Pie XII 1948 - LETTRE A L'ACADÉMIE FRANÇAISE (28 avril 1948)

ENCYCLIQUE AUSPICIA QUADAM (ier mai 1948)

1. D'après le texte latin de A. A. S. XL, 1948, p. 169; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLV, col. 705.
2. Ces indices au début de 1948 sont les suivants : Sur le plan politique :
— Les élections italiennes du 18 avril 1948 ont marqué une victoire du parti démocrate chrétien sur le parti communiste (cf., p. 212).
— De même les élections municipales françaises du 26 octobre 1947 avaient marqué un recul communiste.
— La conférence panaméricaine réunie le 30 mars 1948 à Bogota se prononce à l'unanimité contre le communisme.
Sur le plan économique
— Le 23 décembre 1947 M. Truman, président des États-Unis, signe la loi sur l'aide intérimaire aux pays d'Europe.
— Signature le 17 mars 1948 du Pacte de Bruxelles où la France, la Grande-Bretagne et les pays du Bénélux se mettent d'accord pour collaborer étroitement dans les domaines politique, économique et militaire.
— Le 16 avril 1948, seize nations européennes signent une convention de coopération économique.

Cette Encyclique fait part au monde entier des angoisses qui étreignent le Souverain Pontife en ces temps troublés, et celui-ci lance un appel à la prière.

Le monde, dit le Souverain Pontife, demeure divisé : d'une part, les peuples et les gouvernements désirent la paix et des conférences se réunissent en vue de l'établir, mais, d'autre part, il reste encore des hommes qui sèment la haine et qui fomentent la guerre:


Un certain nombre d'indices2 semblent indiquer clairement aujourd'hui que toute la grande communauté des peuples, après tant de meurtres et de dévastations causés par une longue et terrible guerre, s'est orientée avec ardeur vers les sentiers salutaires de la paix ; on écoute plus volontiers maintenant ceux qui s'emploient avec un dur labeur à des oeuvres de reconstruction, qui cherchent à apaiser et concilier les discordes et qui s'attachent à faire surgir des nombreuses ruines qui nous affligent un nouvel ordre de prospérité, que ceux qui poussent encore à des querelles réciproques et acerbes, à des haines et à des rancunes dont ne peuvent venir que de nouveaux dommages et de nouveaux malheurs.

Mais bien que Nous-même et le peuple chrétien ayons de grands motifs de consolation et que nous puissions nous encourager par l'espérance de temps meilleurs, des faits et des événements1 ne manquent pas toutefois de donner à Notre coeur paternel de grandes préoccupations et angoisses. Si la guerre, en effet, a cessé presque partout, la paix désirée n'a pas encore pourtant rasséréné les esprits et les coeurs ; on voit même le ciel s'obscurcir de nuages menaçants.


1. Ces faits et événements sont :
— Les oppositions violentes qui se dessinent entre le bloc russo-soviétique et le bloc anglo-américain, notamment :
— A l'Assemblée générale de la deuxième session de l'Organisation des Nations-Unies à Lake-Success, du 17 septembre au 29 novembre 1947.
— A la Conférence de Londres des Ministres des Affaires Étrangères des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et de l'U. R. S. S. qui s'ajourne sine die le 18 décembre 1947, n'ayant pu trouver aucun terme d'accord.
— A Berlin, entre les commandants militaires des zones orientales et occidentales où finalement les Russes décrètent le blocus de Berlin en mai 1948.
— Les troubles sociaux et les guerres qui continuent à agiter le monde :
— Création le 5 octobre 1947 à Belgrade du Kominform, bureau d'information coordonnant l'activité des partis communistes répartis dans le monde.
— Renforcement de l'emprise communiste sur les gouvernements hongrois et roumains, avec menace de persécution religieuse.
— Etablissement d'une dictature communiste en Tchécoslovaquie, à la suite du coup d'État de février 1948.
— Agitation sociale en France, en Italie, en Allemagne, grèves incessantes (principalement en décembre 1947).
— Poursuite de la guerre en Grèce, en Chine, en Indonésie, en Indochine et nouvelles hostilités en Palestine.


Le Pape, de son côté, travaille activement à favoriser la paix entre les peuples :
— par ses interventions personnelles,
— par ses prières:

Nous ne cessons pas de notre côté, de Nous employer, avec tous Nos moyens à éloigner de la famille humaine les risques d'autres calamités qui la menacent ; et quand les moyens humains se révèlent impuissants, Nous Nous tournons suppliant vers Dieu et Nous exhortons en même temps tous nos Fils dans le Christ, dispersés dans tous les pays du monde, à vouloir s'unir à Nous pour implorer les secours du ciel.


Le Saint-Père fait un appel spécial aux enfants:

Nous avons trouvé un réconfort, les années précédentes1 à inviter tout le monde, surtout les enfants, qui Nous sont si chers à se presser nombreux durant le mois de mai, autour de l'autel de' la Mère de Dieu pour implorer la fin de la funeste guerre ; aujourd'hui, également, Nous les invitons par cette lettre à ne pas interrompre cette pieuse coutume et à vouloir ajouter à leurs supplications de bons propos de renouveau chrétien et des oeuvres de salutaire pénitence.

Qu'avant tout ils offrent à la Vierge, Mère de Dieu et notre bénigne Mère, les plus vifs remerciements pour avoir obtenu, avec sa puissante intercession, la fin souhaitée de la grande conflagration mondiale, et pour tant d'autres bienfaits accordés par le Très-Haut ; mais, qu'en même temps, ils la supplient, de leurs prières répétées, de faire enfin resplendir comme un don du ciel la paix mutuelle, fraternelle et totale entre toutes les nations et la concorde désirée entre toutes les classes sociales.

Que cessent ces discordes, qui ne sont avantageuses à personne ; que s'apaisent avec justice les querelles, qui sont souvent les germes de nouveaux malheurs ; que s'accroissent et se consolident entre les nations les relations publiques et privées ; que la religion, mère de toutes les vertus, ait la liberté qui lui est due ; et que le travail pacifique des hommes, sous les auspices de la justice et le souffle divin de la charité, produise, pour le bien de tous, les fruits les plus abondants.

1. Déjà les années précédentes le Souverain Pontife s'adressa aux enfants au début de mai, pour les inviter à la prière.
— Lettre de S. Em. le Cardinal Maglione du 20 avril 1939 (A. A. S. XXI, 1939, p. 154)- Id., 13 avril 1940 (A. A. S. XXXII, 1940, p. 144). Id., 20 avril 1941 (A. A. S. XXXIII, 1941, p. 110). Id., 15 avril 1942 (A. A. S. XXXIV, 1942, p. 125). Id., 15 avril 1943 (A. A. S. XXXV, 1943, p. 103). Id., 24 avril 1944 (A. A. S. XXXVI, 1944, p. 145).
— Encyclique Communium interpres dolorum, 15 avril 1945, (A. A. S., XXXVII 1945. P- 97)-


La prière des hommes n'est agréable à Dieu que si celui qui la prononce est dans un état de vie conforme à la volonté de Dieu. Les Évêques du monde sont invités à provoquer un réveil des consciences afin que la prière du peuple soit efficace.

Vous savez bien, Vénérables Frères, que nos prières sont agréables à la Très Sainte-Vierge surtout lorsqu'elles ne sont pas des mots éphémères et vides, mais qu'elles jaillissent de coeurs ornés des vertus nécessaires. Employez-vous donc, avec votre zèle apostolique, à ce qu'aux prières publiques qui montent vers le ciel durant le mois de mai corresponde un réveil de vie chrétienne. De ce seul présupposé, il est, en effet, permis d'espérer que le cours des choses et des événements, dans la vie publique, comme dans la vie privée, puisse être orienté, selon l'ordre, et qu'il soit donné aux hommes de conquérir avec l'aide de Dieu, non seulement la prospérité possible en ce monde, mais aussi la félicité céleste qui ne finira pas.


Une nouvelle source de douleur peine le coeur de Pie XII et de tout chrétien: le conflit entre les Juifs et les Arabes qui ravage la Palestine.

Mais il y a à présent, un sujet particulier qui afflige et angoisse vivement Notre coeur. Nous voulons parler des Lieux Saints de Palestine qui depuis longtemps déjà sont troublés par de tristes événements et qui sont presque chaque jour dévastés par de nouveaux meurtres et de nouvelles ruines1. Or, s'il y a une région qui doit être particulièrement chère à toute âme bien née et civilisée, c'est certainement la Palestine, d'où est sortie depuis les obscurs débuts de l'Histoire tant de lumière de vérité pour toutes les nations ; où le Verbe de Dieu incarné, a fait annoncer, par les choeurs des Anges la paix à tous les hommes de bonne volonté, où Jésus-Christ, enfin, suspendu à l'arbre de la Croix a apporté le salut à tout le genre humain et les bras étendus, comme pour inviter tous les peuples à une étreinte fraternelle, a consacré par l'effusion de son sang le grand précepte de la charité1.

Nous désirons donc, ô Vénérables Frères, que les prières du mois de mai aient pour but spécial, cette année, d'obtenir de la Très Sainte Vierge que la situation en Palestine soit finalement arrangée selon l'équité et que là aussi triomphent enfin la concorde et la paix.


1. Le problème de la Palestine a été posé depuis la déclaration du ministre Balfour, le 2 novembre 1917. Jusqu'alors en effet, la Palestine faisait partie intégrante de l'Empire turc; elle comptait 689.000 habitants dont 85.000 Juifs; le reste étant composé d'Arabes dont moins de 10 % sont chrétiens.
Dans cette déclaration, le ministre britannique disait que son Gouvernement envisagerait avec faveur l'établissement d'un État juif en Palestine. Cette déclaration faisait suite aux revendications du mouvement sioniste dont la première manifestation fut un Congrès tenu à Bâle en 1897.
De fait en 1922, la Palestine était mise sous mandat de la Société des Nations et celle-ci y favorisa l'immigration des Juifs.
Dès 1920, des troubles avaient agité la Palestine; les Arabes n'entendant pas partager leur territoire avec les Juifs. Tous les efforts tentés pour obtenir la collaboration entre Arabes et Juifs demeurèrent vains. Les Anglais occupèrent la Palestine et la traitèrent comme une colonie; ils se proposèrent de diviser la Palestine en deux États, l'un juif, l'autre arabe. Mais les Arabes n'acceptèrent jamais cette proposition. En 1945, la population de la Palestine avait subi un accroissement notable; elle comptait 1.765.000 habitants dont 534.000 Juifs (soit 31 %).
Le 29 novembre 1947, la 2e session de l'Assemblée générale des Nations Unies îdoptait une résolution approuvant le plan de partage de la Palestine.
En 1947, au moment où les troupes britanniques quittèrent la Palestine les désordres dégénérèrent en une véritable guerre civile entre Juifs et Arabes (cf. Report of the Anglo-American Committee of Enquiry regarding the problems of European Jewry and Palestine. Lausanne, 20 avril 1946. Ed., London His Majesty's, Stationery Office).

1. En recevant en audience le 3 août 1946, une délégation arabe, le Saint-Père disait : « Nous voudrions que la terre où Jésus-Christ a prêché un royaume de paix, demeure une terre de paix. »



Les chrétiens durant ce mois de mai prieront donc tout particulièrement afin que la paix revienne en Palestine:
Le Pape donne un programme de prières à réaliser pendant ce mois de mai 1948 :

Nous plaçons un grand espoir dans le patronage tout-puissant de Notre Mère du ciel ; patronage que, durant ce mois qui lui est consacré, les enfants innocents surtout, voudront implorer par une sainte croisade de prières. Ce sera précisément votre tâche de les inviter et de les y stimuler avec toute votre sollicitude ; et non seulement eux, mais aussi leurs pères et leurs mères qui, en cela doivent les précéder, en nombre, par leur exemple.

Nous savons bien que Nous n'avons jamais fait appel en vain au zèle ardent dont vous êtes enflammés ; et c'est pourquoi il Nous semble voir déjà des multitudes pressées d'enfants, d'hommes et de femmes venir en foule dans les églises pour demander à la Mère de Dieu toutes les grâces et les faveurs dont nous avons besoin. Que Celle qui nous a donné Jésus nous obtienne que tous ceux qui se sont éloignés du droit sentier y reviennent au plus vite, mus par un salutaire repentir ; qu'elle nous obtienne — elle qui est notre très bénigne Mère et qui dans tous les dangers s'est toujours montrée notre aide puissante et médiatrice de grâces — qu'elle nous obtienne encore, disons-Nous, que dans les graves nécessités dont nous sommes angoissés, une juste solution soit trouvée aux disputes et qu'une paix sûre et libre resplendisse enfin sur l'Eglise et sur toutes les nations.


En particulier, Pie XII demande que chacun personnellement et que chaque institution sociale se consacre au Coeur Immaculé de Marie.

Il y a quelques années, tous s'en souviennent, tandis que la dernière guerre faisait rage encore, voyant que les moyens humains demeuraient incertains et insuffisants à éteindre la cruelle conflagration, Nous adressâmes nos ferventes prières à notre miséricordieux Rédempteur, par l'intermédiaire du puissant patronage du Coeur Immaculé de Marie1. Et comme notre prédécesseur, d'immortelle mémoire, Léon XIII, à l'aube de notre xxe siècle voulut consacrer tout le genre humain au Sacré-Coeur de Jésus 8. Nous avons voulu de même comme représentant de la famille humaine rachetée, la consacrer aussi au Coeur Immaculé de Marie.

Nous désirons, par conséquent, que, si les circonstances opportunes le conseillent, on fasse cette consécration dans les diocèses, comme dans chaque paroisse et dans les familles, et Nous avons confiance que de cette consécration privée et publique sortiront en abondance les bienfaits et les faveurs célestes.

Sous ces présages et en gage de Notre paternelle bienveillance Nous accordons, de tout Notre coeur, la Bénédiction apostolique à chacun de vous, Vénérables Frères, à tous ceux qui répondront généreusement à notre lettre d'exhortation et particulièrement aux troupes nombreuses et pressées de Nos très chers enfants.


1. Le 31 octobre 1942, le Pape Pie XII terminait un radio-message au peuple portugais (A. A. S., 34, 1942, p. 313) par une formule de consécration au Coeur Immaculé de Marie.
Le 8 décembre 1942, en la Basilique de Saint-Pierre, le Souverain Pontife consacrait solennellement le monde au Coeur Immaculé de Marie. (A. A. S., 34, 1942, p. 345.)
Un décret du 4 mai 1944, instituait la fête du Coeur Immaculé de Marie pour garder le souvenir de cette consécration. (A. A. S., 37, 1945, p. 41.)
8. Dans l'Encyclique Annum Sacrum du 25 mai 1899, Léon XIII annonçait que le n juin, il prononcerait la consécration du genre humain au Sacré-Coeur.


DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION ORIENTALE concernant l'administration du Sacrement de Confirmation (1er mai 1949)

1. D'après le texte latin des A. A. S., 40, 1948, p. 422.

Les bouleversements de la guerre ont amené le déplacement de populations entières. Notamment nombre de fideles de rite oriental sont dispersés, hors de leurs territoires patriarcaux, dans des territoires de rite latin. Ils reçoivent les sacrements de prêtres latins et donc dans le rite latin. Or, jusqu'à présent, un prêtre latin possédant l'induit permettant de confirmer, ne peut le faire validement qu'aux fidèles de son rite, sauf disposition contraire expresse. Grâce au présent décret tout prêtre de rite latin pourra confirmer un fidèle de rite oriental, dans les mêmes cas où il lui est permis de confirmer un fidèle de rite latin.


D'après le canon CIS 782 par 4, tout prêtre de rite latin, qui, en vertu d'un induit a le pouvoir de conférer le sacrement de confirmation, ne peut le conférer validement qu'aux fidèles de son rite « à moins que cet induit ne dise formellement le contraire ». En raison des conséquences de la première et de la deuxième guerre qui ont bouleversé le monde entier, un grand nombre de fidèles de rite oriental vivent dispersés dans des régions de rite latin et ils reçoivent les sacrements des mains de prêtres latins et ils s'habituent à ce rite, de telle manière qu'ils en arrivent assez souvent à se croire de ce rite et même à ignorer à quel rite ils appartiennent réellement; de telle sorte que souvent la réception du sacrement de confirmation est exposée au danger d'être invalide, surtout dans les régions ou les évêques ont accordé l'induit cité aux prêtres ayant charge d'âmes.

Et ce danger est devenu plus grand depuis la publication du décret de la S. Congrégation des Sacrements du 14 septembre 1946 au sujet de «l'administrationde la confirmation à ceux qui — gravement malades — sont en danger de mort ».

C'est pourquoi la S. Congrégation pour l'Église orientale, après avoir consulté la S. Congrégation des sacrements, en vue du bien spirituel des fidèles de rite oriental, résidant hors de leur propre territoire et actuellement sous la juridiction d'un Ordinaire de rite latin, et considérant le respect dû au sacrement, il a paru nécessaire de demander à Sa Sainteté Pie XII que chaque fois qu'un prêtre de rite latin, en vertu d'un induit légitime administre le sacrement de confirmation aux fidèles de son propre rite, il peut de même — pourvu qu'il puisse être assuré que ce sacrement n'a pas été conféré immédiatement après le baptême, comme c'est l'usage — le conférer aux fidèles de rites orientaux dont il a la charge pastorale, selon les normes de la Constitution apostolique Orientalium Dignitas du 30 novembre 1894, art. 9, qui déclare : « Tout fidèle oriental séjournant hors de son patriarcat tombe sous le pouvoir administratif du clergé de rite latin. »

Ces décisions valent — faut-il le dire — chaque fois que le sacrement de confirmation peut être conféré selon les règles édictées par le décret de la S. Congrégation des sacrements.

Ces demandes présentées humblement au Souverain Pontife par le Cardinal secrétaire de la S. Congrégation orientale dans son audience du 28 février ont été accordées par Sa Sainteté et celui-ci a ordonné de rendre le Décret public. »l

1. Seul un Évêque consacré est ministre ordinaire du Sacrement de Confirmation, ayant, en vertu de sa consécration même, le pouvoir d'administrer toujours validement la Confirmation que comme ministre extraordinaire, s'il en a reçu la faculté (can. 782 § 2). Dans la plupart des rites orientaux, les prêtres jouissent de ce privilège, et ils ont coutume d'administrer la Confirmation aussitôt après le Baptême. Dans l'Église latine, le Code de Droit Canonique accorde le pouvoir de conférer la Confirmation aux Cardinaux qui n'ont pas reçu la consécration episcopale, et aussi, mais seulement dans les limites de leurs territoires respectifs et pendant la durée de leur charge, aux Abbés et Prélats nullius et aux Vicaires et Préfets Apostoliques qui ne sont pas Évêques (can. 782 § 3). Un décret de la Sacré Congrégation des Sacrements, du 14 septembre 1946, concède aux curés et à certains prêtres qui leur sont assimilés, la faculté d'administrer la Confirmation, mais seulement dans leur territoire propre, aux fidèles qui, à la suite d'une grave maladie, se trouvent dans un danger probable de mort (A. A. S., 38, 1946, pp. 349-354). Enfin, d'autres prêtres peuvent également, par des induits particuliers, recevoir le "pouvoir d'administrer, sous certaines conditions, le Sacrement de Confirmation. Mais le Code de Droit Canonique (can. CIS 782, § 4) statue que, à moins que le contraire ne soit expressément dit dans l'induit, les prêtres de rite latin qui ont reçu, par induit, la faculté de conférer la Confirmation, ne peuvent administrer validement ce Sacrement qu'aux fidèles de leur rite. De cette disposition du Code ont résulté les inconvénients signalés dans le Décret ci-dessus. Pour y parer, la Sacré Congrégation pour l'Église orientale déclare que, à l'avenir, tout prêtre de rite latin, jouissant d'un induit lui permettant d'administrer la Confirmation aux fidèles de son rite, pourra aussi, sous la condition énoncée dans le Décret, conférer ce sacrement aux fidèles des rites orientaux.





DISCOURS à Son Exc. M. Frederick de CASTELLO-BRANCO CLARCK, Ambassadeur du Brésil (3 mai 1948)

1. D'après le texte portugais paru dans les A. A. S., 40, 1948, p. 180.


Lorsque Votre Excellence 2 montait tout à l'heure, avec les honneurs dûs à sa haute charge, l'escalier de ce Palais Apostolique, pour déposer en Nos mains les Lettres qui l'accréditent auprès de Nous comme Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire des États-Unis du Brésil, Elle était en proie à une profonde émotion et de hautes pensées occupaient son esprit, dont les paroles élevées qu'Elle vient de prononcer sont la preuve manifeste. Effectivement, cet acte solennel que Votre Excellence est venue accomplir, selon les usages diplomatiques, n'est pas une cérémonie officielle fixée en toutes ses particularités protocolaires. Mais il est porteur d'un message de paix et d'amour de tout ce généreux pays au Père commun de la Chrétienté; message dont la spontanéité et la sincérité ne peuvent absolument pas être mises en doute par qui, comme Nous, a eu la bonne fortune de passer des heures inoubliables au milieu de ces chers fils et filles du Brésil3.

Avec une intime satisfaction, Nous avons entendu de vos lèvres éloquentes que Nos sollicitudes en vue de susciter et développer un véritable esprit de paix entre les peuples, maintenues parmi des multiples contradictions et obstacles, ont trouvé et trouvent dans votre patrie assentiment et appui.

Nos incessants et persévérants efforts pour poser les bases et les fondements moraux, juridiques économiques et sociaux d'une paix conforme à la Volonté de Dieu et à la dignité du genre humain, ne sont pas pour Nous le résultat de considérations terrestres ni de calculs politiques, auxquels Nous sommes et Nous serons toujours étrangers.

Ce qui Nous guide, ce qui Nous pousse, ce qui ne Nous permet pas, pour des motifs temporels et terrestres, de parler et d'agir moins clairement et ouvertement, est la profonde conviction, supérieure à tout respect humain, est le désir de rendre notre attitude toujours conforme au précepte et à l'exemple de Celui qui a confié à Pierre et à ses Successeurs la tâche de confirmer ses frères dans la foi. (cf. Lc 22,32).

Jamais peut-être cette parole du Seigneur ne fut plus urgente ni d'un intérêt plus vital pour la Chrétienté et pour le genre humain, que de nos jours.

Ce fut pour accomplir ce devoir que le dimanche de Pâques, Nous prononçâmes du balcon de la Basilique Vaticane, mû par Notre sollicitude et par Notre responsabilité pastorale, ces paroles d'avertissement : « La grande heure de la conscience humaine a sonné ! »1

C'était un cri d'alerte aux fidèles de Notre diocèse de Rome, aux fidèles de l'Italie, et par-delà, à tout l'Univers catholique aussi et à tous ceux qui sont unis avec Nous pour la défense de la civilisation chrétienne et de la foi, selon laquelle, Dieu qui est Père de tous les hommes, récompense le bien et punit le mal.

Nous avons su, avec une satisfaction profonde, quel puissant écho trouva Notre message dans le coeur du peuple brésilien et jusque dans les membres de son Parlement. Nos aimés fils du Brésil savent et sentent que ce message pascal, dans les circonstances présentes, est aussi pour eux d'une actualité manifeste.

De peuple brésilien, qui a érigé au Christ, Prince de la paix et de l'amour, dans les hauteurs du Corcovado, un monument qu'on ne pouvait pas imaginer plus beau ni plus touchant, doit être prêt à résister de toutes ses forces avec une inébranlable vigilance et une imperturbable fermeté aux invasions ouvertes ou dissimulées des ennemis du Christ, destructeurs des valeurs chrétiennes et de l'inviolable liberté de la conscience humaine.

Mais avec cette vigilance et cette fermeté doit marcher de pair une volonté — puisée dans la source intarissable de la doctrine sociale chrétienne — résolue à faire surgir, même au prix des sacrifices personnels ou collectifs, les solutions et les actes qui assurent les légitimes aspirations des classes ouvrières, selon les normes de la justice sociale, appliquées d'une manière adéquate et satisfaisante.

Nous suivons avec un vif intérêt et une intime bienveillance la voie par laquelle votre noble nation s'efforce d'unir harmonieusement le soin de sa propre prospérité avec sa haute collaboration dans le grand labeur d'autres peuples et de toute la communauté des États. A cause de cela, il Nous est particulièrement agréable d'avoir auprès de Nous comme Représentant du Brésil un connaisseur distingué des sciences juridiques et sociales, dont la longue expérience et les multiples activités lui donnent cette impartialité de jugement, cette maturité d'intuition qui peuvent seules ouvrir le passage aux généreuses et durables réalisations en faveur d'une paix durable entre les Nations.

A M. le Président de la République 1, aux Membres du Gouvernement et au fidèle peuple brésilien Nous envoyons, par l'entremise de Votre Excellence, avec effusion de coeur Nos paternelles salutations, cependant qu'à tous, et d'une manière particulière à Votre Excellence, Nous donnons avec affection la Bénédiction Apostolique implorée.


2. Le nouvel ambassadeur du Brésil : le Docteur de Castello-Branco Clark, est né en 1887 et a conquis le titre de Docteur en sciences juridiques et sociales. Dès 1908, il était attaché à la légation de Londres et a occupé des postes aux Ambassades de Buenos-Aires, au Chili, à Lima, à Paris. En 1922, il représenta le Brésil au Conseil de la Société des Nations. Il fut ministre plénipotentiaire à La Paz, La Havane, Stockholm et Helsinki, Ambassadeur à Tokio en 1939 et en France en 1944.
3. Le Cardinal Pacelli se rendit au Brésil, lors de son voyage en qualité de légat pontifical au XXXIIe Congrès Eucharistique international de Buenos-Aires, en septembre 1934.
1 Cf. Discours au peuple de Rome le 28 mars 1948, p. 141.
1. Le Président de la République du Brésil est depuis 1946 le général Henri Gaspara Dutra.


ALLOCUTION AUX FAMILLES DES SOLDATS FRANÇAIS MORTS EN ITALIE AU COURS DE LA GUERRE (5 mai 1948)

1. D'après le texte français de l'Osservatore Romano du 5 mai 1948;

Un pèlerinage composé de familles françaises venues pour visiter les tombes des soldats tombés durant les hostilités en Italie, de 1943 à 1945, a été reçu par le Pape:


C'est un pèlerinage douloureux que vous accomplissez, chers fils et chères filles ! Sur ces tombes dispersées à travers toute la péninsule, vous avez uni ensemble vos larmes et vos prières, ne formant plus entre vous dans la communauté de deuils, de souvenirs, de saintes espérances, qu'une seule famille. Il était bien juste de vouloir vous trouver réunis, fût-ce en un fugitif passage, autour du Père commun, qui pleure lui aussi sur l'immense hécatombe que, de tout son pouvoir, il s'était efforcé de conjurer, puis d'enrayer, tout au moins de circonscrire et d'abréger.

De ces terres, où la dépouille mortelle des chères victimes repose dans l'attente du réveil éternel, la voix du sang monte vers le ciel, implorant la plénitude et la stabilité d'une paix qu'elles ont payée si cher. Deurs âmes, Nous en avons la confiance, auront trouvé accueil près de la miséricorde et de l'amour de Dieu, et si pour quelques-unes il en était encore besoin, nos prières hâteraient leur délivrance. Que cette voix de leur sang parle aussi à l'oreille et au coeur de tous ceux qui peuvent accélérer et parfaire l'oeuvre de la réconciliation sincère, de la concorde et contribuer à l'extension du règne pacifique du Christ sur la terre.

C'est dans cette pensée que, avec une particulière affection, Nous vous donnons, à vous, à vos familles, à celles de tant d'autres victimes Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX EMPLOYÉS DE LA MONNAIE (13 mai 1948)

1. D'après le texte italien de l'Osservatore Romano du 13 mai 1948;

Ce jour-là le Pape reçut en la Salle du Consistoire, la Direction et le Personnel de l'Hôtel des Monnaies de Rome:


Nous vous disons de tout coeur nos souhaits de bienvenue, chers Fils, dirigeants, employés et ouvriers de la Monnaie de Rome qui avez désiré vous réunir autour de Nous dans la maison du Père commun.

Nous avons voulu parcourir la relation concernant l'activité de votre institution durant les dix dernières années et Nous en avons retiré une claire notion de l'important travail qui y fut accompli. Du reste, il suffit de jeter même un simple coup d'oeil sur les statistiques qui y sont données en chiffres et en diagrammes et sur la technique de votre travail pour comprendre avec quel soin et quelle exactitude poussés jusqu'aux moindres détails, avec quelle application, quelle patience et quelle habileté on travaille là. Da série des lois concernant la Monnaie, datant du début de notre siècle, confirme et renforce cette impression. Ces lois contiennent beaucoup d'histoire, mais sont encore plus un témoignage des hautes exigences imposées à votre capacité de travail et une démonstration que celles-ci ont été fidèlement remplies.

Votre monnaie sert à une fabrication où plus qu'en beaucoup d'autres domaines, la technique est intimement unie à l'art. Ceci vaut déjà pour la frappe de la monnaie. Votre institution n'a pas visé seulement à l'utilité pratique de produire beaucoup de monnaies maniables, durables et faciles à distinguer, mais elle s'est appliquée, en outre, méthodiquement à donner aux monnaies elles-mêmes une véritable valeur artistique. Toutefois cette conjonction étroite de la technique et de l'art se manifeste encore plus dans le vaste champ de la production des médailles, dans laquelle votre Monnaie peut se glorifier de nobles productions. On sent que vivent encore dans votre travail l'esprit et la tradition du grand maître Benedetto Pistrucci1.

Mais à l'utilité économique et au mérite artistique, la frappe des monnaies et des médailles unit l'intérêt d'être une précieuse source historique. Des manuscrits, les monuments eux-mêmes, trop souvent succombent victimes de la vétusté ou de la violence. Après des siècles, après des millénaires, le sol restitue intacts les trésors qu'il renfermait en lui, et, à la lumière du jour, le témoignage historique brille plus éclatant que le métal.

Da Monnaie possède encore la riche collection des médailles pontificales de Martin V à ce jour. Elle apparaît presque comme une oeuvre historique et montre comment la frappe des médailles suit les événements historiques et les reflète devant les générations suivantes. Si nous faisons passer sous nos yeux ces médailles, d'un côté nous frappent les traits nettement marqués et caractéristiques de beaucoup de Papes; de l'autre, nous ne pouvons échapper à l'impression que la très grave charge les a tous tellement dominés que les traits individuels s'évanouissent et que la figure du Pape comme tel leur donne à tous une empreinte unique. Et il est juste qu'il en soit ainsi. Pierre doit vivre dans chacun de ses successeurs et tout Pontife doit, pour ainsi dire se transformer et se perdre dans sa charge; il doit être en intention et en action le Servus servorum Dei.

Entre les nombreuses légendes qui ornent la médaille de la Monnaie il Nous plaît d'en cueillir surtout deux. Da première s'exprime ainsi : Laboravi fidenter, « j'ai travaillé avec confiance ». Vous pouvez la prendre comme devise distinctive de votre travail au cours des dernières décades et comme indication de la régularité dans le travail et de la perfection dans la forme que votre monnaie a atteintes.

D'autre légende est : Fraternitas vis nostra atque prosperitas : « Da fraternité est notre force et notre prospérité ». Da prospérité est quelque chose d'extérieur qui peut se perdre même sans propre coopération ni faute. Et vraiment n'avons-nous pas vu nous-mêmes comment pour des millions d'hommes elle a été cruellement brisée et détruite? Da fraternité est au contraire, quelque chose d'intérieur et dépend de notre volonté. Que signifie-t-elle et que comporte-t-elle? Respect pour la dignité et l'honneur des autres; à chacun des autres, son droit; envers chacun, vraie bienveillance; à chacun aide dans le besoin. Dà où cette fraternité vit et s'alimente de la foi en Jésus-Christ et de son amour pour nous, elle nous donne à nous la force, une force plus puissante que la misère et que la mort, elle peut, en dépit des plus grands coups extérieurs de la mauvaise fortune, ramener le bien-être ou du moins de plus supportables conditions d'existence.

Ce sentiment de fraternité, rattaché aux sources inépuisables de la charité et de la grâce du Christ, Nous le souhaitons de grand coeur non seulement à chacun de vous, mais encore à toute votre communauté de la Monnaie. Ainsi vous donnerez à votre travail une signification sociale et vous le concevrez, ce qu'il est vraiment, comme une activité pour le bien de tout le peuple.

Afin que ces sentiments demeurent imprimés dans vos âmes et, vous soulevant au-dessus de la peut-être monotone uniformité de votre vie, vous élèvent plus près de Dieu, Nous vous accordons avec paternelle affection, la Bénédiction Apostolique.


1. Benedetto Pistrucci est un médailleur célèbre : né à Rome en 1780 et mort à Englefield Green, près de Windsor, en 1853. Il avait en effet été appelé en Angleterre pour exécuter les médailles des règnes de Georges III et Georges IV.



Pie XII 1948 - LETTRE A L'ACADÉMIE FRANÇAISE (28 avril 1948)