Pie XII 1945 - LETTRE A L'ARCHEVÊQUE DE TRENTE POUR LE IVe CENTENAIRE DU CONCILE DE TRENTE


ALLOCUTION AU NOUVEL AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE ET PLÉNIPOTENTIAIRE DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE

(27 novembre 1945)1

Au nouvel ambassadeur de la République argentine, S. Exc. M. Luis Castineiras, venu lui présenter ses lettres de créance, le Saint-Père a répondu par l'allocution suivante :

Cet acte solennel, par lequel Votre Excellence commence sa mission d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République argentine, donne de nouveau à la représentation de ce noble pays, si rapproché de Notre coeur, un chef dont l'expérience, les qualités et les sentiments élevés, ouvrent la voie aux plus grands espoirs.

Vos expressions chaleureuses à propos des liens étroits et sacrés qui unissent le peuple argentin au Siège de Pierre, non moins que votre évocation affectueuse des inoubliables journées eucharistiques au cours desquelles la ferveur et la foi des Argentins se manifestèrent dans l'hommage imposant rendu au Roi de l'amour et de la paix, Nous sont une heureuse garantie que les rapports constants et cordiaux entre l'Eglise et l'Etat auront en Votre Excellence un soutien aussi sage que digne.

Nous répondons avec réciprocité et gratitude aux voeux que vous avez voulu Nous exprimer au nom de M. le président de la République, et il Nous est agréable de pouvoir, Monsieur l'ambassadeur, vous assurer, dès les débuts, que, dans l'exercice de votre haute fonction, Notre appui bienveillant et actif ne vous fera jamais défaut.

La mission qui vous a été confiée se présente dans une période de transition, menacée par de multiples dangers et ployant sous le poids d'incontestables problèmes nouveaux, durant une pause agitée par les fortes répercussions de l'horrible guerre et par les obstacles formidables obstruant le chemin qui mènerait à une paix durable et juste devant Dieu et devant les hommes.

Surmonter de tels obstacles est une des premières conditions essentielles pour obtenir une paix de véritable progrès et de saine liberté. Les pages de la future organisation de cette paix arriveront difficilement à se concréter en une réalité vivante et stable, sans l'établissement préalable d'une atmosphère de loyauté réciproque et, par conséquent, de confiance mutuelle. Grâce à Dieu, les plus prudents d'entre les chefs d'Etats et les membres des nations, tant de celles qui furent belligérantes que de celles qui se sont tenues hors du conflit, paraissent s'être réellement rendu compte que les discordes entre les peuples et la cruelle pensée des représailles ne servent à personne et, avec le temps, deviennent nocives pour tous. Car ce dont a besoin avant tout le monde — le pauvre monde, déchiré par les terribles années de guerre, pendant lesquelles il s'est laissé guider par la passion plus que par la raison — c'est de s'éloigner, d'une manière consciente, de tous les mouvements qui incitent à la vengeance et à la destruction, et de revenir avec décision à la fraternité sincère qui ennoblit les sentiments et les institutions.

Seule, la force morale d'une idée ou d'une foi, dont l'élévation et la puissance éducative disposent d'une énergie suffisante pour contenir l'aspiration au pouvoir et à la richesse dans les limites établies par Dieu et exigées par la dignité humaine, réussira à mener à son terme une transformation si profonde des consciences. Dans une oeuvre aussi importante, un rôle spécial est réservé à l'Eglise du Christ.

Elle sait que là où vacille la foi en un Père qui est dans les cieux, là aussi où elle s'est éteinte, le ciment le plus profond et l'impulsion morale la plus efficace pour la formation du véritable sentiment fraternel ont disparu.

Services rendus à l'humanité et à l'Argentine par l'Eglise.

Elle sait, par une douloureuse expérience de tous les temps, et en particulier des plus récents, que la mesure du succès de son

oeuvre de formation, en faveur des intérêts les plus élevés de l'humanité est proportionnée à la liberté avec laquelle elle peut propager sa doctrine.

Pour ces raisons, non seulement elle espère que l'Etat — quelle que soit la forme spéciale de ses institutions ou de sa structure intime — n'entravera pas cette oeuvre d'enseignement, qui constitue par elle-même un service rendu à l'humanité, mais encore elle a confiance d'être soutenue par lui dans une activité si bienfaisante.

Nous sommes sûr que le grand peuple argentin a pleine conscience du bien que réalisent sur tous les terrains tant d'établissements catholiques d'enseignement. Votre Excellence elle-même, Monsieur l'ambassadeur, a loué en des termes aimables le zèle et l'esprit de sacrifice du clergé catholique qui se consacre à l'éducation de la jeunesse, reconnaissant ainsi qu'il a su remplir les devoirs sacrés de son ministère, et cela aussi avec des fruits abondants pour la vie publique et privée de la nation.

Aussi pouvons-Nous exprimer Notre ferme espérance que — quels que soient les mouvements politiques intérieurs — les gouvernants de la République argentine sauront garantir à la religion de leurs pères et à sa mission éducatrice les conditions correspondantes d'existence et d'activité.

Devoirs des catholiques argentins.

La guerre, Monsieur l'ambassadeur, qui a visité tant de nations, les laissant en grande partie changées en déserts, a respecté votre beau pays. Il est certain que ses effets, comme ceux des changements de puissance et d'intérêts qu'elle a entraînés avec elle, pourraient s'y faire sentir avec une force qu'il n'est pas même permis actuellement de prévoir ; et surtout, l'Argentine ne pourra échapper que difficilement à ces conflits d'idées qui ne s'arrêtent devant aucune frontière.

Au milieu des difficultés qui surgissent de ces frottements et dans la solution progressive des problèmes qui vont se présenter sur tous les terrains du progrès civil et social, les fidèles argentins, élevés à l'école de l'Evangile de Jésus-Christ, intimement unis à leur vénérable épiscopat et à leur clergé zélé, encadrés dans les rangs de l'Action catholique, ne se laisseront dépasser par aucun de leurs concitoyens dans une disposition sincère à accepter n'importe quel sacrifice et dans une collaboration résolue en faveur du bien véritable de la patrie.

Pour Nous, profondément pénétré de la gravité du moment présent et des devoirs redoutables, en face desquels pourra se trouver également l'Argentine, pour l'obtention, le développement et le perfectionnement d'une paix véritable dans le monde ibéro-américain, Nous élevons Notre coeur et Nos mains vers Dieu, de qui vient toute paix, et Nous appelons sa lumière et sa grâce sur tous ceux, gouvernants et gouvernés, des décisions de qui va dépendre en grande partie le prochain avenir, de même que l'avenir éloigné.

Et maintenant, en vous voyant pour la première fois devant Nous, Excellence, Nous avons l'impression de Nous trouver en esprit, une nouvelle fois, dans votre patrie lointaine, et Nous éprouvons l'ardent désir de faire connaître, par votre intermédiaire, à tous ces fils et filles très aimés, Notre présence constante parmi eux et la joie que Nous ressentons de pouvoir leur envoyer, comme un témoignage et un gage de cette union intime, Notre Bénédiction apostolique. Bénédiction dans laquelle Nous avons l'intention d'inclure, d'une manière toute spéciale, Votre Excellence et tous vos dignes collaborateurs, avec l'espoir que dans l'histoire des rapports entre le Saint-Siège et la République argentine, votre mission, aujourd'hui si heureusement commencée, pourra occuper un jour une page de gloire et d'honneur.


ALLOCUTION A UN GROUPE DE DÉPORTÉS JUIFS LIBÉRÉS DES CAMPS DE CONCENTRATION ALLEMANDS

(29 novembre 1945)x

Au groupe de soixante-dix Juifs représentant les réfugiés des camps de concentration venus remercier le Saint-Père pour la sollicitude qu'il leur avait témoignée durant la guerre, Pie Xli a répondu par l'allocution suivante :

Votre présence, Messieurs, Nous semble un éloquent reflet des transformations psychologiques et des orientations nouvelles que le conflit mondial a, sous différents aspects, fait mûrir dans le monde.

Les abîmes de la discorde, de la haine et de la folie de la persécution qui, sous l'influence de doctrines erronées et intolérantes, en opposition avec l'esprit noblement humain et vraiment chrétien, se creusèrent entre les peuples et les races, ont englouti d'innombrables victimes innocentes, même parmi celles qui n'avaient eu aucune part active aux événements de la guerre.

Le Siège apostolique reste fidèle aux principes éternels qui rayonnent de la loi écrite par Dieu au coeur de chaque homme, qui resplendissent dans la révélation divine du Sinaï et qui ont trouvé leur perfection dans le Sermon sur la Montagne. Il n'a jamais, fût-ce aux moments les plus critiques, laissé le moindre doute que ses maximes et son action extérieure n'admettaient ni ne peuvent admettre aucune des conceptions qui dans l'histoire de la civilisation seront rangées parmi les égarements les plus déplorables et les plus déshonorants de la pensée et du sentiment des hommes.

Votre présence ici veut être un témoignage intime de gratitude de la part d'hommes et de femmes qui, en des temps angoissants pour eux et souvent même sous la menace d'un péril de mort imminent, ont expérimenté comment l'Eglise catholique et ses vrais disciples savent dans l'exercice de la charité s'élever au-dessus de toutes les limites étroites et arbitraires créées par l'égoïsme humain et par les passions raciales.

Sans doute, en un monde qui, peu à peu seulement, et en luttant contre de nombreux obstacles, doit aborder et résoudre les multiples problèmes qui sont le douloureux héritage de la guerre, l'Eglise, consciente de sa mission religieuse, ne peut que maintenir une sage réserve en présence des différents problèmes, en tant qu'ils sont de caractère purement politique et territorial. Toutefois, cela n'empêche pas que, en proclamant les grands principes d'une vraie humanité et fraternité, elle établisse les bases et les présupposés assurés pour la solution de ces mêmes problèmes selon la justice et l'équité.

Vous avez éprouvé dans vos propres personnes les dommages et les morsures de la haine ; mais, au milieu de vos angoisses, vous avez également senti les bienfaits et les délicatesses de l'amour, de cet amour qui ne se nourrit point de motifs terrestres, mais d'une foi profonde dans le Père céleste, dont le soleil resplendit sur tous les hommes, quelles que soient leur langue et leur race, et dont la grâce est ouverte à tous ceux qui cherchent le Seigneur, en esprit et en vérité.

Sur vous, qui avez voulu Nous manifester si ouvertement votre reconnaissance, Nous invoquons les lumières et la protection du Très-Haut, puisqu'il est le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, source suprême de salut et de réconfort, non moins pour les individus que pour les peuples et les nations.


CONSTITUTION APOSTOLIQUE « VACANTIS APOSTOLICAE SEDIS » SUR LA VACANCE DU SIÈGE APOSTOLIQUE ET L'ÉLECTION DU PONTIFE ROMAIN

(8 décembre 1945J1

Nos prédécesseurs eurent toujours à coeur, dans le cours des siècles, d'établir et de prescrire les mesures concernant les règles qui régissent la vacance du Siège apostolique et l'élection du Pontife romain. En conséquence, ils se sont efforcés d'apporter une vigilante sollicitude et de pourvoir par des règles salutaires à une affaire d'Eglise de la plus haute importance, et dont Dieu leur a remis le soin, à savoir : à l'élection du successeur de saint Pierre, Prince des apôtres, dont le rôle est de tenir sur cette terre la place de Jésus-Christ, Notre-Seigneur et Sauveur, et de paître et conduire comme Pasteur et Chef suprême tout le troupeau du Seigneur.

Comme il était souhaitable que ces lois relatives à l'élection du Pontife romain, dont le nombre avait augmenté avec le temps, fussent désormais rassemblées en un seul document, et comme quelques-unes, par les changements intervenus, avaient cessé d'être appropriées aux circonstances particulières, Pie X, Notre prédécesseur de pieuse mémoire, décida dans un sage dessein, il y a quarante ans, d'en faire un tri opportun et de les rassembler en publiant la célèbre constitution Vacante Sede Apostolica, le 23 décembre 1904.

Cependant Pie XI, de récente mémoire, crut nécessaire de modifier certains chapitres de cette constitution, comme semblaient l'exiger des considérations fondées sur les réalités et les circonstances. Et

1 D'après le texte latin des A. A. S-, XXXVIII, 1946, p. 65 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. VII, p. 276. Les titres et sous-titres sont ceux du texte original.

Nous avons pensé Nous-même que, pour la même raison, il fallait réformer d'autres points.

C'est pourquoi, après mûr examen, avec une pleine connaissance et dans la plénitude de Notre pouvoir apostolique, Nous avons résolu de publier et de promulguer cette constitution, qui est la même que celle de Pie X, de sainte mémoire, mais remaniée sur bien des points, « pour qu'elle soit utilisée seule — Nous employons les termes de ce même prédécesseur — par le Sacré Collège des cardinaux, durant la vacance du Siège romain de Pierre et dans l'élection du Pontife romain », et en conséquence d'abroger la constitution Vacante Sede Apostolica, telle qu'elle avait été édictée par Pie X, Notre prédécesseur.

Les chapitres de Notre présente constitution seront dès lors les suivants :

TITRE PREMIER De la vacance du Siège apostolique


CHAPITRE PREMIER

Du pouvoir du Sacré Collège des cardinaux durant la vacance du Siège apostolique

1. Pendant la vacance du Siège apostolique, le Sacré Collège des cardinaux n'aura absolument ni pouvoir ni juridiction en ce qui était du ressort du Souverain Pontife de son vivant, ni pour accorder des faveurs, ni pour exercer la justice, ni pour faire exécuter les décisions prises par le pontife défunt, mais il sera tenu de réserver tout cela au futur pontife 2. C'est pourquoi Nous décrétons nul et sans valeur tout ce que, durant la vacance de l'Eglise, le Collège des cardinaux croirait de son propre chef devoir exercer du pouvoir ou de la juridiction appartenant au Pontife romain, de son vivant ( n'est dans la mesure expressément permise dans notre présente constitution).

2 Pie IV, const. In eligendis, 7 des ides d'octobre 1562, § 6 ; Clément XII, const. Apostolatus officium, 4 des nones d'octobre 1732, § 6.

2. De même Nous prescrivons que le Sacré Collège des cardinaux ne puisse d'une manière quelconque disposer des droits du Siège apostolique et de l'Eglise romaine, et qu'il ne s'avise de léser directement ces droits en aucun point, ni qu'il semble leur porter atteinte par quelque connivence ou par la dissimulation de forfaits perpétrés contre eux, même après la mort du pontife ou pendant la vacance ; bien plus, Nous voulons que le Collège des cardinaux soit tenu de les sauvegarder et de les défendre de toutes ses forces 3.

3. Les lois portées par les Pontifes romains ne peuvent aucunement être corrigées ou changées par l'assemblée des cardinaux de l'Eglise romaine durant la vacance, rien ne peut y être soustrait ou ajouté, ni aucune dispense accordée pour l'ensemble ou une partie de ces lois. Cela vaut principalement pour les constitutions pontificales publiées pour régler l'élection du Pontife romain4. Bien plus, si on faisait ou si on cherchait à faire quoi que ce soit contre cette prescription, de Notre autorité suprême, Nous le déclarons nul et sans valeur.

4. Si certains doutes cependant naissaient sur le sens des prescriptions contenues dans Notre présente constitution, ou sur la façon dont elles doivent être mises en pratique, ou relativement à tout autre point de cette constitution, Nous ordonnons et décrétons que le pouvoir de porter sur elles une sentence appartienne uniquement au Sacré Collège des cardinaux ; pour cette affaire, Nous accordons à ce même Collège des cardinaux le plein pouvoir d'interpréter Notre présente constitution et d'en éclaircir les points douteux. En ce domaine, comme dans les autres sur lesquels il y aurait lieu de délibérer selon les directives de Notre constitution, à 'l'exception de l'acte même de l'élection, il sera pleinement suffisant que la majorité des cardinaux assemblés soit du même avis5.

5. Pareillement, dans le cas d'une affaire urgente qui, d'après le vote de la majorité des cardinaux réunis, ne peut être renvoyée à plus tard, le Sacré Collège peut et doit, selon l'avis de la majorité, fixer la solution opportune 6.

3 Léon XIII, const. Praedecessores Nostri, 24 mai 1882.

4 Clément V, ch. 2, Ne Romani, de elect., 1, 3, in Clem. ; Grégoire XV, const. Aeterni Patris, 17 des calendes de décembre 1621, § 20.

5 Léon XIII, const. Praedecessores Nostri.

8 Grégoire X, au concile général de Lyon, ch. 3, Ubi periculum, § 1, de electione, 1, 6, in Sext. ; Pie IV, const. In eligendis, § 6.

CHAPITRE II Des congrégations (ou réunions) des cardinaux

6. Durant la vacance du Siège, il doit y avoir une double congrégation (ou réunion) des cardinaux, l'une générale ou de tout le Collège, l'autre particulière, constituée par les trois cardinaux les plus anciens, un de chaque ordre, avec le camerlingue de la Sainte Eglise romaine ; les fonctions de cette congrégation particulière cessent totalement le troisième jour après l'ouverture du conclave ; tous les trois jours, les trois cardinaux suivants dans chaque ordre, avec le même camerlingue, prennent la place des précédents7.

7. Nous voulons que dans les susdites congrégations particulières qui pourront avoir lieu soit avant, soit après l'ouverture du conclave, soient expédiées les affaires de moindre importance qui se présentent d'une manière courante, au jour le jour. Si une affaire se présente, d'importance et de difficulté plus considérables, elle doit être déférée à une congrégation générale ou au Sacré Collège des cardinaux. Ce qui aura été décrété, résolu ou repoussé dans une congrégation particulière ne pourra être révoqué, changé ou concédé dans une autre, mais seule une congrégation générale aura le droit de le faire à la pluralité des suffrages 8.

8. Les congrégations générales des cardinaux doivent se tenir au Palais apostolique du Vatican ou, si les circonstances le requièrent, en un autre lieu plus favorable, selon le jugement des cardinaux eux-mêmes, et elles doivent être présidées par le cardinal doyen du Sacré Collège ou, s'il est empêché, par le sous-doyen.

9. Que les suffrages, dans les congrégations des cardinaux, lorsqu'il s'agit d'affaires importantes, soient exprimés non pas oralement, mais par votes secrets.

10. Parmi les congrégations générales sont dignes d'une mention spéciale celles qui ont lieu avant l'entrée en conclave, et elles peuvent être appelées congrégations préparatoires.

11. Les congrégations générales préparatoires doivent avoir lieu chaque jour sans exception, depuis le jour que doit fixer, après la mort du pontife, le jugement prudent des trois cardinaux les plus anciens dans chaque ordre et du camerlingue de la Sainte Eglise

7 Clément XII, const. Apostolatus officium, § 7 ; Pie IV, const. In eligendis, § 7, 8.

8 Clément XII, const. Apostolatus officium, § 7.

romaine, jusqu'au jour où les cardinaux entrent en conclave, même les jours où sont célébrées les obsèques du pontife défunt ; cela dans le but 'de permettre, soit au cardinal camerlingue de demander l'avis du Sacré Collège et de lui communiquer ce qu'il jugerait nécessaire ou opportun, soit à chacun des cardinaux d'exprimer son sentiment sur les affaires qui se présentent, de solliciter des explications dans les choses douteuses et de proposer des mesures opportunes.

12. Dans les congrégations générales mentionnées doivent être principalement expédiées les affaires suivantes, après communication de l'ordre du jour aux cardinaux : 9

a) Dans les premières congrégations, il faudra lire en entier cette présente constitution et, cette lecture faite, tous les cardinaux présents devront prêter serment selon la formule prescrite 10. Sont également tenus d'émettre ce serment tous les autres cardinaux qui arriveraient plus tard au lieu de l'élection, ou que les séances n'aient pas encore commencé, ou qu'elles aient déjà commencé.

b) Les cardinaux doivent au plus vite décider et régler tout ce qui est plus urgent pour ouvrir le conclave.

c) Il faut déterminer le jour, l'heure et l'ordre dans lesquels le corps du pontife défunt sera transporté à la basilique Saint-Pierre

9 Clément XII, autographe Avendo Noi, 24 décembre 1732, n. 17.

10 Formule du serment qui doit être prêté par les cardinaux de la Sainte Eglise romaine :

« Nous, évêques, prêtres et diacres cardinaux de la Sainte Eglise romaine, promettons, vouons et jurons d'observer, tous et chacun, inviolablement et parfaitement, tout ce qui est contenu dans la constitution du Souverain Pontife Pie XII De Sede apostolica vacante et de Romani Pontificis electione, qui commence par les mots Vacantis Apostolicae Sedis, datée du 8 décembre 1945. De même nous promettons, vouons et jurons que quiconque d'entre nous sera, par la disposition de Dieu, élevé a la charge de Pontife romain ne cessera jamais d'affirmer et de garantir entièrement et vaillamment et, s'il était besoin, de revendiquer les droits spirituels et aussi les droits temporels, surtout au sujet de la souveraineté civile du Pontife romain, et la liberté du Saint-Siège.

» Nous promettons et jurons principalement, sous les peines établies dans la susdite constitution de Pie XII, Vacantis Apostolicae Sedis, de garder le secret très scrupuleusement et vis-à-vis de tous, même de nos familiers et de nos conclavistes, sur tout ce qui concerne d'une manière quelconque l'élection du Pontife romain, et sur ce qui a été fait ou décidé sur ce sujet dans les congrégations des cardinaux, tenues avant ou pendant le conclave, et de même relativement à ce qui, concernant le scrutin directement ou indirectement, se fait au conclave ou à l'endroit de l'élection, et de ne violer d'aucune façon le susdit secret, soit durant le conclave, soit même après l'élection du nouveau pontife, à moins qu'une faculté particulière ou une dispense expresse nous soit accordée par ce même futur pontife ; d'autre part, nous promettons et jurons de ne recevoir d'aucune façon d'un pouvoir civil quelconque, sous aucun prétexte, la mission de proposer un veto ou une exclusive, même sous forme d'un simple désir, ou de ne pas révéler ce même veto, de quelque manière qu'il nous soit connu, soit à tout le Collège des cardinaux réunis, soit à chacun des Pères revêtus de la pourpre, soit par écrit, soit de vive voix, soit directement et de près, soit obliquement et par d'autres, soit avant le conclave, soit au cours du conclave lui-même ; et de n'aider et favoriser aucune intervention, opposition ou toute autre mesure par laquelle des puissances laïques, de n'importe quel degré et ordre, voudraient s'immiscer dans l'élection du Pontife. »

Que le cardinal doyen demande au préfet des cérémonies apostoliques de lire à haute voix cette formule devant tous les cardinaux. Ensuite chaque cardinal dira : * Et moi, N. cardinal N., je le promets, voue et jure. » Et posant les deux mains sur l'Evangile, il ajoutera : « Que Dieu m'y aide ainsi que ces saints Evangiles de Dieu. »

pour y être, selon l'usage, exposé à la vénération publique des fidèles.

à) De même les cardinaux auront soin que tout soit opportunément préparé pour la célébration des funérailles pontificales pendant neuf jours continus, et ils détermineront les jours où devront avoir lieu les six offices funèbres n.

e) Deux ecclésiastiques seront désignés pour s'acquitter du devoir de prononcer l'un l'oraison funèbre du pontife défunt, De Pontifice defuncto, et l'autre le discours d'ouverture du conclave, De eligendo Pontifice.

f) Que soit fixé le jour où, s'ils le demandent, tant les représentants des gouvernements civils que les chevaliers de l'Ordre de Jérusalem, puissent avoir une audience du Sacré Collège. Mais que les susdits ambassadeurs ne soient admis qu'en corps et que ne soit pas accordée à chacun d'eux la faculté de rendre visite au Sacré Collège.

g) Que soient nommés des groupes de deux ou trois cardinaux communément appelés commissions : 1° pour enquêter sur les qualités des conclavistes et pour les approuver 12, et également pour désigner ceux qui doivent exercer de quelque manière un emploi dans le conclave ainsi que pour organiser et régler ces services ; 2° pour aménager et clôturer le conclave et pour construire les cellules13.

h) Que soient proposées et approuvées les dépenses du conclave.

i) Que les lettres des empereurs, rois et autres chefs d'Etat, et aussi les rapports des nonces et toutes les autres choses qui peuvent intéresser le Sacré Collège, lui soient communiqués.

k) Que soient lus, s'il y en a, les documents laissés par le pontife défunt au Sacré Collège des cardinaux.

I) Que soient brisés l'Anneau du pêcheur et la matrice en plomb des bulles, en usage à la Chancellerie apostolique.

m) Que les cellules du conclave soient attribuées aux cardinaux par le sort14, à moins que l'âge ou la mauvaise santé de quelque cardinal semblent conseiller une autre répartition.

n) Que soient déterminés le jour et l'heure de l'entrée en conclave.

Pie XI, Motu proprio Cum proxime, 1er mars 1922, n. 1.
Pie IV, const. In eligendis, § 17.
Pie IV, const. In eligendis, § 15 ; Clément XII, const. Apostolatus officium, § 10.
Pie IV, const. In eligendis, § 13.


CHAPITRE III

De quelques offices particuliers pendant la vacance du Siège apostolique

13. Les offices du camerlingue de la Sainte Eglise romaine et du grand pénitencier ne cessent pas par la mort du pontife 15.

14. Si la vacance de l'un de ces offices ou de tous les deux s'est produite après la mort du pontife, ou si elle survient avant l'élection du nouveau pontife, que dans la première congrégation générale, dans le premier cas, ou dans une autre congrégation qui se tiendra dans les trois jours qui suivent la vacance de l'un ou l'autre de ces offices, les votes ou suffrages des cardinaux assemblés pour la désignation de celui qui devra remplir le rôle de camerlingue de la Sainte Eglise romaine ou de grand pénitencier jusqu'à l'élection du nouveau pontife soient exprimés par bulletins secrets, que les maîtres des cérémonies devront recueillir même des cardinaux malades, et qui devront être ouverts devant les trois cardinaux occupant alors la première place dans chaque ordre, en présence du secrétaire du Sacré Collège et des mêmes maîtres des cérémonies ; celui-là sera tenu pour élu, sur lequel se sera porté la majorité des votes ou suffrages susdits ; Nous attribuons à celui qui sera ainsi désigné, pour toute la durée de la vacance du Siège, tous les pouvoirs que le camerlingue de la Sainte Eglise romaine ou le grand pénitencier pouvaient exercer eux-mêmes 16. Si le nombre des suffrages était par hasard égal, que soit regardé comme élu le plus digne par l'ordre auquel il appartient, ou si ce sont deux cardinaux du même ordre, le plus ancien par l'option à l'ordre épiscopal parmi les cardinaux de cet ordre, mais le plus ancien par l'élévation à la pourpre sacrée, parmi les cardinaux des autres ordres.

15 Clément V, ch. 2, Ne Romani, § 1, de elect., 1, 3, in Clem. ; Pie IV, const. In eligendis, 5 9 ; Clément XII, const. Apostolatus officium, § 15.
16 Clément V, ch. 2, Ne Romani, § 1, de elect., 1, 3, in Clem. ; Clément XII, const. Apostolatus officium, § 15 ; Benoît XIV, const. In Apostolicae, ides d'avril 1744, § 4.


15. Au cardinal camerlingue de la Sainte Eglise romaine incombent le soin et l'administration des biens et des droits temporels du Saint-Siège ; il est assisté en cet office par les cardinaux qui sont alors les premiers dans chaque ordre (cardinaux chefs d'ordre) ; il doit avoir recueilli les suffrages du Sacré Collège une fois pour toutes dans les affaires peu importantes ; mais il a besoin de ces suffrages chaque fois pour les affaires graves. Dès lors, sitôt reçue du maître de chambre la nouvelle de la mort du pontife, le cardinal camerlingue de la Sainte Eglise romaine se rendra au Palais apostolique du Vatican pour en prendre possession et en exercer le gouvernement, et il fera de même, soit par lui-même, soit par un délégué, pour les deux palais du Latran et de Castelgandolfo.

Il appartiendra à ce même camerlingue de constater régulièrement la mort du pontife, en présence des prélats clercs de la révérende Chambre apostolique et du secrétaire-chancelier qui doit rédiger l'acte authentique du décès17 ; de déterminer, après avoir consulté les cardinaux chefs d'ordre, les mesures propres et aptes â la conservation du corps du pontife défunt selon les conditions des temps (à moins que le pontife n'ait lui-même, de son vivant, manifesté sa volonté sur ce point) ; d'apposer les scellés sur les appartements privés du pontife ; de faire part de sa mort au cardinal vicaire de Rome, qui en informera la population romaine par une déclaration spéciale ; et de veiller, au nom et avec le consentement du Sacré Collège, à tout ce que le cours des choses et des événements conseillera pour protéger les droits du Siège apostolique et en assurer la bonne administration.

16. Il appartiendra au cardinal doyen du Sacré Collège, dès qu'il aura été informé de la mort du pontife par le maître de chambre, de signifier aux autres cardinaux la vacance du Siège apostolique, et aussi de faire part du décès du pontife aux représentants des nations étrangères ainsi qu'aux chefs d'Etats.

17. Le grand pénitencier et ses officiers pourront, pendant la vacance du Siège, faire et expédier ce qui a été établi et déterminé par Pie XI, d'heureuse mémoire18.

18. L'office du chancelier de la Sainte Eglise romaine n'expire pas par le décès du pontife romain ; cependant l'expédition par lui des lettres apostoliques scellées sous sceau de plomb est suspendue durant la vacance du Siège apostolique. Quant â la fonction du dataire, elle cesse entièrement du fait de la mort de ce même pontife 19.

17 Pie XI, const. Ad incrementum, 15 août 1934, n. 98.
18 Const. Quae divinitus, 25 mars 1935, n. 12 ; cf. Benoît XIV, const. Pastor bonus, ides d'avril 1744, 5 51, 55.
19 Pie IV, const. In eligendis, § 11.


19. De même, par la mort du pontife cesse la charge du cardinal secrétaire d'Etat ; c'est le prélat secrétaire du. Sacré Collège qui s'en acquitte pendant la vacance du Siège. Si cette dernière charge était déjà vacante, ou si elle le devenait durant la vacance du Siège apostolique, le Sacré Collège devra, à la pluralité des suffrages, désigner quelqu'un pour la remplir aussi longtemps que le Siège apostolique sera vacant.

20. Au contraire, l'office et la juridiction du cardinal vicaire de Rome n'expirent pas à la mort du Pontife romain. Si le vicaire de Rome vient à mourir pendant la vacance du Siège, afin que les fidèles de la ville et de son district ne subissent de ce chef aucun préjudice spirituel, le vice-gérant alors en fonction aura, tant que durera la vacance du Siège, toutes et chacune des facultés, l'autorité et le pouvoir qui revenaient d'une façon quelconque au cardinal vicaire pour l'exercice de la charge du vicariat, et que le pontife lui-même, lorsque le vicariat devient vacant, sans qu'il y ait vacance du Siège apostolique, a coutume d'accorder au susdit vice-gérant pour quelque temps, à savoir jusqu'à ce qu'il ait désigné le vicaire successeur 20.

21. De même l'office et le pouvoir des légats, des nonces et des délégués apostoliques ne cessent pas durant la vacance du Siège.

22. Nous savons bien que surtout en ces graves circonstances où il s'agit d'élire un pontife, il faut instamment demander et s'efforcer de mériter le secours de Dieu par des prières assidues et par des oeuvres de piété et de charité ; c'est pourquoi non seulement Nous recommandons grandement, mais Nous voulons que soit conservée la louable coutume observée jusqu'ici, que l'aumônier secret du pontife défunt continue à exercer cette charge, dans la soumission et la dépendance dues au Sacré Collège des cardinaux, jusqu'à l'élection du nouveau pontife ; que, pour le soutien des mêmes pauvres et indigents, soit dépensée et distribuée par l'aumônier lui-même, durant la vacance du Siège, la même somme qui est d'ordinaire distribuée du vivant du pontife, et que les mandats d'usage soient expédiés à cet effet par les trois cardinaux qui sont alors les premiers dans l'ordre, ou par leurs délégués 21.

23. Durant la vacance du Siège apostolique, tout le pouvoir civil du Pontife romain concernant la direction et le gouvernement de l'Etat de la Cité vaticane passent au Sacré Collège des cardinaux ; cependant, celui-ci ne pourra porter de lois qu'en cas d'urgente nécessité et pour le temps de la vacance du Siège, et ces lois n'auront plus tard de valeur que si le nouveau pontife décide de les confirmer 22.

Clément XII, const. Apostolatus officium, § 17. Clément XII, const. Apostolatus officium, § 25.
Legge fondamentale dello Stato délia Cittâ dei Vaticano, 7 juin 1929, n. 1.


Pie XII 1945 - LETTRE A L'ARCHEVÊQUE DE TRENTE POUR LE IVe CENTENAIRE DU CONCILE DE TRENTE