Pie XII 1948 - DISCOURS A L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES (8 février 1948)

ALLOCUTION AUX REPRÉSENTANTS DE L'APPEL EN FAVEUR DES JUIFS (9 février 1948)

Le Saint-Père a reçu quelques représentants de L'United JewishAppeal2 et leur a adressé quelques mots :

1. D'après le texte anglais de VOsservatore Romano du 9-10 février 1948.
2. L'United Jewish Appeal a été fondé il y a une quarantaine d'années en Amérique. Il s'est proposé de centraliser les collectes destinées aux oeuvres sociales ou organisations philantropiques et éducatives juives. Il a pu ainsi obtenir des souscriptions très importantes puisque, agissant pour le compte de toutes les oeuvres et organisations, il pouvait se permettre de s'adresser à toutes les couches sociales du judaïsme américain. Il répartissait par la suite, selon des modalités définies dans sa charte, les fonds qui étaient ainsi recueillis, entre toutes les oeuvres dignes d'intérêt, tout en éliminant, ou en obligeant à fusionner entre elles, celles qui faisaient double emploi. C'est l'U. J. A. qui alimente le Joint américain dont on connaît l'aide importante qu'il a apportée récemment encore aux populations juives européennes si éprouvées. C'est ainsi par exemple, que pour la France seulement, alors que la totalité des dépenses d'oeuvres sociales juives s'est élevée à 922 millions de francs, plus de la moitié, soit 450 millions, ont été fournis par l'American Joint Distribution Committee.
L'U. J. A. tient un congrès tous les ans et y désigne les personnalités les plus eminentes qu'il charge de visiter les commerçants, les financiers, les industriels juifs et obtenir d'eux, sans qu'il s'agise d'une taxation proportionnelle une participation cependant en rapport avec la situation sociale du souscripteur. C'est ainsi, par exemple, qu'en 1947, il a été recueilli 350 millions de dollars.
Le siège social se trouve à l'adresse suivante : 165 West, 46 Street, New York 19 ; et le Bureau, pour cette année, se trouve composé comme suit :
Président général : M. H. Morgentau Jr., assisté de MM. le rabbin Jonah Wise, fils du grand rabbin Stephen Wise, décédé l'année dernière, et le Dr Henri Montor.


Ceci n'est pas la première fois qu'un groupe représentant votre peuple, très éprouvé, a le plaisir d'être reçu par Nous ici, au centre et au coeur de la famille chrétienne1. Nous saisissons l'occasion que nous offre votre visite, pour vous dire, une fois de plus, combien profondément Notre coeur paternel a été ému par les manifestations de gratitude envers ce que Nous avons été capable et si heureux de faire pour alléger le fardeau que votre peuple a dû supporter au milieu de tant d'autres durant les jours sombres de la guerre.

La mission que Dieu Nous a confiée ouvre Notre coeur à la souffrance de tous Ses enfants, et plus spécialement aujourd'hui Nous sommes désireux de sauver les petits enfants qui si cruellement ont besoin de la protection, des soins et de l'assistance d'un Père. Ils ont toujours été si chers au Coeur du Christ !*

Volontiers Nous invoquons la bénédiction du Dieu tout-puissant sur tous les coeurs charitables que vous sollicitez en Son nom.

Puisse sa grâce et son amour aider tous les hommes à purifier ce sentiment et ce devoir d'humanité inspiré par Dieu et ainsi ramener la paix à sa grande famille humaine qui est aussi la Nôtre.

Une partie de la collecte générale était affectée jusqu'à l'année dernière à l'immigration et aux oeuvres en Palestine; depuis, cette partie demeure toujours affectée à l'Etat d'Israël.

1. On trouvera une Allocution du Pape Pie XII à un groupe de réfugiés juifs (29 novembre 1945) dans les A. A. S. xxxvii, 1945, p. 317.
2. La détresse des enfants juifs évoquée par le Saint-Père est celle des orphelins de la persécution nazie.


RADIO-MESSAGE AUX ENFANTS DES ÉCOLES CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS (14 février 1948)

Le 19 février 1947, le Saint-Père adressait un appel au secours aux élèves des écoles catholiques des États-Unis sous forme d'un radiomessage 2. En cette année 1948, le Pape renouvelle son appel.

1. D'après le texte anglais des A. A. s., 40, 1948, p. 88, traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLV, col. 713.
2. A. A. S., 39, 1947, p. 127.

Tout d'abord, le Pape montre la place de choix qu'occupent les enfants dans le Coeur de Jésus-Christ:


Chers enfants, vous avez entendu raconter bien des fois à la maison, à l'église et à l'école combien Notre-Seigneur était toujours heureux d'arrêter des petits enfants comme vous et de s'entretenir avec eux. Il espérait — et il priait pour cela — que les filles et les garçons en grandissant deviendraient des membres forts et saints de cette grande et merveilleuse sainte famille qu'il a commencé à édifier quand il est venu vivre avec les hommes, il y a longtemps, dans la maison de Nazareth, avec sa Mère Marie, et avec Saint Joseph.

Mais Notre-Seigneur a fait autre chose qu'arrêter les petits pour parler avec eux. Il priait avec eux, il prenait plaisir à leurs , jeux et à leur rire heureux. Il répondait à leurs questions; certaines de ces questions étaient très sérieuses, comme seul un enfant peut en poser. Il séchait leurs larmes et réglait leurs petites querelles, car il était venu pour unir tous les hommes et non pour les diviser. Il partageait avec eux sa modeste nourriture. Car, bien qu'il fût le « fils d'un charpentier », et pauvre depuis sa naissance, il savait — et il voulait que les enfants le sachent — que le pain et les autres bonnes choses de la vie sont destinés à tous les enfants de Dieu, surtout ceux qui sont dans le besoin, et que l'on est béni par le Père céleste encore plus quand on donne que quand on reçoit.

Le Christ enseigne à tous sa loi d'amour:

On n'a pas besoin de dire à des écoliers catholiques que Notre-Seigneur est le Maître et aussi l'Ami des enfants de sa famille. Ils sont ses élèves et aussi les agneaux innocents de son troupeau. Il leur enseigne par son divin Coeur, dans un langage que les enfants peuvent facilement comprendre, sa grande leçon qu'on ne peut pas apprendre dans les livres, mais seulement de lui, que nous soyons jeunes ou vieux, parents ou maîtres, prêtres ou évêques, présidents ou rois, ou tout simplement des enfants : sa grande leçon d'amour. Voici ce que vous pouvez lui entendre dire à peu près aux enfants réunis autour de Lui, sur les vertes prairies de Galilée : « Vous ne serez pas heureux et notre monde ne sera pas heureux si vous ne vous aimez pas les uns les autres ; si vous n'aimez pas chacun de vos semblables, proche ou éloigné, quelle que soit la couleur de sa peau, le pays où il vit, la langue qu'il parle ; si vous ne l'aimez pas d'autant plus qu'il a davantage besoin de votre amour ; si vous ne l'aimez pas assez pour prier pour lui toujours, pour souffrir un peu et mettre quelque chose de côté parfois, quand vous savez qu'il est dans le besoin. » Voilà comment le Christ, le Maître, a toujours parlé à ses petits enfants. Voilà comment il leur parle aujourd'hui, dans chaque foyer catholique, dans chaque école catholique, de Rome à Tokio, d'Argentine à l'Alaska, et ainsi à travers le vaste monde qu'il a aimé assez — et plus 1 qu'assez — pour mourir sur la croix pour tous ses enfants.

1. On lira la Radiomessage au peuple de l'Argentine du Ier février 1948, p. 51 et les notes y annexées.


Devant les grandes misères qui frappent aujourd'hui les peuples, il faut que les enfants apportent eux aussi leur part de secours 3 :

Voici la deuxième visite que le Saint-Père fait par radio à votre salle de classe, chers enfants de notre chère Amérique, Vous vous rappelez que l'an dernier, au début du Carême, vous étiez aux écoutes, quand Nous vous avons parlé des milliers de personnes qui souffrent de froid, de faim et de maladie dans le monde entier et qui demandent à la sainte famille de Dieu et particulièrement à vous, de les secourir et de leur rendre espoir. De même que vos papas et mamans généreux, vos évêques, vos prêtres et maîtres, vous avez montré que vous savez ce que Jésus entend réellement par « aimer son prochain ». Vous avez prié comme Nous vous le demandions, pour les petits qui sont dans le besoin. Et vous avez donné, donné, donné de l'abondance de vos petits coeurs et de vos poches, si bien que vos vivres, votre charbon, et vos médicaments, vos sous et vos paquets ont pu contribuer à ramener un léger sourire sur les visages des petits préférés de Notre-Seigneur. D'Europe, d'Asie, et de presque chaque endroit, qui a été touché par l'horrible guerre, ils faisaient appel à vous. En leur répondant par l'élan de votre coeur, vous avez fait d'eux vos amis pour toujours. Leurs parents, et leurs prêtres remercient Dieu de pouvoir appeler des enfants comme vous, vraiment leurs frères et soeurs dans le Christ. Le Saint-Père au milieu de tout son travail et de tous ses soucis pour la grande famille mondiale du Christ, est fier de vous.

Ce qui vaut mieux que tout le reste, chers enfants, vous n'avez pas déçu le Sacré-Coeur de Notre-Seigneur. Il est content que vous avez si bien compris sa grande leçon d'amour. Il est sûr qu'il pourra de nouveau compter sur vous cette année. Les évêques vous parleront une fois de plus de nos petits enfants qui sont encore dans le besoin. Prolongez tous les jours un peu votre prière pour eux, surtout quand vous vous réunissez autour de Notre-Seigneur à la Messe et que vous le recevez dans vos coeurs à la sainte Communion. Et montrez-leur, montrez au monde chaque jour du Carême en accomplissant le petit sacrifice qui ne fait pas mal et qui fait tant de bien, montrez-leur « combien ces chrétiens s'aiment les uns les autres » !

Pendant que Nous faisons parvenir par radio ce message à vos centaines de salles de classe et d'école depuis Notre maison à Rome, Notre coeur, comme celui de Jésus lui-même, est plein de chaude affection pour vous, pour vos maîtres et pour tous ceux qui vous sont chers.

Pour vous donner une preuve de plus de Notre affection et pour vous montrer combien est grand Notre espoir dans le succès de cette croisade d'étude, de prière et de sacrifice lancée par les enfants, croisade qui a déjà fait tant pour ramener la paix dans le vaste monde, Nous appelons bien volontiers les faveurs de Dieu sur vous tous par Notre bénédiction apostolique.



LETTRE A L'ÉPISCOPAT DES ÉTATS-UNIS (18 février 1948)

1. D'après le texte anglais des A. A. S., 40, 1948, p. 108.

Depuis 1940, le Collège Pontifical Nord-Américain, fondé à Rome en 1859, avait, à la suite de la déclaration de la guerre, fermé ses portes. En 1948, il recevait à nouveau des séminaristes et, à cette occasion, le Saint-Père envoya une Lettre à l'Épiscopat américain.


Le proche rétablissement ici, dans Notre chère Rome, du Collège Nord-Américain — dont Nous avons eu connaissance de la réouverture par son Recteur * — Nous offre l'heureuse occasion de vous adresser Notre paternel message à vous les membres de la Hiérarchie des États-Unis. Nous Nous réjouissons, non seulement du fait, qu'après huit ans d'interruption, vous envoyez à nouveau vos jeunes gens d'élite pour poursuivre leurs études dans Notre ville bien-aimée, pour s'imprégner de la sagesse sacrée de Notre Mère la Sainte Église, à sa source même et de nourrir au coeur même du monde catholique, mais que vous faites le projet d'élever à l'ombre même de Notre propre résidence un nouveau séminaire plus grand pour abriter un plus grand nombre de jeunes lévites venant d'Amérique.

2. Le Recteur du Collège Pontifical Nord-Americain est Son Exe. Mgr Martin O'Connor, évêque titulaire de Tespia.

C'est Notre prédécesseur, de vénérée mémoire, Pie IX, qui, il y a près de cent ans, proposa aux Évêques américains de construire un séminaire national à Rome et c'est le même Pontife qui acheta et mit gracieusement à leur disposition cet édifice qui a abrité les étudiants américains depuis lors.

Il faut certainement voir un dessein de la Providence dans le fait que les premières démarches à cet effet furent faites à l'occasion de la définition du dogme de l'Immaculée Conception et que le Collège lui-même fut ouvert pour la première fois la veille même de la fête : le 7 décembre 1859.

Et depuis ce jour, Notre Mère céleste la Reine du Clergé, n'a cessé de bénir manifestement en faveurs divines, une oeuvre qui nécessairement est si près de Son coeur maternel.

Les étudiants, élevés dans un tendre amour de leur Mère et Reine, formés à l'image de Son divin Fils, instruits dans les sciences sacrées apprises aux pieds du Vicaire du Christ, devenant forts et courageux grâce au contact étroit avec les endroits sanctifiés par le Prince des Apôtres et les martyrs, les étudiants sont retournés dans leur patrie, pour assurer de nouveaux triomphes au Christ et à sa Sainte Épouse.

Comme pasteurs et comme professeurs, comme administrateurs et aussi comme évêques de l'Église d'Amérique, les hommes formés ici ont toujours été marqués par une loyauté particulière envers Nous et envers Nos illustres prédécesseurs; conséquence inévitable de leur séjour dans cette Ville, siège de Pierre et de ses successeurs.

Aujourd'hui, quand Nous promenons Nos regards sur cette Ville de Rome, Nous y voyons de toutes parts la fleur de la jeunesse du monde, même celle des nations les plus lointaines attirée ici par une foi commune, soutenue par un idéal commun participant au même divin Sacrifice et tous unis par les mêmes liens qui les attachent à Nous. Ils donnent ainsi clairement aux peuples de tous pays et à leurs chefs un magnifique exemple d'unité et la preuve qu'il est possible pour les hommes de vivre ensemble dans la paix chrétienne et la concorde.

Le concours de tant de miniers d'hommes destinés à jouer plus tard un rôle important pour sauver les âmes sur toute la surface de la terre est une grande consolation pour Nous et ce devrait être pour vous, Fils bien-aimés, et vénérés Frères, une raison particulièrement contraignante pour vous inviter à faire promptement les sacrifices nécessaires pour maintenir et même agrandir ce séminaire national de votre pays.

C'est donc avec une joie particulière que nous avons appris vos projets d'ériger un nouveau séminaire plus beau que le premier et de planter ses racines encore plus près de Nous. Votre sagesse et votre courage, qui regardent vers l'avenir et qui projettent de faire poursuivre leurs études à Rome à environ trois cents de vos séminaristes représentent une initiative digne d'éloge, qui ne peut que provoquer Nos plus chaudes félicitations.

En même temps, vous gardez un lien étroit avec vos anciennes et honorables traditions, en transformant l'ancien collège afin qu'il devienne une maison d'études pour les prêtres désireux de se former dans les disciplines les plus élevées des sciences sacrées. Ces deux projets rencontrent Notre approbation et Notre appui les plus cordiaux; un accroissement de grâce et de sagesse seront pour l'Église en Amérique la récompense des efforts et des sacrifices qu'exigeront nécessairement cette réalisation.

L'action concertée décidée en cette matière par la Hiérarchie américaine, toujours si prompte et si généreuse dans son appui à tout ce qui est de nature à étendre le Royaume du Christ, démontre une fois de plus la situation florissante de la Foi dans votre grande Nation. Nous sommes assuré que les évêques, les prêtres et le peuple soutiendront cette cause qui contient tant de promesses pour l'Église et qui répond si bien aux aspirations de Notre coeur. Une moisson abondante et riche pour Dieu et pour les âmes a déjà été engrangée, au cours des quatre-vingt-neuf années d'existence du Collège Nord-Américain : et maintenant vos décisions concernant l'avenir fondent un espoir accru que les générations suivantes continueront, dans une mesure plus grande encore, et avec de nouvelles facilités, à recevoir les plus riches bénédictions dont jouira un sacerdoce nourri dans la Ville éternelle.

Avec grande joie, Nous accordons Notre approbation aux plans du prochain Séminaire qui Nous ont été communiqués par le Recteur.

Nous suivrons leur développement et leur construction avec un plaisir profond et un intérêt personnel, et comme gage de Nos encouragements devant la grande tâche à accomplir, Nous vous donnons à Vous, Nos Fils bien-aimés, et vénérés Frères, ainsi qu'à tous les prêtres et fidèles des États-Unis Notre paternelle Bénédiction Apostolique.

ALLOCUTION AUX DÉLÉGUÉS DE L'ORGANISATION POUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE (21 février 1948)

Un Congrès de l'O. A. A., Organisation de l'Alimentation et de l'Agriculture des Nations Unies — ou F. A. 0., Food and Agriculture Organisation of the United Nations2 s'était tenu à Rome à partir du 17 juillet 1948. Le Saint-Père reçut une délégation de ce Congrès auquel il dit:

1. D'après le texte français de l'Osservalore Romano, du 22 février 1948.
2. La O. A. A. ou Organisation de l'Alimentation et de l'Agriculture des Nations-Unies, a été fondée dès le mois de mai 1943 à Hot Springs, en Virginie, sous l'impulsion du Président F. D. Roosevelt, qui convoqua les délégués de 44 nations en vue d'étudier les problèmes de l'Alimentation des peuples. Son Directeur Général est Sir John Boyd Orr et son siège est à Washington (2.000 Massachusetts Avenue N. W.).



Votre démarche Nous touche vivement, Messieurs. Adonnés à une tâche sociale dictée par la conviction et le sentiment de la grande fraternité humaine, vous avez voulu Nous manifester de la manière la plus délicate, que vous savez aussi voir et apprécier, chez le Père commun des chrétiens, le coeur qui étend son affection et sa sollicitude paternelle à toute l'humanité souffrante et besogneuse, sans distinction de nation et d'origine.

De notre côté, il Nous plaît de reconnaître et de louer l'ampleur de vues qui a inspiré à l'Organisation des Nations-Unies et dessiné le plan de votre institution spécialisée pour l'alimentation et l'agriculture, la largeur d'âme qui en caractérise l'économie et l'application, la sagesse enfin et la méthode avisée qui préside à sa réalisation, en sorte que les efforts de chacune des nations, conjugués tous ensemble dans la mesure du possible, pourvoient, avec plus d'efficacité, au soulagement et au bien-être de toutes par l'accroissement, la mise en oeuvre, l'utilisation opportune de leurs ressources respectives.

Parmi les bienfaits à mettre à l'actif de cet organisme le Pape cite:

1° Les efforts faits pour mieux équilibrer la production et la répartition des produits agricoles:

En travaillant, comme vous le faites, à intensifier et équilibrer la production et la répartition de tous les produits alimentaires et agricoles, qui peuvent promouvoir le progrès économique général, vous contribuez à affranchir les nations de l'angoisse où les met la disette, de l'humiliation qu'elles sentiraient à quémander l'aumône; vous les rendez toutes réciproquement et solidairement bénéficiaires et bienfaitrices les unes des autres.


2° Le mieux-être obtenu en faveur des populations rurales:

Il n'est que juste de viser avec un intérêt particulier à l'amélioration des conditions de vie dans les populations rurales qui, pourvoyeuses diligentes de toute la communauté dans les années prospères, et agentes même, par leur labeur, de cette prospérité, sont pourtant les premières victimes de la pénurie causée par le caprice des saisons, par les ravages de la guerre, qui, en maintes contrées, ont laissé pour longtemps le sol nourricier stérile et incultivable, par les malaises et les complications de l'économie.


Le Pape se réjouit de ce que la F.A.O. dans son programme, s'inspire de la doctrine sociale de l'Église:

Comment ne Nous réjouirions-Nous pas aussi, Messieurs, à constater votre désir de prendre en considération les postulats de la doctrine sociale catholique.


Il y a d'ailleurs des rapports étroits entre la doctrine sociale de l'Église et la doctrine sociale naturelle.
Les deux doctrines défendent les mêmes thèses, la doctrine sociale de l'Église dépasse simplement la doctrine sociale naturelle parce qu'elle est surnaturelle :

En effet, loin d'y avoir opposition ou, même seulement contraste entre la doctrine sociale catholique et la doctrine sociale naturelle, la première ne fait que tenir compte, dans les applications de la seconde, des destinées éternelles de l'homme, si bien que l'on peut appliquer, à cet égard, à l'Eglise, la déclaration que faisait de lui-même le Christ, lorsqu'il affirmait qu'il n'était point venu pour abroger la loi, pour en altérer un iota, mais pour la parfaire et pour la couronner. Si donc l'Église, comme son Fondateur et son Chef, proclamait que l'homme ne vit pas seulement de pain, elle a, comme lui, la compassion la plus profonde et la plus aimante pour l'immense foule qui a faim. 1

C'est vous dire l'intérêt que Nous portons à votre labeur sur lequel Nous appelons de tout Notre coeur les fécondantes bénédictions divines.

1. L'Osservatore Romano du 28 février 1949 nous apprenait que la Cité du Vatican avait nommé un observatoire à la F. A. O. en la personne de Mgr Luigi Ligutti, secrétaire général de la National Catholic Rural Life Conférence des États-Unis.


DISCOURS AU PERSONNEL DES TRAMWAYS DE ROME (22 février 1948)

1. D'après le texte italien de l'Osservatore Romano des 23 et 24 février 1948; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XL,V, col. 627.

Le Pape reçut le 22 février 1948 en audience 1.600 membres du personnel des tramways de Rome, membres de l'Apostolat de la Prière, et il leur adressa le discours suivant:


Soyez les bienvenus, chers fils, qui avez si vivement désiré Nous exprimer vos sentiments de filiale dévotion et recevoir de Nos lèvres l'encouragement et le réconfort puisés dans Notre coeur. Vous en avez besoin pour accomplir avec dignité et courage votre lourd et souvent pénible service; d'autant plus pénible que bien peu savent apprécier pleinement l'énergie dont vous devez faire preuve, soit pour élever votre vie chrétienne à la hauteur de vos aspirations, soit pour faire front aux responsabilités et aux fatigues inhérentes à votre travail.

Voici comment le Saint-Père détaille les difficultés du métier:

Anxieux, affairés, avides de se faire de la place au milieu de la cohue et de monter et de descendre en se faufilant devant les autres, les voyageurs qui n'ont pas eu occasion de vous connaître dans l'intimité de votre vie privée, ne soupçonnent même pas les peines et les angoisses que vous endurez. C'est, au fond, le sort commun de tous les agents des services publics, le vôtre en particulier.

1° Le receveur:

Nous savons bien que les habitudes civiles et les saines traditions du peuple romain rendent, au moins ordinairement, tolérable le fait de se trouver dans les tramways même durant les heures de la plus grande affluence. Mais tout en admettant la bonne volonté de la plus grande partie du public, quelles responsabilités pèsent sur le receveur, quelle attention et quelle vigilance on requiert de lui ! Sans parler du surcroît de fatigue que lui cause l'éloignement de son habitation, du lieu de travail, l'employé bloqué pour de longues heures par sa tâche habituelle, assailli par la foule qui se presse et le presse, doit entendre, comprendre, distinguer tout le monde à la fois; ceux qui prétendent : l'un aller plus en avant, l'autre avoir des renseignements et des égards, celui-là recevoir immédiatement le change souvent compliqué de sa monnaie. Il doit être bien attentif à faire tout de suite le compte de chacun, à ne pas accepter de faux billets, à ne pas laisser passer inaperçus dans le flot incessant des nouveaux venus, les malhonnêtes qui ne se font pas scrupule de ne rien payer. Il sait qu'il doit en répondre à l'administration, et que l'erreur et la fraude sont à sa charge. En cas d'incidents de service, ou dans les moments de danger, l'employé doit conserver tout son calme et toute la maîtrise de soi-même; il lui faut aussi empêcher que des gamins laissés à eux-mêmes, s'accrochent imprudemment derrière la voiture ou sur les côtés. Il doit avertir poliment ceux qui ne se soucient pas d'observer les règlements : l'un veut monter sur la plate-forme de devant, l'autre veut descendre par celle de derrière, un troisième voudrait fumer là ou c'est interdit, un quatrième a une attitude inconvenante et choque spécialement au milieu de la foule les personnes bien élevées et polies. Et comme si cela ne suffisait pas, il lui arrive d'être obligé de supporter avec un calme inaltérable les impatiences des voyageurs irritables ou indisciplinés, et peut-être leurs reproches injustifiés.

2° Le Conducteur:

Quant au conducteur, la peine qu'il se donne est différente, mais non moins sérieuse. Toujours attentif, l'oeil et l'esprit fixés sur la voie à suivre, constamment alerté pour voir surgir à l'improviste, devant la voiture en pleine vitesse, quelque étourdi ou quelque imprudent ou une personne embarrassée, il doit être, à tout moment prêt à « actionner » de la manière la plus inattendue, les manivelles et les pédales de sa machine afin d'assurer la sécurité à la fois des piétons qui circulent autour de lui et devant lui, et des voyageurs confiés à l'habileté et à la prudence de sa conduite. Et dans cette tension, continuelle de ses nerfs, de ses sens et de ses facultés, il ne doit pas se départir un seul instant de la plus rigoureuse précision, du calme le plus parfait, d'une présence d'esprit imperturbable, lorsque auprès de lui des personnes curieuses ou impatientes l'importunent avec leurs questions, leurs réflexions et leurs critiques oiseuses, lesquelles lui rendent plus difficile le maintien du silence absolu prescrit par le règlement dans l'intérêt de la sécurité publique.

3° Le Contrôleur:

Que dire ensuite des contrôleurs qui, en vertu même du caractère répressif de leur fonction, sont parfois contraints d'engager des discussions désagréables?

4° Les Ouvriers:

Et comment pourrions-nous oublier les ouvriers qui travaillent avec tant d'ardeur et parmi eux spécialement les « dépanneurs », lesquels, en cas d'avaries survenues aux voitures accourent, s'exposant s'il le faut aux intempéries pour effectuer d'urgence les réparations; enfin, les « gonfleurs de pneus », qui souvent doivent s'étendre dans la boue pour changer des roues et ajuster des pneus?

Au-delà et au-dedans de la vie professionnelle, il y a la vie spirituelle pose des exigences nouvelles:

Est-ce tout, chers fils? Si vous avez à coeur de vous élever ainsi au-dessus de votre vie de travail, vous devez d'autant plus perfectionner votre vie spirituelle, qui vous rend fidèles à Dieu, plus délicats dans l'observance de vos devoirs de fils, d'époux, de pères, plus exacts et plus consciencieux dans l'accomplissement de votre service. Mais cette vie spirituelle, cette manifestation publique de votre caractère de chrétiens exigent en vous une foi solide et le courage franc de vos convictions en face de tant d'autres qui, loin de professer votre foi, se montrent indifférents ou méprisants à l'égard de vos principes religieux, jusqu'au sarcasme, ou même jusqu'à l'hostilité ouverte. Quant à vous, non contents de tenir ferme en face d'eux, vous avez le désir de les conduire à la vérité et au bien. Saint désir qui réjouit le coeur de Dieu mais dont la réalisation requiert nécessairement la prière humble et persévérante qui obtient pour vous-mêmes l'intrépidité indispensable, et pour ceux que vous voulez convertir, la lumière et la correspondance à la grâce divine.

Devant la propagande adverse, notamment celle du communisme, il a une attitude nuancée à avoir:
— l'intransigeance en matière de principes,
— la charité envers les personnes.

Dans cette oeuvre de zèle vous avez à unir deux qualités bien difficiles à concilier pratiquement entre elles avec les seules forces naturelles ; la fermeté et la bonté.

Fermeté dans les principes, dans l'intégrité de la doctrine, dans l'inviolabilité des obligations morales. En effet, malgré les affirmations contraires, répandues peut-être aussi parmi vous, la doctrine du Christ, la doctrine de la vérité et de la foi, sont inconciliables avec les maximes matérialistes, et adhérer à ces maximes — qu'on le veuille ou non, qu'on en ait conscience ou non — signifie déserter l'Église, cesser d'être catholiques.

Bonté envers les personnes : ce qui comporte — outre la charité chrétienne, devoir rigoureux pour tous, — l'empressement spécial à leur rendre service, la cordialité, l'amabilité des rapports personnels qui, vous gagnent l'estime, l'affection, la confiance de tous ceux qui vous entourent et, en particulier, de vos camarades, vous confère un prestige moral et une influence morale acceptée volontiers.

Le Souverain Pontife invite finalement les tramwaymen à la dévotion :

Invoquez donc le Coeur très sacré de Jésus, voie, vérité et vie, auquel vous vous êtes consacrés, le Coeur immaculé de Marie, patronne de la « voie », Ils vous protégeront dans les dangers qui vous assaillent, vous assisteront dans l'exercice de votre zèle. Nous les supplions de répandre sur vous et sur vos familles les plus précieuses et les plus abondantes faveurs célestes, en gage desquelles Nous vous donnons avec toute l'effusion du coeur, Notre paternelle bénédiction apostolique.


LETTRE A M. JOHN A. COSTELLO, Premier Ministre d'Irlande (29 février 1948)

1. D'après le texte anglais de l'Osservatore Romano du 5 mars 1948.

A la suite des élections générales du 4 février 1948, M. Eamon de Valera, chef du parti républicain (Fianna Fait) et premier Ministre depuis 1932 était mis en minorité. Le parti de l'Irlande unie (Fine Gael) sortait vainqueur des élections et un nouveau Cabinet était formé dont M. John A. Costello devenait le Premier Ministre.

Le 25 février 1948, le Saint-Père recevait en audience M. Joseph Patrick Walsh, ambassadeur d'Irlande qui lui remettait un message de la part de M.John A. Costello 2. Ce message disait :

« A l'occasion de notre ascension au pouvoir et de notre première réunion de Cabinet, mes collègues et moi-même nous désirons déposer aux pieds de Votre Sainteté l'assurance de notre filiale loyauté et de notre dévouement envers Votre Auguste Personne; avec l'assurance de notre ferme détermination d'être toujours guidés dans tous nos travaux par les enseignements du Christ et de nous efforcer de réaliser en Irlande un ordre social basé sur les principes chrétiens »

2. D'après le texte italien de l'Osservatore Romano du 26 février 1948.
M. John Aloysius Costello est né à Dublin le 20 juin 1891. Après ses études , à la O'Connel School, il entra à l'Université de Dublin où il conquit son doctorat en droit, ce qui lui permit de s'inscrire au barreau en 1914. En 1925 il devint Procureur général et représenta son pays dans de nombreuses conférences internationales. En 1933 il fut élu député pour la circonscription de Dublin et le 18 février 1948 il était nommé Taoiseach (premier ministre), prenant la succession de M. E. de Valera.


A ce message le Pape répondait par la lettre suivante:

Nous avons reçu avec un plaisir particulier le message d'attachement que Vous Nous avez envoyé de votre part et de la part du gouvernement récemment élu en Irlande et Nous désirons vous exprimer Notre reconnaissance très sincère.

En ces jours où les forces du mal sont si actives dans plusieurs pays du monde, votre décision et celle de vos collègues de se laisser guider dans vos travaux par l'enseignement du Christ est particulièrement opportun et manifeste la foi vivante envers le Christianisme que votre peuple a toujours jalousement gardée comme un précieux héritage. C'est cette même foi qui a inspiré votre intention de lutter pour maintenir un ordre social basé avec certitude sur les principes chrétiens.

Nous prions avec ferveur afin que Dieu tout-puissant bénisse ces louables intentions et ces efforts zélés, ainsi que vous-même et les membres de votre Cabinet et afin que le peuple irlandais puisse toujours jouir d'une juste liberté et d'une prospérité pacifique : ces vraies bénédictions de Dieu que seuls peuvent espérer recevoir les peuples qui demeurent préservés de ces théories erronées 3 qui aujourd'hui gagnent malheureusement du terrain.

Avec cette prière sur nos lèvres, Nous vous donnons très volontiers à vous, Notre fils bien-aimé, à tous les membres du Gouvernement, à tous les députés du Dail Eireann 1 et au peuple fidèle d'Irlande Notre paternelle Bénédiction Apostolique.

3Il s'agit des théories du laïcisme, du matérialisme et de l'athéisme.
Dail Eireann signifie Chambre des Députés.




Pie XII 1948 - DISCOURS A L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES (8 février 1948)