peu auparavant sur l'Eglise naissante par la cruauté de Néron ; devant leurs yeux se dressait encore l'horrible vision des torches humaines fumant durant la nuit dans les jardins impériaux, et des corps déchirés palpitant dans les cirques et dans les rues. Il leur semblait que l'implacable cruauté avait couronné son triomphe en frappant et en abattant les deux colonnes dont la seule présence soutenait la foi et le courage de la petite troupe des chrétiens. En ce crépuscule sanglant, comme leurs coeurs devaient se serrer de douleur en se trouvant privés désormais du réconfort et de la présence de ces deux voix puissantes, livrées à la férocité d'un Néron et au formidable bras de la puissance de l'Empire romain !

... et de saint Lin, le premier pape.

Mais, contre le fer et la puissance matérielle du tyran et de ses ministres, ils avaient reçu l'Esprit de force et d'amour, plus vigoureux que les tourments et que la mort. Et il Nous semble voir à la réunion suivante, au milieu de la communauté désolée, le vieux Lin, celui qui le premier fut appelé à remplacer Pierre disparu, prendre entre ses mains tremblantes d'émotion les feuillets où se conservait précieusement le texte de la lettre envoyée jadis par l'Apôtre aux fidèles de l'Asie mineure, et y lire lentement ces phrases de bénédiction, de confiance et de consolation : « Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vivante espérance par la Résurrection de Jésus-Christ... Dans cette pensée vous tressaillez de joie, bien qu'il vous faille encore pour un peu de temps être affligés par diverses épreuves... Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu... vous déchargeant sur lui de toutes vos sollicitudes, car lui-même prend soin de vous... Le Dieu de toute grâce qui vous a appelés à sa gloire éternelle dans le Christ, après quelques souffrances achèvera lui-même son oeuvre, vous fortifiera, vous rendra inébranlables. A lui soit la gloire et la puissance aux siècles des siècles ! » (1P 1,3 1P 1,6 1P 5,6 1P 5,10).

L'angoisse du Saint-Père devant les maux qui assaillent l'humanité.

Nous aussi, chers fils, qui, par un insondable dessein de Dieu, avons reçu après Pierre, Lin et cent autres saints pontifes, la mission de fortifier et de consoler Nos frères dans le Christ Jésus (Lc 22,32), Nous sentons, comme vous, Notre coeur se serrer en pensant à l'épouvantable tourbillon de maux, de souffrances et d'angoisses qui déferle aujourd'hui sur le monde. Il ne manque certes pas jusque dans l'obscurité de la tempête de spectacles réconfortants qui ouvrent le coeur à de grandes et saintes attentes : courage magnanime à défendre les fondements de la civilisation chrétienne et confiante espérance dans leur triomphe, intense amour de la patrie, actes héroïques de vertu, âmes choisies promptes et prêtes à tous sacrifices, dévouements généreux, large réveil de foi et de piété.

Mais, d'un autre côté, nous voyons le mal et le péché pénétrant dans la vie des individus, dans le sanctuaire de la famille, dans l'organisme social, non plus simplement toléré par faiblesse ou impuissance, mais excusé, mais exalté, mais entré en maître dans les manifestations les plus diverses de la vie humaine : décadence de l'esprit de justice et de charité, peuples entraînés et tombés dans un abîme de désastres, corps humains déchirés par les bombes et la mitraille, blessés et malades qui remplissent les hôpitaux et n'en sortent souvent que la santé ruinée, les membres mutilés, invalides pour toute la vie, prisonniers loin des leurs et souvent sans nouvelles, individus et familles déportés, transplantés, séparés, arrachés à leurs demeures, errant dans la misère, sans secours, sans moyen de gagner leur pain. Et tous ces maux ne frappent pas seulement les combattants, mais pèsent sur les populations entières : vieillards, femmes, enfants, les plus innocents, les plus paisibles, les plus privés de défense. Blocus et contre-blocus, qui augmentent partout les difficultés du ravitaillement, au point qu'ici et là la faim se fait cruellement sentir. En plus de tout cela, les indicibles souffrances, douleurs et persécutions que tant de Nos chers fils et filles, prêtres, religieux et laïques, supportent en certaines régions pour le nom du Christ, à cause de leur religion, de leur fidélité à l'Eglise, de leur ministère sacré, peines et amertumes que la sollicitude même pour ceux qui les souffrent ne permet pas de révéler dans tous leurs douloureux et émouvants détails.

Le problème du mal : tentation de certains chrétiens.

En présence d'une pareille accumulation de maux, de dangers pour la vertu, de désastres et d'épreuves de toutes sortes, la pensée et le jugement des hommes se perdent et sont confondus. Peut-être s'est-il élevé dans le coeur de plus d'un parmi vous la terrible pensée du doute qui, déjà peut-être, vint tenter et troubler en présence de la mort des deux apôtres quelques chrétiens moins fermes : comment Dieu peut-il permettre tout cela ? Comment est-il possible qu'un Dieu tout-puissant, infiniment sage et infiniment bon, permette tant de maux qu'il lui serait si facile d'empêcher ? Et monte aux lèvres le mot de Pierre, encore imparfait, à l'annonce de la Passion : «Cela ne vous arrivera absolument pas Seigneur!» (Mt 16,22). Non, mon Dieu, pensent-ils, ni votre sagesse, ni votre bonté, ni votre honneur même ne peuvent laisser à tel point le mal et la violence dominer le monde, se jouer de vous et triompher de votre silence. Où est votre puissance, votre Providence ? Devrons-nous donc douter ou de votre gouvernement divin ou de votre amour pour nous ?

La Providence de Dieu.

« Tu n'as pas la sagesse de Dieu, mais celle des hommes » (Mt 16,23), répondit le Christ à Pierre, comme jadis il avait fait dire au peuple de Juda par le prophète Isaïe : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies » (Is 55,8).

Tous les hommes ne sont que des enfants devant Dieu, tous même les plus profonds penseurs et les plus expérimentés conducteurs de peuples. Ils jugent les événements avec les courtes vues du temps qui passe et s'envole sans retour, tandis que Dieu les regarde des hauteurs et du centre immobile de l'éternité. Ils ont devant leurs yeux l'étroit panorama de quelques années ; Dieu a devant lui le panorama complet de tous les siècles. Ils pèsent les événements humains selon leurs causes prochaines et leurs effets immédiats ; Dieu les voit dans leurs causes les plus reculées et les mesure dans leurs effets les plus lointains. Ils s'arrêtent à démêler les responsabilités particulières de telle ou telle main ; Dieu voit dans son ensemble le concours compliqué et mystérieux des responsabilités, sa haute Providence n'excluant la liberté d'aucun choix humain, pas plus des mauvais que des bons. Ils voudraient la justice immédiate et se scandalisent devant l'éphémère puissance des ennemis de Dieu, les souffrances et les humiliations des bons ; mais le Père céleste qui, dans la lumière de son éternité, embrasse, pénètre et domine les vicissitudes des temps comme la sereine paix des siècles qui ne doivent pas finir, Dieu, bienheureuse Trinité, plein de compassion pour les faiblesses, les ignorances et les impatiences humaines, mais aimant trop les hommes pour se laisser détourner par leurs fautes mêmes des voies de sa sagesse et de son amour, continue et et continuera à faire lever son soleil sur les bons et les mauvais, à faire tomber sa pluie sur les justes et les injustes (Mt 5,45), à guider leurs pas d'enfants avec fermeté et tendresse, leur demandant seulement de se laisser mener par lui et de faire crédit à la puissance et à la sagesse de son amour pour eux.

Faire crédit à Dieu.

Faire crédit à Dieu, qu'est-ce à dire ?

Faire crédit à Dieu, c'est, de toute la force d'une volonté soutenue par la grâce et par l'amour, en dépit de tous les doutes suggérés par des apparences contraires, s'abandonner à la toute-puissance, à la sagesse, à l'amour infini de Dieu.

C'est croire que rien en ce monde n'échappe à sa Providence, aussi bien dans l'ordre général que dans le détail ; que rien de grand ou de petit n'arrive qui ne soit prévu, voulu ou permis, toujours dirigé par cette Providence à ses fins élevées qui, en ce monde, sont toujours des fins d'amour pour les hommes. C'est croire que Dieu peut permettre parfois ici-bas, pour un temps, la prédominance de l'athéisme et de l'impiété, de douloureux obscurcissements du sens de la justice, des violations des droits, des tourments d'hommes innocents, paisibles, sans défense et sans appui. C'est croire que Dieu laisse ainsi parfois s'abattre sur les individus et sur les peuples des épreuves dont l'instrument est la malice des hommes, dans un dessein de justice, pour punir les péchés, pour purifier individus et peuples par les expiations de la vie présente et les ramener ainsi à lui ; mais c'est croire en même temps que cette justice reste toujours ici-bas une justice de Père, inspirée et dominée par l'amour. Si rude que puisse paraître la main du chirurgien divin quand elle fait entrer le fer dans les chairs vives, toujours l'amour le guide et le pousse, c'est uniquement le vrai bien des individus et des peuples qui la fait intervenir si douloureusement. C'est croire, enfin, que l'épreuve, dans toute son acuité, comme le triomphe du mal, ne dureront même ici-bas qu'un certain temps, et pas davantage ; que l'heure de Dieu viendra, l'heure de la miséricorde, l'heure de la sainte joie, l'heure du cantique nouveau de la délivrance et de l'allégresse (Ps 96), l'heure où après avoir laissé un moment l'ouragan sévir sur la pauvre humanité, la toute-puissante main du Père céleste, d'un geste imperceptible, l'arrêtera et le dissipera, l'heure où, par des voies insoupçonnées des intelligences et des esprits humains, les nations se verront rétablies dans la justice, le calme et la paix.

Valeur de la souffrance.

Nous le savons bien, pour ceux qui n'ont pas un juste sens des choses de Dieu, la difficulté la plus grave, c'est de voir tant d'innocents amenés à souffrir dans la même tempête qui emporte les pécheurs. Aux hommes, il n'est jamais possible de rester indifférents lorsque l'orage qui fracasse les grands arbres, arrache en même temps les humbles petites fleurs qui s'ouvrent à leur pied dans le seul but de prodiguer à l'air qui les entoure la grâce de leur beauté et de leurs parfums. Et cependant, eux aussi, ces fleurs et ces parfums sont l'oeuvre de Dieu et de son art admirable ! S'il permet que telle de ces fleurs soit emportée par le tourbillon des vents, ne serait-ce pas qu'au sacrifice de cette très innocente créature, il peut avoir assigné un but, inconnu à l'oeil des hommes, dans l'économie générale des lois par lesquelles il règle et gouverne la nature ? Combien plus, donc, sa toute-puissance et son amour sauront-ils tourner en bien le sort d'êtres humains purs et innocents !

Avec la foi qui s'est affaiblie dans leurs coeurs, avec le goût du plaisir qui domine et fascine leur vie, les hommes sont portés à regarder comme des maux, et des maux absolus, tous les accidents physiques de cette terre. Ils ont oublié que, dès l'aube de la vie humaine, la douleur est là, et que c'est elle qui conduit aux sourires du berceau ; ils ont oublié que, le plus souvent, elle est une projection de la croix du Calvaire sur le sentier qui conduit à la Résurrection ; ils ont oublié que souvent la croix est un don de Dieu, don nécessaire pour offrir, nous aussi, à la divine justice, notre part d'expiation ; ils ont oublié que le seul vrai mal est le péché qui offense Dieu ; ils ont oublié la parole de l'Apôtre que « les souffrances de la vie présente sont sans proportion avec la gloire future qui se manifestera un jour en nous » (Rm 8,18) ; ils ont oublié que nous devons garder les yeux fixés sur l'auteur et le consommateur de notre foi, Jésus qui, au lieu de la joie qui lui était offerte, a enduré la croix (He 12,2).

Mystère de la Croix.

C'est vers le Christ crucifié sur le Golgotha, force et sagesse qui attire à elle l'univers, que, dans les tribulations sans fin de la prédication évangélique, se tournèrent les deux princes des apôtres, attachés à la croix avec le Christ, Pierre mourant crucifié, Paul courbant la tête sous le fer du bourreau, tous deux montrant, enseignant et témoignant que dans la croix se trouvent le réconfort et le salut et que, dans l'amour du Christ, on ne peut vivre sans douleur. C'est vers cette croix, voie éclatante, vérité et vie, que se tournèrent les premiers martyrs romains et les premiers chrétiens à l'heure de la souffrance et de la persécution. Vous aussi, ô chers fils, tournez-vous aussi vers elle dans vos épreuves et vous trouverez la force, non seulement de les accepter avec résignation, mais de les aimer, de vous en glorifier, comme les aimèrent et s'en glorifièrent les apôtres et les saints, nos pères et nos frères aînés, qui cependant étaient formés de la même chair que vous, doués de la même sensibilité que vous.

Exemple de la Mère des douleurs.

Vos souffrances et vos anxiétés, regardez-les à travers les douleurs du Crucifié, à travers les douleurs de la Vierge, la plus innocente des créatures et celle qui eut le plus de part à la divine Passion, et vous arriverez à comprendre que la ressemblance avec le Fils de Dieu, roi des douleurs, est la voie la plus auguste et la plus sûre vers le ciel et le triomphe.

Le courage chrétien.

Ne regardez pas seulement les épines dont le tourment vous afflige et vous fait souffrir, mais aussi le mérite qui de votre souffrance fleurit comme une rose pour la couronne céleste ; vous trouverez alors, avec la grâce de Dieu, le courage et la force de montrer cet héroïsme chrétien, qui est à la fois sacrifice et victoire et paix surpassant toute intelligence, cet héroïsme que votre foi a le droit d'exiger de vous.

« Enfin, répétons-Nous avec saint Pierre, qu'il y ait entre vous unité de sentiments, bonté compatissante, charité fraternelle, affection miséricordieuse, modestie, humilité ; ne rendez pas le mal pour le mal ni la malédiction pour la malédiction ; bénissez, au contraire..., afin qu'en toute chose Dieu soit glorifié par Jésus-Christ, à qui appartient la gloire et la puissance dans les siècles des siècles » (1P 3,8-9 1P 4,11).

La mission de Rome.

Mais, pendant que les sublimes grandeurs du christianisme élèvent si haut Nos pensées, Nous sentons cependant, dans l'intime de Notre coeur, que les aspirations de tous Nos fils se confondent avec les Nôtres pour demander à Dieu que la vertu de tous se trouve à une heure si grave de l'histoire à la hauteur de leur foi. Nous pensons à toi, ô chère Rome qui est doublement Notre patrie, objet d'un éternel dessein, habituée à porter avec une si haute conscience les plus grandes obligations dans la vie de l'Eglise. Nous te bénissons d'abord, sûr que tu ne démentiras pas, à cette heure, dans une force toujours égale et dans la pratique du bien, cette foi qui t'a faite maîtresse du monde et vénérable pour les nations chrétiennes. Avec toi, Nous bénissons le peuple italien tout entier. Ayant le privilège d'avoir au milieu de lui le centre de l'unité de l'Eglise, il présente les signes manifestes d'une mission divine providentielle. Sur les monuments de son histoire séculaire, mouvementée mais glorieuse, il montre intactes ses magnifiques traditions catholiques.

Sur le monde entier, partout où Nous avons des fils, tous également chers, Nous étendons Notre bénédiction tandis que Notre coeur s'émeut dans Notre poitrine en pensant à ces peuples qui souffrent davantage des sanglantes calamités actuelles qui ont déjà rempli la terre de tant de deuils et de tant de larmes. De Nos prières et de Nos voeux, Nous ne voulons exclure aucun de ceux qui sont encore éloignés du sein de l'Eglise, demandant qu'ils en entendent le pressant et maternel appel et qu'eux aussi cherchent en elle le salut et la paix. A Dieu Nous offrons ainsi tous les hommes, dans le Christ Jésus rédempteur de tous. Et, en son nom, par l'autorité des saints apôtres Pierre et Paul, dont nous célébrons le martyre et le triomphe, à tous, Nous accordons, dans l'effusion de Notre coeur, la Bénédiction apostolique.

LETTRE AUX ÉVÊQUES D'ESPAGNE SUR LES SÉMINAIRES

29 juin 1941

Cette lettre a été adressée aux évêques d'Espagne lors de l'approbation par la Sacrée Congrégation des Séminaires et Universités du nouveau règlement et programme d'études établi par la Commission episcopale espagnole réunie à cet effet. Après avoir souligné les mérites, la valeur et le zèle du clergé espagnol, surtout dans la persécution récente, le Saint-Père rappelle la mission de l'Eglise et du prêtre et la nécessicté pour celui-ci d'une vaste culture.

Les nouveaux règlements et programmes d'études des séminaires.

Nous avons appris avec une profonde joie, Nos chers Fils et Vénérables Frères, que vous vous appliquiez avec soin à ce que le règlement disciplinaire et le programme d'études, soigneusement et diligemment rédigés tout récemment par la Commission episcopale choisie à cet effet, en tenant compte des documents pontificaux en ce domaine, soient appliqués dans vos séminaires, après avoir demandé Notre approbation par l'entremise de la Sacrée Congrégation des Séminaires et Universités. Cette entreprise, à la vérité, atteste clairement votre sollicitude pastorale pour le bien spirituel du troupeau que Dieu vous a confié ; elle manifeste aussi, une fois de plus, la déférence consciencieuse avec laquelle vous vous conformez aux voeux et désirs du Siège apostolique. De cette sorte, en consacrant vos soins et vos travaux à former et à préparer de bons soldats du Christ, vous obtenez que par vous se maintiennent et se perpétuent les qualités pastorales qui pendant si longtemps ont fait la gloire de l'Eglise d'Espagne.

Eloge de la valeur des évêques et du clergé espagnol.

Toujours, en effet, en même temps que les très illustres Pères des conciles d'Espagne et les évêques leurs successeurs, on a pu y voir, instruits par leur science et leurs exemples, des prêtres très distingués, souverainement recommandables par leur profonde piété et l'éclat de leur savoir. Ils furent, en vérité, comme le sel et la lumière du peuple espagnol, auquel Dieu, distributeur de tous les dons, confia durant plusieurs siècles, la charge spéciale de défendre la foi et la religion et aussi celle d'annoncer l'Evangile au Nouveau-Monde. Nous croyons fermement que Dieu récompensa ainsi la confiance fidèle accordée constamment par le peuple espagnol à son clergé. Il n'est pas non plus téméraire de croire que c'est précisément parce qu'aussi bien le clergé que le peuple espagnol ont gardé dans sa pureté et son intégrité la foi catholique, que la divine Providence a suscité dans ce pays les deux ordres religieux d'hommes qui devaient contribuer le plus efficacement à la propagation de la doctrine sacrée et à la défense de la foi contre des attaques de tout genre : Nous voulons parler de l'Ordre des Frères Prêcheurs et de la Compagnie de Jésus. La divine Providence voulait ainsi préparer dans votre pays un asile et un refuge pour les études sacrées bannies de certaines régions envahies par les erreurs persécutrices.

En effet, dès que le saint Concile de Trente eut décrété l'établissement de séminaires dans lesquels, en tenant compte des circonstances d'une situation nouvelle et de l'époque, on devait préparer par les méthodes et les organisations les plus aptes les prêtres à être des hommes remarquables et supérieurs tant par l'éclat du savoir littéraire et scientifique que par la réputation de leur vertu, les évêques espagnols, surmontant de nombreuses et sérieuses difficultés, s'employèrent de toutes leurs forces à mettre heureusement à exécution ce décret et à établir un séminaire conciliaire en chacun de leur diocèse.

Quelques grands noms.

Il serait trop long de citer tous les noms. On ne peut cependant passer sous silence les noms des évêques comme saint Turibe de Mogrovejo et des bienheureux Jean de Ribera et Antoine-Marie Claret, auxquels l'Eglise a accordé les honneurs des saints canonisés ou des bienheureux. Parmi les innombrables séminaristes formés dans les séminaires établis en application des décrets du Con-

cile de Trente, il faut mentionner saint Joseph Oriol, le plus remarquable de tous par sa sainteté et son apostolat sacerdotal, et Jacques Balmès, célèbre par sa vertu et sa science, qui le premier a ouvert avec éclat la voie à l'apologétique.

Les confesseurs dans la persécution récente.

Parmi les élèves des séminaires, il convient de mentionner également les évêques et les prêtres de notre époque qui furent la gloire insigne de l'Eglise et de l'Etat, et qui rendirent les catholiques espagnols si fermes dans la foi qu'ils furent capables de triompher de la plus cruelle persécution de ce temps contre le Très Saint Nom du Christ, et de donner au monde un exemple admirable de force et de mansuétude, sacrifiant leur vie en confessant leur foi, pressés par la charité qu'ils portaient à leurs frères.

Leur sacrifice, offert par amour de Dieu, produit déjà les fruits les plus abondants, puisque leur sang, comme le sang des martyrs des premiers siècles, gagne les âmes à Dieu et devient une semence de saintes vocations ecclésiastiques. Ces vocations attestent que la foi, nullement ébranlée ou blessée par l'horrible persécution, est devenue un ferment grâce auquel, après le rétablissement du christianisme dans votre pays, la vie de tous les citoyens est disposée et dirigée vers la tâche que, par la volonté de la Providence divine, l'Espagne a entrepris de remplir dans une mutuelle paix et concorde et en joignant ses forces à celles des autres nations.

Zèle des évêques pour leurs séminaristes.

Que le « Maître de la moisson » daigne vous envoyer, chers Fils et Vénérables Frères, des jeunes gens qui, formés et instruits par vous, deviendront, conformément aux désirs de Jésus-Christ et de sa sainte Eglise, de bons ouvriers de sa vigne saccagée.

Pour ce motif, étant bien assuré de la sollicitude attentive dont vous entourez les séminaires, Nous espérons grandement que vous donnerez aux jeunes gens paternellement accueillis l'éducation convenable et la mieux adaptée aux besoins actuels des fidèles. D'autre part, vous aurez à coeur d'imprégner leurs âmes de cette piété utile à tout qui les instruira des saintes obligations et des devoirs de la vie cléricale et qui en fera des imitateurs de Jésus-Christ, dont ils seront et les ministres et, par suite d'une mystérieuse alliance dans les rapports, les amis.

Mission de l'Eglise et du prêtre.

En effet, si on doit très certainement exiger de tout prêtre qu'il paraisse et soit en réalité « l'homme de Dieu, parfaitement en état d'accomplir tout ce qu'il y a de bien » (2Tm 3,17), cela doit être d'autant plus demandé aux prêtres espagnols, en tant qu'ils sont vos collaborateurs, non seulement dans l'administration des sacrements, mais surtout dans la pratique des oeuvres charitables que l'Eglise revendique justement comme un droit et une mission qui lui sont propres ; elle doit, par ses ministres, alléger la souffrance en consolant, adoucir les douleurs amères, soulager l'indigence et la misère ; il faut aussi qu'elle travaille activement à pacifier les esprits, à réconforter les fidèles, à ramener enfin dans ses bras maternels tous ceux qui se sont éloignés d'elle, soit parce qu'ils ont été trompés par des préjugés et des erreurs, soit parce qu'ils ont été victimes de leur faiblesse et de leur légèreté.

C'est pourquoi il est nécessaire que tout prêtre laisse de côté toutes les préoccupations du siècle, ne s'occupe en rien des partis et des factions, ait profondément en horreur les discussions intestines, s'efforce de devenir « le bon soldat du Christ... ne s'embarrassant pas des affaires de la vie civile, s'il veut donner satisfaction à qui l'a enrôlé » (2Tm 2,3-4), fasse attention à lui et à la doctrine, afin que recherchant « la justice, la piété, la charité, la patience, la mansuétude» (1Tm 6,11), «en toutes choses il donne lui-même l'exemple d'une bonne conduite, dans la pureté de la doctrine, la dignité..., de telle sorte que l'adversaire, ne trouvant rien à reprendre en nous, soit dans la confusion » (Tt 2,7-8).

Nécessité pour le prêtre d'une vaste culture.

Les règles disciplinaires imposées à vos séminaires et que vous chercherez dans votre charge pastorale à adapter plus parfaitement à leurs nécessités et conditions particulières, seront d'un très grand secours pour atteindre tous ces buts.

Bien formés à la piété et à la vertu, vos séminaristes doivent acquérir dans les sciences et les lettres ce savoir qui leur permettra dans la suite de s'acquitter avec efficacité et succès du ministère sacré auprès de toutes les classes de la société. En effet, le prêtre doit non seulement connaître parfaitement toute la doctrine sacrée, mais posséder aussi les connaissances générales et universelles qui sont celles de ses concitoyens instruits. Employant la façon de parler de ces derniers, leur proposant ce qui convient à leurs intelligences et ce qu'ils sont aptes à saisir, le prêtre leur présentera l'aliment de la foi tout en se montrant toujours « un bon ministre de Jésus-Christ, nourri des enseignements de la foi et de la bonne doctrine » (1Tm 4,6) « qui dispense comme il faut la parole de vérité » (2Tm 2,15).

Le programme des études vous sera sans aucun doute en ce domaine d'un très grand secours. Vous le recevrez non pas comme un modèle parfait et achevé en tout point, mais qui doit chaque jour s'enrichir et se perfectionner, spécialement en ce qui regarde les études littéraires et scientifiques, selon que les circonstances des temps le demandent et en tenant compte aussi des innovations ou des modifications que l'Etat jugera bon de faire dans ses écoles.

Nous savons parfaitement que vous entreprenez une tâche ardue. Aussi Nous prions Dieu avec instance de vous aider dans votre action. Vous donnant la lumière de sa grâce, qu'il fournisse des directeurs et des professeurs vraiment capables, et des jeunes gens qui, en grandissant, seront l'espoir de l'Eglise ; qu'il touche les fidèles, afin qu'ils vous apportent, avec une âme généreuse et une main libérale, ressources et aide pour tout ce qui est absolument nécessaire à la réalisation d'une si grande oeuvre, soit pour bâtir les locaux, soit pour élever et instruire les séminaristes.

L'OEuvre des vocations ecclésiastiques.

En cela, l'OEuvre des vocations ecclésiastiques, déjà établie dans plusieurs diocèses — plût au ciel qu'elle le soit le plus tôt possible en tous —, vous sera d'un très ferme et très efficace secours. Par cette OEuvre, les fidèles apprendront combien le sacerdoce catholique est noble, ils reconnaîtront combien il est nécessaire. De même ils reconnaîtront la nécessité qui les presse, en tant que membres du Corps mystique du Christ, de contribuer non seulement par leurs intentions et leurs préoccupations, mais aussi par leurs continuelles prières et leurs aumônes, à ce que l'Eglise puisse donner au peuple de bons intercesseurs auprès de Dieu le Père. Nous voulons exprimer Nos sentiments de gratitude à l'Action catholique qui dépense tant de zèle pour cette oeuvre si sainte des vocations. En même temps, Nous l'exhortons vivement et la pressons de vouloir toujours prendre à coeur le plus possible le continuel progrès et développement de cette oeuvre qui Nous est si chère.

Espoir dans l'aide du gouvernement.

Enfin, il Nous plaît d'exprimer le grand espoir et le souhait confiant de voir le chef suprême de l'Etat espagnol, ses conseillers et les autorités de la nation qui, prenant soin de la prospérité et du progrès du pays, sont déjà spontanément et de bon gré venus en aide à Pceuvre de la formation du clergé, donner aussi à l'avenir leur concours à cette tâche tout à fait louable ; ils savent très bien que l'aide bienveillante qu'ils auront, en rapport avec la très grande autorité qu'ils possèdent, donnée à l'Eglise pour atteindre plus facilement ce but, tournera au profit du peuple et contribuera au progrès de sa culture et de sa vie, à la bonne formation des moeurs et à établir et à développer les établissements d'instruction religieuse. En attendant, chers Fils et Vénérables Frères, il Nous reste encore à offrir à Dieu Nos ferventes prières. A chacun de vous, à vos prêtres, à vos séminaristes et à tous les fidèles confiés à vos soins, Nous accordons de tout coeur, dans le Seigneur, la Bénédiction apostolique, gage et présage de la réalisation de Nos désirs et des vôtres.


Pie XII 1941 - CONVENTION ENTRE LE SAINT-SIÈGE ET LE GOUVERNEMENT ESPAGNOL