Pie XII 1948 - DISCOURS A Son Exc. M. EMMANUEL LARRES RIBADENEIRA Ambassadeur de l'Equateur \21

DISCOURS A Son Exc. M. EMMANUEL LARRES RIBADENEIRA Ambassadeur de l'Equateur \21

'//'..' (13 juillet 1948.) s

1. Le nouvel Ambassadeur de l'Equateur, le Docteur Carlos Manuel Larres Ribadeneira est né en 1887, a poursuivi ses études à la Sorbonne et au Collège de France et a fait des recherches historiques dans la plupart des grandes bibliothèques d'Europe. En 1923 il fut nommé Secrétaire à l'Ambassade de Washington. En 1936, en tant que Ministre des Affaires étrangères il provoqua la reprise des relations diplomatiques de son pays avec le Saint Siège. Il garda de même la chaire de Préhistoire et d'Ethnographie à l'Université de Quito, ainsi qu'un enseignement historique dans d'autres institutions. Il a publié de nombreux ouvrages sur l'Histoire de l'Equateur.
2. D'après le texte espagnol paru dans les A. A. S., 40, 1948, p. 338.
3. Le 27 décembre 1944 le Pape recevait en audience le premier Ambassadeur de l'Equateur M. Emmanuel Sotomayor Luna (A. A. S., 36, 1944, p. 332). Ce dernier est devenu en juin 1948 Vice-Président de la République,



Pendant la semaine de Noël 1944 Nous eûmes la satisfaction de recevoir les Lettres de Créance du premier Ambassadeur de la République Êquatorienne auprès du Saint-Siège 3.

Trois jours avant, entourés des fidèles de Notre tant aimée Rome et d'innombrables représentants de Nos Fils de tous les continents, Nous avions offert le Saint Sacrifice sur la tombe du Prince des Apôtres, demandant au Tout-Puissant dans une ardente prière que, pour le bien non de ce peuple ou de cet autre, mais de toute l'humanité, Il voulut bien abréger les jours de la tribulation et orienter enfin amis et ennemis dans les sentiers d'une paix durable et agissante.

Il était encore vivant dans Notre coeur le souvenir de cette inoubliable Messe de minuit, lorsque Nous accueillîmes votre illustre prédécesseur, que Nous tenons en si haute estime et qui Nous a laissé un si agréable souvenir.

Les paroles que Nous prononçâmes alors n'étaient que l'écho des préoccupations et des angoisses provoquées par le pressentiment sûr que la dernière phase de la guerre était imminente, car on ne pouvait se faire illusion sur les formidables difficultés que la solution finale du conflit allait entraîner avec elle.

Aujourd'hui, en souhaitant de tout coeur la bienvenue au nouvel Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire que la confiance de M. le Président de la République de l'Equateur Nous envoie, Nous pouvons constater parfaitement que ces préoccupations ont été douloureusement confirmées par la suite des événements K

Effectivement, s'il y a quelque chose de caractéristique à l'heure où nous vivons, c'est précisément la rareté, pour ne pas dire la stérilité, des fruits, par rapport aux efforts réalisés jusqu'à présent dans l'après-guerre pour obtenir une paix vraie, solide et définitive, qui puisse donner et garantir à tous, même aux plus faibles, ce qui est dû à chacun.

C'est un chemin où l'on se heurte aux empêchements et aux obstacles, qui rendent inutiles toutes les diligences de ceux qui traitent les affaires, toute entente purement mathématique et toute discussion conditionnée par la force.

En réalité, la chose procède d'une cause fondamentale : de ce qu'il manque au monde la conscience d'une norme, reconnue par tous, qui soit moralement obligatoire et par là même inviolable, dont l'application aux problèmes concrets de la paix arrête et paralyse cette exubérance d'intérêts égoïstes et particuliers et ces désirs désordonnés d'autorité.

Partout où la foi en Dieu et la conviction de ne pouvoir jamais se soustraire aux normes de sa loi, conserve encore assez de force pour obtenir que son rayonnement passe de la conscience des individus dans le domaine de la vie publique, la divergence des opinions contraires peut disparaître dans une atmosphère moralement sérieuse et de mutuelle loyauté, qui ouvre le chemin aux solutions justes, même dans les problèmes les plus épineux.

1. Le Président de l'Equateur élu en juin 1948 est M. Galo Plaza Lasso.


Par contre, partout où l'on a perdu le contact vivant entre le terrestre et l'éternel, il manque aussi dans les négociations cette forte impulsion morale qui est indispensable dans le dur conflit des intérêts, pour s'élever jusqu'à cette hauteur où la justice et la paix se donnent un heureux et fraternel rendez-vous.

Les traités de paix dans lesquels on a oublié ou on a nié consciemment le respect aux lois non écrites de la pensée et de l'action morale, se voient privés de cette force intérieure obligatoire, qui est la première de toutes les prémisses pour obtenir leur désirable vitalité; car on ne peut attendre la fidélité aux pactes, ni en être sûrs, si les deux parties intéressées ne portent profondément gravée en l'âme le sentiment de leur obligation.

A cause de cela l'humanité doit déplorer aujourd'hui la vie éphémère de certains traités solennels, qui à leur origine furent salués comme des réussites fondamentales dans le progrès juridique international et comme le chemin vers une prudente prévision de la paix future.

Ainsi les problèmes et les dangers mondiaux sont ou seront bientôt des problèmes et des dangers pour tous.

Votre Excellence, Monsieur l'Ambassadeur, est profondément pénétrée de ces convictions, car ses éloquentes et hautes expressions le témoignent clairement.

A cause de cela, il Nous est particulièrement agréable d'entendre de ses lèvres que Nos incessantes sollicitudes pour la paix entre les nations rencontrent une si cordiale compréhension dans un pays comme l'Equateur, devant l'évocation duquel il est difficile de rester indifférent, car en lui — comme dans les hautes et blanches montagnes de ces Andes qui forment non seulement son armature, mais plus encore son robuste corps tout entier — l'élévation, la tendance vers ce qui est haut et grand, sont comme naturelles. « Beau, majestueux, sublime » dans son ciel et dans sa terre, pour le dire avec la phrase d'un géographe poète, mais non moins beau ni moins sublime dans les âmes de ses enfants — un lys de Quito, fleur candide et mortifiée, qui peu à peu approche des honneurs suprêmes des autels; un Garcia Moreno1, le gouvernant génial, le fils fidèle de l'Église, le martyr de sa foi —, ni moins beau non plus dans l'expression de sa poésie inspirée, car, dans ses premiers bégaiements l'acteur principal fut rien moins qu'un Lorenzo de Cepeda, frère de l'extatique Séraphin du Carmel.

1. Garcia Moreno, exilé vécut à Paris et à Londres et rentra dans son pays pour en devenir un des chefs politiques. Il fut président de la République de 186i à 1865 et de 1869 à 1875, année où il fut assassiné. Chef d'État populaire et ardent catholique, il a été proposé comme modèle à la jeunesse de notre temps.


Votre Excellence appartient aussi à une nation dont l'histoire ne peut se séparer de l'héritage de la culture et de la tradition juridique latine, ni du riche patrimoine de la religion chrétienne ; un pays et un peuple qui vivent sous la protection de ce Divin Coeur « qui a tant aimé les hommes », et qui sera toujours fidèle, Nous en sommes sûr, à ses traditions spirituelles et à ses principes moraux fonciers.

Avec ce consolant espoir, Nous implorons les meilleures bénédictions du Ciel sur Monsieur le Chef de l'État, sur le Gouvernement, sur le peuple catholique de la République, et d'une manière spéciale sur Votre Excellence, son très digne Représentant, tout en lui assurant que, dans ses actes en vue d'obtenir que les relations entre le Saint-Siège et l'Equateur soient chaque jour plus confiantes et fructueuses, Elle trouvera toujours en Nous un appui très cordial et plein de sollicitude.




ALLOCUTION AUX DOUANIERS ITALIENS (14 juillet 1948.)\21


Au cours d'une audience où environ 2.000 douaniers italiens étaient rassemblés, le Saint-Père leur adressa l'allocution suivante:

Nous avons le plaisir de voir rassemblée aujourd'hui autour de Nous, et de saluer paternellement une large représentation de ce corps armé qui, à la différence des autres, étend en petits noyaux ses formations d'un bout à l'autre de la péninsule, où il exerce partout des fonctions particulièrement délicates pour la vie du pays.

Il est facile de comprendre quelle haute conscience du devoir requièrent des fonctions de la part des bien méritantes douanes, qui jouent un si grand rôle dans la vie économique de la nation.

Le Pape décrit les fonctions du douanier comme suit:

Votre tâche, en effet, est une tâche de vigilance, de contrôle, de recherches dans le domaine complexe des taxes qui doivent alimenter les caisses de l'État; de surveillance des frontières terrestres et maritimes, des ports, des rades, des eaux territoriales; et aussi des grands établissements et entreprises qui sont les sources les plus vitales de l'impôt. Vous savez bien quelle activité jalouse, clairvoyante, toujours en éveil exige votre mission. Empêcher, réprimer, dénoncer la contrebande et toute autre infraction et transgression aux lois et aux règlements de finances, sont des fonctions qui, aux yeux seuls des gens non consciencieux et malhonnêtes, peuvent sembler une entreprise peu noble et gênante pour les citoyens; pour la conscience civile et chrétienne, ces fonctions sont d'autant plus méritoires qu'elles sont souvent plus ardues et moins indiquées à la reconnaissance du public.

Vos multiples devoirs qui font de la douane la gardienne incorruptible des droits économiques de l'Etat et qui font de vous, aux yeux de l'étranger qui touche le sol de l'Italie, la première apparition de son peuple et de sa civilisation, évoquent à Notre esprit les dures factions du douanier dans les alpestres et inaccessibles postes de frontière, où sa surveillance doit s'exercer au milieu de difficultés et de dangers, aggravés souvent par l'inclémence des saisons et par la longue solitude.

Toutefois à côté de la technique du métier il faut souligner ses aspects moraux et spirituels :

Mais la visite au Chef de l'Église, sollicitée par vous avec tant d'ardeur et accordée par Nous avec une satisfaction non moins grande, Nous fournit aujourd'hui la preuve manifeste de l'esprit dont un si important secteur de l'armée entend inspirer sa discipline rigoureuse du devoir. C'est l'esprit du bon peuple d'Italie, dont vous êtes les fils, esprit d'antique honnêteté qui tire de son histoire son propre aliment, et de la profonde conscience religieuse sa force la plus intime.

Avec ce peuple bien-aimé, vous sentez qu'aucun devoir n'est stable, aucune conscience intrépide, si l'édifice moral de l'homme n'a pas, tel un fondement de granit, la foi en Dieu et en ses sanctions; cette foi, qui, rempart de l'Italie à travers toute son histoire, doit être le point d'appui et l'étoile de son armée, comme de toutes les autres catégories de citoyens; le soutien inébranlable pour faire face avec honneur à la fatigue de ses entreprises ardues ; l'astre lumineux pour ne pas dévier des sentiers de l'espérance dans l'effort gigantesque entrepris actuellement pour relever la patrie de ses ruines.

Et vous (même en cela véritables fils de l'Italie) vous donnez aujourd'hui la douce sensation de vouloir nourrir votre foi de cette traditionnelle piété, qui est une des gloires du peuple italien : piété qui est éclairée et fortifiée par la prière confiante, la pratique des sacrements, la dévotion à la Vierge et aux saints. Vous Nous donnez une preuve on ne peut plus aimable de l'estime que vous avez pour cette piété dans l'hommage d'une photographie agrandie représentant un groupe de douaniers offrant des fleurs à la Madone Stella Matutina d'un refuge alpin. Ce groupe, en ce lieu, devant cette petite chapelle, Nous dit, chers Fils, quelle flamme spirituelle vous voulez alimenter dans votre coeur, sous votre insigne distinctif des flammes jaunes la flamme de la dévotion à Marie qui vous accompagnera, vous purifiera, vous défendra, fera de vous de braves soldats, dans le métier comme dans votre âme, pour sortir toujours victorieux des difficultés de votre laborieuse vie matérielle et de celles encore plus graves et plus méritoires de votre vie chrétienne !

Animé de ces sentiments, Nous vous donnons à tous, ici présents, aux généraux, officiers, sous-officiers et soldats, à vos familles et à tous vos chers absents, comme réconfort dans le travail, soutien de votre foi, de votre piété, et comme gage de grâces célestes, la Bénédiction apostolique.



LETTRE DE MONSEIGNEUR MONTINI Substitut à la Secrétairerie d'État A M. FRANÇOIS HÉBRARD

Président de la Fédération Sportive de France

(16 juillet 1948.)

Du y au g août 1948 se tenaient à Paris les fêtes commémorant le 50e anniversaire de la Fédération sportive (catholique) de France. A cette occasion, la lettre suivante fut envoyée au Président de cette Fédération:

Le Saint-Père a appris que la « Fédération sportive de France pour la formation physique et morale de la jeunesse chrétienne » s'apprêtait à fêter tout prochainement le cinquantième anniversaire de sa fondation, et il a daigné me charger de vous transmettre à cette occasion ses félicitations et ses voeux.

Depuis le jour où le Dr Paul Michaux en jetait les fondements sous le nom de « Fédération gymnastique et sportive des patronages de France », cette méritante association n'a cessé de se développer, et l'ampleur qu'elle a prise en ces derniers temps, en dépit des épreuves de la guerre, démontre sa vitalité. Par ailleurs, le souci qu'ont eu toujours ses dirigeants de ne pas séparer la formation morale des adhérents de la culture proprement physique et sportive a assuré la bienfaisance de son action sur la jeunesse française : souci plus que jamais nécessaire à notre époque, en face de la vague de matérialisme qui déferle partout et fait tant de ravages parmi les jeunes.

De Saint-Père, qui a si souvent exprimé sa bienveillance à ceux qui s'adonnent au sport dans un esprit vraiment chrétien, ne peut que se réjouir de la prospérité de la Fédération sportive française et du bon esprit de ses dirigeants et de ses membres. Aussi est-ce de bon coeur qu'en ces fêtes du cinquantenaire, il leur envoie, avec ses encouragements et ses voeux les meilleurs, la Bénédiction apostolique implorée, gage d'abondantes grâces sur toutes leurs activités.


LETTRE DE MONSEIGNEUR MONTINI, Substitut à la secrétairerie d'état A SON EXC. MGR. GIOVANNI URBANI Secrétaire Général de l'Action Catholique Italienne

. (31 juillet 1948. !) ..

Des journées d'études réunissaient à Sienne, du 31 juillet au 3 août 1948, 400 dirigeants de l'Action catholique italienne. Le thème de ces journées étaient: « La mission de l'Action catholique. »

A cette occasion, le Saint-Père fit envoyer la lettre suivante:

1,'important événement de la première Assemblée générale de l'Action catholique italienne, convoquée à Sienne, sous l'égide de Saint Bernardin et de Sainte Catherine, est saluée par le Saint-Père comme un heureux symptôme et le présage plus heureux encore de ferments et d'esprits nouveaux, agissant au service de la cause chrétienne, aujourd'hui plus que jamais assaillie par des besoins pressants.

Le programme de ces assises, transmis ici par Votre Excellence, dans lequel alternent l'étude et la prière, est la preuve certaine de l'exacte conscience qui préside à cette opportune réunion; il révèle une mûre expérience des faits et des situations, une exacte vision de ce qui réclame une intervention perspicace et des initiatives éclairées, et dans tous — dans les rangs du laïcat comme dans ceux du clergé —, une volonté résolue d'action prompte et cohérente, digne de la cause de Dieu et des âmes, sans crainte des obstacles qui lui sont opposés aujourd'hui par les forces hostiles dans le domaine de la pensée et dans celui de la pratique.

1. D'après le texte italien de VOsservatore Romano du Ier août 1948, traduction française dans La Documentation Catholique, t. LXV, c. 1097.

L'Église est heureuse de voir l'Action catholique s'adapter constamment aux nécessités nouvelles:

Cette vertu de s'adapter aux besoins doit être principalement louée et encouragée dans l'Action catholique. Très fidèle à la tradition, et soucieuse surtout de l'orthodoxie de ses principes et de ses méthodes, elle a eu, en même temps, le désir et la capacité d'étudier, de comprendre les situations on ne peut plus complexes et ondoyantes du monde moderne; et elle considère à bon droit que c'est faire acte de zèle apostolique que de rénover constamment ses méthodes de travail en vue de découvrir et d'appliquer les moyens d'action les plus opportuns et les plus efficaces, et de rechercher avec un continuel et généreux dévouement où et comment le rendement de son activité peut donner une valeur plus grande à l'esprit chrétien et conquérir des adhérents plus nombreux et plus convaincus.

Il faut vulgariser la doctrine de l'Église et promouvoir l'action de l'Église en faveur de la paix internationale et de la paix sociale :

Dans cette recherche d'une activité vraiment loyale et efficace, il ne sera pas difficile à votre fervente Assemblée de reconnaître que, dans le domaine des idées, il faut avant tout donner à la doctrine catholique, dans toutes ses expressions, une plus large diffusion parmi le peuple, qui est à l'heure actuelle terriblement exposé à toutes sortes d'erreurs pernicieuses et, par conséquent, de reconnaître aussi la nécessité d'illustrer, grâce à une nouvelle apologie, que la preuve des faits rend heureusement facile et convaincante, la pensée et l'oeuvre du Souverain Pontife pour la défense de la paix, pour le bien du peuple, pour une meilleure justice sociale, pour une large et bienfaisante assistance charitable.

L'apôtre d'Action catholique devra d'abord rayonner par l'exemple d'une vie intègre :

Pareillement dans le domaine de l'action, il ne sera jamais non plus superflu de rappeler que l'urgence de confirmer par l'exemple d'une vie personnelle tout à fait intègre sa propre profession chrétienne découle actuellement et de la décadence générale des moeurs et d'un certain rigorisme moral partiel que préconisent parfois des courants adverses. Da simplicité, la pureté, l'austérité, la générosité de sa propre vie doivent apparaître comme le plus excellent argument du propagandiste catholique qui, rendu libre et fort par cette heureuse adhésion à l'inspiration évangélique, jouira ainsi d'un plus grand crédit pour proclamer et promouvoir les principes de justice et de charité sociale, dont on attend une meilleure organisation de la vie chrétienne.

Les divers organismes d'Action catholique doivent demeurer très intimement unis.

Une Assemblée comme la vôtre marquera donc pour l'Action catholique comme le début d'une nouvelle période de son existence et en attestera la pleine vitalité et la perpétuelle jeunesse, à la condition qu'au magnifique spectacle de concorde, d'aide mutuelle et de cordiale amitié, qu'elle offre déjà, correspondent dans tous les coeurs un profond respect et une docile et filiale adhésion à la hiérarchie de l'Église, et spécialement au Siège apostolique.

Aussi l'auguste Pontife accompagne de tous ses voeux les travaux de l'Assemblée, les confirme par tous ses encouragements, les corrobore par toutes ses prières. Et dès maintenant, il envoie de (tout coeur à l'Éminentissime Cardinal Président, à Votre Excellence, aux autres Excellentissimes prélats, à la Présidence générale et à tous ceux qui participent à l'important travail, la bénédiction apostolique.


MOTU PROPRIO CONCERNANT LA FORME CANONIQUE DU MARIAGE

(1er août 1948. M

Le décret Tametsi du Concile de Trente avait déclaré invalide tout mariage chrétien contracté sans la forme solennelle ainsi définie : assistance du curé propre ou d'un prêtre délégué par ce curé ou par l'Ordinaire du lieu, et de deux témoins au minimum. Cette disposition fut appliquée très différemment d'après les régions, aussi Pie X promulgua le 5 août 1907 un nouveau décret Ne Temere qui posait en principe que tout baptisé dans l'Eglise catholique et tout converti de l'hérésie ou du schisme sont tenus d'observer, à peine de nullité, la forme solennelle du mariage, que ces mêmes fidèles sont également astreints à cette loi lorsqu'ils se marient avec des non-catholiques, baptisés ou non, même après dispense d'empêchement de religion mixte ou de disparité de culte, exception pouvant être faite pour certains pays, par décision du Saint-Siège.

Le Code de 1918 devait reprendre, à part quelques expressions de détail, le texte de Pie X. Toute exception territoriale était supprimée, toutefois une nouvelle exception à caractère personnel était introduite dans le paragraphe 2 du Code art. 1099 : ne sont pas tenus d'observer la forme catholique du mariage, ceux qui voulant s'unir avec une partie non-catholique sont, bien que baptisés dans l'Eglise catholique, nés de parents non catholiques et ont été élevés dès leur enfance dans l'hérésie ou le schisme, dans l'infidélité ou sans religion.

Le Motu proprio du Ier août 1948 déclare par contre que tout baptisé dans l'Église catholique, quoi qu'il en soit de la religion des parents et de son éducation religieuse, est soumis à la loi qui veut pour la validité du mariage l'observation de la forme définie par le Code.

Le Pape décrète que tous les baptisés dans l'Église catholique sont tenus d'observer la forme canonique du mariage.




Le décret Ne Temere promulgué par l'ordre de Notre prédécesseur Pie X, déclarait dans son article XI que tous ceux qui avaient été baptisés dans l'Église catholique, même s'ils avaient après coup abandonné l'Église, étaient tenus d'observer la forme du mariage telle que le Concile de Trente l'avait définie.

Cependant afin que ne deviennent pas invalides les mariages de ceux qui nés de parents non catholiques, mais baptisés dans l'Église catholique furent élevés depuis leur enfance, soit dans l'hérésie, soit dans le schisme, soit dans l'incroyance, soit en dehors de toute religion, le Code de Droit canonique décida que ces baptisés n'étaient pas tenus d'observer la forme canonique du mariage.

Or l'expérience de trente années 1 a montré à suffisance que cette exemption — permettant de ne pas observer la forme canonique du mariage — concédée aux baptisés dans l'Église catholique, ne fut pas favorable au bien des âmes, tout au contraire, pour la solution des cas elle a souvent multiplié les difficultés, c'est pourquoi, il Nous a paru opportun de supprimer l'exemption citée.

C'est pourquoi après avoir consulté les membres de la Suprême Congrégation du S. Office de Notre propre mouvement et usant de la plénitude de Notre pouvoir apostolique, nous déclarons et décidons que tous les baptisés dans l'Église catholique sont tenus d'observer la forme canonique du mariage. Nous abrogeons le paragraphe 2 de l'article 1099 et ordonnons que les mots : « de même ceux qui sont nés de parents non catholiques, bien qu'ils aient été baptisés dans l'Église catholique et qui depuis leur enfance ont été élevés soit dans l'hérésie, soit dans le schisme, soit dans l'incroyance, soit en dehors de toute religion, chaque fois qu'ils ont contracté mariage avec une personne non catholique », soient biffés de l'article 1099.

Profitant de cette occasion, nous avertissons les missionnaires et les autres prêtres, afin qu'ils observent saintement ce qui est prescrit par les articles 750 et 751 2.

1. Ces trente années comportent l'espace de temps qui s'est écoulé depuis la promulgation du nouveau Droit canon en 1918 jusqu'à 1948, date du présent décret.
2. D'après le canon CIS 750 un enfant d'infidèles peut être baptisé licitement, même contre le gré des parents, lorsqu'en raison de son état de santé actuel on peut prudemment prévoir qu'il mourra avant d'avoir atteint l'âge de raison.



En dehors du péril de mort, le baptême de ces enfants n'est licite que si on peut pourvoir à leur éducation catholique et si le prêtre a obtenu le consentement des parents ou du tuteur, au moins de l'un d'eux, sauf si l'enfant n'a plus de parents ou de tuteur, ou si ces derniers ont perdu leurs droits sur l'enfant ou ne peuvent les exercer.

Le canon CIS 751 déclare que les règles énoncées dans le canon CIS 750 s'appliquent en général pour le baptême des enfants de deux hérétiques ou schismatiques ou de deux catholiques tombés dans l'apostasie, l'hérésie ou le schisme.

Le rappel de ces mesures de prudence se comprend étant donnée leur connexion avec le point précis réglé par le Motu proprio actuel et leur observation permettra d'éviter des cas inutiles de mariages invalides.

1. Étant donnée l'importance de cette modification de la loi canonique, le délai de vacation de la nouvelle loi dépasse les trois mois habituels; elle n'entre en vigueur que le Ier janvier 1949 à o heure. Cette loi ne peut avoir aucun effet rétroactif, les mariages contractés jusqu'au 31 décembre 1948 sont donc régis par le paragraphe 2 du canon 1099 puisqu'il garde jusqu'à cette date sa validité de loi.
(D'après le R. P. A. Delchard S. J. Motu proprio « Decretum Ne Temere » du Ier août 1948 dans la Nouvelle Revue Théologique, décembre 1948, p. 1080).


Nous ordonnons que ces Dettres apostoliques écrites sous forme de Motu proprio soient consignées dans les Acta Apostolicae Sedis et que ce qu'elles prescrivent entre en vigueur à partir du Ier janvier 1949 ».



LETTRE PROCLAMANT SAINT JOSEPH CALASANCE PATRON DES ÉCOLES CATHOLIQUES (13 août 1948.*)

Saint Joseph Calasance (Calasanzio) est un prêtre espagnol né en Aragon en 1556 et mort en 1648; il se consacra à l'éducation des enfants du peuple et fonda en Italie une congrégation vouée à l'enseignement (Ordre des Écoles Pies-Scolopi).

Il fut béatifié en 1748 et canonisé en 1767. A l'occasion du tricentenaire de sa mort, le Saint-Père écrivit la lettre que voici :

La Providence de Dieu ne cesse jamais de fortifier son Église par une aide opportune ni de la défendre contre les efforts impies de ses ennemis par des secours proportionnés aux circonstances. C'est Elle qui Nous permet, dans sa miséricorde et devant notre désir de promouvoir le bien de la communauté chrétienne, de faire face à ces obligations du Pasteur suprême que semblent requérir devantage la conjoncture actuelle. Car à cette époque, la bonne éducation des enfants et des jeunes gens est devenue d'autant plus nécessaire qu'elle s'est avérée plus difficile pour de nombreux motifs connus de tous. Les ennemis de la vérité, d'autre part ne reculant pas devant la plus cynique des calomnies, n'hésitent pas à répandre que l'Église catholique ne s'est jamais préoccupée des classes les plus humbles, ou que, si elle l'a fait, ce ne fut que rarement et à mauvais escient.

L'occasion Nous semble donc propice de rappeler à l'esprit des fidèles l'importance des efforts que fit de tous les temps l'Église du Christ, grâce au travail et au zèle de ses Saints, afin que les enfants et jeunes gens les plus pauvres et les plus dénués puissent être dirigés sur le chemin de la vertu et soient instruits gratuitement dans les lettres, les sciences et les arts, en un mot dans tout ce qui est humain. Dans peu de temps, en effet, se célébrera dans la joie le troisième centenaire du jour où s'endormit dans le Seigneur Saint Joseph Calasance, fondateur de l'Ordre des Pauvres Clercs des Écoles Pies de la Mère de Dieu, homme vénérable par l'âge et par ses mérites surabondants. Ce sera également l'anniversaire du second centenaire de la béatification solennelle dans la Basilique Vaticane, par les soins de Notre prédécesseur Benoît XIV, de ce saint homme qui fut considéré à bon droit par ses contemporains comme l'ange et le prince de la jeunesse studieuse.

Par une lettre adressée au Supérieur Général, Nous Nous sommes déjà unis à la double joie de l'Ordre susdit qui a bien mérité de l'éducation chrétienne *.

1. Lettre au Supérieur Général de l'Ordre des Pauvres Clercs Réguliers des Ecoles Pies le 12 juillet 1948 (A. A. S. XL, 1948, p. 369).


Nous désirons maintenant donner une nouvelle preuve de Notre bonne volonté vis-à-vis de la famille religieuse de Calasance et, obéissant aux ordres de notre divin Maître, Nous manifestons en même temps, de façon répétée, Notre paternelle et constante sollicitude envers les enfants et les jeunes gens pauvres et dénués de ressources.

Il est souhaitable, en conséquence, que l'ensemble des fidèles se montrent reconnaissants des mérites de S. Joseph Calasance, de ses disciples et des Écoles Pies, qu'ils suivent les exemples donnés par le Père fondateur et d'autres hommes vénérables et qu'ils apportent leur aide selon leurs moyens aux oeuvres florissantes de cet Ordre louable.

Il est prouvé en effet, par des documents sérieux et indubitables que Calasance fonda la première école publique de l'Europe pour l'instruction gratuite des enfants pauvres et abandonnés; il le fit dans cette ville de Rome, à l'église de Sainte Dorothée, près du pont de Xyste, en l'année 1597. C'est d'ailleurs depuis son ordination sacerdotale reçue en Espagne, sa patrie, alors qu'il était Vicaire général du diocèse d'Orgel, que le Serviteur de Dieu se sentit appelé d'en haut à s'attaquer à cette oeuvre si salutaire et si indispensable à son époque. On raconte, en effet, que lorsqu'il séjournait dans cette ville, il entendit une voix intime lui répéter à plusieurs reprises : Va à Rome, Joseph, va à Rome. Comme, l'esprit divisé, il hésitait, il vit en songe une multitude innombrable d'enfants. Dui-même exhortait ces esprits encore tendres et ces coeurs juvéniles et les instruisait dans les domaines de la piété et des lettres en les enseignant. Joseph se souvint de cette vision lorsque, venu à Rome, il vit un jour, en traversant une place publique, une véritable armée d'enfants exposant des choses honteuses avec une telle licence qu'ils faisaient la preuve plus que suffisante de leur précoce corruption. Sitôt qu'il a reconnu ces choses, il est pris de pitié, et entend en lui-même ces paroles du Saint-Esprit : « Voilà que le pauvre est abandonné : tu seras le secours de l'orphelin. » Calasance fonde alors, comme Nous l'avons dit, ces Ecoles qu'il voulut qu'on appela pies, montrant ainsi clairement leur nature et leur fin. Notre-Seigneur et sa très Sainte Mère ne cessaient jamais de les protéger manifestement au travers des difficultés, adversités et nombreuses persécutions. Beaucoup de Nos prédécesseurs, depuis leur fondation, leur témoignèrent leur faveur bienveillante.

Clément VIII, en effet, dès qu'il eut connaissance de la décision de Calasance d'éduquer gratuitement les enfants du peuple, couvrit l'entreprise de son patronage et il eût approuvé officiellement les Écoles pies s'il n'en avait été empêché par la mort. Paul V déclara que l'oeuvre de Joseph avait « Dieu pour auteur » et en 1617, institua la Congrégation des Écoles Pies qu'il voulut qu'on nomma de son nom « Pauline ». Grégoire XV à qui Joseph, demeurant à Warni et éclairé par la lumière divine, avait prédit son élection au Souverain Pontificat, fut le principal ami du Saint et de ses compagnons : par sa Constitution apostolique « In supremo apostolatus solio » de l'an 1621, il éleva la Congrégation Pauline au rang d'Ordre religieux et approuva peu après ses Constitutions; Urbain VIII défendit que d'autres usent du nom des Écoles Pies dans un but lucratif; Alexandre VII introduisit la cause de Béatification de Joseph; Clément IX approuva et confirma toutes les faveurs et tous les privilèges concédés par Grégoire XV à l'ordre des Écoles Pies; Clément XI déclara de même solennellement que la mission de Joseph lui avait été inspirée du ciel spécialement « pour montrer l'exemple d'une éducation universelle chrétienne et populaire ». Benoît XIV ensuite, qui appela Calasance le « Job de la loi de grâce », le plaça au nombre des « Bienheureux » il y a exactement deux siècles, comme Nous le disions plus haut. Clément XIII le recensa dans l'album des Saints en l'année 1767. Enfin Benoît XV, d'heureuse mémoire, à notre époque en un document édité en 1917, sanctionna hautement le primat du Saint fondateur des Écoles pies en ce qui concerne l'éducation gratuite des enfants pauvres. Rien d'étonnant dès lors si les Écoles pies, appuyées par de tels secours célestes, encouragées par tant de louanges et de suffrages et protégées contre leurs détracteurs, ont pu se répandre en peu de temps en Italie, en Europe et en Amérique, produire partout des fruits abondants de vertu, et de science et y fleurir encore aujourd'hui pour l'ornement et la joie de la Sainte Église et pour l'utilité de la jeunesse chrétienne. De celle-ci, Saint Joseph Calasance doit être considéré comme un des Pères les plus importants et un Maître très aimé. Nous avons rappelé toutes ces choses à votre souvenir et désirons nous attacher à suivre les traces de tous les Pontifes romains qui Nous précédèrent dans cette chaire de Pierre durant ces trois derniers siècles. Notre cher fils, le Procureur général de l'ordre des Pauvres Clercs réguliers des Écoles pies de la Mère de Dieu, exprimant le voeu de tout son Ordre, Nous a demandé humblement mais instamment de perpétuer la mémoire de la célébration de ce double centenaire dont Nous avons parlé et de daigner choisir dans Notre bienveillance, Saint Joseph Calasance comme Patron de l'éducation populaire, suivant un voeu déjà ancien des fils de Calasance, autrefois manifesté au Siège Apostolique. Nous avons bien volontiers décidé d'accéder à ce désir. C'est pourquoi, ayant pris l'avis de Notre Vénérable Frère le Cardinal S. E. R. Clément Micara, évêque de Velletri, et Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, par la teneur des présentes Lettres, et la plénitude de Notre pouvoir Apostolique, Nous constituons, choisissons et déclarons à jamais Saint Joseph Calasance, Confesseur, Patron céleste auprès de Dieu de toutes les écoles chrétiennes populaires existantes partout dans le monde, nonobstant toutes choses contraires.

Nous édictons et promulguons ces dispositions, décrétant que les présentes Dettres sont et restent valables, valides et efficaces, qu'elles obtiennent et sortent leurs pleins effets, qu'elles s'appliquent entièrement à ceux qu'elles concernent ou peuvent concerner et que tout ce qui pourrait leur attenter, au su ou à l'insu de son auteur, devient nul et non avenu à partir de maintenant quelle que soit l'autorité qui en est le garant.



Pie XII 1948 - DISCOURS A Son Exc. M. EMMANUEL LARRES RIBADENEIRA Ambassadeur de l'Equateur \21