Pie XII 1946 - CONGRÈS INTERNATIONAL DE PHILOSOPHIE 351


DISCOURS AU PÈLERINAGE MARIAL DU « GRAND RETOUR » DE NOTRE-DAME DE BOULOGNE

(22 novembre 1946) 1

Aux dirigeants et à un groupe de pèlerins du « Grand Retour de Notre-Dame de Boulogne », le Saint-Père a demandé de persévérer dans leur croisade si salutaire.

Votre petit groupe, très chers fils, Nous rend présentes, en ce moment, les foules innombrables qui, depuis plus de trois ans et demi, ont pris part au « Grand Retour » : retour de Notre-Dame après son voyage triomphal à travers son royaume, mais surtout retour des âmes, par Marie, à Jésus. Pour vous, qui comptez parmi les plus zélés conducteurs de ce « Grand Retour », vous avez voulu, au nom de tous, venir vers Nous ; de tout Notre coeur paternel, Nous vous accueillons et Nous vous remercions, vous, et en vos personnes tous ceux que vous représentez ici. Vous avez fait de votre long pèlerinage un acte permanent de prière et de pénitence ; soyez-en loués. Vous Nous en montrez les fruits abondants et magnifiques, la récolte visible qui laisse deviner la richesse incomparable de la récolte invisible connue seulement du Seigneur, Maître de la vigne, du divin Vendangeur ; il est juste de vous en féliciter.

Et pourtant, plus que des remerciements, plus que des louanges et des félicitations, vous attendez de Nous une consigne. Bien volontiers, Nous vous la donnons. Elle tient tout entière en ce seul mot : persévérez ! Persévérez, c'est-à-dire ne vous arrêtez pas en chemin avant d'avoir atteint le but ; persévérez, c'est-à-dire suivez toujours la voie étroite où vous vous êtes engagés ; persévérez, c'est-à-dire restez fidèles à Celle qui vous a guidés jusqu'ici et par qui vous conduirez les âmes à votre suite vers l'éternel salut.

Quel que soit le bien que vous avez fait au cours de votre grande mission, et si bonnes, si sincères, si énergiques que soient vos résolutions, vous aurez besoin de vous animer sans cesse vous-mêmes et d'encourager votre prochain à la persévérance surtout sur ces points, si vous ne voulez vous résigner à n'avoir allumé, durant ces trois ans et demi d'efforts et de fatigues, qu'un beau feu de paille ; si vous voulez faire vôtre la parole du Maître : Ignem veni mittere in terram, et quid volo nisi ut accendatur ! « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et combien je voudrais qu'il fût déjà allumé ! » (Lc 12,49)

C'est qu'il faut du courage pour persévérer jusqu'au bout. Il vous en faudra pour surmonter au jour le jour votre propre lassitude ; il vous en faudra bien plus encore, las vous-mêmes, pour entraîner les autres. Assez facilement, les foules répondent au premier signal, enthousiastes et généreuses, puis elles se relâchent : au-dedans des coeurs, le ressort se détend, un léger souffle qui passe éteint la flamme. A vous de retendre indéfiniment le ressort, à vous d'entretenir le feu, de ranimer l'étincelle qui dort quand même sous la cendre. Saint Paul ne se lamentait-il pas de l'inconstance des Galates ? (Ga 3,1). Ils étaient si bien partis, et voilà qu'ils se sont arrêtés ; tout semble à recommencer. Vous aussi, vous la sentirez plus d'une fois cette épreuve et vous aurez à faire appel à toute votre énergie, au secours puissant de la grâce pour persévérer, pour recommencer toujours, pour assurer aux âmes et vous assurer à vous-mêmes l'accomplissement de la promesse : Qui autem perseveraverit usque in finem, hic salvus erit, « c'est celui qui aura persévéré jusqu'à la fin qui sera sauvé » (Mt 10,22). Que rien donc ne vous arrête, très chers fils : ni la difficulté, ni les déceptions, ni parfois l'apparente stérilité de votre apostolat. Marchez toujours en avant !

Marchez toujours, mais par la voie où vous êtes engagés, disions-Nous : cette voie est la bonne. C'est la voie de la prière et de la pénitence, la voie royale de la croix. Il n'en est point d'autre pour forcer à battre en retraite le démon de l'orgueil, de la sensualité, de Pégoïsme, qui s'est emparé du monde et qui le tient captif, Jésus l'a dit : Hoc genus in nullo potest exire, nisi in oratione et ieiunio, « cette espèce de démon ne se chasse que par la prière et par le jeûne» (Mc 9,28). Il n'en est point d'autre non plus par où aller et conduire les âmes au terme de la vie éternelle. Jésus l'a enseigné par son exemple (Lc 9,23). On a, de nos jours, trop négligé la leçon du Maître, trop redouté de n'être pas suivi dans la


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route austère, trop escompté le succès en choisissant d'autres routes plus commodes, plus agréables à la nature. L'expérience heureuse que vous venez de faire a suffisamment dissipé l'illusion vaine de la pusillanimité.

Ce n'est pas que Nous dédaignions les ressources humaines ni que Nous blâmions l'usage qu'on en fait en les adaptant aux oeuvres du zèle, en les mettant au service de l'apostolat. Tant s'en faut ! Dieu a mis à la disposition des hommes les moyens naturels, afin qu'ils s'en servent aussi pour poursuivre les fins surnaturelles. Mais l'erreur serait — erreur pernicieuse — de faire fond d'abord sur ces industries et ces méthodes prétendues modernes et de ne recourir aux forces surnaturelles de la grâce, par la prière et par la pénitence, que comme un renfort subsidiaire ; et plût à Dieu qu'on y recourût encore toujours ! Or, le plus difficile n'est pas l'élan de ferveur des veillées nocturnes, des processions pieds nus sur le sol brûlant ou glacé, s'il ne constitua qu'un épisode passager. Le plus difficile est la fidélité constante aux devoirs, même gênants, du chrétien, aux pratiques pieuses, aux menus sacrifices de la vie quotidienne, en esprit de réparation, d'humilité, d'amour.

Ils se trompent au grand dam des âmes, ceux qui pensent les ramener plus facilement au devoir, à la pratique de la religion, en desserrant le joug du Maître, en s'aventurant par d'autres sentiers que celui par où lui-même veut nous conduire. Mais ils ne se trompent pas moins, ceux qui ne montrent de la route que les ronces et les épines, qui ne songent pas à la faire aimer. Vous avez mieux compris cela, Dieu merci ! vous qui marchez et faites marcher par la voie courageuse, mais qui portez avec vous la croix de Jésus pour l'illuminer, l'image de Marie pour la fleurir et l'embaumer.

Voilà pourquoi Nous vous recommandions en commençant : soyez fidèles à Celle qui vous a guidés jusqu'ici. Faisant écho à Notre appel au monde, vous l'avez fait entendre autour de vous ; vous avez parcouru la France entière pour le faire retentir et vous avez invité tous les chrétiens à renouveler personnellement, chacun en son propre nom, la consécration au Coeur immaculé de Marie, prononcée au nom de tous par leurs pasteurs. Vous avez recueilli déjà dix millions d'adhésions individuelles ; ce résultat Nous cause une grande joie et éveille en Nous une grande espérance. Mais la condition indispensable pour la persévérance dans cette consécration, c'est d'en entendre le vrai sens, d'en saisir toute la portée, d'en assumer loyalement toutes les obligations.

Nous ne pouvons ici que rappeler ce que Nous disions sur ce sujet en un anniversaire bien cher à Notre coeur : « La consécration à la Mère de Dieu... est un don total de soi, pour toute la vie et pour l'éternité ; c'est un don non de pure forme ou de pur sentiment, mais effectif, accompli dans l'intensité de la vie chrétienne et mariais 2. »

Le grand voyage de Marie, reine et patronne de la France, à travers son beau domaine, est donc achevé. Elle continue, de sa falaise de Boulogne, de son trône du ciel surtout, à veiller sur sa famille et à la protéger. Votre voyage à vous aussi s'achève ; continuez, en union avec elle, votre oeuvre de salut. Vous attirerez sur votre peuple et sur vous-mêmes ses maternelles faveurs, en gage desquelles, Nous vous donnons à vous, à tous les participants du « Grand Retour », à tous ceux qui sont l'objet de votre zèle, à toute la France bien-aimée, 'du fond de Notre coeur de Père, Notre Bénédiction apostolique.

RADIOMESSAGE AUX FIDÈLES DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA A L'OCCASION DU IIIe CENTENAIRE DES MARTYRS DE L'AMÉRIQUE DU NORD

(24 novembre 1946) 1

A l'occasion du IIIe centenaire du martyre du Père Isaac Jogues et de ses compagnons, le Saint-Père, dans ce radiomessage, a tiré de leur exemple les leçons suivantes :

Il y a exactement dix ans, Nous Nous agenouillions Nous-même dans votre cathédrale Saint-Patrick. Sous les voûtes grandioses, dans la lumière atténuée qui tombait des vitraux de la chapelle de la Vierge, Nous avons prié sur les tombes de ces vénérés prélats, dont le souvenir nous transporte au-delà d'un siècle et nous permet de constater l'extraordinaire progrès, qui a eu comme origine d'humbles et modestes commencements, et un parcours le long d'un sentier, souvent interrompu par le manque d'ouvriers, par la pauvreté, par la calomnie et même par la persécution. Ils furent de vaillants champions de la vérité, ces successeurs des apôtres, qui ont gouverné le grand diocèse de New York et qui sont devenus des citoyens respectés et des fidèles serviteurs de ce pays et de cette ville qu'ils ont aimés. Par l'aimable Providence de Dieu, leur manteau est tombé sur de très dignes épaules.

Mais la commémoraison que vous célébrez ce matin remonte plus haut que ce siècle de rapide et vaste progrès pour atteindre les jours où l'île de Manhattan ne comptait guère plus de mille habitants et où des bandes sauvages terrorisaient les régions septentrionales du pays. C'est alors que le premier prêtre mit le pied sur cette colonie qui devait devenir la capitale du Nouveau Monde. Le P. Jogues, racheté de sa captivité, quittait provisoirement sa mission auprès des Mohawks, qu'il rejoindrait plus tard. La langue humaine renonce à essayer de décrire les tortures affreuses qu'il endura pendant une année de captivité ; l'âme humaine frissonne et se révolte devant ce spectacle de coupures, de coups de couteau, de morsures, de brûlures, d'écartèlement et de mutilation que ce prêtre endura avec une force surhumaine durant treize mois. Mais il voulait y retourner.

Car son coeur ne cessa jamais d'être captif de l'amour de Dieu. C'était son amour pour Dieu et l'amour de Dieu pour les âmes qui avaient pris possession de ce jeune homme de dix-sept ans et qui le plantèrent dans le jardin de da vie religieuse. Ce même amour prit davantage encore possession de son coeur débordant, quand il entendit parler de ces missions dures et pénibles au-delà des mers, chez ces sauvages des forêts et des plaines, dont il savait cependant qu'ils avaient des âmes, attendant la grâce rédemptrice de la Passion et de la mort du Christ. Ces dernières avaient été offertes pour eux aussi bien que pour l'Europe civilisée. Isaac Jogues n'avait que vingt-neuf ans quand il débarqua pour da première fois à Québec ; il avait trente-sept ans quand il y retourna, après six mois d'absence en Europe, et deux ans après — n'ayant pas encore quarante ans — sa brève vie était couronnée par le glorieux triomphe du martyre pour le Christ.

Il partagea cette gloire avec deux compagnons héroïques et totalement fidèles. Ceux-ci n'étaient pas prêtres, Jean Lalande et René Goupil ; c'étaient des laïcs : l'un était médecin, l'autre menuisier, mais ils étaient possédés par de même amour pour Dieu et par l'amour de Dieu pour les âmes. Leurs caractères avaient été formés dans le même moule de courage désintéressé ; leurs ambitions s'étendaient vers le ciel, vers de même sublime idéal de sacrifice et de don de soi à la cause du Coeur du Christ. Ils ne voulaient pas atteindre le ciel seuls. Leur foi était trop précieuse pour qu'ils ne souhaitent pas la partager avec d'autres. Leur sens catholique eût été incomplet, s'il ne les avait pas rendus conscients qu'ils avaient des devoirs vis-à-vis de tous les peuples du monde. Ils savaient que l'esprit missionnaire n'est pas une vertu de surérogation, réservée à quelques rares élus. L'esprit missionnaire et l'esprit catholique ne sont qu'une seule et même chose. La catholicité est une note essentielle de la véritable Eglise, de telle sorte que celui qui ne s'intéresse pas et ne se dévoue pas à l'universalité de l'Eglise, c'est-à-dire à son enracinement et à son


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développement partout sur le globe, celui-là ne s'intéresse pas et ne se dévoue pas à l'Eglise. Ces deux laïcs, comme le prêtre qui les dirigeait, ne purent rester inactifs, sachant que des millions d'hommes ignoraient le Christ. Oh ! bienheureux ces trois hommes ! Leurs ossements demeurent ensemble enfouis dans le reliquaire même de la terre, sur le versant de cette colline verdoyante qui borde la calme rivière des Mohawks.

Mais ces martyrs ne sont pas seulement la propriété de l'Etat de New York. Ils appartiennent à toute la nation. Ils ne furent pas les seuls missionnaires martyrisés pour la foi en Amérique, mais ils sont les premiers à être élevés sur les autels et déclarés par l'Eglise, après Dieu, patrons de ce pays fécondé par leur sang, afin qu'ils soient un exemple pour ceux qui seront fortifiés par leur mort. Leur message de zèle missionnaire, allumé par leur amour pour Dieu et l'amour de Dieu pour les âmes, est plus pressant et plus urgent encore en ce moment où la guerre et les séquelles de la guerre ont décimé les rangs des missionnaires et tari tant de sources d'où venait l'aide aux missions.

Ce message est jeté à travers votre pays privilégié, si providentiellement exempt des horreurs et des destructions que d'autres nations ont connues ; il sera entendu d'une rive à l'autre, depuis le golfe méridional jusqu'à la frontière septentrionale et au-delà. Que les hommes fassent silence et écoutent cet appel. L'heure de l'Amérique a sonné. Les missions attendent sa réponse.

Saint Isaac, saint Jean, saint René, jetez un regard rempli de l'amour du ciel sur les fidèles qui emplissent le pays que vous avez voulu conquérir au Christ. Que par votre puissante intercession devant le trône de Dieu, vous puissiez obtenir pour eux tous une part de l'esprit qui fut le vôtre ici sur terre. Puissent le clergé et les religieux intensifier leur vie intérieure de prière et d'abnégation, car c'est dans un tel terrain que le zèle missionnaire naît et se développe rapidement.

Puisse la jeunesse, cette jeunesse américaine, toujours prête à se jeter de plein coeur dans toutes les grandes et nobles aventures, pour lesquelles les obstacles ne sont qu'un stimulant pour son courage ; puisse cette jeunesse saisir le flambeau de la foi, allumé par vous dans la forêt sauvage et le porter en plein éclat jusqu'aux extrémités de la terre, jusqu'à ce que tous les hommes puissent voir et connaître Jésus-Christ, le divin Maître, qui les a aimés d'un éternel amour et que vous, ô bienheureux martyrs, vous contemplez maintenant dans une joie ineffable.

Que cette prière très ardente, qui est nôtre, puisse trouver un écho généreux dans les âmes de tous les fidèles d'Amérique, dans ce pays si cher à Nous-même à plus d'un titre ! Nous vous donnons, dans une très profonde affection de Notre coeur paternel, la Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX FIDÈLES LORS DE LA BÉATIFICATION DES VINGT-NEUF MARTYRS DE CHINE

(27 novembre 1946) 1

Aux fidèles venus assister à la béatification des 29 martyrs chinois tués par les Boxers, le Saint-Père a rappelé que l'Eglise compte des martyrs en tous temps, évoqué les familles religieuses auxquelles ils appartenaient et tiré les leçons de l'exemple qu'ils ont donné.

Le premier témoignage : celui du sang.

« Vous recevrez la puissance du Saint-Esprit qui descendra sur vous et vous serez mes témoins à Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités du monde » (Ac 1,8).

Ces paroles du divin Maître à ses apôtres voulaient exprimer le caractère universel de son royaume, mais le sens chrétien a compris, d'autre part, comme par instinct, de quel témoignage en particulier le Rédempteur voulait parler ; à savoir que le témoignage par excellence était celui du sang, jusqu'au sacrifice de la vie, en hommage à la «parole de vérité» (Ep 1,13). C'est depuis lors que l'Eglise, en authentiquant le suffrage de ce sens chrétien, a réservé à ce témoignage du sang le nom de « martyre ». Et c'est dès lors aussi que l'Eglise a appliqué les paroles adressées par le Christ directement aux apôtres, à tous ceux qui lui rendent le même témoignage. Ce témoignage devait bientôt s'étendre à tous les temps et à tous les lieux sur la face de la terre ; témoignage universel, continu, permanent ; témoignage multiple par la variété de ses formes comme par la diversité des témoins, et l'apôtre saint Jean (Ap 7, 9, 14) vit dans le ciel une nombreuse assemblée d'élus, de toutes les tribus et de toutes les nations, venus de la grande tribulation, après avoir lavé leurs robes dans le sang de l'Agneau, formant avec leurs couleurs variées la beauté du manteau de l'Epouse du Christ qu'est la Sainte Eglise.

Le martyr est de tous les siècles.

Pourquoi donc parle-t-on si souvent de l'ère des martyrs, de la terre du martyre, comme si on ne reconnaissait pas que ce témoignage et ces témoins sont de tous les temps et de tous les lieux ? C'est parce que, bien qu'elle soit permanente, continue, universelle, bien qu'elle forme la trame des annales de l'Eglise, l'histoire du martyre offre cependant, alternativement, sur des zones plus distantes, des points plus lumineux, des foyers plus vastes et plus intenses ; Rome et l'Orient, l'Italie et la France, l'Espagne et l'Allemagne, l'Angleterre et l'Amérique, l'Afrique et les Indes, la Pologne et la Hongrie, le Japon et la Chine ont successivement illuminé le monde avec leur splendeur fulgurante pour « éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l'ombre de la mort, et pour diriger leurs pas dans les chemins de la paix » (Lc 1,79).

Au début du XIXe siècle.

Le début de notre siècle et la terre de Chine marquent une des époques les plus brillantes dans l'histoire du martyre. L'admirable variété de l'armée des martyrs est rarement apparue si riche : Te Martyrum candidatus laudat exercitus. Toute la superficie de ce vaste empire s'empourpra du sang des témoins du Christ : religieux et religieuses, missionnaires venus des pays lointains et prêtres indigènes, hommes et femmes, vieillards, jeunes gens et enfants, appartenant aux milieux les plus élevés comme les plus humbles. Aujourd'hui, la grande famille de saint François est à la place d'honneur avec vingt-neuf de ses fils et de ses filles, de ses tertiaires, de ses disciples, de ses collaborateurs. L'histoire du martyre, dans les annales franciscaines, est d'une ampleur et d'une beauté merveilleuse, aussi ancienne que l'histoire de l'ordre, aussi jeune que lui-même.

Les vingt-neuf martyrs chinois.

A la tête de ces vingt-neuf héros marchent trois êvêques, vénérables par leur âge, leur sagesse et leur long travail apostolique ; suivent


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cinq religieux, dont quatre prêtres et un frère convers, puis cinq jeunes séminaristes, tous tertiaires de Saint-François, et enfin neuf fidèles serviteurs, dont six appartiennent également au Tiers Ordre. Au milieu d'eux se détache un admirable groupe de sept religieuses Franciscaines missionnaires de Marie. Ces martyrs proviennent de nations et de pays différents : huit de l'Italie, cinq de la France, un de la Belgique, un de la Hollande, quatorze sont enfants de la Chine ; ils se laissent immoler par leurs compatriotes, pour le salut de leur patrie.

Les contrastes de leurs vies.

Le chef de cette triomphante milice, le bienheureux évêque Grégoire Grassi, a 70 ans ; la bienheureuse Marie de la Paix n'en a que 25 et le bienheureux Jean Wang n'en compte que 16 ; c'est presque encore un enfant. Il joue et s'amuse dans la cour de la prison. A son supérieur stupéfait, il répond lui-même tout surpris : « Père, pourquoi ? S'ils nous tuent, n'irons-nous pas au paradis ? » Comme ce petit séminariste est différent de la bienheureuse Marie de Saint-Juste, dont toute la vie fut une lutte héroïque contre la révolte de l'amour-propre et les tempêtes intérieures ! Tandis que d'autres grandissent dans une piété tranquille et timide, le bienheureux Théodoric Balat était, dans son enfance, un petit fripon que son curé dut, plus d'une fois, corriger sévèrement.

Tous et toutes sont prêts au martyre. La supérieure, bienheureuse Marie-Hermine de Jésus, et la bienheureuse Marie-Armandine priaient toutes deux le Seigneur « de donner la force aux martyrs, mais non pas de leur épargner le martyre ». Et combien multiple dans ses formes apparaît la grâce du Saint-Esprit dans les âmes ! Ce qui avait attiré la bienheureuse Marie-Adolphine à la vie religieuse, c'était « le désir de souffrir pour Notre-Seigneur ». La bienheureuse Marie-Claire partit pour la Chine avec enthousiasme. A celui qui lui parlait d'un long sacrifice et d'une lente immolation au service des lépreux, elle répondit : « Je préfère aller en Chine et me faire tuer pour Jésus. » Le futur vicaire apostolique, Antonin Fantosati, encore jeune religieux, a un tout autre caractère ; il déclare avec une franchise ingénue que cela ne lui dit pas grand-chose d'aller se faire tuer pour ces braves Chinois, mais que puisque son supérieur le désirait il s'y rendrait promptement. De fait, il partit et fut martyrisé comme ses confrères. Différente aussi est l'attitude de ce père de famille, domestique d'occasion des missionnaires ; il voulut leur rester uni dès qu'il les sut en danger et il courut directement à la prison, laissant ses petits enfants à la garde de la Providence divine.

Nous pourrions continuer la revue des contrastes qui distinguent les physionomies des martyrs, même en les restreignant à ces vingt-neuf martyrs, élevés tantôt aux honneurs des autels. Pour quel motif mettons-Nous donc en relief de telles différences, si ce n'est pour faire ressortir mieux encore leurs traits communs, grâce auxquels ils se ressemblent incomparablement plus qu'ils ne se diversifient par leurs visages propres.

La grâce du martyre, aboutissement d'une série de grâces et d'efforts.

Pour tous, la grâce du martyre (cette forme plus excellente que toute autre de la grâce de la persévérance finale) est généralement, de la part de Dieu, le couronnement de toute une série de grâces échelonnées le long de la vie ; comme de la part de l'homme, le témoignage du sang est d'ordinaire 'la perle précieuse qui termine une longue chaîne de correspondances à la grâce. Aussi ce serait montrer que l'on connaît d'une façon fort superficielle le sens du martyre que de l'attribuer trop facilement à quelque circonstance fortuite ou à quelque coup de foudre sur le chemin de Damas. Une illusion pareille suppose qu'on ignore, d'une part, le long et secret cheminement de l'action divine dans l'âme et dans le coeur des élus ; d'autre part, la succession des actes généreux qui, durant une vie où peut-être n'ont pas manqué les ombres, indiquent mystérieusement le chemin par lequel des convertis récents, des pécheurs pénitents se sont trouvés inopinément transformés en héros confesseurs du Christ.

Cette série de grâces par lesquelles Dieu conduit ses élus vers le martyre est souvent accompagnée d'une préparation dans laquelle le caractère naturel, la naissance, les conditions de vie, l'éducation familiale ont leur part. Au fond du coeur du gamin turbulent comme du jeune homme timide et de la petite fille délicate, brûle la flamme d'un pur amour pour Dieu et les âmes, le désir généreux — vivace ou calme — de se vaincre, de dominer les caprices de la nature. Peu importe que les travaux prosaïques de la comptabilité courbent à longueur de journées, sur des registres austères, le front de la bienheureuse Marie-Hermine et stérilisent apparemment dans l'alignement des colonnes de chiffres le zèle apostolique qui la dévore. Peu importe que la bienheureuse Maria de Sainte-Nathalie, la robuste paysanne, heureuse d'aller employer dans de durs travaux la force de ses bras, n'arrive en Chine que pour y trouver, au lieu des belles fatigues qu'elle


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désirait, l'apostolat d'une souffrance continuelle. Sous la morsure de la souffrance, elle se disait heureuse, parce que, disait-elle, « quand on souffre, le coeur se détache de la terre », et, au milieu des grandes douleurs que lui infligeait un traitement qui n'apportait aucun soulagement à son mal, elle faisait son apprentissage du martyre. D'autres l'ont fait d'une manière différente, mais c'est bien rare qu'il ait manqué entièrement.

La majeure partie des vingt-neuf martyrs de Chine ont commencé cette formation à la souffrance, cette préparation au martyre à l'école de parents chrétiens, au foyer familial ; ils l'ont continuée dans la vie religieuse ou, tout au moins, en étroit contact avec elle ; ce qui s'est produit aussi bien pour les Chinois que pour les Européens. Tous ont vécu dans une atmosphère vraiment franciscaine de simplicité, de générosité, de renoncement, de constante mortification, dans la joie parfaite du patriarche d'Assise. Les séminaristes et aussi les serviteurs sont animés de son esprit ; la plupart sont devenus membres de sa grande famille par leur appartenance au Tiers Ordre.

Que dire de ces saintes religieuses formées au sacrifice et à la charité dans l'Institut de Marie de la Passion ? Cet institut n'avait alors que vingt-cinq ans de vie ; il se trouvait au début d'un développement qui devait être magnifique ; un champ immense de travail se présentait à son zèle ; il avait besoin de religieuses nombreuses et de valeur extraordinaire. Et voici que, d'un seul coup, sept victimes s'offrent au ciel, et quelles victimes ! Des victimes qui promettaient pour l'Eglise du Christ une admirable moisson.

C'est qu'elles avaient compris la grande fécondité de l'immolation, l'invincible autorité du témoignage du sang. Et ils l'avaient aussi comprise à leur manière, savante ou ingénue, ces martyrs indigènes, et spécialement ces adolescents auxquels la vie apostolique ouvrait les plus larges et les plus favorables prévisions.

Epis chargés d'espérance, les jeunes séminaristes semblaient devoir être les prémices du clergé de leur chère patrie. Les épis ont été fauchés ; leur sang a baigné le sol, mais, semence de chrétiens, il a fécondé la terre. Et voici que ce clergé qui, humainement parlant, eût dû succomber dans les persécutions et les cataclysmes, a germé, a fleuri, a fructifié. Il a vu instituer récemment en Chine la hiérarchie episcopale 2, et voici que dans son sein brille, tel un reflet du sang des martyrs, la pourpre d'un prince de 'l'Eglise, accueilli triomphalement par tout son peuple.

Uni au sang du Christ, le sang des martyrs crie vers le ciel plus haut que le sang d'Abel : il monte en face du Seigneur comme un encens de suave odeur, pour faire descendre sur l'immense sol de la Chine et sur la terre entière, les grâces du Père des lumières et de miséricorde, en présage desquelles Nous vous donnons de grand coeur à vous tous, chers fils et chères filles, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AU NOUVEL ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE ET PLÉNIPOTENTIAIRE DE LA RÉPUBLIQUE AUTRICHIENNE

(30 novembre 1946) 1

A l'adresse du nouvel envoyé extraordinaire et plénipotentiaire de l'Autriche près le Saint-Siège, S. E. le Dr Rodolphe Kohlruss, le Saint-Père a répondu par ces paroles de bienvenue :

C'est pour Nous une satisfaction et une joie intimes de pouvoir saluer à nouveau, dans la maison du Père commun de la chrétienté, le représentant de l'Autriche restaurée à la fin de la guerre et luttant vaillamment pour reconquérir sa liberté et son indépendance.

Cette rencontre Nous inspire une foule de sentiments qui se complètent réciproquement. Tout d'abord, un souvenir reconnaissant de la bonne et fructueuse entente — ainsi que vous venez de le rappeler — maintenue depuis de longs siècles jusqu'à nos jours, entre l'Eglise et l'Etat, entente dont l'histoire de l'Europe atteste les multiples bénédictions qui en ont été la conséquence et dont les résultats ont fait l'objet de solennels accords.

Votre présence évoque aussi en Nous le sombre entracte du tragique conflit avec l'esprit matérialiste qui, par la ruse et la violence, envahit victorieusement le sol autrichien et dont les agissements terroristes firent fi des droits imprescriptibles pour la vie de l'Eglise du Christ.

Mais le sentiment qui domine en Nous, c'est l'espoir en un avenir chargé de promesses, salutaires conséquences des souffrances et des leçons d'un passé tout récent, dont jouiront abondamment tous ceux qui ont à coeur le véritable bien, la restauration pacifique et la mission culturelle du peuple autrichien.

En cette heure, témoin d'une entrevue si longtemps désirée de part et d'autre, c'est avec une satisfaction toute particulière que Nous entendons formuler de la bouche de Votre Excellence « le vif souhait du gouvernement autrichien et du peuple autrichien de voir se resserrer toujours plus étroitement les liens d'une confiance sans réserve et d'une amitié indéfectible ».

Nous vous prions, Monsieur l'ambassadeur, d'assurer M. le président de l'Etat et les membres du gouvernement que Nous ne négligerons rien, de Notre côté, pour réaliser ces buts si chers au coeur de la grande majorité du peuple autrichien, et pour écarter les difficultés qui viendraient à se présenter.

Nous ne croyons pas Nous faire illusion en estimant qu'aujourd'hui les yeux de tous les hommes sensés et éclairés sont tournés, plus que jamais — avec une attention vigilante, un intérêt marqué, une bienveillance indéniable — vers l'Autriche qui, malgré son profond épuisement, tient une place si importante en Europe.

L'Autriche d'aujourd'hui est située au carrefour de violents courants d'opinion, entre l'est et l'ouest de l'Europe, sur la ligne de démarcation qui sépare les idéologies sociales périmées des idéologies nouvelles. C'est pourquoi son destin s'accomplit au milieu d'oppositions, de conflits qui exigent de ses fils et de ses filles des efforts inouïs d'endurance, de force vitale, de courage, de fidélité à la patrie et à la foi.

Précisément parce que Nous savons combien dure et difficile est l'ascension du peuple autrichien vers le bonheur qu'il mérite, au sein d'une Europe encore si éloignée de la véritable paix, Nous formons le voeu ardent que jamais ne tarissent les sources de force spirituelle qui découlent pour lui de la libre pratique de sa foi ancestrale.

Nous avons l'assurance que Votre Excellence apportera à l'obtention de ce noble but toutes les ressources de sa volonté et de son vaste savoir.

Dans cette attente, Nous invoquons la protection et l'assistance divines sur la chère Autriche, qui, des profondeurs de la détresse, s'apprête à gravir de nouveaux sommets, et Nous vous donnons à vous, Monsieur l'ambassadeur, avec une bienveillance particulière, au moment où vous prenez possession de votre haute charge, la Bénédiction apostolique implorée.

TÉLÉGRAMME A L'ARCHEVÊQUE DE REIMS POUR LE 1450e ANNIVERSAIRE DU BAPTÊME


DE CLOVIS

(13 décembre 1946) 1

A l'occasion de la célébration du 1450e anniversaire du baptême de Clovis, le Saint-Père a fait parvenir le message suivant à S. Exc. Mgr Mar-mottin, archevêque de Reims :

En évoquant le grand événement, dont l'Eglise de Reims commémorera, à la Noël prochaine, le quatorze cent cinquantième anniversaire, Nous Nous rendons en esprit au vénérable baptistère, où saint Remi fit naître à la grâce Clovis et son peuple, et priant le Christ, qui aime les Francs, et Notre-Dame votre Reine de conserver à votre bien-aimée patrie, par une indéclinable fidélité à sa vocation chrétienne, le glorieux titre de Fille aînée de l'Eglise, Nous vous envoyons ainsi qu'à votre cher troupeau et à la France catholique, comme gage des meilleures faveurs célestes, la Bénédiction apostolique.


MESSAGE AUX RÉFUGIÉS ET AUX PRISONNIERS DE GUERRE SE TROUVANT EN ITALIE

(21 décembre 1946)1

A l'occasion des prochaines fêtes de Noël, le Souverain Pontife a paternellement décidé l'envoi, par l'intermédiaire de la Commission pontificale d'assistance, de paquets aux enfants des réfugiés étrangers qui se trouvent dans les différents camps établis pour eux en Italie. Le don charitable du Saint-Père était accompagné du bref message suivant qui a été lu par les aumôniers des camps :

Qu'à tous Nos chers enfants qui, arrachés par le tourbillon de la guerre aux oeuvres pacifiques du foyer domestique, exilés partout, désirent, encore une fois en vain, de passer les chères fêtes de Noël dans leur douce patrie, la vraie paix soit donnée dans le coeur de Celui qui seul peut l'accorder et qu'en ces derniers jours pénibles de leur long exil, Notre paterndle Bénédiction soit leur intime réconfort.

Le Saint-Père a envoyé en outre aux prisonniers de guerre allemands un message de Noël en langue allemande, dont voici la traduction :

A Nos chers fils qui en cette fête de Noël se trouvent encore en prison, Nous souhaitons dans la charité du Christ, pour l'année prochaine, le retour dans leurs familles et la reprise d'un travail pacifique et, pour fortifier leur confiance en Dieu, leur courage et leur patience, Nous leur accordons de tout coeur la Bénédiction apostolique.

(22 décembre 1946) 1

Les fidèles de Rome ont voulu manifester publiquement leur profond attachement au Vicaire du Christ, leur évêque, et lui témoigner leur reconnaissance pour toutes les preuves qu'il a données de sa charité prodigieuse à l'égard des malheureux, de sa fermeté dans la défense du droit et de la vérité, de sa sagesse intrépide dans l'annonce des fondements de la vraie paix. A cette occasion, le Souverain Pontife a lancé à la foule rassemblée ce vibrant appel :

Une émotion indicible Nous envahit à la vue du cher peuple de Rome qui accourt vers Nous, sous l'irrésistible impulsion de sa dévotion et de son amour filial. Vraiment, l'âme catholique de la Ville éternelle, pacifique dans la sainte liberté des enfants de Dieu, intrépide et forte dans la lutte, vient encore une fois s'épancher dans le sein du Père commun.

Que de souvenirs cette assemblée immense rappelle à Notre esprit !

Avant tout, le 12 mars de l'année de guerre 1944, lorsque des multitudes de réfugiés et d'errants se mêlaient à la foule des Romains, qui tremblaient pour leur patrie, leurs foyers et leurs familles et venaient chercher sécurité et réconfort dans la parole et dans la bénédiction de leur Père et évêque qui, plein d'anxiété, s'employait à sauver la ville et son peuple.

Puis, moins de trois mois après, la journée rayonnante du 6 juin 1944. Miraculeusement sauvée, Rome voulut fêter ici même, dans une joie débordante, les premières heures de la libération.

Et, enfin, le mémorable dimanche de la Passion de 1945. Tandis qu'au loin grondait le canon, vous imploriez la miséricordieuse protection du ciel ; Nous vous exhortions à ne pas oublier vos devoirs de piété, de vertu, d'honnêteté, d'amour fraternel, à garder dans l'honneur les saintes traditions de vos pères.

Et voici qu'aujourd'hui vous êtes également venus en foule, comme aux grands jours, fils et filles de cette Rome dont le sort, dans les jours sereins comme dans les jours inquiétants, a toujours été l'objet de Nos pensées, de Nos prières et de Nos sollicitudes. Vous êtes accourus pour proclamer devant vos concitoyens, devant votre pays, devant toute la chrétienté que vous vous sentez étroitement unis au Siège de Pierre et aux traditions catholiques de votre ville natale, dans une sainte unité qui triomphe de toute menace et de toute hostilité, de toute hésitation et de toute épreuve.

Vous voyiez avec douleur et indignation le visage sacré de Rome (de ce lieu saint qui est le siège du Vicaire du Christ par une disposition divine) exposé, par la main d'impies, négateurs de Dieu, profanateurs des choses divines, adorateurs du sens, à être souillé d'ignominie, couvert de boue. Mais voici que le visage de Rome se montre aujourd'hui dans toute sa splendeur, dans toute sa beauté, intact et inviolé.

Jamais peut-être la mission de Rome n'a été plus grande, plus bienfaisante, plus indispensable qu'à l'heure présente. Du haut des sept collines, elle étend ses bras maternels, son pouvoir spirituel sur le monde entier qui, mystérieusement, s'enveloppe dans sa lumière.

Cette lumière, qui apparut d'abord quand l'Eglise, Epouse du Christ, se délivra des vêtements de deuil des persécutions et, couronnée du signe de la victoire, sortit des cirques et des amphithéâtres qui rugissaient jusqu'alors de cris hostiles ; quand, championne immortelle de la vérité, plus certaine de l'avenir que le pontife de Jupiter montant au Capitole avec la vierge silencieuse 2, elle s'apprête avec le glaive de l'esprit qui est le Verbe de Dieu, à continuer et à étendre la conquête religieuse et pacifique d'une foule de peuples et d'un empire plus vaste que celui qu'avaient conquis le fer et les légions des Césars.

Faites que votre vie et votre conduite, vos jugements et vos oeuvres, soient profondément pénétrés et dirigés par la conscience claire et attentive de cette mission particulière, non moins honorable que lourde de responsabilités et de devoirs.

Les cohortes innombrables de vos martyrs et de vos saints vous regardent. Montrez-vous dignes d'elles.


Pie XII 1946 - CONGRÈS INTERNATIONAL DE PHILOSOPHIE 351