PieXII 1951




DOCUMENTS PONTIFICAUX

de sa Sainteté PIE XII

1951

« Ce monde agité, suspendu entre le souvenir affreux d'une guerre cruelle, à peine terminée et la crainte d'un nouveau conflit, qui serait incomparablement plus atroce, demande avec un cri d'angoisse la sécurité de son existence... Tous ceux qui ont une part de responsabilité, ne devraient-ils pas multiplier leurs efforts pour dominer et freiner l'invasion du mal moral qui empoisonne l'atmosphère de la vie publique et privée » ?

Pie XII
Allocution aux Curés et aux Prédicateurs de Carême
6 février 1951

DOCUMENTS PONTIFICAUX

DE SA SAINTETÉ PIE XII

réunis et présentés par

R. KOTHEN

EDITIONS DE EDITIONS LABERGERIE

L'OEUVRE SAINT-AUGUSTIN 13, rue de Tournon

SAINT-MAURICE (Suisse) PARIS


IMPRIMI POTEST

Mechlinias, die 5a Martii 1954 Can. V AN DEN DRIES libr. Censor

IMPRIMATUR

Mechliniae, die 5a Martii 1954 t L. J. SUENENS Eppus tit. Isinden. Vic. gen.

Tous droits réservés


SEGRETERIA DI STATO DI SUA SANTITA'

N0 293167

Du Vatican, le 21 mai 1953.

Monsieur le Directeur,

Vous avez tenu à faire hommage au Saint-Père du volume que viennent de publier les Editions de l'Oeuvre Saint-Augustin, intitulé :

DOCUMENTS PONTIFICAUX de Sa SAINTETÉ PIE XII - ANNÉE 1950

Ces textes, réunis et présentés par M. l'abbé Kothen, constituent une précieuse documentation, de consultation facile, et ils contribueront certainement à la diffusion des multiples enseignements que Sa Sainteté a prodigués aux pèlerins de l'Année Sainte.

Aussi le Souverain Pontife est-il reconnaissant aux Editions de l'Oeuvre Saint-Augustin d'assumer la publication des volumes de cette collection, et c'est de tout coeur qu'il envoie à M. l'abbé Kothen, à vous-même et à tous les artisans de votre maison, la faveur de la Bénédiction apostolique.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de mon religieux dévouement.

J. B. Montini Prosecrétaire

Monsieur le Directeur des Editions de l'Oeuvre Saint-Augustin SAINT-MAURICE


PRÉFACE DE SON EM. LE CARDINAL GERLIER

Archevêque de Lyon

Les paroles exceptionnellement autorisées qui honoraient les précédents volumes de cette collection n'appellent guère de complément.

Si je réponds en quelques lignes à l'appel de ses promoteurs, c'est pour la joie qui m'est ainsi donnée d'ajouter mon humble hommage à ceux qui se sont élevés déjà vers le Pape magnifique dont ces livres rassemblent l'enseignement et l'action, incroyablement variés.

Ceux-là sont vraiment bien inspirés qui, en Belgique, en Suisse, ou en France, mettent à la portée de tous, en une synthèse si bien présentée, l'oeuvre du chef de l'Eglise.

Par un singulier privilège, j'ai vu de près naguère, puisqu'il a daigné vivre cinq jours à Lourdes sous mon toit. Celui qui. Légat de Pie XI à ce moment, devait devenir Pie XII.

Jamais je ne pourrai oublier le rayonnement de sainteté qui se dégageait de sa prière, ni la merveilleuse lumière intellectuelle que répandait sa parole.

Tout ce que l'on retrouve, au degré suprême, dans les documents de son Pontificat.

On demeure un peu confondu lorsqu'on suit, au cours de ces pages, la prodigieuse diversité des sujets qui y sont traités, des consignes si fermes qui y sont tracées, des vérités doctrinales et morales qui s'expriment avec l'autorité souveraine qui s'attache à la parole du Vicaire de Jésus-Christ. On y perçoit que Son esprit est aussi immense que Son coeur. Et tout naturellement, l'affection et la docilité filiale se nuancent de fierté.

Au milieu de tant d'autres choses qu'il faut renoncer à souligner, on y retrouve la constante préoccupation sociale de l'Eglise, on y voit poindre les initiatives hardies dans l'ordre liturgique qui rétablissent la vigile pascale ; les documents où se manifeste la grande consigne d'adaptation proposée aux congrégations religieuses féminines ; le perpétuel souci de l'apostolat missionnaire, sous les formes diverses que postulent dans les pays qui en furent le premier théâtre et dans les milieux où le Christ n'est hélas ! pas moins inconnu, l'état d'un monde qui se matérialise et croit follement y pouvoir parer par les progrès de la technique.

Béni soit le Sauveur Jésus qui nous parle ainsi par le successeur de Pierre et qui Lui inspire de nous conduire en même temps vers ces sommets du Pontificat de Pie XII que furent l'inoubliable glorification de la Vierge Marie par la proclamation du dogme de son Assomption, et, dans ce volume même, la si émouvante béatification de Pie X, le Pape de l'Eucharistie.

Pierre-Marie, Cardinal Gerlier Archevêque de Lyon


INTRODUCTION

Le Saint-Père, après les lourdes charges imposées par les cérémonies et les audiences de l'Année Sainte de 1950, ne ralentit cependant pas son activité et l'année 1951 s'est avérée, elle aussi, très chargée, et désormais le public d'expression française peut se rendre compte de la vie du Pape en lisant un volume intitulé : « L'activité du Saint-Père en 1951. » 1 On y suit jour par jour les occupations du Saint-Père.

Parmi les documents marquants de l'année 1951, il faut signaler les trois Encycliques :

Evangelii Praecones, du 16 juin sur les Missions. Sempiternus Rex, du 8 septembre, commémorant le XVe centenaire du Concile oecuménique de Chalcédoine (451). Ingruentium malorum, du 15 septembre, appelant tous les fidèles à défendre l'Eglise contre les assauts de l'ennemi.

De plus, le Saint-Père envoya aux quatre points cardinaux vingt et un radio-messages et, au cours d'audiences, il prononça plus de cinquante discours.

Parmi les actes les plus solennels de l'année, citons :

1° cinq canonisations :

le 24 juin, de la B. Emilie de Vialar et de la B. Marie-

Dominique Mazzarello. le 21 octobre, des Bienheureux Ignace di Laconi, François Bianchi et Antoine Gianelli.

20 trente et une béatifications :

le 18 février, du Vén. Albéric Crescitelli.

le 15 avril, du Vén. François Antoine Fasani.

le 29 avril, des Vén. 25 Martyrs du Tonkin.

le 6 mai, de la Vén. Placide Viel.

le 3 juin, du Vén. Pie X.

le 4 novembre, de la Vén. Marie de Couderc.

1 Imprimerie Polyglotte du Vatican, 1952.

Pie XII durant cette année s'est particulièrement tourné vers les fidèles de l'« Eglise du silence », celle qui derrière le rideau de fer souffre persécution et ne peut élever la voix. Le Pape a, en effet, écrit :

Lettre à l'Episcopat polonais, le 2 septembre.

Lettre au Clergé et aux Fidèles de Tchécoslovaquie, le 28 oct.

Lettre à la Hiérarchie et aux Fidèles de Chine.

L'extension de l'Eglise est manifestée chaque année par la création de nouveaux diocèses. En 1951, on en a fondé dix-huit:

Diocèse de Sainte-Anne de la Pocatière, au Canada.

Saint-Jérôme de Terrebonn, au Canada.

Yakuna, aux Etats-Unis.

Jurrean, aux Etats-Unis.

Dodge City, aux Etats-Unis.

Greensburg, aux Etats-Unis.

Jalapa, au Guatemala.

Zacapa, au Guatemala.

Solola, au Guatemala.

Saint-Marc, au Guatemala.

Peten, (adm. ap. ), au Guatemala.

Bretania, (prel. nullius), en Colombie.

Los Rios, (prel. nullius), en Equateur.

Passo Fundo, au Brésil.

Capiz, aux Iles Philippines.

Legaspi, aux Iles Philippines.

Sorsogon, aux Iles Philippines.

Ozarnis, (prel. nullius), aux Iles Philippines.

De son côté, la Sacrée Congrégation pour l'Eglise orientale, créait de nouvelles circonscriptions ecclésiastiques :

l'exarchat apostolique du Saskatchewan au Canada qui compte 60.000 fidèles ukrainiens.

l'exarchat apostolique d'Asmara en Erythrée, groupant 30.000 catholiques du rite alexandrino-éthiopien. l'exarchat apostolique d'Addis-Abeba en Ethiopie, l'ordinariat pour les Orientaux du Brésil ; ceux-ci sont au nombre de 100.000 ruthènes, 6.000 melchites, plus maronites, arméniens,, syriens, russes, roumains, etc.

La Sacrée Congrégation de la Propagande a créé elle aussi : 4 nouveaux sièges aux Indes, i vicariat apostolique en Indonésie.

1 nouveau diocèse en Australie.

2 nouvelles préfectures apostoliques au Congo Belge.

Le ix janvier, la Hiérarchie episcopale était créée en Afrique méridionale 2 répartie en vingt et une circonscriptions ecclésiastiques et quatre provinces groupant 761.064 catholiques et 924 prêtres.

Le Saint-Siège a pris de nouvelles dispositions concernant la juridiction des aumôniers militaires3 et Y assistance aux émigrants et aux réfugiés. La Commission pontificale d'Assistance vint au secours des victimes des inondations catastrophiques qui frappèrent le nord de l'Italie et d'autres calamités atteignant des points différents du globe.

On trouvera dans les pages qui suivent tous les documents pontificaux offrant un intérêt général et une fois de plus, nous tenons à remercier ici tous ceux qui, par leur collaboration ou leurs critiques constructives, nous ont aidé à perfectionner encore cette édition.

2 Décret du 11 janvier 1951, p. 26.
3 Instruction de la Sacrée Congrégation Consistoriale du 23 avril 1951, p. 136.


PRIÈRE RÉDIGÉE A L'OCCASION DE L'ANNÉE SAINTE

(ier janvier 1951) 1

A l'occasion de l'Année jubilaire le Saint-Père avait composé une prière spéciale2 qu'on récita à travers le monde durant l'année 1950. Répondant à des requêtes nombreuses, Pie XII daigna rédiger un nouveau texte de prière ayant cette fois une valeur permanente 3.

Dieu tout-puissant, de toute notre âme nous vous remercions des grands bienfaits accordés à nos âmes.

O Père céleste qui voyez tout, qui scrutez et régissez les coeurs des hommes, rendez-les dociles, en ce temps de grâces et de salut, à la voix de votre Fils.

Inspirez à tous un ferme propos de purification et de sanctification, de vie intérieure et de réparation, et aux errants le désir efficace du retour et du pardon.

Donnez à ceux qui souffrent persécution pour la foi votre esprit de force, pour les unir indissolublement au Christ et à son Eglise.

Protégez, ô Seigneur, le Vicaire de votre Fils sur la terre, les évêques, les prêtres, les religieux, les fidèles. Faites que tous, prêtres et laïques, adolescents et vieillards, forment, en étroite union d'esprit et de coeur, un roc inébranlable contre lequel se brise la fureur de vos ennemis.

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano du 25 février 1951, traduction française dans La Croix du 27 février 1951.
* On trouvera le texte de cette première prière dans le volume Documents Pontificaux 1-949' PP- 15 et 16.
8 Le Saint-Père a attaché une indulgence de sept années à la récitation de cette prière, et une indulgence plénière...


Que votre grâce excite en tous les hommes l'amour pour tant de malheureux, que la pauvreté et la misère réduisent à des conditions de vie indignes d'êtres humains.

Avivez dans les âmes de ceux qui vous appellent du nom de Père la faim et la soif de la justice sociale et de la charité fraternelle dans les oeuvres et dans la vérité.

« Donnez, Seigneur, la paix à notre temps », paix aux âmes, paix aux familles, paix à la patrie, paix entre les nations. Que l'arc-en-ciel de la pacification et de la réconciliation abrite sous la courbe de sa lumière sereine la terre sanctifiée par la vie et par la Passion de votre divin Fils.

Dieu de toute consolation ! Profonde est notre misère, lourdes sont nos fautes, innombrables nos besoins ; mais plus grande encore est notre confiance en vous. Conscients de notre indignité, nous mettons filialement notre sort entre vos mains unissant nos faibles prières à l'intercession et aux mérites de la très glorieuse Vierge Marie et de tous les saints.

Donnez aux infirmes la résignation et la santé, aux jeunes gens, la force de la foi, aux jeunes filles, la pureté, aux pères de famille, la prospérité et la sainteté du foyer, aux mères, l'accomplissement de leur mission éducatrice, aux orphelins, une affectueuse tutelle, aux réfugiés, et aux prisonniers, leur patrie, à tous, votre grâce, en préparation et comme gage de l'éternelle félicité dans le ciel. Ainsi soit-il.


ALLOCUTION AU CORPS DIPLOMATIQUE

(ier janvier 1951) 1

Selon la tradition, le 1er janvier, le Pape reçoit en audience solennelle les chefs de mission, avec leurs conseillers et secrétaires, du Corps Diplomatique accrédités auprès du Saint-Sièges, et ceux-ci présentent au Saint-Père leurs voeux pour l'année nouvelle. En cette occasion, Pie XII prononça le discours que voici :

Dans ce court espace de temps qui va de la fermeture de la Porte Sainte à l'entrée de l'année nouvelle, les yeux des fidèles continuent à tenir leurs regards fixés sur le sillage de lumière que laisse après lui le Jubilé romain. Sa clarté va, maintenant, rayonner sur toutes les plages du monde et y étendre ses salutaires effets.

Cette coïncidence donne à la visite de Vos Excellences, et à l'accueil que Nous sommes heureux de lui réserver, un cachet tout à la fois plus solennel et plus intime que celui qui marque d'ordinaire les traditionnelles réceptions du premier de l'an. Solennel en raison des circonstances mémorables des jours présents, intime du fait de la participation que vous y avez eue.

Le Corps Diplomatique est remercié pour les services de tous genres qu'il a rendus au cours de l'Année Sainte :

1 D'après le texte français de l'Osserrvatore Romano des 2 et 3 janvier 1951.
* Les pays suivants sont représentés auprès du Saint-Siège : Pologne, Chili, Irlande, Venezuela, Italie, Brésil, Equateur, France, Belgique, Espagne, Bolivie, République Dominicaine, Cuba, Haïti, Argentine, Colombie, Portugal, Saint-Marin, Llthuanie, Ordre de Malte, Hollande, Nicaragua, Costa-Rica, Uruguay, Grande-Bretagne, Monaco, Egypte, Liban, Indonésie, Finlande, Chine, Libéria, San-Salvador, Pérou, Indes.

Vous avez été tout au long de l'Année Sainte, « l'année favorable du Seigneur » Lc 4,10, les témoins des événements qui l'ont jalonnée jour par jour ; vous avez, par votre assiduité à les suivre, manifesté votre intérêt pour leur grandeur et leur magnificence spirituelle, pour leur rayonnement large et profond, tels que les Annales du Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège n'en ont sans doute jamais enregistré de semblables.

Témoins, disions-Nous. Plus que cela : grâce à votre exquise culture, à votre sympathique compréhension de la Rome chrétienne et de sa vie, grâce aussi au concours délicat de vos familles et au dévouement intelligent du personnel de vos Chancelleries, vous avez été les précieux coopérateurs de l'heureux déroulement de l'Année Sainte.

Nous avons suivi de près et hautement apprécié, dès la période laborieuse des préparations, votre constante autant que discrète activité pour rendre plus facile la tâche ardue des Services du Saint-Siège, assuré de pouvoir compter en toute confiance sur votre intérêt toujours en éveil, sur vos avis éclairés, sur votre expérience. Vous avez mis tout en oeuvre pour aplanir tant d'obstacles actuels relatifs aux transports, aux transferts de monnaie, aux changes, aux passeports ; vous n'avez rien négligé pour procurer toutes sortes de facilités aux groupes de pèlerins accourus de toutes les parties du monde, ravis de se voir, de votre part, l'objet du plus cordial empressement. Comment ne garderaient-ils pas aussi un souvenir ému des attentions si aimables et si empreintes de sens religieux des Dames du Corps Diplomatique ?

C'est pour Nous-mêrae un bien agréable devoir que celui d'exprimer aux gouvernements de vos Pays respectus Notre vive reconnaissance pour la largeur d'esprit et de coeur qu'ils ont apportée à frayer la route à l'imposant afflux des pèlerins vers la Ville éternelle. N'est-ce pas merveille, en un temps de tragiques conflits et de lutte entre frères, que d'avoir vu ce sol de Rome redevenu le rendez-vous fraternel, où s'est réalisé un rapprochement spirituel entre des peuples ?

L'Année Sainte a prouvé que tous les peuples sont mus par de sincères désirs de paix :

De toutes les manifestations, auxquelles a donné lieu l'Année Sainte il n'en est pas, dans l'ordre des relations humaines, de plus importante, de plus significative, que l'affirmation hautement proclamée de la volonté des peuples, tendue unanimement vers la paix, vers une paix équitable, librement stipulée, affranchie de toute injuste condition, de toute charge intolérable. Tous l'attendent, cette paix, tous la désirent, tous l'implorent. Tous ont manifesté avec la même énergique clarté leur horreur de la guerre, leur conviction que celle-ci est, moins que jamais, un moyen propre à dirimer les conflits, à rétablir la justice. Seules peuvent y réussir des ententes librement et loyalement consenties. Que s'il pouvait être question de guerres « populaires » — en ce sens qu'elles répondent aux voeux et à la volonté des populations —, ce ne serait jamais que dans le cas d'une injustice si flagrante et si destructive des biens essentiels d'un peuple, qu'elle révolte la conscience de toute une nation.

Telle est la volonté formelle de paix, que les peuples ont exprimée avec une évidence irrécusable autant par les paroles que par les faits.

Cet empressement à accourir vers Rome devenue symbole de l'universalisme chrétien, cette communauté de vie sans ombre de ressentiment national, mais dans le respect et l'amour réciproques, cet émouvant rapprochement de drapeau à drapeau, de nation à nation, cette franche joie de participer ensemble aux mêmes biens et au même bonheur, sans oublier pour autant la propre patrie, tout cela avait la valeur d'un plébiscite des peuples en faveur de la paix, non seulement au nom du christianisme, mais au nom de l'humanité tout entière.

Plutôt que la fin d'une ère, l'Année Sainte 1950 marquera donc dans l'histoire, on peut l'espérer, l'acheminement encourageant vers une voie nouvelle.

Pour terminer, le Souverain Pontife formule également des voeux pour les pays dont les représentants sont accrédités auprès de lui :

C'est dans cette pensée et avec cette espérance, que Nous vous offrons Nos meilleurs souhaits de bonne et heureuse année, implorant avec une inaltérable bienveillance la protection du Tout-Puissant sur les peuples que vous représentez si dignement, sur leurs Corps législatifs, sur leurs Gouvernements, comme Nous l'appelons sur Vos Excellences, sur vos collaborateurs et sur toutes vos familles.


ALLOCUTION AUX UNIVERSITAIRES DE MUNICH

(2 janvier 195%) 1

Le Pape recevant 200 professeurs et étudiants de l'Université de Munich dans la salle du Consistoire, leur adressa l'allocution suivante :

Nous vous saluons de tout coeur, chers fils et chères filles. Vous venez d'Allemagne, et, plus précisément de Munich, de ce cher Munich qui a été longtemps pour Nous comme une deuxième ville natale, et dont Nous suivons, pour ainsi dire avec l'intérêt d'un enfant du pays, la reconstruction après les ruines de la guerre 2. Plaise à Dieu que cette reconstruction conduise à un avenir de paix, d'une paix qui soit d'autant plus authentique et durable qu'elle aura été payée de plus lourds sacrifices.

Vous venez de l'Université. Là aussi, bien des choses ont changé. La guerre et l'après-guerre ont considérablement rapproché l'intellectuel de l'ouvrier ; et même parmi vous, il y a certainement des étudiants qui doivent travailler pour vivre. Faites de nécessité vertu. Pensez que plus tard, vous appartiendrez aux professions dirigeantes. Ce ne peut donc être pour vous qu'un avantage d'avoir partagé les conditions de vie de ceux dont vous serez les guides.

Mais si dans la profession dirigeante à laquelle vous aspirez, vous voulez accomplir votre tâche comme il faut, vous devez avant tout être des hommes religieux. De tels hommes seuls peuvent guider vers le bien commun, et seule une communauté de croyants peut être guidée selon les exigences de la dignité

1 D'après le texte allemand de l'Osservatare

2 Mgr Pacelli fut nommé par Pie XI nonce 1 poste jusqu'au 22 juin 1920, date où il fut

Romano des 2 et 3 janvier 1951.

à Munich le 20 avril 1917 ; il demeura

nommé nonce à Berlin.

humaine. Or, l'étude et la science peuvent, sous tous les rapports, confirmer la valeur de la foi en Dieu et en sa révélation, et la solidité de ses fondements. C'est là leur fonction naturelle. Témoignez par votre parole et votre vie que le savoir conduit à une foi vivante.

Comme gage des bienfaits de la Providence et de la grâce surabondante de Dieu, Nous vous accordons, avec une paternelle bienveillance, pour le chemin que vous avez à parcourir, — à vous, ainsi qu'à tous les êtres chers que vous avez laissés chez vous — la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX UNIVERSITAIRES D'ATHÈNES

(3 janvier 1951) 1

Un groupe imposant de professeurs et d'étudiants de l'Université d'Athènes faisant un voyage culturel en Italie, fut reçu en audience dans la salle du Consistoire du Vatican et Pie XII prononça l'allocution suivante :

Soyez les bienvenus, illustres Messieurs, votre visite n'est pas la première qui Nous vienne de Grèce *, mais elle est la première à Nous procurer la satisfaction de voir des professeurs et des étudiants de l'Université d'Athènes venir jusqu'à Nous.

Athènes, la grande métropole spirituelle de l'antiquité, la

Mère patrie de la philosophie et des beaux-arts ! Et son Université est comme le centre de cette puissance intellectuelle, comme le foyer de ce que Nous appelons la culture gréco-romaine.

Pourrions-Nous, en ce moment où Nous goûtons la joie que Nous cause votre visite, ne pas évoquer ici le souvenir de ce prince de l'intelligence, Aristote, dont le nom est à jamais inséparable de celui de Thomas d'Aquin ?

Socrate, Platon, Aristote ! lumineuse constellation au zénith de la pensée humaine ! Chronologiquement, elle semble si loin du siècle présent ! En réalité, elle est toute proche, car la vérité immuable transcende le temps ; elle est d'une permanente et impérissable actualité. Cette philosophie de l'Ecole, avant même

1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano du 4 janvier 1951. * Cf. Allocution à des journalistes grecs, 21 avril 1948 (Documents Pontificaux 1948, P- 166).

que ne vînt l'illuminer la splendeur de la révélation divine, a exalté la majesté, la puissance, la justice, la bonté d'un Dieu personnel, créateur de toutes choses et leur premier moteur :3

Soyez fiers, Messieurs, d'être les héritiers de cette admirable sagesse, honneur de votre patrie. Puisse-t-elle vous faire toujours mieux connaître, toujours mieux servir, toujours mieux aimer, dans sa plénitude, la divine Vérité !

A l'hommage de votre intelligence, vous avez voulu joindre celui de votre coeur, en rappelant, avec une particulière délicatesse, la sollicitude qui Nous a fait, durant ces dernières années, participant de vos épreuves civiques, de vos douleurs familiales. Soyez bien sûrs que Notre intérêt pour votre patrie, pour tant de pauvres enfants et pour leurs familles endeuillées, ne s'atténuera jamais4. Que la main de Dieu soit sur vous et que sa Bénédiction soit toujours avec vous et avec ceux qui vous sont chers.

s Aristote, Phys., 8, 6.
4 Durant les années 1946-1940, la Grèce fut soumise à la guerre civile, des bandes de guérillas communistes combattant l'armée régulière. Un des résultats les plus pénibles fut le rapt de 28.000 enfants grecs par les troupes communistes. L'Albanie, la Yougoslavie, la Hongrie, la Roumanie, la Pologne et l'U.R.S.S. refusent de rendre ces enfants à leurs parents et à leur patrie.
Cette guerre civile provoqua les pertes suivantes :
1. Troupes gouvernementales : 10.972 tués, 23.251 blessés, 3.756 disparus.
2. Guérillas communistes : 28.992 tués, 13.105 prisonniers.
3. Population civile : 4057 tués dont 3.516 fusillés.


ALLOCUTION AU COMITÉ CENTRAL DE L'ANNÉE SAINTE

(10 janvier 1951) 1

L'Année Sainte étant close à Rome le 24 décembre ±950, le Saint-Père a tenu à féliciter le Comité Central pour son activité durant ces douze mois de labeur2.

A la fin de l'Année Sainte, source de grâces et de tant de consolations, il était opportun, il était juste que Notre satisfaction et Notre reconnaissance fussent manifestées à ceux qui ont eu une si grande part à son heureux résultat. Aussi est-ce avec une vive joie que Nous voyons, aujourd'hui, réunis autour de Nous, les membres si méritants du Comité Central de l'Année Sainte 3, et, avec eux et dignes d'un égal éloge, les Présidences des Commissions spéciales, les dirigeants et les collaborateurs des divers Offices.

Nous avons suivi de près votre activité et hautement apprécié, dès le début, dans la période laborieuse de la préparation, votre zèle empressé, soit pour constituer les Comités nationaux dans les divers pays, soit pour assurer efficacement aux pèlerinages, qui devaient accourir de toutes les parties du monde, le meilleur accueil dans l'Urbs. Vous avez eu, dès le début, l'intuition de l'importance qu'aurait, durant l'Année Sainte, l'impression éprouvée par les pèlerins des premiers groupes et communiquée ensuite à leurs concitoyens, à leur retour dans leur patrie. Rien en effet, n'aurait pu mieux encourager ces derniers, à se mettre en route à leur tour que les visages sereins, joyeux, rayonnants des « romées » qui les avaient précédés.

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 15 et 16 janvier 1951.

2 On trouvera de nombreux détails sur l'Année Sainte dans le volume Documents Pontificaux 1950 et notamment dans l'Introduction.

3 Le secrétaire du Comité central de l'Année Sainte était Mgr Sergio Pignedoli.

Il en fut ainsi en réalité ; les faits l'ont prouvé. Il y eut très rapidement une affluence sans cesse croissante, qui émerveilla tous ceux qui en furent témoins et dépassa, les derniers mois, tout ce que les imaginations les plus optimistes auraient jamais pu prévoir. Dans toutes les régions de la terre où la lumière peut librement pénétrer, l'admiration pour un si grand résultat fut unanime. Mais qui a pu mesurer l'ampleur, la difficulté, la continuité du travail qu'un si beau succès a coûté ! Que de questions à résoudre ! Que d'obstacles à surmonter ! Pourvoir aux logements, à la nourriture, aux transports, aux passeports, au change des devises, aux cartes individuelles ; veiller à l'assistance spirituelle des innombrables multitudes de toutes classes et de toutes langues ; préparer les fréquentes cérémonies liturgiques dirigées avec tant d'expérience par le Préfet des Cérémonies Pontificales 4, veiller à la partie technique et financière ; proposer et régler les audiences privées, spéciales, générales ; dans ce domaine, il est un devoir de rappeler l'oeuvre infatigable de l'Office du Maître de Chambre 5, avec son travail délicat et difficile pour établir exactement les longs catalogues des groupes, pour satisfaire le plus possible les désirs et les exigences bien compréhensibles des pèlerins qui, venus en foule dans l'immense basilique du Vatican, étaient tous désireux de bien voir, d'entendre clairement, et de s'entendre nommer dans les listes, parfois interminables et dans lesquelles aucun n'aurait voulu être oublié.

Il faut reconnaître, en remerciant Dieu et tous ceux dont Il s'est servi à cette fin, que les choses ont réussi de la meilleure manière.

A l'occasion de Noël et du Nouvel-An, Nous avons reçu comme d'habitude, de très nombreuses lettres, spécialement d'Evêques de tout le monde catholique. Eh bien, elles Nous ont donné le témoignage de la joie profonde, souvent même de l'enthousiasme des pèlerins de retour chez eux. Leurs coeurs ont exulté d'une joie intime à sentir en eux les fruits spirituels de l'Année Sainte : leur foi confirmée, retrempée, fortifiée ; leur dévotion envers le Saint-Siège et l'Eglise de Rome ravivée, exaltée, exubérante souvent, serait-on tenté de dire, jusqu'au délire ; leur désir des choses célestes, leur soif de purification et

4 Le Préfet des Cérémonies pontificales est Mgr Henri Dante.

5 Le Maître de Chambre est Mgr Arborio-Mella di Sant'EHa.


COMITÉ DE L'ANNÉE SAINTE

25

de sanctification, leur aspiration à la vie éternelle rendus plus ardents, leur joie, leur fierté d'appartenir à la véritable Eglise — phare de vérité, arche de salut, messagère de paix — rendus plus fervents.

Combien de ces pèlerins emporteront dans leur patrie le souvenir enthousiaste de ce qu'ils ont vu et entendu ! Combien s'en feront les apôtres, à l'immense avantage de tant d'autres qui n'ont pu venir à Rome ! Tout homme honnête pourra, en les écoutant, se convaincre de la sincérité absolue avec laquelle l'Eglise agit et travaille ; ses enseignements et ses actes ne cachent pas d'arrière-pensées, ne sont pas inspirés par des intérêts terrestres, ne sont pas stimulés par un prestige purement mondain ; toute sa conduite n'obéit qu'à l'ardeur de son zèle pour le bien des âmes, pour l'extension du Royaume de Dieu sur la terre.

C'est à tout cela que tendait la mission qui vous avait été confiée. Vous l'avez accomplie avec honneur, avec foi, avec ferveur, avec diligence, avec abnégation. Vous avez acquis un mérite insigne. Notre gratitude vous est assurée ; Dieu vous réserve une plus haute récompense. Maintenant votre tâche dans ce domaine est terminée. Il reste « comme une tour solide qui ne croule pas » la Peregrinatio Romana ad Petri Sedem qui, ayant rendu des services signalés au Comité Central durant l'Année Sainte, entend poursuivre activement son oeuvre.

Que descende donc sur vous tous, chers fils, Notre Bénédiction apostolique, et qu'elle attire sur vous les grâces célestes les plus abondantes, pour l'accomplissement de vos devoirs présents et aussi pour vous préparer aux activités ultérieures auxquelles vous consacrerez à l'avenir votre intelligence et votre zèle.


DÉCRET DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT OFFICE CONCERNANT LE ROTARY CLUB

(11 janvier 1951) 1

Le « Rotary International » est la fédération des « Rotary clubs » disséminés à travers le monde. Ces « Clubs » réunissent des hommes d'affaires qui sont mus par l'esprit d'entraide.

Le premier « Club » fut fondé en 1905 à Chicago par l'avocat Paul Harris. Ces cinq dernières années, il se fonde en moyenne quatre nouveaux clubs par semaine.

Il y a actuellement y.000 Clubs comprenant 350.000 membres *.

Le Rotary organise entre autres des conférences sur le « civisme », des semaines d'études pour favoriser la bonne entente internationale ; il accorde des bourses d'études, etc..

Ces « Clubs » étant neutres, et abordant souvent l'étude de problèmes moraux, sans tenir compte de l'enseignement de l'Eglise, celle-ci a jugé bon de mettre en garde les fidèles.

On a demandé à cette Suprême Congrégation si un catholique pouvait donner son nom à l'Association qui porte le nom de Rotary Club.

Lors de la plénière réunion du 20 décembre 1950, les Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux préposés à la défense de la foi et des moeurs, sur l'avis des Consulteurs de la Congrégation, ont décidé de répondre :

« Il n'est pas permis aux clercs de donner leur nom à l'Association du « Rotary Club » ou de prendre part à leurs

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1051, p. 9t.

2 Le secrétaire général du Rotary est M. Philip Lovejoy, 35, Fast Wacker Drive, Chicago, Illinois.

réunions3 ; il faut exhorter les laïcs à se conformer à ce qui est prescrit au canon 684 du Code de Droit Canon.4 »

Et le 26 du même mois, et de la même année, au cours de l'audience de Son Excellence l'Assesseur du Saint-Office, Notre Très Saint-Père le Pape Pie XII, a approuvé cette décision et ordonné de la publier.

3 Le 4 février 1929, la Sacrée Congrégation Consistoriale avait déjà déclaré : « Qu'il n'était pas expédient que les clercs s'affilient aux Rotary Clubs ou assistent à leurs réunions ».

4 Le canon 684 précise : « Les fidèles éviteront de donner leur adhésion aux associations secrètes, condamnées, séditieuses, suspectes ou qui essayent de se soustraire à la vigilance légitime de l'Eglise. »

Il conviendra, par conséquent, d'examiner dans chaque cas si le Club auquel on adhère rentre dans une des catégories visées par le canon 684.

De fait, le Rotary Club est allié à la Franc-Maçonnerie, en Espagne, au Mexique, où il s'est montré hostile à l'Eglise.

Par contre, dans le monde anglo-saxon, on reconnaît que ces Clubs exercent une heureuse influence sur les déshérités, permettent aux hommes d'affaires d'élargir leurs horizons.

D ailleurs, le président actuel du Rotary International est un catholique, M. Lagueux, de Québec.

Etant donnée cette variété de situations, il reviendra pratiquement aux évêques de dé-°der s* ^e canon 684 s'applique aux Rotary Clubs existant dans leurs diocèses.

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano du îz janvier 1951.

2 On lira : Allocution à la Noblesse romaine, 14 janvier X048 (Documents Pontificaux 1948, p. 24) ; Discours à la Noblesse romaine, 15 janvier 1949 (Documents Pontificaux 1949, p. 28) ; Discours à la Noblesse romaine, 12 janvier 1950 (Documents Pontificaux 1950, p. 18).

3 les voeux avaient été présentés par le Prince-Assistant au Trône, Philippe Orsini.


PieXII 1951