Pie XII 1948 - LETTRE AU R. P. CLÉMENT DE MILWAUKEE MINISTRE GÉNÉRAL DES FRÈRES MINEURS CAPUCINS (4 décembre 1948)\21

DISCOURS A SON EXCELLENCE M. ALEXANDRE PATERNOTTE DE LA VALLÉE Ambassadeur de Belgique \21 \0(4 décembre 1948) \22

Recevant le nouvel Ambassadeur de Belgique, le Pape s'exprime comme suit :

En Nous présentant les Lettres par lesquelles Son Altesse Royale le Prince Régent de Belgique, au nom de Sa Majesté le Roi des Belges 3 vous accrédite auprès de Nous en qualité d'ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire, Votre Excellence Nous offre une occasion, bien volontiers accueillie, d'exprimer une fois de plus Nos sentiments de paternelle affection et de particulière estime à l'égard de votre noble Patrie.

La Belgique est de tradition un pays catholique:

Avec une légitime fierté, vous venez de rappeler la constante fidélité de son attachement filial à l'Église et à son Chef visible, la fermeté inébranlable de sa foi catholique. Les rayons de cette foi ajoutent la splendeur de leur lumière surnaturelle à l'éclat de tant de titres illustres, auxquels elle doit sa grandeur humaine.

Ce pays n'occupe qu'un territoire réduit et comme tel est considéré comme une « petite puissance » néanmoins par son passé, et ses activités actuelles, il se présente comme une grande nation.

Car ce n'est pas à l'étendue géographique de son territoire que se mesure la grandeur d'une nation : elle se mesure à l'abondance, à la variété, à la valeur des dons qu'elle a reçus de la Providence divine, jointes à l'usage qu'elle a su faire de ces dons. Et, s'il en est ainsi, qui pourrait mettre en question la grandeur de la Belgique?

Elle s'est manifestée et continue de se manifester en tant de circonstances, douloureuses et tragiques aussi bien que prospères en tous les domaines de la nature, de l'industrie de l'art, de la culture intellectuelle et religieuse. Dans lequel de ces domaines n'a-t-elle pas conquis une place de premier plan? Quelle galerie magnifique elle peut présenter de gloires nationales, d'hommes justement fameux par l'intelligence, par la science, par l'influence, par le courage héroïque, par la sainteté !

Un alliage heureux a permis à la Belgique, au cours des siècles, de féconder sa prospérité matérielle par l'idéal spirituel qu'apporte la foi chrétienne :

Mais une des caractéristiques les plus enviables de votre Patrie, Monsieur l'Ambassadeur, est que dans la réalisation pratique, dans la mise en valeur de ce beau patrimoine si riche et si varié, elle a laissé libre jeu, elle a favorisé même les puissantes énergies constructives accumulées dans la vie chrétienne de la famille et dans les traditions catholiques du peuple belge. Et si, parfois, ces énergies ont dû conquérir de haute lutte la possibilité de s'exercer toujours, la Constitution de l'État leur a permis de sauvegarder leurs droits. C'est ainsi que tant de grands chrétiens ont su marquer leur passage dans votre histoire par la création de nombreuses et précieuses institutions culturelles, charitables et sociales de tout premier ordre dont le bienfait s'étendait et s'étend au-delà des frontières métropolitaines de la Belgique, au-delà même de sa zone d'influence en Afrique, où elle a su former un vaste empire à travers lequel une nouvelle civilisation chrétienne et catholique s'est frayé la route 1.

A ce propos, Nous ne pouvons pas omettre d'exprimer une parole d'admiration et de louange à l'adresse de ces Instituts missionnaires, qui ont envoyé et qui envoient dans tout l'univers des pionniers de la foi et de la civilisation, doctes autant que hardis, actifs autant que saints a.

Le Pape souhaite que VEglise et l'État continuent à collaborer étroitement pour le plus grand bien de tous.

Au souvenir d'un si précieux concours de l'État à l'oeuvre de l'Église et de l'Église à l'oeuvre de l'État 3, bienfaisante collaboration que Nous espérons voir se poursuivre encore dans l'avenir comment n'accueillerions-Nous pas avec le plus grand empressement celui qui vient auprès de Nous représenter la Belgique? Aussi tenons-Nous à prier Votre Excellence de

2. La Belgique est un des pays qui fournit actuellement le plus de missionnaires. Au total on compte en 1948 : 2891 prêtres missionnaires; 651 frères missionnaires, 3.950 soeurs missionnaires.

présenter à Son Altesse Royale le Prince Régent et, par lui, à Sa Majesté le Roi Déopold III, l'expression de Nos voeux de bonheur pour leurs Personnes et pour toute la Famille Royale, l'assurance de Notre prière pour la prospérité de votre glorieuse Patrie. Quant à vous-même, avec la promesse de l'appui que vous trouverez toujours auprès de Nous dans l'accomplissement de votre haute mission, Nous appelons sur vous, Monsieur l'Ambassadeur, et sur tous les vôtres les plus exquises bénédictions du ciel.

LETTRE A SON EM. LE CARDINAL INNITZER Archevêque de Vienne (8 décembre 1948) \21

La Cathédrale Saint-Etienne de Vienne avait été gravement endommagée par les bombardements de la guerre. Après les travaux de réparation, elle fut rendue au culte à la fin de 1948; à cette occasion, le Saint-Père écrivit la lettre suivante:

Nous avons appris que la restauration de la noble cathédrale de Vienne dont les hautes voûtes étaient tombées en ruines sous les coups de la guerre, est aujourd'hui assez avancée pour qu'elle puisse être rendue au culte public. Voilà qui fonde certes une joie légitime dans les coeurs du pasteur vigilant et de tout son troupeau et constitue un présage favorable de votre piété envers Dieu ainsi que de la concorde et de la prospérité publiques.

Ce temple, le plus imposant de la cité, sorti du sol par le travail et la ferveur de tout un peuple, comptant de la base au sommet un nombre infini de pierres, de colonnes et d'arcs, enrichi par les siècles écoulés de tant d'ornements variés et précieux, suggère splendidement le visage de l'Église, édifice vivant dont le Christ est la pierre angulaire et dont les fidèles représentent les parties.

N'est-il pas vrai que dans les temples sacrés de ce genre Dieu Dui-Même caché au tabernacle de l'autel, le signe sacré de la Croix qui domine l'ensemble, les merveilleux autels consacrés, les rappels de l'Ancien et du Nouveau Testament, les visages doucement bienveillants des anges et des saints, les somptueux monuments funéraires des princes et des aïeux, et le jeu même des ombres et des lumières incitent l'homme pénitent, par une pression à la fois suave et puissante, à pleurer ses péchés, à implorer les bienfaits de Dieu, à atténuer les aspérités de cette vie mortelle, à éveiller enfin dans son âme, abattue et affligée l'espoir même de l'immortalité?

Alors l'ordonnance magnifique de l'édifice, la parure et la majesté des ministres, les pompes splendides, les instructions concernant les mystères de Dieu, les diverses cérémonies solennelles des rites sacrés ainsi que les accords harmonieux des orgues et des voix ont coutume de remplir les coeurs des assistants d'une émotion douce et intime ! Elles sont certes dignes d'être rappelées ces paroles du pénitent Augustin que nous rapportent les Confessions : « Je confesse tes bienfaits, Seigneur Dieu, créateur de toutes choses, et tout puissant à réformer nos vices. Comme j'ai pleuré en écoutant les hymnes et cantiques, profondément ému par la voix suave de l'Église ! Cette voix frappait mes oreilles et aussitôt la vérité se répandait dans mon coeur : de là prenait naissance un flot de dévotion et mes larmes coulaient : bienheureux étais-je avec elles ! » (IX, 6).

C'est donc volontiers que Nous accordons notre recommandation et faveur aux saintes solennités qui se dérouleront bientôt dans la cathédrale Saint-Étienne. Nous ne doutons pas, en effet, que les bons chrétiens qui auront fréquenté à cette occasion la Maison de Dieu en stimulant leur piété et en rénovant leurs forces spirituelles, ne soient grandement restaurés et fortifiés par la grâce divine et ne puissent fidèlement exécuter les préceptes divins dans la vie domestique et civile. Afin que ce jour de fête apporte à votre peuple des fruits plus abondants de salut. Nous vous accordons la faculté de bénir en Notre nom et par Notre autorité les fidèles présents au terme de la Messe Pontificale et de leur accorder l'indulgence plénière aux conditions habituelles de l'Église. Comme présage de ces dons célestes et en gage de Notre affection toute particulière, Nous vous accordons bien amicalement en Dieu la Bénédiction Apostolique, à vous, à votre clergé ainsi qu'à tout votre peuple.


DISCOURS A SON EXC. M. JOACHIM RUIZ-GIMENEZ CORTÈS

Ambassadeur d'Espagne 1 (12 décembre 1948) 2

La discrète présentation que Votre Excellence vient de Nous faire d'EUe-même n'aurait pas été nécessaire, s'il ne se fut agi d'une très opportune référence personnelle, car il ne s'était pas effacé de Notre mémoire le souvenir de son intelligente activité en face de l'organisation internationale des intellectuels catholiques; de cette activité, la promotion à la haute charge qu'EUe commence à exercer en ce moment, peut être considérée comme le prix et la couronne.

A cause de cela, en l'accueillant comme le successeur d'un expert et prudent diplomate, qui Nous laisse un si agréable souvenir, et en recevant les Lettres de Créance qui l'accréditent comme le Représentant du Chef de l'État Espagnol3, Nous Nous réjouissons d'une manière spéciale, car Nous connaissons déjà les très nobles idéaux qui ont été le guide et le but de la multiple activité organisatrice, directrice et professorale, qui ont rempli la vie, pas encore tellement longue, de Votre Excellence.

Parmi tous ces sublimes idéaux, Monsieur l'Ambassadeur, un Nous semble les résumer tous : apporter au monde intellectuel les bienfaits de la vérité catholique, afin qu'ensuite celui-ci, faisant de cette vérité l'origine de son inspiration, la source de sa fécondité et le centre de son unité, puisse les communiquer — du haut de la chaire ou de la tribune, dans les pages du livre, de la revue ou du. journal — à l'humanité assoiffée, afin qu'elle trouve en cette doctrine salutaire la source inépuisable de la vérité, le principe de tout progrès authentique et la base de toute harmonie stable et durable.

Votre Excellence, en expert connaisseur de l'ambiance où Elle vit, sait qu'il ne manque pas aujourd'hui non plus d'esprits droits, qui cherchent sincèrement la lumière pour eux-mêmes, la fraternité pour ceux qui vivent ensemble dans les mêmes frontières et, pour les relations entre les peuples, l'accord et la paix. Mais peut-être aussi aura-t-Elle déploré plus d'une fois que ces efforts s'estompent dans le mirage des vérités apparentes, sous les dogmatismes raisonneurs de fausses conceptions, entre les broussailles enchevêtrées des concupiscences ou dès exigences du moment, qui ne semblent tenir compte que de ses propres intérêts ou de la prompte libération du compromis actuel. On dirait que les grandes normes, les éternels principes, n'existent pas pour eux, et pour cela même leurs efforts sont voués à la stérilité.

Après tout cela, Monsieur l'Ambassadeur, vous comprendrez mieux encore avec quelle satisfaction Nous vous avons entendu faire allusion à une jeunesse espagnole et à un peuple espagnol qui veulent toujours garder devant les yeux la vérité catholique, pénétrant la vie publique et sociale de tous et de chacun, inspirant les décisions de ses plus hauts Conseils et vivifiant toutes les manifestations d'une Nation qui se glorifie d'être et de paraître une fille fidèle de l'Eglise et de ce Saint Siège Apostolique. Mais Nous, si Votre Excellence y consent, Nous ajouterions qu'il fallait qu'il en fût ainsi, parce que à cette vérité, comme il a été justement observé, cette Nation doit la cohésion même de sa précoce nationalité, l'inspiration de ses grands artistes, les recherches de ses profonds penseurs, les très hautes envolées de ses incomparables mystiques et jusqu'à une bonne partie de cet élan qui la poussa à rompre avec les limites du connu pour pouvoir apporter cette doctrine et ce salut à un Monde Nouveau, que Votre Excellence vient de parcourir et où Elle a dû pouvoir constater que le plus précieux héritage que la Mère Patrie a légué à ses filles est la fidélité sans réserve au Christ et à son Église.

Puissent ces grandes vérités de notre sainte Religion, Monsieur l'Ambassadeur, s'enfoncer chaque jour davantage dans l'âme du peuple espagnol, contribuant à l'élévation constante, morale et matérielle de ses plus humbles classes, comme elle constitue Notre incessante préoccupation ; conservant dans la vie familiale le précieux héritage des anciennes traditions; fermant l'entrée à la convoitise des richesses — tentation facile en des temps difficiles —; amortissant les haines et conduisant, en tout, à pleine maturité son riche printemps spirituel. Ainsi l'Église, se servant aussi du généreux appui que ses oeuvres rencontrent parmi vous, libre des préoccupations et d'entraves, fera constater une fois de plus l'efficacité de sa doctrine au service du bonheur terrestre et supraterrestre, de la prospérité et de la paix.

Soyez donc le bienvenu, Excellentissime Seigneur, et soyez assuré que vos souhaits d'intensifier les relations extérieures entre votre patrie et ce Siège apostolique, trouveront en Nous la plus ardente correspondance. Et pour ce labeur, de même que pour le commun effort en faveur de la pacification du monde et pour tout ce qui peut concerner le meilleur accomplissement de votre mission, vous pouvez être certain de trouver sans cesse en Nous l'accueil le plus bienveillant.


DISCOURS LORS DE LA RÉCEPTION DE M. LOUIS EINAUDI Président de la République Italienne (15 décembre 1948) \21

Par voie de plébiscite la monarchie était supprimée1 en Italie en juin 1946. Dès lors une république était instaurée dont le premier Président3, M. Louis Einaudi, fut élu le 11 mai 1948 4.

C'est avec la plus grande joie que Nous vous accueillons dans le Palais du Vatican et vous saluons chaleureusement, vous, à qui a été confié le gouvernement suprême de la République italienne et qui venez ici en compagnie du Ministre des Affaires Étrangères 5 et autres illustres personnalités.

Ce sont les qualités eminentes dont s'orne votre esprit, spécialement votre habileté consommée en choses financières, votre sagacité dans les décisions et les connaissances que vous avez en matière juridique qui, adjointes aux preuves que vous avez fournies de votre mérite patriotique, vous ont élevé à cette dignité accompagné du consentement et des applaudissements de vos concitoyens. Et cette marque de confiance qu'on vous témoigne doit être appréciée à sa juste valeur dans

2. Les résultats du plébiscite du 2 juin 1946 furent les suivants : 12.717.923 votes en faveur de la République, 10.719.284 votes en faveur de la Monarchie.

les temps troublés que nous vivons alors que les plaies d'une terrible guerre ne sont pas encore pansées et que la plupart des peuples vivent courbés sous une terreur diffuse. Or, c'est par une très large majorité que députés et sénateurs vous ont élu et vous ont estimé digne de la plus haute charge de l'État.

Nous vous félicitons donc de tout coeur et souhaitons que sous votre direction, notre chère Italie répare au plus tôt les ruines que lui a infligées une guerre funeste, pour le réconfort de tous et spécialement des pauvres et des faibles, et accomplisse cette mission qui lui est assignée par une décision divine que l'histoire confirme et que sa position géographique même va jusqu'à déterminer.

Voisinant en effet, avec les trois races qui se partagent l'espèce humaine, elle paraît être le port d'attache de presque toutes les nations afin de les allier par une entente amicale et de les réunir en une seule famille.

C'est là le rôle que Rome semble avoir assumé depuis les origines lorsque, la première, elle dressa l'étendard du Droit des Gens et sut s'associer les peuples vaincus. C'est ce rôle encore dont elle s'acquitta avec plénitude lorsqu'après la victoire du Christianisme, elle devint vraiment la maîtresse du monde entier; c'est ce rôle qu'elle continue de poursuivre en enseignant à toutes les nations qu'elles ont le même Père qui est Dieu, qu'elles ont été rachetées par le même sang du Christ et qu'elles sont destinées à la même patrie céleste. Appuyée sur ces mêmes principes, la paix, jadis exclue, visite aujourd'hui les nations, tandis que sont repoussées au loin les rivalités et les haines dont la cruelle tyrannie afflige les âmes durant ce conflit.

Une grande espérance nous est apparue que l'Italie, arrosée depuis près de deux mille ans par les flots de l'Évangile, puisse travailler courageusement à cette oeuvre sous votre direction et que bientôt elle ait réparé les dommages causés afin que Rome, notre commune patrie, salue à nouveau toutes les nations associées par un lien fraternel.

Cependant, Nous vous manifestons notre gratitude, Monsieur le Président, ainsi qu'à la noble nation italienne que Nous chérissons d'un amour paternel, pour l'hommage rendu au Vicaire du Christ et accordons bien volontiers à vous-même, à votre maison et à tous ceux qui travaillent sincèrement avec vous à relever le patrimoine de l'Italie et à consolider la paix, la Bénédiction apostolique, « présage de la lumière divine ».

1. D'après le texte latin des A. A. S., XXXXI, 1949, p. 216.

2. L'Allemagne vaincue et ruinée s'est vue divisée en multiples zones d'occupation militaire : les zones américaine, anglaise, française et soviétique. Dans cette dernière surtout les conditions sont particulièrement pénibles; l'Église y voit son action entravée,

Partout en Allemagne c'est la détresse économique qui entraîne d'ailleurs avec elle une décadence morale.

LETTRE A L'ÉPISCOPAT ALLEMAND (20 décembre 1948)\21

Si l'éloquente lettre que vous Nous avez écrite, plus avec le coeur qu'avec la main, lors de votre réunion ordinaire près du tombeau de Saint Boniface, Nous a affligé d'une douleur indicible sur le sort pénible de votre patrie *, elle a également rempli Notre âme de consolations de par votre confiance indéfectible en Dieu, votre sollicitude pastorale et votre union inébranlable avec la chaire Apostolique.

Vous êtes certes dignes de toute louange et méritez d'être proposés en exemple à tous les catholiques, vous qui n'avez en rien relâché les liens qui vous unissaient au Saint-Siège du Bienheureux Pierre, malgré l'ampleur de vos tribulations et de vos inquiétudes. Bien plus, vous avez solidement renforcé cette union grâce à la conscience avivée que vous avez de vos devoirs et à l'ardeur accrue de votre volonté, au moment où des ennemis acharnés de Dieu et de ses oeuvres s'efforcent de détruire parmi les chrétiens les liens sacrés de l'Église partout où s'est apaisée la tempête de la guerre, éternelle pourvoyeuse de ruines et de destructions : ils cherchent ainsi à séparer les membres de leur chef au mépris des droits divins et humains, afin qu'à la manière des sarments arrachés de leur cep, ils dessèchent misérablement.

Or, Nous avons en cette année, des témoignages splendides de l'attachement de la Hiérarchie sacrée à la Chaire de Rome : beaucoup d'entre vous s'en sont venus en effet au tombeau des

Apôtres et Nous ont fait part de leurs impressions tandis que plusieurs évêques d'autres pays se sont réunis à vous à Cologne *, formant ainsi une escorte magnifique à Notre Cardinal Dégât « a latere ». Tout cela donne la preuve la plus éclatante de l'unité et de la catholicité de l'Église.

Nous avons appris, par contre, combien votre patrie souffre aujourd'hui de ses nombreuses et pesantes charges et difficultés, elle qui ne jouit pas encore de la paix souhaitée. Nous Nous sommes souvenu alors des paroles du Seigneur émises par le Prophète Jérémie : « Nous avons entendu la voix de la terreur : il y a de la crainte, il n'y a pas de paix. » (XXX, 5) Sans paix ne peut subsister aucun ordre dans la société humaine, ni public ni privé, ni civil ni domestique, ni juridique ni économique. Que de dommages dans l'activité des entreprises commerciales et industrielles, dans les transactions du négoce, dans les variations de la monnaie et des prix ! Que de dommages plus graves encore dans la vie morale et religieuse, surtout dans les devoirs de piété envers Dieu, les liens sacrés du mariage, la restauration des institutions d'éducation et de charité catholiques.

Et s'il faut déplorer les immenses catastrophes découlant du nationalisme exacerbé et de la guerre atroce qui en est la conséquence, maux qui se sont répandus profondément et sur une large échelle, on ne peut néanmoins sous-estimer les dangers actuels provenant eux d'autres erreurs sur la fin et l'usage de cette vie mortelle, et du progrès de la culture humaine dont le fondement principal est placé dans les biens instables et caducs.

Mais votre Dettre ne manque pas cependant de sujets très réconfortants de consolation et d'encouragement. Dans la mesure même où les peines et les angoisses du peuple allemand deviennent plus grandes, ainsi s'accroissent le zèle et l'ardeur de vos efforts pastoraux. Nous ne doutons pas que la force et la valeur de vos âmes ne soient capables de résoudre les nouvelles difficultés qui pourraient s'opposer à la foi et aux moeurs. Des projets et les décisions élaborés à la réunion de Fulda parviendront ainsi à un succès heureux et consolant.

Un point semble aujourd'hui aiguiser et renforcer votre charité et celle de tout le clergé allemand : il s'agit de la nécessité de pourvoir de l'aide et des ressources du ministère sacré les réfugiés, soit allemands qui restent dans la dispersion; soit étrangers, qui ayant perdu parfois leurs proches, leurs biens et leurs maisons, doivent vivre pêle-mêle sous des tentes au milieu des champs, traînant là une vie profondément misérable. Tous les bons allemands et surtout les dirigeants et membres de l'Action Catholique se doivent de tourner les yeux vers ce genre de nécessiteux afin de leur fournir toute l'aide religieuse et charitable qu'ils peuvent désirer.

En ce temps de difficultés et d'épreuves que les fils généreux de la Germanie se souviennent des paroles de Saint Augustin, invitant toutes les consciences à se scruter elles-mêmes : « Quelle est la source de notre peine sinon que nous sommes des hommes mortels, frêles, infirmes, porteurs de vases de boue et qui nous dressons mutuellement des embûches? Mais si notre chair supporte l'épreuve, notre esprit s'en trouvera libéré. » (Sermon DXIX de Verbis Domini X n0 i, MD 38, 440-441.)

En outre, Nous plaçons avec vous, chers fils et vénérables Frères, notre confiance dans le travail généreux et enthousiaste par lequel tous les chrétiens viendront en aide à vos préoccupations afin qu'ils puissent collaborer au bien des âmes et à leur salut éternel.

\ Nous adressons de grand coeur nos voeux les plus fervents

aux efforts conjugués des fidèles et du peuple allemand, spécialement en matière religieuse et morale : que la paix joyeuse se lève enfin; qu'elle restitue à leurs familles qui les attendent depuis si longtemps, tant de milliers d'hommes gisant encore dans une malheureuse captivité, cette paix qui peut fournir 1'auspice et le moyen de la concorde paisible et du travail fructueux à votre peuple, à l'Europe et à l'ensemble des nations.

A ces voeux et souhaits, en gage de l'aide céleste et comme témoignage de Notre affection pour vous, Nous vous accordons cordialement dans le Seigneur la Bénédiction Apostolique à chacun de vous, chers Fils et vénérables Frères, ainsi qu'à tout le clergé et le troupeau confié à votre vigilance.


RADIOMESSAGE AU MONDE (24 décembre 1948.)

1

Il est de tradition que le 24 décembre, le doyen du Sacré-Collège* présente au nom des Cardinaux ses voeux de Noël et de Nouvel An au Saint-Père. Le Pape répond par une allocution qui est rendue publique. Depuis le Pontificat de Pie XII, ces allocutions sont radiodiffusées 3 ; elles ont un grand retentissement à travers le monde.

Celle de 1948 a pour thème: Invitation aux chrétiens:

— à demeurer fermes dans la foi, au milieu des difficultés et des persécutions ;

— à promouvoir un ordre social véritable;

— à favoriser la vraie paix entre les nations.

Le Pape annonce aux chrétiens qu'il a reçu le mandat de déclarer la vérité, de faire la lumière devant les problèmes qui se posent aujourd'hui.

Graves et tendres à la fois, comme le testament et le salut d'adieu d'un père très aimant, les paroles du divin Rédempteur à son premier Vicaire sur la terre : « Confirma fratres tuos » (Luc. XXII, 32) « Affermis tes frères ! » n'ont pas cessé de résonner dans Notre esprit et dans Notre coeur depuis le jour où, dans son inscrutable dessein, il voulut confier à nos faibles mains le gouvernail de la barque de Pierre.

Paroles immortelles profondément gravées au plus intime de Notre âme, elles se font encore plus pénétrantes chaque

2. En 1948, le doyen du Sacré-Collège est son Eminence le Cardinal Marchetti-Selvaggiani.

fois que dans l'exercice du ministère apostolique, Nous avons à communiquer à l'épiscopat et aux fidèles du monde les enseignements, les normes et les exhortations que le plein accomplissement de la mission salvatrice de l'Église requiert, et qui, sans préjudice de leur immutabilité substantielle, doivent cependant s'adapter avec opportunité aux circonstances toujours changeantes et à la variété des temps et des lieux.

Pie XII est revêtu du suprême Pontificat depuis dix ans 1. Durant ce laps de temps, marqué par des épreuves extraordinaires, le Pape a réalisé sans défaillance sa tâche de Maître: 1

Mais c'est avec une émotion et une intensité particulièrement vives que Nous éprouvons en Nous-même la force de ce divin commandement en cet instant où, pour la dixième fois, Nous adressons Notre message de Noël à vous, chers Fils et Filles de l'univers — à la fin d'une période qui, par les événements et les bouleversements, par les épreuves et les sollicitudes, par les amertumes et les douleurs, n'a pas son égale dans les siècles de l'histoire humaine.

En 1947, le Saint-Père souhaitait que l'année 1948 fût marquée par l'avènement de la paix véritable2: ...

Quand, à Noël dernier, Nous demandions en cette même occasion vos prières et votre collaboration, Nous exprimions le souhait que l'année 1948, alors commençante, fût pour l'Europe et pour toute la société des peuples tourmentée par tant de divisions une année d'activé reconstruction, le commencement d'une marche rapide vers une vraie paix.

Un an après on est à même de faire le point :

Aujourd'hui, au terme d'une année qui s'était ouverte avec tant d'espérances, Notre voix paternelle vous invite de nouveau, vous, esprits droits et réfléchis, vous, chrétiens sincères, à considérer quelle est à présent la condition de l'humanité et de la chrétienté, et quel est le moyen pour avancer d'un pas ferme et franc dans le sentier que la dure nécessité des temps non moins que votre conscience vous montrent clairement.

Il faut avouer que l'année 1948 fut sombre 1 :

Quiconque a de la clairvoyance, de la force morale et le courage de regarder les yeux dans les yeux la vérité, fût-elle pénible et humiliante, doit bien reconnaître que cette année 1948, objet à son aurore, d'attentes élevées et bien compréhensibles, apparaît à son déclin (aujourd'hui) comme un de ces points cruciaux où le chemin qui laissait déjà entrevoir de joyeuses perspectives semble déboucher au contraire sur le bord d'un précipice dont les embûches et les périls remplissent d'une anxiété croissante tous les peuples nobles et généreux.

C'est dans de telles circonstances que le Pape est invité par l'Esprit-Saint à fortifier le troupeau universel des fidèles :

Et néanmoins, ou plutôt précisément à cause de cela, chers fils et filles, tandis que la pusillanimité commence à s'emparer même d'âmes courageuses et que les doutes assaillent les esprits les plus clairs et les plus résolus, Nous Nous sentons plus que jamais obligé de correspondre au commandement divin : « Affermis tes frères », et à vous tous, jusqu'aux extrémités du monde, Nous envoyons, comme Notre salut de Noël les paroles avec lesquelles le Prophète annonçait l'oeuvre de la Rédemption et la victoire définitive du Christ : « Fortifiez les mains défaillantes et affermissez les genoux chancelants. Dites aux pusillanimes : « Courage, ne craignez pas; voici votre Dieu... Il viendra et vous sauvera. » (Is. XXXV, 3-4-)

En ce jour, le Pape formule deux consignes très nettes:

a) Demeurez fidèles à la Foi;

b) Favorisez l'ordre social en pratiquant la justice et la charité:

Comme successeur de celui à qui fut adressée la promesse divine : « J'ai prié pour toi » (Duc XXII, 32), Nous savons bien quand la lutte avec les esprits des ténèbres est plus dure et entre dans des phases décisives et, humainement parlant, inquiétante, d'autant plus alors le Seigneur est proche de son Église et de ses fidèles. Profondément convaincu et conscient de cette assistance divine, Nous rappelons à tous ceux qui se glorifient du nom de chrétiens catholiques un double devoir sacré, indispensable à l'amélioration de la condition présente de la société humaine.

1. Une inébranlable fidélité au patrimoine de vérité que le Rédempteur a apporté au monde.

2. D'accomplissement consciencieux du précepte de la justice et de l'amour, présupposé nécessaire pour le triomphe sur la terre d'un ordre social digne du divin Roi de la paix.

L'année 1948 a vu — au milieu des épreuves — éclore des manifestations de vie spirituelle splendides 1.

Nous manquerions de reconnaissance envers le Tout-Puissant, qui donne toutes les grâces et produit tous les biens, si

Nous ne reconnaissions pas que l'année désormais écoulée, malgré toutes les anxiétés et toutes les douleurs, fut encore riche de saintes joies et de consolations, d'expériences heureuses et de succès encourageants. Ce fut une année durant laquelle chez tous les peuples et les nations, dans tous les pays et les continents, l'Église a donné des signes indubitables et splen-dides de vie, de force, d'activité, de résistance, de progrès rapides qui, non seulement justifient les plus radieuses espérances dans le domaine spirituel, mais aussi ont produit des fruits visibles dans les débats gigantesques où l'humanité se trouve mêlée dans la lutte pour sa guérison et sa pacification.

De grandes manifestations publiques ont montré que les catholiques entendent garder le droit de s'assembler et de jouer leur rôle dans la vie sociale : 1

Une magnifique série de solennités religieuses et de Congrès eucharistiques et mariaux, d'importants centenaires et de grandioses assemblées a montré à tout observateur impartial que ni la guerre, ni l'après-guerre, ni la ténacité des ennemis du Christ dans leur plan de désagrégation et de destruction, n'ont été en état d'atteindre, pour les dessécher et les contaminer, les sources pures auxquelles l'Église depuis près de vingt siècles, puise sa force vitale.

— en Chine : Lishui et Tali,

— De plus, trois exarchats apostoliques pour les Ruthènes au Canada (Edmon-ton, Winnipeg, Toronto),

— et 18 nouveaux vicariats apostoliques,

— 4 nouvelles préfectures apostoliques.

En particulier, les mouvements de jeunesse sont florissants 1 :

De toutes parts naît et bouillonne une vie nouvelle qui, particulièrement dans la jeunesse catholique, s'efforce de porter la vérité de l'Évangile et la force salutaire de sa doctrine dans tous les domaines de l'existence humaine pour le bien et le salut même de ceux qui jusqu'ici, à leur grand dommage, avaient fermé leurs coeurs à une action aussi bienfaisante.

L'Eglise a perdu au cours de la guerre beaucoup de fidèles, de prêtres, victimes des combats, des bombardements et des persécutions; celles-ci se prolongent dans l'après-guerre. Cependant les chrétiens résistent courageusement :

Des dures épreuves que l'Église a subies à cause de la guerre et de l'après-guerre, les pertes douloureuses et les graves dommages qui l'ont frappée n'ont fait que rendre plus fermes et encourageantes son énergie et sa résistance; battue par les tempêtes et par les flots, elle a conservé intacte, inviolée, sa vie substantielle, et dans tous les peuples où professer la foi chrétienne équivaut en réalité à souffrir persécution, il s'est trouvé et il se trouve toujours des milliers de braves, qui, impassibles au milieu des sacrifices, des proscriptions et des supplices, intrépides en face des chaînes et de la mort, ne fléchissent pas le genou devant le Baal de la puissance et de la force (cf. I Reg., 19, 18). De grand public ignore le plus souvent leurs noms, mais ceux-ci sont écrits en caractères indélébiles dans les annales de l'Église. C'est pour Nous un devoir de glorifier ces hommes fidèles et forts, ces hommes infatigables et valeureux, ces hommes élus et bénis de Dieu, pour qui les angoisses du temps présent, les douleurs et les larmes maternelles de l'Épouse du Christ ne sont ni scandale, ni sottise, mais occasion qui les incite puissamment à manifester non par les paroles, mais par les actes, la rectitude et le désintéressement de leurs sentiments, leur absolue fidélité, la générosité sublime de leur coeur. Des paroles manquent pour reconnaître dignement, pour exalter comme il le mérite l'héroïsme de ces plus fidèles parmi les fidèles. A chacun d'eux va l'expression de Notre louange et de Notre reconnaissance. De Seigneur

i. Les organisations de jeunesse catholique ont montré une activité particulière en Italie, Espagne, France, Belgique, Hollande.

qui a promis de se souvenir devant son Père céleste de ceux qui l'ont confessé devant les hommes (cf. Matth. X. 32), sera leur récompense éternelle.

Devant les difficultés et les épreuves il en est qui n'osent plus affirmer leur croyance et d'autres même qui la renient1.

Toutefois si la constance et la fermeté de tant de frères dans la foi est pour Nous une source de joie et de sainte fierté, Nous ne pouvons Nous soustraire à l'obligation de mentionner aussi ceux dont les pensées et les sentiments portent la marque de l'esprit et des difficultés de l'heure. Combien ont souffert quelque détriment ou même ont fait naufrage dans la foi et dans la croyance même en Dieu !

Même dans les pays où l'Église vit en pleine liberté, le laïcisme % continue à faire ses ravages, en atrophiant chez beaucoup la vie de la foi :

Combien, intoxiqués par une atmosphère de laïcisme, ou d'hostilité envers l'Église, ont perdu la fraîcheur et la sérénité d'une foi qui avait été jusqu'alors le soutien et la lumière de leur vie !

Ceux que les circonstances obligent à quitter leur terre natale, trop souvent en abandonnant la patrie, abandonnent la foi également : 3 :

D'autres brusquement déracinés et arrachés du sol natal, errent à l'aventure, exposés, spécialement les jeunes, à un affaiblissement spirituel et moral dont on ne saurait trop mesurer le danger :

L'Église a une profonde pitié pour ces masses désorientées:

D'oeil maternel de l'Église suit ces âmes temporairement perdues ou en danger, avec un amour vigilant et une sollicitude redoublée. Elle ne s'irrite pas; elle ne condamne pas. Elle attend : elle attend le retour de ces fils, anxieuse de trouver les moyens capables d'en hâter l'heure. Pour cela, elle ne recule

2. Dans l'Encyclique Quas Primas (11 décembre 1925) Pie XI parlant du laïcisme dit : « Cette peste qui a corrompu la société humaine. »

devant aucun sacrifice ; aucun effort n'est pour elle trop pénible dans un tel but.

L'Église est prête à adopter toutes les mesures qu'on lui présentera et qui sont efficaces pour ramener dans l'unique bercail du Christ ses enfants éloignés d'elle

— soit par les schismes et les hérésies anciennes,

— soit par les événements récents.

Il n'y a qu'un seul point, sur lequel l'Église demeurera intransigeante : elle maintiendra intègre le dépôt de la foi:

Elle est prête à tout. A tout, excepté une seule chose : qu'on ne lui demande pas d'obtenir le retour des fils séparés d'elle — soit dans les temps passés, soit récemment — au prix de quelque diminution ou obscurcissement que ce soit du dépôt de la foi chrétienne confié à sa garde. ,.,, »

Le patriarche Alexis de Moscou et chef de l'Église orthodoxe russe a lancé au cours des fêtes du 500e anniversaire de son autocéphalie, de violentes attaques contre la Papauté et l'Église catholique. Le Pape distingue :

— le peuple russe, ignorant aujourd'hui la liberté et ne pouvant par conséquent s'exprimer,

— et certains de ses chefs religieux qui, pour plaire aux autorités soviétiques, jugent bon de prononcer des paroles injurieuses pour l'Église catholique 1.

Un bref éclaircissement Nous semble opportun au sujet de certaines affirmations acerbes sorties des lèvres de quelques * dissidents contre l'Église catholique et la Papauté. Notre

devoir de charité et d'amour ne demeure certes pas diminué par les attaques ni par les injures. Nous savons distinguer entre les peuples, souvent privés de liberté, et les méthodes qui les régissent. Nous savons la servile dépendance que certains représentants de la confession appelée « orthodoxe » manifestent envers une conception dont le but final maintes fois proclamé est l'exclusion de toute religion chrétienne.

Célestin, sous la pression de la « capiteuse arrogance de ce monde » et d'autres motifs purement humains, dénaturé la véritable doctrine évangélique reçue du Seigneur par l'intermédiaire des saints apôtres, ces trompettes de l'Esprit-Saint » (Can. I. du VIIe Concile cec). Ayant méprisé l'injonction catégorique des Pères du VIe Concile oecuménique » de garder intacte de toute innovation la foi reçue par nous des témoins et serviteurs du Verbe, c'est-à-dire des apôtres choisis par Dieu » (Can. I du VIe Con. cec. comp. can. du VIIe Concile cec), les évêques de Rome ont altéré la pureté de la doctrine de l'antique Orthodoxie universelle par des dogmes d'apparition récente à savoir : le Filioque, l'Immaculée conception de la Mère de Dieu et principalement, la doctrine absolument anti-chrétienne sur la primauté du pape de l'Église et sur son infaillibilité.

Én introduisant cette innovation antichrétienne, les évêques de Rome ont porté un énorme préjudice à l'unité de l'universelle Église du Christ et, plus généralement à l'oeuvre de l'édification ici-bas du salut des hommes.

Les Pères du VIe Concile oecuménique (can. I du VIe conc. OEc.) prévoyant le mal énorme qui feraient à l'Église les innovations dogmatiques, « ont absolument décidé de ne rien ajouter, ni de rien retrancher « aux saints dogmes fixés par les six conciles oecuméniques (comp. can. I du VIIe Concile oec). Et c'est pourquoi ce n'est pas nous, mais les pieuses lèvres des Pères des Conciles CEcuméniques qui prononcent maintenant la condamnation de la Papauté romaine pour tous les dogmes romains nouvellement introduits, dogmes qui sont des inventions purement humaines, n'ayant de fondement ni dans la Sainte Ecriture, ni dans la Sainte tradition, ni dans la littérature patristique et l'histoire de l'Église.

Le monde tout entier, ainsi que tous les catholiques véritablement croyants, doivent prendre conscience de l'abîme vers lequel les conduit la Papauté contemporaine.

C'est pourquoi tous les chrétiens, sans distinction de nationalités ni de confessions, ne peuvent s'abstenir de stigmatiser la politique du Vatican, comme antichrétienne, antidémocratique et antinationale.

Nous prions ardemment le Pasteur suprême, Notre-Seigneur Jésus-Christ d'éclairer de la lumière de Sa doctrine divine la Hiérarchie catholique et de l'aider à prendre conscience de cet abîme de péché dans lequel elle a fait tomber l'Église d'Occident tant par ses innovations doctrinales sur la primauté et l'infaillibilité du Pape que par l'utilisation qu'elle fait de l'Église au service des intérêts de la lutte politique. »

On trouvera le texte complet des Résolutions de la Conférence ecclésiastique de Moscou (juillet 1948) dans Russie et Chrétienté, cahier n° 3-4, 1948, pp. 56 et seq.

Certains peuples soumis au joug soviétique ont dû officiellement apos-tasier1.

Nous n'ignorons pas l'amer chemin que doivent parcourir tant de Nos chers fils et filles qu'un système de violence ouverte a poussés à se séparer formellement de l'Église-mère à laquelle les unissaient leurs convictions les plus intimes. C'est avec un coeur ému que Nous admirons l'héroïque fermeté des uns; avec une profonde douleur et un amour paternel non diminué que Nous voyons les angoisses spirituelles d'autres dont la force extérieure de résistance a cédé sous l'excès d'une injuste pression et a extérieurement subi une séparation que leur coeur déteste et que leur conscience condamne.

Dans le monde, le chrétien n'est pas un transfuge qui fuit les responsabilités.

Da fidélité du chrétien catholique au patrimoine divin de vérité laissé par le Christ au magistère de l'Église ne le condamne en aucune manière—comme bien des gens le croient ou affectent de le croire — à une réserve défiante ou à une froide indifférence en face des devoirs graves et urgents de l'heure présente.

Le chrétien doit s'engager, au contraire, dans la vie sociale, il a pour le soutenir dans les difficultés:

— l'exemple du Christ qui vint s'incarner pour sauver les hommes,

— la loi d'amour qui oblige les chrétiens à aider tous les hommes,

— le sens social qui se dégage de l'Évangile même,

— l'exemple des siècles antérieurs où les chrétiens ont toujours eu partout une heureuse influence sociale,

— les directives précises des Souverains Pontifes qui depuis cinquante ans dictent aux chrétiens leurs devoirs sociaux:

Au contraire, l'esprit et l'exemple du Seigneur qui vint chercher et sauver ce qui était perdu, le précepte de l'amour en général, le sens social qui rayonne la bonne nouvelle, l'histoire de l'Église qui montre comment celle-ci a toujours été le plus ferme et constant soutien de toutes les forces du bien et de la paix, les enseignements et les exhortations des Pontifes romains, spécialement pendant les dernières dizaines d'années, sur la conduite des chrétiens envers leurs semblables, la société et l'État, tout cela proclame l'obligation du croyant de s'occuper, selon sa condition et ses possibilités, avec désintéressement et courage, des questions qu'un monde éprouvé et agité doit résoudre dans le domaine de la justice sociale, non moins que dans l'ordre international du droit et de la paix.

Aujourd'hui les devoirs sociaux des chrétiens sont clairs:

i° Aider ceux qui sont dans le besoin, en leur -procurant de meilleures conditions de vie,

2° Promouvoir l'ascension de la classe ouvrière,

3° Transformer le régime économique en combattant les abus du capitalisme,

4° Favoriser la fraternité entre les peuples en luttant contre le nationalisme exagéré.

Un chrétien convaincu ne peut se confiner dans un commode et égoïste « isolationisme », quand il est témoin des besoins et des misères de ses frères, quand l'atteignent les demandes de secours des économiquement faibles, quand il connaît les aspirations des classes ouvrières vers des conditions de vie plus normales et plus justes, quand il est conscient des abus d'une conception économique qui met l'argent au-dessus des obligations sociales, quand il n'ignore pas les déviations d'un nationalisme intransigeant, qui nie ou foule aux pieds la solidarité entre les différents peuples, solidarité qui impose à chacun des devoirs multiples envers la grande famille des nations.

Si les hommes sont d'abord groupés en États, il faut qu'ils sachent qu'au delà ils sont aussi membres de la vaste communauté qui englobe les

peuples :

Da doctrine catholique sur l'État et la société civile s'est toujours fondée sur le principe que selon la volonté divine les peuples forment ensemble une communauté ayant un but et des devoirs communs.

C'est pourquoi l'Église a toujours proclamé:

i° Que l'État ne peut jamais revendiquer pour lui une souveraineté

absolue,

2° Que l'État a des devoirs vis-à-vis de la communauté des peuples:

Même en un temps où la proclamation de ce principe et de ses conséquences pratiques soulevait de véhémentes réactions, l'Église a refusé son consentement à la conception erronée d'une souveraineté absolument autonome et exempte des obligations sociales.

Les catholiques soutiennent loyalement les efforts faits sur le plan international pour donner davantage aux peuples cette conscience qu'ils forment une même communauté 1.

De Chrétien catholique, convaincu que tout homme est son prochain et que tout peuple est membre, avec des droits égaux, de la famille, des nations, s'associe de grand coeur à ces généreux efforts dont les premiers résultats peuvent être bien modestes, et dont les manifestations se heurtent souvent à des oppositions et des obstacles puissants mais qui tendent à faire sortir chacun des États des étroitesses d'une mentalité égocentrique, mentalité qui a eu une part prépondérante de responsabilité dans les conflits du passé, et qui, si elle n'était finalement vaincue ou au moins freinée, pourrait conduire à de nouvelles conflagrations, peut-être mortelles pour la civilisation humaine.

Aujourd'hui, la paix demeure gravement menacée:

Jamais depuis la cessation des hostilités, les esprits ne se sont sentis comme aujourd'hui accablés par le cauchemar d'une nouvelle guerre et par le désir ardent de la paix. x

Il y a en effet, deux tendances idéologiques fausses qui toutes deux minent à la guerre:

i° Certains préparent d'importantes forces armées pour défendre la paix :

Ils se meuvent entre deux pôles opposés. Des uns reprennent l'antique dicton, non entièrement faux, mais qui se prête à être mal compris et dont on a souvent abusé : Si vis pacem, para bellum : Si tu veux la paix prépare la guerre.

20 D'autres préconisent le désarmement total afin d'éviter toute guerre:

D'autres pensent trouver le salut dans la formule : la paix à tout prix !

Le Pape montre l'erreur de ces deux thèses :

Des uns et les autres veulent la paix, mais les uns et les autres la mettent en danger; les uns parce qu'ils suscitent la méfiance, les autres parce qu'ils encouragent l'assurance de ceux qui préparent l'agression. Des uns et les autres par conséquent compromettent sans le vouloir la cause de la paix, précisément en un temps où l'humanité, écrasée sous le poids des armements, angoissée par la prévision de conflits nouveaux et plus graves, tremble à la seule pensée d'une future catastrophe.

Il est donc important de mettre en pleine lumière les principes qui doivent dominer les efforts de ceux qui veulent fonder la vraie paix:

C'est pourquoi Nous voudrions indiquer brièvement quels sont les caractères d'une vraie volonté chrétienne de paix.

i° La vraie paix est fondée sur la croyance en Dieu, auteur de la paix.

Da volonté chrétienne de paix vient de Dieu. Il est le « Dieu de la paix » (Rom. XV, 33) ; il a créé le monde pour être un séjour de paix; il a donné son commandement de paix, de cette tranquilhté dans l'ordre, dont parle Saint Augustin.

C'est pourquoi cette paix s'acquiert:

— par la prière,

— par l'amour.

Da volonté chrétienne de paix a, elle aussi ses armes. Mais les principales sont la prière et l'amour : la prière constante au Père céleste, Père de nous tous; l'amour fraternel entre tous les hommes et tous les peuples, comme étant fils du même Père qui est dans les deux, l'amour qui avec la patience réussit toujours à se tenir disposé et prêt à s'entendre et à s'accorder avec tous.

Ces deux armes viennent de Dieu, et là où elles manquent, là où on ne sait que manier les armes matérielles, il ne peut y avoir de vraie volonté de paix, car ces armes purement matérielles suscitent nécessairement la méfiance et créent un climat de guerre. Qui ne voit donc combien il est important pour les peuples de conserver et de renforcer la vie chrétienne, et combien grave est leur responsabilité dans le choix et dans la surveillance de ceux à qui ils confient la disposition immédiate des armements.

2° La faix véritable n'est fas le fruit de la, force ; les chrétiens ne sont fas f artisans de l'orgueil national:

Da volonté chrétienne de paix est facilement reconnaissable. Obéissante au commandement divin de la paix, elle ne fait jamais d'une question de prestige ou d'honneur national un cas de guerre, ou même seulement une menace de guerre. Elle se garde bien de poursuivre avec la force des armes la revendication de droits qui, si légitimes soient-ils ne compensent pas le risque de susciter un incendie avec toutes ses effrayantes conséquences spirituelles et matérielles.

Dès lors les chrétiens ont de graves devoirs en ces matières : c

— dans l'éducation de la jeunesse;

— dans la formation de l'ofinion fublique.

Ici également se manifeste la responsabilité des peuples dans les problèmes capitaux de l'éducation de la jeunesse, de la formation de l'opinion publique, que les méthodes et les moyens modernes rendent aujourd'hui si impressionnante et si changeante, dans tous les domaines de la vie nationale. Actuellement cette action doit s'exercer assidûment afin de renforcer la solidarité de tous les États pour la défense de la paix.

Positivement, il faut fromouvoir [la vraie faix far tous les moyens d'influence dont on dis f ose.

Négativement il faut dénoncer ceux qui frovoquent le trouble, générateur de guerre :

Tout violateur du droit doit être mis, comme perturbateur de la paix dans une solitude infamante au ban de la société civile. ¦

C'est avant tout à l'Organisation des Nations-Unies à fromouvoir cette vraie faix :

Puisse « l'Organisation des Nations-Unies » devenir la pleine et pure expression de cette solidarité internationale de paix,

effaçant de ses statuts tout vestige de son origine qui était nécessairement une solidarité de guerre.

3° Ces grands principes doivent se traduire concrètement.

En particulier, il y a aujourd'hui des pays qui, par leur étroitesse géographique et leur pauvreté économique ne peuvent vivre. Si on veut éviter la guerre, il faut leur procurer le moyen de vivre normalement:

Da volonté chrétienne est pratique et réaliste. Son but immédiat est d'écarter ou au moins de diminuer les causes de tension qui aggravent moralement et matériellement le péril de guerre. Ces causes sont, entre autres, principalement la relative étroitesse du territoire national et la pénurie des matières premières.

Dès lors, pratiquement, il faut mener une politique :

a) Qui permette aux pays surpeuplés d'envoyer leur surcroît de population s'installer dans d'autres pays.

Au lieu d'expédier à très grands frais les aliments aux populations réfugiées, amassées tant bien que mal en quelque lieu, pourquoi ne pas faciliter rémigration et l'immigration des familles, en les dirigeant vers les régions où elles trouveront plus facilement les vivres dont elles ont besoin?

b) Qui favorise la production sans entraves exagérées des biens nécessaires :

Et au lieu de restreindre souvent sans de justes motifs la production, pourquoi ne pas laisser au peuple la possibilité de produire selon sa capacité normale et de manière à gagner son pain quotidien comme fruit de son activité plutôt que de le recevoir comme un don?

c) Qui développe les échanges entre pays en laissant libre accès aux matières premières:

Finalement au Heu de dresser des barrières pour empêcher réciproquement l'accès aux matières premières, pourquoi ne pas en rendre l'usage et l'échange Hbres de toutes les entraves non nécessaires, de celles surtout qui créent une dangereuse inégahté de conditions économiques?

4° Il faut du courage pour vouloir maintenir et défendre la -paix. Ceux qui voudraient porter atteinte à l'intégrité nationale doivent savoir qu'ils trouveraient des hommes résolus à se défendre contre toute agression; le chrétien doit non seulement défendre son pays, mais aller au secours de ceux qui sont injustement attaqués. Le Pape condamne ici le principe de non-intervention :

Da vraie volonté chrétienne de paix est force et non faiblesse ou résignation fatiguée. Elle ne fait qu'un avec la volonté de paix du Dieu tout-puissant et éternel. Toute guerre d'agression contre ces biens que l'ordonnance divine de la paix oblige sans conditions à respecter et à garantir, et donc aussi à protéger et à défendre est péché, délit et attentat contre la majesté de Dieu, créateur et ordonnateur du monde. Un peuple menacé ou déjà victime d'une injuste agression, s'il veut penser et agir chrétiennement, ne peut demeurer dans une indifférence passive; à plus forte raison la solidarité de la famille des peuples interdit-elle aux autres de se comporter comme de simples spectateurs dans une attitude d'impassible neutralité. Qui pourra jamais mesurer les dommages déjà occasionnés dans le passé par une telle indifférence, bien étrangère au sentiment chrétien, envers la guerre d'agression? Combien elle a fait éprouver plus vivement le sentiment du manque de sécurité chez les « grands », et par-dessus tout chez les « petits » ! A-t-elle en compensation apporté quelque avantage? Au contraire elle n'a fait que rassurer et encourager les auteurs d'agression, mettant chacun des peuples, abandonnés à eux-mêmes, dans la nécessité d'augmenter indéfiniment leur armement.

Certains pacifistes défendent la paix pour des motifs sentimentaux ; les chrétiens défendent la paix en vertu de leur foi et de leur morale, autant les premiers sont faibles autant les seconds sont forts :

Appuyée sur Dieu et sur l'ordre établi par lui, la volonté chrétienne de paix est donc forte comme l'acier. Elle est d'une bien autre trempe que le simple sentiment d'humanité, trop souvent fait de pure impressionnabilité, qui ne déteste la guerre qu'à cause de ses horreurs et de ses atrocités, de ses destructions et de ses conséquences, et non pas aussi à cause de son injustice. A un tel sentiment, empreint d'eudémonisme1 et d'utilitarisme, et d'origine matérialiste, manque la solide base d'une obligation étroite et inconditionnée. Il crée le terrain dans lequel prennent racine l'illusion trompeuse du stérile compromis, la tentative de se sauver aux dépens d'autrui et en tout cas la fortune de l'agresseur.

Ces théories sont fausses car ce n'est pas:

— la somme des douleurs prévues par la guerre,

— ni l'intérêt qu'on aura à retirer de la guerre, qui dictent si la guerre est licite ou non ;

Cela est si vrai que ni la seule considération des douleurs et des maux dérivant de la guerre ni le dosage soigné de l'action et de l'avantage ne sont finalement capables de déterminer s'il est moralement licite ou même en telles circonstances concrètes obligatoires (pourvu toujours qu'il y ait probabilité fondée de succès) de repousser l'agresseur avec la force.

C'est en vertu d'une régie de morale — d'origine divine — que la paix est fondée ou que la guerre devient juste:

Une chose cependant est certaine : le précepte de la paix est de droit divin. Sa fin est de protéger les biens de l'humanité en tant que biens du Créateur. Or, parmi ces biens, il en est de telle importance pour la communauté humaine que leur défense contre une agression injuste est sans aucun doute pleinement justifiée. Cette défense s'impose également à la solidarité des nations, qui a le devoir de ne pas abandonner le peuple victime d'une agression. D'assurance qu'un tel devoir ne demeurera pas sans être rempli servira à décourager l'agresseur et par suite à éviter la guerre, ou du moins, dans la pire des hypothèses, à en abréger les souffrances.

Ainsi le proverbe : « Si tu veux la paix prépare la guerre » demeure avec un sens meilleur, comme aussi la formule : « la paix à tout prix. » Ce qui importe, c'est de vouloir sincèrement et chrétiennement la paix.

Le sentiment nous dicte d'éviter les horreurs de la guerre; la raison nous dit, avec plus de force encore, que la guerre est un fléau :

Nous y sommes poussés sans doute par la vue des ruines de la dernière guerre, par la condamnation silencieuse qui

s'élève des grands cimetières où s'alignent en files interminables les tombes de ses victimes, par la nostalgie encore inapaisée des prisonniers et des exilés, par l'angoisse et l'abandon de nombreux détenus politiques, las d'être injustement poursuivis. Mais plus encore doivent nous inciter la voix puissante du précepte divin de la paix et le regard doucement pénétrant du divin Enfant de la crèche.

Le Pape dresse devant les yeux du monde la figure du Christ :

Entendez, résonnant dans la nuit, comme les cloches de Noël, les admirables paroles de l'apôtre des Gentils, jadis lui aussi esclave des préjugés mesquins de l'orgueil nationaliste et raciste, terrassés avec lui sur le chemin de Damas : « C'est lui, le Christ Jésus qui est notre paix, lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un... faisant mourir en lui toute inimitié. Il est venu annoncer la paix, à vous qui étiez loin et à ceux qui étaient proches. » (Eph. II, 14, 16, 17.)

C'est pourquoi, Nous aussi, à cette heure, de toute la force de notre voix — Nous vous conjurons, chers fils et filles du monde entier : travaillez pour la paix, selon le coeur du Rédempteur. En union avec toutes les âmes droites qui, sans militer dans vos rangs, vous sont pourtant unies par la communauté de cet idéal, travaillez à répandre et à faire triompher la volonté chrétienne de paix.

L'Église fait un appel tout spécial à la jeunesse :

Mais Notre appel s'adresse avec une particulière confiance à la jeunesse catholique. Des inoubliables manifestations de septembre dernier réunirent à Rome, en une multitude sans précédent, les représentants de la jeunesse catholique accourus des nations les plus diverses, ils ont montré avec une lumineuse clarté leur solidarité dans cette volonté de paix 1.

A l'occasion du Congrès de la Jeunesse italienne catholique, le Pape a posé les bases d'un vaste immeuble qui doit devenir une maison d'accueil pour tous les jeunes du monde :

Alors du haut des degrés de Notre basilique patriarcale du Vatican en présence d'une jeunesse enthousiaste, Nous avons béni la première pierre de la future Domus Pacis, « la maison de la Paix », destinée à donner à la jeunesse du monde catholique, en face de la coupole de Saint-Pierre, la conscience d'appartenir à une grande famille qui embrasse avec un égal amour tous ses fils. A vous, jeunes gens, qui dans la fleur de votre âge portez la responsabilité d'un lendemain encore si incertain, Nous disons : « Ne vous contentez pas d'édifier la Domus Pacis sur la voie Aurélia. Celle-ci ne sera que le symbole de votre volonté de paix; mais il s'agit maintenant de mettre en oeuvre tous vos trésors de dévouement et de ténacité pour faire du monde lui-même une Domus Pacis, sur laquelle soufflent comme une brise sereine l'esprit et les promesses de Bethléem, et où l'humanité tourmentée pourra enfin trouver la paix. »

Le Pape prie pour le monde et en particulier pour la Palestine :

Dans cet espoir, Nous implorons la protection du Très-Haut sur toutes les nations, en particulier sur ceux qui, plus que les autres, sont exposés aux menaces de la guerre, aux agitations et aux dévastations. Et comment, en cette veille de Noël, Notre pensée n'irait-elle pas, une fois encore, à cette terre de Palestine où le Fils de Dieu fait homme vécut sa vie terrestre, cette Palestine où, malgré la suspension des hostilités, n'apparaît pas encore un sûr fondement de paix. Puisse-t-on trouver enfin une solution heureuse qui, tout en subvenant aux besoins de tant de milliers de pauvres réfugiés, satisfasse en même temps les voeux de toute la Chrétienté, anxieuse pour la sauvegarde des Dieux-Saints, en les rendant librement accessibles, protégés qu'ils seraient par l'établissement d'un régime international1.

Le Pape demande la protection divine pour tous ceux qui se dévouent la cause de la paix :

Nous implorons également l'assistance divine sur tous ceux qui aiment à se consacrer à la sécurité et au perfectionnement de la paix par leurs prières et leur active collaboration : aux gouvernants, à ceux qui peuvent exercer une influence efficace sur l'opinion publique, comme en général à ceux dont les peuples sont plus facilement disposés à accueillir les sincères invirations à la paix; sur les masses innombrables des victimes de la guerre, et sur beaucoup d'autres dont la misérable condition se fait chaque jour d'autant plus douloureuse que se prolonge davantage l'intolérable attente d'une paix définitive, moralement juste et durable, exempte de tout préjugé ou superstition de race ou de sang.

En attendant, souhaitant de la grâce divine la réalisation de ces voeux ardents, Nous vous accordons de tout coeur, à vous tous, chers fils et filles, unis à Nous par le lien de la foi et de l'amour, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


Pie XII 1948 - LETTRE AU R. P. CLÉMENT DE MILWAUKEE MINISTRE GÉNÉRAL DES FRÈRES MINEURS CAPUCINS (4 décembre 1948)\21