Pie XII 1948 - RADIOMESSAGE AU CONGRÈS CATHOLIQUE DE MAYENCE (5 septembre 1948) \21

RADIOMESSAGE AU CONGRÈS CATHOLIQUE DE MAYENCE (5 septembre 1948) \21

Depuis 1848, se tient annuellement en Allemagne le Katholikentag, c'est-à-dire l'Assemblée générale des catholiques allemands qui passent en revue la situation de la religion vis-à-vis de l'état social du moment et prennent des décisions pour assurer les développements nécessaires à la vie catholique.

Le dernier Congrès eut lieu à Essen en 1932 et cette année c'est Mayence qui accueille la 72e session. A la journée de clôture, il y eut plus de 100.000 participants.

Le Saint-Père évoque dans un radiomessage ses propres souvenirs des Congrès antérieurs:

Comment aurions-Nous pu ne pas répondre favorablement à l'aimable invitation que Notre Frère vénéré, l'Archevêque de Mayence, Nous a faite de vous adresser un message paternel et de vous donner Notre Bénédiction à vous, qui, selon une ancienne coutume êtes réunis dans sa ville episcopale pour y tenir votre Katholikentag !

Il Nous sera bien permis de Nous compter parmi ceux qui prirent une part active à la grande oeuvre des Congrès catholiques allemands !

Huit fois, au moins, il Nous fut donné de vous parler en qualité de nonce apostolique et de transmettre aux participants le salut et la Bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ8 :

Alors que les ondes aériennes portent Nos paroles à vos oreilles, devant le regard de Notre esprit se dresse l'image de cette Mayence pleine d'admiration et de bonheur, qui célé

1. D'après le texte allemand des A. A. S. XL, 1948, p. 417; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLV, col. 1436.

2. Durant sa nonciature en Allemagne, le Cardinal Pacelli assista chaque année au Katholikentag de 1922 à 1929.

brait en 1928 les fêtes de sa cathédrale. La brillante sérénade sur la place Gutenberg, la cathédrale qui surgissant d'un océan de lumière, se dressait vers le ciel, la foule immense qui, dans la grande salle municipale, était soulevée par ses sentiments d'amour pour la patrie et de fidélité à la foi, tous ces agréables souvenirs Nous assaillent et Nous pénètrent, tandis que sur Notre âme pèse douloureusement le contraste brutal entre l'allégresse d'hier et les souffrances d'aujourd'hui.

Une importance spéciale et considérable s'attache au Congrès de cette année. Il vous permet de fêter le centenaire de ces journées ou fièrement sont passées en revue les forces catholiques de votre peuple.

Ce Congrès est à nouveau le premier de son genre après une interruption forcée de trois lustres, après une période qui a connu les temps les plus sombres et les plus bouleversés que l'histoire de l'Allemagne ait enregistrés depuis ses lointaines origines. Le Congrès de cette année doit, en outre, montrer à vos chefs la route vers l'avenir, un avenir dont les ténèbres pèsent lourd sur vos âmes, et dont vous savez seulement que, soit au spirituel, soit au temporel, vous aurez à frayer votre chemin dans un rude labeur plein de renoncements 1.

1. Pie XII a longuement développé ce même thème dans une Lettre à l'Épis-copat allemand du Ier mars 1948, cf. p. 88.



Le Saint-Père dresse le bilan des cent années d'activité des Congrès Allemands :

Pourtant si en ce jour, vous jetez un regard en arrière sur les cent années écoulées, il faut que domine en vous, malgré les misères présentes, un sentiment de joie et de reconnaissance envers Dieu.

Ce siècle a été témoin de vos luttes prolongées et souvent mouvementées pour la liberté de l'Église et pour l'égalité des droits des catholiques dans la vie publique; et ces combats, vous les avez menés avec succès.

Ce furent cent années d'une activité féconde et bien organisée. Ce fut un siècle d'efforts tenaces pour venir à bout des misères sociales, soit par des échanges d'idées, soit par des réalisations vivantes et bienfaisantes. Vous avez travaillé d'une façon exemplaire dans ce domaine, et vous avez été un stimulant pour beaucoup d'autres.

Ce furent cent années de créations remarquables sur le plan de la science et de la culture, pour les écoles et pour l'éducation.

Cent ans aussi de zèle infatigable en faveur des millions de catholiques disséminés dans votre pays et, en même temps, d'une activité pleine de générosité et d'audace au profit des Missions. Si le nombre et le dénuement de vos frères dispersés dans la Diaspora ont plus que doublé aujourd'hui, au point qu'ils constituent une véritable terre de Mission qui réclame un secours immédiat, faites-vous cependant un point d'honneur de conserver dans l'avenir la place importante que vous avez toujours occupée dans les Missions Catholiques mondiales. Demeurez bien convaincus que vous êtes un membre de la grande famille catholique qui embrasse toute la terre.

Deux fois, pendant ce siècle, vous avez été en butte aux attaques acharnées d'un pouvoir civil ennemi de l'Église, et qui avait pour lui l'avantage de la force 1. Vous avez dû travailler au milieu de tourmentes dangereuses et persistantes. Mais Dieu, de sa main puissante, vous a conduits avec beaucoup de miséricorde. Pour ces bienfaits et tous ceux que vous avez reçus au cours de ces cent années, qu'une reconnaissance humble et joyeuse monte de vos coeurs et de vos lèvres vers le Tout-Puissant.

1. Les catholiques allemands ont été persécutés par :
— le Kulturkampf de Bismarck de 1871 à 1880.
— le nazisme de Hitler de 1933 ^ io45-



Le Souverain Pontife annonce qu'il faut regarder en face les tâches des temps à venir:

Et maintenant, Chers Fils et Filles, il s'agit de tourner les yeux vers l'avenir.

Il y a juste cent ans retentissait dans votre pays l'annonce d'un renversement brutal de toute l'organisation sociale existante 2. Et c'est chez vous précisément que cette parole s'est vérifiée, dans des proportions immenses et des circonstances épouvantables. Vos villes détruites sont le témoignage éloquent de sa réalisation, et Nous ne pouvons, sans une profonde tristesse, Nous rappeler la « Mayence dorée », où la faveur Nous fut donnée, il y a vingt ans, environ, de participer aux fêtes inoubliables de sa cathédrale. Ce qui est devenu, depuis lors le symbole de cette ville, c'est la tombe des pieuses Soeurs Capucines de l'Adoration perpétuelle qui, sous la pluie de feu d'une sombre nuit, groupées autour de leur Supérieure, purent offrir en commun le sacrifice de leur vie.

2. En 1848, Karl Marx publie le Manifeste du Parti communiste.


En vue de construire l'avenir, Pie XII donne des consignes:

Des transformations profondes — et douloureuses, comme il arrive souvent — bouleversent votre vie économique, politique, sociale et religieuse aussi. Ceux qui sont aux postes de commandement ne doivent pas l'oublier un seul instant.

Tout d'abord, il faut avoir l'audace de se mettre en face des réalités nouvelles :

La connaissance du passé leur est nécessaire pour qu'ils y prennent des leçons. Mais qu'ils ne s'attachent pas au passé d'une manière unilatérale. Leur devoir est de rester, au bon sens du mot, proches de la réalité.

Toutefois la loi éternelle de Dieu subsiste toujours identique et les principes de la doctrine sociale de l'Église demeurent invariés:

Cependant, l'annonce d'un bouleversement total de l'ordre existant ne se réalisera pas complètement : non, pas même dans les rapports temporels de ce monde. Le Dieu des siècles passés vit encore. Sa loi conserve toute sa valeur. Elle vaudra toujours, et c'est sur elle qu'est bâtie la doctrine sociale de l'Église catholique. Gardez courageusement et fidèlement votre ligne de conduite, sans vous écarter ni à droite ni à gauche.

Il est vraisemblable que les catholiques allemands auront encore des luttes à soutenir: 1

1. De nombreuses Lettres Pastorales de l'Episcopat allemand ont protesté avec violence contre les décisions, soit des autorités occupantes, soit des autorités allemandes qui ne respectaient pas le droit des catholiques à avoir un enseignement propre :
— Lettre Pastorale de Son Exc. Mgr Conrad Groeber archevêque de Fribourg en Brisgau, le 17 avril 1945.
— Lettre Pastorale de S. Em. le Cardinal Frings, archevêque de Cologne, le 15 août 1945.
— Déclaration des Evêques allemands réunis à Fulda, le 23 août 1945.
— Lettre Pastorale de Son Em. le Cardinal von Preysing, évêque de Berlin, 10 octobre 1945, etc.

S'il faut en croire les signes des temps, l'avenir encore exigera de vous une lutte généreuse pour la liberté de l'Église, pour votre droit et le droit des parents sur l'enfant, sur l'éducation et sur l'école. Dans certaines régions du pays, ce combat peut même devenir une lutte à mort. D'hostilité à l'Église change d'étiquette et de forme, mais les buts poursuivis par les adversaires demeurent essentiellement les mêmes.

Protestants et catholiques ont connu durant le régime nazi des épreuves semblables; ensemble, ils ont souffert et lutté; d'une plus grande estime des uns pour les autres est né un désir plus grand de se réunir. Quelle doit être l'attitude des catholiques devant ces efforts de réunion 1?

1. Une vaste organisation vouée à la réunion des chrétiens a pris de l'extension durant la guerre en Allemagne, avec l'approbation de l'autorité ecclésiastique, sous le nom de Una sancta, Union pour l'entente des confessions chrétiennes. Le Dr Laros, curé de Kappellen-Stolzenfelds est le président actuel de VUna sancta.
Sur ce même sujet, on lira p. 220, l'Avertissement du Saint-Office du 5 juin 1948.

Tout d'abord une grande charité envers les non-catholiques :

Nous savons combien est chez beaucoup de vos concitoyens, catholiques et non-catholiques, l'aspiration vers l'unité dans la foi. Chez qui ce désir pourrait-il être plus vivement ressenti que chez le Vicaire du Christ? Ces croyants séparés, l'Église les entoure d'une affection sincère, faisant des prières ardentes pour qu'ils reviennent à leur Mère, et Dieu sait que beaucoup d'entre eux s'en trouvent éloignés sans aucune faute de leur part.

Ensuite une grande fermeté sur les principes :

Si l'Église se montre inflexible à l'égard de tout ce qui pourrait éveiller même l'apparence d'un compromis, d'un accommodement de la foi catholique avec d'autres croyances religieuses, ou d'une confusion, elle agit ainsi parce qu'elle sait qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura jamais qu'un seul dépôt absolument sûr de la vérité et de toutes les grâces apportées par le Christ, et que, suivant la volonté expresse de son divin Fondateur, elle est elle-même ce dépôt2.


2. De son côté S. Em. le Cardinal Frings, archevêque de Cologne disait :
« Quant aux relations entre catholiques et non-catholiques, ce qu'il faut louer c'est la tolérance sur le plan civil et non sur le plan dogmatique. Il faut encourager le respect des convictions d'autrui et la collaboration pour la défense des libertés chrétiennes. Mais là ne se bornent pas nos obligations. Celui qu'anime la vraie charité fraternelle l'amour de la vérité, celui-là fera tout son possible pour que ceux qui sont dans l'erreur reconnaissent la vérité catholique. Il priera pour eux, il leur donnera l'exemple, il leur parlera aussi à l'occasion. Il n'y a en effet, qu'une seule Église oecuménique, c'est l'Église catholique fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ sur la « pierre » et à cette Église tous doivent revenir comme toutes les eaux éparses sur la terre reviennent à la mer d'où elles sortent. » (Lettre Pastorale du 21 novembre 1946.)



Il faut surtout dans l'oeuvre de renaissance spirituelle faire appel à l'Action Catholique:

Les tâches du ministère des âmes, aujourd'hui, et demain, ne pourront pas s'accomplir si, dans une mesure plus grande encore que dans le passé, les laïques ne mettent pas leur aide à la disposition de l'apostolat hiérarchique. Les expériences du ministère, dans les circonstances troublées et souvent inextricables de ces dernières années, •ont précisément démontré combien souvent le prêtre, malgré sa meilleure bonne volonté, est incapable d'accomplir son oeuvre sans la collaboration des laïques. Ce que Nous avons exposé en 1938, au Congrès de Magdebourg touchant l'Action Catholique est peut-être aujourd'hui encore plus approprié que jadis.


Durant ces cent dernières années un nombre imposant de catholiques laïcs ont manifesté une foi solide:

Nous désirons qu'un trésor vous soit pleinement légué comme héritage précieux du passé : l'esprit dont furent animés les meilleurs d'entre les vôtres, prêtres et laïques, qui, au cours de ces cent dernières années, ont lutté pour le triomphe de la cause catholique. Cet esprit puisait sa force dans une foi vive et vivifiante. Ces lutteurs surent joindre au combat la prière humble et constante. Ils aimaient le Christ et son Église. Une fidélité touchante les groupait autour du Chef suprême de l'Église, le Pape.

Parmi les éveques qui ont le plus contribué il y a un siècle à édifier l'Église catholique en Allemagne, il faut citer l'évêque de Mayence Guillaume-Emmanuel von Ketteler qui précisément, il y a cent ans présidait le premier Katholikentag.

Pour ne citer que le nom d'un seul parmi eux, lequel choisirions-Nous quand vous tenez vos assises à Mayence, si ce n'est celui de Wilhelm-Emmanuel von Ketteler? Lui, auprès du tombeau de qui Nous-même avons jadis prié avec un profond respect et une sincère émotion, a été un des initiateurs des Assemblées des catholiques allemands. Il se tenait au premier rang des défenseurs des droits de l'Église, au premier rang aussi des évêques. Il fut un digne successeur de Saint Boniface, votre grand apôtre qui, en ces jours, est sans doute en esprit au milieu de vous.

Mgr de Ketteler fut au premier rang des pionniers de la justice sociale et de la charité. De son regard prophétique, il prévoyait les problèmes que l'avenir allait poser. Et si les solutions qu'il préconisa ne furent pas toutes exemptes d'erreurs, il se montra véritablement grand dans son humble soumission à la vérité proclamée par l'Église infaillible, soumission qu'il fit avec une entière et joyeuse conviction. Et en cela aussi il vous donne un bel exemple. Que son esprit anime ceux qui, de nos jours, sont appelés à guider les catholiques allemands !


Le Pape en terminant fait appel au courage des catholiques allemands :

Acceptez les tâches que la situation difficile de la patrie vous pose ou que l'Église vous confie, avec une entière confiance en Dieu, même si, parfois, ces tâches vous semblent insolubles. Vous trouverez secours et force dans le nom du Seigneur, qui a créé le ciel et la terre. C'est à Dui que Nous vous confions, au Dieu éternel, au Père des pauvres, au Consolateur des humiliés, qui relève les affligés au coeur brisé. Nous vous recommandons à la Très Sainte Vierge et Mère de Dieu, dont les si nombreux sanctuaires en terre allemande proclament le profond esprit de foi de votre peuple. Nous vous recommandons à la glorieuse phalange des saints que votre patrie a donnée à l'Église et que l'Église a donnée à votre pays. Que la toute-puissance de Dieu et l'intercession de vos amis du ciel vous donnent la force d'âme pour ne pas vous décourager dans ces temps si difficiles qui, cependant, ne manquent pas de grandeur.

En formulant ces voeux de tout coeur, Nous vous donnons, à vous et à tout le peuple allemand, dans une affection paternelle inaltérable la Bénédiction Apostolique.



ALLOCUTION AUX DÉLÉGUÉS DE LA CONFÉRENCE DE L'UNION INTERPARLEMENTAIRE (9 septembre 1948)\21

Au cours de sa XXXVIIe Conférence tenue à Rome, la Conférence de V Union Interparlementaire, groupant des membres de 32 Parlements a eu ses délégués reçus en audience à Castel-Gandolfo par le Souverain Pontife, et celui-ci prononça l'allocution suivante:

Agréez, Messieurs, l'expression de Notre bienveillante gratitude pour les sentiments de haute déférence qui vous ont inspiré la pensée de vous grouper à l'occasion de votre XXXVIIe Conférence, autour du Chef de l'Église catholique, à qui toutes les nations sont profondément chères et qui n'a pas de plus grand désir au coeur que de les voir, en cordiale union, sincèrement et efficacement travailler chacune au bien de tous.


Le Pape loue les buts de l'Union interparlementaire:

Qu'il Nous soit permis de proclamer devant vous Notre intime conviction d'une particulière sollicitude de la Providence divine à l'égard de votre Institution interparlementaire. Celle-ci, qui s'applique à mettre et maintenir en contact et en amicale collaboration les représentants officiels des nations les plus diverses, a pourtant, fait remarquable, survécu à la terrible épreuve de deux guerres mondiales, d'innombrables changements, de régimes politiques, et, loin de s'en laisser décourager elle a repris, aussitôt que possible, après chacune de ces crises, qui eussent pu être mortelles, son activité salutaire. Bien plus, et l'on serait tenté de dire que chacune de ces crises nationales et internationales n'a fait que souligner l'opportunité de votre Institution et que stimuler encore votre zèle. N'en doutez pas : votre louable et victorieuse obstination ne peut manquer d'atteindre, un jour ou l'autre — et Nous le souhaitons prochain — le haut idéal auquel vous visez et vers lequel vous montez énergiquement en dépit des obstacles et des difficultés.

D'objet de vos réunions est toujours du plus puissant intérêt pour la prospérité des peuples et marque avec netteté votre préoccupation de travailler, dans la mesure en votre pouvoir, par-dessus les frontières de territoires et de partis, à réaliser le bien auquel, selon votre programme, vous consacrez tous vos efforts.

Permettez-Nous d'exprimer, au sujet de ce programme, et des travaux de votre Conférence, deux considérations si étroitement liées entre elles qu'elles se conditionnent et s'entraînent l'une l'autre.

Les discussions entre pays divers permettent d'atteindre des objectifs concrets car les hommes qui en sont l'objet, sont partout fondamentalement les mêmes K

Da force de votre Institution s'appuie sur le fait de l'identité, sous toutes les latitudes, et dans tous les climats, de la nature de l'homme. Partout, le sens inné du droit se retrouve, invariable et indestructible en soi, mais susceptible d'être altéré par les passions.

Cependant chaque individu et chaque société a des droits propres; il faut aussi respecter ces derniers, tout en promouvant l'unité entre tous:

A vous de travailler ensemble à le maintenir intact, à le faire mûrir et éclore, en dépit de toutes les exigences de l'égoïsme régional ou national; de l'égoïsme, disons-Nous, et non des droits incontestables des nécessités réelles. Celles-ci, au contraire, le juste et impartial sens du droit doit les reconnaître expressément. Concilier ensemble ces intérêts particuliers, supposés tous également légitimes, est une tâche fort malaisée; elle n'est pas inabordable. On peut toujours finir par trouver la voie vers un accord entre les parties par quelque compromis supportable et même acceptable.

1. On trouvera la même pensée dans le Discours aux membres de l'Institut international pour l'Unification du droit privé (20 mai 1948), p. 192.

Les solutions vraies aux problèmes posés par la diversité des nations et des groupes, ne sont pas à chercher dans la force mais dans la libre discussion entre gens éclairés et de bonne volonté:

N'y aurait-il donc d'autre ressource que la guerre ou la contrainte de la force brutale pour répondre à ces nécessités particulières?

Aussi aurions-Nous eu plaisir à savoir, dans vos rangs, des représentants de toutes les nations. Du contact de vos idées auraient jailli plus spontanément et plus largement les étincelles — non point celles dont la déflagration allume et attise les conflits, — mais les étincelles doucement lumineuses qui font briller partout la clarté, dans le respect du droit des autres.

Une saine propagande doit diffuser les idées mises en avant par les délibérations de l'Union interparlementaire et contrecarrer efficacement les théories et slogans répandus par la propagande malsaine.

Puisse d'une manière spéciale, votre Institution, comme elle l'a certainement déjà fait, exercer sa bienfaisante influence sur la puissance, si souvent fâcheuse, de la propagande, pour lui faire dire, en chaque occurrence, la vérité, et la vérité intacte, inviolée. Ce serait là un grand progrès sur la route de la paix. Nous les connaissons bien hélas ! les obstacles qui s'opposent à cette idéale véracité. Toujours est-il que l'on peut, que l'on doit y tendre, avec effort, pas à pas. En tous cas, il faudrait bien que cesse l'intolérable situation d'une propagande de clocher qui, sans le moindre souci de la vérité, s'abaisse au rôle de servante aveuglément docile des égoïsmes de partis ou de nations.


Pie XII indique la mission échue à l'Union interparlementaire:

De ce double point de vue, votre Institut est à même de ... prêter un concours éminemment précieux à la cause de la paix, grâce à la mise en commun de toutes les possibilités internationales, qui, chez vous, s'unissent à la rectitude de la pensée juridique et au bon vouloir, grâce à une compréhension réciproque, loyale et bienveillante, grâce à l'étude amicale des controverses dans l'intention de découvrir les points d'accord qui permettraient de terminer les différends, grâce, enfin, à l'établissement de relations mutuelles qui, même dans l'opposition des idées, établissent cependant une atmosphère de

sympathie entre les adversaires, sympathie de caractère plus personnel, peut-être qu'objectif, mais, qui, néanmoins, facilite grandement la sérénité des échanges de vues et des discussions, en créant ce que l'on a appelé « le préjugé favorable », tout au moins à l'égard de la sincérité, de la droiture des intentions et de la bonne volonté.

Comment n'aurions-Nous pas à coeur le succès et le fruit de rencontres comme les vôtres, et c'est pourquoi, avec toute la ferveur de Notre prière, Nous appelons, Messieurs, sur vos travaux, sur vos personnes, sur vos patries respectives, l'abondance des lumières et des bénédictions divines.



ALLOCUTION AUX DONNEURS DE SANG (9 septembre 1948)\21

L'Association italienne des Donneurs de sang tenant un Congrès à Rome fut reçue en audience par le Pape qui déclara :

Votre nom de « volontaires du sang » vous donne, chers Fils, déjà lui-même un titre spécial à Notre accueil paternel. Un titre spécial, car lorsque Nous jetons le regard sur votre groupe si nombreux, Nous voyons en esprit et adorons le souverain et divin Donneur de son sang, Jésus, Rédempteur, Sauveur, Vivificateur des hommes.

Modèle de toute charité, il est le vôtre d'une manière toute particulière. Sans doute, c'est une preuve admirable de générosité, d'amour, de dévouement, que de verser son sang dans la lutte pour une cause noble et sainte, et il est juste d'attribuer à ces héros la palme de la gloire. Mais donner son sang pour la santé d'inconnus ou même d'ingrats, qui oublieront peut-être ou ne chercheront même pas à connaître le nom et les traits du visage de leur sauveur; faire don de sa propre vigueur uniquement pour communiquer ou rendre à d'autres celle qu'ils ont perdue; ne rétablir ses forces épuisées que pour recommencer et renouveler le même don et le même sacrifice : telle est l'oeuvre à laquelle vous vous êtes généreusement voués.

N'est-ce pas là ce que d'une manière infiniment plus élevée, a fait et continue à faire Jésus? Il a versé son sang au cours de sa vie mortelle pendant la passion, jusqu'à la mort de la croix, jusqu'au transpercement de son coeur, d'où sortit la dernière goutte de son précieux sang. Entré dans sa gloire et dans son indéfectible bonheur, ce Jésus renouvelle sur l'autel l'offrande du même sang pour tous et pour chacun des hommes, ses frères. Oui, en cela, le Christ est pour vous un inspirateur et un excellent modèle. Mais il est plus encore.

Nous aimons à penser que tous, autant que vous êtes ici présents, donneurs bénévoles de votre sang, vous savez trouver dans le Christ plus qu'un exemple à imiter, plus qu'un idéal dont la beauté vous stimule et vous entraîne. Son action sur vous et en vous est infiniment plus profonde. Une philanthropie noble, mais purement humaine, ne vous satisfait pas, vous vous élevez aux hauteurs de la vraie charité chrétienne.

Aux malades, aux blessés, qui vous doivent leur guérison, vous n'administrez pas comme un remède quelconque les gouttes matérielles de votre sang. Et cela ne s'applique pas au moyen d'une simple potion, mais par une transfusion : et cette transfusion admirable fait passer de vous en eux, avec votre sang, avec votre vigueur, dont vous leur faites don, quelque chose de votre propre vie, qui vous confère, à leur égard, pour ainsi dire une sorte de paternité. Deur sang pourra bien ensuite se renouveler ; mais il sera toujours, en un certain sens, comme celui de leur père, qui continuera à couler dans leurs veines et à circuler sous l'action de leur coeur vivifié par vous, dans tout leur organisme.

N'est-ce pas là, peut-être, dans une réalité infiniment supérieure, ce que réalise le sang du Christ dans le chrétien? Et qui pourrait mieux le comprendre que vous, pour autant qu'il soit possible de comprendre un mystère aussi sublime? Par ce sang, nous avons été rachetés et sauvés ; dans ce sang, les taches de notre âme sont lavées; la voix de ce sang plaide pour nous devant le trône de la justice éternelle. Ces vérités, qu'enseigne la Sainte Écriture, remplissent d'admiration et de reconnaissance l'esprit et le coeur de celui qui les entrevoit et se plaît à les goûter dans la foi. Cela ne suffit pas encore à l'amour de Jésus. Dans la Sainte Eucharistie, nous recevons avec son corps tout son sang, et avec son sang sa vie et sa force. C'est ainsi que l'apôtre saint Paul pouvait s'écrier : « Je vis, oui, mais ce n'est plus seulement ma pauvre vie : le Christ vit en moi et je vis de lui. » (Cf. Ga 2,30.)

Comme votre sang dans les veines de ceux qui vous doivent la vie et la santé, ainsi le sang du Christ fait passer en vous cette participation à la vie divine que nous appelons grâce sanctifiante et qui nous fait devenir de vrais enfants de Dieu.

Si toutefois il en était parmi vous qui ne possèdent pas encore cette vie, pour ne l'avoir pas connue ou pour l'avoir perdue, ils peuvent en récompense de leur générosité, recevoir du grand Donneur de sang, Jésus-Christ, cette vie divine, qui germe ici-bas pour s'épanouir dans l'éternité. Et c'est pourquoi, en implorant pour eux cette grâce et pour vous tous une abondance toujours plus large des faveurs célestes, Nous vous donnons de tout coeur à vous et à tous ceux qui vous sont chers, la Bénédiction apostolique.




ALLOCUTION AUX INSTITUTEURS CATHOLIQUES D'ITALIE (il septembre 1948) \21

Le Saint-Père a reçu en audience les délègues du Congrès national de VAssociation italienne des Instituteurs catholiques 2.
1. D'après le texte italien de VOsservatore Romano du 12 septembre 1948.
2. D'autres discours ont été adressés par le Pape Pie XII aux instituteurs catholiques : le 4 novembre 1945 et le 8 septembre 1946.

Il Nous est particulièrement agréable, chers fils et filles, qu'à l'occasion de votre second congrès national, vous vous soyez rassemblés autour de Nous, Nous offrant ainsi l'opportunité de vous exprimer Notre satisfaction et Nos spéciales félicitations. Après votre premier grand congrès d'il y a trois ans, vous avez travaillé vraiment comme des braves, en ampleur comme l'attestent vos statistiques, mais aussi en profondeur avec une vive conscience de votre devoir envers le peuple et envers l'État, avec un sens catholique sûr et avec le courage nécessaire pour défendre les droits qui concernent la pensée et la conscience chrétienne dans le secteur de l'école.


Le Pape formule un jugement sur les nouvelles méthodes d'enseignement :

Vos discussions tournent autour de la mise au point de la nouvelle école du peuple. Ce n'est certainement pas Notre intention dans l'audience hélas ! trop brève d'aujourd'hui, d'entrer dans l'examen des techniques scolaires comme de la valeur pédagogique des différentes propositions qui ont été faites. Nous Nous bornerons donc à toucher quelques points de caractère plus général.


L'éducation doit viser à former tout l'homme :

Avant tout, Nous Nous réjouissons que les réformes scolaires en préparation et spécialement la structure organique de l'enseignement, de l'école maternelle à l'école supérieure, correspondent au premier but de votre association, celui en l'espèce d'instruire et d'éduquer toute la personne humaine, ses facultés intellectuelles non moins que sa volonté et ses instincts, le futur laborieux et honnête citoyen comme le chrétien fils de Dieu « participant de la vocation céleste. » (Hebr. III, i.)


L'école doit prévoir la collaboration avec la famille et l'Église:

En second lieu, la nouvelle école présente une large possibilité de bienfaisante et féconde collaboration entre la famille, l'Église et l'école.

L'école gardienne ou maternelle n'est qu'un pis aller, car c'est la mère qui doit éduquer, en tout premier lieu, à son propre foyer ses enfants surtout dans leur première enfance:

Quant à l'école maternelle. Nous estimons que l'enfant, au cours des années qui précèdent l'école primaire, devrait être laissé le plus possible aux soins de la mère.

Quand toutefois celle-ci n'est pas à même de veiller personnellement, en tout ou en partie, à l'éducation des fils, cas bien fréquents dans les conditions économiques et sociales d'aujourd'hui, l'école maternelle, avec ses méthodes appropriées, et le choix garanti du personnel enseignant, est appelée à remplacer ou à compléter le mieux possible l'oeuvre de la mère. Et ne serait-ce pas pour vous, chères filles, une exquise forme d'apostolat d'aider les mères à devenir et être les bonnes éducatrices de leurs enfants?

L'instituteur est le vrai éducateur; sans lui, les techniques scolaires sont sans valeur:

Finalement ne perdez pas de vue que même les meilleurs programmes servent de peu si le maître n'est pas à la hauteur de sa tâche et que, au contraire, même avec un système scolaire déficient et imparfait, un bon maître peut cependant obtenir de notables résultats. En lui « la conscience éthico-religieuse » est l'élément premier et indispensable mais, seule, ne suffit pas. Il s'agit qu'il ait en outre : savoir et capacité.

Par exemple, la vulgarisation des sciences et les productions de la technique — qu'on pense aux « films scolaires » — offrent aujourd'hui à l'école de grandes possibilités, mais seulement si le maître possède de larges connaissances et sait employer convenablement ces moyens. De là le besoin d'une « adéquate préparation culturelle ét professionnelle », en prenant soin toutefois en même temps que le futur maître ne perde pas l'amour de l'enfant et la volonté de se dédier avec ardeur au travail de l'école, travail apparemment modeste mais en réalité très noble par la fin très élevée à laquelle il sert.

Le développement des mouvements de jeunesse est le fruit d'une saine éducation reçue à l'école:

Au cours de ces semaines, ont afflué et affluent encore à Rome par centaines de mille les jeunes gens et les jeunes filles catholiques d'Italie 1. Une jeunesse en si dense multitude ne saurait tromper : elle se montre véritablement comme elle est. Vous l'avez vue, cette jeunesse — dans les églises, par les rues, au cours des visites aux monuments de la ville, dans les grandes assemblées, sur la Place Saint-Pierre — jeunesse pure, joyeuse, franche, ouverte, enthousiaste de toute chose, belle, grande et bonne, mais en même temps profondément pieuse et pleine de Dieu.

Ah bien ! cette jeunesse est passée par vos écoles, vous en avez été les coéducateurs, les coéducatrices; elle est votre gloire, votre consolation, votre stimulant.

Nous vous recommandons donc, chers fils et filles, en même temps que cette magnifique jeunesse au puissant patronage de la Mère de Dieu, tandis que, en gage de la force, de la grâce et de l'amour de Jésus-Christ, Nous vous accordons avec effusion de coeur, Notre Bénédiction Apostolique.

1. En septembre 1948, des centaines de milliers de jeunes gens et de jeunes filles, membres des Associations de jeunesse catholique s'étaient réunis à Rome en Congrès. (Cf. Discours aux jeunes filles de l'Action Catholique italienne, 5 septembre 1948, p. 291. Discours aux jeunes gens de l'Action Catholique italienne, 12 septembre 1948, p. 314).

1. D'après le texte italien des A. A. S. XL, 1948, p. 409; traduction française dans La Documentation Catholique, t. XLV, col. 1413.
2. Il prononçait à cette occasion une allocution (cf. p. 291)
3. Ovide, Trist. i, 9, 6.


ALLOCUTION AUX JEUNES GENS DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE (12 septembre 1948) \21

Le dimanche 5 septembre, Pie XII accueillait sur la Place Saint-Pierre 200.000 jeunes filles de l'Action catholique italienne 2; le dimanche suivant, il s'adressait à 250.000 jeunes gens catholiques réunis sur la même place.

1. L'Association catholique des jeunes gens italiens fut fondée en 1868 à Bologne par deux jeunes gens : Pani et Acquaderni; Pie IX, dès cette année, approuvait cette association qui, quatre-vingts ans plus tard, comptait 500.000 membres groupés en 13.000 sections locales.
2. Sous le régime fasciste, en 1931, plusieurs membres de l'Action Catholique furent malmenés, certains même blessés. Pie XI disait : « Que de brutalités et de violences allant jusqu'aux coups et jusqu'au sang, » dans son Encyclique : Non Abbiamo Bisogno (29 juin 1931) en protestant contre la campagne menée par des « membres du parti fasciste (en uniforme) » contre l'Action Catholique. Au cours de la campagne électorale des premiers mois de 1948, des militants d'Action Catholique furent également blessés et assassinés.



C'est une joie pour Nous de voir le ciel éclairer de son doux et gracieux sourire votre immense multitude. Ce sourire se reflète dans vos yeux, où s'allume une flamme de légitime contentement et de ferveur juvénile. Sous d'épais nuages, sous la pluie battante, a-t-il été moins beau et moins brillant, le spectacle que nous ont offert dimanche dernier, vos soeurs de la Jeunesse féminine? Tandis qu'à l'apparition du premier nuage, les fanfaronnades superficielles et éphémères s'arrêtent et cessent tout d'un coup, que les troupes se dispersent et que le ciel reste seul, ainsi que le chantait le poète latin : « Tempora si fuerint nubila solus eris »3 (si le ciel vient à se couvrir de nuages, tu seras seul), ces braves filles, ah! non, ne cédèrent pas : elles restèrent là immobiles, imperturbables, — quelques-unes même agenouillées sur le pavé humide de la place — écoutant la voix du Père commun et répondant avec un tel enthousiasme spontané, que Notre discours se transforma, vers la fin, en un dialogue de foi. Nous ne doutons aucunement que, vous aussi, en pareille occurence, vous Nous eussiez présenté le même spectacle. Il a été donné à vos soeurs de Nous l'offrir réellement. A elles, honneur, joie, bénédiction !

De grand coeur, donc, Nous vous saluons, chers jeunes gens d'Action catholique italienne, en ce quatre-vingtième anniversaire de votre Association ». De vos rangs, auxquels se sont jointes de nombreuses représentations de beaucoup d'autres pays, monte un cri puissant, lequel se propage à travers le monde, par terre et par mer, par monts et par vaux, comme un serment qui s'élève vers le ciel : Nous proclamerons publiquement que nous sommes la Jeunesse catholique. C'est la manifestation d'une volonté forte, d'une résolution irrévocable : nous voulons réaliser dans notre propre vie la foi catholique; nous voulons que soit conservée à notre patrie sa civilisation chrétienne.

Vous avez déjà donné, en ces dernières années, des preuves réitérées du sérieux et de la fermeté de votre profession de foi et de votre volonté 2. Nous vous en savons gré; vous êtes Notre joie et Notre gloire. Nous ne pouvons que vous confirmer dans vos saintes résolutions en rappelant à votre esprit les paroles de l'apôtre Jean : « Da victoire qui a vaincu le monde c'est notre foi. » (Jn 5,4)

Les jeunes gens d'Action Catholique doivent se présenter au monde comme des victorieux:

1. En effet, ils doivent vaincre l'athéisme.

Or, aujourd'hui, c'est tout l'ensemble de la foi chrétienne qui est nié par les athées.

Triple doit être cette victoire :

Elle doit être une victoire sur la négation de Dieu, afin de l'éliminer du monde.

Dans les controverses religieuses de notre temps, il ne s'agit plus comme dans le passé, de l'une ou de l'autre vérité de la foi, de l'un ou de l'autre article du Credo catholique. On attaque aujourd'hui et on vise les bases fondamentales de la religion : l'Église, le Christ, Homme-Dieu, Dieu lui-même.

Et cependant le progrès des sciences atteste visiblement pour tous la puissance de Dieu se révélant de plus en plus, au fur et à mesure que les savants pénètrent les secrets de la matière:

Il peut sembler incompréhensible et absurde qu'il en soit ainsi. En effet, a-t-on jamais connu, jusqu'à présent, une époque où la présence de Dieu se soit manifestée à la raison humaine aussi efficacement — Nous allions dire : si visiblement — comme dans le présent? Les sciences naturelles ont fait des progrès surprenants et chacune de leurs découvertes incite l'homme à s'écrier : « Ici est la main du Créateur. »

La connaissance croissante du système périodique des éléments chimiques, la découverte des irradiations corpusculaires des éléments radioactifs, nos connaissances concernant les rayons cosmiques et la déperdition de l'énergie libre de l'atome dans la sphère électronique et dans le noyau; tout cela, et bien d'autres choses encore, montre avec une clarté difficilement surpassable la mutabilité du cosmos, de l'univers comme tel jusqu'aux entités subatomiques du noyau atomique. Le monde est marqué du signe de la mutabilité, de l'origine et de la fin dans le temps, et il proclame d'une voix puissante et irrésistible un Créateur, complètement distinct du monde lui-même et, par sa nature intime, immuable. Nous n'avons donc pas été surpris en Usant que récemment, un très grand savant non catholique, Max Planck, peu avant de mourir, avait déclaré que le monde physique l'amenait à reconnaître l'existence d'un Dieu personnel1.

1. Max Planck (1858-1947) physicien allemand, créateur de la physique moderne. Prix Nobel et bien que non-catholique était membre, depuis 1936, de l'Académie Pontificale des Sciences.
Le Saint-Père cite encore Max Planck dans son Discours à l'Académie Pontificale des Sciences du 8 février 1948, (cf. p. 59).


Il est tout aussi visible, qu'au milieu du chaos général, et des révolutions l'Eglise seule demeure intangible:

Y eut-il jamais un temps où l'Église catholique soit apparue comme maintenant, un « signum levatum in nationes » ? (un signe levé parmi les nations) (Is 11,12), Nous sommes aujourd'hui témoins de formidables bouleversements, peut-être encore plus graves que la chute de l'Empire Romain. Les puissances politiques ont radicalement changé au sein des peuples et entre les peuples; un grand nombre d'anciennes dynasties ont disparu l'une après l'autre; des dictateurs, qui avaient rêvé d'une domination sur le monde pour un millénaire, ont été renversés; des continents entiers se trouvent à leur déclin ou sont en train de s'élever; les organisations sociales subissent de profondes modifications. Mais une institution demeure ferme, toujours égale à elle-même et cependant toujours nouvelle et adaptée aux réalités de chaque temps : l'Eglise du Christ, avec la force de la vérité et de la grâce, dont elle est dépositaire, annonciatrice et dispensatrice, avec la fermeté de la foi et la constance d'âme de ses fils.

La jeunesse catholique doit donc opposer victorieusement aux attaques de V athéisme la fermeté de sa foi :

Jeunes gens catholiques, vous voulez être vraiment et pleinement tels. A l'irréligion et à l'incrédulité, qui vous entourent, opposez vous, votre foi ferme, vivante et agissante.

Cette foi doit être lumineuse:

Ferme et lumineuse, votre foi, ne peut l'être que si vous la connaissez, non d'une façon superficielle et confuse, mais clairement et intimement.

Cette foi doit être vivante, c'est-à-dire se manifester quotidiennement dans la vie:

Vivante, elle le sera, si vous vivez selon ses maximes et si vous observez les commandements de Dieu. De jeune homme qui sanctifie les fêtes, en affrontant n'importe quelle difficulté et n'importe quelle fatigue, qui s'approche souvent de la Table du Seigneur, qui est véridique et loyal, prêt à secourir les besogneux, qui respecte la jeune fille et la femme et a la force de fermer ses yeux et son coeur à tout ce qui est impur dans les livres, dans les images, dans les « films », prouve qu'il a une foi vivante.

Cette foi doit être agissante:

Et notez bien que si elle n'est pas vivante, la foi n'est pas non plus agissante. Si d'autres se donnent tant de mal pour les entreprises du malin, combien plus grand devra être votre zèle pour la cause de Dieu, du Christ, de l'Église !

2° Les jeunes doivent vaincre l'emprise de la matière:

Elle doit être une victoire sur la matière, pour la concilier avec l'esprit.

Devant les progrès de la technique, il faut affirmer bien haut les valeurs spirituelles :

Notre époque est appelée communément le « siècle de la technique ». Avec le progrès des sciences naturelles, la technique, destinée à l'application et à l'emploi des forces de la nature, ne vise qu'à maîtriser toujours plus l'espace et le temps, et à rendre ses conquêtes dans chaque direction toujours plus puissante. Rien d'étonnant donc si trop souvent elle éblouit spécialement les yeux de la jeunesse, laquelle entièrement subjuguée par sa fascination, court le danger de perdre la vue et le sentiment de ce qui est spirituel, suprasensible et intérieur, de ce qui est religieux, surnaturel et éternel.

Cependant, les hommes du siècle de la technique ont précisément besoin plus que jamais des forces protectrices et équilibrantes de la religion. Considérez le feu. Freiné et guidé, c'est un bienfait, une aide indispensable pour l'homme. Mais une fois échappé à sa domination, transformé en un incendie dévastateur, il porte la destruction et la mort dans les villes et les, campagnes. Il faut en dire autant de la technique. Don de Dieu par sa nature, la technique moderne et toute puissante devient entre les mains d'hommes violents, de partis dominants par la brutalité de la force, d'États omnipotents et oppresseurs, un terrible instrument d'injustice, d'esclavage, de cruauté, et accroît dans les guerres modernes, jusqu'à un degré intolérable, les douleurs et les tourments des peuples. Maintenue, au contraire, et dirigée par une société humaine qui craint Dieu, qui observe ses préceptes et qui estime les choses spirituelles, immortelles et éternelles incomparablement plus que les choses matérielles, la technique peut procurer les bienfaits que, suivant les desseins du Créateur, on doit attendre d'elle.

Les jeunes doivent être dans la société de demain les témoins de l'esprit :

Écoutez donc, chers fils, le cri qui de toutes parts, est adressé aux jeunes générations : il vous appartient d'apporter la vie où vous entrez dans l'État que vous devez contribuer à former, d'une telle énergie de vraie foi religieuse, que l'échelle des valeurs, établie par Dieu Créateur et Rédempteur, selon laquelle la matière ne domine pas, mais sert, soit consciencieusement observée et que la technique soit subordonnée, suivant la volonté divine, à la dignité et à la liberté, à la paix et au bonheur terrestre et, surtout, éternel des hommes.

30 Les jeunes doivent vaincre les injustices sociales:

Elle doit être une victoire sur les misères sociales, afin de les surmonter par la force de la justice et de l'amour.

En effet, c'est far l'exercice des vertus morales qu'on parviendra à redresser la situation sociale d'aujourd'hui :

Da question sociale est indubitablement aussi une question économique; mais c'est bien plus une question concernant l'ordonnance de la société humaine et, dans son sens plus profond, une question morale et partant religieuse. Comme telle elle se résume ainsi : les hommes possèdent-ils — depuis le simple particulier constituant le peuple jusqu'à la communauté des peuples — la force morale de créer des conditions publiques telles que dans la vie sociale aucun individu et aucun peuple ne soient un objet privé de tout droit et exposé à l'exploitation d'autrui, mais plutôt que tous soient aussi des sujets, participant légitimement à la formation de l'ordre social, et que tous suivant leur art et leur profession, puissent vivre tranquilles et heureux, avec des moyens d'existence suffisants, efficacement protégés contre les violences d'une économie égoïste, dans une liberté circonscrite par le bien général et dans une dignité humaine que chacun respecte dans les autres comme en lui-même?

Les jeunes puiseront cette force morale régénératrice de l'ordre social dans leur foi:

D'humanité sera-t-elle à même d'engendrer et de posséder la force morale capable de réaliser un tel ordre social? De toute façon, une chose est certaine : cette force ne peut être puisée qu'à une source : la foi catholique, vécue jusque dans ses dernières conséquences et alimentée par les torrents surnaturels de la grâce, que le divin Rédempteur au moyen de la foi elle-même, accorde à l'humanité. Seule une génération qui croit ainsi peut donner à la famille la paix tant désirée. Que ce soit votre gloire, jeunes gens catholiques !

Le Saint-Père invite les militants d'Action Catholique à triompher is ces trois domaines des forces du mal:

Vous avez devant les yeux, chers fils, trois grandes tâches et obligations du catholique à l'heure présente :

Pour être victorieux, il y a plusieurs conditions à réaliser :

a) s'unir intimement au Christ :

Vous n'accomplirez ces devoirs, même s'ils concernent la vie terrestre, que si vous êtes des hommes à l'esprit surnaturel, pour lesquels l'union avec le Christ, la résurrection glorieuse et la vie éternelle valent plus que toutes les choses humaines. Le monde catholique contient en soi une source inépuisable de prospérité et de bien, même dans le domaine de la vie terrestre, précisément parce qu'il place l'éternel au-dessus du temporel. S'il n'en était plus ainsi, sa force resterait éteinte.

b) prier pour obtenir la victoire:

Vous ne remplirez ces devoirs qu'à la condition de prier. En effet, par la prière seulement, vous êtes à même de rester fermes dans la foi et d'agir selon la foi dans toutes les circonstances de la vie. Seule, une milice d'âmes en prière peut, dans la lutte sévère entre la vérité et l'erreur, entre le bien et le mal, entre l'affirmation et la négation de Dieu, obtenir la victoire; seule une milice d'âmes en prière peut donner la paix sociale.

c) développer en soi et répandre autour de soi l'amour:

Vous ne serez capables d'accomplir ces tâches que moyennant un grand amour. Faites front contre la haine, la haine nationale, la haine de classe. La haine ne peut que détruire. L'amour édifie. Contre les forces de la patience et de l'amour, qui jaillissent de la foi du Christ et de l'amour pour Lui, l'irréligion, le brutal égoïsme et la haine de classe devront finalement se briser.

d) demeurer fermement attaché aux données immuables de la foi:

En nos temps, l'humanité a entendu le message du « bouleversement de toutes les valeurs » (Umwertung aller Werte). Ce message a été amplement réalisé dans le domaine des valeurs purement terrestres. Mais pas plus. Précisément en ces années de bouleversements économiques et sociaux, les valeurs religieuses et éternelles ont démontré puissamment leur indestructibilité absolue : Dieu et sa loi naturelle; le Christ et son règne de vérité et de grâce; la famille chrétienne toujours la même est toujours l'épine dorsale et la mesure de tout ordre économique et public; la douce et sûre espérance de l'au-delà, de la résurrection et de la vie éternelle.

C'est ainsi que les jeunes, après avoir lutté péniblement recevront la palme des victorieux:

Vous connaissez, chers Fils, les mystérieux cavaliers de l'Apocalypse. De second, le troisième et le quatrième sont la guerre, la famine et la mort. Qui est le premier cavalier sur un blanc coursier? « Celui qui le montait avait un arc, on lui donna une couronne et il partit en vainqueur » (Apoc. VI, 2). C'est Jésus-Christ. D'Évangéliste-Prophète ne contemple pas seulement les ruines occasionnées par le péché, la guerre, la famine et la mort; il voit aussi en premier lieu la victoire du Christ. Et, de fait, le chemin de l'Église à travers les siècles est bien une via crucis, un chemin de croix, mais aussi en même temps une marche triomphale. D'Église du Christ, les hommes de la foi et de l'amour chrétiens sont toujours ceux qui ont apporté à l'humanité sans espérance la lumière, la rédemption et la paix : Jésus Christus heri et hodie, Ipse et in saecula; (Hebr. XIII, 8).

De Christ est votre guide, de victoire en victoire, suivez-le. Et afin de lui rester toujours fidèles, Nous vous donnons à vous et à toute la Jeunesse Catholique d'Italie et du monde avec effusion de coeur, Notre paternelle Bénédiction apostolique.



LETTRE AU R. P. JEAN-BAPTISTE JANSSENS S. J.

Général de la Compagnie de Jésus A PROPOS DE L'APOSTOLAT DE LA PRIÈRE (19 septembre 1948.) 1

En septembre 1948, s'est tenu à Rome un congrès international des directeurs de l'Apostolat de la Prière et des aumôniers nationaux de la Croisade Eucharistique venus de tous les pays du monde.

Fondé, il y a plus de cent ans par le P. Ramière S. J., l'Apostolat de la Prière est maintenant répandu dans le monde entier. Plus qu'une organisation, une « oeuvre », il entend être un « esprit », esprit d'apostolat et de prière. Il veut promouvoir la gloire de Dieu et le salut des âmes, « édifier le Corps mystique du Christ », (P. Ramière), avant tout par la prière apostolique, et l'offrande quotidienne au Sacré Coeur « par le Coeur immaculé de Marie, des prières, des oeuvres des souffrances et des joies de la journée », par la communion réparatrice mensuelle et par l'action apostolique de ses membres. Ses périodiques les « Messagers du Sacré-Coeur » entretiennent cet esprit.

Au cours du congrès, le Saint-Père a reçu en audience tous les directeurs et leur a adressé une lettre des plus encourageantes qu'il a adressée au R.-P. Jean-Baptiste Janssens, Général de la Compagnie de Jésus, Directeur Général de l'Apostolat de la Prière.

Le Pape se réjouit de voir tant de promoteurs de l'Apostolat de la Prière qui s'efforcent dans le monde entier, par la presse, le cinéma et la radio, de développer la dévotion au Sacré-Coeur et de former des chrétiens parfaits :




Notre joie est grande de voir que soient venus à Rome « de toute nation, de tout peuple et de toute langue » (Apoc. VII, 9) un si grand nombre de Promoteurs de l'Apostolat de la Prière, dont Vous êtes le digne Modérateur afin de mettre en commun leurs réflexions et leur longue expérience et d'apporter aux besoins de notre temps un secours particulièrement vigoureux. Nous n'ignorons pas en effet avec quel zèle votre association, ouverte à tous et accessible à tous, contribue à développer la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus. Non seulement par les Messagers du Sacré-Coeur, imprimés en près de 40 langues, et par d'innombrables autres publications, mais aussi par les moyens les plus modernes, le cinéma et la radio, vous vous efforcez de former dans le monde entier des chrétiens qui se montrent vraiment les membres vivants de cette Église à qui Notre-Seigneur lui-même a dit : « Allez, enseignez toutes les nations. » (Mt 27,19).

En effet, l'Apostolat de la Prière ne se borne pas à la récitation de quelques prières, mais, procurant la sainteté personnelle de ses membres, il développe par le fait même leur esprit apostolique. La dévotion au Sacré Coeur dont l'Apostolat de la Prière est une forme parfaite, réalise l'union des fidèles et les pousse au don total à Dieu et aux hommes. C'est d'ailleurs la devise de l'association: Adveniat Regnum Tuum:

Cet Apostolat en effet, loin de se borner à la récitation de certaines prières, vise essentiellement à développer en ses membres une vie chrétienne parfaite; car aucun chrétien digne de ce nom, inséré qu'il est par son baptême dans le Corps mystique du Christ, ne saurait se sanctifier lui-même sans prendre soin du salut éternel d'autrui, et oublier que « le Seigneur a donné à chacun un commandement à l'égard de son prochain (Cf. Si 17,12). Or, s'il est vrai que l'union des fidèles entre eux et avec le Christ est parfaitement réalisée par la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus, — à ce point que l'Apostolat de la Prière peut s'appeler une forme parfaite de la dévotion au Sacré-Coeur, comme à son tour la dévotion au Sacré-Coeur est essentielle à l'Apostolat de la Prière —, si de plus le propre de cette dévotion est de pousser à l'amour de Dieu et des hommes jusqu'au don total de soi, c'est à bon droit que votre association a pris pour devise la parole de l'oraison dominicale : « Adveniat regnum tuum — Que votre règne arrive ».

Le Saint Père énumère les principaux moyens de formation répandus jusque dans les pays de néophytes:

Par l'offrande quotidienne qui, si elle est bien comprise, est une véritable consécration au Coeur de Jésus, par la consécration des familles et des sociétés qui en est le complément moral; par le culte au Coeur Immaculé de Marie, qui prend de jour en jour un développement merveilleux; par une fréquentation plus grande de la communion eucharistique; par un amour fervent pour le Vicaire du Christ; par les intentions particulières proposées chaque mois aux associés et par ce qu'on appelle « l'Horloge des Messes », l'Apostolat de la Prière forme la masse et l'élite des fidèles à la vie chrétienne, à la piété, à la ferveur active, et cela, non seulement dans les pays depuis longtemps chrétiens, mais dans les régions récemment soumises au joug suave du Christ.

Aussi désire-t-il voir tous les chrétiens et non seulement 35.000.000 comme maintenant, donner leur nom à l'Apostolat de la Prière:

C'est pourquoi, comme l'avait fait Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire Pie XI, Nous avons, Nous aussi, affirmé hautement et très volontiers Nous déclarons à nouveau que Nous verrions avec le plus grand plaisir tous les chrétiens sans exception donner leur nom à l'Apostolat de la Prière, de • manière à lui faire dépasser, et le plus qu'il sera possible, les 35 millions de membres qu'il compte aujourd'hui.

Il n'y a pas de danger de concurrence pour les autres oeuvres, car les fondateurs de l'association voulurent moins fonder une oeuvre nouvelle que communiquer un esprit. Vrais précurseurs, ils ont constitué un corps de doctrine destiné à soutenir la vie intérieure et apostolique. Comme s'ils prévoyaient une certaine « hérésie de l'action », ils ont voulu donner le premier rôle à la vie intérieure:

Cela ne peut donner à qui que ce soit l'impression que l'Apostolat de la Prière entre ainsi dans les moissons d'autrui, étant donné que les hommes, qui, inspirés de Dieu, en posèrent les fondements ont clairement proclamé que leur intention n'était pas de créer une oeuvre nouvelle là oh il en existait déjà, mais de communiquer aux autres associations, sans aucunement troubler leur constitution, le feu de l'amour divin et le zèle apostolique. Bien avant que les associations de laïques destinées à promouvoir le règne du Christ aient pris les heureux développements dont Nous Nous réjouissons, ces hommes avaient déjà constitué un solide corps de doctrine destiné à soutenir la vie intérieure et les entreprises des apôtres; bien plus, comme s'ils pressentaient les dangers de cette vie active que Nous avons signalés en parlant de 1'« hérésie de l'action », tout en louant et développant le zèle pour l'extension du Règne du Christ, ils ont voulu toutefois que le premier rôle fût accordé à la vie intérieure, sachant fort bien que celle-ci importait infiniment plus que tous les moyens humains dans la conquête des âmes à Dieu.

Aussi, puiser à cette source ne peut qu'unir toutes les associations chrétiennes, assurer des fruits plus abondants à leurs travaux, leur donner la paix du Christ dans la joie :

C'est pourquoi, comme Nous en avons fait la remarque en commémorant le centenaire de la fondation de l'Apostolat de la Prière, plus largement toutes les associations chrétiennes, celles surtout de l'Action catholique, puiseront à cette source surabondante « qui jaillit pour la vie éternelle » plus étroitement elles seront par le lien de la charité, « qui est le lien parfait, » unies avec le Christ et unies entre elles; par cette union des esprits et ce concours des efforts, elles assureront des fruits plus abondants à leurs travaux, et, ce qui est l'essentiel, elles obtiendront que la paix du Christ, dans laquelle tous ont été appelés à former un seul corps, règne joyeusement dans le coeur de tous (Cf. Col 3,14).

Certains mouvements sont nés de VApostolat de la Prière ou s'y sont unis: la Croisade Eucharistique et les Ligues du Sacré Coeur:

Au cours des temps, et selon les circonstances, certaines associations ou bien sont nées de l'Apostolat de la Prière lui-même, ou bien se sont unies à lui; ces mouvements, tout en adoptant les pratiques de l'Apostolat de la Prière se sont dressé tout un programme de formation et d'action. Telles sont la Croisade Eucharistique et les Digues du Sacré-Coeur.

La Croisade Eucharistique « école ou noviciat de l'Action Catholique >¦ (Pie XI), a conduit à la communion fréquente une foule d'enfants et leur inculque l'esprit apostolique de prière et de sacrifice:

Da Croisade Eucharistique s'est surtout développée parmi la jeunesse dans le monde entier. Elle a conduit à la communion fréquente et même quotidienne une foule innombrable de ces jeunes que Jésus aimait. Par la vie de prière et de sacrifice elle les a formés à leur mission d'apôtres, donnant à beaucoup le désir de se consacrer entièrement au service de Dieu.

C'est pourquoi Notre Prédécesseur Pie XI, appelait la Croisade Eucharistique « l'école ou le noviciat de l'Action catholique ». Aussi voyons-nous avec plaisir que la Croisade s'est adaptée et étendue avec succès aux plus avancés, et que, sous des noms divers, elle veut leur donner une formation plus poussée et plus profonde à l'école du Christ.

Les Ligues du Sacré Coeur (florissantes surtout au Canada français et en Belgique) groupent les hommes seuls et les amènent à une communion mensuelle collective. Ce bel exemple et les campagnes des Ligues (p. ex. pour le retour à la tempérance ou, en Belgique, pour le redressement de la conscience) remuent villes et campagnes. Rien d'étonnant que certains êvêques aient déclaré les Ligues, troupes d'élite de l'Action Catholique. Elles sont parfaitement qualifiées pour remplir cette fonction :

Il faut de même citer à l'honneur les « Digues du Sacré-Coeur », que l'on nomme aussi « Ligues de Persévérance », lesquelles enrôlent des hommes et des jeunes ayant souvent fait les Exercices Spirituels. Avant tout ces Ligues veulent rassembler hommes et jeunes gens pour les amener à s'approcher au moins une fois par mois tous ensemble à la Table Sainte. Combien dans les campagnes ou dans les villes ont été remués par ces beaux exemples de vie chrétienne et se sont sentis doucement entraînés à une vie meilleure ! Combien de membres de ces Ligues toutes pacifiques ont pris part aux campagnes pour le redressement de la conscience ou pour le retour à la tempérance ou pour d'autres fins analogues attestant ainsi la haute valeur apostolique de leurs Ligues mobilisées pour la défense de l'autel et du foyer sous l'étendard du Sacré-Coeur. Rien d'étonnant par conséquent que pour tant de services rendus au catholicisme, gages assurés de plus grands fruits pour l'avenir, les Evêques aient, en de nombreux diocèses, déclaré les « Ligues du Sacré-Coeur » troupes d'élite de l'Action catholique; elles sont, en effet, parfaitement qualifiées et formées pour remplir cette fonction.

Malgré leurs origines récentes, il faut signaler l'admirable extension des programmes de radio: plus de 600 stations (surtout aux États-Unis) stimulent l'exercice d'une vie chrétienne fervente:

Nous voulons aussi mentionner cette admirable extension de vos programmes de radio. Malgré leur origine récente, voilà que par plus de six cents stations, par des émissions en plusieurs

t langues, elles atteignent quinze millions d'auditeurs et jettent en eux comme des étincelles de vertus et d'amour de Dieu. Elles peuvent ainsi, soit au foyer, soit dans la vie publique, et même jusque dans les organismes officiels, non seulement fortifier le désir mais encore stimuler l'exercice d'une vie chrétienne fervente.

Le Pape félicite donc les promoteurs de l'Apostolat de la Prière et accorde la bénédiction apostolique:

Nous félicitons donc les Promoteurs de l'Apostolat de la Prière de tous ces titres qu'ils se sont acquis à la reconnaissance de l'Église, et nous demandons à Dieu d'accorder à leurs entreprises la consolation de fruits toujours abondants. Et à vous-même, cher Fils, à vos collaborateurs, à tous les membres de l'Apostolat de la Prière, et aux groupes qui lui sont unis par une même origine ou une même charité, nous accordons de tout coeur, comme gage des bienfaits divins, la Bénédiction Apostolique.

1. D'après le texte français de VOsservatore Romano du 22 septembre r 948.




ALLOCUTION A DES ROUTIERS (22 septembre 1948)\21

Un millier de routiers — c'est-à-dire les membres du mouvement Scout âgés de plus de 17 ans — de différents pays, ont été reçus en audience à Castel-Gandolfo. Le Saint Père leur dit:

Dès que vous avez entendu, très chers fils, « l'appel de la route », vous y avez reconnu la voix de Celui, qui, s'est Lui-même appelé « la route, la vérité, la vie » (Jn 14,6.) et vous avez compris son appel: « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il prenne sur Lui la Croix, qu'il la porte au jour le jour et qu'il me suive » (Lc 9,23) ! C'est dans cet esprit que vous avez voulu achever votre présent pèlerinage par le « chemin de Croix » qui, du Colisée, vous a conduits jusqu'à Nous.

Mais vous avez compris aussi que la route conduit au terme et que le Christ, qui s'est fait votre guide et votre compagnon tout le long du chemin, en est aussi le but, puisque vous n'en sauriez avoir d'autre que la vérité et la vie. Suivez-le, et par la « voie royale de la Croix, il vous introduira dans le royaume de son Père, qui est justice et paix et joie dans l'Esprit Saint ». (Rom. XIV, 17). Forts de cette lumière, de cette joie, de cette vie, marchez d'un pas ferme et alerte! Et Nous, suppliant Dieu de ne laisser aucun de vous ralentir sa course ou dévier de l'unique voie, Nous vous donnons de tout coeur Notre Bénédiction Apostolique.



ALLOCUTION AUX CONGRESSISTES DU CLUB ALPIN ITALIEN (26 septembre 1948) \21

Les participants au LXe Congrès national du Club alpin italien ont été reçus à Castel-Gandolfo et le Pape leur a adressé la parole :



Un sentiment de pieuse déférence vous a inspiré le désir de recevoir à l'occasion de votre DXe Congrès national Notre bénédiction et Notre encouragement. Quelle parole pourrions-Nous vous dire plus appropriée à votre qualité d'alpiniste que cette simple recommandation : soyez dociles à la leçon de la montagne? C'est une leçon d'élévation spirituelle, une leçon d'énergie plus morale que physique. Notre intrépide prédécesseur, Pie XI, avait coutume, en évoquant son passé d'alpiniste, de l'exprimer en ce double aspect : l'attraction irrésistible des hauteurs, l'attraction sainement exaltante de la difficulté à vaincre.

L'homme commun aime se sentir les pieds sur la terre; vous, au contraire, vous aspirez à monter toujours plus haut. A force de muscles, c'est vrai, mais cette passion de l'altitude est, au fond de votre coeur, la résonance d'un besoin d'élévation de l'esprit, du coeur, de l'âme. Pourquoi vouloir monter? Pourquoi toujours vouloir monter?

Avant tout pour voir plus large en regardant d'une position élevée. Vous ne voulez pas être comme ceux que « les arbres empêchent de voir la forêt ». Au fur et à mesure que vous montez, votre regard s'élargit, le panorama découvre sa splendeur grandiose, les détails prennent leur place dans l'ensemble du cadre et se profilent plus nettement; l'enchevêtrement des lignes, des collines et des gorges, des torrents et des fleuves, se résout dans l'unité et l'harmonie. De même se résolvent aussi en unité et harmonie les apparentes incohérences des vicissitudes de la vie pour qui contemple d'un regard plus large et d'un point de vue plus élevé l'action de la Providence divine dans le monde.

Excelsior ! Plus haut ! Si le ciel est clair, il illumine la terre sous vos yeux; si le brouillard couvre la plaine et l'enveloppe d'ombre creuse, vous, au contraire, êtes dans la lumière avec la mer des nuages blancs à vos pieds, dorés des reflets d'en haut; de même à qui regarde vers le ciel, vers Dieu les peines et les fatigues de cette terre laissent voir au-dessus l'azur de l'inaltérable espérance chrétienne, pendant que les mêmes inquiétudes et angoisses sont transfigurées par les rayons qui descendent du Soleil éternel.

Plus haut ! Des rumeurs confuses, discordantes des vaines disputes, des futilités d'ici-bas, des conflits d'amour-propre et des intérêts mesquins s'éteignent sur la montagne dans le silence majestueux qu'accompagnent sans le troubler les murmures discrets ou les bourdonnements solennels de la nature; et quand l'écho répercute de cime en cime la voix du tonnerre, des cascades ou des avalanches, le coeur tout plein d'inquiétude ou d'émoi, se trouve néanmoins plus à son aise entre les mains puissantes du Père céleste qu'au milieu des vides ou malicieux bavardages des hommes. Heureux celui qui, dominant l'agitation du monde qui l'entoure, sait goûter dans le silence et le recueillement la paix de Dieu !

Plus haut ! Dans l'atmosphère fine et légère, l'air pénètre jusqu'aux méandres les plus profonds des alvéoles pulmonaires, qui peuvent plus aisément se purifier des miasmes de l'air alourdi; le coeur bat plus vigoureusement et produit une circulation du sang plus vivace, portant dans tout l'organisme une vie plus intense et plus forte.

Cependant, il arrive un moment oû la montagne semble devenir hostile; elle semble alors vouloir se garder ou se venger des téméraires qui s'obstinent à violer sa vierge solitude; elle ne leur offre plus rien, elle se refuse à eux; bien plus elle les frappe parfois durement.

Qui ne connaît le dramatique assaut plusieurs fois renouvelé par de courageux ascensionnistes contre le formidable Everest de l'Himalaya? Ni les grandes souffrances, ni l'incessant péril, ni la fatigue, ni le souvenir des tombés n'ont pu fléchir leur volonté de recommencer encore.

S'il est vrai qu'ils espèrent, en arrachant à l'altitude ses secrets, aider la science et l'humanité, on doit cependant reconnaître qu'il y a une autre force pour les stimuler. Ils se sentent mus par une poussée intérieure, par une mystérieuse volupté de lutter à tout prix contre les difficultés de surmonter les obstacles.

Guidée, non entravée, par la raison (et non par une folle témérité) cette tendance est un aspect de la vertu de force qui, comme l'enseigne le Docteur Angélique, met la raison même au-dessus de l'abattement occasionné par la douleur physique : « facit virtus fortitudinis ut ratio non absorbeatur a corporalibus doloribus. » (S. Th., II-II 123,8 in corp.).

Devant donc avec le Psalmiste Nos regards vers les monts d'où vient toute aide du Créateur du ciel et de la terre (cf. Ps. CXX, 1) et invoquant votre céleste Patron Saint Bernard de Menthon, Nous implorons la divine protection sur vous, sur vos vaillants guides, sur tous les membres de votre Club alpin, tandis que de grand coeur Nous vous accordons Notre paternelle bénédiction Apostolique.





LETTRE DE MONSEIGNEUR MONTINI Substitut à la Secrétairerie d'État

A SON EXC. MGR ADRIEN BERNAREGGI Président la XXII Semaine Sociale des Catholiques Italiens (26 septembre 1948.) 1


La XXIIe Semaine Sociale des Catholiques italiens s'est tenue à Milan du 26 au 29 septembre 1948; elle avait pour sujet: L,a. Communauté internationale.

Voici le texte de la lettre qui fut adressée à cette occasion par la Secrétairerie d'État à Son Excellence Mgr Adrien Bernareggi, évêque de Bergame, et Président du Comité permanent des Semaines Sociales des catholiques de italiens.

Le document commence par montrer l'importance pour les catholiques de l'étude d'un tel sujet:

Fixer l'attention des catholiques italiens, soucieux des grandes questions du monde contemporain, sur le thème entre tous grave et urgent de l'organisation juste et pacifique de la société internationale; fixer les faits qui posent ce problème dans ses termes exacts ; dégager et affirmer les principes que l'ordre naturel suppose et exige pour déterminer les rapports entre les peuples et pour les développer harmonieusement sans le fatal recours à des conflits armés; démontrer comment un ordre international si laborieusement cherché et trop souvent espéré en vain ou criminellement compromis, est toutefois historiquement réalisable et constitue une obligation à laquelle est attachée une lourde responsabilité pour les hommes d'État et pour les simples citoyens; répandre la confiance et créer la volonté d'un tel ordre comme d'une fin vers laquelle doit s'orienter la vraie civilisation et à laquelle les tragiques vicissitudes de notre siècle, non moins que les prodigieuses conquêtes de la science et du progrès semblent providentiellement stimuler l'histoire présente de l'Europe et du monde; affirmer enfin avec la conviction qui provient de l'antique foi chrétienne et de la plus moderne expérience morale et politique que l'Église du Christ, et elle seule, catholique par institution divine, constitue une supérieure et très ferme, à la fois mystique et visible, communauté religieuse supra-nationale et possède les secrets propres à favoriser et entretenir une communauté civile renouvelée entre les Nations : ces graves et nobles sujets, et d'autres connexes, constituent le thème de la XXIIe semaine sociale des catholiques d'Italie qui se réunit à Milan, ayant heureusement pris pour siège l'Université du Sacré-Coeur.

L'Église a d'ailleurs formulé un corps de doctrine énonçant les conditions essentielles pour maintenir la paix entre les peuples :

Il est évident que le Saint-Père a appris cette nouvelle et a considéré un tel programme avec le plus vif intérêt. Il est vrai que la gravité et la complexité des questions envisagées dépassent, et de beaucoup, la compétence et la possibilité d'application pratique de chaque participant en particulier, même initié à l'étude des problèmes internationaux et à l'exercice des fonctions politiques.

Mais il est également vrai que le sort des peuples se traite et se décide surtout sur le plan international et que la conscience de la dépendance étroite et capitale du bien-être tant privé que public, par rapport à la façon dont sont réglées les relations entre les États, tourmente tout le monde; de sorte que de l'équilibre de celles-ci peut dériver la prospérité de continents entiers, la paix, l'accroissement, le bonheur des nations, des familles, des individus. Il ne pourrait se trouver un moment plus opportun pour rappeler les enseignements si variés et si riches que sages et modernes que le Souverain-Pontife, dans l'exercice d'un magistère qui n'apparut peut-être jamais plus autorisé et plus providentiel, a proclamés au cours de ces années critiques.

De Saint-Père, dès les premiers jours de son ministère apostolique, a parlé avec sagacité des questions internationales actuelles, en a recherché les causes, défini la nature, éclairé les aspects, dénoncé les dangers et les méfaits, indiqué les remèdes. Il a donné au monde — si seulement il l'avait entendue ! — la salutaire doctrine dont il a besoin. Il a amené les problèmes de notre histoire sur le plan moral et religieux où ils ont un sens humain accompli et une solution bienfaisante; il a exalté, en grand pionnier de la civilisation la fonction du droit qui prime la force, ce qui revient à dire qu'il a défendu la cause de la justice et de la paix ; il a recommandé aux chefs des nations et à chaque citoyen en particulier, de rechercher par les voies du respect et de l'amour mutuels, le moyen de nouer des rapports fructueux pour la communauté humaine ; a donné au monde — flamme qui ne mourra jamais — l'espérance d'une réforme, d'un développement, d'un progrès, d'un avenir nouveau dans lequel l'humanité pourra goûter les bienfaits de l'ordre, de la paix, de l'unité, de la charité, en des conditions meilleures que les présentes.

Pie XII a indiqué clairement la source des maux présents : la négation d'une règle morale :

De fait, selon les enseignements pontificaux, « la racine profonde et dernière des maux que nous déplorons dans la société moderne, est la négation et le refus d'une norme de moralité universelle » (Encyclique : Summi Pontificatus), règle et fondement non seulement de la vie individuelle de l'homme, mais aussi de la vie sociale des peuples et des nations. Pour qui oublie et méprise la loi de charité et de la solidarité, qui unit tous les membres du genre humain, dans le lien de l'origine commune, et de la nature, non moins que dans celui plus élevé de la Rédemption opérée par Jésus-Christ, facilement recourt à des normes purement terrestres, basées uniquement sur l'arbitraire et sur une morale intéressée et subjective.

Nous sommes victimes des conséquences de ce refus d'admettre des principes moraux comme dominant la vie internationale:

Maintenant, chacun voit — et l'expérience du récent conflit en est une amère confirmation — combien est funeste au pacifique commerce entre les peuples le recours à de tels principes, dès que le pouvoir civil, laissant de côté toute autorité divine « tend, par une conséquence inéluctable, à s'attribuer cette absolue autonomie qui ne revient qu'au Créateur suprême et à se substituer au Tout-Puissant en élevant l'État ou la colléetivité au rang de fin dernière de la vie, de souverain critère de l'ordre moral et juridique, et en interdisant pour cette raison tout appel aux principes de la raison naturelle et de la conscience chrétienne ». (Ibidem.)

Par conséquent le remède est le retour à la voie normale :

Pour sortir donc des malaises présents et pour pouvoir accélérer l'établissement « de contacts harmonieux et durables et de relations fructueuses » entre les peuples, il convient que le nouvel ordre international soit édifié sur « cette roche inébranlable de la loi morale », qui reconnaissant l'origine divine, la dignité et l'égalité de tous les hommes, puisse assurer en même temps à chaque nation le droit à la vie, à l'indépendance, à la possibilité de se développer, et qui puisse raviver en toutes le sens du devoir de fidélité aux pactes régulièrement conclus. De fait, comme le remarquait déjà l'Apôtre des Gentils, le Créateur « tira d'une souche unique toute la race des hommes, pour qu'elle peuplât l'entière surface de la terre et fixa la durée de leur existence et les limites de leur habitation afin qu'ils cherchassent Dieu ». (Act. XVII, 26 et suiv.)

Le Souverain Pontife souhaite que la Semaine Sociale de Milan mette -principes en évidence:

De Saint-Père ne doute pas — et la valeur et la compétence des rapporteurs lui en est une garantie — que de tels principes fondamentaux de la doctrine catholique ne soient largement examinés et discutés au cours de la prochaine Semaine Sociale, de façon que celle-ci puisse marquer véritablement un pas en avant, orientant toujours plus vers la vérité, l'opinion publique des catholiques italiens et portant à la grande cause de la pacification universelle son appréciable contribution.

Avec ces sentiments et ces voeux dans le coeur, Sa Sainteté appelle sur les participants à la Semaine — conférenciers et auditeurs — l'abondance des lumières du divin Consolateur, tandis que, avec affection paternelle, Elle accorde à tous la Bénédiction Apostolique.

1. D'après le texte latin des A. A. S. XI,, 1948, p. 393; traduction française dans Acies Ordinata, Nova Series, n" 8, septembre-octobre 1948, p. i.
2. Cf. p. 41.
3. Bulla Omnipotentis Dei, 5 déc. 1584.



CONSTITUTION APOSTOLIQUE "BIS SAECULARI " SUR LES CONGRÈGATlONS MARIALES (27 septembre 1948)

1.

Durant l'année 1948, le Saint-Père a publié deux documents sur les Congrégations mariales, le premier est une Lettre au R. P. Daniel Lord S. J. du 24 janvier 1948 2, le deuxième est cette Constitution apostolique datée du 27 septembre 1948, 200e anniversaire de la Bulle d'Or (appelée ainsi à cause du sceau d'or qui, dans des circonstances exceptionnelles, remplaçait le sceau de plomb) Gloriosae Dominae de Benoît XIV. Véritable charte des Congrégations mariâtes, cette constitution renouvelle à l'oeuvre les encouragements et l'approbation solennelle de l'Église. Par son insistance sur le principe d'élite, la formation spirituelle et l'exercice de l'apostolat, elle rappelle à leur esprit authentique les Congrégations qui en auraient dévié. Elle précise enfin la place des congrégations dans l'Eglise, leur dépendance vis-à-vis de la Hiérarchie et leurs rapports avec les autres oeuvres d'Action Catholique.

Le Pape commence par annoncer son intention de confirmer en cet anniversaire de la Bulle d'Or, les vastes privilèges et grâces accordés aux congrégations :



En l'heureux anniversaire du jour où, voici deux siècles, Benoît XIV, par sa Bulle d'Or Gloriosae Dominae, affermissait et comblait de nouvelles faveurs les Congrégations Mariales érigées et instituées à jamais par Grégoire XIII3 , Nous estimons qu'il appartient à Notre charge apostolique, non seulement de féliciter paternellement les directeurs et les membres de ces mêmes Congrégations, mais encore de ratifier et de confirmer solennellement les vastes privilèges et les grâces par lesquels, au cours de près de quatre siècles, nombre de Nos Prédécesseurs1 et Nous-même avons enrichi ces Congrégations.

Les congrégations en effet, aujourd'hui comme jadis, sont parmi les meilleures forces de l'Église:

Nous n'ignorons pas en effet, pour emprunter les paroles de Benoît XIV dans la Bulle « Gloriosae Dominae » déjà citée, non seulement « quelle utilité résulta pour toutes les classes sociales de cette institution louable et pieuse 2 », dans les époques précédentes, mais aussi avec quel zèle et quelle ardeur, aujourd'hui, ces phalanges mariales, marchant sur les traces glorieuses de leurs aînées, et religieusement fidèles à leurs règles, ambitionnent de se tenir au premier rang, sous les auspices et la direction de la Hiérarchie, dans les travaux à entreprendre et à soutenir constamment pour la plus grande gloire de Dieu et le bien des âmes, si bien qu'il faut les compter parmi les troupes et les forces spirituelles les plus solides pour la défense et l'extension de la religion catholique 3. Et cela pour de multiples raisons.

1. Xystus V, Bulla Superna dispositione, 5 Ian. 1587; Bulla Romanum decet, 29 Septembris 1587. - Clemens VIII. Breve Cum sicut Nobis, 30 Aug. 1602. -Gregorius XV, Bulla Alias pro parte, 15 April. 1621. - Benedictus XIV, Breve Praeclaris Romanorum Pontificum, 24 April. 1748; Bulla Aurea Gloriosae Dominae, 27 Sept. 1748; Breve Quemadmodum Presbyteri, 15 lui. 1749; Breve Quo Tibi, 8 Sept. 1751; Breve Laudabile Romanorum, 15 Febr. 1758. - o.emens XIII, Bulla Apostolicum, 7 Ian. 1765. - Pius VI, Decreta 2 Maii 1775, 9 Dec. 1775, 20 Mart. 1776. - deo XII, Breve Cum multa, 17 Maii 1824. - Pius IX, Decretum 8 lui. 1848; Breve Exponendum, io Febr. 1863. - deo XIII, Breve Frugiferas, 27 Maii 1884; Breve Nihil adeo, 8 Ian. 1886. - Pius X, Decreta io Maii 1910 ac 21 lui. 1910. - Benedictus XV, Alloc. 19 Dec. 1915, in quadragesimo anniversario Suae in Sodalitatem cooptationis. - Pius XI, Praesertim Alloc. 30 Mart. 1930; Alloc. 29 Aug. 1935.
2. Benedicti XIV Bulla Aurea Gloriosae Dominae, 27 Sept. 1748.
3. Pii XII Epist, ad Car d. Leme, 21 Ian. 1942.


Tout d'abord par leur nombre :

A remonter en effet l'histoire des Congrégations Mariales, bien qu'on les voie toujours florissantes et nombreuses, il faut avouer que les anciennes ne peuvent soutenir la comparaison avec les modernes, pour le nombre du moins, car pour l'ardeur des travaux elles le peuvent fort bien; dans les siècles précédents en effet, le nombre annuel des affiliations à la Prima Primaria ne dépassait jamais la dizaine, tandis que depuis le début du vingtième siècle il atteint facilement le millier.

L'essentiel est pourtant dans les règles, et le Pape énumère leurs principales exigences de vie spirituelle. Elles exciteront la charité et alimenteront la vie intérieure si uécessaire à cette époque d'indigence spirituelle :

Mais l'essentiel, beaucoup plus important que le nombre des Congrégations, ce sont les règles qui amènent en quelque sorte le Congréganiste à cette qualité de vie spirituelle 1 qui lui permet d'atteindre aux sommets de la sainteté 2, grâce surtout aux moyens qui constituent l'équipement si utile de qui veut suivre le Christ de façon parfaite et absolue : les Exercices spirituels3, la méditation et l'examen de conscience quotidien4, la fréquentation des sacrementsB, les relations fréquentes avec un directeur spirituel fixe et la docilité filiale envers lui6, le don total de soi à la Sainte Vierge 7, la promesse ferme de travailler à sa perfection et à celle des autres8.

Tous ces moyens sont aptes à exciter chez les Congréganistes l'ardeur de la charité, à nourrir et fortifier la vie intérieure si nécessaire à notre époque où, selon la remarque faite par Nous ailleurs, des foules si nombreuses souffrent « de faim et d'indigence spirituelle 9.

1. Cf. Reg. Comm., r, 33.
2. Cf. Reg. Comm., 12.
3. Cf. Reg. Comm., 9.
4. Cf. Reg. Comm., 34.
5. Cf. Reg. Comm., 37, 38, 39.
6. Cf. Reg. Comm., 36.
7. Cf. Reg. Comm., 27, 1, 40, 43.
8. Cf. Reg. Comm., Iam.
9. Pii XII Litterae Encyclicae Summi Pontificatus, 20 Oct. 1939 : A. A. S. XXXI, 1939, p. 415.


Heureusement, quand ces règles sont mises en pratique, la vie chrétienne rayonne; les vocations sacerdotales et religieuses se multiplient; il n'est pas rare de voir des congréganistes atteindre à la sainteté. Ce zèle pour la vie intérieure s'épanouit en oeuvres apostoliques, aussi peut-on dire que la Congrégation forme des catholiques parfaits non moins adaptés que jadis aux besoins du temps:

Ces moyens se trouvent non seulement décrits en des lois très sages, mais aussi mis en pratique d'une façon très heureuse dans la vie des Congrégations Mariales, car, partout où elles se rassemblent pourvu qu'elles gardent soigneusement leurs constitutions et leurs lois, l'honnêteté des moeurs et la pratique sérieuse de la religion fleurissent et se fortifient; bien plus, avec la grâce de Dieu, il en sort de nombreux Congréganistes, désireux de conquérir personnellement la perfection chrétienne et d'en faire part aux autres, soit dans la vie ecclésiastique, soit dans la sainte retraite de la religion; et il n'est pas si rare d'en voir l'un ou l'autre atteindre aux plus hauts sommets de la sainteté 1. Ce zèle fervent pour la vie intérieure s'épanouit comme naturellement en nouvelles oeuvres apostoliques répondant aux circonstances et aux besoins nouveaux; aussi affirmons-Nous sans aucune hésitation que le catholique parfait, tel que dès ses origines la Congrégation Mariale l'a formé, n'est pas moins adapté aux besoins actuels qu'à ceux du temps passé, car, plus qu'autrefois peut-être, il nous faut des chrétiens solidement formésa.

Le Pape examine maintenant l'activité apostolique des Congrégations. Celles qui suivent leurs règles s'y adonnent, méritent un éloge particulier. On sait avec quel succès consolant elles travaillent dans le monde entier et dans toutes les classes sociales à soulager les besoins corporels et spirituels. Leur activité s'exerce jusque dans les Parlements et au Pouvoir suprême en soutenant des lois conformes aux principes évangéliques et à la justice sociale. Nombreuses sont les associations fondées ou soutenues par elles pour la défense de la moralité, la bonne presse et l'enseignement :

C'est pourquoi, du haut de cette chaire de Pierre mieux que de partout ailleurs, observant dans le monde entier l'admirable zèle de tant de chrétiens soucieux de protéger, de défendre et de propager la religion, Nous estimons dignes d'un éloge particulier les Congrégations Mariales qui depuis leurs origines se sont proposé comme un devoir propre et particulièrement conforme à leurs règles 3 d'entreprendre individuellement et en groupes, sous la conduite des Pasteurs 4, tous les travaux apostoliques recommandés par l'Église notre Mère 5. Avec quel succès et quels heureux accroissements du catholicisme ils ont satisfait à cette charge, les éloges réitérés des Souverains Pontifes le déclarent éloquemment1. Et à notre époque tourmentée par tant de fléaux, c'est pour Nous une très joyeuse consolation de voir les Congréganistes déployer vigoureusement et efficacement leurs forces dans toutes les parties du monde, dans toutes sortes d'apostolats, et dans toutes les classes sociales, chez les jeunes gens particulièrement et chez les ouvriers, en les stimulant par les Exercices spirituels à la vertu et au désir d'une vie plus chrétienne, chez les pauvres, en soulageant leurs besoins corporels et spirituels, et cela non seulement par une initiative privée et par une inclination naturelle, mais en soutenant dans les Parlements et même des sommets du Pouvoir « suprême, la création des lois conformes aux principes évangéliques et à la justice sociale 2.

1. Pn XII Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945.
2. Pn XII Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945.
3. Pn XI Alloc, ad Sod. Mar., 30 Mart. 1930.
4. Cf. Pn XII Epist, ad P. D. Lord, 24 Ian. 1948.
5. Cf. Pn XII Epist, ad Card. Leme, 21 Ian. 1942.

Il ne faut pas non plus oublier les associations créées par les Congrégations Mariales ou soutenues par elles en vue de combattre l'immoralité des spectacles au théâtre et au cinéma, de protéger la morale contre les mauvais livres et la presse corrompue, d'ouvrir gratuitement des écoles aussi nombreuses que possible aux enfants et aux adultes peu fortunés, de créer des écoles techniques pour perfectionner les ouvriers dans leur métier 3, celles surtout destinées à préparer d'une manière plus poussée aux diverses professions et spécialités4; cette forme d'apostolat, si nécessaire dans les circonstances actuelles, est développée par un grand nombre de Congrégations Mariales, les Congrégations interparoissiales surtout, pour des groupes dont les membres sont unis entre eux par la similarité de métier ou de profession 6.

1. Cf. Reg. Comm., 1, 12, 43. - Benedicti XIV B ullam Auream Gloriosae Dominae, 27 Sept. 1748. - Benedicti XV Alloc, ad Sod. Mar., 19 Dec. 1915. - Pu XI Epist, ad Adm. Apost. Oenip., 2 Aug. 1927; Epist, ad Congr. Mar. Germaniae, 8 Sept. 1928. - Pu XII Epist. Apost. Nosti profecto, 6 lui. 1940; Alloc, ad A. C. Ital., 4 Sept. 1940; Epist, ad Card. Leme, 21 Ian. 1942; Epist, ad P. S. Ilundain, 26 Aug. 1946; Alloc, radioph. ad Congressum Barcin,. 7 Dec. 1947.
2. Cf. Pii XII Epist, ad P. D. Lord, 24 Ian. 1948; Alloc, ad Sod. Mar. ex 1 Conférence Olivaint », 27 Mart. 1948.
3. Cf. Pii XII Epist, ad P. D. Lord, 24 Ian. 1948.
4. Cf. Pii XII Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945.
5. Cf. Pii XII Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945.

Ce travail apostolique se fait en accord fraternel avec les autres associations catholiques: les congréganistes ne sont-ils pas parmi les principaux pionniers de l'Action Catholique dont ils ont, en certains pays, constitué les premiers groupes?

Voilà donc des oeuvres nombreuses et fort utiles au catholicisme. A ce sujet il faut également louer les Congrégations Mariales d'avoir toujours sincèrement souhaité, surtout en ces derniers temps, travailler fraternellement en plein accord avec les autres associations catholiques dans le désir que cette union des forces, sous l'autorité et la conduite des Évêques, produisît pour le règne du Christ des fruits plus abondants; bien plus, comme Nous l'avons noté ailleurs à propos de l'Action Catholique italienne1, les premiers groupes de l'Action Catholique ont été en certains pays constitués de Congréganistes auxquels succédèrent d'autres Congréganistes, qui apportèrent leur concours ardent, en démontrant en pratique que les Congréganistes doivent à bon droit être considérés au nombre des principaux pionniers de l'Action Catholique.

Une des forces de leur apostolat consiste dans leur obéissance au Pape et aux Évêques :

En outre, comme toute la force des catholiques groupés et ordonnés comme une armée consiste dans l'obéissance aux Pasteurs, qui ne voit quels bons instruments d'apostolat il faut estimer les Congrégations Mariales à cause de leur soumission absolue et fervente non seulement au Siège Apostolique qui est la tête et la source de toute la Hiérarchie ecclésiastique 2, mais aussi, selon leur nature et leurs moyens, aux ordres et aux conseils des Ordinaires reçus avec une obéissance humble et docile? 3

1. Cf. Pie XII Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945.
2. Cf. Conc. Vat., Sess. IV, Const. I « De Ecclesia Christi ».
3. Cf. Pie XII Epist, ad Card. Leme, 21 Ian. 1942.

Comment les Congrégations dépendent-elles de la Hiérarchie? Dans leur apostolat, toutes sont soumises à VÉvêque du lieu et, en certains cas, au curé. Pour leur régime intérieur, les unes dépendent de Vévêque et des curés, les autres sont sous l'autorité directe du pape et, par délégation, du général de la Compagnie de Jésus :

Qui étudiera en effet le régime intérieur de ces Congrégations, constatera qu'elles se trouvent, les unes sous l'autorité des Évêques et des Curés, les autres par privilège, sous la Nôtre propre, et par délégation reçue de Nous, sous l'autorité du Général de la Compagnie de Jésus; toutes cependant, dans le choix et la poursuite des travaux apostoliques, sont soumises à l'Évêque du lieu ou même en certains cas au Curé. Ainsi donc la Hiérarchie ecclésiastique, dont elles dépendent entièrement dans l'entreprise et la poursuite des oeuvres, les compte parmi les effectifs de l'Apostolat militant; c'est à juste titre par conséquent, comme Nous l'avons souligné jadis 1, qu'on doit les mettre au nombre des coopératrices de l'apostolat hiérarchique.


Pareil attachement à l'Église découle de la règle dont le Pape cite un bel extrait:

Ce respect et cette obéissance déférente envers les Pasteurs, qui sont innés en quelque sorte chez les Congréganistes de la Sainte Vierge, il faut bien qu'ils soient puisés à leurs règles mêmes, d'après lesquelles c'est un point essentiel de professer intégralement par sa vie et sa conduite tout ce qu'enseigne l'Église catholique, louant ce qu'elle loue, blâmant ce qu'elle blâme, étant d'accord avec elle en tout point, et ne rougissant jamais de se conduire en public et en privé comme il convient à un fils fidèle et très respectueux d'une telle mère 2.

1. Pie XII Alloc, ad A. C. Ital., 4 Sept. 1940 : A. A. S. XXXII, 1940, p. 369.
2. Cf. Reg. Comm., 33.


A cette union ne s'oppose nullement le fait que les Congrégations aient été fondées par les jésuites et que certaines d'entre elles (5 %) soient sous leur dépendance. Bien au contraire, elles semblent avoir tiré de cette origine une certaine inclination à « penser avec l'Église ». La preuve en est dans les Congréganistes canonisés qui n'illustrent pas seulement la Compagnie de Jésus mais aussi le clergé séculier et de nombreuses familles religieuses (dix d'entre elles furent fondées par des Congréganistes canonisés).

A cette union étroite et presque militaire des catholiques ne s'oppose nullement le fait que ces Congrégations, originairement créées par les fils de Saint Ignace se présentent comme des rejetons et des annexes de cette famille religieuse, étant donné surtout qu'une partie d'entre elles, restreinte à la vérité, est comme Nous l'avons dit dirigée par des prêtres de la Compagnie de Jésus en vertu de Notre délégation. Bien plus, s'étant par suite de cette première institution proposé comme assurance les règles « pour penser avec l'Église », c'est-à-dire voulant se conformer aux paroles de « ceux que l'Esprit Saint a établis pour diriger l'Église de Dieu » (Act. XX, 28), les Congrégations semblent en avoir tiré une certaine inclination qui a été et sera encore pour eux un secours très puissant dans l'extension du règne du Christ. Qu'elles se soient toujours appliquées non à quelque intérêt particulier mais à l'utilité commune de l'Église, Nous en avons pour témoin incomparable la phalange éblouissante des Congréganistes auxquels l'Église notre Mère a décidé d'accorder les honneurs suprêmes des Saints. Da Compagnie de Jésus n'est pas la seule à s'illustrer de leur gloire; le "clergé séculier et de nombreuses familles religieuses y participent puisque les Congrégations Mariales ont fourni dix fondateurs d'Ordres ou de Congrégations nouvelles.


La constitution récapitule cette longue analyse en une excellente définition des Congrégations Mariales :

Cela démontre clairement, comme leurs règles approuvées par l'Église le proclament, que les Congrégations Mariales sont des associations pénétrées d'esprit apostolique 1 qui, tout en stimulant leurs membres à la perfection personnelle jusqu'à les voir s'élever parfois à la plus haute sainteté 2, les poussent également à assurer la perfection chrétienne du prochain sous la direction des Pasteurs 3 et à défendre les droits de l'Église *, et leur permettent de préparer d'intrépides hérauts de la très Sainte Vierge et d'excellents propagateurs du règne du Christ6.

1. Cf. Reg. Comm., 1, 43.
2. Reg. Comm., 12.
3. Reg. Comm., 33.
4. Reg. Comm., 1.
5. Reg. Comm., 43.

La question des rapports entre Congrégations et Action Catholique avait parfois fait difficulté. Fallait-il réserver à une seule organisation l'Action Catholique officielle et les Congréganistes devaient-ils s'y affilier? ou bien les Congrégations pouvaient-elles se considérer comme oeuvres d'Action Catholique? Dans certains pays où, en fait, elles s'étaient souvent réduites à de simples groupements de piété, elles avaient naguère été déclarées « précieuses auxiliaires de l'Action Catholique ». Ce titre exprimait-il un élément essentiel ou correspondait-il à une situation de fait et devait-il disparaître avec le retour à une situation plus conforme à l'esprit des règles? Le Saint-Père résoud formellement ces problèmes : les Congrégations sont oeuvres d'Action Catholique:

D'après tout ce qui précède, les Congrégations Mariales considérées, soit dans leurs règles, soit dans leur nature, leur but, leurs efforts et leur action ne manquent d'aucun des caractères qui définissent l'Action catholique, puisque celle-ci, comme l'a proclamé tant de fois Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie XI, n'est autre que « l'apostolat des fidèles qui consacrent leur activité à l'Église et l'aident dans une certaine mesure à remplir son office pastoral n1.

Des Congrégations Mariales peuvent de plein droit être appelées « l'Action catholique entreprise sous l'inspiration et avec le secours de la Très Sainte Vierge * »; son organisation et ses caractères particuliers ne s'y opposent aucunement, « ils sont plutôt et ils seront, comme ils l'ont été, la protection et la défense de leur meilleure formation catholique 3 ».

1. Pie XI Epist, ad Card. van Roey, 15 Aug. 1928 : A. A. S. XX, 1928, p. 296; Epist, ad Card. Segura, 6 Nov. 1929 : A. A. S., 21, p. 665.
2. Cardinalis PacEIvW Alloc, ad Sod. Mar. in Menzingen (Helvetia), 22 Oct. 1938.
3. Pie XI Alloc, ad Sod. Mar., 30 Mart. 1930.

L'Action Catholique ne se cantonne pas dans un cercle fermé. Loin de supprimer ou d'absorber les autres associations, elle les unit et les fait s'entraider. Car il n'est pas dans l'esprit de l'Église de réduire toute entreprise à une seule formule et de restreindre l'épanouissement spontané de la vie. Mieux vaut une unité multiforme dans laquelle la compréhension mutuelle et la charité écarteront toute controverse de primauté:

En effet, le Siège Apostolique l'a déclaré maintes fois, « l'Action Catholique ne se cantonne pas dans un cercle fermé 4 » comme en des limites définies de façon rigide et qu'il ne faudrait pas dépasser; « elle ne prétend pas atteindre son but par un moyen et une méthode particulière 1 », au point de supprimer ou d'absorber les autres associations actives de catholiques; elle considérera plutôt comme son rôle de « les unir, trouver des arrangements amicaux, faire profiter les progrès de l'une au bien des autres, dans une concorde parfaite, dans l'union et la charité a ». En effet, comme Nous l'avons récemment recommandé en termes exprès, « dans cette remarquable ferveur de l'apostolat, que Nous louons grandement, il faut éviter l'erreur de certains, qui veulent réduire à une seule formule tout ce qu'on entreprend pour le bien des âmes8»; car, il faut le dire, cette manière d'agir s'écarte complètement de l'esprit de l'Église1 ; celle-ci est loin d'approuver cette « restriction de l'épanouissement spontané de la vie5 » qui confie toute oeuvre apostolique à une seule association ou à une seule paroisse; elle est bien plutôt favorable à « une unité multiforme 6 » dans la conduite de ces oeuvres qu'il faut orienter vers un même but dans un effort fraternel commun, sous la direction des Évêques '. Or « l'union des esprits et des coeurs, la coordination et la compréhension mutuelle que nous avons si souvent recommandées 8 », ces associations y arriveront d'autant plus facilement qu'elles auront d'abord écarté toute controverse de primauté 9, et que s'aimant plus profondément « dans la charité fraternelle, elles feront passer les autres avant elles dans leur estime »10 et ne cherchant que la gloire de Dieu, elles se persuaderont être préférables aux autres le jour où elles auront appris à laisser aux autres la première place ».


4. Pie XI Epist. Encycl. Firmissimam constantiam, ad Episcopos Mexicanos, 28 Martii 1937 : A- A- S. XXIX, 1937, P- 2I°-
1. Pie XI Epist. Quae nobis ad Card. Bertram, 13 Nov. 1928 : A. A. S. XX, 1928, p. 386.
2. Pie XI Alloc, ad Act. Cath. Galliae, 20 Maii 1931.
3. Pie XII Alloc, radioph. ad Congressum Barcin., 7 Dec. 1947 : A. A. S. XXXIX, 1947. P- 3°4-
4. Pie XI Alloc, ad Act. Cath. Ital., 28 Iun. 1930.
5. Pie XI Epist. Quamvis Nostra ad Episc. Brasiliae, 27 Oct. 1935 : A. A. S. XXVIII, 1936, p. 160.
6. Pie XI Alloc, ad Sod. Mar., 30 Mart. 1930.
7. Cf. Pn XII Epist, ad P. S. Ilundain, 26 Aug. 1946.
8. Pie XI Epist. Quamvis Nostra ad Episc. Brasiliae 27 Oct. 1935 : A. A. S. XXVIII, 1936, p. 163.
9. Cf. Mc 9,33
10. Rm 12,10.
11. Cf. Mt 20,26-27.


La Constitution se termine par un dispositif de douze points qui résume en des formules nettes et juridiques les considérations et directives précédentes :

Pour ces motifs, et dans l'espoir très vif que ces écoles de piété et de vie chrétienne active croissent de jour en jour en vigueur 1 et en force, Nous déclarons de façon expresse, en vertu de Notre autorité apostolique, certains points communs aux Congrégations du monde entier et que tous les intéressés doivent garder religieusement.

Les Congrégations agrégées à la Prima Primaria (il s'agit de la première congrégation fondée en 1562 par Jean Leunis; érigée en 1584 par Grégoire XIII en Congregatio primaria, c'est-à-dire pouvant s'en agréger d'autres; elle fut plus tard divisée en sections dont seule subsiste la première, d'où le nom traditionnel de Prima Primaria) sont des institutions ecclésiastiques, supposant une érection par l'ordinaire compétent, très généralement l'évêque du lieu ou le général de la Compagnie de Jésus pour ses maisons et les endroits qui lui sont confiés. L'agrégation à la Prima Primaria n'entraîne aucune dépendance à son égard, pas plus d'ailleurs qu'à l'égard du général de la Compagnie de Jésus à qui est réservée cette agrégation :

I. Les Congrégations Mariales dûment agrégées à la Prima Primaria du Collège Romain, sont des associations religieuses érigées et constituées par l'Église2, et ont reçu d'Elle les plus larges faveurs pour mieux accomplir leur mission 3.

IL On ne doit reconnaître pour Congrégation Mariale légitime que celle qu'a érigée l'Ordinaire compétent, savoir : le Général de la Compagnie de Jésus dans les lieux qui appartiennent à cette Compagnie ou lui sont confiés1; partout ailleurs, l'Évêque du lieu, ou de son consentement formel, le Général plus haut mentionné 5. Pour jouir des privilèges et indulgences accordés à la Prima Primaria, une Congrégation, érigée comme Nous avons dit, doit lui être dûment agrégée 6. Cette agrégation, qui se demande avec le consentement de l'Ordinaire et ne relève que du Général de la Compagnie de Jésus 1, ne confère à la Prima Primaria, non plus qu'à la Compagnie de Jésus, aucun droit sur cette Congrégation 2.

1. Pie XII Epist, ad Card. Leme, 21 Ian. 1942.
2. Cf. Bullam gregorii XIII Omnipotentis Dei, 5 Dec. 1584.
3. Cf. Pontificia documenta supra recensita, notis (i) et (2).
4. Srxïl V Bull. Romanum decet, 29 Sept. 1587.
5. S. Congr. Indulg., decr. 23 Iun. 1885.
6. Cf. C. I. C, CIS 686; Bullam Auream Gloriosae Dominae, 27 Sept. 1748; Decretum Leonis XII 17 Maii 1824; Decretum S. Congr. Indulg., 23 Iun. 1885.
1. Cf. Rescript. S. Congr. Indulg., 17 Sept. 1887; C. /. C, CIS 723; Reg. Corn., 2.
2. Cf. C. I. C, 722 § 2; Declarat. A. R. P. Ludovici Martin, Praep. Generalis S. I., 13 April. 1904.

On ne s'étonnera plus que :

III. Des Congrégations Mariales, répondant pleinement aux besoins actuels de l'Église 3, doivent selon la volonté des Souverains Pontifes, garder intacts leurs lois, leur caractère et leur méthode de formation *.

Les règles communes dont la dernière codification date de iqio doivent être observées dans leur substance pour obtenir l'agrégation; à toutes les congrégations elles sont vivement recommandées :

IV. Des Règles Communes, qu'il faut observer au moins sur les points essentiels si on veut obtenir l'agrégation B, sont instamment recommandées à toutes les Congrégations comme le résumé et le code de la discipline observée dès le début par les Congrégations et confirmée par un constant usage 6.

Qu'elles soient ou non dirigées par la Compagnie de Jésus, les congrégations dépendent toutes, de façon substantiellement identique de la Hiérarchie ecclésiastique :

V. Des Congrégations Mariales, exactement comme les autres groupements qui se consacrent au travail apostolique, dépendent toutes de la Hiérarchie Ecclésiastique, de manière substantiellement identique, bien qu'accidentellement diverse '.

Cette dépendance est expliquée dans le 6e point. L'Ordinaire du lieu a autorité sur toutes les Congrégations de son diocèse pour ce qui concerne l'apostolat extérieur et, pour le régime interne, sur toutes celles qui ne sont pas du domaine de la Compagnie de Jésus. Le curé est le directeur naturel • des Congrégations de sa paroisse et a par rapport a l'apostolat exercé sur son territoire, l'autorité que lui confèrent le droit canon et les statuts diocésains :

3. Cf. praesertim : Pn XII Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945; Epist, ad P. S. Ilundain, 26 Aug. 1946; Epist, ad P. D. Lord, 24 Ian. 1948.
4. Cf. praesertim : Pn XI Alloc, ad Sod. Mar., 30 Mart. 1930; Alloc, ad Sod. Primae Primariae, 24 Mart. 1935. - Pn XII Telegr. ad 7 Dec. 1947; Epist, ad P. D. Lord, 24 Ian. 1948.
5. Cf. Decretum S. Congr. Indulg., 7 Mart. 1825; Decretum S. Congr. Indulg., 23 Iunii 1885; Rescript. S. Congr. Indulg., 17 Sept. 1887.
6. Cf. Pii XII Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945; Epist, ad P. D. Lord, 24 Ian. 1948.
7. Cf. Conc. Vat., Sess. IV, Const. « de Ecclesia Christi », cap. 3 ; C. I. C, CIS 218 § 2 ; Pn XII Alloc, ad Act. Cath. Ital., 4 Sept. 1940; A. A. S. XXXII, 1940, p. 369; Epist, ad Card. Leme, 21 Ian 1942; Alloc, ad Congressum Barcin., 7 Dec. 1947 : A. A. S. XXXIX, 1947. P- »34-


VI. Pour éviter dans l'extension du Règne de Dieu et la défense des droits de l'Église, la dispersion des troupes et l'énervement des forces, les Congréganistes de la Sainte Vierge s'attacheront fidèlement aux exemples de leurs premiers membres et à la pratique actuelle; dans l'entreprise et la poursuite des travaux apostoliques, ils se rappelleront :

a) que l'Ordinaire du lieu

1. selon les saints Canons et sous réserve des prescriptions et documents du Siège Apostolique, a autorité sur absolument toutes les Congrégations de son diocèse pour ce qui concerne l'apostolat extérieur;

2. qu'il a aussi autorité sur les Congrégations fondées en dehors du domaine de la Compagnie de Jésus et qu'il peut leur donner des règles particulières, en respectant cependant la substance des Règles Communes1.

b) que le Curé

1. est le Directeur naturel des Congrégations de sa paroisse et donc qu'il lui revient de les diriger comme les autres groupements spirituels de son territoire;

2. qu'il a sur toutes les Congrégations qui exercent l'apostolat dans son territoire, l'autorité que lui confèrent les saints Canons et les statuts diocésains, pour le bon ordre de l'apostolat extérieur 2.

Le directeur qui doit être prêtre, a la pleine responsabilité de la vitalité interne de l'association. Son autorité s'exerce opportunément par les dignitaires de la congrégation:

VII. De Directeur légitimement nommé de toute Congrégation Mariale, qui doit toujours être revêtu de la dignité sacerdotale, bien qu'il soit entièrement soumis à ces Supérieurs ecclésiastiques légitimes, jouit cependant, en vertu des Règles

1. Cf. C. I. C, CIS 334 § i, 335 § i ; Statuta Generalia CC. MM., 31 Aug. 1885, 2, 5.
2. Cf. C. I. C, CIS 464 § 1 ; Declarat. A. R. P. Ludovici Martin, 13 April. 1904.

Communes, de pleins pouvoirs concernant la vie intérieure de la Congrégation elle-même, et il convient que le plus souvent il les exerce par les Congréganistes qui lui sont adjoints pour l'aider dans sa charge x.

A ces associations, la Vierge Marie ne donne pas seulement leur nom et leur titre, mais la note caractéristique de leur spiritualité. Une consécration totale et de soi perpétuelle lie le congrêganiste à Marie:

VIII. Ces Congrégations doivent se dire Mariales non seulement à cause du titre qu'elles empruntent à la Bienheureuse Vierge Marie 2, mais surtout parce que tous et chacun de leurs membres font profession de singulière dévotion envers la Mère de Dieu 3, qu'ils s'engagent envers Elle par une consécration totale 4, où ils promettent, non toutefois sous peine de péché B, de combattre de toutes leurs forces sous l'étendard de la Vierge, pour leur propre salut et perfection, comme pour le salut et la perfection du prochain 6. Et cet engagement du Congrêganiste à Marie le lie pour toujours à moins qu'on ne le renvoie de la Congrégation pour indignité ou que sa légèreté le fasse lui-même la quitter '.

Le 9e point rappelle le principe d'élite : les membres doivent vouloir un sérieux progrès spirituel:

IX. Dans le recrutement des Congréganistes, que l'on choisisse de préférence avec soin 8 ceux qui, nullement satisfaits d'une manière de vivre vulgaire et commune 9, s'appli

1. Cf. Benedicti XIV Bullam Auream Gloriosae Dominae, 27 Sept. 1748; Laudabile Romanorum, 15 Febr. 1758; Statuta Generalia, 31 Aug. 1885; Reg. Comm., 16, 18, 50.

2. Cf. Reg. Comm., 3; Bull. Aur. Gloriosae Dominae.

3. Cf. Reg. Comm., 1, 40.

4. Cf. Reg. Comm., 27.

5. Cf. Pn XII, Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945; Reg. Comm., 32.

6. Cf. Pu XII, Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945; Epist, ad P. D. Lord, 21 Ian. 1948.

7. Cf. Reg. Comm., 1, 27, 30.

8. Cf. Reg. Comm., 23, 24, 26; Benedicti XV Alloc. ad. Sod. Mar., 19 Dec. 1915. - Pu XI Encycl. Ubi arcano, 23 Dec. 1922 : A. A. S. XIV, 1922, p. 693. - Pn XII Epist, ad Card. Leme, 21 Ian. 1942; Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945; Epist, ad P. S. Ilundain, 26 Augusti 1946; Telegr. ad Conv. CC. MM. Ital., 12 Sept. 1947; Alloc, radioph. ad Congress. Barcin., 7 Dec. 1947 : A. A. S. XXXIX, 1947, p. 634.

9. Cf. Reg. Comm., 1, 35.

quent, selon les règles ascétiques et les exercices de piété proposés dans les Règles1, à réaliser, fussent-elles rudes, « des ascensions dans leur coeur » (Cf. Ps. LXXXIII, 6) 2.

Ils seront soigneusement formés à devenir des modèles de vie chrétienne et d'activité apostolique:

X. Il incombe aux Congrégations Mariales de former leurs membres chacun selon sa condition, en sorte qu'on puisse les proposer à leurs égaux comme des modèles de vie chrétienne et d'activité apostolique 8.

Parmi les fins primaires de la congrégation se trouve — suivant les règles en vigueur — toute forme d'apostolat, surtout social, confié par la Hiérarchie :

XI. Parmi les fins primaires des Congrégations 4 il faut compter toute forme d'apostolat, surtout social, qui, pour étendre le Règne du Christ et défendre les droits de l'Églisei, leur est confié par la Hiérarchie ecclésiastique elle-même 6; mais pour assurer cette pleine et vraie coopération des Congrégations à l'apostolat hiérarchique 6, les règles qu'elles possèdent à cet effet ne sont aucunement à modifier ou à renouveler 8.

1. Reg. Comm., 12.

2. Cf. Reg. Comm., 9, 33, ad 45.

3. Cf. Reg. Comm., 14, 1, 33, 43; Pu XII Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945; Telegr. ad Conv. CC. MM. Ital-, 12 Sept. 1947; Epist, ad P. D. Lord, 24 Ian. 1948; Alloc, ad Sod. Mar., ex « Conférence Olivaint », 27 Mart. 1948.

4. Benedicti XIV Bull. Aur. Gloriosae Dominae, 27 Sept. 1748. - Benedicti XV, Alloc, ad Sod. Mar., 19 Dec. 1915. - Pli XI Epist, ad Adm. Apost. Oenip., 2 Aug. 1927. - Pn XII Epist, ad Card. Leme, 21 Ian. 1942; Epist, ad P. S. Ilundain, 26 Aug. 1946; Alloc, radioph. ad Congress. Barcin., 7 Dec. 1947 : A. A. S. XXXIX, 1947, p. 633.

3. Reg. Comm., i; Pn XII Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945.

6. Cf. Epist. Card. Pacelli ad Card. Faulhaber, 3 Sept. 1934 ; Pn XII Epist. Apost. Nosti profecto, 6 Ini. 1940; Alloc, ad Sod. Mar., 21 Ian. 1945; Epist, ad P. S. Ilundain, 26 Aug. 1946; Epist, ad P. D. Lord, 24 Ian. 1948.

7. Pn XII Alloc, ad Act. Cath. Ital., 4 Sept. 1940 : A. A. S., 32, 1940, p. 369; Epist, ad Card. Leme, 21 Ian. 1942; Card. Pacewi Alloc, ad Sod. Mar. in Menzingen (Helvetia), 22 Octobris 1938.

8. Cf. Pn XII Alloc, radioph. ad Congr. Barcin. : A. A. S., 39, 1947, p. 634.

Les congrégations doivent être mises sur le même rang que les autres associations apostoliques; par suite, leurs membres ne doivent pas nécessairement s'inscrire à d'autres groupes, la conduite des évêques suffisant à assurer l'entraide et l'unité d'action :

XII. Enfin, les Congrégations doivent être mises sur le même rang que les autres associations poursuivant un but apostolique 1, qu'elles forment avec elles une fédération ou qu'elles soient avec elles rattachées à l'organisation centrale de l'Action catholique; par suite, puisque les Congrégations doivent apporter leur concours empressé, sous la conduite et l'autorité des Pasteurs a, à n'importe quelle autre association 3, il n'est point nécessaire à chacun de leurs membres de s'inscrire à d'autres groupes 4.

Les formules de conclusion marquent nettement la volonté du Saint Père que ces directives ne restent pas lettre morte :

Voilà donc ce que Nous ordonnons et proclamons. Nous voulons que les présentes lettres aient dès maintenant et pour l'avenir toute leur force, valeur et efficacité; qu'elles reçoivent et obtiennent leur plein et entier effet; qu'elles soient acceptées en leur plénitude par ceux qu'elles concernent; qu'elles soient la norme dûment et définitivement établie; par suite, que toute proposition qui y serait contraire, quel qu'en soit l'auteur et son autorité, proposée sciemment ou par ignorance, soit désormais nulle et sans valeur. Toutes dispositions contraires étant sans effet.

1. Cf. Pn XII Alloc, ad Act. Cath. liai., 4 Sept. 1940 : A. A. S., 32, 1940, p. 368; Telegr. ad Conc. CC. MM. Ital., 12 Sept. 1947; Alloc, radioph. ad Congr. Barcin., 7 Dec. 1947 : A. A. S., 39, 1947, p. 634.

2. Cf. inter alia : Pn XII Telegr. ad Conv. CC. MM. Ital., 12 Sept. 1947; Epist, ad P. D. Lord, 24 Ian. 1948; Epist. Duringrécent years ad Episc. Indiae, 30 Ian. 1948.

3. Cf. praesertim : Pn XI Epist, ad Episc. Brasiliae, 27 Oct. 1935 : A. A. S., 38, 1936, p. 161; Alloc, ad Sod. Mar., 30 Mart. 1930. — Pn XII Alloc, ad Act. Cath. Ital., 4 Sept. 1940 : A. A. S., 32, 1940, p. 369.

4. Cf. Pn XII Epist, ad P. S. Ilundain, 26 Aug. 1946.



ALLOCUTION AUX MEMBRES DES OEUVRES DE LA PROTECTION DE LA JEUNE FILLE (28 septembre 1948).

Le XIe Congrès de l'Association Catholique internationale des OEuvres de la Protection de la Jeune Fille 2 se tint à Rome du 28 septembre au ier octobre 1948. Les Congressistes furent reçues en audience à Castel-Gandolfo et Pie XII leur déclara:

1. D'après le texte français de l'Osservatore Romano du 30 septembre 1948.
2. D'Association Catholique internationale des OEuvres de Protection de la jeune fille fut fondée à Fribourg en 1897.
Dès l'année précédente il existait une OEuvre suisse du même nom qui devait se transformer en Association internationale avec l'approbation de SS. Pie X. Le Siège du Secrétariat est fixé à Fribourg.
Cette Association a pour but d'instruire les milieux catholiques des dangers que courent les jeunes filles au point de vue religieux, moral et social, soit dans leur pays, soit à l'étranger, soit au cours des voyages qu'elles peuvent entreprendre. Elle tâche de parer à ces dangers au moyen d'oeuvres catholiques.
Des affiches (jaune et blanc) renseignent les jeunes filles sur les oeuvres qui sont à leur disposition (maison d'accueil, bureaux de placement, restaurants, cours professionnels, etc.).
L'Association est organisée dans une vingtaine de pays.




S'il Nous plaît, en vous accueillant ici, très chères filles, de louer une fois de plus l'utilité, la beauté, et les fruits précieux de votre oeuvre, ainsi que ses incessants progrès, Nous éprouvons une joie toute particulière à rendre témoignage au courage de celles qui s'y dévouent sans compter. Du courage, il vous en faut, et beaucoup, pour affronter avec leurs difficultés, dans leur ampleur, leur variété, leur gravité, tous les problèmes qui se posent; il vous en faut pour pourvoir dans la mesure humaine du possible, aux moyens de préservation, de guérison, de réhabilitation; il vous en faut pour triompher des hostilités, du scepticisme, de l'inertie, de l'indifférence et les transformer s'il se peut, en intérêt, en zèle, en concours convaincu et efficace.

De fait, les jeunes filles demeurent aujourd'hui exposées à de multiples dangers.

Le danger est partout, le mal est étendu et profond; il l'est d'autant plus que trop souvent, on n'y croit guère qu'après la douloureuse, humiliante et, en apparence, humainement irréparable chute. Ignorance, faiblesse, inexpérience, légèreté, sensibilité excessive, imagination désordonnée font double ravage : elles rendent cette chute à la fois plus redoutable et moins redoutée. Sous le prétexte que, dans le passé, la jeune fille, élevée comme en serre, entourée de soins inquiets, jalousement cloîtrée dans son ingénuité, risquait d'être victime de la surprise dès son premier contact avec le monde, et avec la liberté; celle d'aujourd'hui se donne maintes fois l'illusion qu'une éducation et une conduite tout opposée la rendront forte, aguerrie, immunisée, alerte à la défense ou à la riposte; elle prend pour personnalité et pour vigueur ce qui n'est, au fond, que sans-gêne, imprudence ou même effronterie; elle ne veut pas se convaincre que la permanente familiarité avec l'autre sexe, la parité d'occupations et d'allures, contenues un temps dans les limites de la stricte morale, l'exposent tôt ou tard à franchir ces limites. En dépit de sa désinvolture et, parfois même, de sa mentalité masculine, la jeune fille qualifiée de « moderne » garde, bon gré mal gré, les caractères innés, indélébiles de son sexe, son imagination, sa sensibilité, sa tendance sinon à la vanité puérile, du moins assez souvent, à la coquetterie plus périlleuse; elle se laisse prendre au piège, quand elle ne s'y jette pas tête baissée. Elle a l'illusion de l'expérience et se croit, de ce chef, supérieure aux jeunes filles des générations passées. Sous des dehors plus avertis, elle est souvent, en réalité, moins solidement instruite; son expérience est superficielle, suffisante pour ternir sa délicatesse et sa fraîcheur, insuffisante pour la tenir en garde contre les roueries et les hypocrisies des séducteurs; son expérience est aussi surtout négative, et elle ne lui découvre ni la grandeur, ni la beauté, ni les saines et robustes joies du rôle qui la réclame dans la famille et dans la société. Illusion de solidité et de force, illusion d'expérience et de prudence, l'une et l'autre sont l'aliment d'une présomption, à laquelle la nature, même bien guidée, n'est que trop portée. Elle croit pouvoir impunément tout lire, tout voir, tout essayer, tout goûter.

La jeune fille moderne ne veut plus être « protégée », dès lors, elle est désarmée devant les périls de la vie :

A seulement entendre ou deviner un conseil, elle se cabre; le simple soupçon d'une « protection » la révolte. Protection, cela signifie à ses yeux humiliation et asservissement; elle ne se doute pas du besoin qu'elle en a pour la sauvegarde de sa dignité féminine et de sa noble fierté, pour son affranchissement de toutes les séductions, tromperies, flatteries, dont elle est inconsciemment la dupe et l'esclave.

Souvent sa piété est superficielle:

Pour comble, elle est désarmée devant le péril. Pieuse peut-être, du moins elle croit l'être à sa manière, parce qu'elle fréquente, routinière ou superstitieuse, parfois sans y rien comprendre, un minimum de fonctions religieuses, dont elle ne discerne point l'essentiel et l'accessoire; parce qu'elle s'approche, machinale ou — à Dieu ne plaise — indigne, des sacrements, elle n'a de religion et de piété qu'un simple vernis de prétendue dévotion sans substance, sans profondeur, sans doctrine.

Ses connaissances religieuses sont insuffisantes:

Sceptique à l'égard de l'enseignement autorisé de l'Église, elle croit aveuglément ce que lui débitent du dogme, de la morale, de la discipline, ces théologiens improvisés, compagnes ou compagnons de bureau ou d'atelier !

C'est pourquoi, elle est si faible devant le danger:

Et c'est, en bien des cas, dans ces conditions qu'elle affronte tranquillement la vie ! Comme vite elle cédera ! d'abord, une imprudence dont elle rit, le coeur léger; puis une concession, dont elle n'a point scrupule; enfin, la chute — dira-t-on, la première — préparée qu'elle est par de tels préludes?

Elle succombe alors sans même s'en rendre compte:

Parfois, hélas ! sans qu'on s'en soit aperçu, sans qu'elle y ait pris garde ou se soit alarmée, le coeur est déjà gâté par tant de capitulations, tant de fautes secrètes, avant que la catastrophe ne révèle au dehors la déchéance qui, pourtant, date de loin. Il est comme ces fruits magnifiques que le ver ronge au-dedans et dont on ne connaît la corruption qu'au moment de les ouvrir pour en savourer la délicatesse. Ainsi le scandale, le jour où il éclate, entraîne avec lui le déshonneur humain, ne fait que révéler le mal profond, bien plus ancien, et laisse apparaître, derrière la brillante, mais trompeuse façade, qui s'écroule, la pourriture qu'elle avait jusque là masquée. Il faudrait maintenant, pour le guérir, presque un miracle !

Ou bien elle se trouve découragée devant ses défaillances :

Plus souvent, grâce à Dieu ! le coeur de la jeune fille n'est pas ainsi gâté. Il n'est encore qu'affaibli, souillé, dangereusement malade, mortellement blessé peut-être, mais il ne se complaît pas dans son péché et dans son abjection. Elle en gémit, elle alterne les défaillances et les relèvements, les consentements et les repentirs, elle se débat encore — de plus en plus mollement, il est vrai — avant de s'abandonner tout à fait à la tentation décisive. Mais si elle vient à y succomber, la voilà terrassée par le découragement et l'abattement, mauvais conseillers. Que viennent alors à lui manquer l'appui, le soutien affectueux et fort, cette « protection » repoussée naguère, comme humiliante, elle consomme, dans son désarroi, sa ruine spirituelle, ou bien elle s'affole et, dans son affolement, elle cache son crime par un crime nouveau, pour, du moins, sauver les apparences, ou enfin, se libérant, de toute retenue, elle renonce définitivement à un relèvement qui lui semble impossible, elle se livre à la servitude, à l'esclavage de l'infâme exploitation : beaucoup de « professionnelles du vice » n'ont pas commencé autrement.

C'est pour éviter ces catastrophes et guérir ces maux que l'OEuvre de Protection de la Jeune Fille est née:

Pauvre enfant ! comme elle avait besoin de protection pour se garder, quand il était encore temps; comme elle en a besoin maintenant pour se soutenir, pour se relever, pour se réhabiliter dans une vie nouvelle ! Et voilà la tâche, la sainte, mais lourde et difficile tâche, que vous avez voulu assumer dans votre chrétienne et surnaturelle charité.

Da connaissance que vous avez de l'étendue et de la profondeur du fléau, de la variété et de la perfidie ou de la violence des tentations vous fait assez comprendre que le soin individuel de chacune de ces jeunes filles — bien nécessaire, certes ! — ne saurait suffire. Il ne s'agit plus aujourd'hui, d'une pauvre brebis sur cent égarée par malheur, tandis que les quatre-vingt-dix-neuf autres seraient restées fidèles et demeureraient à l'abri du bercail ! Il s'agit du troupeau lui-même dont le pasteur voit trop souvent son action entravée par la malice du démon et des hommes, ses brebis dispersées, errantes, à la merci de tout venant.

Aujourd'hui, l'Église — dans la personne de ses Pasteurs — est trop souvent dans l'impossibilité de porter secours à ces jeunes filles car les États refusent au christianisme le droit de faire l'éducation de la jeunesse :

Eh oui, le pasteur est paralysé. Avons-nous à faire le bilan et le tableau de toutes les campagnes entreprises et menées avec une satanique persévérance, pour empêcher ou réduire le plus souvent possible, l'influence et la part de la religion chrétienne dans l'instruction et l'éducation, pour neutraliser les remèdes préventifs ou curatifs indispensables à une adolescence qui, grandit souvent dans une atmosphère contaminée, n'offre à la contagion qu'un tempérament surnaturel déjà débilité ou tristement prédisposé à la subir? Le pasteur est frappé, frappé à mort dans le coeur de la jeunesse trop encline à accueillir les calomnies, les insinuations malveillantes ou perfides, les satires qui tuent plus ou moins rapidement la confiance qu'on avait dans le prêtre, dans l'Église, dans le Christ lui-même.

Il faut donc dresser rapidement un puissant réseau d'oeuvres pour venir au secours de ces jeunes filles en danger:

C'est pourquoi vous avez compris que contre ce mal, social, permanent, chronique, il fallait agir en grand et prendre les grands moyens.

Mais alors, c'est tout un monde d'oeuvres à créer, à soutenir, dans le labeur incessant. Et vous n'avez pas reculé; soyez-en louées. Notre encouragement ne vous manquera jamais, ni le secours de Dieu dont Notre bénédiction vous est le gage.

Le Saint Père énonce une série d'oeuvres à créer ou à développer:

Agir en grand qu'est-ce à dire? sinon que la multiplicité, la variété, l'ampleur des oeuvres doivent répondre à toutes formes du danger et de la misère, à toutes les situations, à tous les besoins et légitimes aspirations d'ordre corporel, spirituel, surnaturel.

Mais il faut avant tout posséder l'authentique charité chrétienne: seul moteur valable pour les oeuvres:

et que l'urgence d'une action concrète, immédiate ne doit pas faire oublier la nécessité capitale d'une action plus générale et plus profonde, pas plus que l'usage des médicaments spécifiques ne doit, quelle que soit l'urgence, faire négliger le soin majeur de la régénération d'un tempérament, du relèvement d'un organisme. Quiconque pense à cela sérieusement serait effrayé par le programme gigantesque qui s'impose; s'il n'était convaincu de la puissance illimitée d'un véritable amour de charité chrétienne assisté par la grâce souveraine de Dieu, et si sa conviction n'était confirmée par la constatation de ce que vous réalisez.

Ensuite, on créera des oeuvres de protection dont voici la nomenclature :

Vous procurez la sécurité morale de la jeune fille grâce à des centres d'accueil, à des foyers, à des hôtels, à des pensions et restaurants irréprochables, grâce à des secrétariats, à des services de placement et d'orientation, à des permanences dans les gares et les ports maritimes ou aéronautiques.

Les oeuvres doivent avoir une physionomie attrayante:

Encore faut-il que toutes ces institutions ne rappellent point trop par leur laideur, leur austérité, leur mesquine indigence, et parcimonie, ces abris et refuges du temps de guerre, où l'on ne se résignait à entrer que sous la menace et par la peur des bombes. Il faut, au contraire, que la jeune fille y trouve, sans luxe, le confort, le charme, l'intimité expansive, les joyeux divertissements d'une vraie vie de famille, qui puisse faite concurrence à tant d'attractions dangereuses ou coupables; il faut qu'elle y trouve, même si elle ne le cherchait pas spontanément, l'aliment de sa culture intellectuelle, artistique, sociale, spirituelle, qu'elle ait à sa disposition bibliothèques, enseignement non seulement moral et religieux, mais encore domestique, pratique qui la mette en mesure de se préparer pour l'avenir une vie honnête, sainte, heureuse.

L'OEuvre doit être aussi solidement organisée sur le plan international :

Ce n'est pas tout; à notre époque, il ne saurait être question de se cantonner dans une action locale ou régionale, ni même nationale; il faut que tous vos centres particuliers, si parfaitement organisés et équipés, qu'on les suppose, deviennent autant de mailles d'un immense réseau qui puisse enserrer l'univers tout entier. Est-il donc nécessaire de faire tout et si grand? Mieux vaudrait modérer votre ambition et vous contenter de réalisations plus modestes. Soit! mais alors combien de jeunes filles seront assez sérieuses, assez prudentes pour préférer vos offres aux séductions d'un monde de folies, de jouissances, de satisfactions capiteuses pour la sensualité et la vanité?

Les Dirigeantes de l'OEuvre doivent avoir une série de qualités:

Oui, pour aborder et surtout pour soutenir, promouvoir et faire progresser une entreprise de pareille envergure, il faut beaucoup de zèle, beaucoup d'intelligence et de savoir-faire, beaucoup d'amour.

Elles doivent pouvoir compter sur des secours de l'extérieur:

Cela ne suffit pas. Selon l'ordre courant de la Providence, vous avez besoin de vous assurer des concours dévoués suffisants pour vous permettre de réaliser et de développer votre plan; et voilà, disions-nous en commençant, qui exige encore de vous une autre forme de courage.

Or, ici on rencontrera parfois de l'hostilité:

L'obstacle le plus redoutable, peut-être, à notre action, n'est pas l'hostilité déclarée des ennemis de Dieu et des âmes, ni celle des libertins qui se voient arracher leurs proies, ni celle plus ignominieuse encore des trafiquants qui s'enrichissent sans vergogne de ce qu'on appelle avec une horrible, mais rigoureuse exactitude, « la traite des blanches ». Cette hostilité, malgré son infamie, est, somme toute, encore assez compréhensible.

Et plus souvent encore l'indifférence :

Mais ce qui est plus étrange, vu la valeur de l'enjeu, c'est qu'il faut vaincre l'indifférence, l'insouciance, l'ironie même des gens qui se croient chrétiens corrects, catholiques convaincus et pratiquants. Leur dessiller les yeux, leur faire prendre conscience de la gravité du mal et de leur propre responsabilité, éveiller leur intérêt, gagner leur sympathie, obtenir leur concours sous quelque forme que ce soit, n'est pas la partie la moins importante ni la moins ardue de votre tâche.

Le Pape dénonce avec vigueur l'erreur des « catholiques négatifs »:

Nous ne pouvons évidemment pas recenser ici toutes les erreurs, les préventions, les sophismes de ces catholiques négatifs. Il nous suffira donc de dire d'un mot la cause foncière de leur aberration : elle vient surtout de leur profonde ignorance et de leurs grossières confusions en matière de doctrine et de morale, même dans l'ordre purement naturel, a fortiori dans celui de la foi. Aussi du jour où les chrétiens et les chrétiennes verront dans leur religion autre chose qu'un code de lois arbitraires sujettes à évoluer avec le temps, avec l'opinion ou le caprice, avec la mode, qu'ils y verront autre chose qu'un rituel de formalités vides de sens et de substance; du jour où ils seront pénétrés de la croyance à l'existence, à la majesté de Dieu et à reconnaître autrement qu'en paroles oiseuses la dignité naturelle de toute créature humaine, sans distinction de sexe et de condition, plus encore sa destination par l'adoption à la vie surnaturelle à une vie vraiment divine; du jour où ils goûteront la saveur de ces grandes leçons de l'Apôtre : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ? Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous n'êtes plus à vous-mêmes? Car vous avez été achetés à grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps. » (1Co 6,15 1Co 6,19-20) : de ce jour-là, disons-Nous, le chrétien, la chrétienne, dépouillant tout égoïsme, tout pharisaïsme, songera que la dignité de cette jeune fille qui passe, insouciante, étourdie, n'est pas moindre que la sienne, mais que son coeur est si fragile qu'un rien peut le briser à jamais, son âme si délicate, qu'un rien peut en ternir pour jamais la pureté. Du jour enfin, où tout chrétien toute chrétienne sincère considérera le rôle social de l'homme et de la femme, qui est de perpétuer la société humaine, de maintenir en vie et de faire croître ici-bas le Corps mystique du Christ, de former, membre à membre, l'éternelle cité des élus; alors, prenant au sérieux leur responsabilité, ils ne se contenteront pas de respecter pour leur propre compte la jeune fille en péril, ils voudront à tout prix la sauver; ils comprendront la sainteté de vos efforts, ils vous apporteront leur concours.

Les dirigeants de l'OEuvre de Protection de la Jeune Fille placeront leur activité sous la sauvegarde de la Sainte Vierge Marie:

Tel est Notre voeu, très chères filles, comme il est le vôtre. A qui recourrons-nous pour qu'il se réalise; vers qui lèverons-nous le regard sinon vers Celle, dont le regard très pur s'abaisse vers ce pauvre monde l'enveloppant, le baignant dans une atmosphère de pureté, mais de pureté ardente et miséricordieuse? Il s'abaisse, ce regard virginal et maternel, sur toutes ces pauvres enfants, nuançant l'expression de sa tendresse selon leur situation et leurs besoins; souriant sur les unes, humide de larmes ou chargé de reproche sur les autres, mais plus suppliant que sévère. Avec quelle complaisance il se repose sur vous et sur votre oeuvre providentielle, oeuvre de préservation, de salut, de rédemption. Par Marie Immaculée descendront sur vous en abondance les bénédictions du Père, du Fils et du Saint-Esprit en gage desquelles Nous vous donnons à vous, à toutes vos protégées, à tous ceux qui collaborent avec vous, Notre Bénédiction Apostolique.

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Pie XII 1948 - RADIOMESSAGE AU CONGRÈS CATHOLIQUE DE MAYENCE (5 septembre 1948) \21