Pie XII 1947 - ALLOCUTION AU CONGRÈS INTERNATIONAL CÉLÉBRANT LE 50^ ANNIVERSAIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA T. S. F. PAR MARCONI


ALLOCUTION A DES MEMBRES DU CONGRÈS AMÉRICAIN

(7 octobre 1947) 1

Les membres du Congrès auxquels le Saint-Père a adressé cette allocution étaient des membres du Sénat et de la Chambre des représentants appartenant au * Committee Investigating Information program ».

Le 7 octobre est un jour mémorable dans les annales de la chrétienté. C'est en ce jour de l'an 1571 que les puissances représentant la civilisation chrétienne s'unirent pour arrêter, à la bataille de Lépante, la menace colossale venue de l'Orient. C'est un jour d'actions de grâce commémoré dans le calendrier liturgique non seulement parce qu'alors les sanctuaires de l'Europe et leurs autels furent sauvés d'une destruction complète, mais aussi parce que les prières ordonnées par le pape Pie V, alors régnant, contribuèrent, de l'avis de tous, pour une large part, à la victoire.

Ce jour Nous remémore l'assistance la plus efficiente que Nous, successeur de cet autre Pie, pouvons offrir aux défenseurs des droits de Dieu et de l'homme. Nous vous demandons d'être assurés, honorables membres du Sénat et de la Chambre des représentants, de Nos constantes prières pour vous dans les tâches ardues et urgentes auxquelles vous avez à faire face. Une très grande partie du monde a les regards tournés vers vous, tandis que des nations déchirées par la guerre sont aux prises avec une situation qu'elles ne peuvent supporter plus longtemps sans de graves périls pour chacune d'entre elles. L'illumination de l'éternelle sagesse est indispensable quand il s'agit d'élaborer une politique hardie et de mener à bonne fin des décisions lourdes de conséquences à lointain retentissement. Nous prierons Dieu qu'il vous guide dans vos délibérations et qu'il vous enrichisse toujours de sa grâce et de ses bénédictions, vous et les vôtres qui vous sont chers.


ALLOCUTION A DES MEMBRES DE L'« AMERICAN LEGION »

(7 octobre 1947) 1

Le Pape reçut une délégation de l'American Légion auquel il adressa une brève allocution.2

1 D'après le texte anglais de Discorsi e Radiomessaggi, t. IX, p. 259.
2 Le 2 octobre 1947, le Souverain Pontife s'était déjà adressé à un autre groupe de l'American Légion (cf. ci-dessus, p. 293).


Si votre nom est belliqueux, votre esprit ne l'est guère. Dans l'ancienne Rome, les légionnaires étaient regardés comme les meilleurs et les plus fidèles soldats, les plus authentiques Romains. Mais ils étaient embrigadés par un seul Champ-de-Mars, vaste et plan. Vous êtes les vétérans de nombreux champs de bataille, sur lesquels, Nous l'espérons, vous n'aurez plus jamais à y retourner ; et maintenant, vous êtes organisés comme une force pour la paix.

Votre loyalisme envers votre patrie s'est inscrit en pages impérissables dans l'histoire de deux terribles guerres. Mais souvenez-vous-en, les pages qui racontent l'histoire des temps de paix ne sont pas moins honorables, et la Légion, Nous en sommes sûr, inscrira sur ces pages, avec non moins de gloire, le témoignage de son loyalisme envers la patrie. La Déclaration des Droits, pour laquelle les hommes sont morts, peut être perdue plus tard dans une bataille non sanglante. Sans doute, y a-t-il une force dans l'union et la force est un grand bien à condition qu'elle soit mise au service d'un but digne et bon. Mais cette force peut être manceuvrée et détournée sur une voie qui ne conduit pas au bien, ni au bien de l'individu, ni au bien du pays qui l'a suscitée. C'est la faiblesse de toutes les organisations humaines.

Nos voeux les meilleurs accompagnent donc la Légion américaine. Que Dieu accorde à ses membres d'être le rempart et l'honneur de leur pays comme ils ont été sa gloire dans la guerre. Nous appelons les bénédictions de Dieu sur vous et sur tous ceux qui vous sont proches et chers.


ALLOCUTION A LA COMMISSION MILITAIRE DU CONGRÈS AMÉRICAIN

(8 octobre 1947) 1

1 D'après le texte anglais de Discorsi e Radiomessaggi, t. IX, p. 275.

Le Saint-Père reçut le 8 octobre 1947 un groupe de membres de la Chambre des représentants des Etats-Unis appartenant à la commission des services militaires. Il leur déclara :

Une commission des services militaires d'un organe législatif est d'un heureux augure. L'appellation suggère une mutuelle dépendance qui est vraiment saine. Parfois la loi et l'ordre ont besoin de l'arme puissante de la force. Mais toujours, la force devrait être contrôlée par la loi et l'ordre et n'être utilisée que pour leur défense. Jamais, l'homme ne peut se considérer comme possédant en lui-même la source de l'ordre.

Si ce principe était accepté et pratiqué partout, un sentiment de sécurité plus grand régnerait aujourd'hui parmi les peuples.

Nous saluons donc les honorables législateurs et les membres distingués des forces armées. Puisse la bénédiction de Dieu reposer sur votre amicale coopération pour le plus grand bien de votre chère patrie et du monde entier. Nous le prions aussi de vous bénir, vous, et tous ceux qui vous sont proches et chers 2.


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DES CHARITÉS CATHOLIQUES DES ETATS-UNIS

(12 octobre 1947) 1

La Conférence nationale des Charités catholiques est l'organisation fondée par l'épiscopat des Etats-Unis pour centraliser toutes les oeuvres de charité. Lors de son 33e Congrès tenu à la Nouvelle-Orléans sous la présidence de S. Exc. Mgr Joseph Runnel, évêque de cette ville, le Pape lui adressa par radio le message suivant :

Sous la douce et paternelle présidence de Notre Vénérable Frère, l'archevêque de la Nouvelle-Orléans, votre congrès national a pu goûter la gracieuse hospitalité du Sud, et maintenant, avant de clôturer sa session, vous avez exprimé le souhait d'entendre la parole de votre Père commun. Bien que très éloigné de vous physiquement, Nous Nous sentons au milieu de vous spirituellement et avec joie Nous vous envoyons Notre salut.

A l'ordre du jour de votre congrès, il y avait un seul sujet : la charité. La charité est un mot parfois utilisé abusivement pour désigner toute espèce d'activité bienfaisante ou philantropique. Mais pour vous, la charité a un sens sacré et consacré. La charité est différente de toute autre forme d'amour humain, parce qu'elle est une réplique de l'amour du Christ pour les hommes. « Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Telle est la charité. Saint Paul écrivait aux Romains : « Accueillez-vous donc les uns les autres comme le Christ vous a acccueillis pour la gloire de Dieu » (Rm 15,7). Telle est la charité.

« Vous vous aimerez les uns les autres, dit le Christ, comme je vous ai aimés. » « Non pas comme l'amour qui corrompt l'innocence ou la foi » commente l'immortel Augustin 2 ; « non pas comme les hommes s'aiment les uns les autres simplement parce qu'ils sont membres de la même race humaine ; mais d'un amour qui sait et qui professe que tous les hommes sont fils de Dieu, fils du Très-Haut ; ils savent qu'en eux doit être formée et achevée la ressemblance fraternelle au seul Fils bien-aimé. »

« Vous vous aimerez les uns les autres comme je vous ai aimés. » Et qu'aima le Christ en l'homme, si ce n'est Dieu ? Non pas qu'il trouvât Dieu déjà en chaque homme, mais il espérait par son amour pouvoir rendre Dieu à chaque homme. On dit qu'un médecin aime les malades. Oui, mais qu'aime-t-il dans les malades ? Certainement pas la maladie ! Non, il aime la santé qu'il espère rendre aux patients. La charité signifie que vous vous aimiez les uns les autres, de manière à mettre Dieu de plus en plus dans la vie du prochain, afin que rendus solidaires comme des membres multiples, vous puissiez, par l'Esprit du divin Amour, collaborer pour former un corps qui ne soit pas indigne de la Tête divine.

Membres des Conférences de Saint-Vincent de Paul et vous tous apôtres des Charités catholiques, votre vocation est sublime. Quand ce grand modèle de charité chrétienne, Frédéric Ozanam, lança pour la première fois ses conférences, son but était de démontrer que l'enseignement du Christ était encore réalisable à l'heure présente. La Société de Saint-Vincent de Paul était un défi de la jeunesse catholique à une race d'hommes sceptiques qui croyaient qu'il n'y avait plus moyen d'accorder leur vie avec les principes énoncés par l'Evangile. Des six jeunes gens qui formèrent la première conférence, aucun n'avait plus de vingt ans. La race des hommes à laquelle ils jetèrent leur défit subsiste encore, chers fils, comme l'expérience vous l'a prouvé. Comme le voyageur dont parle l'Evangile, ces hommes tombent dans une embûche de voleurs qui leur dérobent leur trésor de foi et d'amour et les laissent languir dans une misère sans espoir. Bien que vous ne soyez que des laïcs dans le monde, approchez de ce grand invalide et tandis que vous lui apportez le pain pour nourrir son corps et que vous vous empressez personnellement pour subvenir à ses différents besoins comme de bons samaritains, penchez-vous et essayez amicalement de panser ses blessures et versez sur celles-ci

2 In Ioannis Evang., tract. 65, c. 13 ; Migne, P. L., t. 35, col. 180S-1809.


CHARITÉS CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS

305

l'huile du doux message du Christ. Chuchotez aux oreilles de celui qui est peut-être depuis longtemps sourd aux conseils du prêtre, des mots d'encouragement, d'espoir et de paix ; et l'exemple de votre amour modelé sur celui du Christ, hâtera le jour où cette victime aigrie par la tristesse, l'échec ou l'injustice, fera retour vers ceux que Dieu a constitués gardiens et médecins des âmes.

Oh ! Nous savons les immenses bienfaits réalisés par les conférences et les autres oeuvres de charité catholique dans tant de paroisses de votre pays et Nous les bénissons de tout coeur, mais la charité ne doit jamais regarder en arrière, mais toujours en avant. Le nombre de ses actes passés est toujours petit, alors que les misères d'aujoud'hui et de demain qu'elle doit soulager sont sans fin.

Avec Ozanam, Nous souhaitons également voir tous les jeunes gens de tête et de coeur s'unir pour réaliser quelque oeuvre de charité chrétienne. Ce n'est pas une affaire d'argent, il s'agit de se donner soi-même. Un tel apostolat revitaliserait leur foi, leur donnerait une direction et une stabilité par une attitude correcte devant les aspects frivoles de la vie, éveillerait en eux leur capacité et, par là, serait un remède puissant contre les maux provoqués par les inégalités sociales et raciales.

O Coeur compatissant de Jésus ! Remplissez-nous de votre amour et apportez du soulagement aux pauvres, aux éprouvés, à tous ceux qui sont dans la détresse du corps ou de l'âme, car ils sont tous membres très chers de votre corps. Que votre doux esprit de pitié et de charité continue à remplir le coeur de nos jeunes d'Amérique afin qu'ils puissent véritablement être vos « collaborateurs pour la vérité» (III Jn 8).


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS MARIAL ARGENTIN

(12 octobre 1947) 1

Le même jour, le Saint-Père prononça un second radiomessage. Celui-ci clôturait le Congrès mariai national argentin, réuni au sanctuaire de Notre-Dame de Lujan (Buenos Aires), sous la présidence de S. Em. le cardinal Giacomo Luigi Copello, archevêque de Buenos Aires et légat pontifical.

C'était le 15 octobre de l'année 1934. Les cris de joie et les chants enthousiastes des imposantes solennités de la veille vibraient encore dans l'air ; les coeurs battaient avec force, accélérés par la ferveur, et dans Notre rétine se pressaient encore les récentes images de ce trente-deuxième Congrès eucharistique international que Nous avions clôturé la veille, lorsque, laissant derrière Nous la charmante capitale, théâtre de tant de merveilles, Nous pénétrions de très bon matin dans l'intérieur du pays, promenant Nos regards sur les portes de votre pampa qui par son immensité et sa solennelle majesté peut évoquer la grandeur imposante de la mer.

Où allions-Nous ? Nous allions accomplir un aimable devoir. La grande assemblée avait été un triomphe sans précédent et ce succès — qui, comme dans tous les cas qui demandent une organisation si complexe, pouvait dépendre d'un détail quelconque, de ceux qui échappent à l'homme — on le devait, après Dieu, à la patronne officielle du congrès, l'Immaculée Conception du Rio Lujan. On avait prié sans interruption devant son image, afin que, comme quelqu'un l'a dit, la patrie « dont le drapeau a les couleurs de son manteau, fut digne de sa tradition ». Elle-même, à deux dates antérieures, avait eu la condescendance de présider le « Jour de la Patrie » auquel Nous étions présent, admirant de quelle manière les deux grands amours de toute âme noble, Dieu et la patrie, peuvent se fondre harmonieusement dans un seul et vrai culte. Nous allions faire visite à la très Sainte Vierge et lui présenter Nos remerciements.

Et pendant que, sous Nos yeux, se déroulait silencieusement le calme du paysage, Nous Nous souvenions d'abord de tout ce qu'une pieuse tradition nous apprend sur votre patronne et ensuite de l'histoire de ce sanctuaire dont les deux tours, comme deux cris de triomphe qui montent vers le ciel, Nous saluaient déjà à l'horizon. C'est elle qui voulut rester là, mais l'âme nationale argentine a su comprendre qu'elle avait là son centre naturel.

Le sanctuaire du Rio Lujan.

En entrant dans ces vastes nefs ; en voyant les drapeaux que Bel-grano gagna à Salta ou l'épée que San Martin brandit au Pérou ; en lisant les marbres qui rappellent le solennel couronnement de 1887, le premier qui ait eu lieu en Amérique, ou l'affirmation de son patronage sur les terres de la Plata en 1930 ; en montant vers cet autel aussi riche que dévot, alors, mais alors seulement, il Nous sembla que Nous étions arrivé au fond de la grande âme du peuple argentin. Parce que le peuple argentin, comme tous les peuples chrétiens, sait, et votre congrès actuel Nous l'a répété, que le culte à la Mère de Dieu, prophétisé par elle-même lorsqu'elle annonça : Beatam me dicent omnes generationes (Lc 1,48), est un élément fondamental de la vie chrétienne.

Marie, notre modèle.

Effectivement, quel est celui d'entre nous qui passons dans ce monde chargés du poids de tant de faiblesses et exposés à tant de dangers, qui n'ait besoin de son aide ? Ecoutez plutôt le doctor eximius qui vous dit : « Nous avons dans la Vierge une avocate universelle pour tout, car elle est plus puissante en n'importe quelle nécessité que tous les autres saints dans les particulières ».2

Honorons-la donc, en reconnaissant l'éclat sans pareil de sa beauté, les délicatesses de sa bonté et l'irrésistible attrait de sa puissance ; honorons-la pour l'excellence de ses vertus et pour la

= Suarez, in III, disp. XXIII, sect. III, n. 5, ed. Paris, t. 19, 1869, p. 336, b.

dignité incomparable de sa mission ; révérons-la en proclamant sa grandeur, en lui manifestant notre respect et en lui demandant son intercession. Finalement, imitons-la sans faiblir dans un si noble idéal parce que selon les paroles d'un grand pontife mariai, l'immortel Léon XIII : « Dieu qui est bon et sage nous présente en Marie le modèle le plus achevé de toute vertu ; et nous, attirés par l'affinité même de la commune nature, nous nous efforçons avec plus de confiance de l'imiter ».3

Le pauvre monde, comme s'il voulait reculer de vingt siècles jusqu'aux aberrations de la société païenne en décadence, met sur ses autels les vaines idoles de la luxure, de l'orgueil, de la convoitise et, comme conséquence naturelle, de la haine contre quiconque pourrait lui disputer sa ration mesquine de plaisir, sa misérable parcelle de domination ou la goutte qui peut désaltérer ce qui n'est pas une soif d'eau, mais une soif de métal. Vous, par contre, vous voulez en ce moment renouveler votre soumission à celle qui est le symbole de toute pureté, Mater castissima, l'incarnation de la plus complète humilité, Ecce ancilla Domini, la personnification du plus total dépouillement ; à celle qui est, comme personne, Mater pulchrae dilectionis, exemplaire parfait de charité et d'amour.

Promettez à Marie que vous allez vous consacrer de toutes vos forces à conserver et à favoriser la dignité et la sainteté du mariage chrétien ; l'instruction religieuse de la jeunesse dans les écoles ; et l'application des enseignements de l'Eglise dans la vie économique et dans la solution de la question sociale ; le fait d'être fidèles à l'Eglise dans ces points fondamentaux de la civilisation chrétienne est aujourd'hui une preuve évidente de véritable amour envers Marie et envers son divin Fils. Promettez-lui aussi, d'accord avec l'esprit du congrès, d'intensifier chaque jour davantage votre dévotion envers elle et, si cette dévotion est ce qu'elle doit être, elle ne manquera pas de vous conduire à l'application intégrale des principes et des normes de la vie chrétienne, sans tomber dans l'erreur de ceux qui, tout en cherchant à se faire passer ostensiblement pour des chrétiens, soutiennent en même temps des doctrines qui sont incompatibles avec le christianisme.

3 Encycl. Magnae Dei Matris, du 8 septembre 1892 ; Léon. XIII Acta, ed. Rom., vol. p. 232.

Voeux du Saint-Père.

Bien-aimés congressistes du premier Congrès mariai national argentin ! Que le Dieu de bonté et de miséricorde accepte vos bons propos et que cette nouvelle série d'assemblées mariales que vous inaugurez en ce moment soit aussi féconde en fruits spirituels que la série jumelle de vos réunions eucharistiques ; que la Sainte Vierge Marie, ainsi que vous le lui demandez sans cesse, protège « votre ville de Lujan et votre peuple argentin en ses diverses provinces, qu'elle accorde la même protection aux frères de l'Uruguay et du Paraguay ; qu'elle maintienne tous dans la foi catholique, malgré les machinations des incrédules ; qu'elle vous donne des prêtres zélés pour votre salut, des autorités honnêtes et chrétiennes ; qu'elle inspire à tous la foi, l'abnégation et la charité ».4 Que celle que vous avez invoquée en chantant : O sainte Marie, ô annonciatrice de la paix, vous êtes la Mère de Dieu, sauvez le monde, obtienne finalement pour le monde une paix prochaine, stable et juste, et qu'en ce moment solennel qui a apporté tant de consolation à Notre coeur tourmenté de Père, descendent de là-haut les meilleures bénédictions sur vous tous, sur Notre très digne cardinal légat, sur tous Nos zélés Frères en l'épiscopat avec leur clergé, leurs fidèles, et avec tous les pays qu'ils représentent ; sur les autorités qui, par leur coopération et leur présence, ont voulu contribuer à la plus grande splendeur de ces solennités, et sur le très aimé peuple argentin tout entier toujours si présent à Notre souvenir et à Notre paternelle affection.


ALLOCUTION A S. EXC. M. TAHER AL OMARI BEY MINISTRE D'EGYPTE

(17 octobre 1947)l

Après avoir reçu les lettres de créance du premier représentant diplomatique de l'Egypte auprès du Saint-Siège, le Saint-Père déclara :

Bien grande est la satisfaction qui Nous remplit l'âme au moment où Nous recevons des mains de Votre Excellence les lettres par lesquelles S. M. le roi d'Egypte vous accrédite auprès de Nous en qualité d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire.

C'est un spectacle unique que présente à Nos regards le pays et le peuple que vous avez la mission de représenter ici. En Egypte se rencontrent en contact immédiat, en impressionnante compéné-tration, le présent et le passé.

Quel présent ! Plein de vie, exubérant de vigoureuse volonté et de jeunes espérances. Quel passé ! Fier d'une civilisation dont les documents et les monuments, accumulés au cours d'une histoire pluri-millénaire, nous disent la grandeur et la magnificence. Passé fameux de la terre des Pharaons dont les Livres saints de la religion chrétienne ont consigné eux-mêmes d'abondants témoignages, succession de dynasties, flux et reflux de périodes tour à tour lumineuses et sombres : périodes d'éclat et de prospérité, où, à la splendeur de la puissance politique et de l'organisation sociale, se joint celle des sciences et des arts ; périodes de bouleversements dévastateurs et de catastrophes nationales ; tout cela, vicissitudes et contrastes, culture matérielle et spirituelle, rendu plus frappant encore par le fait même de l'exiguité de ce pays d'une fécondité merveilleuse que le Nil chaque année en son avancée majestueuse dispute et dérobe victorieusèment à son mortel ennemi le désert. L'Egypte, don du Nil ; ôtûpov tov nozafidï) / Ainsi le figure, d'une manière heureusement expressive le marbre célèbre conservé dans les musées du Vatican, dont il est une des pièces d'art les plus précieuses.

Et c'est un spectacle unique aussi que présente le peuple égyptien demeuré, dans son fond, en dépit de toutes les agitations inséparables des grands événements de l'histoire et des transformations culturelles, toujours identique à lui-même : en quoi se manifeste la souplesse et la persévérante fermeté de son caractère. Il fait penser à vos pyramides, à ces créations les plus monumentales de l'art égyptien qui, dans leur tranquille sérénité ont laissé passer sur elles durant des milliers d'années tous les ouragans de l'atmosphère et de l'histoire sans en être aucunement affectées.

La chrétienté a pris, dès ses premières origines, une part intime aux destinées de l'Egypte, par son action bienfaisante, par sa vie florissante, par les grandes et magistrales figures qui l'ont illustrée et cela même parmi les agitations et les épreuves les plus grosses de conséquences. Mais pourquoi Nous arrêter aux souvenirs du passé quand le présent se montre à Nous si plein d'espérance ?

Votre Excellence a tenu à évoquer le souvenir de deux dates particulièrement suggestives : celle de l'année 1839 d'abord, où le fondateur de la dynastie régnante, le vaillant Mohamed Ali, infatigable promoteur du bien de sa patrie, noua des relations d'amitié avec Notre prédécesseur de sainte mémoire Grégoire XVI, éveillant pour les enfants de l'Eglise catholique en Egypte l'aurore d'une ère de pacifique développement ; l'autre date mémorable est celle de la visite, en 1927, du regretté roi Fouad à Notre prédécesseur immédiat, Pie XI. Les précieux marbres d'Orient offerts par Mohamed Ali et par le roi Fouad, pour l'ornement de la Basilique Saint-Paul-hors-les-murs, y demeurent comme un mémorial permanent de ces heureux événements. Il Nous plaît de rappeler ici le souvenir d'une autre rencontre qui Nous procura à Nous-même l'honneur de faire la connaissance personnelle du roi Fouad à l'occasion de sa visite à Berlin et de lui adresser, en Notre qualité de doyen du Corps diplomatique accrédité auprès du gouvernement du Reich allemand, Nos hommages et Nos meilleurs souhaits.

Nous éprouvons une particulière satisfaction à entendre sur les lèvres de Votre Excellence l'expression du noble désir qui anime S. M. le roi Farouk I, de collaborer avec Nous à l'avènement du règne de la paix et de la justice dans le monde. Plus les embarras

et les obstacles qui s'amoncellent pour lui barrer la route semblent reléguer dans un lointain avenir ce jour fortuné, plus impérieux est pour tous ceux qui peuvent contribuer en quelque manière à le hâter, le devoir d'appliquer toute leur volonté, de tendre toutes leurs énergies vers la réalisation d'une paix, sinon parfaite, du moins supportable à tous et durable.

Le travail d'approche le plus profitable en vue de préparer la paix entre les peuples consiste toujours à procurer en chacun d'eux l'amélioration des conditions de vie, le relèvement de la moralité, l'ordre dans les relations sociales. L'Eglise catholique sera fort heureuse, si elle peut, avant tout par le moyen de bonnes écoles, contribuer au sain progrès du sens religieux et de la conscience des responsabilités morales et être par là, utile au vrai bien du pays.

A Votre Excellence, dont le nom et les origines familiales sont dans votre patrie l'objet de la plus honorable considération, Nous voulons exprimer l'assurance de Notre cordial appui dans l'accomplissement de sa haute mission. Nous formons les voeux les plus ardents pour l'avenir de votre pays qui voit s'ouvrir devant lui une nouvelle phase de son histoire et Nous offrons à Dieu Notre prière pour son affermissement, sa prospérité en tous les domaines, pour sa paix à l'intérieur et à l'extérieur.

En prononçant ces derniers mots, Nous avons présente à l'esprit la condition exceptionnelle de ce territoire riverain du Nil qui, depuis la plus haute antiquité, se trouvait être au noeud qui déjà joignait ensemble l'Orient asiatique et le monde gréco-romain, mais qui désormais depuis la percée du canal de Suez et l'ouverture du continent africain est devenu pour l'avenir le confluent des civilisations orientale, méridionale et occidentale.

Nous prions Votre Excellence de se faire auprès de son auguste souverain l'interprète de Nos sentiments. Veuillez, en particulier, lui exprimer la part que Nous prenons de tout coeur à ses sollicitudes en présence du danger qui menace la santé et la vie de son peuple, l'assurant que Nous faisons monter vers Dieu Notre prière pour la prompte cessation de ce fléau national. Sur vous-même, Monsieur le ministre, sur votre famille et sur votre mission, Nous appelons les plus abondantes grâces et le tout-puissant secours du Très-Haut.


ALLOCUTION AUX ARTISANS CHRÉTIENS

(20 octobre 1947) 1

Cette allocution a été adressée aux participants du premier Congrès national de l'Association chrétienne des artisans italiens qui furent présentés au Saint-Père par M. Vittorio Veronese 2.

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi. t. IX, p. 297.
2 Alors président général de l'Action catholique italienne et président de l'Istituto Cattolico Attività Sociali. Depuis 1959 directeur général de l'U. N. E. S. C. O.


De grand coeur, Nous vous saluons, réunis ici devant Nous, chers fils et chères filles, représentants de l'artisanat chrétien de toutes les régions d'Italie, rassemblés à Rome pour votre premier Congrès national.


L'Eglise soucieuse de l'artisanat...

Bien que la force des circonstances ait, au cours des cinquante dernières années, fait converger l'action sociale de l'Eglise principalement, non exclusivement, vers les ouvriers de l'industrie, cela n'a affecté en rien cependant l'intérêt et l'amour dont l'Eglise a toujours été animée pour l'artisanat.

Ce sentiment se fonde, avant tout, sur des raisons historiques ; dans l'ordre social du passé, à travers les siècles, l'artisan et ses corporations ont exercé, même sur le plan ecclésiastique, une influence remarquablement bienfaisante. En fait ces corporations étaient en même temps des confraternités religieuses et remplissaient les devoirs qui sont aujourd'hui propres aux organisations catholiques.


... défenseur de la dignité du travailleur...

Mais les rapports entre l'Eglise et l'artisanat ont un fondement encore plus profond et essentiel, comme c'est le cas pour le groupe des agriculteurs. L'Eglise désire que certaines limites soient apposées à l'infériorité, qui pour l'homme moderne dérive du triomphe et de la prédominance de la machine et du développement toujours croissant de la grande industrie. Dans l'artisanat, au contraire, le travail personnel a conservé, du moins jusqu'à présent, sa pleine valeur. L'artisan transforme la matière première et conduit à son terme tout le travail auquel il est intimement lié et dans lequel trouvent un champ largement ouvert sa capacité technique, son habileté artistique, son bon goût, la finesse et la dextérité de ses mains pour créer des produits bien supérieurs, sous cet aspect, aux objets impersonnels et uniformes de la fabrication en série. C'est pourquoi la classe des artisans est comme une milice choisie pour la défense de la dignité et du caractère personnel du travailleur.


élément de paix sociale...

En outre, alors que la lutte contre nature entre patrons et travailleurs est souvent si âpre, l'artisanat est resté, d'une manière générale préservé de cette opposition. Son petit atelier présente encore bien souvent un caractère familial. Les ouvriers et les apprentis, sous la conduite du chef ou « maître », collaborent tous ensemble à la confection de l'objet demandé. Ainsi l'artisanat est une milice choisie également pour la sauvegarde de la paix sociale, pour la restauration et la prospérité de l'économie nationale.


s'il demeure imprégné d'esprit chrétien.

Mais, comme toutes les autres oeuvres civilisatrices, l'artisanat ne peut lui non plus remplir sa fonction culturelle et sociale, s'il n'est imprégné d'esprit chrétien. La croix ne doit jamais disparaître de vos foyers et de votre atelier, et elle doit être le signe d'une foi toujours vive et d'une sainte crainte de Dieu. Cette foi et cette crainte doivent guider et diriger vos pensées, vos paroles et vos actes. Ne manquez pas de prier ensemble, dans votre magasin ou dans votre atelier, « rendant toujours grâce pour toutes choses à Dieu le Père, au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ » (Ep 5,20).

Chers fils et chères filles, Nous nourrissons pour vous deux désirs profonds. Pendant plus d'un siècle, l'artisanat a dû lutter pour son existence en face de la grande industrie toute puissante et conquérante. Mais il a montré sa force de résistance et la vigueur de sa vitalité. Même dans les régions les plus industrielles et riches de

grandes fabriques, il a gagné à nouveau du terrain en ces dernières années et il peut regarder l'avenir avec un sentiment de confiance plein de promesses.

Vous combattez à présent pour le caractère chrétien de votre groupement. Si vous perdiez ce caractère, cela équivaudrait à rendre inefficaces pour la vie publique et à étouffer les fortes énergies religieuses et morales présentes dans l'artisanat chrétien. Restez donc conscients de l'importance et de la signification de votre action et travaillez avec prudence sans doute, mais aussi avec ténacité, fierté et courage chrétien.

En gage de la grâce surabondante de Notre Seigneur Jésus-Christ « qui est au-dessus de toute chose Dieu béni à travers les siècles » (Rm 9,5), qui exerça lui-même le métier d'artisan, en gage de la protection de votre céleste patron, saint Joseph, et de l'amour maternel de sa très pure épouse Marie, Nous vous accordons de tout coeur à vous, à vos familles, à votre association, Notre paternelle Bénédiction apostolique.



DISCOURS A S. EXC. M. ANTONIO ALVAREZ VIDAURRE, MINISTRE DE SALVADOR

(28 octobre 1947) 1

S. Exc. M. Antonio Alvarez Vidattrre, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République de San Salvador auprès du Saint-Siège ayant présenté ses lettres de créance, le Saint-Père lui répondit en espagnol en ces termes :


Nous recevons avec particulière satisfaction des mains de Votre Excellence les lettres de créance par lesquelles M. le président de la République de Salvador l'accrédite en qualité d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près le Saint-Siège.

Avec cela la représentation d'une si illustre république et, par conséquent, la noble nécessité de conserver et même de développer ensuite les cordiales et fructueuses relations entre l'Eglise et l'Etat, reste confiée à une personnalité de longue et sûre expérience qui, maintenant, dans l'intime et vivifiant contact avec l'esprit de la Rome éternelle pourra se consacrer aux devoirs de son importante charge avec toute l'énergie et le zèle qu'exige sa mission transcen-dantale.

Rien n'a pu nous être plus agréable que d'écouter des lèvres de Votre Excellence la formelle affirmation que, tant le chef d'Etat que le gouvernement et le peuple de Salvador, se sentent profondément unis à Nous dans Nos efforts pour obtenir une paix véritable.

Celui-là seul qui réfléchit b ien sur les obstacles nombreux et combien ardus qui nous séparent encore d'un bien si grand et si nécessaire, est en condition de comprendre avec quelle gratitude

Nous saluons et bénissons tous ceux qui s'apprêtent à collaborer à cette croisade spirituelle de la paix.

Car c'est un grand réconfort pour le Père de la chrétienté — toujours animé d'une profonde affection envers tous les peuples et toutes les races, envers tous les membres de la grande famille des nations — que de se savoir fidèlement accompagné, au long de cet épineux et dur chemin, d'une phalange choisie d'âmes généreuses, qui à toutes les latitudes et sur tous les continents, travaillent avec Nous à cet apostolat de la paix, en intime accord et avec une inlassable collaboration.

A cause de cela, Nous prions Votre Excellence de bien vouloir aimablement exprimer à M. le président, aux membres du gouvernement et à tout son peuple Notre satisfaction et Notre vive reconnaissance pour cette alliance spirituelle qui nous unit au service de la paix.

Il n'est pas douteux que les événements de l'après-guerre ainsi que d'autres vicissitudes lamentables n'aient amené avec soi pas mal d'éléments de progrès qui doivent être salués avec joie.

Dans l'aéropage mondial des Nations Unies et à côté de grandes puissances, a été érigée, même pour les nations plus petites, une tribune publique d'orateurs (que les anciens romains auraient appelé « rostra »), laquelle, par sa vaste résonnance, mériterait bien d'être mise au service d'une digne et juste paix.

Il est vrai que, après les désillusions et les expériences souvent humiliantes de l'après-guerre, aucune intelligence clairvoyante et raisonnable se sentira poussée à donner plus de valeur qu'il ne faut aux immédiates et palpables possibilités de cette tribune mondiale.

Cependant, il ne reste pas moins vrai qu'aucun de ceux qui ont pris à coeur, comme un devoir sacré, de lutter pour une paix digne, doive renoncer à se servir de cette possibilité, si limitée qu'elle soit, pour secouer la conscience du monde à partir d'un lieu si haut placé et si en évidence, même dans le cas où d'innombrables indices sembleraient démontrer que leurs raisons risquent de n'être — pour un temps plus ou moins long — qu'une simple « voix dans le désert ».

Tous les peuples ont maintenant un besoin angoissant de paix extérieure, garantie et effective, pour pouvoir s'adonner à l'intérieur, avec sereine abnégation, à la tâche grandiose d'une reconstruction économique, sociale et culturelle, après laquelle soupire si anxieusement le sens humain et chrétien des peuples.

Les immenses bienfaits qu'une juste paix sociale doit apporter à toutes les classes de la société méritent bien les sacrifices — aujourd'hui non compris de tous, peut-être, mais salutaires et fructueux — qui sont la condition nécessaire de son établissement et de sa perfection progressive.

Précisément l'année dernière, au moment où l'on célébrait le quatrième centenaire de la capitale de Salvador, son épiscopat, à la lumière des principes proclamés par cette chaire apostolique, publia une déclaration sur la justice sociale et sur l'action en faveur des classes ouvrières, qui honore les évêques et tout le clergé de cette noble nation.

Pour Notre part Nous ne doutons pas que ces instructions des ministres du sanctuaire n'aient trouvé et ne continuent à trouver parmi les séculiers, l'écho qu'elles méritent et que Nos meilleurs fils et filles de cette nation ne soient disposés à les mettre en pratique d'un commun accord, conformément aux conditions et aux possibilités du pays.

A ce propos, il Nous plaît d'exprimer à Votre Excellence en cette solennelle occasion, comme au digne et expérimenté représentant de son peuple, Notre intime certitude que l'Eglise a une mission particulière à remplir dans le champs du progrès social, mission que tout Etat devrait même, pour l'intérêt de son peuple, non seulement tolérer sans réserves, mais encore favoriser consciemment.

Nous gardons l'espoir que cette bienheureuse concorde qui existe entre l'Eglise et cette nation si aimée de Notre coeur paternel, et que Votre Excellence représente, concorde voulue de Dieu d'ailleurs, et profitable à tous, se consolide et se développe heureusement ; et que ici, sur le sol sacré de la Ville éternelle, il vous soit donné, Monsieur le ministre, de pouvoir préparer le chemin à cette confiance réciproque et toujours croissante ainsi qu'à ses effets bienfaisants.

Dans ces sentiments Nous invoquons la protection du Très-Haut sur M. le président de la République, sur le gouvernement, sur tout le peuple de Salvador et spécialement sur Votre Excellence à qui Nous présentons Nos félicitations et Nous donnons, avec l'expression de Notre particulière affection, Notre Bénédiction.


Pie XII 1947 - ALLOCUTION AU CONGRÈS INTERNATIONAL CÉLÉBRANT LE 50^ ANNIVERSAIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA T. S. F. PAR MARCONI