Pie XII 1947 - RADIOMESSAGE AU CONGRÈS NATIONAL MARIAL DES PAYS-BAS


DISCOURS AUX HOMMES DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE

(7 septembre 1947) 1

Le dimanche 7 septembre, le Saint-Père a adressé le discours suivant à 300 000 hommes rassemblés sur la place Saint-Pierre à l'occasion d'un congrès national qui célébrait le vingt-cinquième anniversaire de la fondation de l'Action catholique italienne par Pie XI.

Un sentiment de réconfort, de joie et de juste fierté remplit Notre âme, chers fils, en vous voyant aujourd'hui rassemblés ici devant Nous, en rangs serrés ; multitude imposante, telle une mer ondoyante dont les flots viennent s'entrechoquer jusque sous le portique du plus grand temple de la chrétienté.

Le congrès, manifestation de reconnaissance et marche en avant.

A Nous qui vous saluons avec une paternelle satisfaction, vous apparaissez comme l'expression vivante d'un cri de reconnaissance qui, du plus profond de vos coeurs, monte vers le Seigneur tout-puissant pour le bien qu'il a opéré durant les vingt-cinq dernières années par le ministère des hommes d'Action catholique. Il suffit d'un rapide regard sur les buts de votre union : perfectionnement religieux et moral des membres ; éducation sociale et civile suivant les enseignements de l'Eglise ; accroissement de la vie chrétienne et défense de la liberté de l'Eglise dans toutes ses manifestations ; restauration du règne du Christ dans la famille, à l'école, dans les institutions publiques, dans toute la vie économique et sociale. Un tel regard, disons-Nous, sur votre programme est suffisant pour

rappeler à l'esprit tout ce que vous avez, avec une foi si vive, osé, réalisé, obtenu, au prix de difficultés et de peines que vous avez affrontées et surmontées.

Après Dieu, votre gratitude s'adresse également à vos chefs, aussi bien à ceux de la hiérarchie ecclésiastique qu'à ceux du laïcat ; avant tout, à Notre inoubliable prédécesseur Pie XI, fondateur et père de votre organisation. Puis aux autres, aux vivants, ici présents, non moins qu'aux trépassés ; vous connaissez leurs noms, que les annales de l'Action catholique rappelleront toujours avec honneur et qui sont caractérisés par les trois mots si familiers auprès de vous : hommes de prière, de riche vie religieuse et intérieure ; hommes d'action, d'inlassable activité pour la cause catholique ; hommes de sacrifice, de généreux dévouement au Christ, à l'Eglise, au Pape.

Mais plus encore que le témoignage de votre reconnaissance et de votre satisfaction pour tout ce qui a déjà été obtenu, votre assemblée est la manifestation d'une volonté tenace, solide comme le granit, d'une ardeur pour le présent et pour l'avenir, puisée aux forts principes, s'inspirant de vues claires et animée de fermes résolutions. Votre vingt-cinquième anniversaire est pour vous, non seulement une position conquise à consolider, mais encore un point d'appui pour un saut en avant vers un plus lointain et plus vaste horizon. Pareille volonté est vraiment nécessaire au moment présent.

C'est l'heure de l'action, de l'épreuve, de l'effort intense.

Il y a maintenant cinq ans, en ce même mois de septembre, Nous avons amplement parlé de l'homme d'Action catholique, de sa collaboration à la renaissance spirituelle de la société, de son influence sur la famille, sur la vie professionnelle, sur le monde extérieur. Les tâches dont Nous parlâmes alors se présentent aujourd'hui à vous avec une urgence qu'on pourrait difficilement concevoir plus grande. Chacune de ces tâches, et elles sont nombreuses, est extrêmement pressante et exige le plus consciencieux accomplissement, bien souvent même des actes de véritable héroïsme. Et il n'y a pas de temps à perdre.

Le temps de la réflexion et des projets est passé : c'est l'heure de l'action. Etes-vous prêts ?

Les fronts opposés, dans le domaine religieux et moral, se délimitent toujours plus clairement ; c'est l'heure de l'épreuve.

La dure course dont parle saint Paul est engagée ; c'est l'heure de l'effort intense. Quelques instants seulement peuvent décider de la victoire. Regardez votre Gino Bartali, membre de l'Action catholique ; à plusieurs reprises, il a gagné le fameux « maillot ». Prenez part, vous aussi, à ce championnat idéal de façon à conquérir une bien plus belle palme : Sic currite ut comprehendatis (1Co 9,24).

Les champs d'activité des membres de l'Action catholique.

Quels sont pour vous, hommes d'Action catholique, les points les plus importants dans cette épreuve, les champs principaux de votre activité ? Nous croyons devoir en signaler brièvement cinq surtout :

1° Culture religieuse. — Une profonde, solide connaissance de la foi catholique, de ses vérités, de ses mystères, de ses forces divines. On a forgé l'expression « anémie de la vie religieuse ». Elle sonne comme un cri d'alarme. Cette anémie, il faut l'imputer, en premier lieu et dans toutes les classes, aussi bien chez les gens instruits que chez les travailleurs manuels, à l'ignorance souvent presque absolue des choses religieuses. Cette ignorance doit être combattue, extirpée, vaincue. Cette tâche regarde premièrement le clergé et c'est pourquoi Nous conjurons Nos Vénérables Frères dans l'épiscopat de ne rien omettre afin que les prêtres remplissent pleinement un aussi grave devoir.

Mais c'est ensuite à vous, chers fils, d'aider l'Eglise dans cette oeuvre. Nourrissez-vous vous-mêmes avant tout, esprit et coeur, de la nourriture substantielle de la foi catholique telle qu'elle se présente à vous dans tout l'enseignement vivant de l'Eglise, dans les saintes Ecritures dont le Saint-Esprit lui-même est auteur, dans la liturgie sacrée, dans les pieuses dévotions approuvées et dans toute la saine littérature religieuse. Ensuite apportez et répandez la vérité de cette foi, largement, dans chaque ville, dans chaque village, dans chaque coin, même le plus retiré, de votre beau pays, comme l'air vital qui est diffusé et pénètre partout, enveloppe et embrasse tout ; répandez-la particulièrement parmi ceux que des circonstances malheureuses ont entraînés dans l'incrédulité.

2° Sanctification des fêtes. — Le dimanche doit redevenir le jour du Seigneur, de l'adoration et de la glorification de Dieu, du saint sacrifice, de la prière, du repos, du recueillement et de la réflexion, du joyeux rassemblement dans l'intimité de la famille. Une douloureuse expérience a enseigné que, pour beaucoup, même pour ceux qui durant la semaine ont travaillé honnêtement et assidûment, le dimanche est devenu le jour du péché.

Mettez-vous donc de toutes vos forces sur la défensive, afin qu'un grossier matérialisme, un excès de plaisirs profanes, la plus éhontée corruption morale dans les écrits et dans les spectacles, n'accaparent pas le dimanche, pour effacer de son visage l'empreinte divine et égarer les âmes dans le péché et dans l'irréligion. L'issue de la lutte entre la foi et l'incrédulité dépendra vraiment, en grande partie, de ce que l'un et l'autre camps opposés sauront faire du dimanche. Portera-t-il encore gravé sur son front, clair et resplendissant, le nom saint du Seigneur, ou ce nom sera-t-il, d'une manière impie, terni et oublié ? Il y a là un immense champ d'action qui vous attend. Allez courageusement à l'ouvrage et contribuez à redonner le dimanche à Dieu, au Christ, à l'Eglise, à la paix et au bonheur des familles.

3° Sauvetage de la famille chrétienne. — L'Italie doit conserver ce qui fut toujours sa gloire et sa force : la mère chrétienne ; il faut conserver l'éducation chrétienne de la jeunesse et, par conséquent aussi, l'école chrétienne ; il faut conserver le foyer chrétien, forteresse de la crainte de Dieu, de l'inviolable fidélité, de la sobriété, de l'amour et de la paix, foyer où domine cet esprit dont était pénétrée à Nazareth, la maison de Joseph, votre céleste patron.

Sauver la famille chrétienne, telle est précisément la mission principale de l'Action catholique. Ne l'oubliez pas : de ce qu'il est et de ce qu'il veut dépend, non moins que de la femme elle-même, le sort de la mère et de la famille italienne.

4° Justice sociale. — Nous confirmons ce que Nous avons eu l'occasion d'exposer encore récemment. Pour les catholiques, le chemin à suivre pour arriver à la solution de la question sociale est clairement indiqué par la doctrine de l'Eglise ; et la bénédiction divine reposera sur votre travail, si vous ne vous écartez d'un seul pas de cette voie. Vous n'avez pas besoin d'imaginer des solutions voyantes ou de rechercher des résultats trompeurs au moyen de phrases faciles et vides. Mais ce à quoi vous pouvez et devez tendre c'est vers une plus juste distribution de la richesse. Elle est et reste un point du programme de la doctrine sociale catholique.

Sans doute le cours naturel des choses comporte avec soi, et ce n'est ni économiquement ni socialement anormal, que les biens de la terre soient, dans certaines limites, inégalement divisés. Mais l'Eglise s'oppose à l'accumulation de ces biens dans les mains d'un nombre relativement petit de richissimes, tandis que de vastes couches du peuple sont condamnées à un paupérisme et à une condition économiquement indigne d'êtres humains.

Une plus juste distribution de la richesse est donc un but social élevé, digne de vos efforts. Mais sa réalisation suppose que les particuliers et les collectivités manifestent pour les droits et les besoins d'autrui cette même compréhension qu'ils ont pour leurs propres droits et leurs propres besoins. Cultiver en vous-mêmes ce sentiment et le réveiller ensuite chez les autres est une des plus nobles tâches des hommes d'Action catholique.

5° Loyauté et véracité dans la vie civique. — Un autre sentiment moral doit retrouver dans le même esprit son renouveau : la loyauté et la véracité au sein de la communauté humaine, la conscience de la responsabilité envers le bien général. Il est inquiétant de voir jusqu'à quel point, comme conséquence des incroyables troubles de la guerre et de l'après-guerre, la fidélité et l'honnêteté dans la vie économique et sociale ont disparu.

Ce qui se manifeste dans ce domaine n'est plus seulement un défaut extérieur de caractère, c'est encore une grave maladie interne qui se révèle, une intoxication spirituelle, cause aussi en grande partie de cette anémie religieuse.

Le chaos économique et financier, effet de tout grand cataclysme, a stimulé et excité la soif du lucre qui pousse les esprits à de louches spéculations et manoeuvres au préjudice de la population tout entière. Nous avons toujours blâmé et condamné de tels manèges, de quelque côté qu'ils viennent, non moins que tout commerce illicite, toute falsification, toute inobservance des justes lois émanées de l'Etat pour le bien de la communauté civile.

Il appartient donc aux hommes d'Action catholique de collaborer à la guérison de ce mal par la parole et par l'exemple, par le propre exemple avant tout et puis aussi par la plus efficace influence sur l'opinion publique.

devise : Eglise, famille, travail. — Consignes.

Nous ne croyons pas pouvoir mieux résumer vos résolutions pour l'accomplissement desquelles vous travaillez déjà avec tant d'ardeur que par cette devise choisie par vous : Eglise, famille, travail, devise qui vous accompagnera aux cours des vingt-cinq années prochaines et ultra. En attendant, au début de cette nouvelle période, veuillez imprimer dans votre âme les deux consignes suivantes :

1° Soyez larges de coeur. — Partout où vous rencontrerez pour la cause du Christ et de l'Eglise une sincère bonne volonté, activité, intelligence, sagacité, soit dans vos propres rangs, soit en dehors de l'Action catholique, même si elles se présentent sous des formes d'apostolat nouvelles, mais saines, réjouissez-vous-en ; ne les empêchez pas, au contraire, maintenez une cordiale amitié avec elles et aidez-les chaque fois que votre appui est possible, désiré ou attendu. Les besoins auxquels l'Eglise doit faire face à l'heure présente sont si nombreux et si urgents que bienvenue est toute main qui offre sa généreuse coopération.

2° Ayez constamment vivant dans l'esprit et dans le coeur l'idéal dont la grandeur se traduit par le rythme énergique de votre hymne : non seulement défensive, mais encore conquête. — Assurément, la protection et la conservation de l'effectif actuel des forces catholiques parmi votre peuple est déjà en soi une entreprise hautement méritoire. Cependant on a coutume de dire que quiconque se borne à rester constamment sur la défensive perd lentement. Et en réalité l'Action catholique doit être plus que la simple cohésion des fidèles catholiques. Son but final est de regagner ce qui a été perdu et de faire de nouvelles conquêtes. C'est pourquoi vous ne devez pas vous reposer jusqu'à ce que ces classes d'hommes cultivés et la partie des travailleurs qui, par suite de malheureuses circonstances, se sont éloignés du Christ et de l'Eglise, aient retrouvé le chemin du retour.

Progresser et conquérir les âmes comme l'Eglise des premiers siècles.

Ne vous renfermez pas en vous-mêmes, mais pénétrez dans les rangs étrangers pour ouvrir les yeux des gens égarés et trompés aux richesses de la foi catholique. Parfois des malentendus seulement, plus souvent encore une complète ignorance, les séparent de vous. Nombreux sont ceux qui parmi eux attendent peut-être de votre part un coeur aimant, une franche explication, une parole libératrice. Dans l'art de gagner les hommes, vous pouvez apprendre quelque chose même de vos adversaires. Mieux encore : faites comme les chrétiens des premiers siècles ! Ainsi seulement, par une action et une pénétration toujours nouvelles dans le monde païen, l'Eglise après d'humbles commencements peut croître et progresser, souvent au milieu d'indicibles souffrances et martyres, alternant avec des périodes de plus ou moins grande tranquillité, de plus ou moins larges moments de souffle, jusqu'à ce que, au bout de trois siècles, le puissant Empire se vît contraint de s'avouer vaincu et de conclure la paix avec l'Eglise.

La jeunesse immortelle de l'Eglise.

C'est vrai, dira peut-être quelqu'un, mais l'Eglise était jeune alors. L'Eglise est toujours jeune ! Force et vertu de Dieu, gardienne et dispensatrice éternelle du divin dans le monde, elle ne peut, au cours des siècles, succomber sous le poids de l'âge, mais, pure de toute erreur, elle vit une vie indestructible et retrouve toujours à nouveau sa vigueur juvénile, suivant la volonté et avec la grâce de Celui qui est à ses côtés jusqu'à la consommation des siècles.

Mais la jeunesse immortelle de l'Eglise se manifeste — ô chose admirable ! — spécialement dans la douleur. Elle est « Epouse de sang » (cf. Ex.,IV, 25). Ses enfants, ses ministres, calomniés, emprisonnés, tués, égorgés sont dans le sang. Qui jamais aurait cru possible, en ce XXe siècle, après tant de progrès de civilisation, après tant d'affirmations de liberté, tant d'oppressions, tant de persécutions, tant de violences ? Cependant l'Eglise ne craint pas. Elle veut être Epouse de sang et de douleur pour reproduire en elle-même l'image de son divin Epoux, pour souffrir, pour combattre, pour triompher avec lui.

Saint Joseph, patron de l'Action catholique.

Vous voulez, chers fils, regagner les hommes au Christ et à l'Eglise. Au Christ : il n'y a jamais eu d'homme aussi près du Rédempteur par des liens domestiques, par des rapports quotidiens, par une harmonie spirituelle et par la vie divine de la grâce, que Joseph, de la race de David, et néanmoins humble travailleur manuel. A l'Eglise : il est le patron de l'Eglise universelle. Comment donc ne le choisiriez-vous pas, vous aussi, comme votre céleste protecteur ? Vous avez déployé devant Nous le labarum de votre union. Nous confions vos personnes et votre oeuvre, vos épreuves et vos espérances à l'amour paternel de saint Joseph, non moins qu'à la toute puissante intercession de son épouse, la très pure Vierge et Mère de Dieu, Marie.

Les bienheureux Contardo Ferrini et Maria Goretti.

Nous vous recommandons en même temps, vous et votre avenir, à vos deux compatriotes qu'au printemps dernier Nous avons élevés à la gloire des bienheureux, Contardo Ferrini et Maria Goretti. Contardo Ferrini est le modèle de l'homme catholique de nos jours. Maria Goretti a conquis le coeur du peuple, non seulement des femmes et des petites filles, mais encore des hommes et des jeunes gens, sans doute aussi parce que sa courte vie terrestre représente l'existence de millions de bons Italiens, existence qui, à son tour, se résume dans trois mots : Eglise, famille, travail ; mais surtout parce qu'elle a scellé de son propre sang sa fidélité au commandement de Dieu et son amour pour le Christ. Puisse la toute jeune martyre vous obtenir courage, fermeté et victoire en cette heure grave et décisive !

l'exemple du Pape, servir la paix réelle et juste.

A l'intercession de la Mère de Dieu et des saints, Nous confions enfin ce bien après lequel vous tous, le peuple italien tout entier et la grande famille des nations, soupirent si ardemment : la paix ; non pas seulement la paix apparente et juridique, mais la paix réelle et juste. Nous-même — les ennemis du Pape auxquels vont également Notre amour et Nos voeux de bonheur peuvent, à leur gré, travestir Nos intentions et Nos paroles — Nous-même, Nous avons toujours servi et servirons toujours, aussi longtemps qu'il Nous restera un souffle de vie, la cause de la véritable paix. Faites-vous, vous aussi, hommes d'Action catholique, champions de cette sainte cause. Servir la paix c'est servir la justice. Servir la paix c'est servir les intérêts du peuple, spécialement des humbles et des déshérités. Servir la paix c'est regarder l'avenir d'un oeil sûr et ferme. Servir la paix c'est hâter le jour où tous les peuples, sans exception, cessant leurs rivalités et leurs querelles, se réuniront dans un embrassement fraternel. Servir la paix c'est sauver la civilisation. Servir la paix c'est préserver la famille humaine d'indicibles malheurs nouveaux. Servir la paix c'est élever les esprits vers le ciel et les arracher à la domination de Satan. Servir la paix c'est pratiquer la loi souveraine de Dieu qui est la loi de bonté et d'amour.

Avec ce souhait, Nous vous accordons avec effusion de coeur, à vous, chers fils, comme à tous les hommes d'Action catholique, à vos familles et à tous ceux qui sont confiés à vos soins, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A L'UNION INTERNATIONALE DES LIGUES FÉMININES CATHOLIQUES

(11 septembre 1947) 1

Dans l'après-midi du jeudi 11 septembre, le Souverain Pontife quitta sa résidence de Castelgandolfo et se rendit au Palais apostolique du Vatican pour recevoir en audience les déléguées des Congrès de l'Union internationale des Ligues féminines catholiques, auxquelles il s'adressa en ces termes :

Vous vous présentez à Nous, chères filles, sous le nom fièrement audacieux d'Union internationale des Ligues féminines catholiques. C'est à ce titre que Nous sommes heureux de vous souhaiter la bienvenue et de vous adresser quelques paroles d'encouragement et de conseils. Ce nom dit, en effet, le caractère militant de votre coalition, son universalité, la souplesse harmonieuse et solide de votre collaboration.

Femmes et jeunes filles catholiques, vous n'auriez songé, jadis, qu'à jouer dignement votre rôle, rôle sacré et fécond, dans le gouvernement d'un foyer sain, fort, rayonnant, ou bien vous auriez voué votre vie au service de Dieu dans le recueillement du cloître ou dans les oeuvres de l'apostolat et de la charité. Bel idéal où la femme, à sa vraie place et de sa vraie place, exercerait sans bruit une action puissante tout autour d'elle. Et voici que vous paraissez au-dehors, que vous descendez dans l'arène pour prendre part à la lutte ; vous ne l'avez ni cherchée ni provoquée ; vaillamment vous l'acceptez, non en victimes résignées ou seulement dans une résistance vigoureuse, encore purement défensive ; vous entendez bien passer à la contre-attaque pour la conquête.

Telle est la pensée qui ressort de toute la documentation substantielle, d'où se dégagent, lumineusement tracées, les grandes lignes du programme et où se trouve, nettement dessinée, l'allure de vos journées romaines et de votre congrès. Cette riche documentation réfléchit, comme en un miroir, la situation actuelle, il faudrait dire, hélas ! le drame actuel du monde féminin ; en son centre convergent tous les rayons de l'activité de la femme dans sa vie sociale et politique, activité dont l'objet est, avant tout : protéger la dignité de la fille, de l'épouse, de la mère ; maintenir le foyer, la maison, l'enfant à leur rang primordial dans l'ensemble du rôle de la femme ; sauvegarder les prérogatives de la famille ; tendre tous les efforts à y assurer l'enfant sous la garde de ses parents.

Nous-même avons traité naguère cet argument capital de la femme dans sa vie sociale et politique. Il y a de cela deux ans. Deux ans : pour une évolution dans tout l'ordre social et précisément dans un domaine aussi vaste et aussi important que celui de la question féminine, c'est un laps de temps bien court, insuffisant, semblerait-il, à des variations appréciables soit dans la situation, soit même dans l'orientation de l'opinion. Et pourtant, voyez, constatez les faits. Nous avions signalé des dangers menaçants ; et Nous visions alors tout spécialement ce qu'on pourrait appeler la sécularisation, la matérialisation, l'asservissement de la femme, tous les attentats dirigés contre sa dignité et ses droits en tant que personne et en tant que chrétienne. Les dangers sont devenus de jour en jour plus graves et la menace de jour en jour plus pressante. Mais, en revanche, grâce à Dieu, loin de s'atténuer, les efforts pour la défense se sont intensifiés de plus en plus. Votre rassemblement à Rome, votre présence devant Nous, veulent être une attestation solennelle et du sérieux de ces efforts et de leur efficacité pour cette défense.

Nous en saisissons volontiers l'occasion pour compléter, fort de l'expérience des dernières années, et en parcourant les points principaux de votre programme, ce que Nous disions alors aux femmes catholiques d'Italie.

Les années de la seconde guerre mondiale et celles d'après-guerre ont présenté et présentent encore pour la femme, dans des groupes entiers de nations, presque sur toute l'étendue des continents, un aspect tragique sans précédent. Jamais, croyons-Nous, jamais au cours de l'histoire de l'humanité, les événements n'ont exigé de la part de la femme autant d'initiative et d'audace, autant de sens de sa responsabilité, autant de fidélité, de force morale, d'esprit de sacrifice, d'endurance à toutes sortes de souffrances, en un mot autant d'héroïsme. Les relations, les lettres dans lesquelles des femmes Nous révèlent quel était et est encore, en ces temps cruels,

leur propre sort, le sort de leur famille, sont tellement impressionnantes qu'on en vient à se demander si l'on n'est pas le jouet d'un cauchemar et comment de pareilles choses ont pu se passer à notre époque et dans le monde où nous vivons. Au cours de ces affreuses années, la femme, la jeune fille se sont trouvées en demeure de pratiquer des vertus plus que viriles et de les pratiquer à un degré où elles ne sont requises de l'homme même que dans des cas exceptionnels.

Or, qui prétendra que tout ait été fait, tout l'humainement possible, pour mettre la femme à même de puiser dans la foi chrétienne, dans l'éducation chrétienne, l'énergie, la constance, la persévérance, les forces surnaturelles nécessaires à garder sans faillir, sous le coup d'épreuves sans fin, sa fidélité conjugale, sa sollicitude maternelle ? De la part de l'Eglise, du ministère pastoral, des oeuvres de charité, beaucoup a été fait, beaucoup a été réalisé. En dépit de rares défaillances individuelles, on peut, de ce côté, affronter la tête haute et sans rougir, le jugement toujours sévère de l'histoire. D'autre part, les faits par milliers ont montré et montrent d'une manière émouvante comment, dans les milieux même de la misère, l'amour de la mère et des parents pour leurs enfants est vraiment sans limite.

Mais voici le plus tragique : sans la foi, sans l'éducation chrétienne, où donc la femme, sevrée des secours de l'Eglise, désemparée, trouvera-t-elle le courage de ne point faillir à des exigences morales qui dépassent les forces purement humaines ? Et cela sous les rafales d'un assaut vigoureux lancé contre les fondements chrétiens du mariage, de la famille, de toute la vie personnelle et sociale, par des ennemis qui savent habilement exploiter contre la pauvre femme et la pauvre jeune fille les angoisses, les affres de la misère qui, sous toutes les formes, les tenaillent ? Qui pourrait espérer les voir toujours tenir avec les seules forces de la nature ?

Hélas ! combien ne tiennent pas ! Dieu seul sait le nombre de ces pauvres épaves désespérées, découragées, ou tristement perdues à la suite du naufrage de leur pureté, de leur honneur.

Les larmes montent aux yeux et le rouge au front à constater et à confesser, il le faut bien pourtant, que jusque dans les sphères catholiques, les doctrines perverses sur la dignité de la femme, sur le mariage et la famille, sur la fidélité conjugale et le divorce, même sur la vie et la mort, s'infiltrent insensiblement dans les esprits et, à la façon du ver rongeur, attaquent dans ses racines la vie chrétienne de la famille et de la femme.

Il Nous semble opportun de signaler ici, parce que leur aspect inoffensif et spécieux en voile les conséquences fatales, les « périls du coeur » auxquels, de nos jours, la femme est particulièrement exposée. Nous pensons à cette tendance généreuse qui nous fait éprouver comme nôtres les sentiments d'autrui, compatir à leurs angoisses, partager leurs peines, leurs joies, leurs espérances. Ainsi disait saint Paul : « Qui est faible que je me sente faible aussi ? Qui vient à tomber sans que le feu me dévore ? » (2Co 11,29). Et comme il nous recommande d'avoir en nous les sentiments dont était pénétré le Christ (Ph 2,5) ! Qu'y a-t-il donc à craindre pour le coeur ainsi compris ? Des illusions subtiles. Il ne suffit pas qu'il soit bon, sensible, généreux ; il doit être sage et fort. L'indulgente faiblesse des parents les aveugle et fait le malheur de leurs enfants. Dans l'ordre social, une pareille sensibilité aveugle l'esprit et lui fait soutenir en théorie des thèses monstrueuses, prôner des pratiques immorales et néfastes. N'en est-ce pas une que cette fausse pitié qui prétend justifier l'euthanasie et soustraire l'homme à la souffrance purificatrice et méritoire, non par un charitable et louable soulagement, mais par la mort telle qu'on la donne à un animal sans raison et sans immortalité ? N'en est-ce pas une que cette compassion, excessive en ses conclusions, pour les épouses malheureuses, par où l'on prétend légitimer le divorce ? N'en est-ce pas une que cette déviation d'une juste sollicitude pour les victimes de l'iniquité sociale qui, grisée par de vaines et déclamatoires promesses, les arrache aux bras maternels de l'Eglise pour les jeter dans les griffes d'un matérialisme athée, vulgaire exploiteur de la misère ?

De toutes les parties du monde, les lettres de Nos Frères dans l'épiscopat, leurs visites, Nous apportent au jour le jour la confidence navrante de leurs préoccupations au sujet de la détresse morale et spirituelle de la jeune fille et de la femme. Et, tandis que chacun, tour à tour, épanche dans Notre coeur la tristesse de son propre coeur, la charge de tous pèse sur le Nôtre qui porte devant Dieu la responsabilité du Pasteur suprême, sollicitudo omnium ecclesiarum (2Co 11,28). C'est pour cela que, à maintes reprises, Nous avons, dans Nos messages au cours de toutes ces années, et récemment encore le 2 juin dernier dans Notre allocution au Sacré Collège 2, averti, prié, supplié tous les chrétiens, toutes les âmes honnêtes, en particulier ceux qui ont la direction de la chose publique, de porter leur attention sur l'oeuvre dévastatrice accomplie, au cours de la guerre et de l'après-guerre, pour la ruine de la femme et de la famille. En ce moment même

Cf. ci-dessus, p. 156 et ss.

Nous éprouvons une consolation, un soulagement à vous exposer, à vous, chères filles, rassemblées de tout l'univers catholique, Nos soucis et Notre appel, sachant bien avec quel esprit de foi et de charité vous Pécoutez, avec quelle ardeur de zèle vous vous en ferez partout l'écho.

Témoins d'une crise de cette gravité, nous ne pouvons nous contenter de la déplorer ni de formuler des voeux stériles. Le point capital est d'unir et de tendre toutes les forces vives vers le sauvetage de l'éducation féminine et familiale chrétienne. C'est là l'objectif de votre congrès ici, à Rome, au centre même de la chrétienté. Vous avez désiré recevoir de Nous quelques directives en vue de l'exécution pratique et efficace de vos résolutions. Nous les exprimerons et les grouperons sous les chefs suivants :


1. — UNE FOI VIVE ET SURNATURELLE

Avant tout, foi fière, alerte, intrépide, ferme et vive à la vérité, au triomphe de la doctrine catholique. Les forces intellectuelles et politiques plus ou moins imprégnées d'athéisme s'appliquent à extirper la civilisation chrétienne. En face d'elles, nous apercevons la classe nombreuse de ceux pour qui les fondements spécifiquement religieux de cette civilisation chrétienne, depuis longtemps périmés, sont désormais sans valeur objective, mais qui voudraient néanmoins en conserver le rayonnement extérieur pour maintenir debout un ordre civique qui ne saurait s'en passer. Corps sans vie, frappés de paralysie, ils sont eux-mêmes incapables de rien opposer aux forces subversives de l'athéisme !

Ah ! tout autres êtes-vous ! Assurément, la bataille peut être rude, et précisément la bataille pour les droits de la famille, pour la dignité de la femme, pour l'enfant et pour l'école. Mais vous avez de votre côté la saine nature et par conséquent les esprits droits et de bon sens qui sont, après tout, la majorité ; vous avez surtout Dieu. Donnez donc raison à cette pensée de saint Paul : votre foi a fait de vous des héros dans le combat (He 11,33 ss.).

Nous appelons foi ferme : une foi absolue, sans réserves et sans réticences, une foi qui ne bronche pas devant les ultimes conséquences de la vérité, qui ne recule pas devant ses plus rigoureuses applications. Ne vous laissez pas duper, comme tant d'autres, après mille expériences désastreuses, par le songe creux de gagner à vous l'adversaire à force de marcher à sa remorque et de vous modeler sur lui. Votre jeune génération exprime, dans sa charte, l'espérance de « rallier à vos principes toute la jeunesse féminine du monde qui accepte comme fondement la loi naturelle dont la source est en Dieu et, à plus forte raison, toutes celles qui en tant que chrétiennes croient au Christ Rédempteur ». Nous applaudissons à votre entrain, à votre optimisme juvénile et Nous louons votre intention. Mais prenez-y garde : le grand secret pour gagner les autres c'est, avant tout, de leur donner l'évidence que, pour une catholique, sa foi est une solide et pleine réalité.

Nous appelons foi ferme et vive enfin : une foi qui, au jour le jour, se traduit en acte par l'humilité, la prière, le sacrifice. Précisément parce que vous entendez livrer bataille aux forces antichrétiennes qui sont « totalitaires », la première condition est de leur opposer la loi de Dieu spontanément, joyeusement, intégralement embrassée et observée dans votre vie. La prendre à la légère, cette loi, équivaudrait à l'aveu d'une déplorable frivolité, d'une funeste inconsistance. Ne l'oubliez pas : — Nous Nous adressons en ce moment, à celles qui, par leur âge et en raison du milieu dans lequel elles vivent, sont plus spécialement exposées à ces dangers — si bien intentionnées que vous soyez, vous participez comme les autres aux faiblesses d'une nature déchue ; de son côté, le serpent maudit ne se tient pas pour battu ; il continue comme au paradis d'enjôler la femme pour la faire tomber et ne trouve en elle que trop d'inclinations, trop d'attraits, dont il s'assure la complicité pour la séduire. Vous connaissez assez le monde d'aujourd'hui, chères filles, pour vous rendre compte que vous-mêmes qui y vivez avez besoin de force et de courage pour, à chaque pas, triompher des tentations, des séductions, de vos propres tendances, par un énergique « non » ! Mais comment le dire ce « non », comment le répéter indéfiniment sans vous lasser, à moins de comprendre et de reconnaître humblement en présence de Dieu que, créatures humaines, vous êtes impuissantes et que vous avez besoin de la grâce de Dieu. Or, cette grâce, vous ne pouvez compter l'obtenir sans la prière et le sacrifice.

Vous qui voulez, et cela est bien digne d'éloge, mener une vie apostolique, chacune de vous selon sa situation personnelle, vous ne pouvez tellement ignorer le monde que vous n'ayez conscience, dans votre lutte contre l'incrédulité et l'immoralité actuelles, de l'insuffisance radicale de toutes les ressources naturelles et de tous les moyens purement humains ; il y faut, de toute nécessité, l'union intime avec le Christ ; et cette union intime également suppose la prière et le sacrifice.

Chaque pas que vous avez fait ces jours-ci dans Rome, a dû laisser une impression profonde dans vos esprits et dans vos coeurs en y faisant revivre par le souvenir les chrétiens des premiers siècles du christianisme. Ces chrétiens-là furent hommes et femmes de sacrifice ; autrement il leur eût été impossible de remporter sur la haine, l'impiété, la luxure, les triomphes splendides dont le récit seul vous ravit d'admiration, comme il frappe de stupeur même les incroyants. La situation présente est-elle si différente de celle d'alors ? On l'a dit avec raison : pour passer de nos jours par les rues des grandes villes sans laisser ébrécher l'intégrité de sa foi, éclabousser la pureté de sa vie, il ne faut pas un moindre héroïsme que pour leur rendre le témoignage du sang.


Pie XII 1947 - RADIOMESSAGE AU CONGRÈS NATIONAL MARIAL DES PAYS-BAS