Pie XII 1941 - ALLOCUTION AUX MÈRES DE FAMILLES DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE (26 octobre 1941)


DISCOURS AUX LAURÉATS DU CONCOURS NATIONAL DE CULTURE RELIGIEUSE DE LA JEUNESSE ITALIENNE D'ACTION CATHOLIQUE

(2 novembre 1941)1

Avant de procéder à la distribution des prix du concours de culture religieuse et de chant sacré, le Saint-Père, le dimanche 2 novembre, a adressé aux évêques d'Italie et aux dirigeants centraux diocésains et aux jeunes gens de la jeunesse italienne de l'Action catholique, un discours où il met en relief les qualités et les vertus qui doivent marquer la jeunesse catholique :

Jeunesse vaillante et généreuse.

Toute rencontre avec la jeunesse dans cette maison du Père commun compte parmi les plus agréables à Notre coeur de la même façon qu'est toujours agréable le retour du printemps, image de leur âge vaillant et florissant ; mais c'est une joie bien plus intime qui nous est procurée aujourd'hui en retrouvant en vous, chers fils, un jeune groupe d'élite, insigne par son mérite dans le grand tournoi où, avec la fraîcheur et l'exubérance de votre esprit et de votre coeur, vous vous entraînez, vous, au service des grands idéals de l'Eglise. Vos succès flatteurs, conquis dans cette lutte si magnifique, en Nous remplissant l'âme de fierté et de joie paternelle, Nous montre une jeunesse forte et courageuse qui vit de la religion, s'unit étroitement au Christ et à l'Eglise, estime bien haut au-dessus de toute chose la vérité divine et lui consacre avec une fervente générosité temps, action et sacrifice.

«• Journée du sacrifice ».

Soyez donc les bienvenus, vous disons-Nous, chers fils, et avec quelle effusion de coeur, vous pouvez le comprendre. C'est avec une émotion paternelle que Nous vous disons Notre vive satisfaction et Notre gratitude pour le résultat de votre « Journée du sacrifice » — combat léger, mais prélude magnanime des plus mûres victoires. En elle, Nous voyons comme renaître et refleurir la belle coutume jaillie de l'esprit et de l'actif dévouement des anciens chrétiens qui se faisaient une noble loi de faire des économies par leur jeûne et d'en remettre l'offrande à l'Eglise et aux pauvres pour l'amour de Dieu.

Le monde merveilleux de la grâce.

Votre sacrifice et vos dons sont aussi le fruit de cette grâce qui vous anime et qui fait l'objet de votre « campagne » de l'année en cours et du sujet d'étude que vous avez choisi. Un monde merveilleux s'est entrouvert devant vous. Un triple monde : le monde des saints dans le ciel dont l'Eglise célébrait hier la fête ; le monde des âmes du purgatoire qui, dans 'les peines, attendent de pouvoir prendre place un jour parmi les bienheureux et pour lesquelles l'Eglise prie spécialement en ce mois-ci ; le monde des fidèles encore en pèlerinage sur cette terre et qui, au milieu des luttes et des victoires de l'esprit, sont en route vers la patrie céleste ! Dans ces trois mondes, règne la grâce qui sur terre justifie, dans le purgatoire réjouit, dans le ciel glorifie. Ce royaume de Dieu, n'est-ce pas un monde merveilleux, ce grand empire de la grâce qui réconcilie l'humanité avec 'le Créateur, la purifie de toute tache et, en la rendant sublime, lui rouvre les portes de l'éternelle félicité perdue par la faute de son premier père ? C'est un monde que vous ne pouvez saisir par les sens externes matériels, mais qui n'est pas moins réel que la lumière du soleil qui illumine notre globe ; un monde, dont l'oeil intime de la foi vous manifeste la réalité, une réalité plus vraie et plus profonde que celle de tout ce monde éphémère et instable que nous voyons, que nous entendons, que nous touchons ; un monde qui vous révèle à vous-mêmes, qui vous élève au-dessus des choses qui vous entourent, et vous montre qu'en vertu de la grâce sanctifiante vous n'êtes pas seulement des créatures à l'égal des autres, mais fils de Dieu, participant de sa nature, frères de Jésus-Christ, ses cohéritiers, destinés à l'héritage du ciel, membres vivants du Corps mystique du Christ dont il est le chef et le Saint-Esprit, l'âme. Dans cette vision

et dans cet examen de vous-mêmes, vous mesurez en quelque manière la profondeur et la sublimité des paroles que vous adresse l'apôtre saint Paul : « Votre corps est le temple de l'Esprit-Saint qui habite en vous, que vous avez de Dieu, et vous ne vous appartenez pas » (1Co 6,11).

La vraie noblesse du chrétien.

Dieu, qui a créé admirablement la dignité de la personne humaine et qui plus admirablement encore l'a restaurée, nous a faits participants de la divinité de son Fils Jésus-Christ, lequel a daigné se faire participant de notre humanité 2 : telle est la vraie et très haute noblesse de notre âme ; telle est la noblesse du chrétien ; telle est la noblesse de tous ceux qui vivent dans l'état de grâce sanctifiante. Mais qu'est-ce que la grâce sanctifiante ? C'est cette robe blanche qui nous a enveloppés et nous a faits fils de Dieu quand nous avons été régénérés par l'eau et le Saint-Esprit dans le saint baptême ; robe blanche d'où émanent et brillent les joyaux de la foi, de l'espérance et de 'la charité, de cette charité qui est la reine et la gardienne non moins de la grâce elle-même que de toutes les vertus et de tous les dons qui l'accompagnent. O bien-aimés jeunes gens, conservez et défendez cette noblesse et cette grâce qui justifie et sanctifie. C'est une noblesse qui ne vient pas du sang ou de la gloire de vos ancêtres et de vos pères, mais de la passion et du sang du Christ ; c'est dans son eau vermeille que les martyrs et les bienheureux du ciel blanchissent leurs étoles (cf. Apoc, Ap 7,15). Conservez cette robe mystique contre tous les ennemis qui lui tendent des embûches et l'attaquent en vous et hors de vous, dans l'ombre et à la lumière, à tous les pas du chemin où vous marchez dans la joie et la simplicité.

Nécessité de la coopération à la grâce.

Une noblesse aussi élevée impose à l'égal de toute autre des devoirs et des obligations d'autant plus graves et plus impérieux que ce devoir est plus personnel et qu'il dépend de vous de la maintenir et de l'accroître sous la main de Dieu. Le grand mystère de l'oeuvre de la Rédemption ne s'effectue ni ne s'accomplit à la manière d'un mouvement mécanique et irresponsable ; mais, pour qui est arrivé à l'usage de la raison et sait distinguer le bien du mal, il exige toujours le concours et la coopération de la volonté. Dieu ne sauve que qui veut se sauver. Telle est sa suprême volonté à l'égard de la personne humaine, qu'il a créée et voulu doter de liberté, de conscience et de responsabilité.

Cette libre coopération humaine, Dieu la demande pour son royaume d'ici-bas, dans ce champ immense de l'Eglise, société visible instaurée pour la diffusion et la garde de la foi, pour la conversion et le salut des nations. Le maître de la moisson réclame des collaborateurs pour les semailles et les récoltes ; tout ce qu'ils sont capables d'engager et de faire par leurs propres forces dans l'Eglise — toujours par le Christ, avec le Christ, et dans le Christ — Il veut et II ordonne qu'ils fassent selon leurs forces et qu'ensuite ils ne craignent pas de dire : Nous sommes des serviteurs inutiles (Lc 17,10).

L'action merveilleuse de l'Eglise à travers les siècles.

Vous qui étudiez la grâce et sa vigueur, jetez un regard sur le magnifique édifice de la doctrine catholique. Tel qu'il se présente aujourd'hui, c'est 'le temple sacré de la foi et de la sagesse chrétienne, élevé par un travail spirituel puissant, jamais interrompu à travers les siècles, toujours vigilant et sévère pour faire émerger et ressortir brillantes du trésor de la Révélation, clos avec le Christ et les apôtres, les vérités reçues du ciel, les mettre en pleine lumière, leur donner une forme cristalline et les munir de sceaux authentiques pour résister aux assauts de l'erreur. Contemplez le merveilleux spectacle de la sanctification des hommes et des peuples, soumis, édu-qués et élevés à un vrai christianisme dans la foi et la morale ; tournez les pages des fastes de l'histoire de l'Eglise, de sa direction et de son administration, de la protection et de la défense de sa vie et de son unité contre les ennemis du dedans et du dehors, contre les hérésies et les schismes, contre la décadence et le relâchement. Etudiez et admirez ce prodige divin de l'Eglise, élevée sur le fondement de Pierre, avec ses cathédrales et ses humbles chapelles, s'étendant jusqu'aux confins du monde. Et puis rendez gloire à Dieu et reconnaissez en même temps que tout ce prodige s'est accompli grâce à la gigantesque lutte entreprise par les hommes, coopérateurs de bonne volonté et instruments de Dieu, auxquels de siècle en siècle, dans la mutabilité perpétuelle des temps et des circonstances, ont été confiées ces missions.

Une profonde pensée des anciens Grecs.

Ce qui vaut pour l'Eglise, perd-il peut-être de sa valeur pour la vie de foi et de grâce de tout chrétien, de chacun de vous ? Les anciens Grecs eurent un mot qui exprime une profonde pensée : ttjs à'àperrjs idpcvza âeoc npondpocdty sêr/xav, « devant la perfection les dieux ont mis la sueur » 3. Les dieux de la fable, qui ne sauvent pas, nous ne les connaissons pas ; nous ne connaissons qu'un seul Dieu, notre Sauveur, Mais, sous cette réserve, vous pouvez bien appliquer aussi à la perfection surnaturelle, à la vie de la grâce, ce mot qui exprime avec force un sentiment profond de l'âme humaine, avec cette réserve cependant que l'effort exclusivement humain ne réussira jamais, quelque sueur qu'il exige, à conquérir la grâce qui, de par son origine et de par l'ordre divin, surpasse à l'infini toute chose créée et toute énergie naturelle. Dans le monde surnaturel qui est le royaume de la vie éternelle, Dieu seul est l'initiateur de tous les pas qui y conduisent. C'est lui qui donnera la grâce, c'est lui qui donnera la gloire : « Le Seigneur donnera la grâce et la gloire » Ps 83,12). Mais l'avancement progressif et l'élévation en grâce, la persévérance, l'accroissement, la fécondation en bonté et en sainteté qui s'épanche aussi vers le prochain sont une accumulation de perfection que Dieu n'accorde pas sans notre coopération de chaque jour et de chaque heure. De même que sans de continuels exercices physiques on n'acquiert pas la vigueur naturelle, ainsi sans de continuels exercices spirituels on n'arrive pas à la solidité et à la constance surnaturelle. Saint Ignace n'a-t-il pas appelé Exercices spirituels ce précieux petit livre dans lequel il donne les leçons et les règles pour devenir un parfait chrétien ? Vous avez déjà appris ou vous apprendrez en grandissant une profession ou un art ; mais devenir un bon chrétien est aussi une profession et un art, et même l'art des arts, parce que c'est l'art de toute la vie.

3 Hésiode, Travaux et jours, V. 239.

On ne conquiert pas le royaume des deux par la pusillanimité ni par la paresse.

Cet art n'a qu'un seul maître : « Vous n'avez qu'un seul Maître, c'est le Christ » (Mt 23,10). Jésus en est le Maître admirable, doux et humble de coeur, très sage et très puissant, qui nourrit ses disciples de sa substance, car sa chair est vraiment une nourriture et son sang est vraiment un breuvage. Son école, c'est un autel ; son autel, c'est une table où l'on goûte le pain du ciel qui a toutes les douceurs. O bien-aimés jeunes gens, qui recherchez les douceurs de cette vie fugitive dans cette vallée de larmes, approchez-vous de la table du Christ : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux» (Ps 33,9). Pensez aux énergies spirituelles de vie puissante qui émanent de la sainte Eucharistie. Mais sur quoi repose son efficacité ? Peut-être en cela que vous pourriez sans lutte vous exposer aux épreuves et aux dangers qui menacent la foi et la vertu ? Ou plutôt dans la force que le Christ veut vous accorder dans la sainte communion pour armer de courage ses disciples et ses soldats afin qu'ils entreprennent et conduisent avec persévérance cette lutte de chaque jour qui vous éloigne du péché, vous consolide dans la vertu et vous fait croître en Christ ? Dans la vie du chrétien, qui est un combat de toutes les heures, il n'y a pas de quiétude, ni temps d'arrêt et de repos, ni refuge de paresse du bon vivant. Le royaume de Dieu s'acquiert par la force et seuls les violents s'en emparent (Mt 11,12) ; il ne se conquiert pas par la pusillanimité ni la paresse.

L'observance des commandements signe d'amour.

Mais l'autel du Christ est aussi une école d'amour, de cet amour qui n'existe pas seulement en paroles et dans le langage, mais aussi en oeuvre et en vérité (1Jn 3,18) ; de cet amour qui est l'observance de ses commandements. « Si vous observez mes commandements, proclamait le divin Maître, vous resterez dans mon amour, comme moi-même j'ai observé les préceptes de mon Père et je reste dans son amour» (Jn 15,10). Voulez-vous vous maintenir dans l'amour de Dieu, bien suprême et suprême vie de l'âme ? Sachez vous rendre supérieurs à vous-mêmes et à vos passions. Voulez-vous observer la loi sainte du Christ ? Ayez un coeur jeune qui pour le Christ ne redoute pas de renoncer au monde, à la chair, à Satan. Si le chemin du ciel est étroit et rude, vous aurez pour compagne puissante de vos pas, pour vous guider, pour vous soutenir, pour vous fortifier si vous êtes faible, pour vous guérir si vous êtes malade, pour vous relever de vos chutes, la grâce divine toujours prompte et prête à infuser et à renouveler dans l'âme cette vie divine dont l'eau jaillissant pour la vie éternelle se jette dans le torrent sans fin de la joie divine elle-même, qui est la possession de Dieu. Mais, pour y arriver, même soutenus et vivifiés par la grâce du

Christ, vous devez parcourir vous-mêmes le chemin, chemin marqué par les commandements, le sacrifice, la croix que le Christ, le premier de tous, a parcouru.

La prière des jeunes catholiques.

Dans votre progrès, chers fi'ls, plus que la vie du corps tenez en haute estime la vie de l'âme, parce que rien ne vous servirait de vivre mille ans et de conquérir le monde entier, si vous perdiez votre âme. La grâce, n'est-elle pas le plus grand et le plus précieux trésor que vous portez dans votre coeur ? Et les trésors les plus appréciés se gardent et se défendent avec d'autant plus de soin et de courage. Gardez la grâce, gardez l'amitié avec Dieu, sans qui nous ne pouvons rien faire dans l'ordre surnaturel. « Sans moi, a dit le divin Sauveur, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5). Si sa vérité, qui est chemin et vie, est le soleil de votre esprit et de votre jeunesse, elle vous protégera comme un bouclier contre les dangers de la nuit, contre les rayons brûlants du jour, contre la peste qui serpente dans les ténèbres, contre la contagion qui fait rage à l'heure de midi (Ps., xc, 5-6). Mais le grand moyen pour obtenir la grâce, pour conserver l'amour du Christ qui complète ses commandements, c'est la prière, la prière qui est aussi une grâce pour demander la grâce. Priez, priez ensemble avec l'Eglise, votre Mère, qui, dans l'oraison du premier dimanche après la Pentecôte, supplie ainsi : « O Dieu, force de ceux qui espèrent en vous, acceptez nos invocations en esprit de propitiation ; et, parce que notre infirmité humaine ne peut rien sans vous, accordez-nous le secours de votre grâce, afin que, en accomplissant vos commandements, nous puissions vous plaire par notre volonté et notre action ! » Puissiez-vous par cette belle prière couronner votre généreuse « campagne » !

Afin que ce voeu s'accomplisse, Nous vous accordons de tout coeur à vous, chers fils, à vos parents, à vos compagnons, à toute la chère jeunesse de l'Action catholique avec ses assistants, ses présidents et ses dirigeants, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


MOTU PROPRIO ÉTABLISSANT L'OEUVRE PONTIFICALE DES VOCATIONS SACERDOTALES

(4 novembre 1941)1

Ce motu proprio «• Cum nobis » décide de la fondation d'une oeuvre pontificale des vocations sacerdotales qui sera organisée par un décret de la Sacrée Congrégation des Séminaires et Universités, le 8 septembre 1943 :2

La Sacrée Congrégation des Séminaires et Universités Nous a exposé qu'il était très opportun de fonder une oeuvre centrale des vocations sacerdotales, qui se proposerait de développer chez les chrétiens — de toutes les façons, spécialement par des oeuvres de ce genre constituées dans tous les diocèses — la volonté de protéger, d'aider les vocations ecclésiastiques, de propager des idées justes sur la dignité et la nécessité du sacerdoce catholique, d'inviter les fidèles dans toutes les parties du monde à mettre en commun leurs prières et leurs pieux exercices.

De Notre propre mouvement et de par la plénitude de Notre pouvoir apostolique, Nous voulons et décrétons que soit constituée auprès de ladite Sacrée Congrégation l'OEuvre des vocations sacerdotales, avec le titre à'oeuvre pontificale, lui accordant la faculté de s'agréger les oeuvres et personnes qui en feront la demande, et en même temps d'étendre à tous ceux qui s'inscriront toutes les indulgences et faveurs spirituelles concédées ou à concéder.

Ainsi soit et demeure décidé et réglé, nonobstant toutes dispositions contraires.

2 Cf. A. A. S., 1943, p. 369.


LETTRE POUR LE TROISIÈME CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINTE JEANNE-FRANÇOISE DE CHANTAL

(4 novembre 1941) 1
1 D'après le texte latin des A. A. S., 33, 1941, p. 490 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. III, p. 199.

Cette lettre autographe adressée aux Visitandines rappelle l'exemple de sainte Jeanne de Chantai et la valeur de la vie contemplative et de la charité fraternelle :

L'exemple de sainte Jeanne de Chantai...

Comme Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie X2, à l'occasion du troisième centenaire de l'heureuse fondation de l'ordre de la Visitation, ainsi, Nous-même, au terme de ce troisième siècle qui s'est écoulé depuis la très pieuse mort de votre mère fondatrice, Nous désirons prendre part à votre joie et vous exhorter paternellement à vous efforcer, spécialement pendant ces solennités séculaires — alors que l'image bien nette et, pour ainsi dire, animée de Jeanne-Françoise de Chantai est présente à votre esprit —, d'imiter toujours plus ses très hautes vertus. Nous n'avons pas, en effet, à Notre disposition de meilleur moyen pour célébrer la gloire des saints du ciel que celui d'employer toute notre activité à suivre les saintes traces qu'ils nous ont laissées en exemple tout au cours de leur vie mortelle.

... surtout de sa force d'âme.

Si maintenant Nous portons Nos regards sur les actions remarquables et très parfaites de votre mère fondatrice, ce qui brille pardessus tout en elle, c'est sa force d'âme, sa fermeté. En effet, dans le but de se consacrer entièrement à Dieu, non seulement elle a laissé tout à fait à l'arrière-plan de ses préoccupations la fortune et le nom de sa noble famille, comme aussi tout ce que le présent, d'une part, lui apportait, et en abondance, d'avantages et d'agréments humains, tout ce que l'avenir, d'autre part, lui permettait d'espérer de plus magnifique, mais encore elle a quitté généreusement son père, déjà vieux, et quatre enfants très chers encore dans la fine fleur de l'âge.

Cette même force d'âme, d'ailleurs, était si étroitement liée chez elle à la douceur et à une parfaite bonté qu'elle apparaissait à tous douce, pleine de mansuétude et toujours maîtresse d'elle-même, et que, vis-à-vis des pauvres, des faibles et de ceux qui s'étaient écartés du droit chemin, elle se montrait pleine d'indulgence et de miséricorde. C'est qu'en vérité elle avait fort bien compris la maxime et l'avertissement du divin Rédempteur : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos pour vos âmes » (Mt 11,29). Non seulement elle grava sur sa poitrine, avec un fer ardent, le nom de Jésus-Christ, mais encore par toute sa vie et à un degré étonnant elle en fut la vivante image.

En vérité, ainsi dévorée par le feu d'une charité ardente pour Dieu et pour le prochain, elle n'eut rien de plus à coeur que de s'appliquer sans relâche à la prière, surtout devant l'auguste Sacrement et devant l'autel de la Très Sainte Vierge, de se livrer entièrement elle-même, avec toutes ses facultés, à la volonté divine, de réchauffer, de soigner, de nourrir et de soulager de toutes façons tous ceux qu'elle savait accablés par la pauvreté, les maladies et les misères de tous genres.

Comprenant clairement que la vraie et solide vertu trouve son épanouissement surtout dans la fuite de l'orgueil et dans la noble folie de la croix, elle s'attachait à la pratique de l'humilité chrétienne avec une volonté si empressée que, bien que l'emportant sur les autres religieuses par la noblesse de sa race, ses qualités d'âme et son autorité, elle se regardait pourtant comme la plus petite et la plus vile de toutes.

C'est pourquoi, chères filles, si vous vous proposez de méditer et d'imiter cet admirable exemple de sainteté en cette solennité particulièrement joyeuse, « que par sa voix sa vertu même parle à vos âmes » 3. De cette manière, non seulement vous tendrez avec une énergie chaque jour accrue et plus ardente au sommet de la perfection évangélique, mais encore vous aimerez d'une manière de jour en jour plus parfaite votre institut que Jeanne-Françoise de Chantai, sous l'autorité et avec les conseils de François de Sales, vous a laissé comme un héritage sacré, et vous en observerez d'une façon absolument irréprochable et les lois et les règles.

3 Cf. Cicéron, Tusc, Iï, 19.

Valeur de la vie contemplative...

Si les hommes de ce siècle bruyant et inconstant méprisent jusqu'à le rejeter complètement ce genre de vie, d'une vie passée dans l'ombre et vouée à la contemplation, parce qu'ils le regardent comme une inaction sans profit aucun et vraiment nuisible à la société, vous, du moins, vous savez bien que « nulle oeuvre n'est plus capable d'attirer la bienveillance divine et d'aider le prochain que le sacrifice perpétuel de la louange et l'exemple d'une vie toute pure » 4. Par conséquent, alors que Nous constatons combien le désir passionné de tout changer pénètre partout dans notre époque désordonnée, « vous, qui avez choisi la meilleure part, gardez-la et ne vous laissez pas détourner de vos saintes résolutions sous prétexte de procurer le salut des autres, en croyant faussement qu'au milieu des agitations actuelles il faut souhaiter une vie qui ne soit pas toute contemplative, mais active » 5.

Si toutefois le Siège apostolique, dans des circonstances spéciales, jugeait bon dans sa sagesse de prendre quelque décision qui paraisse nouvelle pour votre institut, sans aucun doute vous l'accueillerez avec une entière soumission, étant intimement persuadées que cette décision ne tournera pas à votre désavantage, mais qu'elle sera pour votre bien. Cette manière d'agir, assurément l'obéissance que vous devez à l'autorité ecclésiastique vous la conseille, comme aussi cette volonté empressée et généreuse qui vous pousse à accepter toutes les décisions prises par cette même autorité, parce qu'elle les a jugées opportunes et salutaires pour vous. Il n'est donc pas besoin de vous apporter des motifs qui justifieraient Nos exhortations sur ce point, puisque Nous voyons clairement qu'il existe heureusement, aussi bien chez vous entre vos divers monastères, qu'entre l'ordre entier et le Siège apostolique, une parfaite communauté d'âme dans une profonde charité.

4 Pie X, lettre Communis vobiscum.
5 Ibid.

Pour vous aider à persévérer plus facilement dans ces louables dispositions que vous a transmises sainte Jeanne-Françoise de Chantai, vous trouverez un secours important dans la faveur qui vous a été récemment de nouveau accordée, à savoir la protection d'un éminentissime cardinal. Cette charge actuellement, vous le savez, c'est à Notre cher Fils Frédéric cardinal-prêtre Tedeschini, Notre dataire, qu'elle a été confiée. A la vérité, il vénère profondément les fondateurs de votre ordre, il manifeste une grande estime pour ce même ordre et il a pleinement à coeur de faire observer scrupuleusement et religieusement votre esprit, vos règles et vos institutions, et de vous faire accueillir de bon coeur et généreusement tous les ordres et tous les désirs qui viennent de vos Constitutions.

...et de la charité fraternelle.

Il Nous est agréable ici, dans la joie toute spéciale qu'éprouve Notre coeur à vous dire ces louanges, de Nous rappeler ce qui semble vraiment le point essentiel dans votre ordre et ce que votre mère fondatrice et saint François de Sales vous ont recommandé avec tant d'insistance, Nous voulons dire cette charité mutuelle et active qui, maintenant encore comme dans le passé, brille avec éclat parmi vous, ainsi qu'il le faut, cette charité qui rend la vie commune plus facile, entretient la paix dans les âmes et fait, puisqu'elle procède de l'amour divin, que « tous sont un » (Jn 17,21). Et Nous n'éprouvons pas une moindre joie, lorsque Nous constatons nettement qu'entre votre ordre tout entier et la maison d'Annecy, ainsi que les religieuses qui vous ont précédées vous en ont donné l'exemple, il existe une parfaite union des volontés, et que vous regardez et respectez cette même maison « comme étant la source et, pour ainsi dire, la mère de votre institut ».

Exhortation.

Poursuivez donc, chères filles, la route que vous avez suivie jusqu'ici, avec générosité, humilité et confiance en Dieu. Adressez d'incessantes actions de grâces à la Majesté divine qui par l'inspiration de sa grâce vous a accordé un genre de vie presque angélique. Ayez-le toujours en très haute estime ce genre de vie, lui à qui l'on peut en toute vérité appliquer ces paroles très éloquentes de saint Jean Chrysostome : « Le recueillement permet de tout garder au-dedans de soi comme dans un port tranquille ; bien plus, une sérénité plus parfaite que le recueillement envahit l'âme, car celle-ci ne s'occupe plus d'aucune affaire humaine, mais elle s'entretient assidûment avec Dieu et se tient fixée en lui. Qui pourrait mesurer cette joie ? Quelles paroles pourraient bien exprimer l'allégresse d'une âme ainsi éprise de Dieu ? Aucune assurément ; ceux-là seuls qui placent en Dieu leurs délices en savent toute la grandeur et combien elles dépassent toute comparaison » 6.

Continuez, chères filles, à obtenir par vos prières les faveurs célestes, non seulement pour vous, mais encore pour la communauté humaine actuellement si malheureuse et si agitée. Continuez comme de vivantes hosties à vous livrer à Dieu, pour que ceux qui sont égarés dans l'erreur retrouvent le chemin de la vérité, pour que ceux qui sont désespérés voient luire l'espérance, pour que ceux qui sont accablés de misères de toutes sortes puissent goûter les consolations divines et humaines, pour qu'un jour enfin, cette paix chrétienne qui convient à des frères de Jésus-Christ rachetés par son amour et son sacrifice sanglant, puisse heureusement réjouir les peuples lassés.

Que la Bénédiction apostolique que de tout cceur dans le Seigneur Nous vous donnons à toutes et à chacune d'entre vous, chères filles, fasse descendre sur le monde ces faveurs célestes et qu'elle soit le gage de Notre paternelle bienveillance à votre égard.

6 De virginitate, 68 ; Migne, P. G., 48, 584.

RADIOMESSAGE POUR LE VIIIe CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL CHILIEN DE SANTIAGO

(9 novembre 1941) 1

Ce radiomessage a été adressé par le Saint-Père au clergé et aux fidèles du Chili, lors de la journée de clôture du VIIIe Congrès eucharistique national :

C'est toujours une grande et glorieuse date dans l'histoire d'un peuple que celle à laquelle, sur le sol où il vit, est offert pour la première fois le saint sacrifice de la messe ; celle où pour la première fois il est consacré et sanctifié par la présence réelle du Christ au Saint Sacrement ; mais cette date sera doublement grande et glorieuse si elle coïncide en même temps avec la propre naissance de ce peuple.

Le Congrès, commémoration de la première messe au Chili.

Lorsque le 12 février 1541, les troupes de Valdivia campées près des limpides eaux du Mapocho élevèrent leurs tentes au pied de la colline de Huelén, et que peu d'heures après, sur un humble autel, le Roi du ciel et de la terre descendait entre les mains de Rodrigo Gonzâles de Marmolejo, quand entre ciel et terre s'éleva l'Hostie sainte

avec tant de splendeur qu'en plein midi

la clarté du soleil en présence d'elle

est ce qu'en présence de lui devient une simple étoile 3

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., 33, 1941, p. 439 ; cf. la traduction française des Artes de S.S. Pie XII. t. III, p. 207.
2 La conquête du Chili sur les tribus indigènes fut l'oeuvre, en 1540, du général espagnol Pedro de Valdivia, le fondateur de Santiago et de quelques autres villes. Il mourut, en 1554, prisonnier des Araucans.

comme le dit si bien, quoiqu'en une autre occasion, le vigoureux chantre de vos premières gloires ; quand s'éleva le corps du Christ entre les neigeux sommets des Andes et l'azur de l'océan, votre Chili était né, un nouveau peuple s'incorporait au sein maternel de l'Eglise, et son sol fécond était pour jamais sanctifié par la présence réelle de Jésus-Christ.

C'est donc dans un dessein excellent, Vénérables Frères et fils bien-aimés, que vous avez voulu réunir toute la nation, clergé et peuple, autour de cet autel où triomphe le Souverain de l'Eucharistie ; avec raison, évêques et prêtres, représentants de toutes les provinces, vous vous groupez aujourd'hui autour de l'Auteur de tout bien, pour lui rendre vos hommages reconnaissants. Et Nous, Nous remercions le ciel de ce qu'à travers ces immenses espaces — théâtre, hélas ! en ce moment, de si terribles combats — Nous pouvons unir Notre voix à la vôtre pour entonner aussi un chant d'action de grâces à l'Agneau qui s'immole sur l'autel.

C'est lui qui, pour se trouver ainsi présent à votre naissance, a inspiré une telle ferveur eucharistique à l'Espagne des autos sacramentales et des ostensoirs d'Arfe, de saint Pascal Baylon et de la Loca dei Sacramento. Et la même dévotion qui brûlait sous les brillantes cuirasses, il a voulu la faire passer dans vos coeurs pour faire de cette foi, qui en l'Eucharistie trouve sa force et son centre, le ferme appui de votre histoire, la base de votre civilisation, l'élément fondamental de votre personnalité, le stimulant à des choses toujours plus grandes.

Le Chili formé par le catholicisme.

Ainsi, votre Chili vit-il sa nationalité formée avant tous les autres peuples qui se levaient dans le Nouveau-Monde ; ainsi a-t-il marché, sous les yeux étonnés de l'humanité, dans son ascension progressive, harmonieuse comme la courbe d'un arc d'architecture ; ainsi entre l'amour de Dieu et de la patrie, appuyé sur l'inébranlable fondement de cette foi, en dehors de laquelle il serait vain de chercher à expliquer votre histoire ; une foi qui dans ce Sacrement de l'autel a son abrégé, son explication, son centre, sa forme, son résumé — mysterium fidei — se sont forgés votre nationalité et votre caractère propre, ce caractère qui participe à la noble hauteur et à la solidité des inaccessibles sommets qui jetèrent leur ombre sur votre berceau, sans laisser de se tempérer par la douceur et la grâce de la mer immense dont les brises caressèrent les premiers jours de votre front.

Aujourd'hui, là où on dressa un humble autel, s'élèvent dans le ciel les deux magnifiques tours de votre puissante et superbe cathédrale ; autour d'elle vit et bouillonne une immense capitale, protégée par le sourire de la Vierge immaculée du Cerro de San Cristôbal ; plus loin, cachés dans les vallées, étendus sur les plages ensoleillées ou blottis entre les cimes champêtres, mille et mille autres villages et cités ; et partout la tour monumentale, le svelte clocher, l'humble campanile annonçant à tous la présence de l'Hôte divin, du Seigneur des tabernacles.

Courez aujourd'hui à son trône d'amour, pour lui rendre grâce de votre existence même, pour lui dire que vous voulez correspondre aux bénédictions qu'il n'a cessé de répandre sur votre grand peuple. C'est lui qui vous a donné votre beau ciel, votre fertile terre et votre vaste mer ; lui qui a voulu vous accorder le don précieux de la foi à la première heure de votre vie ; c'est à lui que vous devez votre progrès matériel, votre développement civique et social, votre haut niveau intellectuel dont sont témoins tant d'académies et de centres d'enseignement, et d'une façon toute spéciale votre belle université catholique. C'est lui qui vous a donné un épiscopat zélé, cultivé et paternel ; lui qui a appelé pour vous servir un clergé vertueux et instruit, bien que malheureusement encore trop peu nombreux ; lui enfin qui a voulu, spectacle magnifique d'une grande nation catholique, vous mettre au niveau de beaucoup de nations qui s'enorgueillissent justement d'une vieille histoire et d'une antique civilisation.

L'Eucharistie, signe de piété, d'unité et de charité.

Groupés autour de son autel, comme vous l'êtes maintenant en une multitude qui s'étend à perte de vue, demandez-lui de vous conserver et de vous accroître ces dons si précieux.

Que lui — o Sacramentum pietatis — conserve à votre peuple le don précieux de la foi, en dépit des sournoises propagandes des fausses doctrines, malgré les assauts de l'immoralité débordante, de l'incrédulité dissolvante, du paganisme renaissant ; que lui — o signum unitatis — maintienne et accroisse cette merveilleuse unité de votre peuple uni et le mène des feux de la zone équatoriale aux glaces des mers antarctiques ; que ce Sacrement — o vinculum caritatis — vous rappelle constamment que vous êtes frères, le riche comme le pauvre, et que celui-là n'est pas chrétien qui ferme son coeur et ses yeux aux larmes de l'indigent, que celui-là n'a pas compris comment l'Eucharistie donne sa perfection à l'unité spirituelle du Corps mystique du Christ4 qui reste indifférent en voyant ses frères languir dans l'abandon et la misère.

O Sacramentum pietatis ! O signum unitatis ! O vinculum caritatis ! Qui vult vivere habet ubi vivat, habet unde vivat... 6 « Qui veut vivre trouve où vivre et de quoi vivre ».

Voeux du Saint-Père.

Que, puisant la vie à la source inépuisable de ce sacrement, vos familles tiennent à honneur de voir Dieu appeler au sanctuaire un nombre chaque jour plus grand de leurs fils, comme il convient à la nation d'où partit la première idée de la fondation en cette ville de Rome du Collège pontifical Pio-latino-américain ; que, attirés par la lumière qui rayonne de l'ostensoir, ces milieux sociaux qui, entraînés par de trompeuses doctrines et de fallacieuses promesses, ont déserté le bercail de l'Eglise retournent dans son sein maternel ; que tous, et vous spécialement, chers fils, que l'Action catholique a groupés autour des « oints du Seigneur » pour être chacun à votre place leurs plus vaillants coopérateurs, que tous ne se donnent de cesse qu'ils n'aient vu la pensée et la pratique chrétiennes pénétrer dans les recoins les plus cachés de votre vie publique et privée, individuelle et sociale ; au foyer, à l'usine, à l'atelier et, par-dessus tout, à l'école, creuset où se fondent les âmes de vos fils, appelés à maintenir et à accroître encore davantage l'héritage de gloire reçu de vos aïeux, gloire qui ne pourra jamais atteindre son vrai sommet s'il lui manque le feu de cette doctrine et de cette pratique ; que tous ensemble et spécialement ceux qui sont appelés à enseigner au peuple le chemin de l'unique vérité, que tous, éclairés toujours par les enseignements de Nos grands prédécesseurs Léon XIII et Pie XI et par ceux que Nous-mêmes avons donnés dans Notre message de Pentecôte, vous fassiez toujours resplendir, vif et rayonnant, le flambeau des principes et des oeuvres sociales catholiques ; que toute Notre bien-aimée nation chilienne, pour sa plus grande gloire et sa constante prospérité, ne s'écarte jamais de cette fontaine d'eau vive où la foi se consolide et la vie chrétienne se perfectionne et se renouvelle, en s'incorporant pleinement à la vie divine du Fils de Dieu, présent sur l'autel... Qui vult vivere habet ubi vivat, habet unde vivat. Accedat, credat ; incorporetur ut vivificetur8.

4 Summa Tbeol., III 73,4.
5 S. Augustin, In Ioannis Evang., tract. XXVI, n. 13.
« Ibid.



Nous ne pouvons passer sous silence, à la louange et à l'honneur de votre nation, un chapitre particulièrement glorieux de son histoire, Nous voulons dire ses relations avec le Siège apostolique, pour lesquelles elle devança toutes les autres républiques américaines naissantes. Quatre ans à peine s'étaient en effet écoulés depuis l'élection du directeur suprême O'Higgins 7 que déjà son envoyé, José Ignacio Cienfuegos, traversait l'océan pour établir les premiers contacts. Pie VII, de son côté, ne tarda pas à envoyer à Santiago, comme vicaire apostolique, Jean Muzi, archevêque de Philippes, accompagné du jeune chanoine Jean-Marie Mastaï 8, celui qui, après avoir songé un moment à rester parmi vous pour se consacrer aux missions d'Araucanie, revint à Rome, et, monté plus tard sur la chaire de Pierre, confia finalement ces missions aux apostoliques fils du patriarche d'Assise.

L'amour dont brûlait pour votre patrie le coeur de ce grand pontife s'est conservé intact dans celui du dernier de ses successeurs, et c'est cet amour qui, aujourd'hui, a inspiré ses paroles pour unir au vôtre son hymne de reconnaissance et ses prières devant le trône royal du Saint Sacrement.

Daigne la Vierge du Rosaire de ses hauteurs d'Andacollo continuer à protéger toujours votre nation ! Daigne Notre-Dame du Carmel — la patronne de votre armée et pour laquelle il y a un autel dans tout coeur chilien —, daigne Notre-Dame dei Socorro, la patronne de votre cité, dans la chapelle de qui fut pour la première fois sur votre sol conservé le corps du Christ, conserver toujours vive la flamme de votre foi, le flambeau de votre charité, le feu de votre dévotion à l'auguste Sacrement !

Et daigne le Christ rédempteur, le Christ qui s'élève sur vos Andes, dominant les plus hautes cimes, vous accorder toujours le précieux don de la paix, comme déjà il vous l'accorda généreusement un jour, ce jour dont sa présence sur ces montagnes, confins de deux grandes nations, aujourd'hui soeurs, reste le solennel mémorial. Que de la croix qu'il presse encore contre sa poitrine jaillisse un torrent, une cataracte pacifique, qui inonde d'abord votre sol et ensuite tout votre continent, puis toutes les mers et le monde entier ! Et que sur cet océan vraiment pacifique sa main achève de tracer le signe de la croix qu'il a déjà commencé au-dessus des fronts des hommes, enfin frères.

' En 1818, la victoire remportée par le général San-Martin à Maypu donna l'indépendance au Chili qui adopta la forme républicaine de gouvernement. Son premier président ou directeur suprême fut O'Higgins (1818-1823).
8 Le jeune chanoine Jean-Marie Mastaï était le futur pape Pie IX.



C'est dans ces sentiments et ces désirs, et avec toute l'effusion de Notre paternelle affection, qu'à vous, Vénérables Frères, à tout votre clergé et à votre peuple, à vous tous qui vous trouvez réunis dans ce VIII* Congrès eucharistique national et à toute la chère nation chilienne, Nous accordons de tout cceur la Bénédiction apostolique.

DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX

12 novembre 1941


Pie XII 1941 - ALLOCUTION AUX MÈRES DE FAMILLES DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE (26 octobre 1941)