Pie XII 1948 - DISCOURS A L'OCCASION DE LA BEATIFICATION DU FRERE BENILDE (5 avril 1948)

LETTRE A SON EXC. MGR, DANIEL MANNIX ARCHEVEQUE DE MELBOURNE, A L'OCCASION DU CENTENAIRE DE LA FONDATION DE CET EVECHE (6 avril 1948)

1. D'après le texte anglais des A. A. S. XL, 1948, p. 177.


C'est avec une joie profonde, Vénérable Frère, que Nous vous envoyons le message de salutation cordiale et de félicitations à l'occasion du centenaire de l'Archevêché de Melbourne.

Il y a cent ans, le premier Evêque, l'audacieux John A. Goold prit possession du diocèse récemment érigé par Notre Prédécesseur de sainte mémoire Pie IX 2. Depuis lors, l'histoire de Melbourne a été marquée par un progrès et un accroissement constants, se mettant à l'unisson avec l'histoire de Victoria et de tout le continent australien 3. Tandis que les ressources du pays étaient graduellement découvertes et exploitées, la population de Victoria crut rapidement, créant par là un urgent et difficile problème pour le premier évêque du nouveau diocèse sur qui reposait la responsabilité de pourvoir aux besoins religieux des nombreux immigrants catholiques.

La Providence de Dieu, gouvernant toutes choses avec une sagesse infinie, ne se désintéressait pas des nécessités des communautés catholiques grandissantes et dispersées sur des étendues immenses. Tandis que le nombre des fidèles se multipliait, des prêtres missionnaires se présentèrent pour la nouvelle moisson, des hommes possédant la résistance physique et le zèle et la fermeté de décision, exigées pour la fondation de l'ÉgUse en ces temps de défrichement de l'Australie.

Par leur labeur énergique et leurs sacrifices, des églises et des chapelles furent construites dans divers centres et bientôt la Province de Victoria se développa en de telles proportions que sur le territoire primitif de Melbourne on érigea les diocèses distincts de Ballarat, Sandhurst et Sale. Convaincu que tous les efforts faits au profit de la cause catholique seraient vains, si les enfants ne recevaient pas une solide éducation chrétienne, l'Archevêque Goold entreprit la tâche pénible de bâtir des écoles catholiques pour la jeunesse du diocèse et à cet effet, il accepta les services de religieux et de religieuses dévouées. Grâce à leur collaboration totale et aux généreux sacrifices de son troupeau, le digne Pasteur posa les fondations du réseau d'institutions catholiques d'éducation et de charité qui sont l'ornement actuel de l'Archidiocèse de Melbourne.

Grâce aux efforts persévérants de l'Archevêque Carr, la cathédrale de Saint Patrick était achevée et consacrée en 1897. Cet édifice majestueux et imposant dédié au Saint Patron du pays dont l'Australie reçut ses premiers missionnaires et la majorité de ses immigrants catholiques, se dresse aujourd'hui comme un monument de belle architecture dominant la ville de Melbourne. Elle constitue un contraste frappant avec la chapelle primitive oh fut célébrée en 1839, la première Messe à Melbourne, elle représente et reflète le développement spirituel et matériel du diocèse durant ces cent années.

Vos propres efforts zélés, Vénérable Frère 1 ont contribué — et non dans de petites proportions — à l'épanouissement de l'archidiocèse de Melbourne et celui-ci peut s'en réjouir justement à l'occasion de ce centenaire ». Ne vous contentant pas de consolider simplement les réalisations méritoires de vos dignes prédécesseurs, vous avez travaillé sans cesse à poursuivre ce progrès et ce développement qui a caractérisé l'Archidiocèse depuis sa création. Sous vos auspices, et grâce à vos efforts constants, des églises, des écoles, des presbytères, des maisons religieuses et des couvents ont été agrandis et se sont multipliés. De diocèse ne dépend plus désormais de l'apport de prêtres d'autres pays ou venant d'autres séminaires, il possède son propre séminaire : Corpus Christi Collège, pour former des ministres de l'Évangile dignes de prendre place et de suivre les traces des missionnaires héroïques de l'époque du défrichement.

De plus, en vue de consolider et de développer les institutions d'éducation primaire et secondaire de votre diocèse, votre soUicitude, vénérable Frère, pour la formation catholique des fidèles soumis à votre charge, s'est étendue également au domaine des études supérieures. Confiant dans la divine Providence, et faisant appel une fois de plus à la générosité de la population, vous avez entrepris courageusement la tâche de procurer une éducation universitaire catholique à la jeunesse des deux sexes, et aujourd'hui le Newman Collège et le Collège Sainte Marie se dressent comme des monuments de votre zèle inextinguible et de vos efforts persévérants.

Conscient également de l'importance de la presse catholique, vous avez poursuivi et parfait le travail inauguré par vos prédécesseurs et avez fait de Melbourne un centre actif de production et de distribution de littérature catholique, non seulement à l'intérieur des frontières de l'Archidiocèse, mais aussi dans les autres Provinces du vaste continent.

Vraiment ces cent ans ont vu de grandes réalisations. Dieu a béni votre activité apostolique et celle de vos prédécesseurs en vous permettant d'engranger une riche moisson et l'Archidiocèse de Melbourne, tel qu'il se présente aujourd'hui, manifeste, depuis ses humbles commencements d'il y a cent ans, un accroissement presque miraculeux.

Non seulement les fidèles se sont multipliés en nombre, mais leurs efforts communs pour le ferme établissement de l'Église et particulièrement pour le maintien de leurs écoles, les unissent dans des liens étroits de solidarité.

Des fidèles d'aujourd'hui récoltent les fruits des sacrifices faits par leurs ancêtres sur le terrain de l'éducation et les diplômés sortant actuellement des écoles et des collèges, sont des jeunes gens et des jeunes filles bien instruits de leurs devoirs de catholiques.

Des associations pieuses de laïcs, les organisations charitables ont été très actives dans l'Archidiocèse depuis de nombreuses années; tandis que sous des formes variées les oeuvres d'action catholique se sont établies fermement et ont produit des fruits consolants particulièrement parmi la classe ouvrière que l'Église a toujours entourée de soins spéciaux et dont les intérêts ont toujours été défendus et promus par elle avec une sollicitude toute maternelle.

Très cordialement Nous vous félicitons, Vénérable Frère, du noble rôle que vous avez joué pour promouvoir le progrès spirituel et matériel de l'Archidiocèse confié à votre souci pastoral il y a trente et un ans et pour assurer l'organisation et la direction des divers aspects de son intense vie catholique. En cette heureuse occasion du Centenaire, Nous Nous réjouissons avec Vous et avec le clergé, les religieux et les fidèles de Melbourne, et tandis qu'en exprimant à chacun et à tous Nos sincères félicitations, Nous unissons Notre voix à la vôtre pour rendre de sincères remerciements au Dieu tout-puissant.

Nous avons appris votre intention, Vénérable Frère, de consacrer votre Archidiocèse et le continent australien tout entier au Coeur Immaculée de Marie. C'est l'objet de Notre très instante prière que la Mère de Dieu daigne accepter votre offrande dévote et que sous Sa protection particulière et sous votre direction éclairée, ainsi que celle de vos Frères dans la Hiérarchie, votre patrie bien-aimée puisse être préservée et immunisée contre les fausses doctrines politiques et sociales de notre temps et que vous puissiez continuer votre route sous sa protection en continuant à prospérer et à progresser spirituellement.

De plus, Nous prions afin que le Dieu Tout-Puissant continue à bénir et faire prospérer l'Archidiocèse de Melbourne, que le

peuple persévère dans la pratique fidèle de sa religion et dans cet esprit d'attachement indéfectible au Saint-Siège qui l'a toujours caractérisé; que le mouvement d'Action Catholique croisse davantage et se développe et que des vocations sacerdotales abondantes procurent des prêtres zélés, issus du pays même, afin de poursuivre l'oeuvre louable, commencée par les missionnaires irlandais au coeur généreux du temps passé.

Avec cette prière Nous vous accordons affectueusement Notre paternelle Bénédiction Apostolique, Vénérable Frère, à Vous, aux prêtres, religieux et laïcs de l'Archidiocèse de Melbourne et à tous ceux qui participent à la célébration du Centenaire.



2. Dès la fin du xvme siècle, l'Australie devenait le lieu où l'Angleterre déportait ses rebelles et notamment les catholiques irlandais; quelques prêtres irlandais déportés étaient les premiers représentants du sacerdoce pénétrant en Australie, mais ils avaient reçu la défense formelle d'y exercer leur ministère. En 1817, un missionnaire vint pour évangéliser Sydney où il y avait déjà plus de 6.000 catholiques... mais le gouverneur le fit réembarquer pour l'Angleterre.
Toutefois, en 1820, le premier aumônier catholique fut admis en Australie. Un Bénédictin, Dom John Pede Polding était nommé en 1834 premier Vicaire Apostolique d'Australie ayant son siège à Sydney. En 1848, le diocèse de Melbourne était fondé (cf. James G. Murtagh : Australia, The Catholic Chapter. Ed. Sheed and Ward, New-York, 1946).
3. L'Australie compte actuellement 7,5 millions d'habitants dont plus de 1,5 million de catholiques.

1. Mgr Daniel Mannix est né en 1864 à Charleville dans le comté de Cork en Irlande. Il fut en 1903, nommé Président du célèbre séminaire de Maynooth, près de Dublin. En 1912, il était nommé Evêque-coadjuteur de S. Exc. Mgr Carr, archevêque de Melbourne, auquel il succédait en 1917 (cf. Frank Murphy : Daniel Mannix, Archbishop of Melbourne. Ed. The Advocate Press, Melbourne, 1948.)

1. Durant l'épiscopat de Mgr Mannix, c'est-à-dire depuis 1917, 40 nouvelles paroisses ont été fondées, 66 nouvelles églises construites, 10 collèges créés, 6 hôpitaux et de nombreuses oeuvres ont été érigées. Dix ordres religieux d'hommes et 14 de femmes ont été introduits dans ce diocèse.
L'Archidiocèse de Melbourne compte actuellement iïi paroisses, 226 prêtres, 350.000 catholiques et 1.250.000 habitants.




ALLOCUTION AU SCHWEIZERISCHER KATHOLISCHER VOLKSVEREIN (9 avril 1948)

1. Texte allemand dans l'Osservatore Romano du 10 avril 1948; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLV, col. 716.

Un groupe de pèlerins de Schweizerischer Katholischer Volksverein — Association populaire catholique suisse — était venu à Rome; il a été reçu en audience et le Souverain Pontife lui a dit quelques mots :


Nous vous souhaitons la bienvenue, chers Fils et Filles qui du pays si envié de l'heureuse Suisse aux Alpes magnifiques, êtes venus jusqu'à Nous.

Vous êtes membres de l'Association populaire2. Votre groupement compte maintenant presque un siècle de glorieuse histoire. Il se tint en première ligne lorsqu'il fut question, jadis, d'assurer aux catholiques de votre Patrie leurs droits religieux.

Si les catholiques suisses jouissent aujourd'hui d'une pleine liberté ils doivent d'abord user de leurs droits pour mener eux-mêmes une vie parfaite, profondément chrétienne.

Aujourd'hui, l'essentiel de ces droits vous est garanti. Garanti de manière que sous leur protection chacun de vous et toute la communauté des catholiques suisses vous menez une vie intérieure inspirée de la foi catholique, de plus en plus parfaite, et vous vous montrez ainsi de véritables fils de la Sainte Église.


Les catholiques doivent user de leurs droits pour rayonner le catholicisme dans la vie publique:

Garantis, ces droits vous le sont encore afin que vous fassiez publiquement valoir toute la richesse de la foi catholique et des convictions catholiques, dans la vie politique, économique et sociale.


Pour cela, les catholiques suisses doivent:
1. Etre convaincus que le catholicisme doit jouer un rôle social.
2. Et éviter de laisser affadir le sel de la vraie doctrine par des mélanges malfaisants :

Mais cela vous ne le pouvez que si vous êtes vous-mêmes intimement pénétrés de ces convictions, comme aussi si vous êtes remplis de ce sentiment catholique de l'honneur qui ne recherche ni ne puise dans les autres systèmes ce que nous possédons mieux dans notre propre héritage, et qui, malgré tous les dangers et toutes les tempêtes croit à la victoire de notre cause parce que c'est la cause de Celui qui a dit : « Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. » (Mt 28,18).

Nous implorons sur vous la grâce toute puissante de Jésus-Christ, en gage de laquelle Nous vous donnons avec l'effusion de Notre coeur paternel, à vous-mêmes, à ceux qui vous sont chers et qui sont restés à la maison, ainsi qu'à tous ceux auxquels vous pensez et êtes unis en ce moment, Notre Bénédiction apostolique.


2. Cette Association a été fondée en 1857 sous le nom de Pius Verein pour grouper les oeuvres ouvrières suisses. Elle tenait son premier Congrès à Lucerne, en 1903, sous la présidence du Dr Gaspar Decurtins.
Le Secrétariat général est installé St. Karliquai 12, à Lucerne.



ALLOCUTION A L'OVERSEAS SCHOOL OF ROME (10 avril 1948)

1. D'après le texte anglais de l'Osservatore Romano du n avril 1948; traduction dans La Documentation Catholique, t. XLV, col. 783.

Il existe à Rome sous le titre « Overseas School of Rome », une école privée pour les enfants des familles anglaises et américaines résidant à Rome. Le Pape reçut en audience les professeurs et les élèves de cette école ainsi que de nombreux parents:


Le plaisir que Nous prenons à vous souhaiter chaleureusement la bienvenue ici, ce matin, la veille du dimanche du Bon Pasteur, ce plaisir, chers amis, est dû pour une bonne part à la circonstance heureuse que la famille dévouée de vos parents et de vos professeurs a tenu à Nous présenter les enfants pour lesquels ils ont ouvert les portes et la cour de votre nouvelle école à Rome. Ou serait-ce le contraire? Seraient-ce peut-être les enfants qui auraient amené leurs parents et leurs professeurs à Nous dire combien il leur est facile de se rendre compte, dussent leurs aînés l'oublier, que la famille et l'école doivent être, pour ainsi dire, deux sanctuaires dans le même temple saint.

Dans l'un comme dans l'autre cas, cela ne fait qu'augmenter Notre confort et Notre confiance en vous saluant ici les uns et les autres. Pour les enfants dont l'esprit et le coeur s'ouvrent à leurs besoins spirituels, afin de croître en sagesse et en grâce à mesure qu'ils avancent en âge, comme pour les parents qui recourent au concours précieux du maître afin de les aider à satisfaire à ces besoins, l'école doit être vraiment un heu saint pour à peu près les mêmes raisons que la famille.

Maxima debetur puero reverentia: « Nous devons le plus grand respect à l'enfant » (Juvenal, Sat. XIV, 47), invitation éternelle qui garde toujours sa valeur, en même temps qu'un avertissement adressé aux parents et aux maîtres par la sagesse classique de la Rome païenne, des siècles avant que le grand pédagogue de l'Orient Chrétien, Saint Grégoire de Nazianze, ne vous rappelât aux uns et aux autres que la direction et la formation de la jeunesse est l'art des arts, la science des sciences (Or. II, Apologetica, Migne, P. G. t. XXXV, Col 425).

Même l'ironie délicate de votre génial Shakespeare illustre cette destination sacrée de la famille et de l'école quand elle met en scène dans le « triste spectacle » des sept âges de l'homme, joué trop souvent sur le théâtre du monde :

«... l'écolier, en pleurs, avec sa gibecière, le visage luisant de la toilette du matin, et qui va à l'école à contre-coeur, se traînant comme un escargot. »

(Comme il vous plaira, acte II, scène y.)

Des enfants qui ne pleurent pas, parce qu'on a fait de leur école un lieu saint et salubre où ils peuvent vivre et jouer, aimer et apprendre — heureux sont-ils s'ils peuvent y aimer et apprendre à connaître Celui qui est notre Voie, notre Vérité et notre Vie; — des parents et des maîtres conscients de leur sublime privilège et de leur sublime profession qui consiste à laisser venir les petits à Dui (Mt 19,14) pour recevoir la lumière et la force pendant les années où se forment l'esprit et le caractère : ces acteurs sur la scène de la vie jouent un rôle magnifique non pas dans un spectacle de tristesse, mais dans le drame fidèle de paix, de rédemption et de résurrection pour les hommes et les nations de bonne volonté.

Puissent vos coeurs et vos foyers, votre école et votre pays être préservés de l'horreur impie dont Nous devons être le Témoin attristé dans l'Europe chrétienne, lorsque des centaines d'enfants dans la tendre jeunesse sont arrachés aux bras de leurs parents et aux salles des petites écoles de chez eux pour être formés ou déformés par des maîtres étrangers, aux ordres de leurs ravisseurs sacrilèges 1.

Chers enfants, parents et maîtres, puisse la bénédiction du Dieu de justice et d'amour vous préserver de ces maux et de tous les autres, et vous aider à former, avec tous ceux qui vous sont chers, à la maison, et à l'école, cor unum et anima una, une seule famille unie en son amour.

C'est le cas dans tous les pays de l'Europe orientale soumis aux lois inspirées régime soviétique.


ALLOCUTION A L'UNION DES CHEMINOTS CATHOLIQUES FRANÇAIS (13 avril 1948)


1. D'après le texte français de l'Osservatore Romano du 14 avril 1948;

L'union des Cheminots Catholiques Français, fêtant le 50e anniversaire de sa fondation, organisa un pèlerinage à Rome. Au nombre de 400, les pèlerins furent reçus en audience:

Nous pourrions, très chérs fils et chères filles, vous accueillir par les paroles que l'Apôtre Saint-Paul adressait à ses disciples de Thessalonique, fidèles et chers entre tous : Partout votre foi en Dieu s'est fait si bien connaître que Nous n'avons plus à en faire l'éloge. (Cf. 1Th 1,8.) Fiers de votre devise : Fidem servavi, vous la proclamez cette foi, non seulement dans les villes de France où vos 400 groupes ont leurs sièges, mais à travers tout le pays, que vous sillonnez sans cesse dans toutes les directions. Il ne vous suffit pas de la manifester publiquement dans les réunions, les assemblées, les Congrès, où flottent vos drapeaux, ce qui est déjà une grande chose et un grand exemple ; vous la manifestez surtout par votre conduite personnelle et par votre attitude.

Quelle puissance d'apostolat ! 20.000 cheminots catholiques vaillants et sans respect humain, nourris de l'Évangile, parlant et agissant avec une légitime et louable ambition de gagner vos frères au Christi Mais quelle puissance plus grande encore — toute cachée qu'elle soit — que celle de votre vie surnaturelle, échauffée par votre dévotion au Sacré-Coeur, alimentée par la sainte Eucharistie que chaque jour, un certain nombre d'entre vos associés reçoivent à l'intention de l'Église et de son Chef visible, de la France et de tous les membres de votre profession ! Aussi est-ce de grand coeur que Nous bénissons ces drapeaux et ces cocardes, par lesquels vous affichez bien haut et votre foi et votre zèle.

Placée par Notrevénéré prédécesseur Pie X, sous le patronage de Notre-Dame de la Voie, votre Union catholique du personnel des chemins de fer français, depuis cinquante ans, a parcouru une sainte et victorieuse carrière, et Nous avons la confiance solidement fondée que, d'année en année, elle continuera de marcher d'un pas toujours plus ferme et plus rapide, poursuivant sans se lasser ses glorieuses conquêtes.

A votre céleste protectrice, Nous confions votre vie spirituelle au milieu des luttes, votre vie corporelle au milieu des dangers, et Nous lui disons pour vous la belle prière des voyageurs que vous chantez dans l'Ave Maris Stella : « Vitam proesta puram; iter para tutum, ut, vidente J esum, semper coUaetemur! Rendez notre vie pure, assurez notre route pour que voyant Jésus, nous goûtions à jamais la joie! » Et en gage de ses faveurs maternelles, Nous vous donnons bien volontiers à vous, à tous les compagnons de travail que vous voulez lui conduire, à votre Union, à tous ses dirigeants, à tous ses membres, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.



ALLOCUTION A DES PERSONNALITÉS AMÉRICAINES (20 avril 1948)

1. D'après le texte anglais de l'Osservatore Romano du 24 avril 1948; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLV, col. 583.

M. Myron Taylor, représentant personnel du Président des États-Unis, auprès du Saint-Siège, a été reçu en audience le 20 avril 1948; il a présenté au Saint-Père quelques personnalités américaines et le Pape leur a adressé l'allocution suivante:


Son Excellence, M. Taylor, vient de Nous dire votre désir d'être reçus par Nous; aussi Nous Nous empressons de Vous souhaiter très cordialement la bienvenue à Rome et dans Notre Cité du Vatican.


Cette audience ayant lieu le surlendemain des élections italiennes du 18 avril 1948, le Saint-Père ne cache pas sa satisfaction à la suite des résultats obtenus:

Vous venez d'être témoins d'une journée qui sera mémorable dans les annales de l'histoire d'Italie. Tout un peuple a donné la preuve qu'il avait conscience de la gravité de son devoir civique, et le ciel d'Italie s'est rasséréné grâce à l'espoir de cette tranquillité de l'ordre qui rendra possible et devrait hâter la reconstruction matérielle et sociale du pays, si nécessaire si l'on veut rendre justice à tous surtout aux ouvriers et aux chômeurs.

Mais cette journée a fait renaître aussi la confiance en Europe et même dans le monde entier. De tous les continents des messages Nous parviennent qui disent comment Nos enfants en ce moment crucial se sont tournés unanimement et spontanément vers le Dieu infini, qui règne sur toutes les nations, en De priant de défendre sa cause contre l'erreur et l'injustice.

C'est vers lui qui se tourne également Notre coeur paternel affligé du spectacle de tant d'hommes qui, dans leur égoïsme ou leur aveuglement, suivent le sentier qui ne peut mener qu'à la ruine de l'âme et du corps.


Le Pape prie afin que ceux qui demeurent dans l'erreur du Communisme se convertissent:

Puisse-t-Il, dans sa pitié et son amour, éclairer leurs esprits pour qu'ils se rendent compte de l'erreur où ils se sont engagés.


Il prie encore pour que la paix authentique règne entre les hommes et entre les nations:

Puisse-t-il chasser de la face de la terre le spectre de la méfiance ou, ce qui est pire, de la guerre. Puisse-t-il accorder — pourvu que les hommes veuillent humblement reconnaître son désir de les aider ! — puisse-t-Il accorder qu'une coopération généreuse et fraternelle entre toutes les nations apporte encore la paix véritable et la rende sûre et durable.

Nous prions également pour que les bénédictions les plus choisies du ciel descendent sur vous et sur ceux qui vous sont chers et y demeurent à jamais.


ALLOCUTION A DES JOURNALISTES GRECS (21 avril 1948)


1. D'après le texte français de l'Osservatore Romano du 21 avril 1948;

Un certain nombre de Correspondants et de Directeurs de journaux grecs présents à Rome jurent reçus par le Souverain Pontife:

Recevez de Nous, Messieurs, l'accueil le plus cordial. Vous venez de la Grèce. Rien qu'à nommer votre patrie, on a l'impression de faire chanter tout un poème d'histoire et de civilisation. L'antique Hellade, ou plutôt le génie de son peuple, a enrichi l'humanité des trésors de sa langue et de sa littérature, de ses conceptions et de ses institutions politiques, des merveilles de son art, et de sa philosophie, avec une telle profusion, une telle variété, une telle universalité, que l'on a pu, non sans raison, reconnaître dans l'hellénisme la racine de la culture naturelle de l'Occident, comme on a reconnu celle de sa culture spirituelle dans le christianisme.

Non certes que le christianisme soit le monopole d'une forme particulière de civilisation. Il s'adapte aisément à toutes, il leur donne à toutes le fini de leur caractère propre en les orientant vers Dieu, vers l'autre vie, l'éternelle, et, par le fait même, il les perfectionne toutes selon le sens du véritable et sain humanisme. Il n'en est pas moins vrai que, chronologiquement, c'est d'abord sur cette culture, dont l'hellénisme est la racine, que la religion chrétienne est venue se greffer. Et si, au cours des siècles, elle a réalisé progressivement cette fusion féconde, le point de départ de ce progrès n'est-il pas dans les écrits du Nouveau Testament, dont la langue originale est le grec?

Dans la crise dramatique de l'heure présente, dans la lutte dont la culture occidentale est l'enjeu, tout au moins sur le sol européen, est-ce donc par un pur hasard que la Grèce et son peuple se trouvent aujourd'hui sur le front de bandière?

Dieu bénisse votre patrie ! Avec toute l'attention de Notre esprit, avec toute la sollicitude de Notre coeur, Nous avons suivi, jour par jour, pourrions-Nous dire, le cours des événements dont elle est le théâtre depuis 1940, donnant au monde le spectacle de ses souffrances et de sa détresse, de sa résistance et de son héroïsme *.

Qu'une toute spéciale Bénédiction descende sur ces familles désolées, sur ces pères et mères, victimes — dans leurs enfants incomparablement plus que dans leur propre chair — d'inhumains traitements ! Que la bénédiction de Dieu soit sur vous-mêmes, pour que, avec son secours, vous puissiez vous acquitter, toujours plus fructueusement, et selon sa sainte volonté, des devoirs de votre profession.

1. La Grèce a connu depuis 1940 des épreuves considérables :
En 1940, elle était envahie par l'armée italienne qui avait conquis au préalable l'Albanie.
En 1941, l'armée allemande pénètre en territoire grec et l'armée britannique venue au secours de la Grèce, doit se retirer. L'armée grecque est défaite par l'armée allemande. Une dure occupation suivie de famine frappe le pays. Des groupes de guérillas s'attaquent aux Allemands, mais se combattent entre eux également. Les Allemands ayant évacué la Grèce, les Anglais débarquent en octobre 1944. En face du gouvernement réinstallé, des groupes de grecs rebelles créent un gouvernement dit de la « Grèce libre » qui, soutenu par le gouvernement soviétique, continue la lutte dans les montagnes du Nord de la Grèce, contre l'armée régulière. Ces hostilités se prolongent depuis 1943 et durent encore toute l'année 1948. Au cours de cette année les rebelles déportent en Yougoslavie, Roumanie et Pologne, plusieurs milliers de femmes et d'enfants grecs.


RADIO-MESSAGE A LA SOCIÉTÉ SUISSE DE RADIODIFFUSION (22 avril 1948)


1. D'après le texte français de l'Osservatore Romano du 23 avril 1948;

La Société Suisse de Radiodiffusion avait organisé une semaine d'études des programmes radiophoniques pour 1948. Durant cette semaine, une émission fut consacrée au Problème de la Moralité à la Radio. C'est au cours de celle-ci que le Saint-Père fit la déclaration suivante:


En couronnant ses « Semaines de programmes radiophoniques 1948 » par une émission sur « le problème de la moralité à la Radio », la Société Suisse de radiophonie proclame ouvertement la haute conscience qu'elle a de la responsabilité de qui parle au microphone. A la différence de l'orateur, du prédicateur, du professeur qui voient à qui ils s'adressent, et qui savent ce qui convient à leur auditoire, dont les moindres réactions frappent leur regard, lui parle devant l'inconnu.

La responsabilité du criminel, qui fait de la radio un instrument de corruption intellectuelle ou morale, ne pose pas un problème : elle appelle la flétrissure. Celle de l'indifférent, neutre ou sceptique, très grande à cause de ses graves et souvent imperceptibles conséquences, n'en pose pas non plus : elle met en présence de la difficulté de le convaincre qu'il fait du mal; c'est une difficulté, non un problème.

Le problème se pose dès qu'il s'agit d'aborder, avec une intention droite et souvent louable, certains sujets, faits ou questions utiles et légitimement intéressants du point de vue littéraire ou artistique, psychologique, moral ou social. Et voici ce qui met en perplexité : se taire, alors qu'il serait opportun ou nécessaire de parler? Parler, au risque d'effaroucher certaines oreilles, de troubler certaines âmes, surtout de déflorer la candide fraîcheur de coeurs d'enfants? Sans doute,

les adultes n'ont qu'à se reprocher à eux-mêmes leur curiosité indiscrète ou imprudente; mais les enfants qui, étourdis sans grave malice, déjouent si souvent sur ce point la vigilance de leurs parents ? Au « speaker » d'apporter, dans l'énoncé de ce qu'il doit dire, cette délicatesse, cette noblesse d'expression, qui lui permette d'être compris des grands sans éveiller l'imagination ou émouvoir la sensibilité des petits.

Maxima debetur puero reverentia. Tu dois à l'enfance le plus grand respect : disait le poète païen Juvénal (Sat. 14, 47). Concilier ce respect avec le droit ou le devoir de parler, voilà le problème qui intéresse au premier chef les parents, les éducateurs, les sociologues, et quiconque use de la radio. Il était donc fort à propos de traiter ce thème comme conclusion de ceux qui regardent les différentes formes de l'art radiophonique.



LETTRE A L'ACADÉMIE FRANÇAISE (28 avril 1948)

1. D'après l'Osservatore Romano du 20 mai 1948.

L'Académie Française dans sa séance solennelle du 18 décembre 1947, avait décidé d'offrir à S. S. Pie XII sa grande médaille d'or de la Langue Française : aussi en réponse, le Souverain Pontife adressa-t-il la Lettre suivante à M. Georges Lecomte, secrétaire perpétuel de l'Académie:


L'estime singulière que, depuis Nos jeunes années, Nous avons sans cesse nourrie pour la langue française2, dans l'usage de laquelle Notre goût personnel autant que Nos fonctions Nous ont de jour en jour confirmé, ne pouvait que Nous faire apprécier davantage le très noble geste par lequel l'Académie française décidait, à l'unanimité, dans sa séance solennelle du 18 décembre 1947, de Nous offrir une exceptionnelle Médaille d'or, à l'effigie du Cardinal de Richelieu, son immortel fondateur 3.

Nous l'avons reçue avec une réelle émotion qui faisait revivre devant Nos yeux, comme un panorama splendide, les fastes tricentenaires du célèbre Institut, spécialement créé pour la défense et l'illustration d'un des plus riches idiomes que Dieu ait donné aux hommes de parler. En effet, on ne louera jamais assez la langue française pour sa clarté, sa précision, sa distinction, qui en ont fait par excellence le langage de la diplomatie et des sciences spéculatives. Et cela non seulement par le fait d'une élection arbitraire, car elle est également, par sa finesse, la langue de l'art, de la littérature, de la poésie, la langue de l'esprit et du coeur. C'est surtout à travers vos auteurs classiques, que Nous l'avons connue, admirée, aimée, et parmi eux comment ne manifesterions-Nous pas, en cette heureuse conjoncture, une secrète préférence pour votre grand Bossuet, Nôtre, aussi pourrions-nous dire, en raison du profit personnel que Nous avons tiré de sa fréquentation assidue et fervente? Sans compter que Nous trouvons chez lui, à un rare degré, cet accent de profonde charité que l'on sent vibrer dans la parole de tant d'orateurs sacrés qui ont honoré la chaire française chrétienne.

Tel est le réconfort culturel et spirituel que cette précieuse Médaille Nous apporte, en même temps que le témoignage de la haute et exquise courtoisie, bien française aussi, dont vos très dignes collègues et vous-même, entendez aimablement faire preuve à Notre endroit. Veuillez partager avec eux les gages sincèrement paternels d'une reconnaissance et d'un attachement qui se traduisent spécialement par les voeux et les prières que Nous faisons de tout coeur monter au ciel pour le bonheur et la prospérité de l'Académie française et ses membres éminents.


2. Le Saint-Père possède le français avec maîtrise; il a prononcé en français des discours d'une rare éloquence notamment ceux qu'il fit à Lourdes en 1935, à Lisieux et à Notre-Dame de Paris en 1937. (Discours et Panégyriques de SS. Pie XII (1931-1938). Ed. Bonne Presse, Paris, 1939.) Il possède d'ailleurs une connaissance approfondie de la littérature française.
3. L'Académie française fut fondée en 1635 par Richelieu.




Pie XII 1948 - DISCOURS A L'OCCASION DE LA BEATIFICATION DU FRERE BENILDE (5 avril 1948)