PieXII 1951 - DISCOURS A L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE


A L'OCCASION DU PREMIER CENTENAIRE DE LA FONDATION DE L'INSTITUT DE MÉRODE

(6 mai 1951) 1

En 1851, l'Institut de Met ode — dit encore Collège Saint-Joseph — était fondé à Rome et confié en 1891 aux Frères des Ecoles chrétiennes. Cent ans après, cet Institut était reçu en audience par Pie XII qui déclarait :

« Toute Institution a l'habitude de commémorer avec une joyeuse gratitude les grâces de la protection divine qui pendant tout un siècle en ont assuré la durée ininterrompue, le progrès, la bienfaisante prospérité. Mais si l'on remonte par la pensée aux événements des années qui vont de 1851 jusqu'à ce jour ; si l'on considère les soucis à travers lesquels, même à Rome, l'Eglise a passé, les persécutions tantôt violentes, tantôt sournoises, auxquelles elle a été exposée dans l'accomplissement de sa mission, les efforts qu'elle a dû soutenir, parfois jusqu'à l'héroïsme, spécialement dans le domaine de l'éducation de la jeunesse, quand précisément cette éducation, plus que jamais nécessaire et urgente, était empêchée et contrariée par un ensemble de difficultés et d'obstacles de toute sorte ; alors, vraiment, s'élève vers Dieu un cantique d'admiration et d'action de grâces des plus fervents.

Ce cantique, qui jaillit spontané des coeurs de vous tous, enseignants, élèves, anciens élèves, parents chrétiens, comme il doit résonner dans vos esprits, chers fils de Saint Jean-Baptiste de la Salle, vous à qui la Providence a confié tant de jeunes générations !

Vous avez bien raison de célébrer avec enthousiasme ce double Jubilé, de le célébrer avec des cérémonies religieuses et liturgiques, avec de solennelles manifestations intellectuelles et artistiques, également avec des fêtes exubérantes de juvénile allégresse. Mais il convient surtout de le célébrer par les actes, en continuant vaillamment l'oeuvre réalisée jusqu'alors par ceux qui vous ont précédés.

Les preuves de leur magnifique progrès sont vivantes sous les yeux de tous ; y a-t-il donc une seule branche d'activité dans l'ordre spirituel et temporel, dans la vie privée et publique, où ne soient pas signalés avec honneur, parfois au tout premier rang, les élèves des Frères des Ecoles Chrétiennes, particulièrement ceux du Collège de Saint-Joseph et de l'Institut de Mérode ?

La gloire du passé est un engagement pour l'avenir. Vous tous, enseignants et supérieurs, élèves et parents — car ce n'est qu'avec votre collaboration unanime que peuvent se réaliser de grandes choses dans le domaine de l'éducation — poursuivez la course sur la voie qui vous a été ouverte et aplanie par les fatigues et les peines de vos prédécesseurs. Le secret de leur succès solide, durable et d'une si grande valeur, est qu'ils ne sont pas restés immobiles ni n'ont dévié du sentier de lumière tracé par leurs pères, par votre incomparable Fondateur, Jean-Baptiste de la Salle, dont ils ont recueilli et, à leur tour, transmis les sages et saintes traditions.

Etre à la page, dit-on volontiers aujourd'hui. Oui, sans doute ; mais à condition de ne pas déchirer sous ce prétexte le livre précieux, en détruisant les pages précédentes, comme on détache les feuillets d'un calendrier.

L'art de l'éducation est, en effet, sous de nombreux aspects l'art de s'adapter : s'adapter à l'âge, au tempérament, au caractère, à la capacité, aux besoins et aux justes aspirations de l'élève, s'adapter à toutes les circonstances des époques et des lieux, s'adapter au rythme du progrès général de l'humanité. Cependant, ce qui caractérise, dans une telle adaptation, la véritable éducation chrétienne, c'est que celle-ci vise constamment à la formation totale de l'enfant et de l'adolescent, afin d'en faire un homme, un citoyen, un catholique complet et équilibré, bien plus qu'un prétendu erudit à l'esprit encombré de connaissances encyclopédiques disparates et désordonnées. Développer selon une sage méthode la culture intellectuelle ; utiliser la santé, la vigueur du corps et l'agilité des membres, obtenues par l'éducation physique, au profit de la vivacité et de la souplesse de l'esprit ; affiner, par une heureuse harmonie des sens et de l'intelligence, dans la formation artistique, toutes les facultés pour donner à leur exercice la grâce et l'amabilité, et par conséquent, une efficacité plus grande, plus étendue et mieux accueillie ; tout cela est très beau et très bien, mais n'aurait point de valeur éternelle ni une plénitude satisfaisante, si la culture religieuse ne venait, avec son ampleur et sa grandeur, donner son unité et sa véritable valeur à toute l'éducation.

Une erreur très commune restreint l'instruction et l'éducation religieuse à une période déterminée, voire avec des programmes complets et sagement répartis. Mais la véritable éducation chrétienne exige bien plus : elle doit être une oeuvre continue, permanente, progressive ; elle doit imprégner tout l'enseignement, même proiane, pénétrer jusqu'au fond de l'âme. Elle consiste donc en plus de l'exposition méthodique de la doctrine, à voir et à faire voir toutes choses à la lumière de la grande et divine vérité, de même que dans la contemplation de la création matérielle, on ne voit bien les choses, avec leurs véritables couleurs, que dans la lumière du beau soleil de Dieu, même si elle est parfois voilée par des nuages.

Mais l'éducation serait encore incomplète si elle ne réalisait qu'une partie de son but, c'est-à-dire si elle se réduisait à procurer le bien personnel, physique et moral, temporel et éternel, des élèves.

Elle doit, en outre, les former et les préparer à exercer sur leur époque et sur leur génération — et même aussi, sur les générations futures — une action salutaire, de sorte qu'ils traversent le monde en le laissant après eux meilleur, plus doux et plus beau qu'ils l'ont trouvé.

C'est là l'utilité des oeuvres charitables, sociales et apostoliques que vous vous appliquez à organiser parmi eux. Elles sont une précieuse aide matérielle, spirituelle, religieuse pour tous ceux que vos élèves assistent, mais également pour eux-mêmes, parce qu'avec l'impulsion et l'entraînement qu'ils en reçoivent, ils se perfectionneront eux-mêmes et seront en mesure d'exercer plus tard une bienfaisante et puissante influence sur leurs familles, sur leurs connaissances et sur toute la société.

Que Saint Joseph, Patron spécial de tous vos collèges, que la Sainte Vierge, reine, mère et inspiratrice des apôtres, continuent, comme par le passé, à protéger et à guider votre généreuse et féconde activité ! Que le Sacré-Coeur de Jésus entretienne et alimente dans vos coeurs l'ardeur qu'il y a Lui-même allumée ! C'est là l'objet de Notre prière pour vous tous, que de chers liens unissent en si grand nombre à l'Institut de Saint Jean-Baptiste de la Salle, et à qui Nous donnons avec toute Notre affection la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION *

LORS DE LA BÉATIFICATION DE PLACIDE VIEL

(g mai 1951 ) 1

Victoire Viel est née le 26 septembre 1615 près de Coutances ; ayant consulté le saint Curé d'Ars, elle entra à l'âge de vingt ans chez les Soeurs des Ecoles chrétiennes à Saint-Sauveur-le-Vicomte où elle devint Soeur Placide.

La Fondatrice sainte Marie-Madeleine POSTEL l'avait en grande estime, et lors de la mort de la fondatrice, en 1846, c'est Soeur Placide qui devint Supérieure générale. Elle mourut, le 4 mars i8yj.

Pie XII béatifiait Soeur Placide Viel le 6 mai îg^i j

On serait tenté, chers fils et chères filles, de mettre sur les lèvres de votre Bienheureuse Mère Placide Viel, certaines paroles de saint Paul par lesquelles le grand Apôtre exprimait à la fois la pauvreté tremblante de sa nature, impuissante à accomplir la mission formidable que Dieu lui avait confiée, et la force qu'il sentait en lui, indomptable, par la grâce du Christ qui le réconfortait.

Comment, en effet, sinon par l'action d'une grâce toute surnaturelle, expliquer le contraste si frappant entre le tempérament, le caractère, les antécédents, la préparation de cette petite paysanne timide, gauche, sans instruction, sans la moindre expérience de la vie du monde et sa carrière d'une activité rare, exceptionnelle, pour ne pas dire unique ?

Vous en rendez un témoignage d'une haute éloquence, vous tous, pèlerins accourus des diverses régions pour lui porter l'hommage de votre admiration et de votre reconnaissance.

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXIII, 1051, p. 435.

2 Décret du 27 mars 1951, dans les A. A. S., XXXXIII, 1951, pp. 287 et 297.

Elle ne craint pas, elle n'a jamais craint le travail, ni le sacrifice, ni la souffrance ; mais elle s'y exerçait dans les offices et les besognes les plus humbles, en sous-ordre au service de la cuisinière, occupée à laver la vaisselle, à couper le bois et les broussailles dans les haies pour préparer le feu. Telles sont ses attributions. Elle n'a pas encore vingt ans, et sa Supérieure, la grande fondatrice, sainte Marie-Madeleine Postel, qui en a déjà soixante-dix-neuf, la désigne à l'évêque comme celle qui devra être, immédiatement après elle, la Supérieure générale de la Congrégation.

Tout manque encore à la famille religieuse : édifices, finances, personnel. Soeur Placide, encore presqu'une enfant, est chargée de pourvoir à la fois à tout cela ; fondatrice de maisons et de communautés, maîtresse à vingt-sept ans d'une cinquantaine de novices, et avec cela, quêteuse de fonds et de vocations.

N'étaient la précision et la véracité indiscutables des documents, immédiats et détaillés, on hésiterait à croire vraie l'histoire de ses pérégrinations, d'abord avec une compagne, puis absolument seule. Faut-il voir ici l'essor soudain d'une nature ardente jusque-là comprimée ? Non, car elle, qui n'avait jamais quitté son village qui, renfermée dans son couvent, tremblait à la pensée de traverser la rue, est restée tellement la même que, à peine franchie la porte de la maison, elle rebrousse chemin et va se jeter dans les bras de sa sainte Mère qui l'envoie passer une demi-heure devant le Saint Sacrement. Alors, mais seulement alors, c'est la transformation. Elle est prête, et la voilà désormais sur les grand-routes et à travers bois, aux champs et à la ville, par tous les temps, sous la pluie, et dans la neige, de jour et de nuit, dormant à la belle étoile ou dans les cabanes peu rassurantes. Elle parcourt ainsi la France, la Prusse, l'Autriche, la Westphalie, la Belgique, sans connaître les langues ; elle s'introduit d'elle-même sans la moindre recommandation ou présentation, à l'improviste dans les bureaux des ministères, dans les évêchés, dans les cours royales et prin-cières. Dans ses visites aux Souverains, dans ses démarches, les personnages si divers qu'elle aborde de sa propre initiative, ne savent qu'admirer davantage : sa déconcertante simplicité ou son aisance modeste et désinvolte.

C'est ainsi qu'elle fonde maisons, pensionnats, écoles à la campagne et en ville, y compris un établissement considérable à Paris, en plein quartier populaire, un noviciat en Westphalie.

En 1846, Marie-Madeleine Postel meurt presque nonagénaire • Soeur Placide, entre deux expéditions, est élue à sa place Supérieure générale à l'unanimité moins deux voix dont elle devait longtemps sentir l'hostilité. A peine assumée sa charge, elle reprend sa vie de courses menant de front son activité de fondations, de quêtes, de recrutement, de gouvernement, joignant la plus maternelle tendresse pour la fragilité à la plus inflexible fermeté en matière d'obéissance et de régularité.

Ah ! chères filles, quelle leçon, quel exemple et quelle obligation pour vous de marcher sur les traces de vos deux premières Mères, d'avoir comme elles une vie pleine et sainte ! Qui d'entre vous pourrait alléguer comme excuse un plus grand écart entre l'indigence de la nature et la richesse de la grâce ? C'est encore sur une parole de S. Paul que Nous vous laisserons : « Par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis, et sa grâce en moi n'a pas été vaine ; j'ai travaillé plus que tous, non pas moi, pourtant, mais la grâce de Dieu qui est avec moi » 3. En appelant sur vous toutes cette grâce souverainement puissante et transformante, Nous vous donnons de tout coeur, à vous, à vos Soeurs répandues par le monde, à vos oeuvres, à tous ceux qui vous sont chers la Bénédiction apostolique.

Cor., 15, 10.


ALLOCUTION A L'ACADÉMIE ITALIENNE D'ART DRAMATIQUE

(12 mai 1951) 1

Recevant en audience spéciale un groupe d'élèves, anciens élèves et maîtres de Y Académie d'Art Dramatique de Rome, et après que les élèves eussent récité des textes de Mystères chrétiens, Pie Xli prononça l'allocution suivante :

« Votre venue, chers fils et filles, et le choix de l'oeuvre réalisée par votre eminent Président2 dont vous Nous avez fait entendre, avec un sens délicat de l'art, sous la direction experte de votre Régisseur, deux des plus émouvants passages ne pouvaient que Nous procurer la plus vive satisfaction. Nous voyons dans votre manifestation la marque de l'esprit qui vous anime et de l'idéal vers lequel vous vous efforcez de tendre dans votre formation artistique.

Quelle distance entre cet idéal et le stimulant de la vaine gloire ou de l'intérêt matériel ! Celui-ci peut produire des virtuoses doués d'intelligence et d'habileté ; mais il leur manquera l'essentiel, l'expression d'une âme ardente et délicate. Pour eux, la profession est plutôt un métier ; pour vous, elle est comme une vocation s'il est permis d'exprimer par ce grand nom, en ce qui vous concerne, cet élan intérieur pour ainsi dire irrésistible qui vous pousse à faire passer dans le coeur de vos spectateurs ou auditeurs les sentiments qui remplissent le vôtre et aspirent à en déborder.

Cela suppose une sorte d'identification avec les personnages que vous représentez ; et quand ces personnages apparaissent élevés et généreux, comme le sont en général les héros des

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 14-15 mai 1951.

2 Le président de l'Académie est M. Silvio d'Amico.

grands classiques, l'intimité à laquelle vous parvenez avec leu pensées et avec leurs sentiments ne peut que vous grandir vovs mêmes et vous faire monter vers leur élévation. Or, dans les vers que vous Nous avez fait apprécier, ce ne sont pas rje simples héros que vous vous êtes efforcés de faire revivre dans Notre esprit. En cherchant à vous identifier avec les saintes femmes de l'Evangile, avec le disciple que Jésus aima au point de le proclamer fils de sa propre Mère, vous avez eu besoin d'une pieuse audace qui vous a élevés, sinon jusqu'à eux, tout au moins vers eux, en vous faisant participer aux sentiments de leurs coeurs. Mais devant la figure de Marie, la plus crucifiée et la plus béatifiée de toutes les pures créatures, devant la figure du Rédempteur divin, l'acteur comme le peintre, s'arrête presque oppressé par la conscience de sa petitesse ; cependant, quand irrésistiblement attiré, il cherche à se faire un écho de leurs voix, il se sent purifié, plus près d'Elle, de Marie ; plus près de Lui, de Jésus.

Nous vous remercions donc et vous encourageons et afin que vous puissiez, par votre éducation artistique, vous faire vous-mêmes toujours meilleurs et, par l'exercice de votre art, rendre meilleurs ceux qui vous écouteront, Nous invoquons pour vous les faveurs et les grâces du Saint-Esprit et l'intercession de la Vierge Immaculée, en même temps que Nous donnons de tout coeur, à vous tous, Président, élèves et anciens élèves, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION LORS DU SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE DE RERUM NOVARUM

(13 mai 1951)1

Le 16 mai 1891, Léon XIII publiait l'Encyclique RERUM NOVARUM sur la condition des ouvriers. Soixante ans après, le jour de la Pentecôte, des délégations des mouvements ouvriers chrétiens de Belgique, Canada, Colombie, France, Allemagne, Hollande, Espagne et Italie réunies à Rome pour célébrer cet anniversaire, assistaient au nombre de 35.000 à la messe célébrée par le Saint-Père en la basilique de Saint-Pierre. Avant la messe, Pie XII prononça l'allocution suivante :

Chers fils et filles ! Travailleurs et travailleuses catholiques, venus de près et de loin.

En cette fête solennelle de Pentecôte, Nous Nous apprêtons à offrir au milieu de vous, le saint sacrifice de la messe, en humble action de grâces au Tout-Puissant pour toute l'abondance de progrès social, de bien-être et de paix — des hommes entre eux et avec Dieu — que le mouvement ouvrier catholique a su réaliser au cours du siècle passé et du présent. Les Pontifes romains ont, avec une clarté de vue et avec un sens courageux du devoir apostolique, en commençant par l'immortelle Encyclique RERUM NOVARUM de Notre grand prédécesseur Léon XIII, donné au mouvement ouvrier — c'est-à-dire à la position juridique du travailleur et à son bien-être — de solides principes et de hautes fins, dont le temps et l'expérience ont pleinement démontré la nécessité et la sagesse. Ces principes et ces fins, en tant que partie intégrante de tout l'ordre social, l'Eglise les maintiendra toujours inébranlablement fermes.

Nous offrons le saint Sacrifice, pour demander les grâces qui affermiront et confirmeront en vous, travailleurs catholiques, la fidélité au programme social de l'Eglise. Ce programme repose sur trois solides colonnes : vérité, justice, amour chrétien. Icj sur la tombe du Prince des Apôtres, réunis autour de son Successeur, exprimez la solennelle promesse de vous laisser toujours guider dans votre conduite par ces trois valeurs fondamentales et de tendre avec une constance immuable vers ces fins que le Vicaire du Christ vous désigne pour votre bien et pour votre félicité et celle de vos familles.

Nous offrons le saint Sacrifice comme une prière suppliante. au Père des Miséricordes, afin que le Seigneur daigne accorder la paix au monde ; la paix sociale par l'accord et la collaboration de tous à l'oeuvre commune de la prospérité nationale ; la paix pour ceux qui tremblent, parmi les peuples et au-delà des continents. Travaillez, chers fils et filles, — unis comme vous l'êtes, en vertu de votre foi catholique, dans les plus hauts et saints idéaux, — parmi vos compagnons et dans vos pays, pour le bien inestimable de cette double paix : que ce soit là, aujourd'hui, votre seconde promesse solennelle devant la majesté du Dieu vivant et véritable. Etes-vous prêts ?

Notre paternelle Bénédiction vous accompagne dans vos patries, dont la concorde et la prospérité sont l'objet de Nos vifs désirs et de Nos prières ; elle vous accompagne dans vos maisons et vos familles, dont Nous recommandons à la Bonté divine la fidélité dans la vraie foi et dans la douceur sereine, intime ; elle vous accompagne dans votre travail professionnel, dont l'accomplissement consciencieux conditionne non seulement votre sort mais aussi celui de la communauté du peuple, car dans l'ordre actuel de l'économie nationale, une somme considérable de devoirs et de droits vous revient.

Chers fils et filles ! Soyez fermes dans la foi, fermes dans la fidélité à l'Eglise ; et soyez confiants. La victoire de l'Eglise est votre victoire ; elle est la victoire des âmes qui croient en elle et qui lui sont dévouées. Et, traversant les siècles, elle ne vieillit pas. Au-dessus de la caducité et des changements des institutions humaines, elle demeure et resplendit comme à l'aube de la première pâque. Elle ne connaîtra pas de déclin, et aucune puissance, ni infernale ni terrestre, ne réussira jamais à en ternir la splendeur primitive.

Puisse le Saint-Esprit, donneur de force, de piété, de crainte de Dieu, remplir vos esprits et vos coeurs, afin que, sous son souffle divin et avec son assistance, vous puissiez défendre et maintenir l'indissoluble unité de vos droits et de vos devoirs, pour votre salut temporel et éternel. Avec ce souhait, Nous vous donnons de tout coeur, à tous, Notre Bénédiction apostolique.

1 D'après le texte néerlandais de VOsservatore Romano du 27 mai 1951.


ALLOCUTION AUX OUVRIERS CATHOLIQUES DE HOLLANDE

(15 mai 1951) 1 x

! Au cours de l'audience accordée le 15 mai 1951 — soixantième anniversaire de la publication par Léon Xlii de l'Encyclique Rerum Novarum — Pie XII adressa aux divers groupes d'ouvriers catholiques quelques mots en leur langue.

Les ouvriers hollandais, après l'audience, manifestèrent le désir d'avoir le texte complet tel qu'il avait été enregistré, du discours qui leur avait été adressé en langue néerlandaise. Voici ce texte :

De tout Notre coeur, Nous souhaitons la bienvenue à tous ceux qui ici, autour de Nous, représentent le Mouvement Ouvrier Catholique en Hollande. Votre présence nombreuse, chers fils et chères filles, est pour Notre coeur une grande consolation et une profonde joie. Nous connaissons votre fidélité envers la Sainte Eglise, votre attachement au Vicaire du Christ sur terre, votre docilité envers vos chefs spirituels particuliers, pendant les années difficiles de la guerre.

Avec une réelle reconnaissance paternelle, Nous faisons l'éloge de votre puissante organisation exemplaire, votre discipline magnifique, votre excellent esprit de collaboration, guidé par une direction sage et énergique. Restez unis dans cette collaboration pacifique avec les autres organisations catholiques s'occupant des autres classes sociales ; luttez avec force pour procurer le plus grand bien-être spirituel de tous les travailleurs et aussi la mesure de bien-être matériel qui est pour ainsi dire indispensable pour mener une vie proprement humaine, éviter le péché et enrichir l'âme des vertus.


OUVRIERS CATHOLIQUES DE HOLLANDE

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Puisse le Mouvement Ouvrier Catholique être encore plus profondément animé par la puissance de l'amour du Christ et ainsi faire triompher encore davantage la justice sociale dans Notre chère Hollande.

Comme signe de Notre affection paternelle pour toute votre organisation, avec toutes ses sections, pour ses dirigeants, ses membres et ses aumôniers, pour les ouvriers et les employés, pour toutes vos grandes et fieres familles chrétiennes, Nous supplions de tout coeur Dieu de vous donner Sa bénédiction la plus abondante.


ALLOCUTION A L'INSTITUT CENTRAL DE STATISTIQUE

(16 mai 1951) 1

Au cours de l'audience générale accordée dans la Salle des Bénédictions, le mercredi 16 mai, à la foule des pèlerins, le Saint-Père s'adressa tout particulièrement au personnel de l'Institut de Statistique dont on fêtait le 25e anniversaire de fondation :

Le désir de venir Nous offrir votre pieux hommage et d'entendre de Nos lèvres une parole d'encouragement Nous démontre, chers fils, la haute conception que vous avez, à juste titre, de votre service. Ceux qui n'y participent pas avec vous ou n'en connaissent pas par expérience les avantages sont exposés à ne remarquer en lui que la sécheresse des chiffres alignés. Et cependant Notre Prédécesseur de sainte mémoire. Pie XI, ne se plaisait-il donc pas à parler, avec un accent d'affection, de la « poésie des chiffres » ?

Restreinte à un seul objet, à un seul élément, à une série d'additions et de moyennes isolées, la Statistique, il est vrai, peut donner une impression d'aridité. Mais depuis la fondation, en 186a, de la Direction générale de la Statistique jusqu'au système actuel de votre Institut Central de Statistique, quels progrès ! Son objet a pris une ampleur toujours croissante et tend à augmenter pour ainsi dire, indéfiniment ; ses éléments se sont développés au point de s'entrelacer en une complexité incompréhensible pour les profanes. Mais en même temps, les objets et les éléments rapprochés et combinés par un puissant travail de synthèse, se réunissent en une unité si complète qu'elle fait penser à l'unité d'un corps vivant.

I D'après le texte italien de l'Osseruafore Romano du 18 mai 1951.

Pour connaître à fond le tempérament, la vigueur, la santé d'un sujet, le médecin, à l'aide d'instruments divers, mesure le poids, la température, la tension artérielle, le pouls, la rapidité des réflexes ; et il ne se contente pas de la mesure vérifiée au moment d'un examen passager, mais il en étudie les variations, il en enregistre les courbes, et, avec le graphique sous les yeux, informé comme s'il avait devant lui l'organisme palpitant, il note avec sûreté les ressources et les déficiences et en déduit le traitement en connaissance de cause.

C'est là ce que fait la Statistique appliquée à l'état et à l'évolution matérielle, économique, sociale, morale, voire religieuse, d'une nation. Qui ne voit l'utilité de ses données pour le sociologue, pour le législateur, mais aussi pour le moraliste et l'éducateur ? Evidemment un tel travail suppose une vaste coopération rigoureusement coordonnée. On note aujourd'hui un vif intérêt pour ces machines extrêmement compliquées qu'on a l'habitude d'appeler des « cerveaux mécaniques ».

Toutefois, il faut aussi qu'ils obéissent à la mise en mouvement intelligente d'un cerveau humain, dont ils ne facilitent et accélèrent les opérations qu'en exécutant docilement, aveuglément les ordres. Or, votre service, dans sa variété illimitée et dans son unité parfaite, est précisément cet organisme intelligent qui ne demande aux appareils qu'une aide précieuse mais purement matérielle. De là le si notable concours de ceux qui sont attachés à l'activité de votre Institut ; de là la nécessité d'une cohésion et d'une coordination entre les divers services des plus hauts dirigeants et des employés de tout grade jusqu'aux plus humbles subalternes. Chacun à son poste sert au travail d'ensemble, comme chaque pièce au bon fonctionnement de la machine.

Pénétrés de cette pensée, poursuivez donc votre travail avec conscience, avec intérêt, avec un esprit d'ordre et de discipline ; faites passer cet esprit de votre vie professionnelle à la vie personnelle et familiale, d'une part, et à la vie sociale, d'autre part ; vous serez ainsi de bons artisans du bien commun, tout autant que du vôtre même. C'est ce que Nous demandons pour vous à Dieu, Père de tout bien et principe de tout ordre en même temps que de tout coeur Nous donnons à vous tous, à vos collègues, à vos familles, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


LETTRE

PROCLAMANT S. MARTIN, ÉVÊQUE DE TOURS, PATRON DES FANTASSINS ITALIENS |

I (21 mai 1951) 1

Sa Sainteté le Pape Pie XII proclame saint Martin, Evêque de Tours, Patron auprès de Dieu de tous les fantassins d'Italie.

Pour perpétuer la mémoire du fait, Pie XII écrivit la lettre suivante :

Pour que la vertu militaire soit unie à la piété envers Dieu et au zèle des pauvres, il est certain pour tous que cette union n'est possible que dans l'humanité des nations chrétiennes et la famille de l'Eglise établie et propagée dans le monde.

Il n'est donc pas étonnant que, depuis les temps reculés de l'Eglise, Saint Martin, originaire de Pannonie, qui a habité un certain temps en Italie, mais longtemps en Gaule, soit revêtu d'un très grand honneur par les peuples d'Europe.

En effet, il fut un combattant si courageux que, accusé d'être un soldat lâche et timide, il voulut, sans armes, s'élancer en pleine bataille pour combattre un ennemi très bien fortifié. Mais c'est le même qui, non encore chrétien mais catéchumène, brilla avec éclat de toutes les vertus évangéliques, principalement par sa charité envers Dieu et ses frères.

Ce fait n'est ignoré de personne : il donna, lorsqu'il était encore soldat, prompt et joyeux, son précieux manteau fendu en deux d'un coup de glaive, à un pauvre transi de froid et qui le suppliait au nom du Christ.

Ce demi-manteau, comme il est rapporté, considéré toujours comme une relique et pieusement conservé dans le temple,

1 D'après le texte des A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 181.

devint, pour les Rois de France, comme une enseigne guerrière et l'étendard avant-coureur de la victoire chrétienne.

Ce même Saint Martin, ayant obtenu son congé militaire, et ayant reçu ensuite la grâce du baptême, devint moine, abbé, enfin Evêque de Tours, progressant dans les vertus chrétiennes, ne cessant jamais d'être un soldat intrépide, mais du Christ.

C'est pour cela que, non seulement les populations, mais aussi plusieurs armées se confièrent à lui et, dans des circonstances critiques, ne l'implorèrent pas en vain.

En premier lieu, certes, ce furent les soldats de la Gaule et ensuite les Allobroges2, les Piémontais, leurs voisins, et enfin tous les Italiens.

Puisqu'il en est ainsi, des voeux nous furent présentés par notre Vénérable Frère Charles Albert Ferrero di Cavallerleone, archevêque du titre de Trébisonde, ordinaire militaire pour l'Italie.

Le ministère de l'armée y étant favorable, le conseil militaire de l'armée d'Italie nous demandant que nous daignions avec bienveillance confirmer et enfin déclarer saint Martin de Tours Patron céleste de toute l'infanterie italienne ; Nous donc, afin que ce patronage des fantassins d'Italie proclamé aujourd'hui excite les âmes à la piété, comme il est arrivé déjà des protecteurs célestes attribués à d'autres armées, Nous répondons volontiers à ces prières.

C'est pourquoi, de l'avis de la Sacrée Congrégation des Rites, par la teneur des présentes Lettres, à perpétuité, de science certaine et après Notre mûre délibération, dans la plénitude de l'Autorité apostolique, Nous confirmons, constituons et déclarons saint Martin, Confesseur, Evêque de Tours, Patron principal auprès de Dieu de toute l'infanterie italienne, en y attachant tous les privilèges liturgiques et honneurs qui reviennent aux Patrons célestes principaux des Sociétés.

Et ceci, nonobstant toutes dispositions contraires, Nous proclamons et décidons que les présentes Lettres sont et demeurent toujours fermes, valides et efficaces ; qu'elles ont et gardent leurs effets pleins et entiers. Nous voulons qu'on en juge et décide ainsi. Dès maintenant, toute atteinte portée à ces Lettres sciemment ou par ignorance, par qui que ce soit, de quelque autorité qu'il puisse se prévaloir, est nulle et déclarée vaine.

2 Habitant le Dauphiné et la Savoie actuels.


ALLOCUTION A L'OCCASION DE LA BÉATIFICATION DU R. P. JULIEN MAUNOIR S. J.

(22 mai 1951) 1

Julien Maunoir est né le 1er octobre 1606 et fit ses études secondaires au collège de Rennes. Entré dans la Compagnie de Jésus, il devint missionnaire et il exerça son ministère en Bretagne où après 42 ans d'apostolat il put constater que cette région revenait à la foi. Il a composé de nombreux ouvrages en langue bretonne. Il mourut le 28 janvier 1683. Le 20 mai avait lieu en la basilique vaticane sa béatification 2. Quelques jours après recevant un groupe de pèlerins français — principalement des Bretons — le Pape disait :

C'est une belle leçon d'optimisme, mais d'optimisme sain, clairvoyant, actif et surnaturel, que donnent, chers fils et chères filles, la vie, l'histoire et la glorification de Julien Maunoir. En présence des incontestables misères de tout ordre qui affligent aujourd'hui le monde, des difficultés de toutes sortes qui paralysent sa restauration, de l'insuffisance des ressources en remèdes et en hommes capables de les appliquer avec fruit, on voit et l'on entend trop d'expressions d'un pessimisme stérile et stérilisant. Pessimisme bien divers en ses manifestations. Tandis que d'aucuns découragés, renoncent ou sont tentés de renoncer à l'effort, tout au moins de le relâcher, semblables un peu à ce pauvre Elie qui s'asseyait tristement à l'ombre d'un arbuste en attendant la mort3, d'autres en prennent allègrement leur parti

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 437. ;'%

2 Cf. Décret sur l'héroïcité des vertus du Père Maunoir, 6 mars 1949, A. A. S., XXXXI, 1949, p. 474 ; Décret sur les miracles, 11 février 1951, A. A. S., XXXXIII, 1951, p. *7** ' Décret de béatification, 4 mars 1951, A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 225.

3 III. Reg., 19, 4.

et, estimant qu'il n'y a plus rien à faire, ne font plus rien, à supposer qu'ils aient jamais fait quelque chose.

La situation, au temps et au pays où vivait et peinait le nouveau Bienheureux, était-elle plus encourageante ? L'ignorance religieuse n'était guère moins profonde ; elle était seulement moins habilement voilée sous le fallacieux décor d'une science profane, superficielle et vaine. L'intempérance régnait avec toute la séquelle des autres vices, qui naissent d'elle ou l'accompagnent. Conséquences de guerres religieuses, relents d'hérésies étaient encore aggravés par la carence du clergé, faute de vocations ou faute d'esprit sacerdotal. Par surcroît, l'effervescence populaire, les agitations sociales surexcitées par la levée des impôts, rendaient encore plus malaisé le ministère spirituel et l'apostolat. Le tableau, qui pourrait être plus complet, inviterait au parallèle avec le temps présent, et la comparaison ne serait peut-être pas au désavantage de celui-ci.

Par suite de quelle transformation, la Bretagne a-t-elle réussi à mériter, depuis, d'être montrée au monde en exemple de vie ardente, morale, profondément chrétienne ? Elle-même en attribue l'honneur, après Dieu, la Vierge et ses saints Patrons, à ses missionnaires, au premier rang desquels elle vénère le bienheuretix Julien Maunoir.

Qu'a-t-il donc fait et quel fut son secret ? Il fut tout simplement apôtre, mais il le fut dans toute l'extension et toute la force du terme : apôtre du Christ, formé à son école, docile à ses principes et à ses leçons, pénétré de son pur esprit. Beaucoup de catholiques fervents ont à coeur d'être aussi de ces apôtres-là ; quelques-uns sans en connaître les caractères et les conditions ; bien d'autres, et Nous Nous en réjouissons, avec une notion et un programme précis. Action intense, adaptation aux dispositions et aux méthodes du temps, il Nous semble bien que ce furent là, entre autres, les traits de la physionomie et de l'activité du bienheureux Julien Maunoir, vrai congréganiste de la Très Sainte Vierge, comme le furent, au même temps, saint Jean Eudes et, après lui saint Louis Grignion de Montfort ; peut-être les entendait-il à sa manière, comme d'autres les entendent à la leur ; et peut-être aussi, pour ne pas dire certainement, sa manière de les entendre en a assuré le succès.

En fait d'action intense, Maunoir peut soutenir aisément et victorieusement la comparaison avec qui que ce soit : labeurs, fatigues, incommodités, souffrances, sans jamais se reposer ni


PieXII 1951 - DISCOURS A L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE