Pie XII 1944 - I LES GRANDS PRINCIPES DIRECTIFS DE L'ACTIVITÉ DU MÉDECIN CHRÉTIEN


II

APPLICATION DES PRINCIPES A LA PRATIQUE ET A L'ENSEIGNEMENT

Mais votre Union des médecins et biologistes chrétiens n'est pas seulement précieuse parce que les doctes discussions qu'on soulève et agite dans son sein, la fidèle adhésion à l'enseignement de l'Eglise que professent ses membres assurent à chacun d'eux une plus large connaissance, une plus profonde compréhension des vérités fondamentales qui délimitent et dominent le domaine de leurs études et de leur activité. Elle offre aussi un autre avantage : celui de faciliter dans la pratique professionnelle la solution, conformément à la loi morale, de cas particulièrement difficiles.

Il est impossible, dans un bref discours, d'énumérer et de mettre en valeur ces cas particuliers ; d'autre part, dans Notre exhortation de février dernier aux curés et prédicateurs de carême de Rome, Nous avons déjà eu l'occasion d'exposer une série de considérations concernant le Décalogue ; Nous estimons que le médecin catholique lui-même peut en tirer quelques enseignements utiles pour l'exercice de sa profession 3.

Le commandement de l'amour.

Le plus grand de tous les commandements est l'amour : l'amour de Dieu et, comme émanant de 'lui, l'amour du prochain. Le véritable amour, éclairé par la raison et par la foi, ne rend pas les hommes aveugles, mais plus clairvoyants ; et jamais le médecin catholique ne pourra rencontrer meilleur conseiller que ce véritable amour pour dicter ses avis ou pour entreprendre et mener à bonne fin la guérison d'un malade : Dilige et fac quod vis, « aime et fais ce que tu veux », cette pensée de saint Augustin 4 — axiome incisif, souvent cité hors de propos — trouve ici sa pleine et légitime application. Quelle récompense ce sera pour le médecin consciencieux d'entendre au jour de l'éternelle rétribution le remerciement du Seigneur : « J'étais malade et vous m'avez visité » (Mt 25,36). Pareil amour n'est pas faible : il ne se prête à aucun diagnostic de complaisance ; il est sourd à toutes les voix des passions qui voudraient se procurer sa complicité ; il est plein de bonté, sans égoïsme, sans colère ; il ne se réjouit pas de l'injustice ; il croit tout, espère tout, supporte tout ; c'est ainsi que l'Apôtre des gentils dépeint la charité chrétienne dans son hymne admirable de l'amour (cf. 1Co 13,4-7).

L'intelligibilité de la vie humaine.

Le cinquième commandement — non occides (Ex 20,13) — synthèse des devoirs qui regardent la vie et l'intégrité du corps humain, est fécond en enseignements, aussi bien pour le maître qui enseigne du haut d'une chaire universitaire que pour le médecin praticien. Tant qu'un homme n'est pas coupable, sa vie est intangible ; est donc illicite tout acte tendant directement à la détruire, que cette destruction soit comprise comme fin ou comme moyen en vue de cette fin, qu'il s'agisse d'une vie embryonnaire ou dans son plein développement, ou bien déjà arrivée à son terme. Dieu seul est maître de la vie d'un homme qui n'est pas coupable d'une faute entraînant la peine de mort. Le médecin n'a pas le droit de disposer de la vie du petit enfant ni de celle de sa mère ; et nul au monde, aucune personne privée, aucun pouvoir humain ne peuvent l'autoriser à détruire directement cette vie. Sa tâche n'est pas de détruire les vies, mais de les sauver. Principes fondamentaux et immuables que l'Eglise, au cours des dernières décennies, s'est vue dans la nécessité de proclamer à plusieurs reprises et avec toute la clarté requise contre les opinions et les méthodes contraires. Dans les réponses et dans les décrets du magistère ecclésiastique, le médecin catholique trouve à cet égard un guide sûr pour son jugement théorique et sa conduite pratique.

La génération et l'éducation des enfants.

Cependant, il y a dans l'ordre moral un vaste domaine qui requiert chez le médecin une clarté particulière quant à ses principes et de la sûreté quant à son action : c'est le domaine dans lequel fermentent les mystérieuses énergies mises par Dieu dans l'organisme de l'homme et de la femme pour la procréation de nouvelles vies.

C'est une puissance naturelle dont le Créateur lui-même a déterminé la structure et les formes essentielles d'activité avec une fin précise et des devoirs correspondants qui incombent à l'homme pour tout usage conscient de cette faculté. Le but premier voulu par la nature dans cet usage (auquel les fins secondaires sont essentiellement subordonnées), c'est la propagation de la vie et l'éducation des enfants. Seul le mariage, réglé par Dieu lui-même dans son essence et dans ses propriétés, assure l'une et l'autre fin, autant pour le bien et la dignité de la progéniture que pour ceux des parents. Telle est l'unique règle qui éclaire et régit toute cette délicate matière ; la règle à laquelle dans tous les cas concrets, dans toutes les questions spéciales, il convient de se conformer ; la règle enfin dont la fidèle observance garantit sur ce point la santé morale et physique de chaque homme et de la société.

Funestes transgressions des lois de la nature.

Il ne devrait pas être difficile au médecin de comprendre cette constante finalité profondément enracinée dans la nature, pour l'affirmer et l'appliquer avec une intime conviction dans son activité scientifique et pratique. Bien souvent, c'est à lui plutôt qu'au théologien lui-même qu'on ajoutera foi lorsqu'il préviendra et avertira que quiconque offense et transgresse les lois de la nature aura tôt ou tard à en subir les funestes conséquences dans sa valeur personnelle et dans son intégrité physique et psychique.

Voici le jeune homme qui, sous l'impulsion des passions naissantes, recourt au médecin ; voici les fiancés qui, en vue de leurs noces prochaines, lui demandent des conseils que, plus d'une fois, malheureusement, ils désirent dans un sens contraire à la nature et à l'honnêteté ; voici les conjoints qui viennent chercher auprès de lui lumière et assistance, ou plus encore de la connivence, parce qu'ils prétendent ne pas pouvoir trouver d'autre solution ou d'autre voie de salut dans les conflits de la vie en dehors de l'infraction délibérée aux liens et aux devoirs inhérents à l'usage du mariage. Ils tenteront alors de faire valoir tous les arguments ou prétextes possibles (médicaux, eugéniques, sociaux, moraux) pour induire le médecin à donner un conseil ou à apporter une aide qui permettra la satisfaction de l'instinct naturel, en le privant cependant de la possibilité d'atteindre le but de la force génératrice de vie. Comment pourra-t-il rester ferme en face de tous ces assauts s'il n'a pas, lui non plus, la claire connaissance et la conviction personnelle que le Créateur lui-même a lié, pour le bien du genre humain, l'usage volontaire de ces énergies à leur fin immuable par un lien indissoluble qui n'admet aucun relâchement ni aucune rupture ?

L'obligation de manifester la vérité.

Le huitième commandement a également sa place dans la déontologie médicale. En vertu de la loi morale, le mensonge n'est permis à personne ; il y a toutefois des cas où le médecin, même s'il est interrogé, ne peut, tout en ne disant pas pourtant une chose absolument fausse, manifester cruellement toute la vérité, spécialement quand il sait que le malade n'aurait pas la force de la supporter. Mais il y a d'autres cas dans lesquels il a indubitablement le devoir de parler clairement, devoir devant lequel doit céder toute autre considération médicale ou humanitaire. Il n'est pas permis de bercer le malade ou les parents dans une sécurité illusoire, au risque de compromettre ainsi le salut éternel du patient ou l'accomplissement des obligations de justice ou de charité. Serait dans l'erreur celui qui voudrait justifier ou tenir une telle conduite, sous prétexte que le médecin s'exprime toujours de la façon qu'il estime la plus opportune dans l'intérêt personnel du malade, et que c'est la faute des autres s'ils prennent trop à la lettre ses paroles.

Le secret professionnel.

Parmi les devoirs qui découlent du huitième commandement, il faut noter aussi l'observance du secret professionnel qui doit servir et sert non seulement à l'intérêt privé, mais plus encore au bien commun. Même dans ce domaine peuvent surgir des conflits entre le bien privé et le bien public, ou entre les divers éléments et aspects du bien public lui-même, conflits dans lesquels il peut être parfois extrêmement difficile de mesurer et de peser justement le pour et le contre parmi les raisons de parler ou de se taire. Dans une telle perplexité, le médecin consciencieux demande aux principes fondamentaux de la morale chrétienne les règles qui l'aideront à s'acheminer dans la bonne voie. Ces règles, en affirmant nettement l'obligation pour le médecin de garder le secret professionnel, surtout dans l'intérêt du bien commun, ne lui reconnaissent pas cependant une valeur absolue ; cela ne serait pas conforme au bien commun lui-même, si ce secret devait être mis au service du crime ou de la fraude.

Formation scientifique du médecin et son constant perfectionnement.

Nous ne voudrions pas, enfin, omettre de dire un mot sur l'obligation du médecin, non seulement de posséder une solide culture scientifique, mais encore de continuer toujours à développer et à compléter ses connaissances et ses aptitudes professionnelles. Il s'agit ici d'un devoir moral au sens strict du mot, d'un lien qui lie en conscience devant Dieu, parce qu'il concerne une activité qui touche de près les biens essentiels de l'individu et de la communauté. Il comporte :

Pour l'étudiant en médecine, au temps de sa formation universitaire, l'obligation de s'appliquer sérieusement à l'étude, en vue d'acquérir les connaissances théoriques requises et l'habileté pratique nécessaire dans leur application.

Pour le professeur d'université, le devoir d'enseigner et de communiquer aux élèves l'un et l'autre savoir de la meilleure manière, et de ne délivrer à personne un certificat de capacité professionnelle sans s'être au préalable assuré de cette capacité par un examen consciencieux et approfondi.

Pour le médecin qui exerce déjà sa profession, l'obligation de se tenir au courant du développement et des progrès de la science médicale, au moyen de la lecture d'ouvrages et de revues scientifiques, de la participation à des congrès et à des cours académiques, de conversations avec des confrères et de consultations auprès de professeurs de Facultés de médecine. Cette constante étude de perfectionnement oblige le médecin en exercice, dans la mesure où elle lui est pratiquement possible et pour autant que le demande le bien des malades et de la communauté.

Ce sera un grand honneur pour votre union de prouver par des faits que ses membres non seulement ne le cèdent à personne en science et en habileté professionnelle, mais encore s'y distinguent au premier rang. Ainsi, elle contribuera efficacement à susciter et à renforcer la confiance dans les principes moraux qu'elle professe ; et il en résultera comme conséquence que tous ceux qui souhaitent des conseils vraiment utiles et sages, une assistance efficace, des soins consciencieux, trouveront dans le fait pour un médecin d'appartenir à votre association une garantie qui ne décevra pas leur attente.

De l'Evangile de saint Luc.

Luc, que saint Paul appelle « très cher médecin » (Col 4,14), a écrit dans son Evangile : « Puis le soleil s'étant couché, tous ceux qui avaient chez eux des malades, quel que fût leur mal, les lui amenèrent, et Jésus, imposant la main à chacun d'eux, les guérit » (Lc 4,40). Sans posséder une si prodigieuse vertu, le médecin catholique qui est tel que l'exigent sa profession et la vie chrétienne verra toutes les misères chercher auprès de lui un refuge et demander à sa main bienfaisante de s'étendre et de se poser sur elles. Et Dieu bénira sa science et son habileté, afin qu'il puisse en guérir un grand nombre et là où cela ne lui sera pas donné, de procurer au moins aux affligés soulagement et réconfort.

Avec le souhait qu'une grâce si précieuse vous soit abondamment accordée dans votre activité multiple, Nous vous donnons de grand coeur à vous tous ici présents, à vos familles, à tous ceux qui font l'objet de vos voeux et de vos affections, aux malades confiés à vos soins, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


DISCOURS A LA COLONIE POLONAISE DE ROME

(15 novembre 1944) 1

Ce discours a été prononcé en réponse aux témoignages de reconnaissance adressés au pape par la colonie polonaise de Rome pour l'assistance très généreuse qu'il a donnée à ce pays pendant la guerre :

Vous connaissez assez Notre coeur paternel, chers fils et chères fiHes de Pologne, pour deviner sans peine l'émotion qui Nous étreint en vous accueillant ce matin auprès de Nous. Vous le savez bien : vos douleurs, vos angoisses, sont aussi vraiment Nôtres.

Compassion pour les souffrances de Varsovie.

Elles sont si grandes ces douleurs et ces angoisses ! Depuis des années, toujours croissantes, arrivées, ces derniers mois, ces dernières semaines, à un degré rarement atteint dans l'histoire des nations et des peuples, elles concentrent sur votre patrie les regards de tout l'univers. Ils se fixent avec une particulière attention sur Varsovie, sur la cité vaillante, au nom riche de noble histoire, au nom si tragique de tourments inouïs ! Quiconque a conservé dans son âme le moindre sentiment de justice et d'humanité demeure stupéfait, atterré, rien qu'à entendre ou à dire ce qu'on en raconte ; et c'est à peine si ce qu'on en raconte laisse entrevoir l'effroyable réalité.

Varsovie ! La ville auréolée du charme d'une civilisation exquise dont les étrangers mêmes éprouvaient la séduction. Varsovie transformée pour ses propres fils en une prison de feu dont les combattants n'étaient pas seuls à sentir la brûlante étreinte, où les mères et les petits enfants ont enduré d'indicibles tortures physiques et morales, séparés, isolés du reste du monde !

Prison de feu ? Non ! Disons plutôt creuset où s'épure et s'affine l'or du meilleur aloi. Si profonde que soit la compassion qu'inspire l'excès des souffrances, plus profonde encore est l'admiration qui courbe bien bas les fronts devant le courage des lutteurs et des victimes. Les uns et les autres ont fait voir au monde à quelles hauteurs pouvait s'élever l'héroïsme, engendré et soutenu par les plus nobles sentiments de l'honneur humain, par les plus fermes convictions de la foi chrétienne.

Il y a à peine quelques semaines, dans la grande Salle des Bénédictions, mus soudain par 'l'élan spontané de leur amour filial et de leur vénération religieuse, vos officiers briguèrent comme une faveur — qui leur fut de bien grand coeur accordée — le privilège de porter sur leurs épaules le trône où siégeait le Vicaire du Christ Roi des nations, Prince de la paix.

Geste émouvant, témoignage sensible des plus intimes dispositions du coeur, non de quelques hommes, mais de tout un peuple. Nous pouvons bien ajouter : geste éloquemment symbolique des réalités invisibles.

Paroles d'espérance.

L'humanité tout entière, dont le Christ est le chef, la véritable prospérité des nations, dont il est le roi, la stabilité de la paix, dont il est l'auteur et le prince, reposent, comme sur le plus solide appui, sur la justice et le respect des droits, surtout des plus faibles. Quand, passé l'ouragan vertigineux de folie, de haine, de cruauté, le monde commencera à se ressaisir, que, spectateur épouvanté de l'étendue de son désastre, il commencera à reprendre son équilibre, il reconnaîtra, il devra reconnaître la part de la Pologne dans l'oeuvre de son salut.

Et voilà pourquoi, à nos larmes de compassion, à nos transports d'admiration, se mêle l'hymne de notre inébranlable espérance. Les épaules qui, portant fièrement et amoureusement la croix à la suite du Christ, soutiennent le trône du Rédempteur, peuvent bien être meurtries, elles ne peuvent ployer sous le poids de l'adversité. Les braves entre les braves peuvent bien succomber : Visi sunt oculis insipientium mori, « aux yeux des insensés, ils paraissent être morts » (Sg 3,2), mais, en vérité, tous ceux qui meurent dans


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la grâce et dans la paix du Seigneur, sont, de tous, les plus glorieux vainqueurs.

L'exemple des saints polonais.

Victimes agréées de Dieu en holocauste propitiatoire, ces héros que vous pleurez, et que Nous pleurons avec vous ici-bas, il Nous semble les voir, là-haut, dans 'la gloire, unir leur prière à l'intercession de tous vos saints : l'évêque Stanislas, Jean de Kenty, Hyacinthe, André Bobola, l'incomparable martyr ; Josaphat, l'apôtre de l'union.

Mais, en ce jour si voisin de celui de sa fête, comment ne pas évoquer avec une ferveur toute particulière le souvenir de l'autre Stanislas, l'angélique Kostka, fidèle au pacte émouvant scellé entre lui et sa bien-aimée patrie ? 2

Pour ne citer que quelques traits parmi tant d'autres : vers lui Sigismond III se tourne dans l'angoisse de ses luttes contre les infidèles ; il obtient que le chef de Stanislas lui soit apporté de Rome et, au moment même où la précieuse relique franchit la frontière de la Pologne, la première victoire de Chocim répond à la confiance du roi. A la citadelle étroitement assiégée de Przemysl aucun espoir humain ne reste : le nom de Stanislas est donné comme mot d'ordre et c'est au cri de « Bienheureux Stanislas Kostka », que les défenseurs brisent l'étau qui les enserrait. Plus tard, Lublin, Léopold ressentent les merveilleux effets de la confiance en Stanislas. C'est à Lublin, devant son image, que Jean Casimir, roi de Pologne, fait sa veillée d'armes et la victoire de Beresteczko est la réponse à sa prière. Le valeureux Sobieski vénéra le jeune bienheureux comme patron de son armée et lui attribua la seconde victoire de Chocim.

Par ces prodiges, le ciel avait visiblement sanctionné le pacte. Aussi, dérogeant expressément à la règle selon laquelle le Saint-Siège ne confère qu'aux saints un patronage officiel et liturgique, Clément X (par le bref Ex iniuncto, du 10 janvier 1674), proclame solennellement le bienheureux Stanislas patron principal de la Pologne 3.

Au milieu des cruelles vicissitudes par lesquelles passe votre patrie bien-aimée, ces preuves de la singulière et puissante protection du jeune saint soutiennent vos âmes vaillantes. Et Nous comprenons comment, si dures et si longues que soient les épreuves que la Providence permet dans ses mystérieux desseins, votre coeur ne peut accepter que le découragement l'envahisse. Votre espérance brille toujours, fécondée qu'elle est par tant de prières, tant de larmes, tant de sang généreux. Et le fier hymne de Wybicki peut continuer de chanter aussi fier qu'autrefois : « Non, la Pologne n'est pas finie ! » Jeszcze Polska nie zgineta !

Du haut du ciel, votre Reine, la Vierge de Czenstochowa, veille sur son royaume. A sa prière, Dieu essuiera toutes les larmes de vos yeux (cf. Apoc, Ap 7,17). Il vous comblera pour prix de vos douleurs des plus abondantes grâces, en gage desquelles Nous vous donnons à vous, à tous ceux qui vous sont chers, à tous vos compatriotes qu'ici vous représentez, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AU NOUVEL AMBASSADEUR DU BRÉSIL

(22 novembre 1944) 1

Le nouvel ambassadeur du Brésil, S. Exc. M. Maurice Nabuco, ayant présenté ses lettres de créance au Saint-Père, Pie XII lui répondit par l'allocution suivante :

Les paroles que Votre Excellence vient de Nous adresser en Nous remettant les lettres de créance par lesquelles M. le président de la République des Etats-Unis du Brésil vous accrédite près de Nous comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire manifestent un sentiment si profond de la charge élevée confiée à Votre Excellence, s'appuyant sur une intuition si pénétrante des nécessités et des angoisses de cette époque tourmentée, qu'elles accroissent en Nous l'espoir confiant de rencontrer en Votre Excellence, de plus en plus unie déjà au Siège apostolique par de glorieux souvenirs de famille, un fervent appui des relations heureusement existantes entre l'Eglise et l'Etat dans votre noble nation 2.

Et si aujourd'hui, revenant par la pensée sur les dix années écoulées depuis Notre voyage inoubliable dans la terre de la sainte Croix et dans sa splendide capitale 3, Nous considérons les transformations profondes que ce court laps de temps a imprimées dans toute l'humanité, Nous comprenons parfaitement comment aussi le peuple brésilien, si aimé et si cher à Notre coeur, se prépare à rencontrer, à la fin de cette horrible guerre, des problèmes et des charges qui vont exiger, des énergies matérielles et spirituelles de la nation, un effort tel qu'elle n'a jamais eu à en faire de semblable.

Or, rien ne peut favoriser ni promouvoir d'une manière plus ample et plus efficace la préparation du peuple brésilien à une tâche aussi noble, que les énergies et les biens offerts à toutes les classes du peuple par les forces morales incommensurables contenues dans la doctrine du Christ.

Au Brésil, qui est l'une des principales et des plus importantes nations de l'Amérique latine, s'ouvrent des horizons dont l'ampleur, riche des plus vastes possibilités, convie les meilleurs de ses fils et de ses filles à de grandes et généreuses résolutions.

Le fidèle peuple brésilien garde une conscience très vive et une noble fierté du patrimoine spirituel qu'il a reçu, comme un précieux héritage, depuis les premiers temps de la découverte de la doctrine du Christ et de son union avec l'Eglise catholique romaine.

Il se sent profondément attaché à ses traditions religieuses et à son union héréditaire avec les autres peuples de civilisation latine. Il sait que la meilleure part de ses qualités caractéristiques et de ses sentiments particuliers s'est nourrie et se nourrit toujours de la sève puisée à ces racines.

Il sait combien puissamment a contribué au maintien et à la défense du caractère qui lui est propre et personnel, le travail infatigable tant de son clergé séculier très méritant que des membres des ordres et congrégations religieuses sur le terrain du ministère spirituel et de l'éducation.

Pour Nous, Monsieur l'ambassadeur, Nous entretenons la ferme confiance que des relations amicales entre le Saint-Siège et le Brésil concourront à faire en sorte que la providentielle mission éducatrice et sociale de l'Eglise parmi le grand peuple brésilien puisse s'accomplir dans une mesure de jour en jour plus ample et plus féconde.

Avec ce souhait, Nous vous prions de transmettre à S. Exc. M. le président de la République l'expression de Notre souvenir toujours très vivant et de Nos voeux les plus fervents.

Nous appelons sur votre patrie par Nous tant aimée la protection du Tout-Puissant dans ce présent si agité et au seuil d'un avenir que Nous désirons et que Nous implorons riche de prospérité et de bien-être ; en même temps Nous donnons à tout le cher peuple brésilien, à son gouvernement et à Votre Excellence, d'une manière spéciale, avec toute l'effusion de Notre coeur paternel, la Bénédiction apostolique que vous avez implorée.


CONSTITUTION APOSTOLIQUE

CONCERNANT LES DEUX ÉVÊQUES PRÉSENTS DANS LA CONSÉCRATION EPISCOPALE

(30 novembre 1944) 1

Cette constitution apostolique précise les obligations des évêques con-sécrateurs dans le rite de la consécration episcopale.

Il est absolument hors de doute et solidement établi par une longue pratique que l'évêque est le ministre de la consécration episcopale et que, pour la validité de cette consécration, un seul évêque suffit qui en accomplisse, avec l'intention requise, les rites essentiels. Cependant, dès les premiers temps de l'Eglise, plusieurs évêques assistent à cette consécration ; également à notre époque en raison de la prescription impérative du Pontifical romain, il faut, au sacre, la présence de deux autres évêques en plus de l'évêque consécrateur. Néanmoins, dans des circonstances particulières, quand on ne peut avoir ces évêques assistants, on accorde la dispense de la règle anciennement établie. Mais ces évêques qui assistent le consécrateur sont-ils des coopérateurs et des consécrateurs, ou seulement des témoins de la consécration ? La chose n'est pas suffisamment claire ni certaine pour tous ; d'autant plus que les rubriques du Pontifical romain, aux endroits où il s'agit des prières à réciter, semblent souvent, par l'emploi du singulier, indiquer un consécrateur unique. D'autre part, il n'est pas manifestement certain que la prescription de la rubrique, placée au début, avant l'examen de l'élu, à savoir que les évêques assistants doivent dire à voix basse tout ce que le consé- ™

crateur dira, vise l'ensemble des rites de la consécration episcopale.

Il arrive dès lors qu'en certains endroits les évêques assistants, s'en tenant au texte du Pontifical romain, après avoir prononcé les paroles Accipe Spiritum Sanctum, pendant qu'ils touchent avec le consécrateur la tête de l'élu, ne disent pas ensuite les prières qui suivent. Ailleurs, par contre, comme à Rome, les évêques assistants, non seulement prononcent les paroles indiquées ci-dessus, mais ausssi à voix basse la prière Propitiare avec la préface qui l'accompagne ; bien plus, ils disent toutes et chacune des paroles que le consécrateur récite ou chante depuis le début jusqu'à la fin de la cérémonie sacrée.

Ayant très attentivement examiné toutes ces choses, mû par le dessein de déterminer le devoir et le ministère des évêques qui assistent à la consécration d'un élu à l'épiscopat et aussi de faire observer toujours à l'avenir, tant à Rome que dans les autres parties du monde, une seule et même façon d'agir en cette matière, en vertu de la plénitude de Notre pouvoir apostolique, Nous déclarons, décrétons et arrêtons ce qui suit :

Quoique pour la validité de la consécration episcopale un seul évêque soit requis et qu'il suffise, lorsqu'il accomplit les rites essentiels du sacre, néanmoins les deux évêques qui, en vertu d'une ancienne règle, selon la prescription du Pontifical romain, prennent part à la consécration, doivent, avec le même évêque consécrateur, devenant eux-mêmes et, en conséquence, devant être appelés dorénavant consécrateurs, non seulement toucher des deux mains la tête de l'élu en disant Accipe Spiritum Sanctum, mais, après avoir formulé intérieurement, en temps opportun, l'intention de conférer la consécration episcopale simultanément avec l'évêque consécrateur, réciter aussi la prière Propitiare et toute la préface qui l'accompagne. De même, durant toute la cérémonie du sacre, ils doivent lire à voix basse tout ce que le consécrateur lit ou chante, à l'exception seulement des prières prescrites pour la bénédiction des ornements pontificaux qui doivent être imposés dans la cérémonie même de la consécration.

En vertu de Notre autorité, Nous ordonnons que demeurent ratifiées et fermes toutes les décisions que, par Nos présentes lettres, Nous avons déclarées, décrétées et prescrites, nonobstant n'importe quelles choses contraires, même dignes de mention spéciale. En conséquence, Nous voulons et décrétons que le Pontifical romain soit, en temps opportun, modifié conformément aux prescriptions données plus haut.


CONSÉCRATION EPISCOPALE

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Nul n'aura le droit d'altérer les termes de ces lettres qui déclarent, décrètent, prescrivent et ordonnent, ni de s'y opposer. Si quelqu'un osait le tenter, par une audace téméraire, il encourra, qu'il le sache, l'indignation du Dieu tout^puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul.

ALLOCUTION AU PERSONNEL ADMINISTRATIF ET TECHNIQUE DE LA RADIODIFFUSION ITALIENNE

(3 décembre 1944) 1

Comme l'avaient fait précédemment le peuple de Rome et l'assemblée municipale de la Ville éternelle, le personnel de la radiodiffusion italienne est venu apporter son tribut de reconnaissance au pape défenseur de la cité. Le Saint-Père a répondu par l'allocution suivante sur la noble mission de la radiodiffusion :

C'est avec une joie intense, chers fils et chères filles, que Nous avons accueilli votre désir de vous réunir autour de Nous et de Nous exprimer votre dévouement fidèle et votre reconnaissance pour tout ce que Nous Nous sommes efforcé de faire en vue de la protection et de la défense de Rome. Un pareil témoignage de filiale affection émeut profondément Notre coeur. Bien volontiers Nous profitons de cette circonstance pour vous féliciter de l'oeuvre que vous avez accomplie jusqu'ici, du zèle avec lequel vous vous employez à relever les ruines et à remettre en marche vos organisations si vastes et si complexes et surtout des caractères élevés de l'idéal auquel vous vous proposez de faire servir l'instrument si puissant que vous tenez entre vos mains.

La radio, merveille de technique humaine.

Par le degré de perfectionnement auquel elle est parvenue, la radio est vraiment un chef-d'oeuvre de l'esprit inventif de l'homme, une merveille de la technique, un prodige de création artistique.

Elle jouit du privilège d'être comme affranchie et libre des conditions d'espace et de temps qui empêchent ou retardent tous les autres moyens de communication entre les hommes.

Avec des ailes infiniment plus agiles que les ondes sonores, aussi rapide que la lumière, elle porte en un instant en franchissant toute frontière les messages qui lui sont confiés. Elle les porte à tous et partout, aux petits comme aux grands, au hameau perdu sur la montagne comme à la populeuse cité cosmopolite, aux solitudes glacées où les recueille l'oreille du missionnaire ou de l'explorateur comme aux foules les plus denses des agglomérations industrielles.

Bien plus, la parole, cette parole de soi fugitive, que décrit la maxime verba volant, peut se faire, une fois prononcée, entendre à volonté et se répéter autant de fois que s'en fera sentir le désir ou le besoin.

Avantages incomparables de la radio.

Quels avantages incomparables, lorsqu'elle est bien guidée, bien dirigée, elle apporte à l'action pratique et au progrès intellectuel, à l'activité sociale et à la vie religieuse ! Au moyen de la radio, l'homme d'Etat et les conducteurs de peuples lancent leurs idées, leurs programmes, leurs consignes ; les savants et les chercheurs tiennent le monde au courant de leurs découvertes ; l'artiste et l'éducateur cultivent et affinent les esprits. Grâce à elle, le navire en péril peut espérer du secours et le salut ou, du moins, avant de sombrer dans les flots, les naufragés pourront-ils faire parvenir aux êtres chers qui sont au loin un suprême adieu. Et quelle multiplicité d'adaptation pour s'adresser à tous : à l'enfant comme à la femme, à l'employé comme à l'homme d'affaires, au médecin comme à l'agriculteur ! Elle consacre des heures spéciales à l'enseignement, à la technique, à la musique ; elle réserve son temps à la prière commune. Il n'est pas de voix, de son ou de parole qui ne puisse parvenir, grâce à la radio, sur n'importe quel point de la terre, à l'oreille des auditeurs et pénétrer ainsi dans les âmes.

Lorsque David, exaltant l'éloquence muette de la nature, chantait : In omnem terram exit sonus eorum et usque ad fines orbis eloquia eorum, « leur voix se transporte par toute la terre et leur parole va jusqu'aux extrémités du monde » (Ps 18,5), Dieu, qui parlait par sa bouche, savait, dans sa science et sa sagesse infinie, que les forces physiques cachées par sa toute-puissance au sein des

éléments et les lois mystérieuses qui régissent l'ensemble de l'activité cosmique dans l'harmonie de ces mêmes éléments seraient découvertes progressivement et auraient des applications de plus en plus nombreuses, utiles et fécondes.

Admirons en cela la pénétration prodigieuse de l'intelligence humaine et son ingéniosité. Mais surtout louons la libéralité souveraine du Créateur qui, ayant doté sa créature de cette intelligence, a daigné faire de l'homme son collaborateur.

La puissance pour le bien comme pour le mal.

La radio peut être l'un des moyens les plus puissants de répandre la civilisation et la culture véritables. Elle rend aujourd'hui des services devenus quasi indispensables à l'éducation du sentiment de la solidarité entre les hommes, à la vie de l'Etat et du peuple ; elle peut exercer une grande force de cohésion au sein des peuples et entre les peuples. Elle peut, devant le monde entier, rendre témoignage à la vérité et gloire à Dieu, susciter la victoire du droit, porter la lumière, la consolation, l'espérance, la réconciliation et l'amour dans le monde, rapprocher les uns des autres les hommes et les nations. Elle peut faire pénétrer jusqu'aux extrémités de la terre la voix du Christ, la vérité de l'Evangile, l'esprit de l'Evangile, la charité de l'Evangile. Elle Nous procure aussi à Nous, Père commun des fidèles, la joie d'être présent au même moment à Nos fils du monde entier, chaque fois que Nous leur adressons Nos messages et que Nous leur donnons Notre Bénédiction.

Tout cela, la radio le peut. Mais elle peut aussi, entre les mains d'hommes aveugles ou pervers, se mettre à la disposition de l'erreur et du mensonge, des passions viles, de la sensualité, de l'orgueil, de la cupidité, de la haine ; elle peut se transformer en ce sépulcre ouvert, plein de malédiction et d'amertume, dont parle saint Paul (Rm 3,13-14), et où s'engloutissent les vertus chrétiennes, la civilisation saine, la paix et le bonheur humain.

La radio est comparable au feu qui, pour adopter une belle image de Schiller dans son célèbre Lied von der Glocke, est une force céleste entre les mains de l'homme qui sait le régler et le surveiller ; mais s'il parvient à rompre ses chaînes, il porte dans les villes et dans les campagnes la dévastation et la ruine.

La radio doit être au service de la vérité, de la justice, de la morale chrétienne, de la charité.

Que votre oeuvre soit donc, autant qu'il dépend de vous, au service de la vérité sous toutes ses formes et sous tous ses aspects. Que demeure sacrée pour vous la foi en Dieu et dans le Christ, dans son oeuvre rédemptrice et dans son Eglise, cette foi qui seule peut donner à des millions d'hommes la force de supporter avec sérénité et courage les épreuves indicibles et les angoisses terribles de l'heure présente.

Au service de la dignité de la vie et de la moralité chrétienne. Que vous soient sacrés l'innocence de l'enfant, la pureté de l'adolescent, la sainte chasteté du mariage et le bonheur d'une vie familiale fondée sur la crainte et sur l'amour de Dieu.

Au service de la justice. Que vous soient sacrés les droits intangibles de la personne humaine, non moins que le droit des pouvoirs publics d'exiger de chaque homme et de la communauté l'accomplissement des obligations requises par le bien commun ; le droit de vivre pour les peuples, surtout les plus faibles, comme le droit qu'a la grande famille des nations de demander les sacrifices nécessaires à la paix du monde ; le droit de l'Eglise de porter avec une pleine liberté à tous les hommes et à toutes les nations les richesses de la grâce et de la paix du Christ.

Au service de l'amour. Tel est le devoir de l'heure présente. Il faut à tout prix faire disparaître la haine arrogante et profonde, dont la radio elle-même s'est faite plus d'une fois l'agent et l'instrument. Puisse-t-elle faire servir partout sa vaste et puissante capacité d'action au noble idéal de la charité chrétienne !

Ces pensées doivent vous soutenir dans l'entreprise ardue de réparation et de reconstruction. Vous avez pu frémir de stupeur et de douleur à la vue des ruines, dont l'étendue et la gravité auraient découragé des coeurs moins fermes que les vôtres. Mais loin de vous arrêter à gémir devant l'amoncellement des décombres sans ordre, vous avez mis aussitôt la main au travail. Sans délai, vous avez fait fonctionner une petite station, et maintenant vous regardez avec un légitime orgueil celle que vous êtes en train de reconstruire avec du matériel jalousement gardé et sauvé à temps du danger au prix de quelles audaces et quelles fatigues !

Les émissions musicales de la radio.

Nous ne voudrions pas, enfin, passer sous silence la compréhension des besoins réels de l'humanité et de sa spiritualité, dont la radio est appelée à faire preuve au moyen des émissions musicales. Nous n'avons pas l'intention de parler ici de ces auditions dans lesquelles il serait bien difficile <de trouver un mérite artistique, une vertu éducative, et surtout une correspondance avec les conjonctures douloureuses du moment présent, mais plutôt de Nous référer tant aux exécutions de musique sacrée qu'au souci de rendre accessibles au public les compositions même profanes des grands maîtres anciens et modernes, dont les chefs-d'oeuvre répandent dans les esprits, dans les coeurs, dans les âmes, les sentiments élevés dont eux-mêmes furent animés. Vous allez tout à l'heure nous faire goûter cet enchantement exquis dans le Concerto brandebourgeois n° 3 en sol majeur de Bach, ce maître grand entre tous.

Il y aurait lieu de faire, à côté de l'histoire générale de la musique, celle aussi de son influence sur l'humanité. Sans recourir à la mythologie, dont les fables d'Orphée et d'Amphion s'appuient elles aussi sur un fond de vérité, la Sainte Ecriture ne montre-t-elle pas la puissance de la musique de David sur la sombre et féroce mélancolie de Saul ? Quelle place tenaient les psaumes dans les cérémonies de l'Ancien Testament ! et quelle place n'occupent-ils pas dans notre liturgie catholique ! Vous connaissez la sollicitude constante de l'Eglise pour encourager la musique, pour veiller à ce qu'elle s'acquitte dignement de sa mission, tant est grand son pouvoir sur les esprits ! Est-ce que chacun de nous n'en a pas fait l'expérience ? Qui n'a mieux compris, grâce au commentaire de Palestrina, l'émouvante prière de Jérémie ? Qui n'a senti l'agitation de son coeur s'apaiser en entendant les symphonies de Beethoven à l'âme tragique et tourmentée, mais aussi rassérénée par la résignation et la joie ? Qui n'a pas goûté plus intimement les paroles du divin Maître dans l'harmonie des Béatitudes de César Franck à l'âme humble et pure ? Qui n'a pas trouvé un avant-goût de la félicité, et, en quelque sorte, de la douceur que l'âme ressent au passage de la mort à la vie : Fac eas, Domine, de morte transire ad vitam, dans l'ardente invocation de notre Perosi ? Interrogé sur le secret du caractère joyeux de beaucoup de ses compositions, Haydn ne répondit-il pas qu'il devenait indiciblement joyeux quand il pensait au bon Dieu : Weil ich so unbeschreiblich froh werde, wenn ich an den lieben Gott denke f Toutes ces beautés, franchissant l'enceinte étroite d'une salle de concerts, se répandent à travers l'espace et pénètrent dans les foyers domestiques pour adoucir la solitude, réconforter les malades, soulager les coeurs, cultiver les intelligences.

Soyez donc bénis, chers fils et chères filles, alors que vous accomplissez une tâche si noble. Soyez bénis par tous ceux à qui vous portez la consolation, la joie, la paix, la vérité ; bénis par tous ceux dont vous calmez les inquiétudes, en leur faisant parvenir des messages et des nouvelles anxieusement attendus ; bénis par votre chère et malheureuse patrie, dont la résurrection vers une nouvelle grandeur est pour vous une haute et constante aspiration ; bénis par Dieu quand vous vous faites les messagers fidèles de sa parole. Et bénis aussi par Nous qui, avec toute l'effusion de Notre coeur, vous accordons à vous-mêmes, à vos familles, à toutes les personnes qui vous sont chères, spécialement à celles dont le sort incertain vous tourmente, à toutes vos intentions et vos oeuvres de bien, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


Pie XII 1944 - I LES GRANDS PRINCIPES DIRECTIFS DE L'ACTIVITÉ DU MÉDECIN CHRÉTIEN