Pie XII 1943 - II. — AUX DÉSOLÉS SANS ESPÉRANCE


III. — AUX FIDÈLES

a) Le réconfort de la foi dans les calamités actuelles.

Venez, maintenant, vous, chrétiens, vous, fidèles, liés par un lien surnaturel ineffable au Fils de Dieu qui s'est fait petit enfant pour vous, guidés et sanctifiés par son Evangile, nourris par la grâce, fruits de la Passion et de la mort du Rédempteur. Vous aussi vous ressentez la douleur, mais avec l'espoir d'un réconfort qui provient de votre foi.

Les misères présentes sont aussi les vôtres ; la guerre destructrice vous visite et tourmente, vous aussi, vos corps et vos âmes, vos avoirs et vos biens, votre maison et votre foyer. La mort vous a brisé le coeur et infligé des blessures lentes à se cicatriser. La pensée de chères tombes lointaines restées peut-être inconnues, l'anxiété pour les morts ou les disparus, le désir impatient d'embrasser de nouveau vos bien-aimés prisonniers ou déportés vous mettent dans une peine qui accable votre esprit, tandis que la pensée d'un avenir pesant et obscur vous opprime tous, parents et enfants, jeunes et vieux.

Chaque jour, et plus que jamais à l'heure présente, Notre coeur de Père se sent avec une affection profonde et immuable tout près de chacun de vous, chers fils et chères filles, affligés et angoissés. Mais tous Nos efforts ne peuvent faire cesser tout à coup cette horrible guerre, ni redonner la vie à vos chers morts, ni reconstruire votre foyer détruit, ni vous délivrer entièrement de votre anxiété. Il est encore bien moins en Notre pouvoir de vous dévoiler l'avenir, dont les clés sont entre les mains de Dieu, qui dirige le cours des événements et en a fixé l'aboutissement pacifique.

Il y a pourtant deux choses que Nous pouvons et que Nous voulons accomplir. La première est que Nous avons fait et que Nous ferons toujours tout ce qui est en Notre pouvoir, matériel et spirituel, pour alléger les tristes conséquences de la guerre, pour les prisonniers, pour les blessés, les disparus, les évacués, pour les hommes de toute langue et de toute nationalité qui sont dans la souffrance et la tri-bulation.

La seconde est que, dans ce déroulement du triste temps de la guerre, Nous voulons que vous vous souveniez avant tout du grand réconfort que nous inspire la foi, quand elle nous enseigne que la mort et les souffrances de cette vie terrestre perdent leur douloureuse amertume pour ceux qui peuvent, avec une conscience tranquille et sereine, s'appliquer l'émouvante prière de l'Eglise dans la messe des défunts. « Pour tes fidèles, ô Seigneur, la vie est changée ; elle n'est pas enlevée ; et quand la demeure de cette habitation terrestre est détruite, une habitation éternelle est préparée dans le ciel. » 2. Tandis que les autres qui n'ont pas d'espérance se trouvent devant un abîme effrayant et que leurs mains, tâtonnant à la recherche d'un point d'appui, palpent le néant, non de leur âme immortelle, mais d'un bonheur de l'au-delà évanoui, vous, au contraire, par la grâce et la libéralité d'un Dieu miséricordieux, après la mort certaine, certa moriendi conditio, vous avez, ineffable et divine consolation, la promesse de l'immortalité future, futurae immortalitatis promissio.

Par cette foi vous parvenez à une sérénité intime, à une force morale confiante, qui ne succombent pas, même dans les plus cruelles souffrances. Grâce sublime que celle-là, et inestimable privilège, que vous devez attribuer à la bonté du Sauveur ; grâce et privilège qui exigent que vous y répondiez par une action de constance exemplaire et qui requiert un apostolat de chaque jour, tendant à rendre la confiance à qui l'a perdue et à mettre sur la voie du salut éternel ceux qui, comme des naufragés dans l'océan des malheurs présents, sont sur le point d'être submergés et de périr.

b) Devoirs des chrétiens à l'heure présente.

La route suivie par l'humanité dans la confusion actuelle des idées a été une route sans Dieu, et même contre Dieu ; sans le Christ et même contre le Christ. En disant cela, Nous n'avons pas la volonté ni la pensée d'offenser les égarés ; ils sont et demeurent nos frères.

'réface de la messe pour les défunts.

Il convient pourtant que la chrétienté considère aussi cette part de responsabilité qui lui incombe dans les épreuves d'aujourd'hui. Beaucoup de chrétiens n'ont-ils pas fait, peut-être, eux aussi, des concessions à ces fausses idées et à ces manières de vivre, si souvent désapprouvées par le magistère de l'Eglise ?

Toute tiédeur et toute transaction inconsidérée avec le respect humain dans la profession de la foi et de ses maximes ; toute pusillanimité et tout flottement entre le bien et le mal dans la pratique de la vie chrétienne, dans l'éducation des enfants et dans le gouvernement de la famille ; tout péché secret ou public ; tout cela, et tout ce que l'on pourrait y ajouter, a été et est une contribution déplorable au malheur qui bouleverse aujourd'hui le monde. Et qui donc aurait le droit de se croire sans aucune faute ? L'examen de votre conscience et de vos oeuvres, l'humble reconnaissance de votre responsabilité morale, vous feront découvrir et sentir au plus profond de votre âme quels saints devoirs sont pour vous la prière et l'action en vue d'apaiser et d'implorer la miséricorde de Dieu, en vue de contribuer au salut de vos frères ; vous rendrez ainsi à Dieu cet honneur qui lui fut refusé durant tant de dizaines d'années, vous conquerrez et vous obtiendrez pour les hommes cette paix intérieure qui ne se peut retrouver qu'en se rapprochant de la lumière spirituelle de la grotte de Bethléem.

c) A l'oeuvre, fils bien-aimés !

A l'oeuvre donc et au travail, fils bien-aimés ! Serrez vos rangs. Que votre courage ne défaille pas ; ne restez pas inertes au milieu des ruines. Sortez-en pour reconstruire un nouveau monde social au Christ.

Elle brille sur vous l'étoile qui guida les mages dans leur chemin vers Jésus. L'esprit qui émane de lui n'a rien perdu de sa force et de sa puissance de guérison pour l'humanité tombée. Il triompha jadis du paganisme régnant. Pourquoi ne devrait-il pas triompher, aujourd'hui encore, quand des peines et des déceptions de toutes sortes montrent à tant d'âmes la vanité et les errements des sentiers suivis jusqu'à présent dans la vie publique et privée ? Un grand nombre d'intelligences sont à la recherche de nouveaux idéaux politiques et sociaux, privés et publics, pour l'instruction et l'éducation, et elles éprouvent l'angoisse intime de satisfaire le besoin de leur coeur. Que l'exemple de votre vie chrétienne soit leur guide ; que votre parole enflammée les secoue. Tandis que passe la figure de ce monde, montrez-leur comment la vraie vie est « qu'ils vous connaissent, vous, le seul vrai Dieu, et Celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ » (Jean, xvir, 3).

Appel à la charité

Que vos paroles fassent renaître parmi vos frères la connaissance du Père des cieux qui, même dans les temps de terrible misère, gouverne le monde avec une bonté sage et prévoyante ; qu'ils expérimentent le tranquille bonheur qui provient d'une vie brûlant de l'amour de Dieu. Mais l'amour de Dieu rend le coeur délicatement sensible aussi aux besoins des frères, prompt à les aider spirituellement et matériellement, prêt à renoncer à tout, pour que refleurisse dans tous les coeurs l'amour ardent et actif.

O force de la charité du Christ ! Nous la sentons vibrer dans la tendresse de Notre coeur de Père qui, également ouvert et tendu vers tous, Nous fait prêcher par le cri de Notre parole l'oeuvre de miséricorde et d'amour secourable.

Combien de fois Nous avons dû répéter, l'âme meurtrie, l'exclamation du divin Maître : Misereor super turbam, « j'ai pitié de cette foule », et combien de fois ajouter, Nous aussi : Non habent quod manducent, « ils n'ont pas de quoi manger » (Mc 8,2), spécialement quand Nous jetons les yeux sur de nombreuses régions dévastées et désolées par la guerre ! Et ce ne fut jamais, à aucun moment, sans ressentir durement le contraste entre l'exiguïté de Nos ressources, impuissantes à porter secours, et l'extension gigantesque des besoins d'une multitude qui Nous fait parvenir sa voix suppliante et son douloureux gémissement, d'abord des régions lointaines, et maintenant, toujours davantage, même des plus proches.

En face d'une telle détresse, chaque jour croissante, Nous adressons au monde chrétien un cri insistant d'appel paternel au secours et à la pitié : Ecce sto ad ostium et pulso, « voici que je me tiens à la porte et je frappe » (Ap 3,20).

Et Nous n'hésitons pas à Nous adresser, avec cette confiance que Dieu Nous inspire, au sentiment humain et chrétien de ces peuples et de ces nations à qui la Providence a épargné jusqu'ici la souffrance directe des horreurs de la guerre, ou qui, tout en étant en guerre, vivent encore dans des conditions qui leur permettent de donner généreusement libre cours à leurs sentiments de miséricorde et de porter aide et soutien à ceux qui, dans les dures privations du conflit et sans secours extérieur, manquent déjà aujourd'hui du nécessaire et en manqueront encore davantage à l'avenir.

A vous adresser cet appel, Nous sommes poussé et soutenu par l'espoir qu'il trouvera un écho au fond du coeur des fidèles et de quiconque a au coeur un vif sentiment d'humanité ; car, parmi les heurts engendrés et exaspérés par le conflit mondial, un courant consolant de pensées et de projets apparaît dans une lumière toujours plus claire ; Nous voulons dire le réveil d'une responsabilité solidaire en face des problèmes posés par l'appauvrissement général causé par la guerre. Les destructions et les dévastations, qui en sont les suites, exigent impérieusement pour toute l'étendue des dommages survenus une oeuvre de reconstruction et de secours. Les erreurs d'un passé qui n'est guère lointain se transforment pour les esprits indépendants et éclairés en avertissements auxquels, tant par raison de prudence que par sentiment d'humanité, il n'est pas possible qu'ils restent sourds. Ils considèrent l'assainissement spirituel et le relèvement matériel des peuples et des Etats comme un tout organique où rien ne serait plus désastreux que de laisser s'installer des foyers d'infection, dont pourraient naître demain de nouvelles ruines. Ils ont conscience que dans une nouvelle organisation de la paix, du droit et de l'activité, il ne faudrait pas, en traitant certains peuples d'une manière non conforme à la justice, à l'équité et à la sagesse, laisser surgir des périls et subsister dans la structure de l'organisation tout entière des lacunes qui en compromettraient la consistance et la stabilité.

Attente de la paix.

Strictement fidèle comme Nous voulons l'être au devoir d'impartialité de Notre ministère pastoral, Nous exprimons le désir que Nos fils bien-aimés n'omettent rien pour faire triompher les principes de justice éclairée et équitable et de fraternité dans des questions si fondamentales pour le salut des Etats. C'est, en effet, le propre des esprits sages et des vrais amis de l'humanité de comprendre qu'une paix conforme à la dignité de l'homme et à la conscience chrétienne ne peut jamais être durement imposée par l'épée, mais elle doit être le fruit d'une justice prévoyante et d'une équité envers tous ceux dont ils portent la responsabilité.

Mais si, dans l'attente d'une telle paix qui tranquillise le monde, vous, chers fils et chères filles, continuez à souffrir amèrement dans votre âme et dans votre corps sous les coups des privations et de l'injustice, vous ne devez pourtant pas ternir demain cette paix et rendre injustice pour injustice ou commettre peut-être une injustice plus grande encore.

En cette veille de Noël, que votre coeur et votre esprit se tournent vers l'Enfant divin de la crèche. Voyez et méditez comment en cette grotte abandonnée, exposée au froid et aux vents, il prend sa part de votre pauvreté et de votre misère, lui, Maître du ciel et de la terre, et de toutes les richesses pour lesquelles les hommes se disputent. Tout est à lui : et pourtant, que de fois, en ces temps-ci, il a dû, lui aussi, abandonner églises et chapelles détruites, incendiées, écroulées ou menaçant de s'effondrer ! Peut-être là où la dévotion de vos ancêtres lui avait dédié de magnifiques temples aux arcs élancés et aux voûtes élevées, vous ne pouvez lui offrir, au milieu des ruines, qu'une misérable demeure dans une chapelle de refuge ou dans des maisons particulières. Nous vous félicitons et Nous vous remercions, prêtres et laïques, hommes et femmes, qui souvent, au mépris de tout danger pour votre vie, avez abrité et mis en lieu sûr le Seigneur et Sauveur eucharistique. Votre zèle ne voulait pas que se vérifiât une fois de plus ce qui fut dit du Christ : « Il est venu chez lui et les siens ne l'ont pas reçu» (Jn 1,11). Ainsi, le Seigneur n'a pas refusé de venir au milieu de votre pauvreté : lui qui, autrefois, préféra Bethléem à Jérusalem, la grotte et la crèche au temple grandiose de son Père. Pauvreté et misère sont amères, mais elles deviennent douces si on conserve en soi Dieu, le Fils de Dieu, Jésus-Christ, sa grâce et sa vérité. Il reste avec vous tant que vivent dans votre coeur votre foi, votre espérance, votre amour, votre obéissance et votre piété.

Avec vous, chers fils et chères filles, Nous déposons Nos prières aux pieds de l'Enfant Jésus et Nous implorons de lui que ce soit le dernier Noël de guerre, que l'humanité puisse célébrer l'an prochain le retour de cette fête solennelle, toute resplendissante de la lumière et de la joie d'une paix vraiment chrétienne.

Principes pour un programme de paix

Et maintenant, vous tous qui portez la responsabilité, vous tous qui, par disposition ou permission de Dieu, tenez entre vos mains le sort de votre propre peuple et celui des autres : écoutez l'appel suppliant, erudimini, « instruisez-vous » (Ps 2,10), qui, de l'abîme sanglant et semé de ruines de cette monstrueuse guerre, retentit à vos oreilles : frémissement et avertissement pour tous, coup de trompette du jugement futur qui annonce la condamnation et le châtiment pour ceux qui seraient sourds à la voix de l'humanité, qui est aussi la voix de Dieu.

Vos buts de guerre dans la conscience de votre force peuvent bien aussi embrasser des pays et des continents entiers. La question de la responsabilité de la présente guerre et la réclamation de réparations peuvent certes vous pousser à élever la voix. Aujourd'hui pourtant, les ravages que le conflit mondial a produits dans tous les domaines de la vie, matériels et spirituels, ont atteint déjà une gravité et une extension incomparables, et il est à redouter qu'avec la continuation de la guerre ils croissent en horreurs sans nom pour les deux parties belligérantes et pour tous ceux qui y ont été entraînés, même malgré eux, ce péril apparaît si sombre et si menaçant à Notre regard, que pour le bien et pour l'existence même de tous et de chacun des peuples, Nous vous adressons cette instante supplication :

Elevez-vous au-dessus de vous-mêmes, au-dessus de toute étroitesse de jugement et de calcul, au-dessus de tout avantage de supériorité militaire, au-dessus de toute affirmation unilatérale de droit et de justice. Reconnaissez aussi les vérités désagréables et formez vos peuples à les regarder en face avec sérénité et force.

La vraie paix n'est pas le résultat, pour ainsi dire, mathématique, d'une proportion de forces, mais, dans sa dernière et plus profonde signification, une action morale et juridique.

Elle ne se réalise pas en fait sans un déploiement de force, et sa stabilité même a besoin de s'appuyer sur une mesure normale de puissance. Mais la fonction propre de cette force, si elle veut être moralement irréprochable, doit servir à protéger et à défendre, non à restreindre ou à opprimer le droit.

Une heure comme la présente — susceptible de progrès puissants et bienfaisants aussi bien que de manquements et d'erreurs funestes — ne s'est jamais peut-être rencontrée dans l'histoire de l'humanité.

Et cette heure demande d'une voix impérieuse que les buts de guerre et les programmes de paix soient dictés par le sens moral le plus élevé. Ils ne doivent tendre, comme but suprême, qu'à une oeuvre d'entente et de concorde entre les peuples belligérants, à une oeuvre qui laisse à chaque nation, consciente de son union nécessaire avec la famille entière des Etats, la possibilité de s'associer dignement, sans se renier ni se détruire elle-même, à la grande entreprise mondiale à venir d'assainissement et de reconstruction. Naturellement, la conclusion d'une telle paix ne signifierait nullement l'abandon des garanties et des sanctions nécessaires contre tout attentat de la force contre le droit.

Ne prétendez pas exiger d'aucun membre de la famille des peuples, fût-il petit ou faible, des renonciations à des droits substantiels et à des nécessités vitales, que vous-mêmes, s'il s'agissait de les appliquer à votre propre peuple, jugeriez impossibles.

Donnez vite à l'humanité anxieuse une paix qui réhabilite le genre humain devant lui-même et devant l'histoire. Une paix dont le berceau ne voie pas briller au-dessus de lui les éclairs vengeurs de la haine ni sévir les instincts d'une implacable volonté de représailles, mais resplendir l'aurore d'un esprit nouveau de communauté universelle, issu de l'universelle douleur. Un esprit de communauté qui, soutenu par les forces divines indispensables de la foi chrétienne, sera seul en mesure de préserver l'humanité, après cette guerre déplorable, de l'indicible fléau d'une paix édifiée sur des principes erronés et, par conséquent, éphémère et trompeuse.

Animé de cette espérance, avec toute Notre affection paternelle, à vous, chers fils et chères filles, à ceux surtout qui souffrent d'une manière particulièrement douloureuse des privations et des peines de la guerre et qui ont besoin des réconforts divins, et tout particulièrement à tous ceux qui, répondant à Notre appel, ouvrent leur coeur à l'amour actif et miséricordieux, ou qui, dans la conduite du destin des peuples, sont désireux de les tranquilliser en leur présentant l'olivier de la paix, Nous accordons, comme gage des abondantes faveurs du ciel, Notre Bénédiction apostolique.


DISCOURS A LA GARDE NOBLE PONTIFICALE

(29 décembre 1943)1

Comme à l'accoutumée, le Saint-Père a remercié les membres de sa Garde Noble de la fidélité de leur service.

Le traditionnel hommage que, par la voix de votre illustre capitaine commandant, vous Nous avez adressé, chers fils, à l'occasion des fêtes de Noël et du Nouvel An, bien que prévu et attendu, conserve pour Nous, même dans sa répétition usuelle, le vrai charme et l'agréable résonance qui émanent d'un canticum novum. Dans les propos affectueux, on ne manque jamais de trouver la grâce de la douceur native ; car l'amour du père pour ses enfants et des enfants pour leur père ne perd pas, avec le déroulement des années, la franche vivacité de la jeunesse, et les vicissitudes du temps, loin de le refroidir, inspirent à l'amour, toujours le même, de nouveaux motifs de se manifester et de nouvelles expressions d'affection.

Or, quelles circonstances ont plus de pouvoir pour resserrer davantage les liens des coeurs que les épreuves communes ? Vous avez jeté un regard sur les événements qui de toutes parts nous harcèlent et nous pressent ; vous avez compris que l'heure présente nous place dans des conditions ignorées en d'autres temps ; c'est pourquoi vous avez profité de cette occasion de Noël pour Nous témoigner, par une démonstration plus concrète et plus sensible qu'aux heures sereines et tranquilles, votre hommage et votre attachement au Saint-Siège apostolique, traditionnels dans vos familles et inoculés dans vos coeurs dès les premières années.

Nous n'en doutions pas, chers fils ; Nous connaissions vos nobles et loyaux sentiments ; Nous vous en avions donné l'assurance l'an dernier en cette même circonstance, lorsque, répondant à vos voeux et vous montrant l'horizon du monde qui se troublait et s'obscurcissait toujours davantage, Nous exprimions Notre confiance en vous au cas où, au cours des événements, viendraient à surgir des jours particulièrement chargés de difficultés et de conflits. Ces jours ne tardèrent pas à venir. Rome elle-même, ville sacrée, Notre diocèse, fut, par deux fois, le but de fortes attaques aériennes, et le territoire de Notre Etat de la Cité du Vatican, destiné à protéger, malgré ses limites étroites, la liberté et l'indépendance de Notre ministère spirituel, fut audacieusement violé par une incursion, que leurs auteurs avaient pensé pouvoir couvrir de l'anonymat, et qui souleva la stupeur indignée du monde civilisé.

Quant à vous, au fur et à mesure qu'ils se déroulaient, vous suiviez la succession d'aussi tragiques événements et, sans attendre le signal d'alarme, vous étiez prêts et vaillants à votre poste. Aussi Nous ne Nous étonnâmes pas lorsque, de votre propre initiative, sur vos instances et suivant vos voeux, vous obtîntes d'étendre et de multiplier votre activité professionnelle tout en exprimant par ailleurs le désir ardent d'ajouter au service honorifique celui de la Garde du corps d'une façon plus effective, de sorte que Nous vous avons rencontrés et vus, discrètement présents et avec un regard vigilant, partout où Nous portions Nos pas. Nous savions déjà que Nous pouvions compter sur vous ; mais l'expérience faite Nous en a encore davantage convaincu en Nous montrant dans leur pleine lumière votre vigilance prudente et attentive ainsi que la ferveur de votre dévouement au Pontife romain.

Même cette guerre terrible et si étendue aura une fin. Quand le soleil se lèvera de nouveau sur un monde régénéré dans la paix, dans la concorde et dans la charité ; lorsque resplendiront les rayons qui réconfortent et consolent de toutes les souffrances endurées, Nous n'oublierons pas tout ce que vous avez fait, Nous Nous rappellerons cette garde et cette protection que vous avez été pour Nous. Et Nous gardons dans l'âme l'assurance que si l'on devait traverser — puisse Dieu ne pas le vouloir — des jours encore plus sombres et plus troublés, Nous trouverions encore en vous ce solide et filial secours qu'un père trouve toujours au milieu de ses enfants.

Mais si Notre coeur vous est reconnaissant de tout ce que vous avez fait et faites encore, il Nous dit pareillement et fortement que l'obligation du devoir procède chez vous de la forte poussée ou impulsion de la foi qui anime, élève, ennoblit toute votre activité, la rend méritoire devant Dieu et devant les hommes, inspire vos sentiments et votre conduite à Notre égard. N'est-ce pas votre foi qui vous fait voir le Christ lui-même dans le Vicaire du Christ et consacrer à lui votre constance et votre générosité pour le servir et le glorifier ?

Oui, le Christ invite les coeurs généreux à le défendre, comme lorsqu'il était petit enfant il voulut, lui, le Tout-Puissant, avoir besoin d'une protection contre les dangers ou embûches qui le menaçaient. Nous n'entendons pas parler ici, seulement ou principalement des dangers matériels auxquels le Christ permet que soient exposées quelquefois les Saintes Espèces sous lesquelles il se cache, ainsi qu'il arrive lorqu'au milieu des flammes de l'incendie ou sous les bombardements, des fidèles héroïques mettent en sûreté, au risque de leur vie, le ciboire demeuré dans le tabernacle brûlant ou enseveli sous les décombres. Moins visibles sont d'autres dangers permanents : le Christ, vie de l'âme, est menacé et poursuivi dans les âmes. Les illusions, les préjugés de l'ignorance, la fausse science, les calomnies, les insinuations malveillantes contre l'Eglise et la doctrine du Christ, contre la piété des fidèles et la fréquentation des sacrements, troublent et bouleversent l'esprit et l'âme et conduisent à l'infidélité. Les passions, les tentations, les séductions qui, en pervertissant les coeurs, en chassent le Christ, concourent à procurer un dommage aussi grave. Que devez-vous faire, chers fils ? Défendez le Christ par la parole, par l'exemple, par la pratique de la vertu vers laquelle la ferveur de votre foi vous guide et vous pousse ; mais défendez-le et gardez-le avant tout en vous-mêmes, parce que personne ne peut se flatter ou bien présumer d'être à l'abri de tout danger. Quel triomphe obtiendraient les ennemis du Christ si jamais ils réussissaient, grâce à l'erreur et au péché, à bannir le Christ du coeur et de l'âme de ses plus valeureux défenseurs ! Défendre le Christ en vous vous rendra plus forts et plus fermes à continuer sa défense dans les autres par la noble dignité de votre vie personnelle, par la charité bienfaisante et par la bonté édifiante de votre conduite sociale.

Garde Noble, vous l'êtes, du Vicaire du Christ ; que ce soit de même votre gloire d'être au premier rang dans le service du divin Maître, le Roi de vos coeurs, et de renoncer généreusement à vos goûts, a vos plaisirs, à votre amour-propre, en vue d'accomplir entièrement et avec perfection le devoir d'âmes chrétiennes et de corps d'élite.

Garde d'honneur qui concourt à conserver et à défendre l'intégrité et l'indépendance de Notre petit Etat, le respect de Notre souveraineté morale, spirituelle et surnaturelle sur les fidèles du monde entier, quelle ne doit pas être votre ardeur à vous faire les dignes champions et propagateurs du règne universel du Christ ? Le Christ, Seigneur et Maître de l'univers, possède une royauté qui ne vient ni des armes ni d'un pouvoir terrestre ; son règne est un règne de vérité et de grâce qu'il veut établir dans l'esprit et dans le coeur des hommes pour y élever son trône de salut et de paix ; tandis que le monde voulant détrôner le Christ dans la vie privée comme dans la vie sociale, n'a pas fait autre chose que semer la cause profonde des maux actuels et s'exposer lui-même au trouble et au désordre qui le conduisent à la ruine.

\J adveniat regnum tuum qui jaillit de vos coeurs pour retentir sur vos lèvres doit être pour vous non seulement une prière fervente et un voeu ardent, mais aussi le mot d'ordre de chacune de vos journées et de toute votre vie.

C'est dans ce souhait et avec une affection spéciale que Nous vous accordons à vous, chers fils, à toutes vos familles qui vous sont si chères, Notre paternelle Bénédiction apostolique, comme un gage des grâces célestes les meilleures.



CONGREGATIONS ROMAINES


SUPRÊME SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE - DÉCRETS ET COMMUNICATIONS


26 janvier 1943 Décret condamnant et mettant à l'Index l'ouvrage suivant de Johannes Stephanus :

Christliche Einheit im Zeichen des Kreuzes (Unité chrétienne dans le signe de la croix).
1


17 avril 1943 Déclaration « Cum in pravis » au sujet de la prohibition des livres.

2

En raison des retards et des omissions regrettables qui souvent sont apportés pour dénoncer les livres mauvais, un grand nombre de fidèles se trouvent dans une ignorance très funeste au sujet de la dénonciation et de la prohibition des ouvrages dangereux. C'est pourquoi la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office juge opportun de rappeler à tous les principales prescriptions canoniques en cette matière. Il est reconnu que les écrits mauvais ou pernicieux exposent aux plus grands périls la pureté de la foi, l'honnêteté des moeurs, le salut lui-même des âmes.

Assurément, presque chaque jour, surtout à notre époque, sont publiés partout et en diverses langues des écrits innombrables opposés à la foi et aux moeurs. Le Saint-Siège ne peut lui-même les condamner tous en temps opportun et avec toute la sollicitude désirable. Il est donc nécessaire que les Ordinaires des lieux, qui ont la charge de conserver dans sa pureté et son intégrité la doctrine catholique et de protéger les bonnes moeurs (can. CIS 343, § 1) exercent par eux-mêmes ou par des prêtres idoines la surveillance des livres qui sont publiés ou mis en vente sur leur propre territoire (can. CIS 1397, § 4) et qu'ils interdisent à leurs subordonnés la lecture des ouvrages qu'ils estimeront devoir être condamnés (can. CIS 1395, § 1). Le droit et le devoir d'interdire certains livres pour un juste motif aux religieux, leurs subordonnés, appartiennent aussi à l'abbé d'un monastère sui juris et au supérieur général d'une religion cléricale exempte d'accord avec son chapitre ou son conseil. Bien plus, dans un cas urgent, les autres supérieurs majeurs d'accord avec leur propre conseil ont le même droit et le même devoir, sous réserve cependant de déférer l'affaire au plus tôt au supérieur général (can. CIS 1395, § 3). Les Ordinaires doivent déférer au jugement du Siège apostolique les livres qui exigent un examen plus approfondi ou à propos desquels la sentence de l'autorité suprême paraîtrait requise en vue de produire un effet salutaire (can. CIS 1397, § 5).

A la vérité, il appartient à tous les fidèles, surtout aux clercs, de dénoncer à l'autorité compétente les livres pernicieux. Mais cette obligation regarde à un titre particulier les clercs constitués en dignité ecclésiastique, comme le sont les légats du Saint-Siège et les Ordinaires de lieux et regarde aussi ceux qui l'emportent sur les autres par leur science, comme les recteurs et les docteurs des universités catholiques.

La dénonciation doit être faite soit à la Congrégation du Saint-Office, soit à l'Ordinaire du lieu, en exposant les raisons pour lesquelles on estime que le livre doit être interdit. Ceux à qui la dénonciation est faite doivent religieusement garder secrets les noms des dénonciateurs (can. CIS 1397, § 1, 2, 3).

Enfin, les Ordinaires de lieux et les autres ayant charge d'âmes sont tenus d'avertir opportunément les fidèles : 1° que la prohibition des livres a pour conséquence que le livre, sans une permission régulière, ne peut être ni édité, ni réédité ( n'est après que les corrections auront été faites et après avoir obtenu l'approbation compétente), ni lu, ni conservé, ni vendu, ni traduit, ni être d'aucune façon communiqué à d'autres personnes (can. CIS 1398, § 1, 2) ; 2° que les livres condamnés par le Siège apostolique sont considérés comme condamnés partout et dans quelque langue qu'ils soient traduits (can. CIS 1396) ; 3° que la loi positive ecclésiastique interdit non seulement les livres condamnés nommément par un décret spécial du Siège apostolique et portés au catalogue de l'Index, ou ceux qui ont été proscrits par les Conciles particuliers ou par les Ordinaires pour leurs ressortissants, mais aussi les livres prohibés par le droit commun, c'est-à-dire par les règles contenues dans le canon 1399, qui interdisent d'une façon générale presque tous les ouvrages mauvais ou dangereux en eux-mêmes ; 4° que la loi naturelle défend la lecture de tout livre qui offre par lui-même un péril spirituel prochain, car le droit naturel défend à n'importe qui de s'exposer au danger de perdre la vraie foi ou les bonnes moeurs ; c'est pourquoi la permission de lire les ouvrages prohibés obtenue par n'importe quelle personne n'exempte en aucune manière de cette interdiction de la loi naturelle (can. CIS 1405, § 1).



16 mai 1943: Règles et prescriptions données aux confesseurs au sujet du sixième commandement.

8 D'après le texte latin publié par la Nouvelle Revue Théologique, t. LXVII, IIe partie, mai-juin 1945, p. 220 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. V, p. 311.
Ces directives et prescriptions ont été envoyées avec une lettre (voir ci-après, p. 315, le texte de cette lettre) aux Ordinaires des lieux. Elles n'ont pas été publiées par les A. A. S.


L'Eglise s'est toujours efforcée avec toute sa sollicitude d'empêcher que le sacrement de Pénitence, « institué par la bonté divine comme un refuge après la perte de l'innocence baptismale, ne devienne, par suite des tromperies du démon et de la malice des hommes utilisant d'une façon perverse les bienfaits de Dieu, gravement pernicieux aux naufragés et pauvres pécheurs » 4 et qu'ainsi ce qui a été établi pour le salut des âmes aboutisse d'une façon ou d'une autre, par suite de la légèreté et de la négligence des hommes, à la perte des âmes et cause du préjudice à la sainteté et à la dignité sacerdotales.

En cette matière, un danger supérieur aux autres n'est pas à mépriser. Il existe lorsque le confesseur, en interrogeant et en instruisant les pénitents au sujet du sixième commandement de Dieu, néglige de se conduire sur ces deux points avec circonspection et prudence, comme l'exige la difficulté de la matière et comme cela convient à la dignité du sacrement ; lorsqu'il dépasse la limite et la mesure en vue de pourvoir à l'intégrité de la confession et au bien du pénitent ; lorsque toute la façon d'agir du confesseur, surtout avec les femmes, manque de la sainteté et de la gravité requises. Cette manière d'agir choque en effet facilement l'esprit des fidèles, donne prise à des soupçons et peut être à l'origine et au début d'une profanation du sacrement.

Afin de prévenir de toutes ses forces et par son action un si grand danger, la Suprême Sacrée Congrégation a jugé opportun de rappeler les règles que les confesseurs doivent nécessairement méditer soigneusement et auxquelles les futurs confesseurs doivent être de bonne heure rendus attentifs dans les séminaires et les scolasticats de théologie.

I. — Très opportunément, le Code de droit canonique (can. CIS 888, § 2) avertit le confesseur de ne pas presser quelqu'un de questions curieuses ou inutiles, surtout concernant le sixième commandement ; en particulier, il n'interrogera pas imprudemment les jeunes au sujet de choses qu'ils ignorent. Or, inutiles sont les questions qui manifestement ne sont pas du tout nécessaires, soit pour suppléer à l'accusation du pénitent, soit pour connaître les dispositions de son âme. Le pénitent, en effet, est tenu de droit divin de confesser seulement tous et chacun des péchés graves qu'il a commis après le baptême et non encore remis directement par le pouvoir des clés de l'Eglise, dont il a conscience après s'être soigneusement examiné ; il doit aussi accuser les circonstances qui changent l'espèce de la faute5, pourvu cependant que lorsqu'il a commis le péché, il ait eu connaissance de ces malices spécifiques et donc les ait contractées ou s'en soit rendu coupable. Donc, ce sont de ces péchés-là seulement dont le confesseur est tenu, en soi, de s'informer auprès du pénitent, lorsque, raisonnablement, il soupçonne que de bonne ou de mauvaise foi elles ont été omises dans l'accusation. Si parfois il arrive qu'on doive suppléer entièrement à l'absence d'examen de quelque pénitent, il ne faut pas dépasser dans l'interrogation la mesure d'une prudente conjecture basée sur la condition du pénitent.

En conséquence sont à omettre comme inutiles, choquantes et pleines de péril en une telle matière, les questions ou interrogations sur les péchés au sujet desquels on n'a aucun soupçon positif et ferme que le pénitent les ait commis ; sur les espèces des péchés, quand il n'est pas vraisemblable que le pénitent en ait contracté la malice ; sur les péchés matériels, à moins que le bien du pénitent ou un grave danger menaçant le bien commun n'exigent ou ne conseillent l'avertissement ; sur les circonstances moralement indifférentes, et principalement sur la manière dont le péché a été commis. Bien plus, le confesseur doit veiller avec prudence, mais fermement et promptement, à arrêter le pénitent qui, spontanément, par ignorance, par scrupule ou enfin par malice, dépasse la mesure ou blesse la pudeur en paroles, exposant ses péchés ou ses tentations de luxure.

En outre, le confesseur doit se souvenir que le précepte divin de l'intégrité de la confession n'oblige pas, quand il se présente pour le pénitent ou pour le confesseur un dommage grave extrinsèque à la confession. C'est pourquoi, chaque fois que la prudence fait craindre que l'interrogation cause un scandale chez le pénitent ou une chute pour le confesseur, il faut s'abstenir d'interroger. Si ce danger n'est que douteux ou incertain, il faut toujours avoir bien présent à l'esprit l'avertissement donné par l'ensemble des docteurs, qu'en cette matière, il est mieux d'interroger trop peu que de dépasser la mesure au risque d'un péché.

Enfin, le confesseur doit toujours, en interrogeant, procéder avec la plus grande précaution ; poser d'abord des questions plus générales, puis, si le cas le comporte, des interrogations plus détaillées. Que ces interrogations ou questions soient toujours brèves, discrètes, décentes, évitant entièrement toute façon de parler qui pourrait impressionner l'imagination ou la sensibilité, ou encore scandaliser les âmes pieuses.

II. — Lorsque, remplissant ses fonctions de médecin ou de maître, le confesseur avertit ou instruit le pénitent, il a besoin de la même prudence et de la même gravité que dans le cas précédent. Surtout, qu'il se souvienne bien que ce n'est pas le soin du corps, mais le soin des âmes qui lui a été confié. Donc, ce n'est pas son affaire de donner aux pénitents des conseils qui concernent la médecine ou l'hygiène, et qu'il évite absolument tout ce qui provoquerait l'étonnement ou causerait du scandale. Si certains conseils de ce genre sont jugés nécessaires, même à cause de la conscience du pénitent, il faut renvoyer ce dernier à un médecin honnête, prudent, au courant de la loi morale qui donnera lui-même ces conseils.

De même, que le confesseur se garde bien d'expliquer aux pénitents, soit de lui-même, soit sur demande d'un pénitent, la nature ou le mode de l'acte qui transmet la vie, et que jamais il ne s'y laisse entraîner sous aucun prétexte.

Le confesseur doit donner aux pénitents la formation morale et les avertissements opportuns conformément à l'enseignement des auteurs approuvés, mais tout cela avec prudence, décence, mesure, sans dépasser les besoins véritables du pénitent. Il n'est pas inutile de remarquer le prêtre qui au confessionnal semble par ses questions et par ses avis presque uniquement préoccupé de ces sortes de péchés contre le sixième commandement agit inconsidérément et ne s'acquitte pas bien de sa charge.


III. — Enfin, il ne faut pas oublier que le monde entier se trouve sous la coupe du Malin (1Jn 5,19), et que « c'est une nécessité pour le prêtre de passer sa vie, pour ainsi dire, au milieu d'une société mauvaise ; en sorte que souvent, dans l'exercice même de sa charité pastorale, il doit redouter que le serpent infernal ne lui tende des pièges » 6.

C'est pourquoi le confesseur doit procéder toujours avec la plus grande prudence ; surtout avec les femmes qui sont ses pénitentes, il est nécessaire qu'il veille à éviter tout ce qui trahirait de la familiarité ou tout ce qui pourrait faire naître ou entretenir une amitié dangereuse. En conséquence, qu'il ne soit pas curieux de les connaître, qu'il ne se permette pas de chercher à savoir directement ou indirectement leur nom. En leur parlant, qu'il n'emploie jamais le pronom toi (le tutoiement), là où il signifie des rapports de familiarité ; qu'il ne se permette pas de prolonger la confession des femmes au-delà de ce qui est requis et suffisant ; qu'il s'abstienne de traiter en confession de sujets ou d'affaires qui ne se rapportent pas à la conscience ; qu'il n'admette pas, sans une vraie nécessité, des visites réciproques et un commerce épistolaire avec elles, ni non plus de longues conversations soit à la sacristie, soit aux parloirs, soit ailleurs, même sous prétexte de direction spirituelle.

Mais le confesseur doit prendre garde avec la plus grande vigilance à ce que, sous le couvert ou prétexte de piété, des sentiments d'affection humaine ne se glissent peu à peu dans son âme ou dans celle des pénitents et ne s'y développent ; continuellement, il doit s'efforcer d'arriver à ce que, « quoiqu'il fasse dans l'ordre de son saint ministère, il le fasse selon Dieu, sous l'inspiration et la direction de la foi » 7.


IV. — Pour que les confesseurs puissent plus facilement et avec une plus grande sécurité accomplir une charge pareille, ils ont besoin d'être très tôt formés et instruits par leurs maîtres dans ce but ; cela non seulement dans la connaissance des principes ou de la théorie, mais aussi par des essais et des exercices pratiques, afin qu'ils sachent parfaitement comment doivent être interrogés sur le sixième commandement les pénitents, enfants, jeunes gens, adultes, et surtout les femmes ; quelles sont les questions nécessaires ou utiles ; quelles sont celles, au contraire, qu'il faudra omettre et quels mots ou locutions sont à employer selon le langage usité dans le pays.



Pie XII 1943 - II. — AUX DÉSOLÉS SANS ESPÉRANCE