Pie XII 1948 - LETTRE A M. JOHN A. COSTELLO, Premier Ministre d'Irlande (29 février 1948)

LETTRE A L'ÉPISCOPAT ALLEMAND (1er mars 1948)

1. Le texte allemand de ce document n'a paru ni dans les A. A. S. ni dans l'Osservatore Romano, nous en donnons la traduction française d'après La Documentation Catholique, t. XLV, col. 1287.

Le Saint-Père répond aux voeux de Noël et de nouvel an que les Évêques d'Allemagne lui ont envoyés:


A l'occasion de Noël et du nouvel an, Nous sont parvenues de la part des évêques allemands de nombreuses lettres qui expriment avec tant d'unanimité et de ferveur l'union indissoluble de l'Église d'Allemagne avec le Saint-Siège, comme avec Notre personne, chargée des soucis et des responsabilités du pastorat suprême, que leur lecture Nous a profondément ému et Nous a rempli de grande consolation.

Les évêques allemands Nous ont fait savoir par l'intermédiaire de leurs représentants les plus éminents et les plus qualifiés, que l'an dernier, on a accueilli avec gratitude et joie la réponse unique faite aux différentes lettres individuelles. Aussi sommes-Nous certain de satisfaire cette fois aussi à leurs désirs en exprimant en ces lignes, adressées à tous, les pensées qui Nous sont venues à l'esprit à la lecture de leurs lettres. Nous laissons à leur sagesse le choix de la manière dont ils voudront faire parvenir Nos paroles à la connaissance du peuple chrétien qui leur est confié et qui, dans leurs épreuves, et les douleurs indicibles de l'heure présente, a doublement droit à savoir près de lui le coeur et la sollicitude pastorale du Vicaire du Christ.


Les secours envoyés par le Saint-Siège pour soulager les misères du peuple allemand ont provoqué de la part de celui-ci des sentiments de reconnaissance :

Tout d'abord, chers fils, et vénérables Frères, disons une chose : ce qui dans vos lettres Nous a réjoui le plus, c'est l'écho reconnaissant que Nos efforts charitables en vue de soulager la misère de l'Allemagne d'après-guerre ont trouvé auprès de vous, de votre clergé et de vos fidèles.


L'Allemagne est aujourd'hui considérablement appauvrie:

L'Allemagne qui, il y a l'espace d'une vie humaine, était encore un pays florissant, puissant, riche et fort par son industrie, est devenue victime d'un appauvrissement général. Usée par la guerre, accablée de dettes, ravagée en grande partie par des destructions militaires, ayant dû céder une partie de son territoire, démesurément surpeuplée, grevée d'une disproportion contre nature entre l'un et l'autre sexe et entre les différents âges, acculée à une situation économique qui oppose à la reconstruction tous les obstacles imaginables, elle doit compter sur une pauvreté à longue échéance et viser avant tout et avec tous les moyens à sa disposition à un seul but : sauver et maintenir au moins le minimum vital1.

Nous connaissons cette détresse dans toute son étendue effrayante; Nous en connaissons l'action dissolvante sur la vitalité physique et la santé morale de votre peuple. Nous sommes au courant des ravages que cette misère exerce dans l'âme des jeunes surtout, et de la femme, parmi les familles et la menace qu'elle constitue pour ce minimum élémentaire d'ordre social, indispensable à l'existence de toute civilisation chrétienne.

1. Durant la guerre l'Allemagne a perdu 5 millions et demi de soldats tués sur les champs de bataille et 1 million de victimes civiles. De plus 800.000 Allemands sont morts assassinés dans les prisons et les camps de concentration.
En 1938 l'Allemagne comptait 80 millions d'habitants, elle n'en compte plus actuellement que 65 millions et demi, dont 29 millions d'hommes et 36 millions de femmes; soit un excédent féminin de 6 millions et demi. Il n'y a que 10 millions d'Allemands âgés de 16 à 30 ans.
En 1947 les décès étaient en Allemagne 4 fois plus nombreux que les naissances.
En 1945, l'Allemagne a perdu à l'Est : la Prusse orientale, une partie importante de la Poméranie et de la Silésie, ainsi qu'une portion du Brandebourg, tous ces territoires ayant été attribués à la Pologne ; cette perte de territoire correspond à environ 120.000 kilomètres carrés, soit 20 % du territoire d'avant guerre.
Il en est résulté également l'expulsion d'environ 12 millions d'Allemands qui ont dû quitter ces territoires annexés, pour gagner l'Allemagne actuelle. Dans ce nombre il y a plus de 6 millions de catholiques réfugiés.
D'autre part la Sarre a été économiquement rattachée à la France depuis juin 1947. Le territoire de la Sarre a une superficie de 2.500 kilomètres carrés et compte environ 1 million d'habitants.
L'Allemagne souffre encore de la faim. On évaluait en 1940 la consommation quotidienne par habitant à 3000 calories, en 1948 elle n'était encore que de 1800 calories.
18 nations réclament en réparations de guerre de la part de l'Allemagne, 300 milliards de dollars. Ces réparations sont payées principalement en matériel (démontage d'usines, navires, etc.).
L'indice de la production était de 51 en 1948, alors qu'il était de 100 en 1936
On évalue à près de 70 milliards de Rentenmark le volume total des billets en circulation.
On a pu dire à ce sujet : « La monnaie en circulation ne pouvait plus servir d'unité de compte et bien entendu moins encore de réserve de valeur. L'économie allemande fonctionnait de plus en plus sur la base du troc. Un nombre croissant de salariés et d'employeurs désiraient être payés au moins partiellement en nature et ils se montraient disposés à accepter tout ce qu'on leur offrait, car la plupart des marchandises reçues par eux pouvaient être échangées contre celles dont ils avaient besoin. » (Dix-neuvième rapport annuel de la Banque des Règlements internationaux de Bâle, 1949, p. 49.).



L'Allemagne ne pourra se relever qu'en recevant des secours du dehors ; l'Église ne cesse d'ailleurs de lancer des appels pour que de partout, on vienne apporter de l'aide aux peuples en détresses:

Nous savons aussi que ce but primordial ne saurait être atteint sans l'aide énergique de l'extérieur. C'est pourquoi Nous ne Nous lassons pas de faire appel en public, et plus encore dans des entretiens privés, à la raison et à la conscience du monde et des personnalités dirigeantes, ainsi qu'aux sentiments fraternels des fidèles. Nous Nous efforçons de leur faire comprendre que, dans la situation actuelle, la lutte méthodique, même au prix de sacrifices, contre la misère en Allemagne et dans les autres pays nécessiteux, est le devoir commun de toutes les nations et de tous les peuples encore en état de donner1. Même si pendant la guerre, ils ont eu à subir de la part de l'Allemagne des maux très graves et des atrocités, Nous espérons qu'ils seront assez généreux pour oublier le passé et qu'ils vous ouvriront à vous comme à toute l'Europe, et à toute l'humanité, la perspective d'un lendemain meilleur sous le signe de l'amour.

Puissent les dons qui vous arrivent du monde catholique par Notre intermédiaire, et par d'autres voies, vous apparaître comme une preuve tangible de Nos dispositions à votre égard et de Nos efforts. Puissent-ils entretenir chez vos fidèles la conviction que, même isolés, déracinés et privés de foyer, ils ont toujours un chez eux dans la vaste maison paternelle de l'Église catholique et de l'esprit familial de ses enfants.

Grâces profondes soient rendues à Dieu le Seigneur, qui dirige les coeurs comme les cours d'eau, et aux innombrables inconnus qui ont écouté Notre voix. Grâces leurs soient rendues que l'appel au secours du Pasteur suprême ait trouvé un écho dans le monde entier. C'est ainsi seulement qu'en Allemagne comme dans d'autres pays Nous avons pu faire participer des enfants et des jeunes, des rapatriés et des chômeurs involontaires, des vieillards et des malades, des personnes déplacées (Heimatlos) et des sans-abri aux dons généreux de la charité catholique internationale et de leur faire sentir que le royaume du Christ ne connaît ni vainqueurs ni vaincus, mais seulement des hommes ayant besoin de secours et des hommes prêts à secourir.

Vous n'avez cessé, chers fils et Vénérables Frères, de Nous remercier chaleureusement et cordialement au nom des bénéficiaires de ces secours. Nous vous prions, vous et vos fidèles, de reporter la plénitude et la sincérité de votre reconnaissance sur ces frères et soeurs généreux dont la joie de donner n'a jamais laissé vides les mains du Successeur de Pierre et, Nous espérons ne les laissera pas vides non plus à l'avenir pour les foules des affligés et des nécessiteux en deçà et au-delà des Alpes, en Europe et sur les autres continents.

1. Parmi ces appels récents à la charité, citons :
Radio-message aux élèves des Écoles des États-Unis, 19 février 1947.
Radio-message au Congrès national des OEuvres de Charité des États-Unis, 12 octobre 1947.
Allocution aux Représentants du « Train de l'Amitié », 27 janvier 1948, p. 44. Radio-message à la République Argentine, Ier février 1948, p. 51. Radio-message aux élèves des Écoles des États-Unis, 14 février 1948, p. 73.


Pape loue l'organisation catholique chargée de répartir les dons:

Nous apprenons avec satisfaction par les lettres de membres éminents de l'épiscopat, et disposant d'une riche expérience que, grâce à des auxiliaires qualifiés et dévoués, et avant tout grâce au Caritasverband, dont l'éloge n'est plus à faire, l'organisation et le côté technique de l'envoi des dons charitables ne cessent de se perfectionner et que tous ceux qui collaborent à cette oeuvre se sont efforcés d'assurer aux ressources malheureusement limitées une distribution aussi rationnelle et impartiale que possible. Les rapports qui Nous ont été faits à ce sujet reçoivent Notre agrément. Nous approuvons spécialement la règle de conduite qui consiste à s'intéresser à la vraie misère et à s'inspirer d'une charité au coeur large qui donne leur part à tous nos frères même en dehors de nos coreligionnaires.



Les réfugiés chassés de la zone soviétique d'Allemagne sont particulièrement dignes d'attention et leur cas pose de graves problèmes politiques et économiques:

Les réfugiés de l'Allemagne orientale, qui ont été expulsés de force de leur pays natal, expropriés sans indemnité et transférés dans les différentes zones d'occupation de l'Allemagne, méritent une attention particulière. Parlant de ces réfugiés, Nous n'envisageons pas tant les aspects juridique, économique et politique de ce procédé sans précédent dans les annales de l'Europe. A l'histoire, il appartiendra de porter un jugement sur ces différents aspects. Nous craignons que son verdict ne soit sévère. Nous croyons connaître les événements dont furent le théâtre, au cours de la récente guerre, les vastes territoires entre la Vistule et la Volga l. Mais était-il permis de chasser, par mesure de rétorsion, 12 millions d'hommes de leur foyers et de les jeter dans la misère? Les victimes de cette rétorsion ne sont-elles pas, en grande partie, des hommes qui n'eurent aucune part, aucune influence dans les crimes dont ces régions furent le théâtre? Cette mesure a-t-elle été sage du point de vue politique, opportune du point de vue économique, surtout si l'on considère les nécessités vitales du peuple allemand, et, en outre, le bien-être durable de l'Europe? Est-ce manquer de réalisme que de souhaiter et d'espérer que les auteurs de ces mesures reviendront à une considération plus sereine des choses et qu'ils les corrigeront dans toute la mesure du possible?

1. Durant la guerre le régime nazi de 1939 à 1941 déporta près de 2 millions de Polonais de l'Ouest vers l'Est pour y installer à leur place plus d'un demi-million d'Allemands. (Cf. Eugène M. Kulischer : The Displacement of Population in Europe. Bureau International du Travail, Montréal, 1943.)



L'Église se préoccupe surtout des problèmes moraux posés par ce déracinement de masses:

Mais ce qui Nous cause, comme à vous, le plus de souci, c'est l'aspect pastoral du problème, à savoir la détresse religieuse des expulsés, non pas de ceux qui ont été transférés dans des régions en majorité catholiques, où ils trouvent, tout comme dans leur ancienne patrie, leurs sanctuaires, leurs prêtres, leurs écoles catholiques et toute la vie religieuse, mais la désolation de tous ces autres réfugiés catholiques — plusieurs millions — dispersés maintenant dans de vastes territoires, où l'Eglise catholique n'a guère repris pied depuis la Réforme et où la vie ecclésiastique est à reprendre par la base. Ce qu'on Nous apprend sur les difficultés infinies qu'occasionne l'administration de ces territoires souvent coupés de leurs diocèses, par des frontières infranchissables, sur leur manque de prêtres, le surmenage inimaginable des prêtres qui y travaillent, l'abandon religieux des réfugiés catholiques, adultes et enfants échoués là-bas, tout cela a une influence démoralisante. Aussi, Nous exhortons le clergé allemand, régulier et séculier, les religieuses et les auxiliaires laïques, à engager les dernières forces disponibles pour accomplir dans la mesure du possible, cette tâche qui s'impose à eux, et Nous le leur demandons instamment.

Quand, dans le temps, Nous avons confié spécialement à l'un d'entre vous, Mgr Maximilian Kaller, l'apostolat des réfugiés, sa mission consistait en tout premier lieu à remédier au manque de prêtres dans ces pays de Diaspora. Il a entrepris sa tâche avec son énergie et son dévouement coutumiers, mais, à Notre grande douleur, il a été prématurément appelé à la vie éternelle. Il a dû laisser sa mission inachevée, pour ne pas dire à peine commencée.

Un Évêque allemand avait été spécialement désigné par le Saint-Siège pour s'occuper de ces réfugiés : Mgr Maximilien Kaller, évêque d'Ermland, mais celui-ci mourait subitement le 7 juillet 1947.



Aussi le Pape fait-il appel au clergé allemand pour qu'il vienne en aide à ces réfugiés:

C'est depuis lors seulement que la situation religieuse, totalement nouvelle, de votre pays, due au transfert de populations, s'est montrée sous son vrai jour. Cette situation imposera des mesures plus étendues encore. Nous ne doutons pas que le clergé allemand, une fois rendu attentif à toute la gravité de la situation, sera prêt à s'adonner au delà des limites du devoir strict, et même volontairement à l'apostolat qui l'attend et qui réclame instamment une intervention immédiate.


Pie XII se souvient avoir vu de ses yeux les manifestations de foi profonde des catholiques de l'Est de l'Allemagne quand il eut l'occasion de leur rendre visite:

A l'époque où Nous travaillions dans votre patrie. Nous avons appris à connaître et à apprécier l'enthousiasme religieux des catholiques d'Allemagne orientale et leur fidélité à la foi1. Depuis 1926, Nous gardons vivant le souvenir de la fière vision qu'offrait l'Allemagne catholique à Breslau. Ce Congrès ne réunissait-il pas principalement les catholiques d'Allemagne Orientale? N'était-il pas « une manifestation grandiose de la pensée catholique et de fidèle dévouement à l'Église et au Pape », comme Nous l'écrivions alors Nous-même, profondément impressionné, au regretté cardinal Adolf Ber-tram? C'est avec nostalgie que Notre pensée se reporte à ces journées, aujourd'hui qu'un sort terrible s'est abattu sur la population de l'Allemagne orientale.

1. SS. Pie XII fut, avant de devenir Cardinal Secrétaire d'État et Pape, nonce apostolique à Munich et à Berlin de 1917 à 1929. En 1926, il assista au Congrès des Catholiques allemands à Breslau.



Le Pape fait appel à la fidélité de ces réfugiés :

Que les réfugiés catholiques de l'Est sachent que les liens qui les unissent aujourd'hui au Chef suprême de l'Église sont plus étroits encore que ceux qui les unissaient alors à son représentant. De Notre part, Nous attendons d'eux qu'ils ne se laissent pas entraîner par le poids écrasant de leur misère hors de la foi que leurs parents, leurs pasteurs et leurs évêques ont implantée dans leurs coeurs d'enfants. Les fonts baptismaux de leur église paroissiale ont beau être détruits ou soustraits à leurs regards, les promesses du Baptême faites jadis les suivent dans l'exil et demandent à être tenues ! C'est pourquoi Nous avons appris avec joie que parmi ceux qui ont échoué dans la Diaspora la plus ingrate, dans un milieu incroyant ou peu religieux, beaucoup réalisent conformément à leur caractère et aux circonstances actuelles, les paroles que le pieux Tobie adressait à ses compatriotes et coreligionnaires : « Dieu vous a dispersés parmi les nations, afin que vous racontiez ses merveilles et que vous leur fassiez connaître qu'il n'y a point d'autre Dieu tout-puissant que lui seul. » (Tb 13,9) Si maintenant, vous semez dans les larmes, puissent vos semailles fructifier au centuple pour le royaume de Dieu en terre allemande.


Que les réfugiés prennent patience et que les populations qui les accueillent se montrent charitables:

L'hébergement de douze millions de personnes dans un pays gravement touché par la guerre et la défaite et diminué par la cession de vastes territoires a causé des douleurs, des détresses et des difficultés qu'il a été impossible de vaincre jusqu'à présent. Puissent donc les réfugiés de l'Est comprendre que la réorganisation de la vie religieuse et du ministère pastoral parmi eux est, elle aussi, oeuvre de temps et de patience ? Nous espérons d'autant plus que les autres, ceux à qui l'amertume de l'exil est épargnée, iront au devant des nouveaux venus, prêts à leur rendre service, quand même cela imposerait de durs sacrifices à leur égoïsme. Des sentiments de fraternité compréhensive d'un côté, de la discrétion et de la reconnaissance de l'autre, les deux pratiqués dans l'esprit et par la vertu de Jésus-Christ, notre modèle, Dieu et Homme à la fois, s'ils ne suppriment pas cette détresse, arriveront du moins à la rendre plus supportable. Avec Saint Pierre, Nous vous disons à tous, mais spécialement aux réfugiés de l'Est : « Humiliez-vous donc sous la main puissante de Dieu, afin qu'il vous élève au temps marqué; déchargez-vous sur Lui de toutes vos sollicitudes, car lui-même prend soin de vous ». (1P 5,6-7)


Néanmoins, dès à présent, au milieu d'une Allemagne bouleversée, perçoit des signes d'espérance:

Par vos lettres, Fils bien-aimés et Vénérables Frères, comme par de nombreuses autres sources, Nous apprenons avec satisfaction que toutes les entraves extérieures et les soucis écrasants de la vie quotidienne n'empêchent pas vos fidèles de prendre de plus en plus vivement conscience des grandes tâches de l'Église, cela malgré les dommages très sensibles que les quinze dernières années ont infligés à la vie religieuse et malgré leurs conséquences démoralisantes qui ont touché la campagne presque autant que les villes.


En particulier, des écoles catholiques s'ouvrent un peu partout:

Nous apprenons avec joie qu'en beaucoup d'endroits, l'école catholique est ressuscitée et que les enfants font preuve d'une grande ouverture pour les choses religieuses. Mettez tout en oeuvre pour que les droits de l'Église et des parents sur l'enfance et sur l'école soient pleinement reconnus et que la famille demeure ou redevienne un foyer de vie religieuse commune.


De même les oeuvres catholiques renaissent:

Nous apprenons également avec satisfaction la reprise et le développement des organisations catholiques. Tout cela témoigne de vitalité et d'une volonté ardente.


Ces oeuvres doivent être orientées vers le bien profond de leurs membres,

Toutefois, en ce qui concerne le nombre, l'étendue, la centralisation et l'autonomie relative de ces organisations, il ne faut pas oublier que celles-ci ne sont que des moyens en vue du but et ne doivent jamais devenir un but en soi. Voici quelle est leur fin : la foi vivante de l'individu, l'épanouissement du la vie familiale chrétienne, à laquelle elles ne devraient jamais porter préjudice, l'intérêt général du diocèse et l'affirmation des principes catholiques en matière d'éducation, comme dans toute la vie sociale et publique.


Ces oeuvres doivent être missionnaires:

Ensuite que ces organisations ne fassent pas oublier le grand nombre de ceux qui se trouvent en dehors de leurs rangs ou qui peut-être sont même devenus étrangers à l'Église et à la vie religieuse. Cela vaut surtout pour les jeunes gens et les jeunes filles. Ce sera toujours une de vos tâches ou la mission précisément de ces organisations de les ramener. A ce propos, Nous applaudissons à la fondation, chez vous aussi de la « Jeunesse ouvrière chrétienne ».


Quand il s'agit de reconstruire, il est normal qu'on propose plusieurs plans :

Chaque fois qu'après une période de longues luttes et de dures persécutions, il s'agit de frayer les voies pour un nouvel avenir, il se manifeste inévitablement des divergences d'opinions dans le jugement à porter sur le passé comme dans l'examen et l'appréciation de ce qu'il convient de faire. Nous sommes au courant de ces dissonances qui ont surgi au cours de pareilles discussions et Nous pensons que ce ne seront probablement pas les dernières.


Il faut dans ce cas user de sagesse : Il ne faudra pas tolérer que des influences malfaisantes puissent s'exercer; ni défendre à des idées nouvelles de s'exprimer.

Nous avons confiance, Fils bien-aimés, et Vénérables Frères, que votre sagesse et votre bonté sauront trouver le juste milieu :

entre une passivité trop prolongée et trop dangereuse vis-à-vis d'influences dissolvantes,

et l'imposition prématurée du silence à des discussions intellectuelles qui, maintenues dans de justes limites et dans une forme digne peuvent fournir aux bien-pensants des vues précieuses et la mise au point des buts communs.


Les laïcs organisés aimeront de leur côté à demeurer dans une parfaite soumission vis-à-vis de la Hiérarchie:

Nous comptons avec une confiance paternelle et entière que le laïcat catholique d'Allemagne sera toujours prêt à suivre les directives de ses évêques et restera fidèlement uni à ce clergé qui partage ses douleurs et ses joies, ses soucis et ses espérances.


Les laïcs mettront toutes leurs énergies au service du relèvement de leur pays :

Nous espérons qu'ainsi, comme à la belle époque de lutte et de travail créateur des cent dernières années, le laïcat, animé d'une foi vivante et indéfectible, et attentif aux leçons des faits, aura toujours le regard fixé sur la grande et décisive tâche : mettre à la disposition de sa patrie toute la richesse des convictions catholiques et de la morale à cette heure grave et dans cette détresse profonde qu'elle traverse.


Trois grands anniversaires seront célébrés par les catholiques allemands en cette année 1948:

Au cours de cette année, l'Allemagne catholique célébrera le centenaire d'événements importants du passé lointain et de l'époque récente : le VIIe centenaire de la pose de la première pierre de la cathédrale de Cologne, ce puissant symbole 1 ; le VIIIe centenaire de la basilique de l'apôtre saint Mathias à Trêves; et, à Mayence, la « ville d'or », le centenaire des Journées Catholiques allemandes 1.

C'est avec émotion que Nous Nous rappelons ces fêtes inoubliables où le recueillement de vos sanctuaires envahissait Notre âme. Nous sommes affligé de tristesse à la pensée que les tours de vos églises, là où elles sont encore debout, s'élèvent aujourd'hui au-dessus d'un pays ravagé et désolé. Mais c'est précisément à cause de cela que l'annonce des solennités par lesquelles vous allez célébrer ces souvenirs, Nous est un gage de votre courage de vivre et de votre vitalité.

Ces trois centenaires symbolisent à Nos yeux la volonté de votre peuple catholique de ne pas borner l'oeuvre de reconstruction aux murs et aux tours de ses églises détruites et endommagées par la guerre, mais d'y intégrer aussi les indispensables valeurs spirituelles d'un passé de foi vigoureuse, glorieuse, riche en personnalités dirigeantes, passé où brille le nom du grand évêque Wilhelm Emmanuel von Ketteler, tel un phare lumineux qui montre la voie a.

1. On trouvera, p. 225, le texte de la lettre à S. Em. le Cardinal Micara à propos de ce VIIe centenaire (15 juin 1948).
1. Un radio-message au Congrès catholique de Mayence fut diffusé le 5 septembre 1948, cf., p. 297.


Le Pape conclut en disant qu'il faut admirer l'effort fourni par l'Église d'Allemagne d'après-guerre:

A une Allemagne catholique, qui sous le signe de Ketteler se met à sa reconstruction économique, intellectuelle et religieuse, ne saurait manquer l'approbation des hommes de bonne volonté, qu'ils se trouvent dans ses propres rangs ou dans ceux des autres, ni la bénédiction du Dieu tout-puissant.

C'est dans cet espoir consolant que Nous vous accordons, Fils bien-aimés, et Vénérables Frères, à vos collaborateurs, à votre clergé et à tous vos fidèles, avec une affection paternelle toujours égale, la Bénédiction Apostolique.

2. Mgr Guillaume Emmanuel von Ketteler (1811-1877) fut, depuis 1850, évêque de Mayence et comme tel, élabora les premières ébauches de la doctrine sociale de l'Église que Léon XIII devait faire sienne en l'amplifiant dans son Encyclique Rerum Novarum (1891).


DISCOURS A SON EXC. M. NICOLAS C. ACCAME, Ambassadeur de la République Argentine (6 mars 1948)

1. D'après le texte espagnol des A. A. S., 40, 1948, p. 112.

Recevant le nouvel Ambassadeur 2 d'Argentine, le Saint-Père s'exprima comme suit: :-


Au sommet d'une très brillante carrière, enrichie par le travail, l'expérience et d'abondants mérites au service de votre patrie, la Divine Providence et la confiance de M. le Président de la République Argentine 3 ont conduit Votre Excellence à cette Ville éternelle, au coeur du monde catholique, pour être l'Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire d'une nation qui — comme Votre Excellence vient de le mettre en relief, avec religieuse satisfaction et fierté patriotique — proclame Dieu « source de toute raison et de toute justice » dans le préambule même de sa Constitution, et reconnaît à la religion catholique, apostolique et romaine, une place d'honneur, d'accord avec les meilleures traditions de ses ancêtres européens de la catholique et féconde Mère Patrie espagnole.

2. Le nouvel ambassadeur d'Argentine est le général Nicolas C. Accame; après avoir professé à l'École Militaire, il fut nommé en 1923 attaché militaire à la Légation d'Argentine en Italie, où il resta plus de deux ans. Il fut nommé général de brigade en 1931. A l'occasion du Congrès eucharistique de Buenos-Aires, il fut nommé commandant en chef des forces militaires participant à ce Congrès et il présenta, à cette occasion, ses hommages au légat : le Cardinal Pacelli.
3. Le Président de l'Argentine est le colonel Juan Peron.


Avec une telle base il n'est pas étonnant que le peuple argentin fût un des premiers à abolir l'esclavage, à l'aurore du xrxe siècle, témoignant déjà ce sentiment d'humanité cordiale qui devait le caractériser toujours; comme avant, bien avant, il avait su conquérir un rang distingué dans les progrès de la culture, ouvrant à Cordoba la seconde Université de toute l'Amérique du Sud en 1614, et installant dans la même ville sa première imprimerie, vers la fin de ce siècle.

Nous le savons parfaitement, Monsieur l'Ambassadeur; la profession de Dieu et, avec elle, celle des normes et des valeurs pour la vie qui jaillissent de la sainte foi, non seulement vit gravée dans le frontispice même de votre charte fondamentale, mais aussi dans les idées et dans les sentiments de tout votre noble pays.

Qui, comme Nous, fut témoin des lumineuses journées de cet inoubliable octobre 1934, et put voir comment votre peuple sait vénérer son Roi Eucharistique et sa Mère bénie, sait bien où se trouve le centre des coeurs de ses meilleurs enfantsl.

1. Son Eminence le Cardinal Pacelli assista du 10 au 14 octobre 1934 au Congrès eucharistique international de Buenos Aires, en qualité de légat pontifical.
On trouvera, p. 51, le texte d'un Message radiophonique au peuple de l'Argentine, où il est fait allusion à la présence du légat à ce même Congrès.


Qui, comme Nous, eut l'occasion de contempler le corps militaire de la nation, s'approchant en rangs innombrables de la table eucharistique pour se nourrir du pain des forts, devinera facilement, mieux que celui qui n'eut pas ce bonheur, quel était le sentiment qui animait Votre Excellence, soldat argentin expert et chef d'un grade élevé, en prononçant il y a quelques instants ses expressions si nobles qui ont éveillé tant d'écho dans Notre coeur.

Nous savons fort bien que ces paroles sont non seulement celles d'un habile diplomate et d'un vaillant militaire, mais aussi celles d'un fécond écrivain, de la même lignée, pour ne citer qu'un nom, de ce Président de la République, excellent polygraphe, qui fut le général Barthélémy Mitre, personnalité éminente dans presque tous les genres; quoique peut-être, en poésie, il n'arrivât pas aux délicatesses exquises d'un Joseph Marmol; en la vigueur de la narration, à la force presque cyclopéenne d'un général Dominique Faustin Sarmiento; et, dans l'élan oratoire, aux merveilles d'un Fray Mamert Esquiu, si nous voulons rester toujours dans les limites de votre abondant monde littéraire.

Votre Excellence ne foule pas pour la première fois le sol maternel de Rome. A cause de cela, il dispose, mieux que beaucoup d'autres, d'éléments suffisants pour mesurer et juger l'immensité des bouleversements et des transformations que l'Europe, et avec elle tout le monde civilisé, ont subi et subissent depuis que Votre Excellence, il y a deux lustres et demi, arriva pour la première fois avec caractère officiel en cette terre italienne et romaine.

Plus encore : venant, comme Elle vient, d'un pays non affecté par la guerre et riche en toutes sortes de trésors naturels, d'une nation appelée à de grandes entreprises matérielles et spirituelles, il n'échappera pas à son oeil scrutateur la tragique situation d'une grande partie des nations européennes, qui traînent une existence plus semblable à une lente agonie qu'à une optimiste et sûre convalescence.

La contemplation d'une situation aussi misérable, qui ronge les choses matérielles, et en même temps les forces spirituelles et la vie même de ceux qui s'y trouvent, — et qui loin de s'améliorer s'aggrave sans cesse par l'inutiUté des efforts réalisés jusqu'à ce jour en faveur de la paix — expliquera à Votre Excellence, et avec Votre Excellence au Gouvernement et à tout le peuple argentin pourquoi Nous — malgré toutes les déceptions et les fréquentes déformations et altérations de Nos intentions — Nous sommes fait et Nous continuerons à Nous faire toujours avec une énergie suppliante l'interprète des élans et des souhaits pacifiques de tous les bons, quoi que disent ou que fassent les ennemis de la vérité, les défenseurs du principe de la force et les partisans d'une raison d'État et d'un ordre qui se déroule en dehors de l'observance et du respect des lois morales.

Comme conséquence des découvertes scientifiques de nos jours, le monde est devenu trop petit pour que personne puisse regarder comme « un problème lointain », — dont l'actualité et l'urgence diminuent en proportion de la plus grande distance géographique du centre des convulsions et des bouleversements, — ces agitations, ces misères et ces oppressions qui atteignent quelques-unes de ses parties, plus ou moins importantes.

Dans l'école amère de la douleur, si nous voulons appeler ainsi le conflit belliqueux et les années qui le suivirent, les peuples les meilleurs ont acquis la conscience de cette solidarité indivisible entre les États, aussi bien lorsqu'il s'agit de prospérité que d'adversité ; et pendant que cet effort fraternel, qui s'épanouit en aide réciproque, les attache et les unit plus étroitement chaque jour, ils apprennent peu à peu à repousser les attaques d'un égoïsme insensé.

Précisément à cause de cela, Monsieur l'Ambassadeur, Nous avons pu déduire de vos éloquentes paroles, avec grande complaisance, que Nos continuelles sollicitudes et diligences pour susciter et diffuser les initiatives et les organisations de secours en faveur des millions de victimes de toutes ces récentes calamités, ont trouvé un écho aussi filial que compatissant dans le généreux coeur argentin.

Nous profitons donc avec plaisir de cette occasion solennelle pour témoigner une fois de plus Notre gratitude à Monsieur le Président de la République, aux membres du Gouvernement, au Vénérable Épiscopat, au clergé séculier et régulier et à tous nos bien-aimés fils de l'Argentine pour le rang si honorable qu'ils ont su occuper en cette lutte commune en vue de soulager les misères causées par la guerre et l'après-guerre, dans l'assurance que demain aussi Nous pourrons compter, sans nous tromper, sur ces nobles sentiments de charité humaine et chrétienne.

Remplis d'une confiance aussi consolante, Nous donnons à Votre Excellence, qui en ces jours chaque fois plus lointains, mais toujours inoubliables de l'année 1934, Nous rendit, en qualité de Légat Pontifical, les honneurs militaires en terre argentine, Notre cordiale bienvenue, avec l'assurance que dans l'exercice de ses importantes fonctions, Elle trouvera toujours en Nous l'aide la plus bénévole.

En attendant, et confiant dans l'heureux succès de sa mission, Nous invoquons sur le Gouvernement et sur le très aimé peuple argentin, et d'une manière spéciale sur Votre Excellence, la protection et les plus abondantes grâces du Ciel.




Pie XII 1948 - LETTRE A M. JOHN A. COSTELLO, Premier Ministre d'Irlande (29 février 1948)