Pie XII 1944 - IL — LA PRIMAUTÉ DE L'ÉGLISE ROMAINE


III. — CONSIDÉRATIONS SUR LE PROBLÈME DE LA PAIX

Paroles de modération et paroles de violence.

Pour ouvrir les coeurs à l'espoir de ce demain plus serein et plus apaisé, c'est certainement un indice significatif que pendant que les moyens militaires de destruction ont atteint un degré de puissance inconnu jusqu'ici et que le monde se trouve à la veille d'événements encore plus dramatiques et, selon l'opinion de certains, peut-être décisifs, la discussion au sujet du sens fondamental et des normes particulières de la paix future attire toujours de plus nombreux esprits et rencontre une participation et un intérêt croissants.

Seulement, à côté des voix de sagesse et de modération ne manquent pas d'autres voix de violence mal dissimulée ou d'annonce très nette de violence. Les premières s'inspirent de la pensée de ce capitaine grec dont on lit qu'il regardait comme insigne la victoire dans laquelle la clémence l'emportait sur la cruauté : eam praeclaram victoriam ducebat, in qua plus esset clementiae quam crudelitatis 6 ; par contre, les autres rappellent de près la parole de Cicéron, à savoir que la victoire est, par nature (naturellement), arrogante et orgueilleuse : victoria quae natura insolens et superba est6.

De sorte que chez beaucoup surgissent l'impression et la crainte qu'il n'y aurait pas, également pour les peuples et les nations comme tels, d'autre alternative que celle-ci : victoire complète ou totale destruction.

Là où ce dilemme tranchant a une fois pénétré dans les esprits, il agit par sa funeste influence comme un stimulant à prolonger la guerre, même chez ceux qui, par une inclination intérieure ou par des considérations réalistes, pencheraient pour une paix raisonnable. Le spectre de cette alternative, la persuasion de la volonté vraie ou supposée de l'ennemi de détruire jusque dans ses racines la vie nationale, étouffent toute autre réflexion et infusent à beaucoup de personnes le courage du désespoir. Ceux qui sont pénétrés de ces sentiments marchent, comme dans un sommeil hypnotique, dans un abîme de sacrifices indicibles et contraignent ainsi les autres à une lutte épuisante et mortelle, dont les conséquences économiques, sociales et spirituelles menacent de devenir le fléau des temps à venir.

Deux aspects différents du problème de la paix.

C'est pourquoi il est d'une souveraine importance que l'on puisse remplacer cette crainte par l'attente solidement fondée de sages solutions ; non pas des solutions passagères, ni non plus porteuses de semences empoisonnées, sources de nouveaux troubles et dangers pour la paix, mais des solutions sérieuses et durables ; solutions qui procèdent de cette idée que les guerres, aujourd'hui, non moins que dans le passé, peuvent difficilement être mises au compte des peuples regardés comme tels comme coupables.

5 Cornelius Nepos, Timoleon, n. 2.

6 Pro M. Marcello, n. 3.

Vous savez bien, Vénérables Frères, comment, en accomplissant un devoir inéluctable de Notre ministère apostolique, Nous avons déjà, à plusieurs reprises et d'une façon concrète, indiqué les bases indispensables conformes à la pensée chrétienne, non seulement pour ce qui regarde la pacifique cohabitation et la collaboration internationale, mais aussi pour tout ce qui a trait à l'ordre intérieur des Etats et des peuples. Aujourd'hui, Nous Nous bornons à observer que toute solution correcte du conflit mondial doit considérer comme bien distinctes deux questions importantes et complexes : d'un côté, la culpabilité dans la déclaration ou la prolongation de la guerre, de l'autre côté la forme ou la physionomie de la paix et sa sécurité. Cette distinction laisse naturellement intacts les postulats, aussi bien d'une juste punition des actes de violence commis contre les personnes ou les choses et non réellement exigés par la conduite de la guerre, que des garanties nécessaires pour défendre le droit contre des attentats toujours possibles de la force.

Ces deux aspects différents du formidable problème ont trouvé un large écho dans la conscience des peuples, et également le dessein et la volonté de donner au monde, à l'issue de la guerre, une paix tolérable pour toutes les nations s'est manifesté dans les déclarations publiques des autorités compétentes. Nous souhaitons et espérons que la prolongation de la guerre jointe à l'aggravation progressive des méthodes de combat et la tension plus aiguë qui a suivi l'exaspération des esprits n'aboutiront pas à affaiblir et à éteindre ces sentiments, et avec eux la promptitude à subordonner les instincts de la vengeance et de la colère, quae est inimica consilio, à la majesté de la justice et de la modération.

Dans toute guerre, si l'une des parties belligérantes réussit seulement par la force de l'épée ou avec d'autres moyens de coercition irrésistibles à obtenir une issue victorieuse, manifeste et incontestable, elle se trouvera dans la possibilité physique de dicter une paix injuste, imposée par la force. Mais il est également certain qu'aucun homme dont la conscience est pénétrée des principes de la véritable justice ne pourra reconnaître à une aussi précaire solution le caractère d'une solide et prévoyante sagesse.

Vues de sagesse politique.

Quoique en fait il puisse être dans la nature des choses que la période de transition entre la cessation des hostilités et la conclusion formelle de la paix jusqu'à l'établissement d'un état de suffisanté stabilité sociale soit déterminé avant tout par le pouvoir du vainqueur sur le vaincu, toutefois, la politique sage et, par cela même modérée, n'oublie pas et n'omet jamais de donner l'espérance à la partie belligérante vaincue, Nous voudrions dire la confiance qu'une situation convenable sera envisagée et juridiquement donnée au peuple vaincu et à ses nécessités vitales.

Aussi, Nous désirerions que, au moins comme un idéal vers lequel on tend, soit présente à l'esprit des gouvernements et des peuples, la pensée fondamentale qui inspira les paroles dites en faveur de M. Claudius Marcellus, par l'orateur le plus remarquable de l'ancienne Rome : Animum vincere, iracundiam cohibere, victo temperare, adversarium extollere iacentem, haec qui faciat, non ego eum cum summis viris comparo, sed simillimum deo iudico1. Ce qui veut dire : se vaincre soi-même, maîtriser la colère, épargner le vaincu, relever l'adversaire qui est à terre, celui qui fera ces choses, je ne le compare pas aux plus grands hommes, mais je le regarde comme très ressemblant à un dieu.

Nous formulons le voeu que tous Nos fils et filles répandus dans le monde connaissent très bien leur responsabilité individuelle et collective relativement à la naissance et à la formation d'un ordre public conforme aux exigences fondamentales de la conscience humaine et chrétienne, se souvenant toujours que pour tous ceux qui se glorifient de porter le nom de chrétien, toute proposition de paix doit toujours être placée sous l'indéfectible devise : illa respuere quae huic inimica sunt nomini, et ea, quae sunt apta, sectari.

Avec le souhait ardent que la grâce du Tout-Puissant fasse promptement surgir sur les collines de la Cité éternelle et sur le monde entier l'aurore d'une telle paix, Nous vous exprimons, Vénérables Frères, Notre profonde gratitude pour les voeux de fête qui Nous ont été offerts avec tant de bienveillance par la bouche de votre eminent cardinal vice-doyen, et c'est de tout coeur que Nous donnons la Bénédiction apostolique à vous et à tous ceux qui vous sont spécialement unis dans le Seigneur.

7 Cf. Cicéron, Pro M. Marcello, n. 3.


EXHORTATION AU PEUPLE ROMAIN AU LENDEMAIN D'UNE GRACE INSIGNE

(6 juin 1944) 1

Les habitants de Rome et les réfugiés ayant manifesté sur la place Saint-Pierre pour remercier le pape d'être intervenu pour défendre la cité, Pie XII leur a répondu par l'exhortation suivante :

Rome, hier encore toute tremblante pour la vie de ses enfants de l'un et de l'autre sexe, pour le sort de trésors incomparables dans l'ordre de la religion et de la culture, ayant devant les yeux le spectre terrifiant de la guerre et des destructions inimaginables, regarde aujourd'hui vers son salut avec un nouvel espoir et une confiance accrue.

C'est pourquoi, l'âme remplie d'une profonde gratitude, Nous élevons, dans la louange et l'adoration, Notre esprit et Notre coeur vers le Dieu unique en trois personnes : Père, Fils et Esprit-Saint ; car, au jour même réservé à en solenniser la fête, grâce à la miséricorde divine qui a inspiré aux deux parties belligérantes des intentions de paix et non d'affliction (cf. Jér. Jr 29,11), la Ville éternelle a été préservée d'un péril incommensurable.

Avec une indicible reconnaissance, Nous offrons l'hommage de Notre vénération à la Très Sainte Mère de Dieu et notre Mère, Marie, qui, à son titre et à ses gloires de Salus populi romani a ajouté une nouvelle preuve de sa bienveillance maternelle, dont les annales de la ville garderont pour toujours le souvenir ineffaçable.

Nous Nous inclinons avec respect devant les apôtres Pierre et Paul, dont la main puissante a protégé la terre jadis imprégnée de la sueur de leurs fatigues apostoliques et du sang de leur glorieux martyre.


PEUPLE ROMAIN

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Et vous aussi, fils des saints et héritiers d'un passé unique dans l'histoire, montrez-vous dignes de la grâce reçue et conformez votre vie et vos moeurs à la gravité et au caractère sérieux de l'heure présente, et aux devoirs redoutables qui vous attendent dans l'avenir.

Surmontez par un esprit de magnanime amour fraternel les mouvements qui pourraient vous entraîner dans les discordes intérieures et extérieures.

Refrénez les instincts de rancune, de vengeance et d'égoïsme par les sentiments d'une noble et sage modération, et d'une sollicitude accrue pour secourir les pauvres et ceux qui souffrent.

Sursum corda ! « Haut les coeurs ! » Voilà ce que Nous vous crions. Et Nous sommes assuré que vos coeurs, dans un même élan et sans exception, répondront : Habemus ad Dominum ! « Nous les tenons élevés vers le Seigneur ! »

Dans cet espoir, Nous vous donnons à tous, chers fils et chères filles, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, qu'ils soient près de vous ou éloignés, en bonne santé ou malades, comme gage des faveurs célestes les plus abondantes, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES JOURNALISTES AMÉRICAINS, ANGLAIS ET FRANÇAIS, CORRESPONDANTS MILITAIRES DES FORCES ALLIÉES

(8 juin 1944) 1

Dans cette allocution aux représentants de la presse attachés aux armées alliées, le Saint-Père leur rappelle qu'ils doivent toujours se considérer comme étant au service de la vérité et de la paix.

Le pape s'exprime d'abord en anglais

Vous êtes les bienvenus et vous transmettrez Nos souhaits les plus cordiaux à vos patries.

Vous avez une vocation qui est extrêmement importante, vraiment noble, mais lourde de responsabilités. Si Nous devions vous adresser un message, il se trouverait dans les paroles que Nous adressions au monde en 1940, la veille de Noël. Si un homme veut vraiment assurer les bases spirituelles et morales d'une collaboration future entre les nations, il dirigera ses efforts vers la sauvegarde et la défense de l'idéal naturel de vérité, de justice, de courtoisie et de bonne volonté, et, plus encore, de l'idéal sublime et surnaturel d'amour fraternel que le Christ a donné au monde.

Nous ajouterions spécialement pour vous aujourd'hui ceci : que le but suprême qui inspirera vos écrits soit la paix. La guerre peut exister et elle ne devrait être qu'un moyen de s'acheminer vers la paix. Ecrivez en faveur d'une paix qui puisse recevoir l'approbation de tous les hommes de bonne volonté et de tous les peuples,

1 D'après le texte anglais et français de Discorsi e Radiomessaggi, t. VI, p. 33 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VI, p. 143.


JOURNALISTES AMÉRICAINS, ANGLAIS ET FRANÇAIS 95

d'une paix qui assurera à tous et à chacun les conditions qui leur sont nécessaires pour vivre d'une façon qui convienne à la dignité de leur nature humaine.

A ceux d'entre vous qui sont enfants de l'Eglise catholique et à leurs familles, Nous accordons avec une profonde affection, en gage de l'amour et de la grâce de Jésus-Christ, la Bénédiction apostolique.

... et poursuit en français :

Il y a presque exactement sept ans — c'était le 13 juillet 1937 — légat de Notre vénéré prédécesseur Pie XI, Nous proclamions du haut de la chaire de Notre-Dame de Paris son amour pour la fille aînée de l'Eglise, Notre propre amour pour la France. Appelé à Notre tour à devenir le Vicaire du Christ, Notre amour s'est fait plus grand et plus profond encore. Et, parce que la « douce France » est devenue la douloureuse, la meurtrie, Notre amour pour elle s'est fait plus tendre que jamais. Nous parlions alors de sa « vocation providentielle » ; Nous le rappelons aujourd'hui avec les mêmes sentiments. Et Nous avons au coeur la conviction que Dieu, continuant de se servir du noble peuple français dans l'accomplissement de ses desseins, ramènera les regards et la confiance du monde vers une France toujours plus glorieuse et plus prospère.

Et vous, que votre profession si pleine de responsabilités, si pleine de grandeur, constitue les messagers de cette vocation, portez à la France l'assurance renouvelée de Notre amour, de Nos voeux, de Nos espérances : répétez-lui le mot d'ordre que Nous lui donnions sous les voûtes de Notre-Dame : Orate, fratres ; amate, fratres ; vigilate, fratres I « Priez, mes frères ; mes frères, aimez ; veillez, mes frères ! » C'est dans cette pensée que, du fond de Notre coeur paternel, Nous appelons sur vous, sur tous ceux qui vous sont chers, sur votre bien-aimée patrie, les plus exquises et les plus abondantes bénédictions du ciel.


SERMON AUX FIDÈLES DE ROME RÉUNIS DANS L'ÉGLISE SAINT-IGNACE

(11 juin 1944)1

Le sermon suivant a été prononcé par le pape dans l'église Saint-Ignace, pour remercier la Madona dei Divino Amore d'avoir protégé la ville de Rome.

Chers fils et chères filles, jamais, peut-être, autant qu'en ce moment, en vous appelant ainsi, Nous n'avons éprouvé d'une manière aussi vive ni aussi impérieuse le sentiment de Notre paternité spirituelle envers vous tous, vous avec qui Nous avons supporté, pendant quatre longues années, les douleurs et les angoisses d'une guerre aussi dure.

Tout pénétré de vos souffrances, mais réconforté au spectacle de votre foi, qui vous a amenés, suppliants, aux pieds de Marie, Mère du divin amour, Nous avions déjà voulu, précédemment, Nous trouver ici, au milieu de vous, pour mêler Nos prières avec les vôtres en une même imploration.

Et Nous étions sur le point de réaliser Notre ardent désir pour soutenir votre confiance en Marie, notre puissante avocate près de son divin Fils ; mais, dans sa clémence, notre reine et patronne, « dont la bonté non seulement se montre secourable à qui l'invoque, mais encore va maintes fois d'elle-même au-devant de la demande » 2, a prévenu Notre désir. Voilà pourquoi Nous sommes ici aujourd'hui, non seulement pour solliciter ses faveurs célestes, mais avant tout pour la remercier de ce qui est advenu contre les prévisions humaines dans l'intérêt suprême de la Ville éternelle et de ses habitants. Notre Mère immaculée, une fois de plus, a sauvé Rome des

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. VI, p. 37 ; traduction française des Acte! de S. S. Pie XII, t. VI, p. 145.

2 Dante, Paradis, c. 33, v. 16-18.

dangers très graves qui la menaçaient ; elle a inspiré à ceux qui en tenaient le sort entre leurs mains des sentiments particuliers de respect et de modération ; dès lors, dans les vicissitudes des événements, comme aussi au milieu de ce conflit sans limites, la protection dont nous avons été les témoins doit nous remplir l'âme d'une tendre gratitude envers Dieu et envers sa Mère très pure.

Mus et enflammés par ces mêmes sentiments de reconnaissance, Nous l'invoquons aujourd'hui avec vous et avec tous ceux qui dans le monde supportent les maux de la guerre ; en même temps, avec un redoublement de foi, Nous lui représentons la commune angoisse, la commune espérance, la commune supplication, à laquelle ajoutent leur prix tant de sang déjà versé et une si grande expiation.

Pratique rigoureuse des préceptes de l'Evangile afin d'obtenir la protection de Marie et la véritable paix avec Dieu.

Mais notre prière veut monter vers elle de coeurs purifiés dans le repentir et tournés avec les résolutions les plus fermes vers cette immuable justice, cette loi éternelle d'où le monde n'aurait jamais dû s'éloigner, et qui, à terme plus ou moins éloigné, inflige des châtiments sévères avec la certitude inéluctable de l'effet qui suit la cause. En même temps, la divine Bonté ne cesse d'avertir les hommes, de les rappeler sur le droit chemin, leur répétant de mille manières : Redite, praevaricatores, ad cor, « O pécheurs, revenez à votre coeur » (Is 46,8). Paenitemini et credite evangelio, « Repentez-vous et croyez à l'Evangile » (Mc 1,15). Il n'est point de salut pour la société ni pour les individus, sinon dans ce retour en soi-même, dans ce repentir qui est un retour en arrière vers les principes indéfectibles de la morale ; dans cette foi en l'Evangile, qui est vie et progrès à la lumière divine des Béatitudes ; celles-ci, seules, peuvent conduire l'homme dans les sentiers de la Vérité qui ne trompe pas et de la paix qui assure la tranquillité de l'âme avec elle-même, avec ses semblables et avec Dieu.

Mais quiconque voudrait implorer de la Vierge la cessation des fléaux, sans ce ferme propos de réforme de la vie publique ou privée, demanderait simplement l'impunité de la faute, le droit de régler sa propre conduite non d'après la loi de Dieu, mais d'après les passions effrénées. Une pareille supplication serait la négation et l'opposé de la prière chrétienne ; ce serait une injure faite à Dieu, une provocation de sa juste colère, l'obstination dans le péché, qui est l'unique mal véritable du monde.

Certes, Notre Coeur a accueilli avec beaucoup de satisfaction la pensée que Nous ont manifestée d'innombrables suppliques d'habitants de Rome, ayant l'intention de s'engager par une promesse solennelle et particulière à la pratique de l'austérité chrétienne dans leurs moeurs et à des oeuvres de piété et de charité fraternelle. Mais une telle intention doit toujours s'accompagner d'une résolution vigoureuse et pratique, qui supprime les mauvaises habitudes de la personne, de la famille, de la société. Mais ici Nous revenons à vous, Nos concitoyens, qui par conséquent Nous êtes doublement chers ; à vous, Romains, dont la piété envers Marie est une glorieuse tradition ; et Nous venons à vous aussi, fugitifs et exilés des régions avoisinantes, réfugiés ici avec la douce image de votre Madone. Nous vous invitons à faire en sorte que des ruines de ce conflit meurtrier naisse pour chacun de vous, pour chaque famille, pour chaque groupe social, la volonté inébranlable de livrer une guerre sans trêve à la licence et à l'inconduite qui provoquent la ruine, surtout chez la jeunesse, dans l'esprit et dans le corps ; guerre à l'indifférence religieuse, à la recherche sans mesure des plaisirs, à l'oubli des droits du Seigneur, spécialement au jour qui lui est consacré, à l'égoïsme cruel qui vise à s'enrichir injustement en affamant le pauvre ; guerre enfin au matérialisme sous toutes ses formes, et effort volontaire de tous pour relever dans la conscience du peuple les valeurs spirituelles et reprendre le chemin de cette pratique des commandements divins, qui est un gage de bonheur véritable dans la vie présente et dans la vie future.

Telle est la première et la plus grande grâce que les habitants de Rome, ainsi que les populations réfugiées dans la ville, doivent demander à leur Mère du ciel. Et puisque le Christ a dit : « Cherchez d'abord le Royaume et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Mt 6,33), il n'est pas douteux que cette condition se trouvant réalisée, la bienveillante auxiliatrice des chrétiens, « Salut du peuple romain », consolatrice de tous les peuples martyrisés par la guerre, ne veuille continuer sa miséricordieuse protection que, prosternés à ses pieds et tous unis à l'heure présente, nous implorons dans une prière ardente et nous lui disons :

Prière adressée à la Sainte Vierge « Madone du divin Amour ».

Rassasiés de douleurs et de larmes, le coeur brisé par tant de séparations si longues et si amères, dans l'incertitude angoissée sur le sort de tant d'êtres qui nous sont chers, dans le deuil pour tant de morts, dans la perte de tant de biens, dans l'agonie de tant d'existences menacées et privées de tous moyens, dans la fuite loin des paisibles foyers, dans la dispersion inattendue qu'accompagnent la pauvreté et la nudité, dans l'angoisse de l'esprit, mais aussi avec l'âme ouverte à l'espérance, nous regardons vers vous, Mère du divin Amour et Reine des douleurs, attendant de Vous, de votre maternelle intercession, notre salut.

Mais ce que nous voulons, ô Marie, c'est moins vous rappeler la piété ancestrale héritée de nos pères et notre affection confiante, qu'appuyer notre prière sur la promesse, que vous attendez de nous, d'une vie plus chrétienne, grâce à laquelle se vérifiera pleinement de nouveau le témoignage glorieux de l'apôtre Paul : il déclarait, en effet, la foi des Romains « célèbre dans le monde entier » (Rm 1,8). C'est en faisant cette promesse que nous implorons votre patronage efficace près de votre Fils miséricordieux, qui ne vous refuse rien et dont vous possédez le Coeur.

Ouvrez-le, ô Marie, ce Coeur divin, et faites retomber sur vos enfants, souvent si malheureux, les trésors de miséricorde et de bonté qu'il tient en réserve pour quiconque s'approche de lui avec une humilité sincère et une foi inébranlable. Gardez votre Rome bien-aimée, et préservez-la encore dans l'avenir des maux extrêmes dans les personnes, dans les biens, dans les monuments de son histoire religieuse et civile unique au monde ; mais surtout défendez-la contre le mal le plus redoutable, le péché, qui seul rend vraiment malheureux les hommes et les peuples.

Puisse cette Rome retirer de la dure expérience de tant d'épreuves lumière et force pour une vie meilleure, aussi bien individuelle que familiale et collective, et, grâce à vous, redevenir pour les nations un modèle de véritable civilisation chrétienne par la foi vécue dans les oeuvres de justice et dans un humble amour.

Et en attendant, ô Vierge Mère, essuyez les larmes de ceux qui gémissent encore dans le deuil, dans les privations, dans les souffrances de toutes sortes. Consolez les mères qui ont perdu leurs fils, les veuves abandonnées, les fiancées inépousées, les orphelins qui aspirent en vain aux sourires maternels, ceux qui sont en proie à la douleur dans l'exil, en prison, à l'hôpital. Ramenez les fugitifs dans les terres abandonnées au moment où se déchaînait la bourrasque, ces terres si chères où ils sont nés, où ils ont grandi, où ils ont travaillé, où ils ont invoqué votre nom très doux, et donnez-leur la force de reconstituer, avec une persévérance courageuse et vive, leurs maisons détruites, leurs églises écroulées, leurs champs ravagés,

leurs ateliers dévastés, leur bonheur domestique troublé et bouleversé. Que sur tous s'étende votre patronage ! Que tous bénéficient de votre prière ! Que tous ressentent vos caresses maternelles ! Et que, grâce à vous, l'orage qui bouleverse tout, une fois dispersé, et le monde étant revenu à de sages desseins, resplendisse finalement au-dessus de tous une paix juste, une paix exempte de tout esprit pernicieux de haine, de violence et de vengeance, une paix symbole et gage de Ja félicité éternelle. Ainsi soit-il.


LETTRE APOSTOLIQUE AU VICAIRE GÉNÉRAL DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS ET DIRECTEUR DE L'ASSOCIATION DE L'APOSTOLAT DE LA PRIÈRE

(16 juin 1944) 1

Cette lettre a été adressée au R. P. de Boynes, vicaire général de la Compagnie de Jésus, à l'occasion du centenaire de la fondation de l'Apostolat de la Prière, dont le Saint-Père énumère les bienfaits :

Prochainement finira le siècle au début duquel, non sans un dessein de la Providence, la pieuse association appelée Apostolat de la Prière a été heureusement fondée. Au milieu des douleurs et des difficultés qui, de tous côtés, nous écrasent, c'est une très grande consolation de penser aux fruits abondants produits, avec le secours divin, pendant ce long espace de temps par cette oeuvre. C'est pourquoi à vous qui êtes le chef de cette ligue méritante, a tous ceux, et d'abord aux membres de la Compagnie de Jésus, qui travaillent à l'accroître et à la propager, d'un coeur paternel Nous adressons Nos félicitations, et Nous ne voulons pas laisser passer cet heureux événement sans la louer comme il se doit et aussi sans exhorter tous les fidèles à en faire partie.

Excellence de l'Apostolat de la Prière.

Le lien étroit qui existe entre cette oeuvre et le bien de l'Eglise et des âmes est facile à comprendre. En effet, si la prière en commun, lorsqu'elle est faite comme il faut (Rm 8,26), nous concilie déjà la clémence et la bonté divines, ainsi que le Christ l'a promis

1 D'après le texte latin des A. A. S., 36, 1944, p. 238 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie Xli. t. VI. p. 149.

quand il disait : « Si deux d'entre vous s'unissent sur terre pour demander quoi que ce soit, il en sera fait ainsi par mon Père qui est aux cieux » (Mt 18,19), combien, devant le trône de l'Eternel, sera plus puissante la prière que répandent non pas deux hommes seulement, mais, à peu près sur toute la terre, des centaines de milliers de chrétiens unis entre eux d'une façon particulière et par le lien de la charité. Cela, d'autant plus que, dans cette louable association, aux prières assidues s'ajoutent des actes de réparation et d'expiation. D'autant plus encore que d'innocents enfants — et très nombreux — dont la candeur d'âme émeut plus facilement la divine pitié, s'unissent à cette entreprise de supplication et de réparation. D'autant plus, enfin, qu'intervient le patronage de la Vierge Mère de Dieu, ici très efficace, et que ces prières et ces expiations faites en commun sont comme jointes avec les prières et les réparations par lesquelles le Coeur de Jésus, s'offrant lui-même sur l'autel, implore pour nous le Père éternel.

Les associés de cette ligue ont un but bien déterminé : prier et offrir leurs satisfactions pour les besoins de l'Eglise. C'est pourquoi ils offrent à Dieu chaque jour leurs prières, leurs oeuvres et leurs souffrances d'un coeur sincère et font de toute leur vie une supplication et une réparation. Bien plus, tous ces actes étant ajoutés, unis aux prières du divin Coeur de Jésus, sont augmentés à l'infini, et offerts par le Coeur immaculé de Marie au Père de miséricorde pour que le règne de Dieu s'établisse et s'étende toujours plus loin, ils contribuent beaucoup à atteindre ce but.

Ainsi donc, comme cette ligue ne poursuit pas l'un ou l'autre avantage de l'Eglise, mais la gloire de Dieu et le salut des âmes qu'elle veut procurer autant qu'elle le peut, sa devise propre est cette demande du Pater « Que votre règne arrive ». Par ce fait même, elle se distingue des autres associations qui sont l'ornement de la féconde Epouse du Christ.

Les intentions mensuelles qu'il propose.

Pour que cette armée innombrable de priants ne disperse pas ses forces et ses armes surnaturelles, mais les concentre sur un point, tous les mois est proposée à tous les associés une double intention de prière que le Pontife romain lui-même examine, approuve et renforce de sa bénédiction céleste : l'une est l'intention générale, l'autre se rapporte aux saintes entreprises missionnaires à aider et à promouvoir.

Mais il ne faudrait pas penser que cette louable association pourvoit uniquement au bien de l'Eglise universelle. Ainsi que l'affirme Notre prédécesseur d'inoubliable mémoire Pie XI, elle a été pour les associés eux-mêmes « depuis les débuts une source de profits spirituels continus et abondants » 2. En effet, elle provoque et entraîne tous ses membres à l'habitude de la prière incessante, selon cette parole : « Il faut toujours prier sans jamais s'arrêter » (Lc 18,1).

Les bienfaits de l'association :

a) rappel de la primauté de la prière.

En outre, de nos jours où cette théorie si fallacieuse qui s'appelle le « naturalisme » tente de tout envahir, quand, par le moyen de ce qu'on nomme « l'hérésie de l'action », elle s'efforce de se glisser au coeur même de la vie spirituelle et de l'activité apostolique, votre oeuvre rappelle très opportunément et très utilement à tous les chrétiens ce principe doctrinal qui nous enseigne que « ce n'est pas celui qui plante qui est quelque chose ni celui qui arrose, mais Dieu seul qui donne la croissance » (cf. 1 Cor., ni, 7).

A cela s'ajoute que votre oeuvre forme ses associés à une piété solide et authentique et les y entretient. Elle les engage, par une pieuse intention de l'âme, à élever et diriger vers Dieu tout ce qu'ils font, ce qui, d'après la pensée de tous les vrais maîtres de la science sacrée, est un moyen excellent et principal de perfection spirituelle. Elle les exhorte tous à se détourner des pratiques de piété moins éprouvées et à promouvoir le culte du Sacré-Coeur, dans lequel « est contenue la synthèse de la religion et aussi de la vraie vie parfaite » 3. De même, elle conseille le culte de l'auguste sacrement de l'Eucharistie, qu'il faut regarder « comme le lieu où se concentre tout ce qui existe de vie chrétienne » 4. Enfin elle enseigne à honorer et à aimer intensément la Vierge Mère de Dieu et son Coeur immaculé, qui est « le vase insigne de dévotion » 5.

2 Lettre apost. Apostolatus Orationis, du 6 août 1932.

3 Lettre enc. Miserentissimus Redemptor ; A. A. S., vol. XX, p. 167.

4 Acta Leonis XIII, p. 139 : Lettre enc. Mirae caritatis.

5 Litanies de la Sainte Vierge.

b) dévotion au Souverain Pontife.

Votre oeuvre ne manque pas non plus d'inspirer un ardent amour pour le Pontife romain, auquel quiconque est plus étroitement uni et, de ce chef, plus à l'abri de tout danger.

Mais la grâce de Dieu est multiforme (cf. 1P 4,10). Aussi, très opportunément, cette association est organisée de telle sorte qu'elle n'exige pas de tous ses membres la même chose. Elle les partage en degrés ou catégories et s'adapte ainsi à la générosité et aux moyens de chacun. « A ceux qui plus que les autres adonnés à la piété brûlent d'un grand zèle des âmes et à cause de cela portent le nom de zélateurs et zélatrices » 6, elle propose un plus haut idéal de vie et elle les pousse et les presse avec douceur de s'y engager de bon gré.

De tout ce que Nous avons dit jusqu'ici, en résumé et brièvement, il est aisé de comprendre combien votre pieuse association peut aider au recrutement de l'Action catholique et des autres mouvements qui prêtent leur concours à l'apostolat de l'Eglise. En effet, il est prouvé que sans le secours divin les hommes travaillent inutilement. Or, ce concours, l'Apostolat de la Prière nous rappelle qu'il est obtenu par une prière instante et assidue adressée à Dieu.

c) service de l'Eglise.

En outre, il est à remarquer que votre oeuvre nourrit et entretient la vie intérieure qui, nous tenant unis à Dieu, est comme l'âme d'un apostolat véritable et puissant.

En fait, chaque mois, elle met sous les yeux des associés un besoin particulier de l'Eglise et les excite à offrir à Dieu, pour y subvenir, d'ardentes prières et sacrifices. C'est pourquoi, sans nul doute, elle entraîne ses associés au zèle, elle les prépare, les dispose et les forme à une action apostolique bien ordonnée. Bien plus, comme elle leur demande d'offrir à Dieu, chaque jour, pour les besoins de l'Eglise, prières et souffrances, non seulement elle fait de leur vie une prière et une réparation continuelles, mais elle les pousse à tous les actes d'apostolat qui facilement s'offrent à la bonne volonté de chacun.

A cet égard, la revue appelée Messager du Coeur de Jésus, qui paraît en plus de quarante langues, Nous paraît digne des plus grands éloges et a bien mérité de l'Eglise.

6 Statuts de l'Apostolat de la Prière, VI.

d) principe d'union entre les peuples et le pape.

A notre époque surtout, alors que, séparés par la haine et les discordes, les peuples se combattent furieusement, l'Apostolat de la Prière est particulièrement de circonstance et il a une force spéciale pour rapprocher les esprits et les affermir dans l'unité. Il est né de la charité, il a pour but la charité envers les âmes et leur salut, il dirige et fixe les esprits des associés quelles que soient leur race, leur origine ou leur langue vers un commun but apostolique à atteindre par une commune prière.

En outre, il unit très étroitement au Vicaire de Jésus-Christ les foules de priants dont il est formé non seulement parce que, comme Nous l'avons dit plus haut, ils prient aux intentions fixées par lui, mais aussi parce que, dès l'origine de sa fondation, ses associés s'accoutumèrent à offrir à Dieu pour le Pasteur suprême de l'Eglise ce qu'ils appellent des « trésors spirituels ».

En ces derniers temps, les peines et les angoisses du Père commun s'étant aggravées, l'Apostolat de la Prière, par une initiative heureuse et qui lui a été très agréable, organise pour chaque jour dans l'univers entier la célébration de messes à Notre intention. Ceci fait penser, en la faisant renaître, à cette coutume des premiers chrétiens qui étaient sans interruption en prière pour le premier Vicaire du Christ : « La prière de l'Eglise s'élevait pour lui vers Dieu sans relâche » (Ac 12,5). Cette union fraternelle des âmes, qui relie les associés entre eux, se consomme en Celui qui est le « Roi et centre de tous les coeurs » 7, le divin Coeur de Jésus auquel tous se consacrent, dans lequel ils puisent la vie et le zèle, qu'ils honorent d'un culte particulier et auquel ils offrent leurs prières et leurs sacrifices unis entre eux par leur communion en lui.

Louange et recommandation de l'association par les papes.

Etant donné les fruits très abondants de salut que cette association a heureusement produits au cours des ans, étant donné que des fruits plus abondants et chaque jour plus salutaires en sont attendus, il n'est pas surprenant que Nos prédécesseurs l'aient couverte des plus hauts éloges. Nous-même, dès le début de Notre pontificat, chaque fois que l'occasion s'est présentée, Nous avons spontanément déclaré Notre bienveillance envers elle ; il n'y a pas longtemps,

7 Litanies du Sacré Coeur de Jésus.

dans Notre encyclique Mystici Corporis, Nous avons tenu à la recommander de toutes Nos forces « comme très agréable à Dieu » 8.

C'est avec grande consolation de coeur et grande joie que Nous voyons ces troupes de priants couvrir à peu près toutes les parties du monde, sachant que l'Apostolat de la Prière est répandu dans 1300 diocèses et dans d'innombrables paroisses, grâce à l'aide des évêques et du clergé. En effet, votre oeuvre prospère non seulement dans les pays d'Europe et d'Amérique, mais encore en Afrique, en Asie, en Océanie et jusque dans ces plages glaciales où récemment a lui la lumière de l'Evangile. De même, elle croît et fleurit non seulement dans les maisons religieuses, les séminaires, les collèges et les écoles, mais aussi dans les usines, les casernes, les hôpitaux et jusque dans les prisons. Au point que cette pacifique armée de priants compte jusqu'à 35 millions de soldats dans ses rangs !

Ce n'est pas une moindre consolation pour Nous de constater que, outre la Compagnie de Jésus au sein de laquelle cette association est née, a prospéré et grandit constamment et heureusement pour une plus grande fécondité, des évêques et la plupart des prêtres des deux clergés, volontiers, unissent aussi leurs efforts dans cette pieuse association et, chacun selon ses moyens, travaillent habilement à l'accroître, à l'aider et à -la diriger.

Exhortation et souhaits du pape.

Continuez donc, chers fils, vous tous qui participez à cette pieuse association, à avancer chaque jour davantage dans la voie où vous êtes engagés. Continuez selon vos forces à favoriser et à propager partout cette oeuvre selon la pensée de Notre prédécesseur d'heureuse mémoire Pie X, qui disait que « rien de plus utile n'existe pour remédier aux maux si graves et si divers dont est affectée l'humanité » 9. Continuez à employer avec un joyeux et généreux empressement tout ce qui peut augmenter et étendre le règne du Sacré Coeur de Jésus.

Quant à Nous, Nous désirons ardemment et Nous implorons de Dieu que cette armée presque innombrable de priants grandisse non seulement par le nombre des soldats, mais croisse en force et en vigueur spirituelles et qu'elle soit soulevée et raffermie par la flamme d'un tel zèle pour la prière et la réparation.

8 A. A. S., vol. XXXV, p. 246 ; cf. Documents Pontificaux 1943, p. 204. » Lettre au R. P. Boubée : A. A. S., vol. III, p. 345.

Qu'il anime toute la vie des associés, leurs pensées, leurs projets, de telle sorte « qu'ils ne soient plus désormais des priants, mais des prières vivantes » 10. Pendant le prochain mois de décembre vous prierez selon Notre intention qui déjà, comme de coutume, vous a été manifestée, pour que tous les chrétiens soient, comme il le faut, de jour en jour plus pénétrés de cette ardeur pour la prière et la réparation.

Que la Bénédiction apostolique que comme présage des grâces célestes et en témoignage de Notre bienveillance Nous vous accordons de tout coeur à vous, cher fils, aux directeurs de cette association, à ses zélateurs et à chacun de tous ses associés fasse, avec l'aide de Dieu, qu'il en soit ainsi !

Cf. Grégoire le Grand, in I Reg., 12, 2 ; Migne, P. L,. LXXIV, p. 338.

ALLOCUTION A DES MILITAIRES DE LA VIIIe ARMÉE ANGLAISE

(20 juin 1944) 1

Lors des premiers jours de la présence de soldats des armées alliées à Rome, le Saint-Père a pris l'habitude de les recevoir. Ce mardi 20 juin 1944, il a adressé cette allocution à 4000 soldats de la VIIIe armée anglaise :

C'est une joie réelle pour Nous de vous adresser la bienvenue dans la maison du Père commun de la chrétienté. Dieu a voulu que Nous soyons le Vicaire du Christ sur terre en une période de l'histoire humaine où le monde est rempli comme il ne le fut jamais auparavant de pleurs, de souffrances et de détresse incommensurable ; et vous savez très bien combien Notre coeur paternel a parfois été presque écrasé par les soucis de Nos enfants. Vous comptez parmi ces enfants et Nous avons prié pour vous. Votre présence rappelle naturellement à Notre mémoire les journées vraiment très agréables que Nous avons eu une fois le privilège de passer dans la grande capitale de l'Empire britannique ; mais elle rappelle aussi d'autres souvenirs, les souvenirs de ces héros de la foi que furent saint Edouard et saint Thomas Becket, saint John Fischer et saint Thomas More, qui ont donné une gloire suprême et impérissable à votre patrie. Nous vous recommandons tous à leur protection. Vous connaissez trop bien les dangers et les incertitudes de la vie en temps de guerre. Une chose demeure certaine : il faut rester toujours et partout proche de Dieu. Nous demandons cette grâce pour vous, par l'intercession de ces fils loyaux et saints de l'Eglise notre Mère et de votre Angleterre aimée, tandis que Nous vous bénissons avec tous les vôtres de toute l'affection de Notre coeur.

D'après le texte anglais de Discorsi e Radiomessaggi, t. VI, p. 43.


Pie XII 1944 - IL — LA PRIMAUTÉ DE L'ÉGLISE ROMAINE