Pie XII 1948 - RADIOMESSAGE AU MONDE (24 décembre 1948.)


LETTRE A SON EXC. MGR MC. NICHOLAS ARCHEVÊQUE DE CINCINNATI

(24 décembre 1948.) 1

Le Pape félicite l'épiscopat américain des secours qu'il a envoyés en Europe. A cet effet, le Souverain Pontife envoie une lettre à S. Exc. Mgr Me. Nicholas, président de la National Catholic Welfare Conférence de Washington, qui est l'organisme centralisant les secours et les dons offerts par les catholiques américains.

Da charité fraternelle que l'Apôtre nous exhorte à maintenir toujours entre les chrétiens (Hebr. XIII, 1) consiste surtout à aimer de tout coeur ceux que Dieu nous a donnés comme colnpagnons de notre pèlerinage terrestre, à leur offrir le secours dont ils ont besoin et, dans la mesure du possible, un soulagement dans leur tristesse, dans l'espérance de recevoir, après cette vie mortelle, l'héritage d'un poids immense promis aux seuls miséricordieux.

De cette éminente vertu, vous avez fait fleurir l'exemple, vous et les autres pasteurs de l'Église aux États-Unis d'Amérique, tant par les preuves répétées que vous avez données que par l'éclat des réalisations qui la manifestaient, et surtout en constituant ce nouveau Conseil de secours providentiel dont vous êtes le très digne président. Nous avions appris déjà auparavant que vous apportiez un soin agissant pour soulager les infortunes des exilés, et Nous en avons reçu beaucoup de réconfort parmi tant de soucis et de chagrins qui Nous frappent et Nous attristent aujourd'hui plus que jamais. C'est pourquoi Nous avons voulu vous écrire la présente lettre pour faire ressortir, en lui apportant de justes louanges, votre efficace et attentive charité.

Le Saint-Père évoque la vision de ces millions de personnes déplacées qui cherchent un asile :

Vous savez en effet avec quelles inquiétudes et quels soucis Nous songeons sans cesse à ceux qui, à la suite d'une révolution dans leur patrie, ou chassés par la famine et le chômage ont été forcés de quitter le heu de leur demeure et de s'expatrier à l'étranger.

Ils ont droit d'être accueillis dans les pays qui ont des ressources :

De droit naturel lui-même, non moins que le sentiment d'humanité, oblige à leur donner la possibilité d'émigrer; car le Créateur de toute chose a disposé tous les biens en vue de les faire servir au bien de tous. C'est pourquoi, si respectable qu'il soit, le domaine souverain de chaque État ne peut être mis en avant — alors que la terre offre ici ou là de quoi nourrir une grande multitude — au point de refuser l'accès, sans causes justes et raisonnables, à des étrangers sans ressources, de moeurs honnêtes sans danger pour l'utilité publique envisagée comme il le faut.

La National Catholic Welfare Conférence a mené campagne pour obtenir la reconnaissance de ce droit:

Connaissant Notre pensée, vous vous êtes appliqués, et par 1 votre zèle, êtes arrivés à obtenir un décret1 — et Nous espérons que beaucoup d'autres semblables suivront — qui par ses heureuses dispositions permet à de nombreux exilés de leur patrie d'entrer dans votre pays et, grâce au secours compétent d'hommes choisis, vous vous occupez de tous ces émigrés dès qu'ils quittent leur pays et quand ils arrivent au terme de leur voyage, mettant en pratique d'une façon remarquable ce précepte de bienveillance sacerdotale : « De prêtre ne foit faire tort à personne, chercher à être utile à tous. » (S. Ambr., De Officiis Ministrorum, libr. III, C, IX.)

Cette organisation est venue au secours des miséreux:

Nous admirons donc votre charité qui, animée d'un souffle céleste, ne vous a pas permis de rester sourds aux appels de la misère et de la détresse des hommes, mais, à l'exemple du Samaritain de l'Evangile, vous a engagés à fournir le secours convenable là où il y a des blessures à cicatriser, ou à alléger le poids des malheurs.

Néanmoins il faut porter assistance à d'autres malheureux encore:

Nous vous décernons cet éloge dû à vos mérites remarquables d'autant plus volontiers que, Nous en sommes certain, cela vous encouragera à poursuivre avec plus d'élan, ce que vous avez si bien commencé et à triompher courageusement des difficultés. Efforcez-vous tout d'abord de faire en sorte que les exilés ne soient pas séparés des leurs, mais qu'ils arrivent accompagnés de leurs familles et de leurs prêtres émigrés. D'autre part, la dernière et terrible guerre a malheureusement laissé d'autres maux alarmants et déplorables auxquels il faut remédier par une assistance diligente. Il n'échappe à personne, pour Nous en tenir aux plus graves, qu'il y a de par le monde des multitudes languissantes de captifs que maintenant encore on empêche de rentrer chez eux.

Que dirons-Nous des exilés, sans abri et sans nourriture, enlevés de leurs foyers, de ceux enfin, vraiment si nombreux, qui, maintenus en prison pour des raisons politiques, voient différer leur jugement par d'insupportables retards?

Qui ne serait touché et ému, s'il subsiste en lui quelque sentiment d'humanité à la pensée de ces troupes d'enfants sans nombre qui, privés de leurs parents, sans ressources ni appui, mènent une vie lamentable, d'autant plus dignes de commisération que, tout innocents qu'ils sont, ils semblent expier les fautes d'autrui?

Nous vous exhortons avec insistance à prêter l'oreille aux plaintes de tant de malheureux qui implorent aide et soulagement pour que, dans cette voie royale de la charité, sans vous lasser, vous appliquiez votre zèle et votre activité à guérir, ou tout au moins à adoucir également ces maux. Nous avons confiance qu'entraînés par votre exemple, les évêques d'autres nations encore, leurs prêtres et leurs fidèles, dociles aux appels anxieux et fréquents de Notre voix, obvieront à tant de gémissements et de misère de leurs frères et de ceux qui leur sont unis dans la foi et, par cette réalisation même de la loi évangélique, feront preuve d'efficience accumulant ainsi de nombreux mérites. Au seuil de cette Année Sainte toute proche que Nous allons célébrer avec joie, que tous aient devant les yeux, pour stimuler leur charité, ce que le Christ, dans cette ville de Nazareth, accomplit en sa personne, pressant les volontés languissantes des hommes, même de nos jours, à l'accomplir avec Dui : l'Esprit du Seigneur est sur moi; parce qu'il m'a consacré par son onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le coeur brisé, annoncer aux captifs la délivrance, aux aveugles le retour à la vue, rendre libres les opprimés, publier l'année favorable du Seigneur et le jour de la rétribution (Duc, 4, 18-19).

Que tous aussi développent en eux et autour d'eux les sentiments qui en favorisant la paix écartent les ravages de la guerre: 'i-.ivs,

Que dès maintenant le refrénement de l'envie, la libéralité du pardon, une abondance de miséricorde aplanissent le chemin pour une paix durable et digne de ce nom. Cela ne sera pas moins utile à chacun de ceux qui font le bien qu'à ceux qui en reçoivent le bienfait : « On te prie et tu pries aussi, ce que tu feras vis-à-vis de celui qui te prie, Dieu le fera pour toi. Vous êtes à la fois dans l'abondance et dans la disette. Comblez l'indigent de ce dont vous êtes comblés pour que la plénitude de Dieu vienne combler votre dénuement. » (S. Aug. Sermon sur le psaume DIU, 5.)

Nous souhaitons de tout coeur que la fête de la Nativité du Seigneur apporte ses douces joies en récompense de tout ce que vous avez bien accompli et que ces joies vous engagent à entreprendre encore de nouvelles oeuvres de charité. Nous demandons à l'Enfant divin qu'il répande sur vous et vos collègues dans l'Episcopat et vos fidèles l'abondance de ses célestes faveurs. En gage de quoi Nous vous accordons de grand coeur Notre Bénédiction Apostolique.



DÉCLARATION DE LA S. CONGRÉGATION CONSISTORIALE EXCOMMUNIANT CEUX QUI ONT PRIS PART A L'ARRESTATION DE S. EM. LE CARDINAL MINDSZENTY, PRIMAT DE HONGRIE (28 décembre 1949.) \21

Le soir du 26 décembre 1948 Son Eminence le Cardinal Mindszenty, primat de Hongrie, était arrêté dans son palais archiépiscopal et emmené en prison. Il était inculpé: d'espionnage en faveur des Puissances occidentales, de trahison « réactionnaire » et de trafic de devises. De fait, depuis la libération de la Hongrie, en 1945, par l'armée rouge, le Cardinal avait dû protester fréquemment contre les abus du nouveau régime; notamment contre la nationalisation de l'enseignement. Le gouvernement hongrois ne put supporter plus longtemps que cette parole franche et claire se fasse entendre 2.

« Étant donné que certains ont d'une manière sacrilège violemment appréhendé Son Eminence le Cardinal Mindszenty, archevêque d'Estergom et ont osé l'empêcher d'exercer sa juridiction ecclésiastique, la Sacrée-Congrégation Consisto-riale déclare que tous ceux qui ont commis le délit cité encourent, selon les normes énoncées par les articles 2343, paragraphe 2 et 2334, n° 2 du Code de Droit canon 1 l'excommunication réservée d'une manière spéciale au Saint-Siège et ils sont déclarés frappés d'infamie par ce même droit ».

1. D'après les articles cités du Droit canon, les fauteurs d'un tel attentat contre la personne d'un Cardinal sont frappés par le droit de cette même excommunication.

2) D'exercice de la juridiction ecclésiastique est, de droit divin, absolument indépendant de toute autorité civile. Pour sauvegarder cette indépendance, l'Église a frappé d'une excommunication latae sententiaz réservée d'une manière spéciale au Siège Apostolique tous ceux qui y porteraient atteinte (can. 2234, n. 2), ainsi que leurs complices, comme il a été dit ci-dessus. Pour ceci également la sentence de la Sacré Congrégation Consistoriale est une sentence simplement déclaratoire de l'excommunication déjà encourue.

3) Une même personne pouvant être simultanément frappée de plusieurs excommunications (can. 2244), tous ceux qui se sont rendus coupables, à l'égard de Son Eminence le Cardinal Mindszenty, des deux délits mentionnés ici, et leurs complices, se trouvent donc sous le coup d'une double excommunication réservée d'une manière spéciale au Saint-Siège et d'une infamie de droit.

2. D'arrestation de S. Em. le Cardinal Mindszenty a, de fait, soulevé une réprobation générale dans le monde entier. Un grand nombre de gouvernements ont envoyé des messages au Pape, pour témoigner de leur indignation.

On trouvera dans le volume Documents pontificaux de 1949 d'autres détails sur la persécution religieuse en Hongrie.




achevé d'imprimer sur les presses des imprimeries Paul Dupont à Paris

le 15 septembbe 1950 numéro d'édition : 458
numéro d'impression : 3168
depot légal, 3e trim. 1950



Pie XII 1948 - RADIOMESSAGE AU MONDE (24 décembre 1948.)