PieXII 1951 - COMMUNIQUÉ DU ST-OFFICE CONDAMNANT L'ABBÉ FRANCESCO VITTORIO MASSETTI


RADIOMESSAGE AU PREMIER CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE LA CÔTE DE L'OR

(25 février 1951) 1

Le dimanche 25 février se clôturait le Ie' Congrès Eucharistique de la Côte de l'Or à Kumasi, sous la présidence du Légat Pontifical, Son Excellence Mgr David Mathew, Délégué Apostolique pour l'Afrique orientale et occidentale britannique. Plus de 50.000 personnes y assistaient, le roi d'Ashanti : Otonfo Sir Nana Osei Agyeman Prempeh II était présent :

Le Pape adressa à ce Congrès le radiomessage que voici :

Vénérables Frères et très chers Fils d'Afrique, une joie peu commune remplit Notre coeur lorsque Nous pensons que Notre voix parvient aux dizaines de milliers de Nos fils dévoués de la Côte de l'Or, rassemblés, pour le premier Congrès Eucharistique de cette région, sous la présidence de Notre digne Légat. La science crée un nouveau lien qui relie la tombe du Prince des Apôtres avec votre propre Saint-Pierre qui se dresse avec beauté et majesté dans l'historique Kumasi2.

Plus encore que belle, votre cathédrale est éloquente ; et quelle émouvante histoire raconte-t-elle de l'amour constant de Dieu, de l'intrépide et inépuisable zèle missionnaire, depuis l'époque où les premiers membres de la Société des Missions Africaines préparèrent le terrain pour l'érection d'un Vicariat Apostolique voici exactement cinquante ans, jusqu'à l'inoubliable année jubilaire où Nous avons eu le privilège et la consolation

1 D'après le texte anglais des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 170.

2 La Côte de l'Or compte 4.500.000 habitants dont 260.000 catholiques.

d'ériger la Hiérarchie de l'Ouest Africain Britannique 3. Ce sont des héros de la foi qui ont rendu possible le Congrès d'aujourd'hui. Le Rédempteur du monde cloué sur la croix du Golgotha a réclamé votre service et vos âmes : et, stimulés par l'amour divin, de courageux prêtres et d'intrépides vierges, consacrés à Dieu, ont quitté l'Europe pour apporter la joyeuse nouvelle du salut à la Côte de l'Or. La durée de leur vie missionnaire à tous a été brève ; mais d'autres vinrent prendre leur place et, pendant de nombreuses années, ils les suivirent aussi dans une tombe prématurée. Aujourd'hui, du ciel, leurs esprits se joignent à vous dans votre joyeux chant de louange et d'actions de grâces au Dieu de toutes les nations qui vous a enrichis du don inestimable de foi et d'espérance en la vie éternelle.

Oh ! cette foi, chers fils, c'est cette foi qui vous lie le plus étroitement et inébranlablement au Siège de Pierre et au Vicaire du Christ sur la terre. C'est la foi tout d'abord prêchée par les apôtres qui furent choisis par le divin Maître Lui-même ; c'est la foi que défendirent Cyprien et Augustin, flambeaux immortels de l'Afrique catholique ; pour cette foi les martyrs moururent dans le cirque de Rome et sur le bûcher en Ouganda ; son credo, le seul et le même, retentit ici sous les voûtes de la basilique, centre du Catholicisme, il remplit les vastes espaces de votre cathédrale et il se fait entendre non moins clairement quoique avec des accents plus faibles dans la plus pauvre chapelle de village. Aujourd'hui, vous professez votre foi spécialement en la Sainte Eucharistie — sacrement le plus saint, sacrement divin — et vous lui offrez l'hommage de votre adoration. Tandis que l'Hôte sacré est élevé pendant la Messe ou est présenté dans l'ostensoir précieux, dressé pour vous bénir, vos coeurs s'écrient avec l'Apôtre Thomas : « mon Seigneur et mon Dieu » ; et vous savez que votre acte de foi est partagé par tous les catholiques à travers le monde.

Mais quand vous recevez la Sainte Communion et que l'Agneau de Dieu devient la nourriture de votre âme, alors l'union devient parfaite. « Le pain que nous brisons n'est-il pas une participation au Corps du Christ ? » écrit saint Paul4.

8 Le 22 avril 1950, par une Constitution apostolique, la hiérarchie était officiellement stituée en Afrique occidentale anglaise (A. A. S., XXXXII, 1950, p. 615). 4 I. Cor., 10, 16.

« Quoique nous soyons plusieurs en nombre, nous sommes un pain, un corps, car le même pain est partagé par tous » ; et « l'effet de la participation au Corps et au Sang du Christ n'est rien d'autre que d'être transformé en Lui que nous recevons 5. » « Il est un, nous sommes plusieurs ; Il est un et nous sommes un en Lui6. » « Ne dites pas qu'il est un et que nous sommes plusieurs, mais dites que, quoique nous soyons plusieurs, nous sommes un en Lui qui est un 7. » C'est ce que les catholiques d'Afrique entendirent de leur plus illustre maître, saint Augustin, il y a plus de quinze siècles, et ses paroles sont venues jusqu'à nous avec une signification inaltérée, parce qu'elles expriment la vérité éternelle.

Très chers fils, vous espérez et demandez dans vos prières que le Congrès Eucharistique, patronné avec tant de zèle apostolique et de sagesse par votre vénéré archevêque, puisse apporter de nombreuses bénédictions à la Côte de l'Or et à son peuple. Nous prions pour que votre espérance puisse être réalisée, et Nous Nous plaisons à penser que l'Eglise de l'Ouest Africain Britannique sortira des inoubliables célébrations de cette semaine Eucharistique comme un corps compact, conscient de son union mutuelle en Jésus-Christ, obéissant sous la direction spirituelle de ses évêques, prêt et ardent à apporter son entière contribution au développement, à la prospérité et à la paix de son cher pays. ^

Grâce à une sage administration sous la direction de la gracieuse autorité de Sa Majesté le Roi Georges, et à la généreuse et loyale collaboration de Nana Ashantathene, votre pays est parvenu à une enviable maturité et vient d'entrer maintenant dans une nouvelle ère de sa vie politique 8. Il faudra le dévouement civique éclairé et sans égoïsme de tous ses citoyens pour arriver au but, le seul qui en soit digne : la justice sociale pour toutes les classes, la défense de la vie familiale et le progrès dans les facilités d'éducation qui prépareront et inspireront les générations montantes à servir leur Dieu et leur pays avec fier

5 Saint Léo Magn., Serm. 63, Migne P. L., t. 54, col. 357. 8 Saint Augustin, In Ps. 88, Migne P. L., t. 37, col. 724. " Saint Augustin, In Ps. 127, Migne P. L., t. 37, col. 1679.

8 Au début de 1951, le droit de vote fut accordé aux Indigènes de la Côte de l'Or ; et les premières élections eurent lieu, permettant ainsi à un Parlement démocratique d'exister dans cette colonie britannique.

té et une inébranlable fidélité. Nous sommes sûr que les catholiques de la Côte de l'Or ne le céderont à personne dans la réalisation future de ces nobles buts.

En vous assurant, Vénérables Frères, ainsi que les distinguées autorités civiles et Nos chers catholiques de la Côte de l'Or, de Notre profond intérêt pour la prospérité des populations de l'Ouest Africain Britannique, avec une paternelle affection, Nous donnons à tous ceux qui ont pris une part quelconque aux cérémonies du Congrès Eucharistique, Notre Bénédiction apostolique.

LETTRE A SON EXC. Mgr RAPHAEL DE GIULI, ÉVÊQUE D'ALBENGA, POUR LE DEUXIÈME CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT LÉONARD DE PORT-MAURICE

(28 février 1951) 1

Deux siècles se sont écoulés, depuis que S. Léonard de Port-Maurice' s'envola au iciel, après le cours de sa vie mortelle. 11 convient que ses concitoyens, les membres de l'Ordre franciscain dans les rangs duquel il a servi, l'Eglise entière dont il est l'honneur et l'ornement, commémorent un si grand héraut de la parole divine et célèbrent ses louanges avec un zèle particulier. Mais il convient surtout que tous considèrent attentivement de quelle manière lui-même a pu atteindre un sommet si élevé de sainteté et ramener au Christ des foules innombrables d'hommes détournés du droit chemin ou souillés de la fange des vices, les faisant obéir à ses lois et suivre ses exemples.

Dès sa jeunesse, méprisant les plaisirs caducs du siècle et ses fragiles vanités, il se donna tout entier à Dieu ; à peine put-il entrer dans l'Ordre franciscain qu'il s'efforça de marcher d'un pas chaque jour plus ardent vers la perfection de la vie évangé-lique, au point de paraître, à l'admiration de tous, la vivante image du Patriarche séraphique.

Passer ën prière de très longues et très suaves heures à l'autel de l'auguste Sacrement, vénérer ardemment la Sainte Mère de Dieu et se concilier son très puissant secours, avoir au coeur un très profond amour pour l'image du Rédempteur crucifié, méditer longuement et amoureusement Jésus souffrant les plus grandes douleurs sur le chemin du Calvaire ou suspendu


SAINT LÉONARD DE PORT-MAURICE

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au gibet de la mort, tout cela fut son occupation constante et il y puisa une force surnaturelle qui le fortifia dans l'acquisition d'une forme de vie céleste et de vertus si éclatantes que, porté par la grâce de Dieu et armé de son secours, il devint son soldat valeureux pour les plus saints combats et un infatigable apôtre.

C'est pourquoi, héraut diligent et intrépide de la parole divine, il parcourut presque toutes les régions et villes d'Italie ; il ne se refusa pas à atteindre les villes montagneuses les plus abruptes, ni à se rendre dans les petits villages ignorés pour les gagner tous autant que possible à Jésus-Christ. Aussi, partout où dans ce qu'on appelle les saintes Missions il prêchait au peuple, les moeurs chrétiennes refleurissaient, la piété envers Dieu et la charité chrétienne s'enflammaient, des haines très violentes et très prolongées s'éteignaient, les rancunes s'apaisaient, la paix et la tranquillité s'établissaient dans la vie domestique, les sacrements qui sont les sources de la vie surnaturelle étaient fréquentés par presque tous, non sans fruits salutaires.

C'était certes un grand spectacle, et digne de la plus haute admiration, que de voir cet humble membre de l'Ordre franciscain, presqu'épuisé par ses voyages apostoliques, par les jeûnes, les cilices et les macérations volontaires et énergiques, animer et exciter si profondément la foule innombrable qui lui faisait cortège, à pleurer ses fautes personnelles, à acquérir les biens surnaturels, à ranimer la charité fraternelle, au point de faire jaillir les larmes des yeux de beaucoup d'auditeurs, et d'engendrer dans les âmes de tous des résolutions de vie meilleure et plus sainte.

Tout le monde sait combien a été efficace pour ce résultat la pieuse coutume propagée très au loin par S. Léonard de révérer avec grand amour les dernières souffrances de Jésus-Christ, et celle de célébrer en groupe son chemin de Croix, avec un crucifix élevé par-dessus les têtes et d'abondantes prières.

Aussi grâce à lui et à ses exhortations, il se fit en de nombreux endroits un merveilleux renouveau de vie chrétienne, renouveau si nécessaire aussi à notre époque et qui, à l'exemple des heureux résultats acquis à Rome pendant l'Année Jubilaire, doit être dans les voeux de tous les hommes de bien pendant l'extension de l'Année Sainte au monde entier. Nous avons conseillé qu'on y travaille spécialement par les saintes prédications au peuple appelées Missions, et dont S. Léonard de Port-Maurice a été désigné par Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie XI, comme le céleste patron \ Car c'est un fait d'expérience que ce genre d'enseignement de la parole divine possède une force très efficace, non seulement pour la réfutation des erreurs et pour exposer convenablement la doctrine chrétienne, mais aussi pour obtenir, sous l'appel de la grâce divine, que les âmes des auditeurs ramenées des pensées de la terre aux choses du ciel soient si sainement ébranlées qu'elles lavent et expient leurs souillures et soient stimulées à entrer d'une volonté généreuse et sincère dans le chemin ardu de la vertu3. Nous pensons donc que cet événement du 2e centenaire ne pourra être célébré par un moyen plus adapté ; et si en conséquence le clergé qui vous est confié, Vénérable Frère, dans une ardeur d'apostolat enflammée, si le peuple confié à vos soins recourent avec zèle et persévérance à de saintes prédications de ce genre, ils récolteront des fruits très féconds de salut.

En présage de ces heureux fruits, Nous demandons à Dieu leur heureuse réalisation ; tandis que, tant à vous qu'à tous les vôtres et spécialement à ceux qui ont la gloire d'être les concitoyens de ce héraut de la parole divine, et à tous les membres de l'Ordre franciscain, en gage des faveurs surnaturelles et en témoignage de Notre aimante volonté, Nous accordons de tout coeur la Bénédiction apostolique.

2 Cf. Lettre apostolique Romani Pontifias, A. A. S., 1923, vol. XV, p. 196.

3 Constitution apostolique Per Annum sacrum, A. A. S., XXXXII, 1950, p. 854.

ALLOCUTION A M. le Dr CARLO SOMMARUGA MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE LA RÉPUBLIQUE DE LIBERIA

(28 février 1951) 1

En ce four, le nouveau ministre de Libéria 2 présentait ses Lettres de Créance et fut reçu en audience ; le Saint-Père lui déclara :

La présentation solennelle des Lettres de Créance par lesquelles Son Excellence le Président de la République de Libéria a, après le départ de votre digne prédécesseur, vous désigne au poste d'Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire auprès du Saint-Siège, a fourni à Votre Excellence l'occasion d'exprimer des convictions qui ne peuvent que réclamer toute Notre attention et mériter Notre cordiale approbation.

Votre allusion au fait que la libre et souveraine République de Libéria entend prendre sa place parmi les nations chrétiennes met en évidence la conviction de Votre Excellence que la croyance sincère en Dieu, la profession de la vérité chrétienne et la fidélité aux principes fondamentaux de la foi catholique sont indissolublement liées à la sincère et constante revendication des plus hautes et authentiques vertus de la nature humaine.

Au début de votre noble mission, Votre Excellence met parfaitement en relief une vérité fondamentale, qui est souvent

1 D'après le texte anglais des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 169.

2 Le nouveau ministre, Son Exc. M. Charles Sommaruga, est né à Lugano en 1902. ^ y fit ses études moyennes. Il fut nommé docteur ès sciences économiques aux universités de Saint-Gall et de Berne. En 1936, il fut nommé par le Conseil Fédéral suisse, conseiller économique de la Légation helvétique à Rome. En 1947, il était nommé chargé d'af-

ires — 0J interim — de la Légation de Libéria auprès du Saint-Siège.

3 Le Président de la République de Libéria est M. William V. S. Tubman, élu pour 1944-

hu't ans en

oubliée et plus souvent peut-être ensevelie dans le silence, spécialement de nos jours où les limites séparant la vérité de l'erreur ne sont que trop souvent obscurcies et brouillées, au préjudice, en conséquence, de la communauté autant que des individus.

La véritable religion et une civilisation accomplie ne sont pas rivales. Elles sont soeurs.

Elles n'ont rien à craindre l'une de l'autre, mais tout à gagner. Que chacune demeure fidèle à ses propres lois, tout en respectant les nécessités vitales et les diverses manifestations extérieures de l'autre ; et l'harmonie qui résultera, donnera plus de force au peuple engagé dans l'accomplissement des tâches fixées, avec les plus efficaces stimulants pour une véritable prospérité et un solide progrès.

Pour diverses raisons, familières à quiconque connaît l'histoire de Libéria, le nombre des catholiques y est encore relativement faible4. Le fait n'est donc que plus flatteur qu'ils aient pu — grâce en grande partie à leur action dans le domaine de l'éducation et de la charité — gagner la confiance et l'estime de leurs compatriotes des différentes croyances, ainsi que la bienveillance des autorités civiles.

Aussi nourrissons-Nous la chère espérance — en comptant surtout sur l'esprit éclairé et sur la loyauté du Président de la République — que les membres et les organisations de la fraction catholique du peuple de Libéria puissent continuer à se voir garantir la liberté de mouvement et d'action qui leur est accordée.

Nos chers fils et filles catholiques sauront sûrement apprécier et utiliser la liberté qui leur est reconnue, avec dignité et vigilance à l'égard de leurs responsabilités.

Ils se sentiront eux-mêmes honorés de préparer, à l'avantage de leur pays natal, qui Nous est si cher à Nous aussi, la pleine mesure de ce bien-être et de ce progrès social et culturel nés d'un sain accord entre la conscience religieuse et les idéaux nationaux d'un peuple qui, comme celui que vous représentez, a

4 La République de Libéria fut fondée en 1822, le long de la côte occidentale de l'Afrique, par des Noirs affranchis, en provenance des Etats-Unis. En 1847, cette République devint indépendante. Dès 1842, les missionnaires catholiques pénétraient dans ces régions.

Actuellement, ce pays compte 2.500.000 habitants, dont 6.000 catholiques, et 12 prêtres, dont un indigène. Le Vicaire Apostolique réside en la capitale, Monrovia.

derrière lui un passé qui est encore jeune et devant lui un avenir illimité.

Avec ces sentiments, Nous vous prions, M. le Ministre, de transmettre à Son Excellence le Président, aux membres du Gouvernement et à tout le peuple de Libéria, Nos salutations et Nos meilleurs voeux pour leur heureux et paisible progrès, en même temps que Nous invoquons pour eux tous, et en particulier pour Votre Excellence, les faveurs les plus abondantes du ciel.


RADIOMESSAGE AUX TRAVAILLEURS ESPAGNOLS

(il mars 1951) 1

A l'occasion du XIIe anniversaire du couronnement de Pie Xli, on organisa en Espagne d'importantes manifestations religieuses réunissant dans les différentes villes plusieurs millions de travailleurs. Le Saint-Père leur adressa par radio le message suivant.

Le Pape précise que les travailleurs ne trouveront la vraie solution à leurs difficultés que dans l'application de la doctrine sociale de l'Eglise :

Très chers fils, chefs d'entreprise, techniciens et travailleurs réunis à Madrid et dans les provinces pour vous consacrer au Christ Rédempteur et rendre votre fervent hommage de dévotion filiale à son Vicaire sur la terre : quel magnifique spectacle, — laissez-Nous commencer ainsi, — que celui d'une masse imposante d'ouvriers, comme la vôtre, acclamant Jésus-Christ, son véritable Rédempteur !

Les problèmes d'aujourd'hui n'arrivant pas à faire oublier au travailleur, à l'ouvrier, à l'homme dont la vie est âpre et difficile, les préoccupations du lendemain, ils sont nombreux ceux qui les ont envisagés et les envisagent, surtout ces derniers temps, en arborant le drapeau de la Rédemption. Vous continuez, cependant, à rester attachés au drapeau du Christ. Et vous proclamez, ouvertement et solennellement, avec le premier Pape Pierre : « Le salut ne se trouve dans aucun autre ; car il n'est dans le ciel aucun autre nom donné aux hommes, par qui nous devions être sauvés2. » Vous voulez demeurer fidèles à Lui, à son Eglise, au successeur de Pierre, coûte que coûte.

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 213.

2 Act. IV, 12.

Mais à la loyauté on répond par la loyauté. Et comme, certainement, vous attendez de Nous, en ce moment, une parole sur ce que l'Eglise peut vous offrir pour la sécurité de votre existence et la satisfaction de vos justes aspirations, Nous désirons vous donner cette parole, avec twute Notre affection paternelle. La voici donc en trois points :

1. Il faut assurer la collaboration entre l'Eglise et ceux qui ont des responsabilités sociales :

Personne ne peut accuser l'Eglise de s'être désintéressée de la question ouvrière et de la question sociale, ou de ne pas leur avoir accordé l'importance qui leur revient. L'Eglise a eu le souci de peu de questions autant que de ces deux-là, depuis que, voici soixante ans, Notre grand Prédécesseur Léon XIII, avec son Encyclique Rerum Novarum, mit entre les mains des travailleurs la Grande Charte de leurs droits.

L'Eglise a eu et elle a une pleine conscience de ses responsabilités. Sans l'Eglise, la question sociale est insoluble ; mais elle ne peut, non plus, la résoudre à elle seule. Elle a besoin de la collaboration des forces intellectuelles, économiques et techniques des pouvoirs publics.

Pour sa part, elle a offert pour l'établissement religieux et moral de tout l'ordre social des programmes vastes et bien étudiés. Les législations sociales des divers pays ne sont en grande partie que des applications, des principes établis par l'Eglise. N'oubliez pas non plus que tout ce que vous trouvez de bien et de juste dans les autres systèmes, se trouve dans la doctrine sociale catholique. Et quand ceux-là assignent au mouvement ouvrier des buts que l'Eglise réprouve, il s'agit toujours de biens illusoires qui sacrifient la vérité, la dignité humaine, la justice sociale, ou le véritable bien-être de tous les citoyens.

2. L'Eglise, à travers tous les régimes, exige le respect de la personne des travailleurs :

Dans son histoire deux fois millénaire l'Eglise a dû vivre au milieu des structures sociales les plus diverses, depuis l'antiquité avec son esclavage jusqu'au système économique moderne, caractérisé par les termes de capitalisme et de prolétariat. L'Eglise n'a jamais prêché la révolution sociale ; mais, toujours et partout, depuis l'Epître de saint Paul à Philémon jusqu'aux enseignements des Papes aux XIXe et XXe siècles, elle s'est efforcée avec ténacité d'obtenir que l'on tienne plutôt compte de l'homme que des avantages économiques et techniques, et qu'à tous ceux qui font leur possible, réponde une vie chrétienne, et cligne d'un être humain.

C'est pour ce motif que l'Eglise professe sa doctrine en matière de propriété :

Pour cela l'Eglise défend le droit à la propriété privée, droit qu'elle considère fondamental et intangible. Mais elle insiste aussi sur la nécessité d'une distribution plus juste de la propriété, et dénonce ce qu'il y a de contraire à la nature dans une situation sociale où, en face d'un petit groupe de gens privilégiés et très fortunés, se trouve une énorme masse populaire appauvrie. Il y aura toujours des inégalités économiques. Mais tous ceux qui, d'une manière quelconque peuvent influer sur la marche de la société, doivent toujours tendre à réaliser une situation telle qu'elle permette à tous ceux qui font leur possible, non seulement de vivre, mais encore d'épargner.

Les facteurs qui doivent contribuer à une plus grande diffusion de la propriété sont nombreux. Mais le principal sera toujours le juste salaire. Vous savez, chers fils, que le juste salaire et une meilleure distribution des biens naturels représentent les deux exigences les plus urgentes du programme social de l'Eglise.

De même l'Eglise désire qu'une collaboration étroite s'établisse entre tous les agents de la production ; et en particulier, que le contrat de salaire évolue vers le contrat de société 3 :

Elle considère d'un bon oeil et même encourage tout ce qui, dans les limites permises par les circonstances, vise à introduire

3 Le contrat de salaire est conclu entre un patron et un ouvrier (ou des groupements de patrons et des groupements d'ouvriers) ; par ce contrat le patron s'engage à payer une somme fixe hebdomadairement aux membres de son personnel. Trop souvent, les clauses de tels contrats sont fixées sous le signe d'un antagonisme d'intérêts, le patron désirant fixer un taux de salaire minimum, tandis que l'ouvrier est désireux de toucher le salaire maximum.

Tandis que dans le contrat de société, le patron et l'ouvrier sont « associés » dans une même société où les deux parties ont un intérêt commun à faire prospérer l'entreprise, puisque tous deux partagent les bénéfices.

des éléments du contrat de société dans le contrat de travail et améliore la condition générale du travailleur. L'Eglise encourage également tout ce qui contribue à rendre les relations entre les patrons et ouvriers, plus humaines et animées de confiance mutuelle. Les discussions entre patrons et ouvriers doivent avoir comme fin principale la concorde et la collaboration.

3. Pour réaliser ce programme, il est nécessaire de vivre de la foi chrétienne :

Mais cette oeuvre ne peut être menée à bonne fin que par des hommes qui vivent de la foi et accomplissent leur devoir dans l'esprit du Christ. La solution de la question sociale n'a jamais été facile. Mais les catastrophes indicibles de ce siècle ont rendu angoissante sa difficulté. La réconciliation des classes, la disposition au sacrifice et au respect mutuel, la simplicité de la vie, la renonciation au luxe sont impérieusement exigées par la situation économique actuelle : tout cela et tant d'autres choses ne pourront être obtenues qu'avec l'aide de la Providence et de la grâce de Dieu. Soyez donc des hommes de prière. Elevez vos mains vers Dieu, pour que, par sa miséricorde, et malgré toutes les difficultés, se réalise cette grande oeuvre.

C'esf pourquoi les oeuvres s'occupant de la formation du jeune travailleur sont particulièrement à louer :

En cette circonstance, Nous ne pouvons manquer d'adresser quelques paroles d'éloge paternel à ces institutions que vous avez créées et que vous continuez à créer dans le but d'éduquer les jeunes travailleurs, en faisant d'eux d'excellents ouvriers spécialisés et en même temps des chrétiens convaincus. Vous ne pourriez rien faire de mieux. Dans l'épanouissement et la floraison de cette oeuvre, Nous voyons un signe prometteur pour l'avenir.

L'Eglise d'Espagne a toujours été préoccupée d'améliorer le sort des travailleurs :

On a l'habitude d'accuser la foi chrétienne de consoler le mortel, qui lutte pour la vie, avec l'espérance de l'au-delà. L'Eglise, dit-on, ne sait pas aider l'homme dans sa vie terrestre. Rien de plus faux. Il vous suffit de considérer le grand passé de votre chère Espagne : qui a fait plus que l'Eglise pour que la vie familiale et sociale y fût heureuse et tranquille ? En ce qui concerne la solution de la question sociale actuelle, personne n'a présenté un programme qui dépasse la doctrine de l'Eglise en sécurité, consistance et réalisme.

Mais au-delà du terrestre, les travailleurs doivent aussi se préparer à acquérir les biens célestes :

A cause de cela, elle n'a qu'un plus grand droit à exhorter et consoler tous ses fils, en leur rappelant que le sens de la vie terrestre est dans l'au-delà, dans la vie éternelle. Plus vous vous pénétrerez de cette vérité et plus vous vous sentirez stimulés à collaborer à une solution acceptable de la question sociale. Il sera toujours vrai que le don le plus précieux de l'Eglise, sera cet homme qui, fermement ancré dans la foi du Christ et de la vie éternelle, accomplira, stimulé par elles, les tâches de cette vie.

Voilà ce que Nous voulions vous dire.

Le Pape félicite les travailleurs d'Espagne pour leur foi :

Un mot encore, très chers travailleurs espagnols, pour accueillir avec reconnaissance l'hommage à Notre humble personne. A propos de Notre reconnaissance que pouvons-Nous vous dire ? Pendant tout le Grand Jubilé qui vient de se terminer, Nous avons vu de Nos propres yeux, Nous avons touché en quelque sorte de Nos propres mains la ferveur enthousiaste du peuple espagnol pour le Pape. Mais les pèlerins espagnols — parmi lesquels vous Nous rappelez spécialement, chers travailleurs, ceux d'entre vous qui assistiez à la clôture de la Porte Sainte, — ont pu aussi faire l'expérience de l'amour que le Pape leur réserve. « L'Espagne pour le Pape ! » était leur cri passionné et irrésistible ; auquel Nous avons répondu avec un amour paternel : « Et le Pape pour l'Espagne ! »

Que Dieu vous bénisse, très chers fils, et bénisse également votre patrie et vos dirigeants, comme Nous-même, avec toute Notre affection paternelle, Nous vous bénissons tous.


LETTRE DE MONSEIGNEUR MONTINI SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A M. LE CHANOINE JACQUES BONNET AUMÔNIER GÉNÉRAL DE L'ACTION CATHOLIQUE OUVRIÈRE DE FRANCE

(15 mars 1951) 1

« L'adresse respectueuse que le Comité national de l'Action catholique ouvrière française vient d'envoyer au Souverain Pontife a vivement réjoui son coeur paternel. Sa Sainteté en apprécie les termes et me charge d'exprimer, par votre entremise, à tous les signataires, ses meilleurs remerciements.

A juste titre, vous rappelez quelle joie ce fut pour le Père commun, au cours de l'Année Sainte, de recevoir tant de représentants de la population ouvrière française et de pouvoir leur témoigner de vive voix sa constante sollicitude à l'égard du monde des travailleurs. C'est du même coeur qu'il agrée aujourd'hui la démarche que vous faites au nom de ces nombreux ouvriers chrétiens de France, animés d'un zèle vraiment digne d'éloges pour le bien spirituel et l'amélioration des conditions de vie de leurs compagnons de labeur.

Certes, ces conditions de vie posent, à l'heure actuelle, de graves problèmes aux membres de votre mouvement d'Action catholique. Le Saint-Père n'ignore pas les difficultés concrètes au sein desquelles se débattent bien des familles ouvrières. Mais, pour guider l'effort de ses fils, l'Eglise leur offre ses fermes enseignements en matière de justice sociale : ceux-ci, vous le

'après le texte français de La Croix du 22 mars 1951.

savez, pressent tous les fidèles de déployer une action efficace et persévérante dans les divers milieux où ils vivent ; en particulier, les militants de l'A.C.O. à quelque groupement qu'ils appartiennent, dans le monde du travail, y puiseront une claire lumière pour agir en faveur de la paix et de la concorde dans le respect de tous les droits.

Et si, dans la pratique quotidienne, l'application de ces principes doctrinaux soulevait quelque problème, c'est naturellement auprès de l'épiscopat et des autorités mandatées par lui que les travailleurs catholiques trouveront les directives appropriées qui leur permettront à la fois de rester fidèles à leur profession de foi chrétienne et parfaitement loyaux à l'égard des justes demandes des ouvriers.

Sur tous les travailleurs de France, dont directement ou indirectement vous avez la charge, le Saint-Père appelle les grâces divines propres à leur état ; et de tout coeur II vous accorde, ainsi qu'à M. l'abbé Denis, aux membres du Comité national et à tous les adhérents et adhérentes de l'A.C.O. le réconfort d'une paternelle Bénédiction apostolique. »


DÉCLARATION DE LA SACRÉE CONGRÉGATION CONSISTORIALE SUR LA PERSÉCUTION EN TSCHÉCOSLOVAQUIE

(17 mars 1951) 1

Les mesures persécutrices se multipliant en Tchécoslovaquie, l'Eglise a jugé que ceux qui apportaient leur collaboration à ces mesures encourraient des peines très graves :

Depuis plusieurs mois déjà, dans la République de Tchécoslovaquie, les droits de l'Eglise sont fréquemment et gravement violés, et l'on attaque injustement les ecclésiastiques eux-mêmes. Les évêques sont empêchés d'exercer leur charge ; leurs droits pastoraux sont usurpés ; les offices curiaux ou des ordinariats, ainsi que les bénéfices ecclésiastiques sont confiés à des intrus, par décision arbitraire de laïcs qui osent s'immiscer dans le gouvernement des diocèses 2.

En outre, de nombreux clercs sont privés de la liberté ; plusieurs évêques, par une audace impie, furent déférés devant des juges laïques et emprisonnés 3.

Tout récemment encore, l'archevêque de Prague, Son Excellence Mgr Beran, que l'on gardait déjà prisonnier depuis longtemps dans son palais épiscopal, et qui était complètement empêché d'exercer sa juridiction, a été éloigné de son diocèse 4.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 173.

2 Le 16 mars 1950, Mgr De Liva, chargé d'affaires du Vatican à Prague, était chassé de Tchécoslovaquie.

3 Une série de procès retentissants traînent devant les tribunaux prêtres, religieux, Prélats ; ceux-ci sont toujours condamnés à de fortes peines et privés du droit d'exercer leur ministère.

4 Un communiqué officiel du gouvernement tchécoslovaque proclamait : « Les autorités administratives ont infligé une amende à Mgr Beran, archevêque de Prague, pour son attitude négative à l'égard des lois sur l'Eglise, et lui ont imposé de séjourner hors ¦du diocèse de Prague. »

Contre ceux qui commettent de semblables délits, il existe des Canons selon lesquels encourent ipso facto une excommunication, — qui est selon les cas, simplement ou spécialement réservée au Saint-Siège — tous ceux qui :

a) ont déféré un évêque devant un juge laïc 5 ;

b) ont usé de violence physique sur la personne d'un archevêque, ou d'un évêque 6 ;

c) ont directement ou indirectement empêché l'exercice de la juridiction ecclésiastique, recourant pour cela à une autorité laïque quelle qu'elle soit7 ;

d) ont ourdi des manoeuvres contre des autorités légitimes ou ont tenté, d'une manière ou d'une autre, de détruire leur autorité 8 ;

e) occupent un service, ou un bénéfice, sans qu'ait eu lieu l'institution ou la provision canonique prévues par les Canons, ou s'y laissent nommer de façon illégitime ou les conservent °. La Sacrée Congrégation Consistoriale déclare donc que tous

ceux qui ont coopéré physiquement ou moralement à la consommation des délits mentionnés, (ainsi que leurs complices, selon le canon 2209, § 1-3) ont encouru les excommunications indiquées, et qu'ils y demeureront aussi longtemps qu'ils n'en auront pas obtenu l'absolution du Saint-Siège.

5 Canon 2341.

* Canon 2343, § 3.

7 Canon 2334, g 2.

8 Décret de la Sacrée Congrégation du Concile du 29 juin 1950.

• Ibidem.


PieXII 1951 - COMMUNIQUÉ DU ST-OFFICE CONDAMNANT L'ABBÉ FRANCESCO VITTORIO MASSETTI