Pie XII 1948 - AVERTISSEMENT (1) DE LA SUPREME CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE concernant les réunions communes entre catholiques et non-catholiques (5 juin 1948)


DÉCLARATION DE LA S. CONGRÉGATION DES RITES SUR LE SENS SUSCEPTIBLE D'ÊTRE DONNÉ AUX EXPRESSSIONS " PERFIDI JUDAEI " ET " JUDAICA PERFIDIA "

(10 juin 1948)1

Dans les Oraisons liturgiques du Vendredi Saint, l'Église prie pour tous les hommes, - fidèles et infidèles; deux de ces prières sont en faveur du peuple juif :

Oremus et pro perfidis judaeis..., dit le texte latin.

Omnipotens sempiterne Deus qui etiam Judaicam perfidiam a tua misericordia non repellis... On s'est posé la question, comment faut-il traduire dans les différentes langues ces expressions 2 ?

Il y a en effet deux aspects à ce problème :

1° En envisageant le sens des mots perfidi judaei et perfidia judaica. ceux-ci ne signifient pas « perfide », ni « perfidie », mais incroyants.

2° En considérant la situation historique du peuple juif, celui-ci a refusé de croire, il est donc incroyant, et il n'est pas perfide, c'est-à-dire manquant à la bonne foi.

La Sacrée Congrégation des Rites s'est bornée à dire qu'on pouvait dans les traductions adopter la traduction « infidèle », « incroyant ».

Dans les deux prières que Notre Mère la sainte Église récite dans les oraisons solennelles du vendredi saint et où elle implore la miséricorde de Dieu pour le peuple hébreux, elle utilise les mots perfidi judaei et judaica perfidia. On a demandé quel était le sens véritable de ces mots latins, car dans les diverses traductions faites en langue vulgaire à l'usage des fidèles, les mots employés ont paru offenser les oreilles de ce peuple.

La Sacrée Congrégation, interrogée sur ce point, déclare simplement : « Elle ne désapprouve pas, dans les traductions en langue vulgaire, l'emploi de mots dont le sens est « infidélité, infidèles dans la croyance »1.

1. Il y a vingt-cinq ans déjà, l'Association des Amis d'Israël (supprimée depuis, pour certaines exagérations, par Décret du Saint Office du 25 mars 1928, A. A. S. XX, 1928, p. 103), avait entrepris une action pour faire rayer, du texte des oraisons du Vendredi-Saint, les deux expressions susdites.
1. D'après le texte latin des A. A. S., 40, 1948, p. 372; traduction française de La Documentation Catholique, t. XLV, col. 1295.



LETTRE A S. E. LE CARDINAL MICARA LEGAT PONTIFICAL AUX CÉRÉMONIES DU Vile CENTENAIRE DE LA CATHÉDRALE DE COLOGNE

(15 juin 1948) 1

La première pierre de la Cathédrale de Cologne était posée en 1248 par l'Archevêque Konrad de Hochstaden. Le 15 août 1948, on célébra le VIIe centenaire de cette inauguration ; le Cardinal Clément Micara, Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, y était présent comme Légat Pontifical. A cette occasion, le Cardinal était porteur d'une Lettre du Souverain Pontife : .

Nous avons appris que la cathédrale de Cologne — ce splendide monument de l'art gothique en Allemagne, meurtri sous les terribles coups de la guerre, ébranlé par les violents bombardements aériens et dont la toiture effondrée présentait l'aspect de vastes ruines béantes — est déjà, grâce au zèle ardent des fidèles et à leur fervente activité, à moitié restaurée et apte à être rendue, après cinq années de travaux, au culte divin. Au mois d'août prochain, en effet, en ce jour très saint où « la Vierge Marie fut transportée jusqu'au séjour éthéré où le Roi des Rois siège sur son trône céleste », en vue de commémorer le VIIe centenaire de la pose solennelle de la première pierre de la nouvelle cathédrale, en présence de nombreux prélats de différentes nations et même de cardinaux revêtus de la pourpre romaine, comme aussi des magistrats de la cité et d'une très grande affluence de fidèles accourus de toute la Rhénanie et des pays voisins de l'Allemagne, des solennités religieuses seront célébrées dans cette église.

Cette nouvelle, au milieu de tant et de si grandes angoisses et contestations des peuples et en présence de plusieurs graves motifs de nouvelle anxiété, alors que la paix internationale n'est pas encore scellée partout par un traité et que, là même où elle est conclue, entre les parties, elle est fréquemment troublée par certains groupements néfastes avec lesquels « on ne peut espérer aucun arrangement et qui ne cherchent que l'agitation » (Tacite Hist., 1, 21), cette agréable nouvelle, disons-Nous, Nous a causé un grand réconfort. D'image lamentable de la ville dévastée s'offre aux yeux de Notre esprit : cette Cologne, naguère si florissante par sa grande industrie et ses riches échanges commerciaux, renommée pour son caractère, son site et son aspect d'immense théâtre, s'étalant sur les bords du Rhin, la voici maintenant par terre, abattue en plusieurs endroits, par la fureur de la guerre. Cependant, bien que pressée par le besoin de rebâtir au plus tôt des toits pour abriter ses citoyens, la généreuse cité a entrepris en même temps de restaurer sans retard le temple où se dresse la chaire de son pasteur et qui est la véritable maison de tout le troupeau. Cette antique Colonia Claudia Augusta Agrippinensis, venue des rives du Tibre jusqu'au Rhin inférieur, au IIe siècle, dont elle reçut l'Évangile du Christ, fut toujours non seulement très fidèle à la foi catholique, mais encore très attachée à la Chaire de Rome, aussi bien dans la prospérité que dans l'adversité. C'est pourquoi, actuellement encore, après la tempête d'une épouvantable guerre, désireuse de célébrer des solennités sacrées tout d'abord dans sa propre maison, elle a tourné ses yeux et ses pensées vers le bienheureux Siège de Pierre, et son eminent Cardinal-Archevêque nous a instamment demandé de bien vouloir présider, par NotreDégat, un si imposant événement. Accédant volontiers à ces désirs, ainsi que Nous l'avons déjà annoncé, Nous vous choisissons et vous désignons, Vénérable Frère, qui êtes revêtu de la pourpre romaine, distingué par votre insigne piété et votre autorité dans Notre Curie, vous qui administrez avec une sollicitude toute pastorale le diocèse de Velletri, comme Dégât a latere, représentant Notre personne, chargé de présider en Notre nom et avec Notre autorité les cérémonies sacrées qui seront célébrées prochainement dans la cathédrale de Cologne, et, à la fin de la messe pontificale, de bénir en vertu de Notre pouvoir, le peuple présent, en lui accordant l'indulgence plénière à gagner aux conditions prescrites par l'Église.

Nous nourrissons le ferme et agréable espoir que le souvenir et la commémoration de tant d'événements survenus au cours de sept siècles apporteront de nouvelles forces et un nouveau courage aux citoyens attristés et préoccupés, en les incitant à suivre avec ardeur les traces de leurs ancêtres. Nous espérons que la grande affiuence des pèlerins étrangers confirmera et resserrera plus étroitement les liens qui unissent les différentes nations et enfin que tous les fidèles à la vue des deux tours si hautes et élancées, profilant dans le ciel leurs fines silhouettes, affineront aussi leurs aspirations vers le ciel par une foi vaillante et un coeur ardent

En attendant, avec l'espoir que, grâce à l'intercession de Marie reçue par Dieu dans le ciel, la fonction si honorifique de votre légation sera heureusement menée à bonne fin, en gage de l'assistance d'en haut et de Notre bienveillance, Nous vous donnons, très affectueusement dans le Seigneur, à Vous, Vénérable Frère, au Cardinal-Archevêque de Cologne, à son clergé et à son peuple, la Bénédiction Apostolique.

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ALLOCUTION A L'ASSOCIATION " ENTRE LES ROMAINS "

(20 juin 1948) 1

1. d'après le texte italien de VOsservatore Romano des 21 et 22 juin 1948.
2. Cette Association a été créée en 1913 dans le but de maintenir le prestige de la « romanité » et de favoriser le développement économique et social de Rome.
Le siège en est établi Enco de Banchi, 8, à Rome.

Une pierre commémorative ayant été inaugurée le 20 juin 1948 sous le portique de la Basilique Saint-Laurent, à Rome, pour rappeler le souvenir de la visite que le Souverain Pontife y a faite, à la suite du bombardement du 19 juillet 1943, qui avait endommagé le monument et fait quelques victimes; L'Associazione fra i Romani qui en avait pris l'initiative, fut reçue en audience:



Au moment où, fils bien-aimés, membres du Comité général de la méritante « Association entre les Romains » avec Son Excellence votre Président, Prince Don François Chigi délia Rovere, Nous vous voyons réunis autour de Nous, s'élève devant Notre regard avec une douloureuse netteté l'image ruisselante de larmes et de sang, d'un jour qui doit être compté parmi les plus sombres que la malheureuse seconde guerre mondiale ait inscrits dans les annales de la Ville éternelle.

Rarement Pasteur et troupeau du diocèse de Rome se sont sentis si profondément unis en un commun deuil que ce 19 juillet 1943 dont vous avez l'intention de commémorer le prochain anniversaire par un acte de haute signification humaine et chrétienne.

Ce jour funeste vit de modestes et pacifiques habitations ouvrières détruites sous le bombardement ; elle vit dans la cité des morts consacrée au silence et au recueillement des tombes ouvertes et retournées ; elle vit crouler avec le toit et le portique, la façade et une partie des murs extérieurs d'une des plus vénérables Basiliques romaines. Il fut cependant pour Nous en même temps l'occasion d'une inoubliable rencontre avec le peuple souffrant et accablé de Notre chère Cité natale.

Jusqu'au dernier soupir vivra en Nous le souvenir de cette rencontre, non seulement comme d'un événement de multiple amertume, mais aussi comme d'une heure, de grâce céleste pour le Pasteur et le troupeau.

Votre présence ici est une preuve palpable que l'intime écho, les irradiations spirituelles de cet événement sont encore vives dans votre coeur aussi.

C'est pourquoi avant qu'un espace de cinq années se soit accompli à partir de ce très triste jour, vous avez voulu que dans le parvis convenablement restauré par les soins de la Surintendance des Monuments du Datium, et tandis que la Basilique déjà reconstruite attend impatiemment sa complète restauration, un monument de marbre rappelle à la mémoire des générations futures avec l'efficacité d'un avertissement, ce temps d'épreuve vécu par vous et par Nous dans l'histoire de la Ville.

Par ce noble témoignage de dévouement et de fidélité, Nous vous exprimons et à toute la bourgeoisie romaine que vous représentez, Notre paternelle reconnaissance.

Dans ce mémorial de marbre, Nous découvrons une profession de foi ouverte et une adhésion de la Rome croyante aux traditions de son passé, enracinées dans le sol sacré de la Ville et auxquelles elle est indissolublement liée;

Nous découvrons une manifestation de l'indéfectible volonté du peuple romain de se relever des ruines du présent pour de nouvelles et plus solides oeuvres de vertu chrétienne et de progrès civil;

Nous découvrons votre ferme propos de promouvoir au-dessus de la reconstruction matérielle de votre cité et de votre Patrie, la vigilante sauvegarde et la restauration de ces facteurs religieux et moraux qui doivent être : conduite, règle et mesure de toute activité terrestre;

Nous découvrons le refus net et sans réserve de tout ce qui n'est pas romain, pas vrai, pas honnête, pas juste, pas saint (cf. Ph 4,8) dans la pensée et l'action, et d'autre part, la défense de tout ce qui confère à Rome et à l'Église du Christ qui, par la volonté de la divine Providence a son centre fixé à Rome, leur sacrée et inaliénable fonction.

Plus s'écartent les ombres qui avaient laissé obscures jusqu'ici certaines périodes particulières du temps de guerre dans notre Rome, plus manifeste se découvre le cadre de graves dangers dont, surtout aux moments de plus forte tension, elle était menacée.

Soient donc rendues grâces et avec ferveur au divin Sauveur et à sa sainte Mère, au Coeur immaculé de qui la Ville vient d'être solennellement consacrée par la voix de son premier magistrat 1 de ce qu'aient été épargnées à la Sion du Nouveau Testament les amertumes des dévastations que d'autres cités ont dû, au contraire, savourer jusqu'au bout.

Ainsi, à la visible protection céleste correspond le tribut commun de reconnaissance de tous ceux qui ont eu le privilège et l'honneur d'être fils, citoyens, hôtes de la ville éternelle.

A ce sentiment de gratitude, vous donnerez sous peu une digne expression dans le mystique atrium de la Basilique de Saint-Daurent hors-les-murs. Nous serons de coeur au milieu de vous, dans cet insigne sanctuaire, dont angoissés nous pleurions alors la ruine et Nous prions le Seigneur qu'il vous donne et à tous ceux qui respirent ce même air romain, un souffle de l'esprit répandu dans ce vénérable temple : l'esprit du diacre Daurent dont la vie se consuma au service des pauvres dont la mort fut un triomphe sur le despotisme de la force brutale; l'esprit du Protomartyr Etienne, de l'invincible confesseur du Christ qui, sous la pluie des pierres lancées contre lui, pardonnait et priait pour ses persécuteurs.

La reconstruction morale de votre cité et de votre pays, que vous devez associer harmonieusement à leur restauration extérieure, n'est possible que moyennant une vivace alliance avec les idéaux et les buts qui, aux jours de Saint Laurent et de Saint Etienne conduisirent à la victoire les forces de la foi chrétienne contre les résistances de ses plus farouches adversaires.

Allez donc et, dans la vénération de ces deux héros recueillez une étincelle de cette flamme qui vivifia et consuma leurs coeurs. Allez et près de la tombe d'un grand et inoubliable Pontife qui choisit pour sa dernière demeure le sol sanctifié par ces sublimes souvenirs 2 prenez de nouvelles forces et une nouvelle confiance dans le « Non preavalebunt » qui, aujourd'hui comme alors, brille comme une consolante promesse divine à l'Église du Christ.

Avec ce souhait et enveloppant vos désirs et vos soucis, vos demandes, vos épreuves, vos espérances et vos attentes dans Nos prières quotidiennes au saint autel, à vous tous ici présents et à tous les membres de votre association qui est consacrée à un sens juste de la romanité et au bien véritable de votre et Notre cité natale, non moins qu'à vos familles, nous accordons de tout coeur la Bénédiction Apostolique. »

1. La ville de Rome a été consacrée solennellement an Coeur Immaculé de Marie en 1948.
2. Le Pape Pie IX est enterré dans la Basilique de Saint Laurent-hors-les-Murs.


ALLOCUTION AUX EMPLOYÉS DE LA BANQUE DE NAPLES (20 juin 1948) \21

En ce 20 juin, le Saint-Père a reçu en audience un important pèlerinage comportant des fonctionnaires et employés du siège central de la Banque de Naples, et de ses succursales ; Il leur a adressé la parole en ces termes :



Nous voyons avec plaisir devant Nous le monde de la banque brillamment représenté en nombre et en qualité. Et c'est celui de la belle et chère Naples, la cité où, si la vie des affaires bat et presse intensément comme dans tous les grands centres, on ne voit jamais cependant dominé et suffoqué par le tumulte des choses extérieures, ce sentiment religieux qui est sa plus grande gloire et qui se plaît à se manifester de toute manière à la lumière du soleil.

Pie XII énonce la doctrine traditionnelle de l'Église concernant l'usage des richesses :

Monde bancaire et idée chrétienne; argent et évangile : termes en soi antithétiques pour qui a présente la prédication de Jésus-Christ, l'exaltation par Lui de la pauvreté, le contraste solennellement affirmé par Lui entre Dieu et Mammon.

Il dit d'ailleurs : « Là où est ton trésor, là est ton coeur » (Mt 6,21); de sorte que si l'homme met son coeur dans son argent, son coeur est là et il n'y a plus de place dans le coeur pour les véritables biens: Dieu et sa justice; biens qui n'admettent pas la domination d'une autre passion et sont, en réalité, refusés à qui voudrait leur donner trop, sauf le meilleur de lui-même, qui est précisément le coeur, avec ses affections et ses préférences.

Nous savons tous quelle confirmation a reçue en tout temps et reçoit encore le grand avertissement de Saint Paul : « Ceux qui veulent s'enrichir tombent dans la tentation et dans beaucoup de convoitises inutiles qui plongent les hommes dans la ruine. » (cf. 1Tm 6,9).


Le rôle du banquier est d'estimer à sa juste valeur l'argent :

Mais si de ce triste aspect de l'influence de l'argent, vous êtes par devoir de votre charge, les témoins nés, et si vous êtes obligés par elle encore à en suivre de près les vicissitudes et pouvez par là en mesurer, comme de l'observatoire le mieux approprié, la valeur négative pour le bonheur humain; à vous, d'autre part, est donnée comme à peu d'autres la possibilité de faire une juste estimation des richesses bien employées, lesquelles, quoique changeantes et caduques, comme la beauté d'ici-bas, ont reçu de Dieu dans la société humaine l'obligation d'obéir à tant et de si graves devoirs religieux et sociaux.

Chaque jour vous constatez comment, quand l'argent possédé en abondance n'est pas une idole, à qui on sacrifie tout, ni qu'il est un vulgaire instrument de bas égoïsmes mais vient au pouvoir d'âmes non encombrées de cupidités libres de cette liberté des choses contingentes que nous a procurée Jésus-Christ, alors il n'y a bonne oeuvre qu'il ne puisse susciter et entretenir pour le bien des hommes et la gloire de Dieu, devenant ainsi, par un miracle de la grâce, un escalier lui-même vers la justice et la sainteté chrétiennes.

C'est à cette fin à donner à l'argent que vise votre esprit chrétien. Et à la promouvoir dans tous les sens, à l'affirmer et à en faire votre idéal dans la délicate profession à vous assignée par la divine Providence, vous consacrez avec une haute conscience chrétienne les énergies de l'esprit et, ce qui est plus efficace encore, du coeur.


Celui qui possède la richesse est tenu à exercer la bienfaisance :

Entre les honnêtes et nobles buts et devoirs qui intéressent votre vie professionnelle, il est à peine nécessaire de vous en rappeler un, un surtout, que les présentes circonstances ont rendu plus urgent que jamais : la bienfaisance.

Beaucoup a été demandé dans ce secteur, au monde de la banque, au cours des années de la guerre et de l'après-guerre, et beaucoup sûrement a été fait par votre banque pour alléger les maux et adoucir les douleurs pour la reconstruction matérielle et morale de la patrie commune frappée dans tous ses membres et indigente de tout.

Mais comme fut nouveau pour vous, un tel office de miséricorde, où vous apportiez votre concours afin de soulager les infortunes publiques et privées, ainsi cette gloire de tenir ouvertes les sources de la bienfaisance devra toujours être pour votre banque, un titre particulièrement cher et intelligemment entretenu.

Patriotisme et esprit chrétien continueront à soutenir dans votre méritante institution une si précieuse activité. Celle-ci ne pourra qu'attirer la bénédiction de Dieu sur la masse de vos affaires et de vos multiples entreprises. Et vous-mêmes personnellement, chacun suivant la part qu'il aura prise à cette oeuvre de secours fraternel, vous participerez avec abondant profit spirituel, à cette divine miséricorde solennellement promise dans l'Évangile à qui aura usé de miséricorde.


Le Saint-Père précise comme suit la mission des banques :

D'influence et la responsabilité des banques est énorme. Elles sont les intermédiaires du crédit et les fournisseuses des fonds au commerce, à l'agriculture et à l'industrie : elles tirent de là une haute importance sociale. D'ordre économique actuellement en vigueur est inconcevable sans le facteur argent. Des banques en dirigent le cours : il importe donc que celui-ci ne soit pas dirigé vers des entreprises économiquement malsaines, violant la justice, funestes au bonheur du peuple, pernicieuses pour la vie civile, mais soit en harmonie avec la saine économie publique et avec la vraie culture.

Tout ceci exige dans les dirigeants des banques et dans leurs employés, l'expérience des questions économiques, le sens social, une absolue conscience et loyauté.

Dans ces sentiments et avec ces voeux, Nous vous remercions du filial hommage que vous êtes venus Nous rendre avec un si affectueux empressement. Et en appelant sur vous et sur votre travail quotidien l'abondance des lumières et des forces divines, Nous vous accordons du fond du coeur à vous, à vos familles et à tous ceux qui vous sont chers en Jésus-Christ, la Bénédiction apostolique.

1. D'après le texte latin des A. A. S., 40, 1948, p. 374; traduction française du Bulletin de l'Union missionnaire du Clergé de France (octobre 1948, p. 128).



EXHORTATION AU CLERGÉ INDIGÈNE (28 juin) 1

Le 29 juin 1948, un nouvel Institut était inauguré à Rome; destiné à recevoir les prêtres indigènes venant poursuivre leurs études dans les Universités pontificales. En cette occasion, S. Em. le Cardinal Fumasoni-Biondi, préfet de la S. Congrégation de Propagande, donna lecture de la lettre suivante du Pape:



L'inauguration du Séminaire Saint-Pierre, établi avec grand soin sur le mont Janicule pour recevoir les étudiants indigènes qui sont l'espoir du Clergé, offre à Notre coeur paternel l'occasion très agréable d'exprimer ses voeux et ses conseils au clergé indigène tout entier, fleur de l'apostolat missionnaire, destinée désormais, avec le secours céleste, à donner abondance de fruits.

Le but des missions est de préparer les voies à l'établissement de l'Église autochtone :

Les Missions Catholiques, en effet, grâce à l'effort courageux et prolongé des apôtres du Christ, sont déjà parvenues en de nombreux endroits, à un heureux développement; elles s'y trouvent près d'atteindre ce qui leur est propre : établir solidement l'Église en des terres nouvelles de manière à ce qu'elle s'y trouve capable, y ayant de profondes racines, de vivre par elle-même, sans le secours de prêtres étrangers, dans la prospérité et la liberté.

Dans de nombreuses régions, le moment est proche où on pourra remettre la direction de l'Église à des évêques et à des prêtres indigènes.


Néanmoins, les indigènes devront garder une reconnaissance impérissable aux missionnaires qui ont préparé cet établissement:

Que ce succès soit d'abord pour les indigènes, prêtres et fidèles, une raison qui les presse d'être et de se montrer reconnaissants envers les missionnaires étrangers, dont le zèle et l'amour, poussés plus d'une fois jusqu'au sacrifice de la vie, ont préparé la joyeuse saison des moissons : « En cela la parole est bien vraie, qu'autre est celui qui sème et autre celui qui récolte..., ce sont d'autres qui ont travaillé et c'est vous qui entrez dans le champ de leur travail. » (Jn 4,36-38)


Pour que l'Église indigène porte ses fruits, le Pape donne une série de consignes:

Mais à quelles conditions ces nouveaux rameaux de l'Église pourront porter fleurs et fruits avec abondance c'est ce qu'il Nous plaît de toucher brièvement, au moins quant à ce qui est le plus important :


Le clergé indigène devra être eminent par la sainteté de sa vie :

En tout premier lieu, vient le désir de la sanctification personnelle et du salut du prochain. C'est là sainteté de vie et de moeurs qui unit l'homme à Dieu et le rend moins indigne d'être le ministre de sa miséricorde. Or, la sainteté ne peut être atteinte sans un don de la grâce divine. Aussi le zèle des âmes et les succès de l'apostolat se montreront-ils sans effet si la bonne volonté de l'homme et son habileté ne sont pas aidées et fortifiées par un puissant secours de Dieu : « Ce qui est quelque chose, ce n'est pas celui qui plante et qui sème, mais celui qui donne l'accroissement, Dieu. » (1Co 3,7).


C'est pourquoi les prêtres devront être des hommes de prière:

C'est pourquoi, bien-aimés fils, vous qui mettez votre application à acquérir les graves vertus du sacerdoce et vous souciez d'y faire des progrès, ménagez dans chacune de vos journées une part à la méditation des vérités éternelles et à la prière en vous attachant à une lecture régulière des saints livres et des pieux auteurs, et le soir, avant que le sommeil ne vous gagne, examinez soigneusement votre vie pour reconnaître en quoi vous avez avancé et en quoi vous avez manqué. Si les antiques civilisations païennes exigeaient de leurs prêtres une certaine sainteté — nous le lisons dans Cicéron : « Aux dieux il faut allez chastement, en montrant de la piété... De celui qui oserait agir autrement, c'est Dieu qui tirera sa propre vengeance. » (Des Lois, 2, 8) — combien plus grande sera la sainteté requise des ministres du Christ dans le sacrifice par excellence, qui est renouvelé pour la vie du monde avec une incessante efficacité?


La vraie piété doit déborder en amour du prochain :

Mais ce n'est pas pour lui seul que le prêtre doit vivre saintement, car il est aussi l'ouvrier que le Christ a engagé pour sa vigne. D'ailleurs le souci de votre sanctification personnelle, s'il est bien dirigé, ne vous sera en rien un empêchement à accomplir toutes les parties de votre ministère, mais, au contraire, il lui apportera le plus puissant des aides et des encouragements. Donc plus parés serez-vous de vertus éclatantes et enflammées de charité, et plus serez-vous puissants, comme les premiers apôtres, en oeuvre et en parole.


Les fonctions sacerdotales ne sont qu'accomplissement de cet amour :

Si cette persuasion vous anime, vous accomplirez avec ardeur vos fonctions, comme celles d'annoncer l'Évangile de Dieu, d'instruire dans la foi les ignorants; de recevoir les confessions, d'assister les infirmes, et en particulier les mourants, de consoler les affligés, de soutenir ceux qui défaillent, d'amener ceux qui errent à s'amender.


Pour remplir sa mission, il faut s'instruire :

C'est pourquoi il sera utile à votre ministère d'être très versés dans les sciences sacrées et profanes, et vous ne tirerez pas un mince secours de la connaissance de la langue et des moeurs des populations que vous devez former aux commandements de l'Évangile, ainsi que de la longue expérience dont jouissent les religieux des Instituts étrangers qui se trouvent auprès de vous, associés et compagnons de votre travail pour l'accroissement du règne de Dieu à travers le monde : « O grandeur et beauté précieuse de ces instruments de Dieu que sont les prêtres, de qui dépend tout le bonheur des peuples ! » (S. Charles Borromée dans le premier discours du Synode I).


Le Prêtre doit être soumis à son Évêque et au Pape :

En second Heu, il y a un principe qui doit être inébranlable dans vos esprits, fils bien-aimés, à savoir que la sainteté de la vie personnelle et l'efficacité de l'apostolat ont pour base et pour soutien, car elles y trouvent leur fondement, l'obéissance constante et exacte à la sacrée Hiérarchie. Si vous devez être attachés étroitement à vos évêques, par les liens de l'amour et de l'obéissance, soyez aussi attachés avec force et continuité à l'indéfectible Chaire de Pierre, sur laquelle demeure ferme l'Église universelle. Aucune vie, qu'elle soit physique ou qu'elle soit morale, ne peut se concevoir sans une certaine unité. C'est dès les origines de l'Église que Saint Cyprien a écrit : « Dieu est un, et le Christ est un, et l'Église est une, et la chaire est une que la voix du Seigneur a fondée sur Pierre. Élever un autre autel et établir un autre sacerdoce, à côté de l'unique autel et de l'unique sacerdoce, cela ne se peut. Qui croit gagner autrement, dissipe. » (Migne, P. D., 4, 336). Il n'y a point d'armée, en effet, qui sans unité de commandement, sans discipline, puisse remporter la victoire et même seulement subsister, elle fondra rapidement, destinée à une ruine certaine. En vérité, vous êtes les troupes d'élite de l'Église catholique. Si par amour et fidélité, vous êtes unis à l'Église romaine, si vous servez constamment la cause du Siège apostolique, alors vous resterez toujours debout et sans peur. Au milieu de toutes les peines, de toutes les difficultés, et de tous les dangers, au premier rang de ceux qui se battent pour la cause du Seigneur, la confiance et le courage ne vous manqueront jamais.


Le Saint-Père invite les prêtres indigènes à être de parfaits témoins de °lise :

Soyez donc, Fils bien-aimés vous qui êtes dispersés à travers l'univers, le témoignage éclatant de l'Église une et universelle. Appliquez-vous de toutes vos forces et empressez-vous d'être vraiment, par la parfaite conscience avec laquelle vous remplirez vos fonctions, les lampes ardentes d'où la lumière de toutes les vertus se répandra sur le peuple chrétien.

Afin que vous répondiez pleinement à Notre attente et que toutes choses prospèrent suivant nos voeux communs c'est à chacun d'entre vous tous, Fils bien-aimés, que Nous accordons avec un amour de Père dans le Seigneur la Bénédiction apostolique, gage de la divine grâce et témoignage de Notre affection.



DISCOURS AUX ASSOCIATIONS CATHOLIQUES DES TRAVAILLEURS ITALIENS (29 juin 1948

Avec la libération de l'Italie du joug fasciste, les associations retrouvèrent le droit d'exister. Dès 1945, les ouvriers catholiques, à ce moment membres du syndicat unique, se groupèrent en une association destinée à promouvoir le programme chrétien sur le plan syndical; elle prit le nom de Associazioni Cristiani dei Lavoratori italiani (A. C. L. I.) a.
35.000 membres de cette Association étaient reçus le 29 juin 1948 en audience dans la cour du Belvédère et le Pape leur disait3 :

1. D'après le texte italien des A. A. S., 40, 1948, p. 331 ; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLV, col. 898.

2. Le Président général des A. C. L. I. est M. Ferdinand Storchi et l'Aumônier général Mgr Louis Civardi.
En 1948, cette Association comptait près d'un million de membres.

3. Pie XII à plusieurs reprises s'est adressé aux membres des A. C. L. I. :
—• le n mars 1945 (A. A. S., 37, 1945, p. 683; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLII, Col 387
— le 16 août 1945 (A. A. S., 38, 1945, p. 212; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLII, Col 673) ;
— le 29 septembre 1946 (A. A. S., 1946, XXXVIII, p. 389; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLIII, Col 1211).



Vous voici de nouveau rassemblés autour de Nous, chers fils de Rome et d'Italie, travailleurs catholiques de toutes catégories; votre présence ravive aujourd'hui dans Notre âme le souvenir de Notre première rencontre avec vous. C'était le 11 mars 1945, que Nous saluions les représentants des « A. C. L. I. » naissantes; jour de grande, mais aussi, presque d'unique espérance. Votre association faisait, franche et confiante, ses premiers pas, mais le chemin était long et le but lointain. Aujourd'hui, en contemplant votre grandiose phalange, Nous devons reconnaître que la bénédiction du Seigneur, appelée par Nous sur votre oeuvre, était puissante et que le céleste Patron que Nous vous donnâmes alors, saint Joseph, l'homme fidèle et juste, le travailleur par excellence vous a miraculeusement protégés. Vous pouvez vous écrier avec joie : « Nous avons grandi, nous avons progressé dans notre voie, nous nous rapprochons chaque jour du but. » Nous Nous sentîmes alors poussé à tirer de la richesse de la doctrine sociale de l'Église, de la plénitude de sa sollicitude pastorale, les instructions qui devaient vous servir de guide sur un sentier bien ardu et encore obscur. Elles ont fait leurs bonnes preuves et doivent encore vous accompagner sur le chemin que vous continuez de suivre. En avant, donc ! Ce que Nous Nous proposons de vous exposer aujourd'hui ne vise qu'à encourager la fermeté et la hardiesse de vos pas.

Si les A. C. L. I. connaissent un grand succès il ne faut cependant pas se laisser griser par le nombre ; il faut continuer à se préoccuper de chaque membre personnellement et rester plongé dans la vie:

Vous avez grandi; votre nombre s'est considérablement accru; vous avez étendu votre organisation, multiplié les sièges, les cercles locaux, les cours d'enseignement, les patronages *; développé les moyens de propagande par des journaux, des périodiques, des opuscules largement diffusés ». Travail excellent et avec vous Nous remercions tous ceux qui vous ont prêté et continuent de vous prêter leur appui dans l'accomplissement de cette action providentielle ! Attention cependant ! Des institutions, comme les individus, ont coutume de passer par une crise de croissance qui peut avoir ses dangers et ses désillusions. Ne vous laissez pas trop exalter ou illusionner par le nombre croissant des noms sur vos listes ou des acquéreurs de vos publications. Demandez plutôt ce que vaut chacun de ces noms. Signifie-t-il vraiment un nouveau soldat du Christ dans le monde du travail? C'est cela qui compte réellement. C'est cela qui vous permettra de dire de plein droit : nous avons grandi !

1. Il Patronato A. C. L. I. comporte un ensemble d'oeuvres d'assistance et de service social.
2. Parmi les périodiques des A. C. L. I., signalons les hebdomadaires : // Giornale dei Lavoratori et Azione Sociale et la revue mensuelle du Patronato : Informazioni Sociali.

Vous ne pourrez vous féliciter pleinement et sans réserve, du progrès de votre association que lorsque, à l'organisation qui agit en haut, correspondra en bas la vie de chacun des groupes particuliers et de chacun de leurs membres. Car. de deux choses l'une : ou les « Acli » vivront de la vie de chacun de leurs éléments et dureront, ou, au contraire, leur vie sera fictive et ne pourra être qu'éphémère.

A quoi serviraient les noms seuls sur les listes, si ceux qui les portent n'y étaient inscrits que comme simples unités; si chacun dans son groupe particulier, dans son champ de travail n'était pas intimement et solidement uni à tous les autres travailleurs catholiques, lesquels, sous le drapeau des « Acli », ne doivent avoir qu'une même pensée et une même volonté, une même activité et une même abstention, les mêmes tendances et les mêmes aversions?

A quoi serviraient les nombreux acquéreurs de vos publications, si leur contenu, quelque excellent qu'il fût, restait lettre morte, s'il ne devenait pas vie, vie dans vos réunions intimes, dans la chaleur de vos discussions, des explications, des commentaires, des applications opportunes aux conditions de chaque lieu?

A quoi serviraient les belles oeuvres de charité et d'assistance par l'intermédiaire des « Acli », si vous n'y participiez pas solidairement, au moins par vos services empressés, vos bonnes idées, un vif intérêt personnel, de manière que vous puissiez dire véritablement : ces oeuvres, ces salles de lecture, ces colonies de vacances pour les enfants et tant d'autres institutions similaires sont nos oeuvres?

A quoi serviraient vos excellents assistants ecclésiastiques et vos éminents dirigeants, s'ils n'étaient pas aptes à éveiller en chaque membre de vos groupes le sens des buts des « Acli », s'ils n'étaient pas suffisamment larges d'esprit et de coeur pour laisser aux autres la possibilité d'exposer leurs vues et de se rendre utiles à l'Association par leurs bonnes qualités?

Faites donc des « Acli », avec l'aide de Dieu, l'organisation d'une réalité vivante, d'une réalité merveilleuse, d'un christianisme vivant dans le monde du travail. Car notre époque manque précisément de cette réalité vivante, au défaut de laquelle aucune organisation à outrance, dont on a le culte aujourd'hui, pour ne pas dire la superstition, ne pourra jamais suppléer.

Que votre nombre croissant n'ait donc qu'un sens : le Christ a grandi avec chacun de nous dans le monde du travail. Alors vous serez prompts et prêts, aux jours difficiles, s'ils devaient jamais advenir pour vous, à vaincre les décourageantes désillusions, devant lesquelles les faibles se soustraient par la fuite, en renonçant à poursuivre la course commencée.

En Italie, après la libération, les communistes tentèrent de monopoliser à leur profit le mouvement ouvrier. Les A. C. L. I. parvinrent cependant à percer le front et à avoir droit à prendre leur place dans le monde du travail :

Vous dites aujourd'hui avec joie ; nous avons progressé sur notre chemin. Nous sommes non seulement là, mais nous y sommes de manière que personne, ami ou adversaire, ne peut nous ignorer; nous représentons quelque chose; tout le monde doit compter avec nous. C'est vrai; Notre joie et Notre satisfaction ne sont pas moindres que les vôtres, spécialement lorsque Nous songeons comment ces heureux résultats ont été obtenus en peu de temps et toujours en concurrence avec des adversaires implacables qui souvent avaient occupé le terrain avant vous.

Toutefois le mouvement ouvrier chrétien n'existe pas essentiellement pour concurrencer les groupes adverses, mais parce qu'il faut traduire la doctrine sociale de l'Eglise dans les réalités du monde du travail. C'est la charité chrétienne qui donne l'impulsion première au mouvement ouvrier chrétien :

Ce serait toutefois une façon de juger superficielle, extérieure, et pour ainsi dire purement sportive, si vous considériez le chemin parcouru seulement sous cet aspect. Des Associations catholiques des travailleurs sont là, non pas uniquement parce que l'adversaire est là. Quiconque l'affirmerait fausserait la vérité historique, méconnaîtrait complètement l'impulsion propre de l'Église et des chrétiens dignes de ce nom pour l'action sociale. Cette impulsion ne leur vient pas du dehors; ni la peur de la révolution ni celle du soulèvement des masses ne les poussent au travail pour le peuple. Non. D'amour fait battre leur coeur, ce même amour qui faisait battre le Coeur du Christ, et leur inspire le souci de la défense et du respect de la dignité du travailleur moderne, ainsi que le zèle attentif, pour le placer dans des conditions de vie matérielles et sociales en harmonie avec cette dignité.

Si vous pesez sérieusement tout cela, vous ne serez pas tentés de vous féliciter sans plus du chemin parcouru jusqu'à présent; les « Acli » doivent, suivant leurs principes, exercer l'apostolat parmi les ouvriers avant tout parmi leurs propres membres, et ensuite, auprès des autres, un « apostolat des ouvriers par les ouvriers » (Cf. Encyclique Quadragesimo Anno).


Le Pape demande aux membres des A. CL. I. de faire un examen de conscience :

A quel point donc a progressé en vous la sanctification de la vie, grâce à une conception véritablement chrétienne du travail? Comment agit par votre intermédiaire cet ardent apostolat de l'exemple parmi tant de compagnons, même jeunes, qui, chaque jour, se traînent au travail presque comme s'ils y étaient forcés, sans joie, sans aucune aspiration élevée? Comment s'exerce votre apostolat, si précieux, de l'exemple dans l'usage chrétien des temps libres, dans la sanctification du dimanche et des fêtes, dans toute la vie de famille?

Les ouvriers italiens sont encore dans des conditions économiques qui leur imposent des conditions de vie pénibles; ils réclament assistance de l'Etat, de l'Eglise, des associations de bienfaisance:

Gardez-vous bien de dire ; ces exigences sont sans doute importantes, mais elles ne concernent pas immédiatement les circonstances présentes. Est-ce réellement vrai? Qu'attend maintenant le travailleur? D'aide peut-être de l'État ou de l'Église par l'intermédiaire de leurs oeuvres d'assistance? Certes, personne ne songe à soustraire à la classe ouvrière une telle contribution, mais elle n'est pas la seule à la demander; en ces trop longues années de crise économique, ceux qui appellent du secours sont devenus si nombreux que l'Église elle-même, et en particulier le Saint-Siège, malgré ses multiples oeuvres d'assistance, ne peut bien souvent que gémir sur son insuffisance à soulager toutes les misères, à exaucer tous ceux qui s'adressent à lui.

Mais c'est principalement dans les groupements ouvriers eux-mêmes que les travailleurs pourront s'entr'aider le plus efficacement:

-.'¦i C'est pourquoi les travailleurs, comme du reste aussi les autres classes du peuple, avant de compter sur l'aide d'autrui, doivent compter sur leurs propres efforts, sur leur propre défense, sur leur mutuelle assistance, dans l'exercice de laquelle le point fondamental est le sentiment d'intime solidarité entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. Et c'est en cela que consiste l'importance des exigences dont Nous avons parlé et du travail apostolique que les « Acli » sont appelés à accomplir, en imprégnant toute la vie du travailleur des vrais principes du Christ.

Il s'agit d'ailleurs de mettre les choses au point. L'insuffisance des ressources des travailleurs peut avoir deux causes :

1. Des salaires trop bas.

2. Des dépenses trop élevées.

Considérons les choses pratiquement et en toute sincérité. Partout, on note un sentiment de malaise et de mécontentement : le travailleur n'est pas satisfait de son sort ni de celui de sa famille; il affirme que ses gains ne sont pas proportionnés à ses besoins. Nul plus que l'Église n'a soutenu et ne défend les justes revendications du travailleur. Mais cette disproportion et cette insuffisance sont-elles toujours et uniquement dues à la modicité des ressources? L'accroissement des besoins n'y entre-t-il pas pour quelque chose?

Sans doute, il est des besoins qui doivent être satisfaits d'urgence : les aliments, le vêtement, l'habitation, l'éducation des enfants, la saine restauration de l'âme et du corps. Mais Nous voulons faire allusion à ces autres exigences qui se manifestent, telles que le désir antichrétien et immodéré du plaisir, ainsi que la légèreté qui tendent à pénétrer dans le monde ouvrier. Les dures conditions économiques du temps de guerre ont fait perdre jusqu'à la possibilité de l'épargne, mais même aujourd'hui on n'en a plus ni le sentiment ni l'idée.

L'ouvrier doit apprendre à gérer convenablement ses biens avant de songer à jouer un rôle actif dans la gestion des biens appartenant à la communauté.

Dans de telles conditions d'esprit, comment pourrait-on avoir la claire et droite conscience de la responsabilité dans l'usage et dans l'administration des deniers publics destinés aux maisons populaires, aux assurances sociales, aux services sanitaires? Et comment pourrait-on prendre la co-responsa-bilité dans la direction de l'économie tout entière du pays, à laquelle aspire la classe ouvrière, maintenant surtout que la grave plaie du chômage peut être guérie non par la démagogie, mais par la raison et la discipline; non par la profusion des sommes énormes pour remédier seulement aux besoins immédiats du moment, mais par de sages et prévoyantes dispositions ?

Dans ce domaine, les A. CL. I. ont un rôle à jouer:

De là découle la difficile mais aussi la si importante mission des « Acli » de promouvoir en chacun l'esprit de l'épargne chrétienne, de la consciencieuse délicatesse dans toutes les choses qui regardent le bien commun, afin que toujours les personnes conscientes de leur responsabilité aient la prévalence.

Importante est sans doute l'élévation du traitement ou du salaire que le père de famille et peut-être aussi les enfants déjà grands apportent à la maison chaque mois ou chaque semaine; plus important encore est le souci commun de l'employer sagement pour les vrais besoins de la famille. Mais il est souverainement important que la maîtresse de maison sache diriger les affaires domestiques. Personne ne pourra nier qu'ici s'offre aux « Acli » un nouveau champ de multiples activités pour le soutien de la classe ouvrière : l'instruction de ses membres, opportunes institutions d'enseignement pour les mères et les jeunes filles, délassements aux heures libres, spécialement saines distractions spirituelles et corporelles pour les jeunes gens.

En réalité, le traitement ou le salaire ne sont pas l'unique richesse du foyer domestique. Les connaissances acquises à l'école et celles concernant son propre travail, art ou métier, la santé physique, le bien-être de la mère et du petit enfant, un logement clair et sain, concourent, par ailleurs, à embellir et à réjouir la maison, au grand profit de l'union et de l'affection mutuelle parmi les membres de la famille. Et quel nouvel objet d'activité pour les « Acli »! Que de maîtres catholiques, de médecins, de juristes et d'autres personnes, hommes et femmes, en ville et à la campagne, prêteraient volontiers leur concours en faveur de l'éducation du peuple ! Mais le peuple doit être foncièrement disposé à coopérer à ce travail apostolique, à vouloir s'aider lui-même, à avoir de soi-même une appréciation noble et vraiment chrétienne. Ainsi, Nous voici revenu au point de départ : êtes-vous des apôtres envers ceux qui ne sont pas mais qui devraient être avec vous? A cette condition seulement votre contentement pour le chemin parcouru pourra être parfait.

II demeurera toujours vrai que le mouvement ouvrier chrétien aura pour première tâche : V éducation des travailleurs :

Mais pour ne pas défaillir le long des chemins, pour enflammer les coeurs et particulièrement pour gagner la jeunesse à votre cause, il faut avoir constamment devant les yeux la haute fin vers laquelle doit tendre votre mouvement : c'est-à-dire la formation des travailleurs vraiment chrétiens qui excellent également en capacité dans l'exercice de leur art et en conscience religieuse, sachent mettre en harmonie la ferme protection de leurs intérêts économiques avec le sentiment le plus strict de la justice et avec la sincère volonté de collaborer avec lés autres classes de la société au renouveau chrétien de la vie sociale tout entière. (Cf. Encyclique « Quadragesimo Anno ».)

Le Souverain-Pontife admet qu'il y ait diverses formes suivant lesquelles on puisse organiser les travailleurs. En Italie, il y a principalement trois sortes d'associations:

Tel est le but élevé du mouvement des travailleurs chrétiens, même si celui-ci se divise en Unions particulières et distinctes, dont les unes visent à la défense de leurs intérêts légitimes par le9 contrats de travail — tâche propre des Syndicats, d'autres aux oeuvres d'assistance, telles que les coopératives de consommation; d'autres enfin à l'aide religieuse et morale aux travailleurs, comme sont les Associations ouvrières catholiques.

Le Syndicat a pour mission première de défendre les intérêts des travailleurs sur le plan professionnel. Dans la mesure où il néglige cette mission, pour viser d'autres fins, il manque à l'essentiel. Le Saint-Père met ici les ouvriers, en garde contre les déviations possibles du syndicat :

Ne vous laissez donc pas détourner de cette fin, plus importante que n'importe quelle autre forme transitoire de l'organisation syndicale. D'avenir des syndicats eux-mêmes dépend de la fidélité ou non à tendre vers ce but. S'ils visaient, en effet, à la domination exclusive dans l'État et dans la société, s'ils voulaient exercer un pouvoir absolu sur l'ouvrier, s'ils repoussaient le sentiment strict de la justice et la sincère volonté de collaborer avec les autres classes sociales, ils failliraient à l'attente et aux espérances que tout honnête et consciencieux travailleur met en eux. Que faudrait-il penser de l'exclusion du travail d'un ouvrier, parce qu'il n'est pas persona grata du syndicat, de la cessation forcée du travail pour l'obtention de buts politiques, de l'égarement dans de nombreux autres sentiers erronés qui mènent loin du vrai bien et de l'unité de la masse ouvrière tant souhaitée?

En 1945, les ouvriers catholiques italiens ont fait confiance au syndicat unique qui, en ce moment, semblait s'imposer 1, mais celui-ci menaçant de devenir un fief exclusivement communiste, le Pape met en garde les ouvriers et leur demande d'être vigilants ».


1. Pie XII disait en effet aux A. C. L. I. le 11 mars 1945 :
Examinons maintenant brièvement les relations des Associations chrétiennes avec les Syndicats. Contrairement à ce qui se pratiquait auparavant, on a constitué récemment en Italie l'unité syndicale. Notis né pouvons Nous empêcher de compter et d'espérer que les renoncements consentis qu'entraîne l'adhésion donnée de la part aussi des travailleurs catholiques, ne causeront pas de préjudice à leur cause, mais aboutiront au résultat attendu par tous les travailleurs. Cela suppose, comme condition fondamentale, que le Syndicat se maintienne dans les limites de sa fin essentielle qui est de représenter et de défendre les intérêts des travailleurs dans les contrats de travail. Dans le cadre de cette fin, le Syndicat, naturellement exerce une influence sur la politique et sur l'opinion publique. Cependant, il ne pourrait dépasser cette limite sans s'occasionner de graves préjudices à lui-même. Si le Syndicat, comme tel, par suite de l'évolution politique et économique, en venait un jour à exercer une sorte de patronat ou de droit en vertu duquel il disposerait librement du travailleur, de Ses forces, de ses biens, comme il arrive dans d'autres domaines, le concept même du Syndicat, qui est une union pour la propre aide et défense, en serait altéré et détruit.
Ces prémisses posées, Nous disons que le Syndicat et les Associations de travailleurs chrétiens tendent vers une fin commune qui est d'élever les conditions de vie du travailleur. Des dirigeants du nouveau Syndicat unique ont reconnu « le très haut apport spirituel que les travailleurs catholiques ont fait à l'oeuvre de la Confédération », et ils ont rendu hommage au « souffle de spiritualité évangélique », qu'ils ont fait passer dans la Confédération elle-même, « au profit de tout le mouvement ouvrier ». Dieu veuille que ces influences soient stables et efficaces et que l'esprit de l'Evangile forme la base de l'action syndicale ! Car, en fait, si Nous ne voulons pas Nous contenter de vaines paroles, en quoi consiste pratiquement cet esprit de l'Évangile sinon à faire prévaloir les principes de la justice, suivant l'ordre établi par Dieu dans le monde, sur la force purement mécanique des organisations? Vous comprenez ainsi quelle importante tâche obligatoire d'impulsion, de vigilance, de préparation et de perfectionnement incombe aux Associations de travailleurs chrétiens en ce qui regarde le travail syndical.



Cette véritable unité ne s'obtient que si l'on reconnaît le but exact du mouvement des travailleurs, au moins dans ses fondements naturels. Nous avions en vue ce point essentiel lorsque, dans Notre discours du n mars 1945, Nous parlions des rapports des « Acli » avec le Syndicat unique. Il était et il est une expérience qui montre jusqu'à quelle limite extrême les travailleurs catholiques sont allés dans leur bonne volonté de collaboration. Vous, chers Fils, vous avez donné une preuve manifeste de cette volonté, car, dans le Syndicat, comme tel vous voyez un solide soutien de la société économique de nos temps, plus d'une fois reconnu par la doctrine sociale de l'Église.

Mais si la forme présente du Syndicat venait à mettre en danger le vrai mouvement des travailleurs, alors les « Acli » ne manqueraient certainement pas au devoir de vigilance et d'action que la gravité du cas demanderait. Il s'agit réellement aujourd'hui, d'importantes résolutions et réformes dans l'économie nationale, en face desquelles une lutte des classes, basée sur l'inimitié et sur la haine, risquerait de compromettre l'idée syndicale, sinon de la conduire littéralement à la ruine. C'est pourquoi vous devez faire en sorte que les principes chrétiens prévalent définitivement dans le Syndicat; alors il prospérera au profit des travailleurs et de tout le peuple italien.

1. De fait, le syndicat unique devenu communiste, força les ouvriers chrétiens à le quitter et à créer un nouveau syndicat, dit libre, en septembre 1948.


Le Souverain-Pontife invite les membres de l'A. C. L. I. à continuer avec courage leur action:

Nous vous avons adressé, chers fils, des paroles, non de repos, mais pratiques, jaillissant d'un coeur qui bat entièrement pour vous, mais qui a aussi profondément conscience de la gravité de l'heure. Puissiez-vous les accueillir avec le même esprit et continuer avec une ferveur renouvelée votre oeuvre; oeuvre plus que jamais opportune et nécessaire, oeuvre qui a déjà produit tant de bons fruits dans le domaine du travail et surtout dans l'âme du travailleur, oeuvre hautement prometteuse d'un plus fécond avenir de bien.

Animé de tels sentiments, à vous, chers Fils et Filles, à vos familles, à tous les travailleurs des administrations, de l'industrie, des champs, du foyer domestique, à Rome, en Italie, dans le monde entier, — même à ceux qui vivent loin de Dieu et de l'Église, afin qu'ils s'amendent —, d'une façon spéciale à tous ceux qui cherchent en vain du travail, ou souffrent, en proie aux plus dures angoisses ou à la misère spirituelle ou matérielle, à vos assistants ecclésiastiques et à vos dirigeants, à vos organisations et institutions, Nous donnons avec effusion de coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.




LETTRE DE MONSEIGNEUR MONTINI

Substitut à la Secrétairerie d'État AU R. P. JOSEPH ARCHAMBAULT S. J. Président des Semaines Sociales du Canada (3 juillet 1948) 1

Chaque année depuis 1920, les Catholiques canadiens d'expression française, organisent une Semaine sociale. Celle de 1948 — la XXVe qui se tint du 23 au 26 septembre, à Trois-Rivières — avait pour sujet : La Paix1. La Lettre suivante a été adressée par Mgr Montini 3 au R.-P. Joseph Archambault, président des semaines sociales du Canada:

1. D'après le texte français de l'Osservaiore Romano du 24 septembre 1948.
2. Chaque année paraît le Compte rendu des Cours et Conférences des Semaines Sociales (Secrétariat des Semaines Sociales du Canada — École Populaire — rue Rachel Est, 1961, Montréal).
3. Monseigneur Jean-Baptiste Montini est le substitut pour les affaires ordinaires de la Secrétairerie d'État. Pie XII après la mort survenue le 22 août 1944 de Son Eminence le Cardinal Maglione Secrétaire d'État n'a pas nommé de successeur; depuis lors, Mgr Montini signe et envoie les lettres émanant de la Secrétairerie d'État.



S'il est un sujet d'actualité, c'est bien celui de la prochaine Semaine sociale de Trois-Rivières : le problème de la paix. On aurait pu croire, en effet, qu'après les années cruciales que nous venons de vivre, les hommes s'appliqueraient enfin à réaliser, parmi eux, « la tranquillité dans l'ordre ». Hélas ! le prophète Jérémie pourrait aujourd'hui comme en son temps renouveler sa plainte douloureuse : « Ils disent : Paix ! Paix ! alors qu'il n'y a point de paix. » Et cependant, l'espérance divine, que l'Esprit-Saint a mise dans nos coeurs, ne nous permet pas de nous laisser aller au découragement. Plus même le ciel paraît obscur, plus les nuages s'épaississent et plus aussi nous devons travailler à faire luire sur ce pauvre monde un arc-en-ciel de paix. « Ayez confiance, nous dit le divin Maître, j'ai vaincu le monde. » Aussi le Vicaire du Prince de la paix ne pouvait-il que se féliciter très sincèrement de voir ses chers fils canadiens aborder une étude dont on ne saurait exagérer l'urgence et l'importance, car il n'est que trop clair que la paix sera chrétienne ou ne sera pas. Da contribution du catholicisme à cet égard est donc capitale : c'est dans la mesure où les peuples et leurs chefs s'en inspireront que le monde retrouvera son équilibre et sa prospérité.

Da Semaine sociale des Trois-Rivières a d'ailleurs compris quels encouragements elle trouverait dans l'accomplissement de son salutaire travail auprès du Pontife glorieusement régnant, dont a pu dire que toute son oeuvre, toute sa vie s'épuisaient au suprême service de la justice et de la paix.

En plus de ses vastes entreprises de secours et de charité, auxquelles le Canada catholique a voulu, lui aussi, participer si honorablement, le Saint-Père ne se lasse pas, en effet, malgré les incompréhensions des hommes, d'édifier la charte doctrinale de la paix. Ses discours, ses écrits n'ont d'autre propos, semble-t-il, que d'éclairer les chemins par où les peuples puissent enfin se retrouver et s'embrasser dans une étreinte d'amour fraternel, de justice et de paix. Car les bonnes intentions, si louables soient-elles, ne suffisent pas. Une pareille oeuvre ne peut vraiment et durablement réussir que dans la lumière des vérités éternelles dont l'Église, columna et firmamentum veritatis, a reçu le divin dépôt. Aussi, le Saint-Père ne laisse-t-il passer aucune occasion d'affirmer les principes sauveurs hors desquels les constructeurs de l'ordre nouveau travailleraient en vain.

Il sait avec quel zèle et quelle intelligence les professeurs de la Semaine sociale de Trois-Rivières feront écho à ses augustes enseignements. Il compte beaucoup sur eux pour qu'ils soient diffusés dans leur propre pays et à travers le monde. En s'employant à dissiper les doctrines mortelles, trop répandues aujourd'hui, qui, dans un souverain mépris des valeurs spirituelles, ne concevraient la paix — et quelle paix ! — que dans le dessèchement des coeurs et l'abolition de la dignité humaine; en se faisant les haut-parleurs de l'Évangile, où gît l'unique secret de la libération et de l'épanouissement des âmes, dans l'amour de Dieu et du prochain; en proclamant sans relâche les seuls principes par lesquels les peuples s'engageraient résolument « dans la voie de la paix et de la prospérité », les catholiques sociaux canadiens auront bien mérité, non seulement de leur patrie terrestre, mais de l'Église elle-même. Aussi le Saint-Père a-t-il à coeur de les en féliciter et remercier. Et pour attirer sur leurs travaux auxquels présidera la haute sagesse de S. Exc. Mgr l'évêque de Trois-Rivières, une abondante pluie de grâces, l'auguste Pontife se plaît à vous envoyer, mon Révérend Père, ainsi qu'à toute la famille des Semaines sociales, du Canada, la précieuse faveur de la Bénédiction apostolique.

1. M. Charles Flory a été nommé président des Semaines Sociales de France en 1945 en remplacement de M. Eugène Duthoit décédé le 21 mai 1944.
M. Charles Flory est né en 1890, il fut de 1920 à 1924 Président général de l'Association Catholique de la Jeunesse Française.
Les Semaines Sociales de France ont été inaugurées en 1904 sous l'impulsion de Marius Gonin et d'Adéodat Boissard; la première Semaine se tint à Lyon en 1904. Depuis lors sous la présidence d'Henri Lorin (1905-1913), d'Eugène Duthoit (1919-1938) et de Charles Flory depuis 1949, les Semaines Sociales tiennent leurs sessions annuelles.
A cette occasion, le Pape — ou la Secrétairerie d'État — écrit chaque année une lettre précisant l'attitude du Saint-Siège sur la question mise à l'ordre du jour.
On en trouvera le texte dans les Compte Rendus des sessions annuelles.

Après la guerre de 1939-1945, les Sessions reprirent leur activité. Voir dans les les Volumes des Documents Pontificaux aux dates ci-après :
Lettre de SS. Pie XII à M. Charles Flory, le 15 juillet 1945, XXXIIe session des Semaines Sociales de France, Toulouse, 1945.
Lettre de SS. Pie XII à M. Charles Flory, le 10 juillet 1946, XXXIIIe session des Semaines Sociales de France, Strasbourg, 1946.
Lettre de SS. Pie XII à M. Charles Flory, le 19 juillet I1947, XXXIVe session des Semaines Sociales de France, Paris, 1947.

2. D'après le texte français de l'Osservatore Romano, du 24 juillet 1948.



LETTRE DE MONSEIGNEUR MONTINI Substitut à la Secrétairerie d'Etat A M. CHARLES FLORY Président des Semaines Sociales de France

1 (5 juillet 1948) *

La XXXVe Session des Semaines sociales de France qui se tenait à Lyon en juillet 1948 a étudié les rapports culturels qui existent entre les pays coloniaux et les nations de l'Europe occidentale.

La guerre a provoqué des chocs qui ont ébranlé toutes les civilisations; les rapports entre les peuples ont changé d'aspect. Il convient d'étudier cette situation nouvelle :



C'est avec un tout particulier intérêt que le Saint-Siège a pris connaissance du programme de la prochaine session des Semaines sociales de France : Peuples d'outre-mer et civilisation occidentale.

Déjà le vénéré Cardinal Secrétaire d'État de Pie XI1 dans un message à la Semaine sociale de Marseille en 1930, sur le problème social aux colonies, et dans un autre à la Semaine sociale de Versailles en 1936, sur les Conflits de civilisation, avait souligné l'importance d'un sujet que les bouleversements de ces dernières années n'ont rendu que plus actuel et même plus brûlant. Il était donc bon d'envisager le problème, tel qu'il se pose aujourd'hui, avec ses nouveaux aspects et ses nouvelles exigences.

Qui ne voit, en effet, que le cataclysme sans précédent dont nous sortons à peine a non seulement porté atteinte à notre civilisation, mais a causé jusque chez les peuples d'outre-mer les plus éloignés un ébranlement, une fermentation dont les conséquences sont incalculables? Beaucoup se sont éveillés à une vie d'indépendance, Leur participation au conflit mondial leur a fait prendre conscience de leurs virtualités. Mais cette soif d'émancipation, s'accompagnant souvent de violences, ne va pas sans danger, si l'on considère en même temps l'état d'affaiblissement où se trouvent aujourd'hui les puissances occidentales auxquelles leur situation et leur vocation de messagères de l'Évangile avaient conféré une tâche de soeurs aînées à l'égard des continents encore assis dans les ténèbres et à l'ombre de la mort. Qui ne redouterait que cet état de choses ne précipite un déséquilibre dont le monde entier pourrait avoir à souffrir longtemps? Que des évolutions nécessaires doivent s'accomplir, personne, certes, n'y contredira. Mais comme il faut souhaiter qu'elles se fassent dans l'ordre, dans la justice, dans une mutuelle compréhension, en un mot dans la charité. , ..

L'Église respecte toutes les civilisations; il faut que les nations colonisatrices admettent également que les peuples d'outre-mer ont des caractères propres qu'il faut respecter:

Sans doute, il n'y a jamais été question d'uniformité ni de nivellement entre diverses civilisations, comme le faisait opportunément remarquer la lettre du Saint-Siège à la XXVIIIe Semaine sociale de Versailles : « L'histoire, y lisait-on, prouve

1. Le « Vénéré Secrétaire d'État de Pie xi » était le Cardinal Eugène Pacelli, devenu en 1939 le Pape Pie xii.

à quel point l'Église s'est montrée respectueuse de leurs caractères distinctifa, de leurs rapports particuliers et légitimes. » Peut-être les conditions nouvelles dans lesquelles aura désormais à s'exercer l'influence occidentale sur les peuples d'outremer en pleine fermentation, obligeront-elles les pouvoirs responsables à considérer davantage leurs particularités ethniques, à tenir compte, beaucoup plus que ne le faisait une colonisation d'inspiration intéressée et matérielle, des aspirations indigènes à de justes progrès sociaux, d'ailleurs postulés par la dignité de la personne humaine.

Les États européens ne peuvent se borner à exploiter économiquement les terres lointaines, ils doivent promouvoir le progrès humain et social de ces peuples indigènes:

La Dettre de la Semaine sociale de Marseille, précisément sur la colonisation, ne déplorait-elle pas déjà « les abus de toute espèce, l'exploitation du travail humain et le désordre des moeurs » qui, dans bien des cas, n'aboutissaient qu'à déprimer le moral des populations qu'il aurait fallu, au contraire, soutenir et développer dans un désintéressement tout évangélique?

L'Église offre à ce sujet des exemples à suivre:

1. Les missionnaires se vouent uniquement au bien des peuples êvan-gélisés, ne cherchant en retour aucun avantage:

L'exemple des méthodes missionnaires catholiques ne serait-il pas à cet égard des plus convaincants?

2. L'Église se plaçant sur un plan dépassant celui où joue la rivalité entre les peuples, invite par là même les États à se hausser également au-dessus de cette condition afin que les peuples se retrouvent dans une véritable communauté humaine:

Et quels enseignements ne tirerait-on pas, même sur le plan temporel, de cette supra-nationalité de l'Église, que magnifiait en termes si nobles le pontife glorieusement régnant, lors du grand Consistoire 1 de 1945 et dont les patries terrestres elles-mêmes ne pourraient qu'avantageusement s'inspirer !

1. Discours au Consistoire du 24 décembre 1945 (A. A. S., 38, 1946, P- 15)-

— Allocution aux nouveaux Cardinaux, le 20 février 1946 (A. A. S., 38, 1946, p. 142).

— Discours au Corps diplomatique, le 25 février 1946 (A. A. S., 38, 1946, p. 152).

En s'inspirant de la doctrine traditionnelle de l'Église, les catholiques pourront formuler des principes clairs en ce domaine:

La Semaine sociale de Lyon, en provoquant de telles confrontations, en sollicitant un examen de conscience loyal et complet, par où les responsabilités se trouveront mieux établies, en même temps que les obligations présentes mieux déterminées, ne laissera pas d'accomplir à la lumière des enseignements pontificaux et sous l'égide éclairée du Vénéré Primat des Gaules 1, un fructueux et salutaire travail, dont nos pays d'Occident, les peuples d'outre-mer et l'Église elle-même n'auront qu'à se féliciter. Car cette vieille Europe, centre et berceau de la catholicité, n'a pas fini de jouer, on peut légitimement l'espérer, un rôle primordial pour l'avènement d'un monde fraternellement renouvelé dans les imprescriptibles normes de l'Évangile.

Il doit demeurer évident que, devant les menaces de toutes les doctrines perverses, seul le Christianisme apporte les vraies et fécondes solutions:

Mais encore devra-t-on profiter de la leçon des événements, pour recourir résolument aux salvatrices vertus du christianisme seules capables de remporter un triomphe durable sur les doctrines matérialistes dont la menace pèse aujourd'hui si lourdement sur le monde.

Ce sont donc des voeux bien paternels et fervents que Sa Sainteté vous adresse pour le succès de la Semaine sociale de Lyon et afin de leur conférer toute leur surnaturelle efficacité, Elle se plaît à vous envoyer, Monsieur le Président, ainsi qu'à vos zélés collaborateurs et amis, comme gage de lumière et de réconfort célestes la Bénédiction apostolique.

i. Le Primat des Gaules est Son Eminence le Cardinal Gerlier, Archevêque de Lyon.



LETTRE AU R. P. MATEO CRAWLEY-BOEVEY (il juillet 1948.)

1. D'après le texte latin des A. A. S., 31, 1949, p. 24.
2. Le Père Mateo est actuellement terrassé par la maladie et confiné dans un hôpital au Canada.

Le R. P. Mateo Crawley-Boevey de la congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie (Picpus) est l'initiateur depuis 1907 de l'intronisation du Sacré-Coeur dans les familles. Il a parcouru un grand nombre de pays en vue de diffuser le culte du Sacré-Coeur. Lors du cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale, il a reçu du Pape la lettre suivante :



Maintenant que va se terminer la cinquantième année depuis le jour où, revêtu de la dignité sacerdotale, vous avez pour la première fois, offert le Saint-Sacrifice, Nous ne voulons pas que vous soyez privé des félicitations et des voeux de Notre coeur paternel. Et ce d'autant plus que nous avons appris qu'actuellement vous êtes confiné dans un hôpital, non pas tant à cause du déclin de l'âge, que pour de sérieuses infirmités *. Et que donc vous ne pouvez pas travailler avec ce dévouement et cette promptitude qui vous étaient habituels, à la consécration des familles catholiques au très doux Coeur de Jésus.

Cependant, ce que vous ne pouvez pas faire par le labeur apostolique, par les tournées et les prédications apostoliques, vous le pouvez, certes par des prières ardentes adressées à Dieu et par les souffrances acceptées en esprit de réparation et de bon coeur. Que vous fassiez cela en simplicité de coeur et bien volontiers, Nous n'en doutons pas. Et tout en désirant vous consoler dans cette maladie du moment, Nous formons aussi des voeux à votre sujet pour que vos forces vous soient rendues au plus tôt et que vous puissiez de nouveau vous dévouer avec ardeur à donner à cette sainte entreprise un rayonnement toujours plus étendu.

Comme pour Nos prédécesseurs ainsi que pour Nous, cette affaire répond à Nos plus chers désirs : Nous souhaitons ardemment que la charité de Jésus-Christ, jaillissant de son divin Coeur, reprenne possession de la vie privée des hommes et de la vie publique des peuples. Car c'est ainsi seulement que bientôt il sera possible de soulager tant d'affligés et de malheureux, de raffermir le courage de tant d'hésitants et de faibles, d'exhorter efficacement tant de négligents et d'indolents de pousser enfin avec ardeur tous les hommes à la pratique de cette vertu chrétienne qui donna à l'Église primitive son lustre principal, celui de la sainteté et du martyre.

Que règne de nouveau dans la société civile et au foyer domestique par sa loi et par son amour, le divin Rédempteur ! Et alors, sans aucun doute, seront foncièrement extirpés les vices qui sont les sources du malheur et de la misère des hommes ; alors, bien certainement, les discordes s'évanouiront; alors la justice, mais la vraie justice, consolidera les fondements de la communauté humaine, et la véritable liberté, celle « dans laquelle le Christ nous a libérés » (Ga 4,3), rendra honorable la dignité des citoyens et les rendra frères.

Mais il est une chose que Nous désirons tout spécialement — et qui est d'ailleurs le but principal de l'oeuvre que vous avez propagée depuis si longtemps et avec tant de diligence, — et c'est que les familles chrétiennes se consacrent au Coeur de Jésus, et « cela de telle façon que son image étant installée dans l'endroit le plus noble de la maison, comme sur un trône, Jésus-Christ Notre-Seigneur, règne visiblement dans les foyers catholiques 1 ». Et cette consécration n'est pas une cérémonie vaine et vide de sens, mais demande à tous et à chacun que leur vie soit conforme aux préceptes chrétiens, qu'ils brûlent d'un amour ardent envers la très sainte Eucharistie et qu'ils prennent part, le plus souvent possible au banquet céleste, qu'ils s'efforcent par des supplications adressées à Dieu et par les oeuvres d'une sainte pénitence, de pourvoir non seulement à leur propre salut, mais encore à celui des autres.

Voilà, cher fils, Nos voeux et Nos souhaits qu'il Nous plaît de vous exprimer à vous qui allez célébrer le cinquantième anniversaire de votre sacerdoce et dont Nous recommandons l'efficacité à la bonté et à la miséricorde divines. En attendant, comme preuve de Notre paternelle bienveillance et comme gage des grâces d'en-haut, Nous vous accordons de grand coeur, dans le Seigneur, la Bénédiction Apostolique.

Benoît XV, Lettre Libenter tuas, du 27 avril 1915 (A. A. S., vol. vii, p. 203).



ALLOCUTION AUX PETITS MUTILÉS DE GUERRE ITALIENS (12 juillet 1948.)

1

Cent cinquante petits mutilés de guerre, représentant 15.000 de leurs infortunés compagnons, ont été reçus far le Saint-Père qui très affectueusement leur a dit: .....


Rarement Nous avons senti les tendres paroles de l'amitié chrétienne si souvent vides sur les lèvres des hommes, jaillir si chaudes et si paternelles que cette fois, Notre coeur s'est ému en votre présence.

Parce que dans vos membres graciles, non préparés encore aux tâches de la vie et livrés encore au travail mystérieux de la nature, appliquée à former le chef-d'oeuvre de Dieu dans le monde, la créature humaine, à un âge où règne naturellement la joie qui éclate dans le rire exubérant de la jeunesse, c'est plutôt la tristesse qui a été votre héritage et votre sort. En vos douces apparences qui appellent la protection, le visage de la guerre, la grande ennemie, la profanatrice, la dévastatrice de l'oeuvre des hommes et de celles de Dieu, se présente à Nous sous son aspect le plus monstrueux, Nous laissant une fois de plus perplexe sur le progrès de la civilisation et douloureusement pensif sur la brutalité des égoïsmes humains.

A ces égoïsmes, il est vrai, s'oppose ici de la façon la plus émouvante la miséricorde chrétienne. Jésus, qui aime les petits, qui les veut autour de Dui, qui les donne en modèles à imiter, est venu à vous en la personne de ceux-ci, d'entre ses fidèles qui ont reçu de lui l'amour de leurs semblables et qui, de victimes de la guerre vous ont fait l'objet de leur tendresse et de leur sollicitude. Par lui, qui crée les apôtres de la charité, bien que vous soyez diminués dans votre chair, vous ne perdrez rien des véritables biens de la vie et l'irréparable infortune elle-même se transforme pour vous, mais bien plus se transformera demain en bienfaisante maîtresse de vertu, de travail, de foi, pour faire de vous, à travers une lumineuse éducation religieuse et profane, non un poids mort pour la communauté sociale, mais au milieu d'elle des créatures laborieuses et honnêtes, non moins utiles à elles-mêmes qu'à la famille et à la société, dans tous les secteurs de l'activité humaine. La diminution physique, même corrigée par l'art, doit vous priver peut-être de beaucoup de vie superficielle et vaine et si votre vue doit inspirer la compassion, vous sentirez d'autre part que vous pouvez faire vôtre la parole de Saint Paul qui, étreint par la morsure de ses tribulations et infirme lui aussi, dans sa chair, s'exclamait en pensant à lui-même et à tous ceux qui souffraient en Jésus-Christ : « Nous voici comme les gens tristes et pourtant toujours joyeux, comme des mendiants alors que nous en enrichissons beaucoup, comme privés de tout et cependant possédant toutes choses » (2Co 6,10.)

Abrités sous les ailes de la charité chrétienne 1 et par ses soins maternels formés aux vertus de l'Évangile, si à cet empressement répond votre gratitude, et votre diligence et que votre vie soit ordonnée dans la piété religieuse comme dans l'honnête travail, vous vous rendrez compte, très chers fils, combien l'infortune vous a été providentielle et vous participerez vous aussi — Nous serions tenté de dire : vous en particulier — à ce qu'il est donné à l'homme de savourer de bonheur ici-bas, même au milieu des calamités privées et publiques de sa course dans le temps.

1. Beaucoup de maisons de rééducation de petits mutilés ont été créées à l'initiative de la charité chrétienne, citons par exemple : « La Maison du Petit Mutilé de Milan », ainsi que « La Maison de la Charité », de Don Orione.


Rien ne manque à qui possède Jésus-Christ. Et rien plus que les souffrances et les maux de chaque jour ne nous rend capables de cette possession.

Il reste que vous, chers fils, que le malheur a conduits si près de Jésus, là où plus on apprend à le connaître et à l'aimer, vous sachiez apprécier le don qui vous est fait et que, comme vous vous abandonnez pleins de confiance à la science pour qu'elle élimine ou réduise en vous, autant que possible les dégâts de la chair, pour la rendre capable de meilleur rendement, de même, avec une plus grande confiance et un plus ardent désir, vous soyez à l'école du Christ les élèves empressés, avides de sa sagesse pour avoir part à ses promesses. De lui vous apprendrez qu'il n'y a croix qu'un chrétien ne puisse porter et comment, au contraire, la croix même devient, pour qui a la foi dans le Rédempteur, source divine de vie et élément éducatif de premier ordre et de valeur transcendante.

Que si votre riante jeunesse malmenée par l'aveugle fureur des hommes en guerre s'est fanée avant le temps et si est fermé pour vous le libre cours des débordantes énergies physiques, votre formation chrétienne vous mettra en possession d'une bien autre vitalité, et celle-ci ne sera point caduque : vitalité d'une jeunesse qui ignore, elle, le dépérissement et à laquelle sont réservées les plus utiles expériences et les plus secrètes joies. Nous voulons dire la jeunesse de l'âme, qui comporte toujours la rectitude et qui fleurit de sourires la vie la plus misérable, de sourires sans comparaison avec ceux dont la nature est plus ou moins prodigue envers les jeunes gens.

Puissiez-vous, très chers fils, jouir pleinement des biens inestimables de cette jeunesse d'âme dont Jésus-Christ, pain de vie, est l'irremplaçable aliment.

Avec cette vision devant les yeux qui doit soutenir dans le travail et le sacrifice les bons et généreux coeurs qui s'appliquent à votre rééducation physique et à votre formation spirituelle. Nous vous disons, petits enfants, très chers : qu'il ne vous arrive jamais de vous attrister de votre sort, mais plutôt bénissez le Seigneur qui a proclamé « bienheureux » ceux qui pleurent et vous réserve les trésors de vie à mettre en profit pour vous et pour les autres avec le plus satisfaisant rendement.

Dans la pureté de votre conduite, dans l'amour réciproque, dans le don de vous-même à vos devoirs, que la paix du Seigneur garde vos coeurs et vos esprits : « Custodiat corda vestra et intelligentias vestras in Christo Jesu. » (Ph 4,7.)

En élevant à Dieu Nos voeux que vous venez d'entendre et Nos prières, Nous accordons avec une affection particulière à vous, à tous les petits mutilés d'Italie, à vos dirigeants, à vos bienfaiteurs, à vos parents, à vos familles, Notre paternelle Bénédiction apostolique.



Pie XII 1948 - AVERTISSEMENT (1) DE LA SUPREME CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE concernant les réunions communes entre catholiques et non-catholiques (5 juin 1948)