PieXII 1951 - ALLOCUTION A L'OCCASION DE LA BÉATIFICATION DU R. P. JULIEN MAUNOIR S. J.


'J.

* Virg., Enêïde, 6, 727. B I. Cor., 9, 22. « Matth., 13, 52.

s'épargner dans la succession ininterrompue des missions, et quelles missions ! sur le continent et dans les îles, prédications processions, catéchismes, confessions ; visite des malades et le reste. A lire sa vie, on se demande comment un seul homme a pu suffire à tant de travaux, comment sa nature a pu tenir tête à un tel surmenage. Comment ? Par l'effet de l'adage entendu au sens chrétien : Mens agitat molem4. Homme d'action plus que personne, il mettait au-dessus de l'action l'étude, au-dessus de l'étude la prière. Si puissant était son attrait pour elle que son maître Michel Le Nobletz croyait devoir le mettre en garde contre un excès, qui pût compromettre l'expansion de sa vie apostolique.

L'histoire montre que, de sa part, ce préjudice n'était pas à redouter. Elle montre en même temps de quelle source, exubérante et pure, jaillissait sa prodigieuse activité extérieure. Il avait, dit-il lui-même, reçu de Dieu un don d'oraison qui le tenait en continuelle union avec lui.

Avec raison, avec aussi, parfois, quelque illusion ingénue de découverte et d'innovation, on prône l'adaptation du zèle : il faut être de son temps, il faut être de son milieu. 5aint Paul le disait déjà ou, mieux il en donnait l'exemple : omnibus omnia factus sum, ut omnes facerem salvos 5. Ainsi faisait également le bienheureux Julien Maunoir, et il faudrait bien chercher pour lui trouver en cela un émule qui le surpasse. C'est pour se mettre à la portée de tous qu'il apprend leur langue difficile, qu'il enseigne à l'aide de grands tableaux figurés la doctrine et la morale, qu'il les met en refrains et en couplets si bien imprimés dans la mémoire qu'on les chante encore aujourd'hui ; il sait mettre en oeuvre maintes industries qui touchent la foule plus profondément encore que vivement. S'il voyage surtout à pied et par les grands chemins, c'est dans l'espoir de rencontrer au passage et de recueillir les agneaux dispersés, les brebis errantes. Pareil au bon père de famille, il tire de son trésor nova et vetera 6 le vieux et le neuf, ce qui convient pour le moment.

Fiers bretons, acclamez votre bienheureux, soyez fidèles a ses leçons, comme l'ont été vos pères, demandez-lui avec confiance la persévérance et le progrès dans votre foi et dans votre

vie chrétienne. Prêtres et apôtres de la Bretagne et de partout, inspirez-vous à ses exemples ; son école est sûre et de bon rendement ; son intercession, de là-haut, continuera par vous, son oeuvre d'ici-bas.

Vous tous enfin que la flamme du zèle dévore, qui, d'un coeur sincère et ardent, vous dévouez au salut et à la rénovation de votre temps et de votre pays, imitez le bienheureux Julien Maunoir infatigable dans l'action, mais action qui déborde de la surabondance de sa vie intérieure surnaturelle ; imitez-le, hardi dans l'adaptation aux circonstances présentes et fermement attaché à ce qui, dans les traditions, est toujours actuel, parce que immuable et éternel.

Et Nous, chers fils et chères filles, qui invoquons sur vous les grâces sanctificatrices de Dieu, les faveurs les plus exquises de la Vierge Immaculée, l'appui de Sainte Anne, de vos célestes Patrons, du bienheureux Julien Maunoir, Nous vous donnons, avec toute Notre affection paternelle, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX FRÈRES MINEURS

(23 mai 1951) 1

Les Frères Mineurs s'étant réunis à Assise pour élire un nouveau Ministre Générala, vinrent à Rome pour écouter le Saint-Père leur dire :

« Après avoir tenu à Assise le chapitre général de la famille franciscaine et élu votre ministre général, vous êtes venus ici, comme des fils très aimants, Nous saluer. Votre hommage Nous est une source de joie. Aussi rendons-nous grâce à Dieu, Nous qui portons le lourd fardeau de la charge apostolique, de ce qu'il Nous donne la joie de votre présence, et le plaisir d'adresser la parole à l'élite des vaillants soldats de la milice pacifique du Christ.

Avant tout, Nous félicitons Notre cher fils Augustin Sepinski, que l'accord des suffrages a choisi pour diriger toute votre famille ; et pour lui, tout en rendant publiquement hommage du bon travail accompli par son prédécesseur, Nous demandons au Saint-Esprit des grâces abondantes de lumière et de force, pour qu'il se donne avec sagesse et intelligence aux responsabilités de sa lourde charge. En ce moment, vous Nous demandez des exhortations et des voeux qui vous stimulent et vous entraînent avec enthousiasme dans le chemin de la vertu. Quel sujet traiter ? Où prendre l'exorde de Notre discours ? Vous venez de la ville d'Assise, rapportant une image et un culte plus vifs de votre Fondateur. Ce qui doit vous aider, vous l'avez avec vous.

Le Pape invite les Frères Mineurs à imiter leur saint Fondateur :

Le Patriarche d'Assise., amant passionné de l'Evangile, héraut du grand Roi, image du Christ resplendissante d'un admirable

1 D'après le texte latin de VOsservatore Romano du 24 mai 1951.

2 Le nouveau Ministre Général est le Père Augustin Sepinski de la province française.

éclat, a atteint une telle sainteté, qu'il a souvent attiré l'amour de ceux mêmes qui étaient étrangers à l'Eglise. Sur ce point, sans aucun doute, vous devez, vous ses disciples, et ses fils, surpasser tous les autres. Qu'il n'arrive jamais — que ce soit même exclu pour vous — que votre amour pour lui se manifeste en paroles, mais beaucoup moins dans vos vies. Si vous l'aimez véritablement, suivez ses préceptes, marchez sur ses traces, laissez-vous porter par le souffle de son esprit sublime.

C'est principalement par la Charité que les Frères Mineurs doivent se distinguer :

Or, la vertu la plus élevée qui brilla particulièrement en lui, fut la charité, la charité séraphique : saisi par elle, il ne fit plus qu'effleurer la terre d'un pied léger et aspira tout entier vers les réalités célestes. Sous l'exigence de cette éminente charité, il embrassa si bien la pauvreté évangélique, remède à tous les vices, qu'il remporta la palme dans un si grand combat. Accompagnant son évangélique pauvreté, on vit fleurir magnifiquement dans sa vie le goût de la pénitence, la volonté de se consacrer entièrement à Dieu et à l'Eglise, l'innocence de la vie, le souci vigilant d'aider et de former religieusement le prochain surtout les pauvres et les plus malheureux. Tournez vos regards vers cet astre resplendissant, imitez la vertu caractéristique de votre père. Développez toujours davantage l'amour pour Dieu et pour le prochain ! Est-il possible que la même bouche qui loue Dieu vienne à blesser, fût-ce légèrement, la charité fraternelle ? La charité excuse plutôt qu'elle n'accuse ; et si elle doit reprendre, elle le fera — chez celui où elle est vraie et sincère — pour arracher les racines amères de la dissension, pour nourrir la concorde et pour incliner sous le joug de l'obéissance une tête trop fière.

Le Pape suggère que les trois branches de l'Ordre franciscain — 'es Frères Mineurs, les Capucins, les Conventuels — se concertent pour discuter certains problèmes 3.

Sur ce point, Nous voulons soumettre une proposition à votre examen et à votre décision. L'institut franciscain, comme

•J L'Ordre franciscain compte 25.000 religieux Frères Mineurs ; les Conventuels, 3.50c et Capucins, 13.000.

un arbre fécond, a produit plusieurs rameaux, pour diverses raisons que rapporte l'histoire. Nous laissons au jugement de la même histoire les différences et les désaccords qui se manifestèrent entre eux au cours des temps. Mais ne serait-il pas bienfaisant et souhaitable que les familles franciscaines, tout en demeurant chacune sui juris, s'unissent par un lien amical, afin de résoudre les problèmes communs les plus importants en mettant en commun leurs avis ?

Pie XII insiste sur la nécessité de pratiquer la pauvreté :

Quant à la pauvreté, elle est si nécessaire, si conforme à la loi de l'Evangile, que tout chrétien, s'il n'a pas pour elle au moins dans le coeur un sentiment de respect et s'il ne détourne pas ses désirs des biens terrestres, doit craindre pour son salut éternel.

C'est pourquoi il faut qu'il y ait dans l'Eglise des hommes qui pratiquent plus particulièrement cette vertu pour instruire et entraîner les autres. Vous êtes ces hommes, si vous ne déviez pas de votre première règle. Aussi qu'une noble pauvreté brille dans vos maisons et vos entreprises ; et en maniant les biens terrestres avec une certaine réserve, n'en jouissez pas, mais usez-en avec tempérance, suivant le conseil : « On vit bien avec peu de choses » 4.

Mais il faut être riche de grâce et de vertus :

Pauvres dans vos vêtements et votre nourriture, efforcez-vous d'être très riches de ces vrais trésors que la grâce de Dieu, les vertus, la doctrine produisent chez ceux qui sont dociles et répandez largement chez les autres ces richesses.

Habituez-vous à l'immolation spirituelle, qui, pour vaincre ce qui est illicite et mauvais, contient et refuse même ce qui est permis ; brillez par la modestie du maintien et du langage, de même que par le souci d'une parfaite chasteté ; par vos paroles et vos exemples, enseignez à tous ceux qui vous approchent, ce qui est bon, pur, honorable et saint.

Les Franciscains doivent être enflammés de zèle apostolique :

Vous savez, très chers fils, que parmi tant de maux qui affligent notre temps, on considère comme le plus dangereux

* Hor., Od. I, 2, 16, 13.

celui qui atteint les plus humbles ; et ceux-ci exposés aux dangers de la mauvaise doctrine, ont quitté en grand nombre le bercail du Christ. Poussés par votre amour fraternel, occupez-vous surtout de ceux-là ; secourez-les de toute façon, annoncez-leur avec zèle la parole de Dieu, cette parole de salut et d'espérance que nourrit la méditation des Saintes Ecritures, qu'enflamment les prières, que corrobore l'austérité de la vie. Ce faisant, vous allez au devant de ce siècle bouleversé, et vous vous souciez d'en faire naître un nouveau meilleur.

C'est animé par cet espoir que Nous vous bénissons dans l'effusion de Notre coeur paternel, vous tous ici présents, et tous vos confrères — ceux surtout qui dans certaines régions souffrent pour le Christ, soldats inébranlables et pleins de courage, dignes d'une louange immortelle — vos novices, vos entreprises et vos travaux. Que l'Auguste et Sainte Trinité, par l'intercession de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et de S. François, donne à votre famille religieuse la paix, la joie, le salut et un rayonnement toujours plus grand de vos vertus.

LETTRE NOMMANT LE CARDINAL MICARA LEGAT AU XVe CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE NIMES

(24 mai 1951) 1

En septembre, se tenait à Nîmes le XVe Congrès eucharistique national de France. Le Pape y envoya, pour le remplacer comme Légat, Son Eminence le Cardinal Micara qui était porteur de la Lettre suivante :

Nous avons appris avec plaisir que le XVe Congrès Eucharistique national de France se tiendrait au mois de septembre prochain, à Nîmes, dans cette antique cité du Midi de la France, célèbre par ses insignes monuments d'art romain.

Les assemblées et cérémonies solennelles par lesquelles on s'apprête, d'un zèle ardent, à y fêter le Très Saint Sacrement, n'auront pas pour seul effet de réveiller et d'accroître grandement la dévotion du peuple chrétien ; la société civile, elle-même, agitée par tant d'oppositions et de discordes des nations et des partis, en proie à de si graves angoisses pour le présent et pour l'avenir, s'y verra fortement attirée à se soumettre au très doux empire du roi pacifique, dans le redressement des moeurs privées et publiques et la poursuite de la concorde des esprits et des coeurs.

D'une importance capitale est le thème proposé à l'étude du prochain Congrès, la formation morale des enfants et des adolescents par le secours et l'influence de l'Eucharistie. Y a-t-il, en effet, pour les éducateurs de la jeunesse, un moyen plus apte et plus puissant pour former chrétiennement les jeunes âmes, que de les conduire au Maître de la perfection, qui se

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 728, traduction française de La Documentation Catholique, t. XLVIII, c. 1207.

cache, s'immole et se donne sous les voiles eucharistiques ?

C'est en s'habituant à s'approcher souvent et sérieusement du Saint des Saints, de l'autel de Dieu, de Dieu lui-même, qu'enfants, si faibles, et jeunes gens dans la fleur de l'âge, soutenus par une force divine, deviendront capables de dominer l'assaut des passions et aussi de pratiquer de difficiles vertus. On ne saurait, certes, rien concevoir de plus précieux et plus salutaire que ce céleste banquet.

Et comme Nous avons très à coeur de favoriser' de tout Notre zèle, tant le culte de la très sainte Eucharistie, que la bonne formation des adolescents, Nous désirons rehausser, par la présence de Notre Légat, l'éclat et la magnificence du Congrès de Nîmes.

Nous vous choisissons donc, Vénérable Frère, vous, qui, revêtu de l'éclat de la pourpre romaine, avez été récemment élevé par Nous à la haute dignité de Notre vicaire général pour la ville de Rome, et comme Nous l'avons déjà annoncé, Nous vous constituons par les présentes, Notre légat a latere, afin qu'en Notre nom, vous présidiez les cérémonies sacrées qui se dérouleront à Nîmes, en septembre prochain.

Vous direz, de Notre part, à Nos chers fils de France qui se réuniront en cette ville, qu'ils ne peuvent rien faire qui Nous soit plus agréable que de rendre au Christ Jésus l'amour qu'il leur témoigna par l'institution de l'Eucharistie, en « les aimant jusqu'à la fin ».

Qu'ils se fassent, parmi leurs compatriotes, les apôtres infatigables de ce culte eucharistique, et que cette ardeur de charité, se traduisant en de multiples bonnes oeuvres, ait pour effet, l'accroissement de l'Eglise et la prospérité de la patrie française.

En gage de ces dons célestes et en gage de Notre particulière dilection, Nous vous accordons de tout coeur dans le Seigneur, à vous, Vénérable Frère, au vaillant évêque de Nîmes, aux autres évêques et à tous les fidèles, qui assisteront au Congrès Eucharistique, la Bénédiction apostolique.

LETTRE POUR LE 40e ANNIVERSAIRE DE L'INSTITUT PONTIFICAL DE LA MUSIQUE SACRÉE

(27 mai 1951) 1 É

Les grands centres européens d'enseignement du chant liturgique sont, à l'heure actuelle, l'abbaye de Solesmes, l'Institut grégorien de Paris et l'Institut Pontifical de Musique Sacrée de Rome.

Le Saint-Père a envoyé récemment une lettre apostolique à Monseigneur Angles Pamies, président de ce dernier institut à l'occasion du 40e anniversaire de sa fondation.

En voici le texte : :<lï

Les huit lustres heureusement écoulés depuis la fondation de l'Institut Pontifical de Musique Sacrée, ainsi que l'approche du jour tant attendu où le Pape Pie X, le très généreux fondateur de cet Institut, va être inscrit au catalogue des Bienheureux, Nous sont une double occasion, que Nous ne voulons pas laisser passer, de vous exprimer Nos félicitations et Nos voeux, à vous-même et à vos collaborateurs, qui enseignez dans cette grande Ecole.

Nous tenons vivement à souligner l'importance de l'oeuvre à laquelle vous vous dévouez avec tant d'intelligence, puiscju' elle vise le bien de l'Eglise, favorise la piété et l'esprit de religion, et met en valeur pour les accroître, les beautés de la sainte Liturgie. C'est pourquoi des documents, tels que ceux du concile de Trente, dont on connaît la prévoyance remarquable, et ceux, non moins pleins de sagesse, de Nos prédécesseurs d'heureuse mémoire Pie X et Pie XI, demandent avec insistance que le clergé séculier et le clergé régulier s'adonnent à l'étude de la

1 D'après le texte de VOsservatore Romano du 8 juin 1951.


MUSIQUE SACRÉE

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musique sacrée, ne négligeant rien de ce qui peut efficacement procurer la gloire de Dieu et orienter les âmes des fidèles vers les biens célestes.

Nous reconnaissons avec joie et agréons les heureux résultats jusqu'ici obtenus par cet Institut ; Nous faisons de plus des voeux pour que s'épanouisse toujours de plus en plus une telle floraison et spécialement pour qu'augmente le nombre des élèves, grâce à la sollicitude et au zèle attentif de ceux qui seront en mesure par leur situation d'y envoyer des recrues.

Après avoir prié pour la réalisation de ces voeux, Nous appelons sur vous et sur les maîtres et élèves de l'Institut les joies pures qui sont un encouragement à la vertu, et Nous accordons en gage du secours céleste, la Bénédiction apostolique.

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ALLOCUTION A L'INSTITUT MARC-ANTOINE COLON N A

(27 mai 1951) 1

i A l'occasion du cinquantième anniversaire de la fondation de l'Institut Marc-Antoine Colonna de Rome, dirigé par tes Christian Brothers d'Irlande 2 le Pape reçut un groupe de religieux, de professeurs, d'élèves et d'anciens élèves et leur dit :

Soyez les bienvenus, vous tous qui représentez ici la grande famille des « Christian Brothers » : religieux, enseignants, élèves et anciens élèves de l'Institut Marc-Antoine Colonna, et vous aussi, chers fils et filles, qui, en ce cinquantième anniversaire, vous êtes unis à eux pour offrir l'hommage de votre dévotion au Vicaire du Christ, et surtout, pour élever vers le ciel une ardente prière et un hymne de louange et de remerciement au Seigneur. Nous avons la confiance intime que de nouveaux développements, après les magnifiques progrès réalisés au cours des cinquante années écoulées, viendront encore étendre et renforcer l'action si bienfaisante de votre Institut. Déjà, grâce à l'heureux prolongement des cours scolaires, il achemine et conduit jusqu'au seuil de l'Université une nombreuse jeunesse, riche d'une solide formation intellectuelle, morale et religieuse, et, par cela même préparée pendant la période la plus délicate de son éducation, à exercer ensuite, dans les diverses professions, un rôle hautement honorifique et utile, jusqu'aux plus hauts grades, au service de l'Eglise, de la société

1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 28 et 29 mai 1951.

2 Les Christian Brothers ont été fondés en 1802 et ont pour but de promouvoir l'éducation chrétienne des jeunes. Cet Institut compte 2.200 religieux et la maison-mère est a St. Mary à Dublin.


INSTITUT M ARC-ANTOINE COLONNA

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et de la patrie. Oui, Dieu a visiblement protégé votre oeuvre ; que d'humbles actions de grâces Lui en soient rendues !

Mais comment pourriez-vous ne pas adresser, d'autre part, une pensée reconnaissante à votre vénéré fondateur, Edmond Ignace Rice, dont « l'intelligence pénétrante, la prudence consommée, la rectitude inflexible, l'infatigable énergie, la tenace persévérance » créèrent en Irlande une oeuvre incomparable d'éducation catholique ? En Irlande ; mais de l'Irlande sor. institution, traversant les mers et les océans, s'est ouvert la route en Angleterre et en Amérique du Nord, dans l'Afrique du Sud et aux Indes, en Australie et en Nouvelle-Zélande et à Gibraltar, et finalement est venue recueillir ici-même à Rome les fruits de son travail assidu.

Des fruits abondants également pour l'Eglise, comme l'atteste la longue série de prêtres que votre Institut lui a donnés et continue encore à lui donner. Pour ne parler que du présent, ne pouvez-vous donc point présenter avec un pieux orgueil la splendide couronne d'au moins 150 candidats au sacerdoce, qui, sortis de vos écoles, ont accouru de toutes les parties du monde au centre de la Chrétienté, où dans les divers collèges ecclésiastiques de l'Urbs, ils se préparent à suivre dignement leur vocation. Et cependant, ils ne sont qu'une fraction du grand nombre de vos élèves, qui, d'année en année, viennent renforcer et augmenter la sainte phalange du clergé catholique.

C'est un fait incontestable que la iréquence des vocations sacerdotales est, non pas l'unique, mais une des plus sûres règles pour mesurer la valeur d'une école catholique et de toute autre institution d'éducation, sa fécondité, non seulement dans le ministère ecclésiastique, mais également dans tout le champ d'action c'ss laïcs.

Pour Notre part, chers fils, Nous sommes heureux de vous remercier cordialement, vous et vos excellents collaborateurs séculiers, pour l'oeuvre diligente accomplie en ces cinquante années. Continuez donc à progresser toujours selon l'esprit de votre fondateur. L'action de la meilleure école, de la meilleure famille serait stérile et inefficace, si celles-ci laissaient résonner dans le désert, sans écho, sans en faire cas, le grave avertissement signalé à leur conscience par le fait que de fortes et dangereuses influences atteignent souvent le jeune et s'emparent de lui, de son caractère et de sa foi sur le chemin qui sépare la demeure paternelle de l'école, là où le peuple accourt en foule, spécialement à toutes sortes de spectacles cinématographiques.

Il est une observation qui s'impose toujours. Dans divers pays des personnes compétentes dans les questions de l'éducation et de l'école catholique ont organisé des enquêtes avec des demandes très précises et détaillées, selon la méthode de la psychologie moderne, sur la vie religieuse des élèves, principalement à l'âge de l'adolescence. Si l'on doit s'en remettre à leur témoignage, ils sont arrivés à cette conclusion surprenante : le danger que le cinéma fait courir à la foi des élèves est d'une menace moins grave que celui qui peut résulter des défauts éventuels du prêtre, et, ensuite, de ceux des maîtres et des éducateurs en général. En termes positifs : l'influence du prêtre et de l'éducateur, à la maison paternelle, à l'église et à l'école, demeure toujours le premier et le plus solide élément pour faire d'un jeune un vrai chrétien. Quel puissant rappel au sentiment de la responsabilité ! mais aussi, pour vous, quel vigoureux stimulant !

Christian Brothers ! Notre grand Prédécesseur Léon XIII, voici un demi-siècle, vous appela à Rome. A Notre tour, Nous vous confirmons et renouvelons, avec joie, pour une longue succession d'années, la mission qui vous a été confiée. Afin de vous aider à l'accomplir pour la plus grande gloire de Dieu, pour le plus grand bien de la famille et de la société, de l'Eglise et de la patrie, Nous vous donnons, de tout coeur, en gage des plus larges grâces célestes, à vous, à vos collaborateurs, à vos élèves et anciens élèves, à tous Nos chers fils et filles ici présents, la Bénédiction apostolique.

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NOTIFICATION DE LA S. CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE

(30 mai 1951) 1

Par un décret du 17 janvier 1951 la Suprême Congrégation du Saint-Office a réduit à l'état laïc le prêtre Michel COLLIN de la Congrégation des Prêtres du Sacré-Coeur, déjà démis et circulant à travers plusieurs diocèses et qui, souvent et sous de multiples formes, a violé les prescriptions des saints Canons.

De même la Suprême S. Congrégation a dissous et a interdit de reconstituer l'association dont le titre est « Institut des Apôtres de l'Amour Infini », que le prêtre cité avait prétendu fonder sans l'approbation de l'Autorité ecclésiastique compétente.


RADIOMESSAGE LORS DE L'INAUGURATION DE L'ÉGLISE SAINT-EUGÈNE A LISBONNE

(2 juin 1051) 1

A l'occasion de son jubilé épiscopal, les catholiques du monde offrirent au Pape l'argent nécessaire à l'édification d'une nouvelle paroisse dédiée à Saint-Eugène, le patron du Souverain Pontife (Eugène Pacelli). Le 2 juin 1951, Pie XII procédait à la consécration de l'autel majeur de la nouvelle basilique romaine. Le même jour, dans un quartier populaire de Lisbonne, on inaugurait également une paroisse érigée sous le titre de Saint-Eugène. Ce jour, le radiomessage suivant fut transmis :

Sitôt fini le rite solennel, on peut dire : Voilà la Maison de Dieu parmi les hommes, où dorénavant le Seigneur habitera avec eux ! Ils seront son peuple et sa famille, et Lui, présent au milieu d'eux, il sera leur Dieu !

Une nouvelle église au milieu d'une grande ville : chose grande, magnifique, admirable ! qui pourrait l'estimer exactement ? Il suffit de remarquer que le Rédempteur Divin se sentait dévoré de zèle, de respect et d'amour envers l'ancien temple, rien que parce qu'il était la Maison de son Père, et qu'aujourd'hui Lui-même, le Dieu incarné, daigne habiter vraiment, réellement et substantiellement présent dans nos temples.

Une nouvelle église veut dire une nouvelle Maison de Prière, où Disu réside, toujours prêt à accueillir tous ceux qui le cherchent, à écouter leurs confidences, à exaucer leurs demandes, à les combler de ses faveurs ; c'est là que les enfants de Dieu le visitent avec confiance, lui parlent familièrement, sûrs comme ils sont d'être favorablement exaucés.

Une nouvelle église veut dire un Bethléem ou un Nazareth en plus où le Sauveur descend et habite chaque jour nouveau ;

1 D'après ic texte portugais da VOsservatore Romano du 3 juin 1951.

où les enfants de Dieu renaissent et sont élevés et où tous, grands et petits, riches et pauvres, sains et malades, se sentent les membres non seulement de la même famille mystique mais apprennent à reconnaître, aimer et secourir le Christ lui-même en chacun de leur prochain.

Elle veut dire un nouveau Sinaï ou un nouveau Mont des Béatitudes où le Législateur et Maître divin, tournant les yeux et le coeur vers les siens, leur apprend des paroles de vie éternelle qui les font bienheureux dès cette vie et leur montrent la voie qui les conduit sûrement à l'infinie béatitude du Royaume des Cieux.

Un Cénacle ou un Calvaire en plus, autel sacré, céleste propitiatoire baigné chaque jour du sang de la Victime divine, dont la voix, bien plus agréable que celle du sang d'Abel, monte aux cieux pour rendre propice la Majesté de l'Eternel.

Une nouvelle Maison de Dieu et Porte du ciel : comme si le ciel s'y abaissait et touchait la terre pour lui offrir toutes ses richesses et que la terre y montait jusqu'à toucher le ciel, pour mieux montrer sa pauvreté à elle et en recevoir le remède.

Une nouvelle église : grand et juste motif de joie pour ceux qui logeant à l'entour, y trouvent finalement leur église, leur maison de prière, leur autel propitiatoire, leur porte du ciel ! promesse sûre de bénédictions et de grâces temporelles, spirituelles et éternelles !

Rien que pour cela, il était juste que Nous, comme Père Commun des fidèles, qui, dans le Coeur de Celui dont Nous sommes le Vicaire, accueillons et aimons tous ceux qui sont nos enfants dans le Christ, il était juste que Nous Nous réjouissions en apprenant que vos plus ardents désirs allaient finalement être satisfaits et que vos efforts de plusieurs années allaient être couronnés, et qu'on allait dédier solennellement aujourd'hui votre église.

Mais vous, dans votre piété, et dans votre amour filial envers le Saint-Père, si profond et sincère — n'est-il pas hérité de vos aïeux — vous avez l'idée délicate de faire de votre église un monument qui vous rappelle toujours le Vicaire du Christ, en vous efforçant qu'il fût la copie de celle qui dans la ville éternelle rappelle notre jubilé épiscopal, en la dédiant à Notre même Prédécesseur et Protecteur, S. Eugène, en choisissant comme motifs de décoration les faits qui attachent plus spécialement Notre Pontificat à votre Patrie très fidèle, et en faisant coïncider sa dédicace avec l'heure où Nous consacrons à Rome l'autel de la nouvelle église, et y célébrons pour la première fois le Sacrifice non sanglant.

Cette piété filiale et très délicate touche profondément Notre coeur paternel, en le remplissant d'une nouvelle joie, et Nous pousse à demander d'abondantes et très spéciales bénédictions du ciel sur vous tous qui Nous écoutez, sur tous ceux qui ont aidé à la construction de la nouvelle église, sur tous ceux qui logeant à son ombre dans le « quartier économique » de l'Incarnation forment la paroisse, et finalement sur tous ceux qui entrent pour prier Dieu avec dévotion.

Que le Tout-Puissant qui, invisiblement présent, contient l'univers mais qui avec des signes visibles manifeste sa puissance pour le salut du genre humain, rende illustre et glorieux ce temple, en faisant sentir les bienfaits de sa munificence divine à tous ceux qui y viendront implorer2 : de façon à devenir des temples vivants du Saint-Esprit et des pierres précieuses pour le temple de la Jérusalem céleste.

Avec ces voeux et en demandant la protection de Notre-Dame de Fatima, de S. Eugène, du grand missionnaire et martyr S. Jean de Brito, Nous vous donnons à vous tous, à vos familles et à toute la Nation très fidèle la Bénédiction apostolique.

f !

V 2 Cf. Oraison de la dédicace d'une église.




DISCOURS

LORS DE LA BÉATIFICATION DU PAPE PIE X

(3 juin 1951) 1

Le 3 juin au matin, eut lieu — selon la coutume — la proclamation du nouveau Bienheureux : Pie X, dans la Basilique de Saint-Pierre Mais prévoyant qu'une immense foule serait présente, l'après-midi, pour vénérer les reliques du Bienheureux Pape, le Saint-Père décida que cette cérémonie aurait lieu sur la Place Saint-Pierre. C'est devant une foule de plus de 200.000 personnes que Pie XII prononça le discours suivant :

Une joie céleste inonde Notre coeur ; un hymne de louange et de gratitude jaillit de Nos lèvres envers le Seigneur Tout-Puissant qui Nous a donné d'élever aux honneurs des autels le Bienheureux Pie X, Notre Prédécesseur. Il exprime aussi la joie et la reconnaissance de toute l'Eglise, que vous représentez visiblement, chers fils et filles, assemblés ici sous Nos yeux comme une mer vivante ou qui dispersés sur la surface de la terre, Nous écoutez dans l'exultation de ce jour béni.

De tous côtés, dans l'Eglise on demandait cette béatification :

Un désir commun s'est réalisé. Dès le moment de son pieux trépas, en même temps que se multipliaient toujours davantage les pèlerinages à sa tombe, des supplications affluaient de toutes les nations pour implorer la glorification de l'immortel

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 468.

2 Joseph Sarto est né le 2 juin 1835 à Riese ; il fut baptisé le lendemain 3 juin ' ordonné prêtre en 1858, il fut successivement vicaire à Tombolo, curé à Salzano (i866-l875)' directeur spirituel au séminaire de Trévise (1875-1884), évêque de Mantoue en 1884, crée cardinal le 22 juin 1893, archevêque de Venise en 1893 et élu pape le 4 avril 1003 ; ^ mourut le 20 août 1914-

Pontife. Elles émanaient des membres les plus élevés de la Hiérarchie, des Clergés séculier et régulier, de toutes les classes de la société et spécialement des plus humbles, dont il était lui-même issu comme une fleur très pure. Et voici que ces voeux sont exaucés ; voici que Dieu dans les secrets desseins de sa Providence, a choisi son indigne successeur, pour les satisfaire, et faire resplendir, dans la triste pénombre qui assombrit le chemin encore incertain du monde d'aujourd'hui, l'astre éclatant de sa blanche figure, afin d'éclairer la voie et de raffermir les pas de l'humanité désorientée.

Mais, lors que la joie dont Notre coeur déborde Nous pousse irrésistiblement à chanter en lui les merveilles de Dieu, Notre voix hésite comme si les paroles devaient Nous manquer, insuffisantes qu'elles sont pour exalter dignement, fût-ce dans une rapide esquisse, la vie et les vertus du prêtre, de l'évêque, du Pape, dans la prodigieuse ascension, depuis le petit bourg natal et l'humble naissance, jusqu'au faîte des grandeurs et de la gloire sur terre et dans le ciel.

Pie XII exalte la gloire de son Prédécesseur :

Depuis plus de deux siècles 3, il ne s'était plus levé sur le Pontificat romain un jour de splendeur comparable à celui-ci, ni n'avait plus résonné avec une telle véhémence et un tel accord, la voix proclamant sa louange de tous ceux pour qui la Chaire de Pierre est la roche sur laquelle leur foi est ancrée, le phare qui soutient leur indéfectible espérance, le lien qui les soude dans l'unité et dans la charité divine.

Combien, parmi vous aussi, conservent encore vivant dans leur esprit et dans leur coeur le souvenir du nouveau Bienheureux ! Combien revoient encore par l'esprit, comme Nous-même le revoyons, ce visage respirant une bonté céleste ! Combien le sentent proche, tout proche d'eux, ce Successeur de Pierre, ce Pape du vingtième siècle qui, dans le formidable ouragan soulevé par les négateurs et les ennemis du Christ, sut faire preuve, dès le début, d'une expérience consommée au gouvernail de la barque de Pierre, mais que Dieu appela à Lui, au moment où la tempête se faisait plus violente !

3 Soixante-dix-neuf papes ont été élevés sur les autels, le dernier : Pie V, pape de a 1572, fut béatifié en 1672 et canonisé en 1712.

Quelle douleur, quel abattement, alors, de le voir disparaître, au comble de l'angoisse pour le monde bouleversé.

Mais voici que l'Eglise le voit réapparaître aujourd'hui, non plus comme un nocher luttant péniblement à la barre contre les éléments déchaînés, mais comme un glorieux Protecteur qui, du ciel, l'enveloppe de son regard tutélaire, dans lequel brille l'aurore d'un jour de consolation et de force, de victoire et de paix.

Le Pape rappelle le souvenir de son élection :

Quant à Nous, qui étions alors au début de Notre sacerdoce, déjà au service du Saint-Siège, Nous ne pourrons jamais oublier Notre intense émotion, lorsqu'au milieu du jour de ce 4 août 1903 de la Loge de la Basilique vaticane, la voix du Premier Diacre annonça à la multitude que ce conclave — si remarquable par tant d'aspects — avait porté son choix sur le Patriarche de Venise, Joseph Sarto.

C'est alors que fut prononcé pour la première fois à la face du monde le nom de Pie X. Qu'est-ce que devait signifier ce nom pour la Papauté, pour l'Eglise, pour l'humanité ? En évoquant aujourd'hui, après presque un demi-siècle, la succession des événements graves et complexes qui l'ont rempli, Notre front s'incline et Nos genoux se plient dans l'admiration et l'adoration des conseils divins, dont le mystère se dévoile lentement aux pauvres yeux des humains au fur et à mesure qu'il s'accomplit au cours de l'histoire.

Bref aperçu de sa vie :

Il fut un Pasteur et un bon Pasteur. Il paraissait être né pour cela. A toutes les étapes du chemin, qui petit à petit le conduisait de l'humble foyer natal, pauvre de biens terrestres, mais riche de foi et de vertus chrétiennes, au sommet de la Hiérarchie, l'enfant de Riese demeurait toujours égal à lui-même, toujours simple, affable, accessible à tous, dans sa cure de campagne, dans la stalle capitulaire de Trévise, à l'évêché de Mantoue, au siège patriarcal de Venise, dans la splendeur de la Pourpre romaine, et il continua à être ainsi dans la majesté souveraine, sur la sedia gestatoria et sous le poids de la Tiare, le jour où la Providence formatrice prévoyante des âmes, incita l'esprit et le coeur de ses Pairs à remettre la houlette, tombée des mains affaiblies du grand vieillard Léon XIII, entre les siennes paternellement fermes.

Le monde avait alors précisément besoin de telles mains.

Dès son élévation au Souverain Pontificat, il fit preuve de lucidité et de fermeté :

Mais une fois qu'il eût prononcé son « fiat », cet humble, mort aux choses terrestres et aspirant de tout son être aux célestes, démontra l'indomptable fermeté de son esprit, la vigueur virile, la grandeur du courage qui sont les prérogatives des héros de la sainteté.

Dès sa première Encyclique, ce fut comme si une flamme lumineuse s'était élevée pour éclairer les esprits et allumer les coeurs. Les disciples d'Emmaùs ne sentaient point différemment s'enflammer leurs coeurs tandis que le Maître parlait et leur dévoilait le sens des Ecritures 4.

N'avez-vous peut-être pas éprouvé cette ardeur vous aussi, chers fils, qui avez vécu ces jours et avez entendu de ses lèvres le diagnostic exact des maux et des erreurs de l'époque, et, en même temps, les moyens et les remèdes indiqués pour en guérir ? Quelle clarté de pensée ! Quelle force de persuasion ! C'était bien la science et la sagesse d'un prophète inspiré, l'intrépide franchise d'un Jean-Baptiste et d'un Paul de Tarse ; c'était la tendresse paternelle du Vicaire et Représentant du Christ veillant à toutes les nécessités, soucieux de tous les intérêts, de toutes les misères de ses fils. Sa parole était un tonnerre, était une épée, était un baume ; elle se communiquait intensément à toute l'Eglise et s'étendait bien au-delà avec efficacité ; elle atteignait à une vigueur irrésistible, non seulement par le fond incontestable du contenu, mais encore par sa chaleur intime et pénétrante. On sentait en elle frémir l'âme d'un Pasteur qui vivait en Dieu et de Dieu, sans autre dessein que de conduire à Lui ses agneaux et ses brebis. Aussi, fidèle aux vénérables et séculaires traditions de ses prédécesseurs, s'il conserva substantiellement toutes les solennelles (non point fastueuses) formes extérieures du cérémonial pontifical, en ces moments-là son regard suavement doux, fixé sur un point invisible, montrait que ce n'était pas à lui-même, mais à Dieu qu'allait tout l'honneur.

4 tue, 24, 32.

Pie X possédait à un haut degré les vertus théologales :

Le monde qui l'acclame aujourd'hui dans la gloire des Bienheureux sait qu'il parcourut la voie qui lui avait été désignée par la Providence avec une foi à transporter les montagnes avec une espérance inébranlable, même aux heures les plus inquiétantes et incertaines, avec une charité qui le poussait à se vouer à tous les sacrifices pour le salut des âmes.

Par ces vertus théologales, qui étaient comme la trame fondamentale de toute sa vie, et qu'il pratiqua à un degré de perfection qui dépassait incontestablement toute excellence purement naturelle, son Pontificat resplendit comme aux âges d'or de l'Eglise.

De même il possédait les vertus cardinales :

Puisant à tout instant à la triple source de ces vertus reines, le Bienheureux Pie X enrichit et consuma le cours entier de sa vie dans l'exercice héroïque des vertus cardinales : fermeté inébranlable aux coups du sort, justice d'une impartialité inflexible, tempérance qui se confondait avec le renoncement total à soi-même, prudence avisée, mais prudence de l'esprit qui est « vie et paix » détachée de la « sagesse de la chair, qui est mort et ennemie de Dieu » 5.

Il sut garder dans des circonstances difficiles, en particulier, durant la crise moderniste, un parfait équilibre :

Serait-il vrai, comme certains l'ont affirmé, ou insinué, que dans le caractère du Bienheureux Pontife, la force prévalut souvent sur la prudence ? Telle a pu être l'opinion d'adversaires, dont la plupart étaient aussi ennemis de l'Eglise. Dans la mesure cependant où elle fut partagée par d'autres, admirateurs au demeurant du zèle apostolique de Pie X, cette appréciation se révèle comme contredite par les faits, quand on prête attention à sa sollicitude pastorale pour la liberté de l'Eglise, pour la pureté de la doctrine, pour la défense du troupeau du Christ contre les dangers menaçants, qui ne trouvait pas toujours chez certains toute la compréhension et l'adhésion intime que l'on pouvait attendre d'eux.

5 Rom., 8, 6-7.

Maintenant que l'examen le plus minutieux a scruté à fond tous les actes et les vicissitudes de son Pontificat, maintenant qu'on connaît la suite de ces événements, aucune hésitation, aucune réserve n'est plus possible, et l'on doit reconnaître que même dans les périodes les plus difficiles, les plus dures, les plus lourdes de responsabilités, Pie X — assisté par son très fidèle Secrétaire d'Etat, la grande figure du Cardinal Merry dei Val — donna la preuve de cette prudence éclairée qui ne manque jamais aux saints, même lorsque, dans ses applications, elle se trouve en contraste douloureux mais inévitable, avec les postulats trompeurs de la prudence humaine et purement terrestre.

Avec son regard d'aigle plus perspicace et plus sûr que les courtes vues des myopes raisonneurs, il voyait le monde tel qu'il était, il voyait la mission de l'Eglise dans le monde, il voyait avec les yeux d'un saint Pasteur quel était son devoir au sein d'une société déchristianisée, d'une chrétienté infectée ou du moins menacée par les erreurs du temps et la perversion du siècle.

Illuminé des clartés de la vérité éternelle, guidé par une conscience délicate, lucide, d'une rigide droiture, il avait souvent sur le devoir présent, et sur les décisions à prendre, des intuitions, dont la parfaite rectitude déconcertait ceux qui n'étaient pas doués de semblables lumières.

Devant les menaces et les dangers, il témoignait d'un courage extraordinaire :

Par nature, personne de plus doux, de plus aimable que lui, personne de plus paternel. Mais, quand parlait en lui la voix de la conscience pastorale, plus rien ne comptait que le sentiment du devoir ; ce dernier imposait silence à toutes les considérations de la faiblesse humaine ; mettait fin à toutes les tergiversations, décrétait les mesures les plus énergiques, si pénibles qu'elles fussent à son coeur.

L'humble « curé de campagne », comme il a voulu parfois se qualifier lui-même, — et ce n'est pas le diminuer que de l'appeler ainsi, — face aux attentats perpétrés contre les droits imprescriptibles de la liberté et de la dignité humaines, contre les droits sacrés de Dieu et de l'Eglise, savait se dresser comme un géant dans toute la majesté de son autorité souveraine. Alors son

« non possumus » faisait trembler et parfois reculer les puissants de la terre, rassurant en même temps les hésitants et galvanisant les timides.

A cette force inébranlable de son caractère et de sa conduite, manifestée dès les premiers jours de son Pontificat, on doit attribuer la stupeur puis l'aversion de ceux qui voulurent faire de lui le signum cui contradicetur, révélant ainsi le fond obscur de leur âme.

Donc, point de prépondérance excessive de la force sur la prudence. Au contraire, ces deux vertus, qui donnent comme l'onction sacrée à ceux que Dieu choisit pour gouverner, furent chez Pie X équilibrées à tel point que, à l'examen objectif des faits, il apparaît aussi eminent dans l'une que sublime dans l'autre.

Cette harmonie des vertus, dans les hautes sphères de l'héroïsme n'est-elle pas la marque d'une sainteté accomplie ?

// laissa après lui des oeuvres durables :

Un homme, un pontife, un saint d'une telle élévation trouvera difficilement l'historien qui saura embrasser dans son unité sa grande figure et en même temps ses multiples aspects. Mais, même la simple et sèche énumération de ses oeuvres et de ses vertus — telle que Nous pouvons seulement la tenter en ce moment, dans des aperçus brefs et incomplets — suffit à causer la plus vive admiration.

De lui, on peut certainement dire que, dans tous les domaines auxquels il consacra son attention et son activité, il pénétra doué d'une intelligence claire, profonde et large, et d'une rare qualité de l'esprit qui le rendait également heureux dans l'analyse et puissant dans la synthèse, imprimant sur toutes ses oeuvres la marque de l'universalité, non moins que de l'unité, visant à tout récapituler et restaurer dans le Christ.

Il défendit avec zèle la foi :

Défenseur de la foi, héraut de la vérité éternelle, gardien des plus saintes traditions, Pie X révéla un sens très aigu des besoins, des aspirations, des énergies de son temps. Aussi a-t-il pris place parmi les plus glorieux Pontifes, fidèles dépositaires sur terre des clefs du Royaume des cieux, et auxquels l'humanité est débitrice de tout véritable avancement dans la voie droite du bien et de tout réel progrès.

Il se fit le promoteur des sciences sacrées et profanes :

Son zèle pour l'influence morale de l'Eglise a fait de lui un incomparable promoteur des sciences sacrées et profanes. Est-il nécessaire de rappeler la nouvelle impulsion donnée aux études bibliques ? L'efficace développement des études philosophiques et théologiques selon la méthode, la doctrine et les principes du Docteur Angélique ? Et dans le domaine des sciences humaines, faut-il mentionner la réorganisation de l'Observatoire astronomique ? Dans le domaine artistique, le renouveau de la musique sacrée, la réorganisation de la Pinacothèque ?

En particulier, il prit l'initiative de la rédaction du Code de Droit Canon publié après sa mort en ig%8.

Toutefois, il n'est pas un mécène étranger aux sciences et aux arts ou un pur théoricien, satisfait d'assigner simplement un but, de donner un ordre, et de laisser ensuite aux autres l'entière exécution. Son oeuvre, au contraire, apporte une contribution essentielle, elle donne une direction effective. S'abste-nant sagement d'inutiles minuties, il descend cependant jusqu'au concret et au détail, précisant avec exactitude et sens pratique la voie à suivre pour atteindre le but, facilement, rapidement, pleinement. C'est de la sorte qu'il travailla à la Codification du Droit Canon, qui peut être appelé le chef-d'oeuvre de son Pontificat. Dès le début il s'y décida avec le courage des grands, il affronta hardiment Y arduum sane munus et il s'y donna avec une assiduité infatigable.

Et bien qu'il ne lui ait pas été donné — pour reprendre les paroles de son Successeur Benoît XV6 — de mener au terme l'immense entreprise, lui seul toutefois doit être considéré comme l'auteur de ce Code (is tamen unus huius Codicis habendus est auctor) et son nom dès lors, être toujours exalté comme celui d'un des plus illustres Pontifes dans l'histoire du Droit Canon, à côté d'un Innocent III, d'un Honorius III, d'un Grégoire IX.

Il invita le clergé à mener une vie sainte :

Si dans chacune de ces entreprises, il est toujours mû par le zèle pour la gloire de Dieu et pour le salut, le progrès des

Cf. Allocution Consistor. du 4 décembre 1916, A. A. S., 8, 1916, p. 466.

i Heb., 5, 1.

8 Cf. Encyclique Acerbo nimis du 15 avril 1905.

âmes, avec quelle sollicitude dut-il s'occuper des pasteurs mêmes du troupeau sacré, puisque c'est d'eux que dépendent directement et immédiatement l'honneur de Dieu et la sanctification des âmes ?

Cela ressort de ses efforts constants pour doter l'Epouse du Christ d'un clergé dont la sainteté et la doctrine soient à la hauteur de sa sublime mission. Et qui pourrait relire sans émotion la paternelle Exhortation Haerent animo (4 août 1908) reflet très pur de son âme sacerdotale, le jour du jubilé de son ordination ?

Pénétré de la pensée de saint Paul, que le prêtre est constitué pour les hommes dans toutes les choses qui regardent Dieu ', il ne néglige rien de ce qui peut contribuer à un plus efficace exercice de ce sublime ministère.

Il veille à ce que l'instruction religieuse soit bien faite :

Avant tout, dans la diffusion d'une connaissance vive de la doctrine chrétienne. C'est ainsi qu'il promulgua de sages instructions pour en confirmer la nécessité, en déterminer l'objet, en établir la méthode 8. Cela ne suffit pas : lui-même veille à ce que soit composé un nouveau catéchisme pour adapter cet enseignement à tous les âges et à toutes les intelligences. Et cela ne lui suffit pas encore : certains dimanches il commente personnellement le saint Evangile du jour aux fidèles des paroisses de Rome. A bon droit, il fut donc appelé le Pape de la doctrine chrétienne.

Il appelle les laïcs à l'apostolat : ,,,1

Le vide désolant que l'esprit sectaire du siècle avait creusé autour du sacerdoce, il se hâta de le combler grâce à l'active collaboration des laïcs dans l'apostolat. En dépit des circonstances adverses, voire stimulé par celles-ci, Pie X prend soin, s'il n'en est pas précisément l'initiateur, avec de nouvelles directives, de la formation d'un laïcat fort dans la foi, uni avec une parfaite discipline aux différents grades de la Hiérarchie ecclésiastique. Et tout ce qu'on admire, aujourdhui, en Italie et dans le monde, dans le vaste domaine de l'Action Catholique, démontre

combien a été providentielle l'oeuvre de notre Bienheureux, qui reflète sur lui une lumière qu'il ne fut sans doute donné, durant sa vie, qu'à quelques-uns seulement de prévoir pleinement. Aussi les foules de l'Action Catholique, parmi les âmes élues qu'elles évoquent et vénèrent comme guides et promotrices de leur mouvement salutaire, doivent à juste titre placer le Bienheureux Pie X.

En Italie, il fixe les conditions de la participation des catholiques à la vie politique :

Un autre obstacle de la plus haute gravité s'opposait à la restauration d'une société chrétienne et catholique : c'est-à-dire d'une part, la division au sein même de la société, et d'une autre, la fracture qui séparait l'Eglise de l'Etat, particulièrement en Italie. Avec la clarté et la largeur de vue propres aux saints, il a su, sans permettre la plus petite atteinte aux principes immuables et inviolables, tracer les règles pour l'organisation d'une action populaire chrétienne, mitiger la rigueur du non expedit et préparer bien à l'avance le terrain pour la conciliation qui devait apporter la paix religieuse à l'Italie.

Il est surtout le Pape de l'Eucharistie :

Mais ce qui est surtout le propre de ce Pontife est d'avoir été le Pape de la sainte Eucharistie en notre époque. Là, l'harmonie et communion intimes de sentiments chez le Vicaire du Christ avec l'esprit même de Jésus resplendissent de reflets presque divins. Si Nous Nous taisions sur ce point, la foule des enfants d'hier et d'aujourd'hui, se lèverait pour chanter Hosanna à Celui qui sut abattre les barrières séculaires qui les tenaient éloignés de leur Ami des tabernacles. Ce n'est que dans une âme sagement candide et évangéliquement enJantine comme la sienne que pouvait trouver un ferme écho l'ardent soupir de Jésus : « Laissez venir à moi les petits enfants ! » et en même temps, la compréhension du si doux désir de ceux-ci d'accourir vers les bras ouverts du Rédempteur divin. Ce fut ainsi lui qui donna Jésus aux enfants et les enfants à Jésus. Si Nous le passions sous silence, les autels mêmes du Saint-Sacrement en parleraient pour attester la floraison exubérante de sainteté qui, par l'oeuvre de ce Pontife de l'Eucharistie, s'est épanouie en d'innombrables âmes, pour lesquelles la communion fréquente est désormais une règle fondamentale de perfection chrétienne.

Pie XII montre le rôle unique joué par Pie X dans la vie de l'Eglise ¦

Chers fils et filles ! Une heure de gloire passe sur nous en cette soirée lumineuse. C'est une gloire qui rejaillit directement sur le Pontificat romain, une gloire qui rayonne pour l'Eglise tout entière, une gloire qui enveloppe ici étroitement la tombe vénérée d'un humble fils du peuple que Dieu a élu, a enrichi, a exalté.

Mais avant tout c'est la gloire de Dieu parce qu'en Pie X se révèle le mystère de la sage et bienveillante Providence qui assiste l'Eglise et par elle, le monde, en toute époque de l'histoire. Que devait signifier, Nous demandions-Nous au début, le nom de Pie X ? Il Nous semble maintenant le voir clairement.

Par sa personne, et par son oeuvre, Dieu a voulu préparer l'Eglise aux nouveaux et durs devoirs qu'un avenir agité lui réservait. Préparer opportunément une Eglise unie dans la doctrine, solide dans la discipline, efficiente dans ses Pasteurs ; un laïcat généreux, un peuple instruit ; une jeunesse sanctifiée dès les premières années ; une conscience vigilante à l'égard des problèmes de la vie sociale. Si aujourd'hui l'Eglise de Dieu, loin de reculer devant les forces destructrices des valeurs spirituelles, souffre, combat et par vertu divine, progresse et rachète, cela est dû à l'action prévoyante et à la sainteté de Pie X. Il apparaît manifeste aujourd'hui que tout son Pontificat fut surnaturellement orienté selon un dessein d'amour et de rédemption pour disposer les esprits à affronter nos propres luttes et pour assurer nos victoires et celles des générations a venir.

Une prière ardente termine ce discours :

O Bienheureux Pontife, fidèle Serviteur de ton Seigneur, humble et sûr disciple du Maître divin, dans la douleur et dans la joie, dans les soucis et dans les sollicitudes, Pasteur expérimenté du troupeau du Christ, tourne ton regard vers nous qui sommes prosternés devant tes dépouilles virginales. Les temps où nous vivons sont ardus ; dures les peines qu'ils exigent de nous. L'Epouse du Christ, autrefois confiée à tes soins, se trouve de nouveau dans de graves tourments. Ses fils sont menacés pa* d'innombrables périls dans leur âme et leur corps. L'esprit du monde, comme un lion rugissant, rôde autour cherchant qui il puisse dévorer. Plus d'un devient sa victime. Ils ont des yeux et ne voient pas ; ils ont des oreilles et n'entendent point. Ils ferment leur regard à la lumière de la vérité éternelle ; ils écoutent les voix des sirènes insinuant des messages trompeurs. Toi qui fus ici-bas un grand inspirateur et guide du peuple de Dieu, sois notre aide et notre intercesseur et celui de tous ceux qui se proclament disciples du Christ. Toi dont le coeur se brisa quand tu vis le monde se précipiter dans une lutte sanglante, secours l'humanité, secours la chrétienté, exposée actuellement à de pareils dangers ; obtiens de la miséricorde divine le don d'une paix durable et, comme au début de celle-ci, le retour des esprits à ce sentiment de véritable fraternité qui seul peut ramener parmi les hommes et les nations la justice et la concorde voulues par Dieu. Ainsi soit-il 18

9 Cf. Décret sur l'héroïcité des vertus, 3 septembre 1050, A. A. S., XXXXII, 1950, 89S ; Décret sur les miracles, 11 février 1951, A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 138 ; Décret tuto, 4 mars 1951, A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 223 ; Bref apostolique proclamant Pie X «heureux, 3 juin 1951, A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 467.

ALLOCUTION A SON EXCELLENCE LE Dr MANUEL V. MORAN AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DES PHILIPPINES

(4 juin 1951) 1

Recevant en audience le premier ambassadeur des Philippinesa, M. le D' Manuel V. Moran3, le Saint-Père prononça l'allocution suivante :

Le début de la mission du premier ambassadeur que la République des Philippines, déjà près de son premier lustre d'existence, a envoyé au Saint-Siège, pour qu'il représente avec dignité et efficacité au centre du monde catholique les intérêts et les aspirations de cette noble nation, est un résultat caractéristique de l'évolution récente des temps, tout aussi évident si on le considère comme la conclusion logique des agitations passées, que si on désire l'envisager comme le commencement d'un avenir plein de promesses pour les plus hautes fins de la chrétienté et de l'humanité.

Si l'on jette un regard sur la carte de l'Asie du Sud et de l'Océanie, tout de suite sautent aux yeux le point vital du globe terrestre, où la Providence a placé son peuple catholique dans sa majorité, le champ de vie et d'action qu'elle lui a assigné au milieu de la communauté des peuples, en l'inondant de mille enchantements et mille richesses qui en arrivent à être comme

1 D'après le texte espagnol des A. A. S-, XXXXIII, 1951, p. 440.

2 Les Philippines, qui comptent près de 20 millions d'habitants dont 80 °/o sont de religion catholique, ont acquis leur indépendance le 4 juillet 1946.

3 Le Dr Manuel V. Moran est né à Bilanonan le 27 octobre 1893. Diplômé par l'Ecole de Droit de Manille en 1913, il devint Président de la Cour suprême en 1945. Il a publié des ouvrages juridiques.

4 Les Philippines comportent 7.000 îles, mais les 94 °/o de la population vivent dans ^r principales dont Luçon est la plus grande.

la caractéristique de cette nation éparpillée en milliers d'îles, toutes plus belles l'une que l'autre 4.

La naissance et le premier développement de la jeune indépendance philippine s'accomplissent donc en une zone et en une époque pleines d'agitation et de périls, capables de troubler jusqu'aux institutions d'Etat les plus anciennes et les mieux consolidées.

Aussi les dirigeants de cette République, avec une prudente résolution, veulent-ils renforcer les contacts avec le Siège de Pierre et, de ce fait même, avec ces énergies spirituelles qui s'efforcent sans cesse de trouver le chemin conduisant du choc destructeur des forces extérieures à la collaboration fraternelle dans le sincère esprit de compréhension mutuelle et de stricte justice.

Il y a longtemps que Nous suivons avec un réel intérêt et une participation paternelle le développement intérieur de ces îles lointaines et les événements extérieurs de ces territoires, dont les effets économiques, sociaux et spirituels ne peuvent faire moins que de se faire sentir, d'une manière positive ou négative, dans le développement et dans la prospérité de l'Etat.

Votre catholicisme, Monsieur l'Ambassadeur, n'est pas précisément d'hier, car, sans compter la visite à certaines de vos îles par le grand Apôtre de l'Orient, saint François-Xavier, il suffit de rappeler 1521 comme date de la première Messe célébrée sur votre territoire, et 1565 comme date de l'arrivée des premiers missionnaires permanents ayant à leur tête le grand Frère André de Urdaneta. A leurs efforts apostoliques dans un territoire où le zèle missionnaire des deux nations ibériques semblait s'unir de nouveau pour embrasser la terre, les fils de votre sol surent répondre d'une manière admirable et vous êtes aujourd'hui en Extrême-Orient une nation où prédomine le catholicisme. Aussi sommes-Nous bien sûr que nos chers fils et filles des Philippines — spécialement ceux qui ont été éduqués et formés dans l'esprit de la foi catholique et par cela même davantage tenus à la pleine conscience de leurs devoirs civiques — feront tout ce qui est en leur pouvoir pour introduire dans les bases d'un Etat, qui se trouve en une phase si importante de son développement, les garanties nécessaires qui doivent

5 Le Président de la République est depuis la fondation de celle-ci M. Elpidio Quirino, du parti libéral.

assurer à l'activité maternelle de l'Eglise l'indispensable liberté de mouvement dans le domaine de l'éducation, du soin des âmes de l'entretien du progrès social et de la conservation de l'idéal de la famille chrétienne dans toute sa splendide pureté.

Les expressions que Votre Excellence, Monsieur l'Ambassadeur, vient de Nous adresser, confirment Notre confiance d'avoir à Nos côtés, en Votre Excellence, un représentant de sa nation bien pénétré de la grandeur de sa charge, réellement inspiré de sentiments élevés, riche de connaissances et aux vues amples ; un représentant qui, dans toutes les manifestations de ses hautes fonctions, se laissera guider par la conviction que, parmi les valeurs spirituelles les plus précieuses de son peuple — si cher à vous et à Nous — la première place est occupée par la conservation et le développement de la foi.

Si cette base chrétienne, défendue contre les dangers et dans une liberté d'action aux possibilités illimitées, est maintenue comme elle doit l'être, jamais ne manqueront à son peuple — entouré certes de dangers, mais placé aussi dans une situation providentielle — les personnes qui sauront résoudre avec énergie, courage et esprit de sacrifice, tous les problèmes humains de la patrie en les rattachant d'une manière de plus en plus intime à tous les plus nobles et hauts intérêts de l'humanité.

Le chemin est long et difficile de l'obtention formelle de l'indépendance jusqu'à sa pleine application et à son développement réalisateur dans tous les secteurs de la vie d'une communauté libérée — dans l'esprit du christianisme — de toutes les impuretés que portent avec eux les égoïsmes individuel et collectif.

Que le Seigneur donne à tous ceux qui tiennent entre leurs mains le pouvoir, et sur les épaules desquels pèse la responsabilité, la clarté de vues, l'aspiration sincère, la volonté énergique, et l'esprit d'initiative courageuse et bien intentionnée qu'exigent impérieusement le caractère sérieux de leur charge et la gravite de l'heure.

Avec ce souhait dans le coeur et cette prière sur les lèvres, Nous envoyons à Son Excellence Monsieur le Président de la République5 — dont Nous Nous rappelons si agréablement la visite à Rome — Notre cordial salut. Et, tout en invoquant sur ses fonctions et celles de son Gouvernement et sur tout le cher peuple philippin, la protection du ciel, Nous souhaitons également à Votre Excellence la plus affectueuse bienvenue.

Nous désirons terminer en exprimant Notre plus fervente espérance que votre mission, Monsieur l'Ambassadeur, qui débute aujourd'hui si heureusement, puisse contribuer à ce que votre patrie, si éprouvée par les cruelles souffrances de la guerre, voie bientôt le jour où la « Croix du Sud » resplendira dans la limpidité du ciel philippin pour réjouir un peuple qui, dans la conscience sereine de sa propre valeur et de ses propres forces, confiant en la collaboration fraternelle de tous les hommes de bien — aussi bien à l'intérieur qu'au dehors des frontières — poursuit sa route avec assurance vers une nouvelle félicité, un progrès pacifique, et une prospérité authentique, de plus en plus grands.


PieXII 1951 - ALLOCUTION A L'OCCASION DE LA BÉATIFICATION DU R. P. JULIEN MAUNOIR S. J.