Pie XII 1948



DOCUMENTS PONTIFICAUX

de Sa Saimteté PIE XII

« Nous gouvernons sous les rafales de la tempête, sous les coups furieux de l'ouragan. »

Pie XII Discours au Sacré Collège 2 juin 1948


DOCUMENTS PONTIFICAUX



DOCUMENTS PONTIFICAUX

de Sa Sainteté Pie XII

1948

REUNIS ET PRÉSENTES

par


R. KOTHEN

Éditions Labergerie Editions Warny

17, rue Cujas 2, rue Vésale

PARIS LOUVAIN

Imprimatur Malines, 27 avril 1950 -J- L. Suenens, Vie. Gen.


PRÉFACE

de Son Eminence le Cardinal Jules Géraud Saliège Archevêque de Toulouse

A toute question que posaient les événements, par ses allocutions et ses messages, le Pape Pie XII a donné réponse. Il n'a pas laissé le troupeau dont il a la charge sans lumière et sans directives.

Sa pensée a évoqué les problèmes du temps présent, problèmes doctrinaux, sociaux, civiques, juridiques, et les a élucidés à la lumière de l'Évangile et de la Tradition. Les documents pontificaux constituent une véritable somme, un élément et un progrès de la tradition vivante.

Des volumes sont nécessaires pour les contenir.

On peut les ranger selon l'ordre de leur parution ou suivant l'ordre de leur objet. Peu importe l'ordre suivant lequel ils sont disposés. L'important c'est qu'ils soient connus, qu'on puisse les retrouver facilement et, avec eux, l'occasion qui les a fait naître.

Le lecteur ne sera pas déçu par ce livre, le premier d'une série. La disposition technique rend la lecture facile en même temps qu'elle donne du texte pontifical une intelligence rapide.

Pour avoir entrepris la diffusion des enseignements du Pape Pie XII, M. l'Abbé R. Kothen a droit à des félicitations.

Je souhaite à son oeuvre le succès qu'elle mérite.

A Toulouse, le 27 mai 1950.

t Jules Géraud, Cardinal Saliège, Archevêque de Toulouse.


INTRODUCTION

« La Parole de Dieu n'est pas enchaînée », disait déjà Saint Paul (2Tm 2,9) et lui-même apportait un vivant témoignage de cette affirmation; alors qu'il était dans les fers, il ne cessait de prêcher la bonne nouvelle du salut, et cette parole vivante ignorant les entraves convertissait. Aujourd'hui elle retentit encore pour élever et sanctifier les hommes de notre temps.

De même la voix de l'Église à travers les siècles ne reste jamais muette, elle continue sans interruption son oeuvre de salut. En 1948 la voix du Souverain Pontife se fait plus retentissante que jamais, apportant aux hommes de tous pays, les enseignements sauveurs. Ainsi que le disait Monseigneur Montini substitut à laSecrétaireried'État: «ses enseignements variés, riches, sages, modernes que le Souverain Pontife proclame dans l'exercice de son magistère, apparaissent plus autorisés et plus providentiels que jamais, au cours de ces années critiques 1 ».

Nous avons cru utile de mettre à la portée des chrétiens ces paroles éclatantes et vivifiantes. Le Pape lui-même nous y invite quand il dit : « Les catholiques doivent adhérer solidement aux enseignements de la chaire de Pierre, en les consultant et étudiant dans leur texte original 2. »

En lisant les pages qui suivent, on pourra très nettement se rendre compte des préoccupations dominantes de l'Église actuellement. En effet, quelques grands thèmes se dégagent d'eux-mêmes, lorsqu'on lit les documents pontificaux de 1948.

(1) Lettre de Mgr Montini à Son Exc. Mgr Bernareggi, 26 septembre 1948 (76).
(2) Allocution aux Jeunes filles de l'Action Catholique, 5 septembre 1948 (67).


I. — La vie intérieure de l'Église.

Le Pape se fait d'abord l'apôtre de la vie intérieure : « Heureux, dit-il, celui qui, dominant l'agitation du monde qui l'entoure, sait goûter dans le silence et le recueillement la paix de Dieu 3. » Il invite à la prière et au sacrifice. Il exalte les bienfaits de l'Eucharistie et de la dévotion envers la Sainte Vierge Marie, il demande que les chrétiens fassent des retraites fermées, il demande aux hommes de notre temps de vivre de Foi et de développer la Charité. En ces temps d'épreuves, il est plus nécessaire que jamais de cultiver la vertu de force « cette force d'âme que les plus dures épreuves ne peuvent abattre 1 ».

Le Souverain Pontife montre l'importance qu'il y a de donner à la jeunesse une éducation authentiquement chrétienne, afin de garder intact dans le peuple « le patrimoine ancestral de la foi 2 ».

Il patronne également le développement des sciences en général et des sciences sacrées en particulier. Il demande que dans la Pastorale et dans l'Action catholique, on fasse preuve d'audace.

(3) Allocution aux Congressistes du Club alpin italien, 26 septembre 1948^(75)
(1) Allocution à la Noblesse romaine, 14 janvier 1948 (4).
(2) Lettre à l'Épiscopat polonais, 18 janvier 1948 (7).


II. — La vie extérieure de l'Église.

L'Église définit actuellement avec précision la position catholique en face des graves problèmes de l'heure présente.

Le Pape Pie XII s'efforce de promouvoir la paix internationale en demandant à tous les hommes de collaborer loyalement dans les organisations internationales et en indiquant clairement les principes moraux qui doivent guider les peuples dans leurs relations mutuelles. Il demande en particulier qu'on donne un statut international aux Lieux Saints de Palestine afin de les protéger. Devant les grandes détresses provoquées par la guerre, il ne cesse de faire appel aux secours, afin que les nations plus favorisées aident les réfugiés et l'enfance malheureuse. Il déclare : « Votre Père se présente à vous, la main tendue et fait appel à votre libéralité 3. »

Dans l'ordre social le Pape indique clairement les exigences actuelles auxquelles il faut se soumettre; car dit-il, tout fils de l'Église « doit collaborer à l'établissement d'un tel ordre pour le bien de la communauté entière 4 ». L'Église continue sans désemparer à entourer les travailleurs de toute sa sollicitude, elle demande qu'ils soient traités en hommes et que « tous puissent vivre tranquilles et heureux, avec des moyens d'existence suffisants, efficacement protégés contre les violences d'une économie égoïste, dans une liberté circonscrite par le bien général et dans une dignité humaine que chacun respecte dans les autres comme en lui-même5 ».

Enfin le Saint Père voit grandir sur le monde la menace du communisme. Il ne cesse d'en indiquer les méfaits et d'avertir les chrétiens des immenses dangers qui pèsent de ce fait sur le monde. « L'Église souffre à la pensée du mal que ses ennemis font à eux-mêmes, du mal qu'ils font à tant d'âmes simples, fragiles, ignorantes, pour lesquelles ils sont cause de scandales et de ruines 1. »

(3) Radiomessage au Peuple de la République argentine, Ier février 1948 (11).
(4) Allocution à l'Avant-garde catholique, 4 janvier 1948 (2).
(5) Allocution aux Jeunes gens de l'Action Catholique, 12 septembre 1948 (72).
(1) Discours au Sacré Collège, 2 juin 1948 (47).

* * *

On remarquera au cours de la lecture de ces documents que la parole pontificale dépasse presque toujours l'auditoire limité que le Souverain Pontife a sous les yeux lors des audiences, et qu'elle vise au delà à atteindre l'ensemble du monde chrétien, formulant un enseignement général.

Nous avons précisément publié ici tous les textes qui ont une portée générale.

Afin de rendre la lecture plus aisée, nous avons utilisé des caractères différents pour indiquer l'importance variable des déclarations pontificales :

— les caractères gras indiquent l'énoncé de principes généraux de valeur permanente;

— les caractères romains de grosseurs différentes mettent en relief l'importance des textes : Encycliques, Discours, Messages, Lettres, etc.;

— les caractères en italique sont réservés aux commentaires.

Nous avons puisé nos textes à la source officielle, c'est-à-dire aux Acta Apostolicae Sedis (A. A. S.) qui publient le texte officiel des documents pontificaux, dans la langue originale; seul ce texte fait autorité 2.

D'autres documents moins importants qui ne sont pas publiés dans les A. A. S. ont été empruntés à l'organe officieux du Saint-Siège, le quotidien : L'Osservatore Romano.

Nous avons publié ici une troisième catégorie de documents qui sont épars dans des revues particulières.

Quant aux traductions, nous en avons emprunté un certain nombre à la Documentation Catholique qui donne au fur et à mesure de leur publication, les textes d'un grand nombre de documents pontificaux. Signalons que d'autres publications donnent fréquemment des traductions françaises de textes pontificaux : « La Croix » de Paris, « La Liberté » de Fribourg, la collection « Actes Pontificaux » de l'École sociale populaire de Montréal et les « Fiches documentaires » de Louvain.


(2) Le grand avantage de la collection des Actes pontificaux édités par la Bonne Presse de Paris, est de nous donner le texte original avec sa traduction française.




DISCOURS AU CORPS DIPLOMATIQUE (31 décembre 1947)

1. D'après le texte français de L'Osservatore Romano du Ier janvier 1948.

Il est de tradition que le Pape reçoive à l'occasion du nouvel an les membres du Corps diplomatique chacun séparément, par ordre d'ancienneté. Cette année le Pape, surmené par le travail, a reçu les diplomates en audience collective; les trente-six chefs de mission auprès du Saint-Siège étaient présents, ils représentaient : la Pologne, la Colombie, le Brésil, l'Equateur, la France, le Chili, le Pérou, l'Italie, la Belgique, l'Espagne, le Portugal, le Venezuela, la Bolivie, le Libéria, Saint-Marin, la Lithuanie, les Pays-Bas, le Cuba, le Costa-Rica, la Tchécoslovaquie, l'Autriche, la Chine, le Liban, la Grande-Bretagne, Monaco, l'Egypte, Haïti, Panama, la République Dominicaine, l'Argentine, les États-Unis, la Yougoslavie, la Finlande, l'Irlande, le Nicaragua; seule la Roumanie était absente. Le représentant de la Roumanie venait en effet de démissionner, à la suite de l'abdication du roi Michel de Roumanie et de la proclamation de la « République populaire », le 30 décembre 1947.

Sa Sainteté Pie XII remercie les diplomates pour leurs voeux et à son tour, présente les siens aux pays représentés auprès du Saint-Siège :


Si des empêchements, indépendants de Notre volonté ne Nous ont pas permis de donner, cette année, à la réception du Corps diplomatique sa forme accoutumée, soyez assurés cependant que Notre accueil d'aujourd'hui n'a rien perdu ni de son importance ni de sa profonde signification.


L'année 1948 se présente sous un jour sombre, en effet le monde ne connaît pas encore la paix 2.

De tout coeur Nous vous remercions des voeux que vous êtes venus Nous apporter avec votre exquise courtoisie et Nous vous prions, en vous offrant les Nôtres, de vous faire Nos interprètes pour les exprimer en Notre nom aux Souverains et Chefs d'États, ainsi qu'aux membres des Gouvernements dont vous êtes auprès de Nous les illustres représentants.

Au seuil de cette année 1948 dont la perspective est chargée de si troublantes incertitudes, Nous voyons en esprit rassemblée autour de Nous l'immense famille des peuples, dont vous êtes, Excellences, les délégués et les messagers.

2. Dans son message de Noël, la semaine précédente, le Saint-Père disait : « Quiconque a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, doit se rendre à l'évidence de ce fait douloureux et humiliant : l'Europe et le monde, jusqu'à la Chine lointaine et martyrisée, sont aujourd'hui plus que jamais loin de la vraie paix. » (Pie XII, Radiomessage du 24 décembre 1947.)


C'est pourquoi le Saint-Père prie pour tous les peuples :

Notre prière la plus ardente monte vers Dieu pour leur félicité et pour leur prospérité, pour leur bien-être et pour leur progrès.

Mais, même les nations, qui ne sont pas ici représentées ne sont pas pour autant absentes de Notre pensée; notre sollicitude s'étend à elles aussi, elles aussi sont l'objet de Notre incessante prière.


Aujourd'hui, en effet, ou la paix sera totale, c'est-à-dire qu'elle régnera sur le monde entier, ou elle sera inexistante. On ne peut plus concevoir une paix partielle, régnant seulement sur une partie du globe :

C'est que, plus que jamais, les esprits clairvoyants et dégagés de tout parti pris sont convaincus de « l'indivisible paix » !


C'est pourquoi il faut sans se lasser vouloir cette paix totale embrassant tous les peuples :

Si formidables que puissent paraître les obstacles à la réalisation de cet idéal, ils ne sauraient Nous décourager et, avec toute l'énergie de Notre confiance, Nous Nous refusons à partager les vues de ceux qui comptent d'avance cette nouvelle année parmi les plus calamiteuses de l'Histoire.


L'année 1948 sera marquée par des événements décisifs :

Non ! elle sera sans doute une année de très graves résolutions, de résolutions peut-être irrévocables, une année où, comme bien rarement dans le passé, le monde se trouvera à la croisée des chemins.


Le rôle de l'Église sera durant cette année, comme dans le passé, d'apporter sa collaboration à l'oeuvre de la paix universelle, et avant tout en faisant monter vers Dieu la prière des hommes :

N'importe ! Nous continuerons d'espérer et de prier, Nous persisterons à conjurer tous ceux qui auront à y jouer leur rôle, de ne perdre point de vue cette indivisibilité de la paix et de n'oublier jamais que la paix intérieure des peuples et leur paix à l'extérieur avec les autres peuples sont un bien trop précieux pour que, même au prix de gros sacrifices, on doive estimer l'avoir payé trop cher.

Et pour hâter l'heure de cette paix, pour que vous ayez votre part efficace à son avènement, que la bénédiction du Dieu tout-puissant descende sur vous et qu'elle demeure avec vous pour toujours 1.

1. On remarquera que le Saint-Père utilise ici la formule rituelle de la Bénédiction en français « Que la Bénédiction du Dieu tout-puissant descende sur vous et qu'elle demeure avec vous pour toujours... au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il ».


ALLOCUTION A L'AVANT-GARDE CATHOLIQUE (4 janvier 1948)

1. D'après le texte italien de l'Osservatore Romano des 5 et 6 janvier 1948.

Le Saint-Père en recevant une délégation de la jeunesse italienne d'Action Catholique, leur dit :

C'est de grand coeur que Nous vous saluons, chers Fils, sous votre fier nom de vaillante, jeune, intrépide : « Avant-garde Catholique. » 2 Votre nom est pour vous un programme. Si quelqu'un vous demande où est votre poste, vous répondez : « à l'avant », en première ligne. En votre réponse, Nous voyons plus qu'une simple flambée d'enthousiasme juvénile, facile à s'enflammer mais qui s'éteint bientôt. Pour vous, « Avant-Garde catholique » signifie la claire compréhension que la jeune génération, si elle veut travailler pour le Christ et pour l'Église, pour le vrai bien et l'authentique progrès de la patrie doit être là où est plus ardente la défense de ses plus hautes valeurs spirituelles.

2. L'Avant-Garde catholique est un mouvement de jeunes créé après la guerre de 1918 à Milan. Au cri de « Le Christ ou la Mort » ces jeunes gens se sont engagés à défendre l'Église contre les violences des adversaires. En 1944, Ie mouvement s'est reconstitué sur une base nationale : Movimento di Avanguardia cattolica italiana.


L'Église, comme la jeunesse, doit sans cesse progresser, aller de l'avant, être à la pointe du combat :

L'Église même ne pense ni ne sent autrement. A elle aussi, son poste est toujours « à l'avant », là où se prennent les résolutions définitives. C'est là qu'elle doit se trouver avec la vérité et la grâce du Christ, avec l'exemple, avec l'action, avec le sacrifice de ses fidèles, afin que tout s'accomplisse à la gloire de Dieu, pour le bien commun, pour le réconfort des pauvres, .des humbles et de ceux qui souffrent pour le salut éternel des hommes.


Le Pape formule des directives pour la jeunesse catholique :

Vos sentiments, vos aspirations, vos idéaux transpirent sur vos visages, résonnent dans vos acclamations. Mais puisque néanmoins, vous attendez une nonne et une directive du Père de la Chrétienté, Nous voulons la prendre au trésor de vérité et de vertu contenu dans le nom dont vous vous parez : « Jeunesse catholique », c'est-à-dire jeunesse croyante, vivante, sainte. ......


La jeunesse doit être animée par la foi :

1° Jeunesse croyante : C'est la jeunesse qui a des buts élevés, de la réalité, de la puissance et de la valeur desquels elle est intimement convaincue. Une jeunesse qui n'aurait pas de tels buts et une telle conviction, se mettrait, par là même, hors de combat; elle resterait abattue, dispersée et réduite en poussière entre les fortes pressions opposées des idées et des mouvements adverses.

Vous, au contraire, avez des buts élevés. Vous voulez travailler pour la cause de Dieu, Vous professez ouvertement et virilement votre foi en Dieu et tendez toutes vos énergies « comme un torrent que pousse une source haute » (Dante, Paradis, 12, 29) ; partout où il s'agit de vaincre l'irréligiosité moderne, de conserver Dieu à votre chère Italie.

Vous voulez travailler pour la cause du Christ et de son Église : la doctrine et la grâce de Jésus-Christ dont II a fait dépositaire et dispensatrice son Église, la foi catholique et les principes chrétiens ont toujours été une base essentielle du bonheur et de la grandeur de votre peuple. Contribuer à maintenir sur votre sol natal cet indispensable fondement, c'est l'idéal que vous poursuivez.


Les jeunes doivent se préparer à jouer leur rôle social dans leur patrie, et pour cela s'inspirer de la doctrine sociale de l'Église :

Vous voulez travailler d'ailleurs pour la paix sociale et l'efflorescence économique de votre Pays. Vous le voulez sain et fort en lui-même et comme membre de la grande famille des peuples, en harmonieuse union réciproque de la liberté personnelle et des devoirs du citoyen. La doctrine sociale de l'Église a clairement indiqué quels sont les piliers sur lesquels toute structure sociale et publique doit reposer si elle veut être effective, si elle veut être durable; si elle veut être juste, respectueuse de la dignité humaine de tous et en tout réglée par le commandement divin. Vous avez compris que c'est aujourd'hui un grave devoir de tout fils de l'Église de collaborer à l'établissement d'un tel ordre pour le bien de la communauté entière.


En se donnant à une cause aussi élevée, les jeunes sont certains d'avancer sur une terre solide :

Ainsi vraiment vous avez devant vous des buts élevés : les plus élevés que puisse se proposer l'idéalisme de la jeunesse, les seuls qui ne trompent pas et ne laissent pas l'âme déçue; les seuls dont soit certain le triomphe final.


L'Église demeure vivante, plus vivante que jamais :

2° Jeunesse vivante : La foi catholique, l'Église sont vie. Annonciatrice et maîtresse de paix et d'amour, l'Église d'autre part, depuis deux mille ans, contre son gré se trouve contrainte à se défendre contre les assauts toujours renouvelés de ses ennemis déclarés ou sournois. Mais elle ne craint pas; elle est vieille, mais aussi éternellement jeune; elle a une histoire d'une inépuisable richesse, mais elle ne se perd pas dans l'histoire, elle n'est pas seulement du passé mais toujours et d'abord du présent; elle vit dans le temps parce qu'elle est toujours pour l'aujourd'hui, pour les problèmes et les solutions d'aujourd'hui, pour les hommes qui vivent aujourd'hui sur la terre.

Foi et Église reposent sur les dernières, les grandes vérités, sur les fondements spirituels. Mais l'Église ne saurait jamais rester fermée et emprisonnée dans la seule théorie. Elle est toujours aussi vérité appliquée, réalité et action, vie, amour, force, accomplissement.

C'est pourquoi Église et jeunesse se sont toujours si bien entendues. La jeunesse a soif de vie.


L'Église formule des exigences en raison même de sa vie :

Vous aussi vous voulez être jeunesse vive, jeunesse qui mette intégralement et courageusement en acte ses convictions. Avant tout, en vous-mêmes ; puis unis dans les divers secteurs de la vie : que la famille demeure chrétienne; que l'école n'aille pas à l'encontre de l'Église et de la famille chrétienne mais en harmonie avec elles; que le fondement du nouvel ordre social soit la justice et que tous les efforts soient faits pour que chaque citoyen jusqu'au dernier puisse vivre dans des conditions au moins tolérables; que toute la vie publique vise à promouvoir le bien général et non les intérêts particuliers d'un parti ou d'une classe. Ce sont là de brûlantes questions de l'heure présente à la solution desquelles vous, jeunesse catholique, vivante, voulez collaborer, ici, dans votre Italie, qui doit d'autant plus en ressentir la chaleur et la vie qu'elle est plus voisine du centre de la foi.


Pour réaliser ce programme la jeunesse doit être humble et priante :

3° Jeunesse sainte : cela veut dire jeunesse robuste, mais humble qui sait qu'avec ses seules forces, elle ne pourra tenir bon et faire face ni aux ennemis intérieurs ni aux ennemis extérieurs; jeunesse donc qui prie continuellement et boit avec ferveur aux sources de la vie surnaturelle qui jaillissent si abondamment dans l'Église du Christ.


La jeunesse doit être intègre et pure :

Jeunesse sainte, cela veut dire jeunesse pure. Vous voulez être une jeunesse « sans peur et sans reproche ». Nous pouvons même dire : « sans peur parce que sans reproche ». Si on a le coeur pur et la conscience sans tache, on a le droit de regarder sereinement tout homme dans les yeux et tout événement, la mort aussi, et surtout Dieu qui sait tout.


La jeunesse doit être soumise et respectueuse :

Jeunesse sainte : cela veut dire jeunesse respectueuse. Respect aux parents, respect aux autorités ecclésiastiques et civiles; respect à l'expérience des aînés, respect aux jeunes filles et aux femmes, respect à quiconque a visage humain. Vous pouvez tendre à l'obtention de vos fins par tous moyens moralement licites que le droit met entre vos mains; mais respectez toujours l'homme même dans l'adversaire.


La jeunesse doit être chrétienne et sainte :

Jeunesse sainte; c'est-à-dire jeunesse pleine du Christ. Portez le Christ dans votre intelligence avec sa doctrine; dans votre volonté moyennant l'observance de sa loi; dans votre coeur, avec la Sainte Eucharistie. Le Christ doit toujours dominer et régir votre vouloir et votre agir. Pour Lui aucun sacrifice n'est de trop ; avec Lui tout est possible : « Jésus-Christ hier et aujourd'hui, Lui-même toujours pour les siècles » (He 13,8).

Nous vous souhaitons, chers fils, humilité devant Dieu, courage devant les hommes, la plénitude de l'amour et de la force du Christ, tandis que avec paternelle bienveillance, Nous vous accordons la bénédiction apostolique.


Le Pape bénit également d'autres associations présentes à cette même audience :

Notre salut Nous voulons l'étendre aussi aux autres groupes de Nos bien-aimés Fils et Filles que Nous Nous réjouissons de voir ici présents : aux Universitaires d'Action Catholique, champions de la pensée catholique dans le monde intellectuel et professionnel, aux propagandistes de l'Association italienne des instituteurs catholiques qui, sur le terrain de l'école, interviennent courageusement et efficacement pour l'affermissement et la protection de l'idéal de l'éducation chrétienne, aux collaborateurs de la Commission Pontificale d'Assistance de Parme, oeuvre providentielle dont l'activité et les heureux effets à travers toute l'Italie sont pour Nous un particulier réconfort; aux méritantes déléguées régionales des Femmes d'Action Catholique réunies en congrès spécial pour l'étude des problèmes et des besoins du jour. Nous louons vivement leurs préoccupations d'être à la hauteur des graves et difficiles conditions présentes et Nous faisons des voeux pour qu'à leur empressement et à leur zèle réponde un plein succès. A tous et à toutes que parvienne Notre reconnaissance, Notre affection, Notre bénédiction.


DISCOURS A Son Exc. L'AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE (8 janvier 1948)

1. D'après le texte espagnol des A. A. S., 40, 1948, p. 73.


C'est pour Nous une particulière satisfaction de pouvoir saluer le nouveau Représentant de la République Dominicaine auprès du Saint-Siège 2.

Il s'agit en effet d'un pays privilégié que la divine Providence voulut choisir pour être le berceau du Christianisme en Amérique et le centre diffuseur de l'épopée missionnaire qui accompagne sa découverte et sa conquête 3 ; d'une nation qui tout en se glorifiant justement d'avoir mérité les dernières sollicitudes de Christophe Colomb, telles qu'elles se révèlent dans son testament pénétré de piété chrétienne, de vifs désirs de culture et de filial respect envers le Saint-Siège, elle n'est pas moins fière d'avoir vu ériger dans son sein, par Notre immortel prédécesseur Jules II les premiers évêchés de tout le continent américain 4.

Votre Excellence appelée à représenter devant Nous les intérêts d'un peuple aussi illustre, et, par là même, à enrichir d'un insigne et nouveau membre le corps diplomatique accrédité auprès de ce Siège, a eu le tact d'inaugurer sa haute charge avec des expressions telles que le Père de la Chrétienté lui-même n'aurait pas pu les attendre plus chaleureuses ; manifestant ainsi une compréhension rare de la hauteur de son office et du but vers lequel il est orienté.

2. Le nouvel ambassadeur de la République Dominicaine est M. Robert Des-pradel né en 1892 ; il a fait ses études de droit et a rempli dans son pays différentes, fonctions administratives. Il a été ministre plénipotentiaire à La Havane, Berlin, Berne, Lisbonne, au Guatemala et en dernier lieu, à Washington. C'est de ce poste qu'il a été appelé pour devenir ambassadeur auprès du Saint-Siège.
3. L'île de Saint-Domingue fut évangélisée dès 1492.
4. Vers 1510 les premiers évêchés étaient créés.


L'histoire des relations entre le Siège Apostolique et les Antilles dorées — développées encore dernièrement alors que votre patrie obtint son indépendance 1 — date de plusieurs siècles. Votre Excellence a rappelé très opportunément les mérites impérissables que les fils espagnols de Saint François et de Saint Dominique gagnèrent dans l'île Dominicaine, à l'aube de son évangélisation. Ce furent des mérites — Nous Nous réjouissons de le proclamer — qui surpassent les limites de l'île, et du siècle dans lesquels ils eurent lieu, car ce fut d'eux que jaillirent effectivement les principes du Droit International, enseignés peu après à Salamanque par le Frère François de Vitoria 2, et perfectionnés à la fin du siècle à Coïmbre et à Rome — avant de passer à Hugues Grotius — par l'insigne Docteur François Suarez et par le Docteur de l'Église Robert Bellarmin. Ce n'est pas étonnant que la foi catholique, reçue par des canaux si illustres de la vétusté Europe, restât si fortement enracinée dans l'âme de votre peuple. Elle se maintient toujours intacte, malgré les siècles, comme le tison ardent qui, quoique parfois dissimulé sous un froid manteau de cendres, attend seulement d'être attisé par le souffle vivant d'une main forte et amoureuse pour resplendir de nouveau, comme en sortant d'un rêve, d'une vive et brillante flamme.

1. La République Dominicaine acquit son indépendance en 1844; avant cette date, elle était espagnole et française. Toutefois les États-Unis exercèrent une tutelle sur la République de 1904 à 1941.
2. François de Vitoria (1430-1566) dominicain, professeur à Salamanque, promoteur de la renaissance thomiste et fondateur du droit internationnal.


Il est hors de doute qu'une personne comme Votre Excellence qui a si clairement devant les yeux un passé si splendide fera tout ce qui sera dans son pouvoir pour être fidèle — avec jugement droit et regard sûr — aux devoirs concrets, et bien souvent urgents, qu'imposent le présent et l'avenir immédiat.

Les grandes batailles spirituelles qui sont la note dominante de nos jours, du succès desquelles pourrait dépendre pour longtemps la physionomie morale de l'humanité, exigent des résolutions nettes et des champions décidés. Une claire vision et ferme résolution sont inséparables lorsqu'on doit mettre en pratique les normes éternelles données par Dieu à la créature.

L'Église du Christ est la maîtresse compétente et irremplaçable de ces normes; son rayon d'action s'étend à tous les confins du monde, sans exclure aucune race, ni dépendre d'aucune forme de gouvernement. Mais le fait qu'elle puisse faire son office avec fécondité et profondeur, que cet office soit plus ou moins efficace, même dans la vie sociale et publique, et qu'elle puisse produire l'abondance de fruits pacifiques qui sont le résultat de cette éducation, dépend substantiellement du degré de liberté et de possibilité d'action que chaque État et chaque forme de gouvernement accorde à son activité. A cause de cela, pour que l'Église puisse étendre ses activités de manière à répondre aux nécessités présentes et futures, il lui faut certaines conditions indispensables, telles que la liberté de mouvement dans le champ de l'éducation de la jeunesse; la possibilité d'user des moyens nécessaires pour la formation d'un clergé capable de pourvoir aux nécessités spirituelles des fidèles avec son large et franc apostolat; et enfin ces conditions matérielles et spirituelles qui favorisent la protection de la famille chrétienne, ainsi que l'éducation progressive et le perfectionnement d'une élite laïque qui, dans les rangs de l'Action Catholique, apprenne à valoriser — en pacifique collaboration avec tous les autres concitoyens et pour le vrai bien et le progrès ordonné de son peuple — les grandes vérités et les valeurs vitales de la sainte foi.

Nos fidèles et chers fils de cette île des Antilles que Christophe Colomb honora du nom symbolique de « Hispa-niola », apprendront avec une joie profonde que le contact vivant entre leur chère Patrie et le Père de la Chrétienté a été renforcé à présent par cet acte solennel. Et par les paroles de votre Excellence, ils arriveront à connaître qu'ils ont ici, dans ce Siège de Pierre, un grand Protecteur attentif à leurs désirs et à leurs espérances, toujours disposé à favoriser et à promouvoir tout ce qui sera possible et souhaitable pour le mutuel intérêt de l'Église et de l'État.

Dans ces sentiments, Nous prions Votre Excellence de transmettre à Monsieur le Président de la République 1 qui récemment a voulu contribuer d'une manière très généreuse à la construction d'un nouveau séminaire, aux membres du Gouvernement et à tout le cher peuple dominicain l'expression de Notre paternelle bienveillance cependant que Nous implorons pour tous, les meilleures, les plus choisies et les plus abondantes grâces du Ciel.

i. Le Président de la République Dominicaine est le général Trujillo Molina, élu depuis 1942. W>* o-jaimieim ai "arordntutq



ALLOCUTION A LA NOBLESSE ROMAINE (14 janvier 1948)

1. D'après le texte italien de VOsservatore Romano du 15 janvier 1948.


Avec un apparat particulier, le Saint-Père accueillit, le 14 janvier, dans la salle du Consistoire, une délégation nombreuse du patriciat et de la noblesse romaine, où on remarquait, d'ailleurs, la présence de membres de la famille de Sa Sainteté. Le Pape déclara :


Quoique les difficiles circonstances présentes 2 Nous aient suggéré de donner cette année à votre traditionnelle audience une forme extérieure inaccoutumée, ni l'accueil que Nous faisons à vos hommages et à vos voeux, ni l'expression de Nos souhaits pour vos familles n'ont rien perdu de leur intime valeur ni de leur signification profonde.

Comme le coeur du Père commun n'a pas besoin de beaucoup de paroles pour se répandre dans le coeur de fils qui lui sont si proches, de même votre seule présence est déjà par elle-même le plus éloquent témoignage et la plus claire confirmation de vos sentiments inchangés de fidélité et de dévouement à ce Siège apostolique et au Vicaire du Christ.

La gravité de l'heure ne peut troubler et agiter que les tièdes et les hésitants. Pour les esprits ardents, généreux, habitués à vivre dans le Christ, et avec le Christ, elle est, au contraire, un puissant stimulant à la dominer et à la vaincre. Et vous voulez sans doute être au nombre de ces derniers.

2. « Les difficiles circonstances présentes » visent en particulier les malaises politiques qui agitent l'Italie au début de cette année 1948, et notamment les menaces de conquête du communisme.


Le Pape demande à la noblesse romaine d'être courageuse :

Aussi ce que Nous attendons de vous est avant tout, une force d'âme que les plus dures épreuves ne pourraient abattre; une force d'âme qui fasse de vous non seulement de parfaits soldats du Christ, mais aussi des appuis pour ceux qui seraient tentés de douter et de céder.


Dans les moments difficiles, il ne faut pas abdiquer, mais, au contraire, prendre toutes ses reponsabilités en agissant fermement :

Ce que Nous attendons de vous, est, en second lieu, une promptitude d'action que n'effraye ni ne décourage la prévision d'aucun sacrifice que puisse exiger le bien commun; une promptitude et une ardeur qui, en vous rendant allègres dans l'accomplissement de tous vos devoirs de catholiques et de citoyens, vous préserve de tomber dans un abstentionnisme apathique et inerte qui serait gravement coupable en un temps où sont en jeu les plus vitaux intérêts de la religion et de la patrie.


Enfin, il faut traduire en acte tout le christianisme :

Ce que Nous attendons de vous est finalement une généreuse adhésion, non à fleur de lèvres, et de pure forme, mais du fond du coeur et mise en action sans réserve, au précepte fondamental de la doctrine et de la vie chrétienne, précepte de fraternité et de justice sociale dont l'observation ne pourra pas ne point vous attirer à vous-mêmes une vraie félicité spirituelle et temporelle.


Pie XII souhaite que l'aristocratie romaine trouve au-delà des incertitudes présentes, une ère de calme et de bénédiction :

Puissent cette force d'âme, cette ferveur, cet esprit fraternel guider chacun de vos pas et raffermir votre marche au cours de cette nouvelle année qui s'annonce si incertaine et semble vous conduire comme à travers un obscur tunnel.

Alors sans doute, ce sera pour vous, non seulement une année de dures épreuves, mais d'autre part, de lumière intérieure, de joie spirituelle et de bienfaisante victoire.

Dans cette espérance, et avec une confiance inébranlable dans le Seigneur et dans la Vierge protectrice de cette éternelle Cité, Nous vous accordons de tout coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.



Pie XII 1948